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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 044 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 3 décembre 2009

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Bonjour, chers collègues. Soyez les bienvenus à cette 44e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international, en ce jeudi 3 décembre 2009.
    Nous reprenons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-300, Loi sur la responsabilisation des sociétés à l'égard de leurs activités minières, pétrolières ou gazières dans les pays en développement. Nous entendrons quelques témoins sur cette question. Comme nous devrons aller voter à 10 h 15, nous avons demandé aux témoins s'ils étaient prêts à comparaître ensemble, et ils ont accepté.
    Mesdames et messieurs, vous devriez avoir devant vous un rapport du comité de direction. Mardi matin, votre comité de direction s'est réuni et a discuté d'un certain nombre de questions. Je vais vous laisser un moment pour le consulter, car nous allons en faire l'examen aujourd'hui.
    Au premier point, le comité de direction recommande que la ministre responsable de l'ACDI comparaisse devant notre comité à propos du Budget supplémentaire des dépenses. Nous l'avons invitée, et elle doit comparaître...
    Une voix: Elle n'est pas disponible.
    Le président: Donc, elle ne peut pas venir.
    D'après ce que j'ai compris, la présidente de l'ACDI sera disponible pour venir témoigner.
    Très bien. Nous avons donc demandé d'en discuter mardi prochain. Bien souvent, on rédige tout simplement un rapport. Nous avons une semaine pour le faire. Il faut que ce soit mardi, parce qu'ensuite, un rapport doit être présenté.
    Monsieur le président...
    Allez-y.
    Je pense que l'un des rôles de ce comité est de demander que la ministre comparaisse. Quand en avons-nous parlé à la ministre? N'avions-nous pas convenu d'inviter la ministre, lorsque nous avons planifié...
    Non. C'est quelque chose qui, chaque fois...
    J'aimerais avoir des précisions. Au moment de la planification de nos travaux, n'avions-nous pas fixé la date de comparution de la ministre?
    Non.
    Je croyais que nous l'avions fait.
    Nous l'avons fait mardi dernier, au comité de direction.
    Avant cela, quand nous avons fait la planification à long terme, je croyais que nous avions...
    Nous avons invité le ministre Kent à comparaître au sujet du Honduras, mais pas du Budget supplémentaire des dépenses.
    J'aimerais connaître la raison officielle pour laquelle la ministre ne peut assister à la réunion de mardi. Je remercie M. Abbott de nous en avoir informés. Normalement, il est préférable que le comité s'entretienne directement avec la ministre sur la question, à moins qu'elle ait un autre engagement extrêmement important et qu'elle ne puisse assister à la réunion. Or, quelqu'un nous dit qu'elle ne peut pas être présente.
    Permettez-moi de vous interrompre un instant.
    Habituellement, le comité de direction doit confirmer que le témoignage d’un ministre est nécessaire avant qu’une invitation ne soit envoyée.
    Je comprends.
    Nous avons néanmoins pris l'initiative de l'inviter. Comme elle a déjà un engagement pour mardi, son horaire ne le lui permet pas. D'après ce que je viens d'entendre, la présidente de l'ACDI ou toute autre personne que nous souhaitons... Si nous disposions d'une semaine de plus, la ministre pourrait peut-être comparaître.
    Madame Lalonde.

[Français]

    Monsieur le président, quand nous avons discuté, au comité directeur, nous avions voulu inviter la ministre pendant toute une séance de deux heures et la vérificatrice générale pendant une autre séance de deux heures. Finalement, pour rendre service à tout le monde, on a décidé de les inviter toutes les deux la même journée. Si la ministre ne peut pas comparaître, je propose que la vérificatrice générale soit invitée pendant la période au complet.

[Traduction]

    Je crois que le comité de direction avait pris la décision d'inviter la vérificatrice générale à comparaître en février. Nous voulions qu'elle vienne durant la deuxième heure.
    C'est bien cela, monsieur Patry?
    Nous avons finalement décidé d'inviter la vérificatrice générale. Je pense que c'est M. Wilfert qui l'a proposée, étant donné qu'il n'y avait pas d'échéance pour la recevoir...

