SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 12 mai 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la treizième réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Nous sommes le 12 mai.
Nous entendrons deux témoins dans le cadre de la première partie de notre réunion, soit jusqu'à 13 heures. Les témoins auront une heure pour nous parler, après quoi, nous poursuivrons à huis clos pour l'examen des travaux du comité.
Sans plus tarder, cédons la parole à nos témoins, Hilary Homes, responsable de la campagne, Justice internationale, sécurité et droits de la personne, pour Amnistie internationale, et Kathy Vandergrift, présidente du conseil d'administration de la Coalition canadienne pour les droits des enfants.
Avant de commencer, j'aimerais rappeler à nos membres que nous avons adopté à notre dernière réunion une motion selon laquelle le premier tour ainsi que les suivants dureront cinq minutes. Cela ne sera peut-être pas nécessaire aujourd'hui; tout dépendra du nombre de membres présents pour cette portion de la réunion. À moins d'avis contraire, c'est la règle que nous allons suivre.
Mesdames, nous vous écoutons.
Je suis heureuse que vous me donniez l'occasion de clarifier notre position et d'exprimer nos inquiétudes par rapport à Omar Khadr.
Les cas de ce genre sont nombreux à Guantanamo Bay et dans d'autres établissements de détention dans le contexte de ce qu'on appelle la guerre au terrorisme. Amnistie internationale n'est pas la seule organisation à croire que la prison de Guantanamo Bay a été créée de façon illégale et continue à fonctionner de la sorte, contrevenant tant aux lois internationales en matière de droits de la personne qu'aux lois américaines.
Plusieurs gouvernements, y compris des alliés des États-Unis, ont critiqué les conditions de détention de Guantanamo Bay et ont obtenu le rapatriement de leurs citoyens voilà quelques années déjà. Amnistie internationale a réclamé à maintes reprises la fermeture du centre de détention de Guantanamo. Les détenus devraient être libérés à moins d'être accusés d'infractions criminelles reconnaissables, auquel cas ils devraient avoir droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial, comme un tribunal fédéral des États-Unis. Dans les cas où les détenus risquent d'être torturés ou de subir d'autres violations graves des droits de la personne s'ils sont renvoyés dans leur pays d'origine, une autre solution doit être envisagée.
C'est dans ce contexte qu'Amnistie internationale a soulevé le cas d'Omar Khadr auprès des gouvernements canadiens qui se sont succédé, par des lettres aux ministres, des communiqués dans les médias et une campagne de sensibilisation du public, depuis la capture de Khadr, alors âgé de 15 ans, à l'été 2002, et sa détention initiale et son interrogatoire à la base aérienne de Bagram en Afghanistan.
J'ignore quelles garanties le gouvernement canadien actuel et ceux qui l'ont précédé ont acceptées de leurs homologues américains, mais je suis persuadée qu'elles ne tiennent plus à grand-chose aujourd'hui. Le traitement réservé aux détenus de Guantanamo Bay n'est tout simplement pas humain. Même le Comité international de la Croix-Rouge a brisé son silence habituel pour dénoncer les conditions de détention à Guantanamo et a exprimé ses craintes par rapport aux répercussions qu'une détention indéfinie pourrait avoir sur la santé des détenus. Le comité international a aussi indiqué explicitement qu'il considérait que Guantanamo n'était pas un endroit approprié pour détenir des mineurs.
À la Chambre des communes récemment, le ministre des Affaires étrangères, après avoir réitéré la position que maintient le gouvernement depuis un bon moment, selon laquelle il serait prématuré de demander la libération d'Omar Khadr étant donné les procédures judiciaires en cours et les processus d'appel qui ont été entamés, a déclaré ce qui suit: « Nous faisons en sorte de nous assurer que les procédures judiciaires suivent leurs cours ». Cette citation est tirée du Hansard et date du 30 avril 2008. Sauf votre respect, j'estime qu'il n'y aura pas de justice pour Omar Khadr tant qu'il sera détenu à Guantanamo Bay. Les États-Unis n'ont jamais traité Omar Khadr conformément aux lois internationales et ont même transgressé les protections spéciales accordées aux enfants placés en détention et impliqués dans des conflits armés.
Le centre de Guantanamo est administré selon un régime extrêmement coercitif, dans le cadre duquel les détenus sont gardés pendant un nombre indéterminé d'années dans des conditions très difficiles. On bafoue systématiquement le droit à la présomption d'innocence des détenus, en s'appuyant uniquement sur une déclaration officielle à propos de leur culpabilité présumée.
Il convient de noter que l'ancien procureur en chef des commissions militaires, le colonel Morris Davis, a démissionné de son poste le 4 octobre 2007, après être arrivé à la conclusion qu'il était impossible de tenir des procès en règle, ouverts et équitables dans les limites du système actuel, qui est devenu profondément politisé.
Amnistie internationale ne prétend pas que les personnes actuellement détenues à Guantanamo ne peuvent pas subir de procès. Nous croyons par contre que le système des commissions militaires ne permet pas la tenue de procès équitables en fonction des normes internationales en matière de droits de la personne. Ce système fait partie d'un régime de détention élaboré par les autorités américaines afin d'éviter que les agissements du gouvernement à l'égard des détenus, à qui on refuse notamment la protection fondamentale d'un bref d'habeas corpus, ne fassent l'objet d'un examen judiciaire indépendant.
C'est à la suite d'une requête d'habeas corpus déposée contre la commission militaire originale que la Cour suprême des États-Unis a déclaré le système illégal. En réponse à la décision rendue dans l'affaire Hamdan, le gouvernement américain a adopté la Military Commissions Act en 2006, interdisant aux tribunaux fédéraux des États-Unis d'accepter des appels d'habeas corpus de quatre ressortissants détenus en tant que combattants ennemis présumés.
Les commissions militaires actuelles ne satisfont pas aux normes internationales à bien des égards. Je n'en nommerai que quelques-uns.
Pour être cité à procès en vertu de la Military Commissions Act, il faut être considéré comme un combattant ennemi étranger illégal, un statut non reconnu par les lois internationales. Notons que des civils détenus en dehors des zones de conflit armé sont au nombre des personnes qui devront subir un procès. Il est contraire aux normes internationales d'utiliser les tribunaux militaires pour faire le procès de civils dans une telle situation.
Les commissions militaires manquent également de distance par rapport à l'autorité exécutive. Elles pourraient accueillir des renseignements obtenus de façon cruelle et inhumaine ou permettre des traitements et des châtiments dégradants. Le fait que la définition de « torture » de l'administration américaine ne cadre pas avec celle des lois internationales, notamment la Convention contre la torture, pourrait signifier que l'information obtenue par la violence pourrait être retenue comme élément de preuve.
Les détenus ne sont par ailleurs pas assurés d'obtenir un procès dans un délai raisonnable.
Le droit pour les détenus d'être représentés par l'avocat de leur choix est limité. Les règles en matière de preuve par commune renommée et de renseignements classifiés peuvent gravement réduire la capacité des défendeurs de contester les accusations portées contre eux par le gouvernement. Le droit d'appel se limite, essentiellement, aux questions de droit et non aux faits. Bien sûr, les commissions militaires s'appliquent uniquement aux détenus qui n'ont pas la citoyenneté américaine et sont ainsi discriminatoires.
Finalement, les détenus peuvent se voir infliger la peine de mort à l'issue d'un procès inéquitable.