[Français]

    Ça va, mais il faudrait que la ministre revienne.

[Traduction]

    Monsieur Abbott, monsieur Patry et monsieur Dewar.
    Monsieur le président, je crois que c'est un point pertinent. Toutefois, le rapport n'a pas été approuvé, et la ministre n'a pas été invitée, alors je dis qu'en ce qui concerne l'acceptation probable de ce rapport, l'horaire de la ministre ne lui permet pas de venir comparaître. Cependant, la présidente est disponible. Elle viendra témoigner au sujet de l'ACDI et elle pourra, si le comité le souhaite, rester à la deuxième heure pour nous parler plus précisément du rapport de la vérificatrice générale sur l'ACDI.
    Nous tâchons autant que possible d'être...
    Accommodants.
    En termes très clairs, la ministre et le ministère essaient d'être aussi accommodants que possible.
    Nous le comprenons. C'est une question d'horaire.
    Monsieur Patry et ensuite M. Dewar.
    D'après ce que je comprends, la ministre... Ce n'est pas que je veuille la défendre; il est très rare qu'un membre de l'opposition défende un ministre, mais je doute que ce soit parce qu'elle ne peut pas accepter. Je pense plutôt qu'il s'agit d'un détail technique, parce que l'ajournement de la Chambre aura lieu jeudi ou vendredi prochain et que bien souvent, lorsqu'on examine le Budget supplémentaire des dépenses, on doit le faire trois jours avant l'ajournement de la Chambre. Si l'ajournement a lieu jeudi, nous ne disposons pas de trois jours, et puisque nous n'en sommes pas certains, il s'agit d'une question d'ordre technique. Je ne connais pas tellement ces questions, mais je me rappelle avoir vécu une situation semblable lorsque j'étais président d'un comité. C'est la raison pour laquelle la ministre ne peut pas comparaître. Ce n'est pas parce qu'elle ne peut pas venir.
    Comme vous le voyez, j'essaie de vous aider de temps en temps.
(0910)
    Avant de donner la parole à M. Dewar, je vais demander à notre greffière de nous expliquer très brièvement l'aspect technique des journées de l'opposition.
    J'ignore quand aura lieu la prochaine journée de l'opposition, mais si c'est mardi, comme ce fut le cas cette semaine, alors il sera trop tard pour faire comparaître la ministre au sujet du Budget supplémentaire des dépenses, parce que cela doit se faire trois jours avant le dernier jour réservé à l'opposition. C'est donc une question d'ordre technique.
    Très bien. Monsieur Dewar, très brièvement. Nous avons des témoins à entendre, alors essayons d'être brefs.
    Je vais être bref, mais j'invoque le Règlement, monsieur le président, car vous essayez en fait de proposer l'adoption de ce rapport. C'est contraire au Règlement, parce que vous voulez traiter des travaux du comité. C'est bien cela?
    Non. On m'a dit que nous pouvions traiter du rapport du comité de direction...
    D'accord, alors j'invoque le Règlement, parce que le rapport du comité de direction fait partie des travaux du comité, n'est-ce pas?
    Oui, habituellement. On peut en débattre en tout temps.
    Exactement. Mais si vous nous demandez de nous prononcer sur ce rapport, ce que propose en fait le président, alors ne s'agit-il pas de travaux du comité?
    Le comité de direction savait exactement que c'est ce que nous allions faire...
    Je sais, et il en avait été question la dernière fois. Je n'étais pas ici, mais j'ai parlé à mon collègue. Nous avons une motion sur laquelle nous pouvons facilement tenir un vote durant les travaux du comité pour déterminer si nous voulons l'adopter ou non et nous pencher sur ce rapport.
    Je suis désolé, monsieur le président, mais en ce qui concerne la façon de fonctionner du comité, si nous traitons des travaux du comité... Une motion nous a été présentée et nous attendons de tenir un vote. En tout respect, le gouvernement voulait faire de l'obstruction. Quant aux travaux du comité, la première chose dont nous devrions nous occuper, c'est de cette motion. Si les membres du gouvernement veulent continuer de faire de l'obstruction, c'est leur choix, mais nous aimerions voter sur la motion présentée, puis examiner le rapport du comité de direction et ensuite, entendre nos témoins.
    Très bien. Nous avons un rappel au Règlement.
    On m'a dit que nous pouvions proposer l'adoption du rapport du comité de direction avant d'entendre nos témoins. N'est-ce pas ce dont nous avions discuté au comité de direction?
    Monsieur le président, sauf votre respect, j'aimerais savoir si le fait de proposer l'adoption du rapport du comité de direction est considéré comme faisant partie des travaux du comité, oui ou non? C'est une question très simple.
    Nous nous sommes demandé si nous aurions à revenir à votre motion, et on nous a dit que nous avions la possibilité...
    De qui parlez-vous? Qui vous a dit cela?
    Tous ceux qui assistaient à la réunion. Votre représentant était présent.
    Oui, et vous avez mentionné que ma motion avait été présentée, et d'après ce qu'il m'a dit, nous étions censés revenir aux travaux du comité avant de discuter du rapport du comité de direction; nous devions traiter de cette motion.
    J'aimerais poser une question à la greffière concernant la procédure. N'est-il pas vrai que lorsque nous traitons des travaux du comité, nous nous penchons sur ce qui nous a été présenté avant le reste? La motion était encore sujette à débat, n'est-ce pas? Elle concerne donc les travaux du comité.
    Même si elle se trouvait sous la rubrique Travaux du comité, pour moi, c'est un point similaire à celui de l'adoption d'un budget de déplacement. C'est en quelque sorte une motion de procédure. C'est un document administratif interne.
    Oui, mais il s'agit des travaux du comité.
    Rien dans la procédure n'indique que nous ne pouvons pas d'abord traiter de cela dans les travaux du comité, avant de passer à votre motion. Il n'y a rien sur lequel je peux m'appuyer.
    C'est un sujet dont nous avons parlé au comité de direction. Je n'avais pas l'intention de faire passer cela avant votre motion. La question a été clairement présentée: sommes-nous capables de le faire au début de la séance, d'entendre nos témoins, d'adopter le rapport du comité de direction, de passer aux travaux du comité, puis de revenir à votre motion? J'avais l'impression que c'était possible, alors c'est ce que j'ai décidé de faire.
    Le comité est maître de ses travaux. Nous pouvons traiter de cette question, puis passer tout de suite à autre chose.
    Monsieur le président, je proteste contre le fait que nous sommes incapables de faire les choses dans l'ordre. Habituellement, quand on traite des travaux du comité, on se penche sur toutes les questions que le comité avait commencé à examiner. Ensuite, on passe au point suivant. Vous nous demandez de faire passer le rapport du comité de direction avant ce que nous avions déjà commencé, et c'est malheureux, selon moi. Je vais en rester là.
    Dans ce cas, nous ne traiterons pas du rapport du comité de direction, d'accord? Nous n'adopterons pas le rapport et nous allons passer directement aux témoignages.
    Madame Lalonde.
(0915)