De plus, en n'exemptant pas les enfants de la compétence des commissions militaires, la Military Commissions Act va à l'encontre du principe 7 du Projet de principes des Nations Unies sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires. Le principe 7 se lit comme suit:
Les mineurs, relevant de la catégorie des personnes vulnérables, ne doivent être poursuivis et jugés que dans le strict respect des garanties prévues par la Convention relative aux droits de l'enfant et par l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing). En aucun cas, ils ne devraient, par conséquent, être soumis à la compétence des juridictions militaires.
Vous trouverez cette citation dans le rapport présenté par le rapporteur spécial sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires, paru en janvier 2006.
Comme le savent sans doute les membres du comité, aucun tribunal international n'a jamais engagé de poursuites contre un enfant pour crime de guerre, ce qui témoigne bien du fait largement reconnu que le recrutement et l'utilisation d'enfants dans le cadre de conflits armés constituent une grave violation des droits de la personne. Les États-Unis et le Canada ont tous deux ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. L'élément central du protocole facultatif est la condamnation de l'utilisation des enfants combattants ainsi que l'obligation pour les États de fournir aux enfants immobilisés toute l'aide appropriée pour favoriser leur rétablissement physique et psychologique de même que leur réinsertion sociale.
On peut par ailleurs lire ce qui suit dans les Principes de Paris et les lignes directrices sur les enfants associés à des forces armées ou à des groupes armés:
Les enfants accusés d'avoir commis des crimes de droit international alors qu'ils étaient associés à des forces armées ou à des groupes armés doivent être considérés principalement comme les victimes d'atteintes au droit international, et non pas seulement comme les auteurs présumés d'infractions. Ils doivent être traités d'une façon conforme au droit international, dans un cadre de justice réparatrice et de réinsertion sociale...
Le Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, dans son observation générale no 10 sur les droits de l'enfant dans le système de justice pour mineurs — les membres du comité ont reçu une copie du document en question —, a souligné que les règles de la justice pour mineurs doivent s'appliquer à tous les individus qui avaient moins de 18 ans au moment où ils ont commis l'infraction qui leur est imputée. Cela inclut les mesures à prendre pour favoriser leur réinsertion dans la société. La détention doit n'être qu'une solution de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible. Toute privation de liberté doit être portée devant un tribunal légitime sans tarder.
Après presque six ans, Omar Khadr attend toujours d'avoir la possibilité de contester la légalité de sa détention. Durant ses premières années d'incarcération, Omar Khadr n'a pas eu accès aux conseils d'un avocat. Au lieu de lui accorder des protections spéciales au moyen de personnel formé dans l'administration du système de justice pour mineurs, on a exploité son jeune âge en lui faisant subir des interrogatoires coercitifs et en le gardant en détention sans contact avec l'extérieur.
Lorsque le procès mené à l'étranger satisfait aux normes internationales, il peut être compréhensible que l'on n'intervienne pas au nom du citoyen canadien pendant les procédures. Mais ce n'est tout simplement pas le cas ici. Le fait de continuer à suivre le processus des commissions militaires et à y participer, avant et au moment d'interjeter appel, ne fait qu'appuyer un système inéquitable et vient, en fin de compte, miner les normes internationales en matière de droits de la personne, notamment la Convention relative aux droits de l'enfant et le Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.
Le Canada se fait le champion des droits de la personne depuis trop longtemps pour créer un précédent aux dépens d'un de ses propres citoyens. Comme les États-Unis n'ont apparemment pas l'intention de transférer le dossier à un tribunal civil américain, le gouvernement canadien devrait tout mettre en oeuvre pour protéger Omar Khadr en demandant son rapatriement et, si l'on dispose de suffisamment de preuves admissibles, prendre les dispositions nécessaires pour que son procès ait lieu au Canada. Ce procès devra être conforme aux normes internationales et l'on devra tenir pleinement compte de l'âge de Khadr au moment des infractions qu'on lui reproche et du rôle qu'ont joué les adultes dans son implication, en tant qu'enfant, dans le conflit armé en Afghanistan.
Conformément à l'approche adoptée auprès des autres enfants combattants démobilisés partout dans le monde, la priorité doit être accordée à sa réadaptation et sa réinsertion dans la société canadienne.
Merci.
Merci de cette invitation.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que présidente de la Coalition canadienne pour les droits des enfants, mais je tiens à souligner que j'ai également été membre du conseil d'administration de la Coalition pour mettre fin à l'utilisation d'enfants soldats. J'ai par ailleurs été coordonnatrice du groupe de travail sur les enfants et les conflits armés au moment de l'adoption du Protocole facultatif concernant l'implication des enfants dans les conflits armés. J'ai aussi été coprésidente du groupe de la société civile lors de la première conférence internationale sur les enfants touchés par la guerre, tenue à Winnipeg en 2000, et dans le cadre de la séance spéciale des Nations Unies sur les enfants en 2002.
À titre de cofondatrice de la Watchlist on Children and Armed Conflict, un groupe de surveillance international, j'ai participé au processus ayant mené à l'établissement des six résolutions du Conseil de sécurité concernant les enfants et les conflits armés.
Cela fait donc dix ans que je travaille sur cette problématique et que je m'efforce d'améliorer la protection des droits des enfants touchés par la guerre.
C'est en misant sur le bagage ainsi accumulé que j'aimerais vous présenter trois points à considérer aujourd'hui. Le premier porte sur les meilleurs intérêts de l'enfant.
Dans toutes les mesures que nous prenons à l'égard des enfants, il nous faut d'abord et avant tout veiller aux meilleurs intérêts de ceux-ci. Ce principe fondamental de la Convention relative aux droits de l'enfant est repris dans le Protocole facultatif concernant l'implication des enfants dans les conflits armés, deux documents qui ont été ratifiés par le Canada. C'est primordial lorsque l'on doit traiter avec des enfants soldats. Le terme « enfant soldat » ne s'applique pas uniquement à ceux qui se battent au front. Il désigne également les personnes de moins de 18 ans qui sont associées à des forces armées, qu'elles travaillent comme porteurs, espions ou capitaines de première ligne.
Omar Khadr fait clairement partie de ce groupe. Votre examen de la situation devrait être axé sur les meilleurs intérêts de l'enfant, puisqu'il avait moins de 18 ans au moment où il était associé à des groupes de combat.
Rien n'indique que les politiques actuelles du Canada tiennent compte de ce principe. En novembre, le gouvernement a répondu à un rapport du Sénat sur les droits de l'enfant en affirmant que l'on évaluait toutes les politiques liées aux enfants pour veiller à ce qu'elles soient conformes aux obligations du Canada en vertu de la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce comité pourrait demander une copie de l'évaluation qui a été faite pour vérifier si la position que le Canada a adoptée face au cas d'Omar Khadr est conforme au principe des meilleurs intérêts de l'enfant, auquel le Canada adhère.
J'aimerais souligner que toute évaluation fondée sur les meilleurs intérêts de l'enfant, de même que le protocole facultatif et les résolutions applicables du Conseil de sécurité, préconiserait l'établissement d'un plan de réadaptation et de réinsertion sociale.
L'article 6 du protocole facultatif indique, et je cite, que « Les États Parties prennent toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les personnes relevant de leur compétence qui sont enrôlées ou utilisées dans des hostilités en violation du présent Protocole soient démobilisées ou de quelque autre manière libérées des obligations militaires. » Et, l'extrait le plus important: « Si nécessaire, les États Parties accordent à ces personnes toute l'assistance appropriée en vue de leur réadaptation physique et psychologique et de leur réinsertion sociale. »
Cette approche permettrait de veiller aux meilleurs intérêts d'Omar Khadr, un enfant canadien qui a été enrôlé dans une force combattante. Il demeure un citoyen canadien.