[Français]

    Si on se réfère aux affaires du comité, ma motion sur le financement de Droits et Démocratie a été discutée et n'a pas été adoptée parce que mes collègues d'en face ont parlé longtemps. Ce qui s'est passé lors de l'autre session a permis à mon collègue de déposer sa motion. Je souligne que la mienne est toujours là, avant la sienne.

[Traduction]

    Pour que les choses soient claires pour tous, nous allons...

[Français]

    Je veux que l'on écoute nos témoins.

[Traduction]

    Je tiens à ce que ce soit clair: nous présenterons un rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses sans avoir entendu la ministre, parce que nous ne l'inviterons pas. Nous retirerons l'invitation faite à l'ACDI. Nous avons vérifié la disponibilité de la ministre.
    Je remercie les témoins d'être ici. Je suis désolé que nous ayons dû régler quelques petites choses avant de pouvoir vous entendre.
    Nous accueillons aujourd'hui M. Daviken Studnicki-Gizbert, de l'Université McGill. Je me suis exercé à prononcer votre nom avant la séance. Nous accueillons également M. Toby Heaps, rédacteur en chef de Corporate Knights Forum, et deux représentants de SNC-Lavalin inc., M. Robert Blackburn, vice-président principal, et M. Jean-François Gascon, chef de service, Durabilité de projet, SNC-Lavalin Environnement.
    Y a-t-il un rappel au Règlement?
    Pourriez-vous nous dire jusqu'à quelle heure vous prévoyez entendre nos témoins? Car nous devons encore traiter des travaux du comité avant d'aller voter.
    Permettez-moi de vous expliquer clairement pourquoi nous procédons de cette façon. Il était prévu que nos premiers témoins auraient jusqu'à 9 h 45 environ pour se faire entendre, et que nous devions adopter ce rapport du comité de direction. Puisque nous savions que nous devions nous pencher au début sur le rapport du comité de direction et qu'à la fin, nous serions pressés par la sonnerie d'appel, nous avons consulté les témoins — sauf M. Heaps —, et ils ont accepté de témoigner tous ensemble. J'aimerais que nous poursuivions jusqu'à 10 h 30. J'aurai besoin de votre consentement unanime lorsque la sonnerie retentira, mais si j'ai bien compris, elle se fera entendre pendant 30 minutes, et non 15 minutes. S'il y a un changement, nous modifierons notre horaire.
    Monsieur Studnicki-Gizbert, la parole est à vous.
    Bonjour. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l'occasion de vous parler ce matin des conclusions des recherches que nous menons à McGill.
    Mon exposé porte sur le travail collectif d'un groupe de recherche appelé MICLA, que je coordonne à l'Université McGill, et qui se penche sur les divers projets entrepris par les sociétés minières canadiennes en Amérique latine. Mon témoignage repose également sur mon expérience personnelle en ce qui concerne le village minier de Cerro de San Pedro, situé en périphérie de San Luis Potosi, au Mexique.
    Puisque la question des preuves et de la documentation a été soulevée à maintes reprises à ce comité, je tiens à préciser que notre recherche est fondée sur un large éventail de sources: des documents rendus publics par les sociétés minières, des rapports techniques des firmes d'ingénierie, des dossiers de presse, des documents juridiques, ainsi que des rapports présentés par des ONG, des organisations internationales et des gouvernements étrangers. À ces documents s'ajoutent les entrevues sur le terrain avec des personnes vivant à proximité d'une exploitation minière canadienne, avec des délégations communautaires venues au Canada au fil des ans, de même qu'avec des dirigeants de compagnies minières, des représentants d'ONG et des scientifiques.
    Mon allocution porte aujourd'hui sur le Mexique. C'est dans ce pays que l'on trouve le plus grand nombre de projets miniers canadiens en Amérique latine et que les données sont les plus précises.
    J'aimerais mettre l'accent sur trois éléments. Premièrement, l'exploitation minière au Mexique est une activité économique à risque élevé pour les sociétés canadiennes. Deuxièmement, bien que quelques conflits aient surgi entre les communautés mexicaines et les sociétés minières canadiennes, il y en a étonnamment peu. Et troisièmement, le gouvernement canadien, en particulier le personnel consulaire qui le représente, semble mal outillé pour faire face aux réactions de plus en plus hostiles de la population à l'égard de nos entreprises dans ce pays.
(0920)

[Français]