Mais voyons un peu le principal argument a invoqué par le gouvernement pour justifier son attitude dans cette affaire — les relations diplomatiques avec les États-Unis. Un élément à considérer, c'est vrai. Les États-Unis ont adopté le protocole facultatif concernant les enfants soldats, même s'ils n'ont jamais ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. Fait important à savoir, car cela signifie qu'il s'agissait d'une décision politique tout à fait délibérée de la part des États-Unis.
L'article 7 du protocole facultatif engage les États à aider les autres parties à remplir leurs obligations. Si le Canada demandait le rapatriement d'Omar Khadr et qu'il prévoyait un plan de réadaptation pour ce ce dernier, il aiderait les États-Unis à observer les engagements qu'ils ont pris, tout en respectant les siens.
J'aimerais également que vous teniez compte des meilleurs intérêts du Canada, y compris des forces militaires canadiennes. Les soldats canadiens n'aiment pas rencontrer des enfants soldats quand ils sont déployés.
Le ministère de la Défense nationale ne s'est pas montré très en faveur de la loi contre les enfants soldats lorsque nous en avons discuté et lorsqu'elle a été adoptée. Mais de nombreux militaires, particulièrement parmi ceux qui ont vu des enfants soldats à l'oeuvre, que ce soit en Afghanistan ou au Congo, souhaitent désormais qu'elle soit maintenue. Il n'est pas dans leur meilleur intérêt de miner les efforts qui ont été faits à ce jour.
Du point de vue des communautés canadiennes, la norme en matière de bonnes pratiques est d'assurer un plan de réadaptation et de réinsertion sociale de l'enfant en fonction de sa situation particulière et du contexte. Ce genre de plan combine un traitement intensif à court terme et un soutien communautaire à long terme.
Les recherches ont montré qu'il est préférable de munir les enfants soldats d'un plan de réadaptation et de réinsertion sociale à leur retour. Même s'il s'agit d'un domaine relativement récent, des normes commencent à s'établir à cet égard. Si vous voulez une ressource facile à consulter, je vous suggère le livre Child Soldiers, du Dr Mike Wessells, un pédopsychologue qui a conçu et mis en oeuvre, dans le cadre de son travail pour le Christian Children's Fund, des programmes alliant des traitements socio-psychologiques, de l'éducation et une formation procurant un revenu. Il a également de l'expérience avec des programmes menés en Afghanistan.
Cette problématique n'a pas à devenir une question partisane pour le Canada. Les autres États participants et le public ont applaudi fortement l'initiative du Canada, qui a été le premier pays à adopter le protocole facultatif. En 2007, sous le régime du gouvernement actuel, le Canada et 40 autres pays ont ratifié les Principes de Paris — Principes directeurs relatifs aux enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés. L'article 7 de ce document prévoit que les enfants capturés par un groupe armé ennemi doivent conserver leurs droits de la personne en tant qu'enfants et ne doivent en aucun cas être soumis à la torture ou à tout autre traitement cruel et inhumain. Il indique également que toutes les mesures doivent être prises pour favoriser leur réadaptation physique et psychologique ainsi que leur réinsertion sociale.
L'article 3 énonce, comme Hilary l'a mentionné, que les enfants accusés de crimes devraient être considérés avant tout comme des victimes, et que des poursuites criminelles devraient être intentées contre ceux qui recrutent des enfants. À l'article 3.7, il est précisé que l'on doit recourir, chaque fois que possible, à des méthodes autres que les poursuites judiciaires. Cette approche cadre avec les normes de bonnes pratiques en ce qui a trait au système judiciaire pour mineurs au Canada, comme Hilary l'a également mentionné.
Comme troisième point à considérer, il y a les meilleurs intérêts du monde entier relativement à la paix et à la sécurité. J'aimerais attirer votre attention sur les six résolutions du Conseil de sécurité qui stipulent que la protection des droits des enfants impliqués dans des conflits armés est une question de paix et de sécurité internationales. Il s'agit des résolutions 1261, 1314, 1379, 1460, 1593 et 1612, adoptées entre 1999 et 2005.
Le Canada a collaboré à l'élaboration de ces résolutions et a donné son appui à chacune d'entre elles, toutes plus rigoureuses que celles les ayant précédées. Elles préconisent toutes la réinsertion sociale des anciens enfants soldats et la mise en accusation de ceux qui enrôlent des enfants et qui abusent de ces derniers. Ce sont les mesures que mettent de l'avant les résolutions du Conseil de sécurité. La dernière résolution, la résolution 1612, prévoit la mise en oeuvre de mécanismes d'application bien précis, car le Conseil de sécurité était très inquiet de voir que l'on continuait de commettre des violations, et il était déterminé à faire respecter les règles et à mettre un terme aux plus flagrantes des violations, y compris l'utilisation d'enfants soldats.
Donc, ce que nous demandons au Canada, nous le demandons aussi aux autres pays. Si le Canada ne suit pas les résolutions du Conseil de sécurité, pourquoi les autres devraient-ils le faire? On demande aux autres pays de reprendre les jeunes gens qui ont commis des crimes en tant qu'enfants soldats et de veiller à leur réinsertion sociale, et ils le font. Cela n'a pas été fait dans certains cas et les jeunes gens ont joint les rangs d'autres forces armées, créant ainsi de l'instabilité partout. Il s'agit d'une question de sécurité.
Finalement, si le Canada veut avoir une politique étrangère uniforme, intégrée et fondée sur les principes, il lui faut revoir sa position au sujet d'Omar Khadr. Le Canada appuie des programmes en Colombie et dans le Nord de l'Ouganda pour aider à la réinsertion sociale des jeunes qui ont également été associés à des groupes classés comme des organisations terroristes. L'acceptation de ces jeunes gens au sein des collectivités est aussi difficile là-bas qu'elle peut l'être au Canada. Mais tous ces efforts ne valent rien si le Canada ne fait pas la même chose lorsque l'enfant en question est de citoyenneté canadienne.
Nous avons des lettres de l'ancien ministre des Affaires étrangères, Peter MacKay; du ministre actuel, Maxime Bernier; de l'ancienne ministre du Développement international, Josée Verner; et de la ministre actuelle de la Coopération internationale, Bev Oda. Ils nous ont tous affirmé que la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité et des autres politiques sur les enfants et les conflits armés demeurent une très grande priorité pour le Canada. Il est donc essentiel d'appliquer chez nous des politiques dont nous faisons la promotion ailleurs dans le monde.
Le cas d'Omar Khadr n'a rien d'unique ni d'exceptionnel. C'est plutôt un indicateur de l'état des choses. La façon dont on traite la situation aura de sérieuses répercussions sur l'avenir des lois internationales que beaucoup de Canadiens ont travaillé très fort à mettre en place. Cette affaire attire de plus en plus l'attention du monde entier et pourrait bien venir miner tous les efforts déployés par le Canada et les Canadiens pour protéger les droits des enfants. Dans quelques semaines, un nouveau rapport mondial sur les enfants soldats sera publié. On a fait quelques progrès à cet égard. Le cas d'Omar Khadr sera probablement cité comme un événement qui nuira peut-être aux réalisations passées. En modifiant sa politique avant la publication de ce rapport, le Canada ferait montre de leadership et inciterait les autres pays à protéger les droits des enfants impliqués dans des conflits.
Finalement, je rappellerai au comité que la mise en oeuvre des résolutions du Conseil de sécurité est largement considérée comme un premier pas vers la prise des responsabilités liées à la protection des enfants, une orientation politique appuyée par tous les partis et la population canadienne. C'est donc une question très importante que vous devez étudier. Le Canada a le choix: il peut miner les progrès réalisés en matière de protection des enfants, ou il peut faire preuve de leadership dans le meilleur intérêt des enfants, des militaires, du système de justice pour les jeunes au Canada, de même que de la paix et de la sécurité dans le monde. Élaborer un plan de réinsertion sociale et demander aux États-Unis de rapatrier Omar Khadr demeure la meilleure façon pour les deux pays de respecter les engagements qu'ils ont pris à l'égard des enfants, ainsi que de contribuer à la paix et à la sécurité mondiales.