    Il me paraît important de mieux saisir le contexte dans lequel nos compagnies mènent leurs activités. En réunissant des données sur les projets ainsi que sur les milieux et communautés qui les entourent, on obtient assez rapidement le portrait d'une industrie à haut risque. Elle conjugue une forme d'exploitation à haut impact sur ses environs et une présence d'un bout à l'autre du territoire mexicain, un territoire densément peuplé caractérisé par des utilisations multiples, des régimes fonciers complexes et des tensions sociales importantes.
    Les compagnies minières canadiennes ont fait leur percée dans le secteur minier mexicain à partir des années 1990. Elles ont amené avec elles un fonds de capitaux se chiffrant à des milliards de dollars. Puisque nos compagnies ont dominé le secteur, elles détiennent actuellement environ les trois quarts des projets. On peut dire qu'elles ont été le moteur principal de la relance de l'industrie minière au Mexique. Au-delà des investissements, elles ont permis une importante modernisation des techniques d'exploitation. La plus importante est sans doute l'exploitation dite de fort tonnage et faible teneur. Il s'agit le plus souvent de mines à ciel ouvert.
    Dans le cadre de la majorité des projets miniers réalisés par nos compagnies, on exploite des gisements d'or, d'argent ou de cuivre. Ce sont, pour la plupart, des mines à ciel ouvert. Je ne veux faire ni l'apologie ni la dénonciation de cette forme d'exploitation, mais premièrement, elle est nouvelle; deuxièmement, elle a des impacts importants et à long terme sur le territoire et l'eau de sa zone; troisièmement, elle comporte des risques de contamination, et quatrièmement, elle requiert des investissements massifs. On parle en moyenne d'une centaine de millions de dollars par projet. Ces communautés rurales, qui sont souvent très pauvres, sont littéralement submergées par l'argent.

[Traduction]

    On compte actuellement 519 projets d'exploitation minière mis en oeuvre par des sociétés enregistrées au Canada. Ces dernières possèdent d'importantes concessions de plusieurs centaines de milliers d'hectares chacune — la moyenne est d'environ 15 000 hectares — qui, ensemble, représentent une partie importante du territoire national du Mexique.
    Je mentionne ce fait parce que je veux parler de la géographie sociale dans laquelle ces sociétés évoluent. Cette géographie sociale est très différente de celle du secteur minier canadien. Les projets miniers sont situés dans des régions où la densité de population moyenne est d'environ 49 habitants par kilomètre carré. Pour vous donner une idée, c'est environ l'équivalent de la région de Chelsea; c'est donc une région populeuse, mais assez rurale. La population de ces régions est principalement composée de petits agriculteurs, qui tirent leur subsistance de la terre et de l'eau. Dans des régions comme le Guerrero, l'État d'Oaxaca et le Chiapas, une bonne partie de ces agriculteurs sont autochtones et ont donc le droit spécial d'être consultés aux termes de la convention numéro 169 de l'OIT, que le Mexique a signée. Mais ils ont également des responsabilités particulières, ce qui fait que ces droits sont souvent ignorés. La majorité des projets que nous avons examinés, soit près des trois quarts, empiètent sur ce que l'on appelle des terres ejido. Il s'agit d'une forme d'exploitation collective accordée aux communautés rurales après la révolution mexicaine, et les lois qui régissent les terres ejido sont très strictes. Elles rendent très difficiles la cession, le changement d'utilisation ou même la location de terre, ce qui peut susciter des conflits au sein des collectivités ou entre les communautés.
    Enfin, de façon générale, les campagnes mexicaines sont actuellement aux prises avec une crise comme on n'en pas vue depuis des générations. La violence qui découle du trafic de la drogue augmente. Dans l'arrière-pays, on assiste à une flambée de la guérilla et de la militarisation. Le nombre de cas de corruption alléguée augmente à l'échelle locale et dans les États. Le contexte est donc le suivant: un nombre considérable de projets qui auront des répercussions importantes sur les ressources dont ont besoin les communautés locales doivent composer avec des revendications territoriales juridiquement complexes qui doivent être résolues, sur fond de flambée de violence et de recours à des méthodes extra-légales d'« intervention ». Voilà ce que j'entends par entreprise à haut risque.
    Les débats publics sur l'exploitation minière tendent à tourner autour des conflits qui opposent les sociétés minières et les communautés locales. Un volet important de notre recherche visait donc à mieux comprendre les facteurs et les dynamiques qui mènent à ces conflits. Fait surprenant, ces dernières années, seulement 13 projets mis en oeuvre par 11 sociétés minières canadiennes ont été impliqués dans des conflits ouverts. À titre de comparaison, il y a plus de 500 projets en développement au Mexique. De façon générale, la tendance observée au Mexique est valable pour toute l'Amérique latine. Ainsi, sur environ 1 300 projets miniers canadiens en exploitation dans la région, une cinquantaine sont aux prises avec des conflits.
(0925)