Merci.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Ils font partie d'organisations très respectées. Je connais un peu mieux Amnistie internationale, puisque j'en suis membre. J'appuie le travail que fait Amnistie internationale pour la protection des droits de l'homme à l'échelle internationale.
Nous avons entendu que le Canada avait signé et ratifié plusieurs traités internationaux importants relativement aux droits de l'enfant. Je crois que nous devons réaliser que le Canada a l'obligation de veiller à remplir les engagements qu'il a pris. Les États-Unis n'ont pas ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant. Je crois que c'est le seul pays, avec la Somalie, à ne pas l'avoir fait. Il n'en demeure pas moins que les États-Unis ont des obligations à cet égard, puisqu'ils ont tout de même signé la convention.
La plupart d'entre nous conviendront que la situation à Guantanamo déborde du cadre des lois internationales. Nous avons affaire à un enfant soldat qui est le seul enfant du monde occidental à être encore détenu là-bas. J'estime que nous devons remplir les obligations qui nous incombent dans le cadre de traités internationaux. Les Principes de Paris dépeignent les enfants soldats comme des victimes, et je crois que c'est de cette façon que nous devons voir les choses.
Comment pouvons-nous inciter le gouvernement à assumer ses obligations positives à cet égard? Il est légalement tenu de le faire s'il veut respecter ses engagements internationaux. Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet?
À notre avis, il faut notamment reconnaître les manques du système des commissions militaires. Tant et aussi longtemps que l'on traitera ce processus comme un tribunal légitime, ce sera très problématique. Et dans ce contexte, il faut bien sûr tenir compte des obligations selon lesquelles on ne peut recourir à des procédures juridiques qu'en dernier ressort dans le cas des enfants soldats. En fait, les États n'ont jamais agi ainsi auparavant. C'est l'une des principales choses à changer à l'heure actuelle.
Je ne sais pas si Kathy aimerait ajouter quelque chose au sujet des droits de l'enfant.
Merci.
Nous avons évidemment envoyé des lettres à cet effet et nous tentons de dialoguer avec le gouvernement à ce sujet. Je crois qu'une meilleure communication serait bénéfique. Nous avons l'impression que le gouvernement hésite à aborder la question; je comprends toutefois qu'il faut tenir compte de l'aspect sécurité.
Un meilleur dialogue permettrait également d'explorer d'autres options, et je crois que c'est important de le faire. Ailleurs dans le monde, on a trouvé des solutions de rechange. Nous avons collaboré avec d'autres pays afin de réintégrer des enfants soldats dans la société. Nous avons d'ailleurs eu le privilège de travailler avec certains de ces jeunes. Vous avez peut-être rencontré Ishmael Beah, un ancien enfant soldat qui est arrivé au Canada du Sierra Leone et qui dirige des initiatives partout dans le monde.
Il existe une autre voie. C'est utile pour le débat public. Plus nos député discuteront des autres choix qui s'offrent à nous, plus ce sera constructif. Il faut éviter de voir la situation avec des oeillères; il faut en parler.
Je crois que vous nous avez toutes les deux bien expliqué ce qui pose problème, alors je crois que je vais céder la parole au prochain intervenant.
Merci, monsieur le président.
Merci, mesdames, de vos témoignages qui éclairent un peu plus ces questions qui me préoccupent.
Vous savez que le cas d'Omar Khadr m'interpelle et me préoccupe beaucoup. Il s'agit d'un enfant soldat. J'aimerais mentionner, comme l'a fait M. Kuebler, son avocat, lors de son témoignage, que les enfants ne sont jamais des soldats. Ce sont des enfants qui sont illégalement exploités par ceux qui les mènent sur la route du danger.
Après avoir entendu les témoignages de différents experts, je me sens encore plus préoccupée par l'inaction du gouvernement canadien qui, à ce jour, n'a pas fait de demande de rapatriement d'Omar Khadr. De plus, je rappelle que le Canada est le premier pays à avoir ratifié en 2000 le protocole facultatif rattaché à la Convention internationale relative aux droits de l'enfant concernant la participation des enfants aux conflits armés, entre autres. Je me demande aussi pourquoi le Canada est actuellement le seul pays occidental qui n'ait pas insisté pour que son ressortissant détenu à Guantanamo soit renvoyé au Canada pour y être jugé. Je pense que la loi canadienne est en mesure, en toute légitimité, d'assurer un procès correct à Omar Khadr.
De plus, les États-Unis — je me réfère à un rapport transmis par les Nations Unies et remis en 2007 en vertu du protocole — ont déclaré qu'ils s'engageaient à employer des moyens de réinsertion efficaces pour régler le problème des enfants soldats, et qu'ils faisaient leur le principe selon lequel la réunion des familles et la réinsertion communautaire est à la fois un objectif et un processus de guérison pour les enfants soldats. Cet engagement des États-Unis est contenu dans un rapport remis en 2007 aux Nations Unies.
Je me demande ce qui empêche le gouvernement américain de faire des démarches pour améliorer le traitement de cet enfant. En effet, il est toujours comme un enfant à mes yeux. Il est incarcéré depuis l'âge de 15 ans à Guantanamo. Depuis combien de temps est-il là? Plusieurs années. Il est là depuis tout ce temps, il a besoin de soutien. Il est difficile pour nous de savoir de quelle façon il est traité. Je me demande pourquoi ça n'avance pas. Veut-on en faire un modèle? Veut-on se servir du cas de Khadr pour montrer comment purifier les péchés de l'humanité? Je ne sais pas. Je vous laisse me faire part de votre opinion.
[Traduction]
Je vais commencer.
Pour ce qui est de déterminer s'il pourrait subir un procès devant un tribunal canadien, je recommanderais au comité de s'adresser à Craig Forcese, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, qui a fait une étude approfondie sur le système juridique canadien et qui a établi quel type de procès et quelles lois s'appliqueraient. C'est un rapport d'environ 150 pages.
En ce qui a trait aux engagements pris par les États-Unis, dans le cadre du protocole facultatif, d'assurer la réinsertion sociale des enfants, ainsi qu'aux incongruités qu'on observe par rapport au traitement des enfants soldats... Même quand on regarde ce qui se passe à Guantanamo, on se rend compte que tout le monde n'est pas traité également et que le cas de Khadr, comme certains autres, est traité comme une exception. De 18 à 20 détenus de Guantanamo avaient moins de 18 ans quand ils ont été capturés, et on semble avoir établi une ligne de démarcation à 15 ans pour le transfert. C'est intéressant, parce qu'Omar n'a pas été transféré avant l'âge de 16 ans.
Un groupe de jeunes étaient détenus dans un endroit appelé « Camp Iguana » et ils ont été traités très différemment d'Omar Khadr et d'autres détenus, dont un autre jeune qui devait également subir un procès devant une commission militaire. C'est vrai qu'ils ont été interrogés; on les a traités comme des sources de renseignements, mais leur détention intégrait certains des principes de la réinsertion sociale.
Je ne suis cependant pas prête à dire que Guantanamo est un exemple de la façon de composer avec des mineurs, mais on peut voir que la situation n'est pas juste et uniforme pour tout le monde. Il est important de le souligner, car cela démontre que les États-Unis ont reconnu certaines de leurs obligations en vertu des lois internationales et qu'il faut adapter ses méthodes dans le cas des enfants capturés dans le contexte d'un conflit armé. Pourtant, Omar et d'autres détenus n'ont eu droit à aucune protection.
Quant à savoir pourquoi les choses se passent de cette façon, bien des théories peuvent être évoquées. Cela semble certainement étrange quand on compare ce procès aux circonstances particulières de certains autres détenus. Disons qu'il y a tout un contraste dans le niveau de responsabilité qu'on leur attribue par rapport aux événements qui ont suivi le 11 septembre 2001.
En fin de compte, il faut voir Omar Khadr comme une personne et non pas comme le représentant des membres de sa famille ou des membres de l'organisation à laquelle il était associé. Il doit être considéré comme un enfant impliqué dans un conflit armé et être traité conformément aux lois applicables; ce n'est toutefois pas ce qui se passe. Même si d'un côté on peut comprendre les raisons entourant les décisions qui ont été prises, d'un autre côté, ce n'est tout simplement pas acceptable. Il faut que ça change.
Désolé, madame Vandergrift, ce n'est pas de votre faute, mais la question était très longue. Nous arrivons presque à sept minutes. Vous pouvez certainement y répondre, mais je vous demanderais d'être brève.
Très bien, je vais seulement ajouter un détail.
J'ai fait partie du groupe qui a aidé à renvoyer certains de ces jeunes de Guantanamo vers d'autres pays, et nous nous sommes entendus sur la nécessité de trouver une façon de les rapatrier. C'est un problème complexe, et régler ces dossiers n'est pas une tâche facile. Je ne veux sous-estimer personne, mais nous avons certainement, au Canada, les ressources nécessaires pour agir, et nous devrions les mettre en oeuvre.
Je vous remercie toutes les deux d'être ici et de nous présenter un point de vue différent.
L'une des choses auxquelles notre gouvernement ne s'est pas beaucoup attardé, c'est de savoir ce que nous ferons de ce jeune homme une fois qu'il sera rentré au pays. C'est d'une importance cruciale. Lorsqu'on regarde l'histoire du Canada, depuis le procès de Nuremberg, et la façon dont l'ensemble de la société a tenté depuis cette époque de résoudre le problème des enfants soldats dans les forces armées, dont vous avez parlé... Je discutais avec un homme, à Hamilton, il y a quelques semaines, et il me disait que dans le feu de l'action, lorsqu'on se retrouve face à un enfant, on a un moment d'hésitation, mais on doit réagir.
Tout à l'heure, vous avez dit que ce garçon avait 13 ou 14 ans lorsqu'il a quitté le pays pour suivre son père — comme je l'ai affirmé plusieurs fois — en fils obéissant. Mais dans une certaine mesure, il semble que les États-Unis, et peut-être même le Canada, le punissent pour les fautes de son père. Cela porte atteinte à la réputation du Canada dans le monde... Nous avons ici une occasion de la préserver, car depuis les événements du 11 septembre, beaucoup de questions — aux États-Unis et au Canada — ont été soulevées à propos des droits qui ont été sacrifiés à cause de ces attentats et de l'intensité du moment. Maintenant, avec le recul, nous pouvons voir cela plus clairement.
Ma question est la suivante: que pensez-vous de ce cas précis et de la façon dont le Canada gère la situation, et en quoi cela pourrait constituer un précédent à l'échelle mondiale, un précédent néfaste?
Je vous remercie de cette question.
C'était l'un de mes arguments, et j'exhorte le comité à y réfléchir sérieusement.
Ce n'est pas un cas exceptionnel. On en parle partout dans le monde en disant que cela compromet les progrès réalisés. Je vais répéter ce que j'ai dit tout à l'heure: si le Canada ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et du protocole facultatif, comment pouvons-nous demander aux autres pays de le faire? Cela constitue un précédent. On en parlera dans le rapport mondial sur les enfants soldats, comme on l'a déjà fait dans le dernier rapport sur l'implication des enfants dans les conflits armés du représentant spécial du Secrétaire général; et on le mentionnera de nouveau au Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. À chaque fois, le Canada sera cité.
Cela peut avoir des répercussions mondiales. Nous pouvons créer un précédent.
J'aimerais également que le comité se penche sur l'exemple positif que nous pourrions donner, même à une étape aussi tardive. Si nous décidions de faire quelque chose maintenant, nous pourrions renverser la vapeur, faire preuve de leadership et, comme je le disais, aider également les États-Unis à remplir les engagements pris dans le cadre du protocole facultatif. Il n'est pas trop tard pour créer un précédent positif.
J'aimerais simplement ajouter que le prix de la vengeance est très élevé, car selon moi, c'est tout ce dont il s'agit. Rien ne justifie de traiter de la sorte un enfant soldat, qui avait 15 ans au moment des faits. Nous avons la possibilité, en respectant simplement les engagements et les protocoles que nous avons signés, de changer la donne. Je suis très soucieux — je me répète un peu — de l'exemple que nous donnons au reste du monde. Le Canada est depuis si longtemps un chef de file en matière de droits de la personne. Toutes nos autres protestations vont finir par sonner faux.
Je vous remercie, monsieur le président.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de vos commentaires jusqu'ici et du bon travail que vous accomplissez.
Je tiens simplement à vous assurer que nous sommes tous d'accord lorsque vous dites que cette question est très importante.
Omar Khadr est accusé d'avoir tué l'infirmier Christopher James Speer et d'avoir blessé le sergent de première classe Layne Morris. N'est-il pas vrai que s'il est rapatrié, Omar Khadr ne sera pas traduit en justice pour la mort de Christopher James Speer?
C'est une question que vous devrez peut-être poser au professeur Craig Forcese, dans le contexte de son étude. Je ne peux vous répondre. Il faut notamment déterminer si les preuves sont admissibles. L'information a été recueillie dans des circonstances douteuses, et c'est un élément qui doit être examiné.
Je ne peux vous donner de réponse catégorique aujourd'hui.
Je voudrais attirer votre attention sur le fait que si cela se produit, selon les conventions que nous avons signées, ce serait dans le cadre du système de justice pour les jeunes que le Canada a mis en place. Il doit y avoir une analyse juridique.
Je vous demanderais aussi de prendre en considération le fait que d'autres enfants soldats sont accusés de crimes tout aussi horribles — certains, dans le Nord de l'Ouganda, auraient même tué des membres de leur propre famille. Pourtant, nous demandons aux pays visés de rapatrier ces jeunes et de les réintégrer dans la société, souvent sans les avoir traduits en justice. Je l'ai vu, et j'ai travaillé avec eux.
On ne nous demande pas de faire ce que nous ne demandons pas aux autres pays. Il y a différentes façons d'assumer la responsabilité juridique, et dans certains de ces pays, c'est une question d'approche traditionnelle de la justice. Cela ne signifie pas que les jeunes ne sont pas tenus responsables, mais ils le sont d'une façon réparatrice qui permet leur réinsertion dans la société. C'est la norme fixée pour les enfants. C'est celle que nous soutenons dans toutes les ententes signées par le Canada.
J'ai juste un petit commentaire.
Comme je l'ai mentionné au début, Amnistie internationale fait campagne sur le cas d'Omar Khadr depuis sa capture en 2002. L'une des questions que nous avons soulevées dans ce dossier et dans celui d'autres personnes qui ont comparu devant la commission militaire initiale, c'est de savoir s'il était approprié que ces gens soient jugés par un tribunal militaire, indépendamment de leur identité et de ce dont ils étaient accusés, puisque bon nombre d'entre eux étaient soit des enfants soldats soit des civils. L'autre solution, dont on ne semble pas tenir compte ici, serait de saisir les tribunaux américains, y compris les tribunaux fédéraux, dont j'ai parlé tout à l'heure.