[Français]

    Ces 13 cas, au Mexique, dessinent une gamme de trajectoires. On a vu des communautés monter des blocus pour freiner les opérations, afin de forcer une négociation avec l'entreprise. Dans certains cas, la négociation a réussi à désamorcer le conflit. Dans d'autres cas, l'entreprise a fait appel à la force pour casser les blocus, arrêter les organisateurs, souvent avec des excès de violence.
    La violence aurait aussi pris la forme d'attaques. Celles-ci auraient été perpétrées par des personnes liées à l'entreprise contre des personnes s'opposant à la mine. On parle ici d'agression, mais aussi, dans deux cas, de meurtre. Le dernier vient tout juste de se produire. Samedi dernier, soit le 27 novembre, M. Mariano Abarca Roblero, un dirigeant de la communauté de Chicomuselo, dans l'État du Chiapas, a été fusillé devant sa maison par deux assaillants.
    Quelques jours avant sa mort, après avoir fait l'objet de menaces publiques, il avait demandé la protection de l'État. Ces menaces auraient été proférées par deux représentants de l'entreprise Blackfire, enregistrée ici, au Canada. Avant son assassinat, M. Abarca avait organisé plusieurs consultations publiques parmi les communautés situées aux alentours du projet de l'entreprise Blackfire. À la suite du rejet du projet par les communautés, M. Abarca a coordonné plusieurs blocus. C'était en juin et juillet derniers. Il est mort parce qu'il a voulu protéger sa communauté.

[Traduction]