Si nous demandons le rapatriement maintenant, c'est parce que les États-Unis ne manifestent aucune volonté de renvoyer ce dossier ou un autre devant un tribunal qui respecte les normes internationales relatives à l'équité des procès et qui peut se pencher sur des questions concernant la justice des mineurs. Si c'était possible, nous aurions une toute autre conversation. Mais cela ne semble pas être le cas.
Madame Vandergrift, dans votre témoignage, vous avez indiqué que ce cas n'est pas une exception, mais plutôt un précurseur, et il me paraît donc qu'il est exceptionnel en un sens. Je connais très bien Ishmael Beah. J'ai lu son livre dernièrement, et il me semble que la situation qu'il a vécue et la façon dont il a été recruté, entre autres, diffèrent grandement du cas de M. Khadr.
Bien entendu, il est de notoriété publique que la famille Khadr appuie al-Qaïda et est très proche de ce mouvement.
Permettez-moi de vous poser cette question: puisque vous croyez qu'Omar Khadr a été enrôlé illégalement comme enfant soldat, qui devrait être accusé dans ce dossier?
Nous aurions besoin de beaucoup plus de temps et d'un examen plus approfondi des détails pour le déterminer. Lorsque j'ai dit que ce cas n'était pas une exception, je voulais souligner qu'il y a des enfants soldats dans diverses situations. Oui, Beah en est un. Si on regarde ce qui se passe dans le Nord de l'Ouganda et au Sri Lanka, on voit des différences, mais le point commun et la raison pour laquelle cela peut constituer un précédent, c'est que nous tentons de changer la façon dont ces dossiers sont traités. En ce sens, je crois que nous créons un précédent. Mais ce cas est si peu différent des autres qu'il ne fera pas date, même s'il est unique. C'est ce que je veux dire quand je mentionne que ce cas n'est pas exceptionnel.
Je soutiens que dans ce dossier, nous devons avoir un plan très précis pour examiner les circonstances particulières qui l'entourent. C'est ce qui se fait dans les autres pays également. Les enfants peuvent retourner auprès de leur famille, mais parfois c'est impossible, pour diverses raisons. S'il n'est pas dans le meilleur intérêt de l'enfant de retrouver dans sa famille, il doit y avoir une solution de remplacement. C'est pourquoi le premier point dont je vous ai parlé portait sur l'intérêt supérieur de l'enfant; c'est par là que nous commençons.
La première chose à savoir, après une évaluation minutieuse, c'est s'il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de retourner vivre avec sa famille, et ce n'est qu'ensuite qu'on établit et met en oeuvre un plan de réinsertion.
Je crois qu'il serait bon de préciser une chose, non seulement pour les membres du comité, mais aussi pour le public.
Manifestement, aucun de nous ne nie qu'il y a des questions préoccupantes à propos de ce qui s'est passé. Personne ne dit que nous devrions les rejeter du revers de la main. Il y a de graves allégations au sujet des gestes commis par Omar Khadr.
La question est de savoir comment résoudre ces problèmes. Un tribunal militaire n'est pas la juridiction appropriée pour un enfant soldat. En outre, des experts juridiques internationaux mettent sérieusement en doute la conformité de ce tribunal militaire américain en ce qui concerne le droit international. On s'interroge donc sur le processus et sur la façon dont ce dossier est traité. Donc, nous ne prenons pas la défense de cette personne en disant: revenez au pays, vous serez libre et nous oublierons ce qui s'est produit. Ce n'est pas la question.
Je crois que nous devons préciser que ce n'est pas ce que nous voulons. Le gouvernement doit aussi comprendre ce point de vue et savoir que ce dont il est vraiment question, c'est du tribunal et de la façon dont cette personne est traitée. À Guantanamo, on fait fi du droit international, et nous devrions tous nous opposer à ce qui se passe là-bas. Il n'y a pas de procédure judiciaire, puisque le droit à l'habeas corpus n'est pas respecté. Même si cet homme est innocenté par le tribunal militaire — et c'est ce que je trouve le plus choquant dans toute cette histoire —, il sera toujours considéré comme un combattant illégal et il pourrait être détenu indéfiniment, soit là-bas, soit aux États-Unis.
Le processus entier est donc totalement nouveau et correspond à quelque chose auquel nous nous sommes toujours opposés. Cela ne respecte pas le droit international ni les normes internationales régissant le processus judiciaire. Je crois que c'est la question que nous devons clarifier et dont nous devons souligner l'importance.
Je suis d'accord. Les allégations qui pèsent contre Omar Khadr et tous ceux qui sont traduits devant les commissions militaires sont certainement très sérieuses. Toutefois, à notre avis, le système comporte de graves lacunes.
Lorsqu'une personne fait l'objet d'accusations de cette nature, qui peuvent entraîner des sanctions, il est d'autant plus important de s'assurer que le tribunal saisi de l'affaire respecte les normes internationales et, en l'occurrence, applique les principes de justice appropriés pour les mineurs. Dans ma déclaration d'ouverture, j'y ai fait allusion à plusieurs reprises. Je crois que si vous regardez, en particulier, à l'observation générale no 10 sur les droits de l'enfant du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, vous verrez qu'on en parle beaucoup. C'est un élément clé, qui va de pair avec la question de savoir quand recourir au système judiciaire et quelles sont les solutions de rechange.
En définitive, il faut déterminer quelle sera l'instance compétente pour juger l'affaire; mais fondamentalement, le système des commissions militaires est loin de répondre aux normes internationales.
Il nous reste assez de temps pour une autre période de questions de cinq minutes, à moins que le comité décide de poursuivre cette partie de la séance après 13 heures. Puis-je savoir si le comité souhaite conclure avec la question de Mme Deschamps, ou poursuivre afin que chaque parti puisse poser une question?
Monsieur Marston.
Je voudrais demander à nos deux témoins si elles estiment avoir présenté toute l'information qu'elles nous ont apportée aujourd'hui.
Tout d'abord, tout le monde est-il d'accord pour que nous dépassions l'horaire habituel?
Madame Deschamps.
[Français]
Je pense qu'il serait pertinent d'adresser d'autres questions aux témoins à la suite du premier tour de table. Si les autres membres du comité sont d'accord, j'opterais pour cette idée.
[Traduction]
Ce que je demande, en fait, c'est si nous pouvons terminer 10 minutes plus tard pour permettre à Mme Deschamps et aux autres membres de poser leurs questions. Est-ce raisonnable?
Très bien. C'est ce que nous allons faire.
[Français]
Madame Deschamps, vous avez la parole.
Merci.
Vous avez reçu ou entendu une multitude de questions. La perspective varie selon la façon dont on se situe face à l'affaire Khadr. Si mes souvenirs sont exacts, c'est vous, madame Vandergrift, qui avez mentionné que la Cour suprême des États-Unis avait récemment déclaré illégales les commissions militaires de ce pays, du fait qu'elles ne se conformaient pas aux normes internationales.
Cette déclaration n'invalide-t-elle pas le travail que fait actuellement la commission militaire dans le cas d'Omar Khadr?
J'aimerais vous poser une question tout à fait fondamentale. Selon vous, une enquête sérieuse a-t-elle été menée sur le déroulement des événements qui ont mené à l'arrestation d'Omar Khadr? Existe-t-il un seul organisme international de défense des droits de l'homme à ne pas avoir condamné la détention d'Omar Khadr?
[Traduction]
Hilary a parlé de la décision de la Cour suprême, je vais donc la laisser répondre à cette question.