    Que peut-on déduire de ces conclusions? Je note trois points.
    Tout d'abord, même si les activités d'exploitation minière des sociétés canadiennes au Mexique constituent une entreprise à haut risque, les chiffres montrent que ces sociétés sont jusqu'à présent capables de gérer ce risque. J'ai personnellement rencontré des habitants des communautés mexicaines qui admettent que les gestionnaires des sociétés minières négocient de bonne foi et qui sont heureux de collaborer avec eux. À cet égard, la stratégie actuelle de RSE du gouvernement ne peut qu'aider nos sociétés à améliorer leur rendement sur les plans des relations avec les communautés et des impacts environnementaux. Voilà le genre de travail préventif qui est absolument nécessaire à l'établissement de relations saines et pacifiques entre les sociétés et les communautés.
    Je crois que s'est immiscée dans les débats du comité une fausse dichotomie, qui oppose le projet de loi C-300 à la stratégie actuelle du gouvernement en matière de RSE. De toute évidence, nous avons besoin de ces deux mécanismes, qui doivent travailler de paire.
    Ensuite, votre comité a entendu dire que le projet de loi C-300 exposerait l'industrie minière canadienne à une foule de recours intentés par les communautés et leurs alliés, que le nombre de plaintes dépasserait la capacité du MAECI à y répondre de manière satisfaisante, que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada ne pourrait obtenir le rendement optimal pour les économies de ces bénéficiaires, que le TSX perdrait un pourcentage substantiel de sa valeur et que l'industrie canadienne y laisserait sa réputation et son avantage concurrentiel.
    Chacun de ces arguments repose sur la présomption selon laquelle le projet de loi ouvrira la porte à une avalanche de malheur et de plaintes. Avec plus de 500 projets, le Mexique accueille une partie importante des activités de l'industrie minière canadienne à l'étranger. Or, les 13 cas qui se sont présentés au cours des cinq dernières années ne sont pas ce que l'on pourrait qualifier d'avalanche de problèmes. Je crois que l'industrie et le TSX peuvent dormir tranquilles.
    Fait plus important encore, les Mexicains sont pragmatiques. S'ils peuvent obtenir satisfaction en réussissant à négocier avec une société ou en interjetant appel devant les tribunaux mexicains, ils le feront et l'ont d'ailleurs fait par le passé. Ainsi, même s'il y a eu 13 cas, la plupart d'entre eux ont été résolus à l'échelle locale, sans qu'il y ait d'appel même devant les autorités gouvernementales mexicaines.
    Ensuite, sachez qu'il arrive que les activités des sociétés minières canadiennes au Mexique provoquent de graves problèmes. Il faut que ce soit absolument clair. Nous devons arrêter de prétendre que tous les projets et que toutes les sociétés sont sans reproche et que les ONG font des affirmations vexatoires et frauduleuses afin de sauver la face.
    Oui, les origines et le déroulement de ces conflits sont complexes. Oui, il y a de nombreux points de vue différents. Mais il n'en existe pas moins des faits incontestables et prouvés. Certaines personnes ont été assassinées et agressées physiquement, alors que d'autres ont vu leur propriété, leurs terres et leur eau endommagées sans avoir été indemnisées adéquatement ou avoir obtenu réparation. Elles ont été dépossédées de leurs droits.
    J'aimerais expliquer une de ces affaires plus en détails.
    Dix minutes et demie sont écoulées. Allez-y donc très brièvement, je vous prie.
    Il s'agit de l'histoire de Cerro de San Pedro, dans l'État de San Luis Potosi. Je vais vous résumer l'affaire.
    C'est un cas qui concerne une société qui a été poursuivie devant les tribunaux mexicains, qui ont découvert qu'elle était exploitée illégalement et violait les droits de la personne. Ces événements remontent à 1998. Ce que je veux faire comprendre, c'est que dans cette affaire, le gouvernement canadien a par moment continué d'appuyer cette société, que ce soit par l'entremise de son consulat ou en continuant d'investir dans le cadre du Régime de pensions du Canada, même après que les tribunaux mexicains eurent déclaré que cette société ne possédait pas de permis d'exploitation légale.
    Je dirai en terminant que les Mexicains qui se sont adressés au gouvernement canadien pour obtenir réparation dans des affaires graves comme celle de Cerro de San Pedro n'ont pas souvent obtenu de réponse. Des gens sont venus à l'ambassade canadienne à diverses occasions pour demander à l'ambassadeur de leur donner des réponses. D'autres sont venus à Ottawa pour demander réparation. Je ne dis pas que le gouvernement canadien ne veut pas leur répondre ou fait preuve de négligence. Il est simplement incapable de donner de réponse concernant une affaire très grave et attestée ayant pour théâtre le Mexique.
(0930)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Gizbert.
    Nous passons maintenant au prochain groupe. Nous devons entendre deux autres groupes. Nous souhaitons la bienvenue à M. Heaps.
    Nous laissons la parole à M. Blackburn, que nous nous ferons un plaisir d'écouter.
    Je vous remercie, monsieur le président et honorables membres du comité permanent.