Il y a eu plusieurs types de commissions militaires. La première a été constituée par décret. Dans l'affaire Hamdan c. Rumsfeld, la Cour suprême a déclaré ces commissions illégales. On a donc créé une nouvelle Loi sur les commissions militaires, qui a été adoptée par le Congrès. La Cour suprême l'examine aussi. On attend une décision en juin 2008 qui déterminera si maintenant les commissions militaires privent les détenus de leur droit à l'habeas corpus.
Les tribunaux actuels existent en vertu de la législation américaine. Ils sont encore bien en deçà des normes internationales en matière de droit de la personne. On applique des lois américaines à des gens qui ne sont pas citoyens américains, et qui, dans ce contexte précis, sont considérés comme des combattants ennemis illégaux.
Pour ce qui est de savoir s'il existe un seul organisme de défense des droits de la personne qui n'ait pas condamné la détention d'Omar Khadr, étant donné que je ne les connais pas tous, je ne pourrais l'affirmer, mais de grandes organisations internationales comme Amnistie internationale et Human Rights Watch expriment leurs préoccupations à l'égard de cette affaire depuis des années — sur la détention d'enfants en général à Guantanamo, sur la prison de Guantanamo elle-même dans le système de détention mis en place dans la guerre contre le terrorisme et l'utilisation de diverses techniques qui violent les droits de la personne.
Quant à savoir si une enquête sérieuse a été menée sur l'arrestation d'Omar Khadr, nous l'ignorons. J'imagine que vous souhaitez savoir si l'administration américaine a effectué une enquête approfondie. Je ne sais pas à qui au juste s'adresse la question, mais l'accès à ces renseignements est très restreint, à cause de la commission militaire. Nous ignorons beaucoup de choses. L'information que nous avons est celle qui a été divulguée intentionnellement ou accidentellement aux médias.
Si cela peut vous aider, sachez que certains organismes de défense des droits de la personne ont pris part à la stratégie visant plusieurs jeunes détenus à Guantanamo. Je dis simplement cela pour souligner qu'il y a d'autres solutions, et que les organismes de défense des droits de la personne cherchent à les mettre en oeuvre.
Je vous remercie, monsieur le président.
Je voulais poser cette question la dernière fois. Vous aviez mentionné le livre d'Ishmael Beah, un ouvrage extrêmement touchant. Les enfants soldats en Sierra Leone ont eu à faire face à des situations dans lesquelles autant l'armée que les groupes militaires qui les combattent venaient les enlever, les forçaient à prendre cette drogue appelée brown-brown et tuaient parfois leur famille devant eux pour les désensibiliser. Ils les soumettaient à des traitements psychologiques extrêmement durs afin de garder leur emprise sur eux.
À mon avis, c'est différent dans cette affaire. M. Khadr a maintenant 21 ans. Dans le cas de M. Beah, on a recueilli des enfants de 12 ou 13 ans, et cela a pris beaucoup de temps pour les réhabiliter.
M. Khadr est devenu adulte. Que proposez-vous, s'il est rapatrié au Canada? D'après vous, quelle est la voie à suivre en ce qui concerne M. Khadr, connaissant sa situation familiale?
Je vous remercie de cette question, et je crois que c'est sur cela que nous devons commencer à orienter notre discussion, sur ce qui constitue un plan de réinsertion.
Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'on ne peut établir un parallèle exact entre ce cas et celui de la Sierra Leone, mais de nombreux autres cas impliquant des enfants soldats sont aussi différents. Dans certains, les jeunes ont joint les rangs des militaires sous la pression de leur famille, ce qui est peut-être la similitude la plus grande avec cette affaire. Ces situations se produisent. Parfois, ils se sont même engagés parce qu'ils croyaient en une cause. Mais en vertu du droit international, nous les traitons tous comme s'ils étaient des enfants. C'est un crime que de les avoir recrutés et de s'être servi d'eux.
Pour ce qui est de la solution de remplacement, nous devons commencer par une évaluation très rigoureuse, comme je l'ai dit. Quel est son état de santé physique, psychologique, mental? Nous devons nous pencher sur son éducation. Il a quitté l'école très jeune. C'est un problème auquel nous sommes aussi confrontés avec les anciens enfants soldats dans d'autres pays: lorsqu'ils reviennent, ce sont des adultes. Ils ont quitté l'école très tôt. On ne peut les remettre dans une salle de classe. Nous élaborons donc des programmes spécialement adaptés, qui leur permettent souvent d'avoir un revenu et d'explorer d'autres options. D'autres pays s'occupent aussi d'enfants soldats qui reviennent une fois adultes et dont une grande partie de leur développement a été entravée.
Nous devons trouver des façons de les réhabiliter, de les réintégrer dans la société et de les prendre en charge adéquatement sous le système de justice pour mineurs. C'est sur cela que nous devrions nous concentrer.
Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président, mais je me suis trompé dans les noms des deux victimes dans cette affaire; il s'agit en fait de l'ambulancier Christopher James Speer et du sergent de première classe Layne Morris.
Merci.
J'étais en train de me rappeler le début du film Autant en emporte le vent, et la façon dont les cavaliers sont arrivés et ont annoncé le début d'une grande guerre civile, mais qu'elle ne durerait que quelques semaines, qu'elle serait vite terminée et que tout reviendrait à la normale. Pensez à la dévastation qui a suivi. Pensez aussi à cette commission qui, si elle avait suivi le protocole, aurait rendu une sentence visant à réhabiliter et à réintégrer cette personne.
Et quelque part dans tout cela... En période de guerre, n'importe quel combattant est appelé à tuer pendant une bataille; en quoi ce cas-ci est-il différent? C'est tragique que ces deux personnes aient péri dans cet échange de feu. Oui, c'est tragique, comme n'importe quelle perte de vie. Mais je ne comprends absolument pas comment les gens ont pu oublier qu'il s'agissait d'un enfant. Peu importe qu'il ait 82 ans maintenant; à ce moment-là, c'était un jeune garçon. Ce n'était qu'un adolescent lorsqu'il a quitté le pays, et il n'avait que 15 ans lorsqu'a eu lieu cet affrontement.
On en vient à se demander comment nous en sommes arrivés là. Comment notre gouvernement peut-il être animé d'un tel esprit de vengeance?
Je vais vous poser une dernière question. Que croyez-vous qu'il arrivera si le gouvernement canadien se détourne de cette affaire et n'intervient pas? J'ai laissé la question assez générale afin que vous ne soyez pas limitées dans votre réponse.
Que se passera-t-il si le gouvernement canadien n'intervient pas? Eh bien, dans mon témoignage, j'ai dit que le Canada a le choix. Le choix de ne rien faire, dans le scénario que je décris, aurait des répercussions négatives non seulement sur ce que nous avons déjà accompli au chapitre de la protection des enfants mais aussi sur le concept d'ensemble portant sur la responsabilité de protéger. Ne rien faire n'est pas une position neutre, c'est une position négative, et qui prend de l'ampleur. Plus ce dossier durera, plus il attirera d'attention au niveau international.
Nous avons aussi le choix de faire preuve de leadership positif et j'espère que c'est que le Canada fera.
Je ne sais pas ce qui va se passer, car nous avons une vraie possibilité de ne rien faire. Pour le moment, nous avons tendance à être très négatifs, et je crois que le public canadien en est de plus en plus conscient et veut que le Canada agisse pour protéger les droits des enfants.
Nous avons suffisamment de temps, car nous avons décidé d'en parler 10 minutes de plus pour permettre aux témoins de faire ce que M. Marston a suggéré, soit de conclure en indiquant ce qui n'a pas été, à leur avis, soulevé dans la discussion.
Avez-vous quelque chose à ajouter?
Je pourrais juste dire que s'il y a d'autres détails, pendant que vous délibérez sur cette question, sur des connaissances concernant les enfants soldats dans d'autres pays, nous nous ferons un plaisir soit de vous aider à trouver les experts soit de vous les présenter. Le réseau des ONG compte certainement beaucoup de personnes expérimentées dans ce domaine. Nous estimons que le Canada peut arriver à une meilleure solution de rechange en se fondant sur leurs expériences, nous serons donc heureux de fournir des ressources.
Merci beaucoup.
En réponse à votre offre généreuse, vous savez que le temps presse, aussi serait-il préférable de nous communiquer le plus tôt possible toute information que vous auriez pour nous.
Merci.
Très bien, voilà qui met fin à ce volet de la réunion. Vous avez l'occasion de prendre des rafraîchissements; puis j'aimerais que nous procédions à huis clos pour la deuxième partie de notre réunion.
Nous devrions peut-être faire une très courte pause. Disons pas plus de cinq minutes avant de reprendre nos travaux. J'ai devant moi mon chronomètre, alors cinq minutes, c'est cinq minutes.
[La séance se poursuit à huis clos.]
[La séance publique reprend.]
J'ai une petite déclaration à vous lire. C'est inhabituel, mais je le fais parce que je veux aborder une question de procédure soulevée devant notre sous-comité à sa dernière réunion du 6 mai. Ce jour-là, l'un des membres a demandé de ne pas lever la séance tant qu'une question dont était saisi le comité n'ait été mise aux voix. Depuis que je suis président du sous-comité, c'était la première fois que nous avons dérogé à la pratique visant à obtenir un consensus sur tous les sujets.
Rien dans la procédure n'interdit de passer outre, périodiquement ou régulièrement, à la recherche de consensus; c'est ce que fait ce comité et c'est plus informel que ce que font la plupart des comités où la majorité des motions sont mises aux voix. Cependant, ce changement exige de ma part une attitude plus officielle en tant que président. Je veux que l'on comprenne bien ce que je ferai si la séance est arrivée à son terme et que le comité n'a pas encore réglé une motion.
Pour cela, je dois rappeler un peu ce qui s'est passé lors de cette réunion, mais étant donné que la réunion du 6 mai se tenait à huis clos, et que celle-ci est publique, je ne peux pas, pour respecter le huis clos, faire des références précises sur les membres du comité ou sur la question examinée par le comité.
La raison pour laquelle je m'adresse à vous maintenant est pour dire publiquement comment j'aborderai ce genre de problème de procédure qui est apparu à la réunion, et je veux le faire publiquement pour deux raisons. Premièrement, parce que le hansard de nos réunions publiques sera disponible pour tout le monde assez rapidement, vous aurez donc un texte écrit de ce que je vais vous dire. Si la réunion avait été à huis clos, vous n'auriez eu accès à ces informations qu'en allant dans le bureau du greffier. Deuxièmement, parce que je veux que tout observateur extérieur au sous-comité sache les efforts acharnés que je déploie pour maintenir l'ordre tout en respectant strictement le Règlement. Par conséquent, il est important que tout le monde puisse comprendre les paragraphes du Règlement sur lesquels je m'appuierai pour prendre des décisions à l'avenir.
Pour parler de la réunion du 6 mai. À 13 h 59, soit une minute avant la fin prévue de la réunion, l'un des membres a proposé une motion reçue préalablement par le greffier, motion qui était recevable. Un autre membre a commencé à se prononcer sur la motion puis une ou deux minutes après, aux environs de 14 h 3, j'ai levé la séance.
Le premier membre a jugé qu'il était inapproprié de ma part de lever la séance et il me l'a dit après coup. Je crois qu'il pensait sincèrement qu'en levant la séance, j'avais enfreint le Règlement.
J'ai respecté le fait qu'il le croyait sincèrement. Cependant, je crois que le Règlement exige que toutes les séances de tous les comités soient levées exactement à l'heure indiquée sur leur ordre du jour, sauf si une dérogation au cours normal des travaux afin de permettre le prolongement de la réunion a été prise.
Une telle dérogation peut se faire de trois façons. Premièrement, le comité conviendrait d'apporter une modification à ses règles pour prolonger indéfiniment les réunions jusqu'à ce qu'un membre du comité propose une motion pour lever la séance et que cette motion soit adoptée par le comité. C'est la procédure suivie dans beaucoup de réunions qui respectent les règles décrites dans le livre Robert's Rules of Order. Dès qu'une telle règle est adoptée, elle est obligatoire pour toutes les réunions futures, et je me conduirais ainsi que je le fais lorsque je préside aux réunions de la Colline du Parlement, en suivant les règles de Robert's Rules of Order. Aussi, quand il semblera que nous sommes arrivés à la fin de nos travaux, je demanderai si l'un des membres voudrait proposer une motion pour lever la séance, et si une telle motion est proposée, elle sera mise aux voix et la question sera réglée.
Nous sommes bien sûr libres d'ajuster certains aspects de nos propres règles, c'est d'ailleurs ce que nous avons fait il y a seulement une semaine pour réduire la durée de la série des premières questions dans les audiences qui restent au sujet de Omar Khadr.
Deuxièmement, un membre du comité pourrait proposer une motion, le comité en discutera ensuite et votera pour prolonger une réunion en cours. Notre sous-comité n'a jamais procédé de cette façon, mais c'est quelque chose que nous pouvons toujours faire.
Et troisièmement, les membres du comité peuvent facilement se mettre d'accord pour prolonger n'importe quelle réunion tant qu'il y a consensus à cet effet, c'est bien sûr la procédure que j'ai suivie lorsque nous devions prolonger les séances afin de donner aux témoins plus de temps pour faire leurs exposés.
Cependant, en l'absence de l'une des trois méthodes ci-dessus, toutes les réunions se terminaient exactement à l'heure prévue, pas une seconde de plus. Et pour la même raison, elles ne peuvent pas se terminer une seconde plus tôt sauf en cas d'adoption d'une motion demandant que la séance soit levée ou en cas de consentement unanime.
C'est, au plan de la procédure, le cas puisque les règles régissant la Chambre des communes exigent que les séances soient levées exactement aux heures prévues, comme l'énonce le paragraphe 24 du Règlement, les paragraphes 25, 26 et 27 contiennent eux des dispositions visant à faire des modifications périodiques.
Les paragraphes 26 et 27 traitent de circonstances particulières que ne retrouve pas notre comité dans ses travaux, mais le paragraphe 25 énonce clairement que la séance est levée à l'heure prévue sauf si des dispositions particulières ont été prises à l'avance.
Je vous lis le paragraphe 25 du Règlement:
Lorsqu'un ordre permanent ou spécial de la Chambre prescrit que les affaires spécifiées en vertu d'un tel article doivent se poursuivre, être immédiatement réglées ou terminées à une séance quelconque, la Chambre ne peut être ajournée qu'après les délibérations, sauf en conformité d'une motion d'ajournement proposée par un ministre de la Couronne.
Cette règle est exécutoire par l'application du paragraphe 116 du Règlement qui stipule:
Un comité permanent, spécial ou législatif observe le Règlement de la Chambre dans la mesure où il est applicable, sauf les dispositions relatives à l'élection du Président de la Chambre, à l'appui des motions, la limite du nombre d'interventions et à la durée des discours.
Par conséquent, je continuerai à lever toutes les séances exactement à l'heure indiquée dans l'ordre du jour sauf si l'une des trois raisons mentionnées ci-dessus ne m'oblige à procéder autrement.
Merci.
Y a-t-il autre chose?
La séance est donc levée.