    Je suis Robert Blackburn, vice-président principal, SNC-Lavalin International. Je suis accompagné de mon collègue, Jean-François Gascon, qui est chef de service, Durabilité de projet et environnement. Nous ferons ensemble un exposé très bref.
    SNC-Lavalin est l'un des plus grands groupes de construction et de génie du Canada. Nous sommes principalement actifs dans les secteurs des mines et de la métallurgie, des produits chimiques et du pétrole, de la production d'énergie, et de la construction, de la propriété et de la gestion d'infrastructure. En 2008, la moitié de nos recettes de 7,1 milliards de dollars venait de nos activités à l'étranger. Il est intéressant de noter que de ces recettes, seulement 3 p. 100 venaient des États-Unis et 13 p. 100, de l'Afrique, qui constituent traditionnellement nos principaux marchés géographiques extérieurs. Nous travaillons actuellement sur tous les continents dans le cadre d'environ 10 000 projets mis en oeuvre dans 100 pays. Nous comptons environ 22 000 employés à l'échelle mondiale.
    J'aimerais aborder six grands points, après quoi Jean-François vous parlera brièvement de son expérience et ses observations concernant les problèmes de durabilité des projets en Afrique et ailleurs.
    Sachez tout d'abord que nous sommes favorables aux objectifs du projet de loi C-300. Nous avons toutefois de sérieuses réserves concernant sa nécessité et l'approche qu'il propose. Contrairement à ce qui semble être une de ses hypothèses de base, les sociétés minières, pétrolières et gazières du Canada ont généralement un dossier et une réputation très positifs à l'échelle internationale. Les incertitudes que créerait le projet de loi menaceraient leurs activités et les désavantagerait considérablement par rapport à leurs concurrentes étrangères.
    Le projet de loi C-300 aurait également des répercussions sur SNC-Lavalin, car même si ce n'est pas une société minière, pétrolière ou gazière, elle offre des services à des clients canadiens et étrangers de ces secteurs dans des pays en développement. En outre, nous prenons parfois une certaine participation dans les projets de nos clients; nous avons donc des intérêts communs. L'investissement que nous avons effectué dans Ambatovy, à Madagascar, illustre comment nous suivons les lignes directrices volontaires de l'Association minière du Canada, qui régissent très strictement l'industrie.
    Dans son témoignage, Jim McArdle, d'Exportation et développement Canada, a indiqué qu'en 2008, 139 000 emplois canadiens étaient attribuables exclusivement au soutien et aux investissements à l'exportation qu'EDC offre aux industries de l'extraction minière. De ces emplois, plusieurs milliers sont occupés par des employés de SNC-Lavalin au Canada et ailleurs dans le monde.
    Ensuite, il importe que les règles qui régissent les sociétés canadiennes soient comparables à celles qu'observent leurs concurrentes dans d'autres pays. Les projets qui reçoivent du financement du crédit à l'exportation ou de la plupart des grandes banques aux termes des Principes de l'Équateur, doivent satisfaire à des règles strictes en matière d'évaluation environnementale et sociale, conformément aux recommandations de l'OCDE sur les approches communes en matière d'environnement. Ces projets doivent également observer des exigences permanentes au cours des étapes de mise en oeuvre et d'exploitation en vertu des lignes directrices de l'OCDE et de la Banque mondiale. Les promoteurs de projet doivent non seulement satisfaire à ces critères, mais également déposer régulièrement, à la demande du bailleur de fonds, des rapports d'étape expliquant comment ils honorent leurs engagements. Habituellement, EDC effectue ses propres vérifications de rendement également.
    Enfin, les régimes d'EDC et de la Banque mondiale exigent la divulgation d'une somme considérable de renseignements dans des rapports d'évaluation des impacts environnementaux et sociaux et, souvent, des rapports de progrès. Ainsi, les sociétés minières, pétrolières ou gazières canadiennes développent et mettent en oeuvre de manière très transparente les projets qui bénéficient de cet important soutien financier. On ne peut pas en dire autant des sociétés issues de pays qui n'adhèrent pas aux approches communes de l'OCDE en matière de politiques environnementales et sociales. On peut par exemple penser au Soudan ou à d'autres pays.
    Je considère également que les plaintes et les sanctions que prévoit le projet de loi menacent sérieusement la réputation des sociétés, puisque chaque plainte, qu'elle soit fondée ou non, devrait faire l'objet d'une enquête de la part du ministère. Il semble qu'aucune sanction ne soit prévue en cas de plainte frivole ou vexatoire déposée par des particuliers et même par des concurrents mécontents. Un grand nombre des plaintes que vous avez entendues ici ou lues ailleurs, de par leur nature même, ne peuvent être prouvées; pire encore, il est impossible de s'en défendre. Le lancement d'une enquête ministérielle nuirait à la réputation de la société, peu importe l'issue. En outre, on ne sait pas clairement de quelles ressources et de quelle collaboration de la part du pays hôte on aurait besoin dans le cadre de ces enquêtes. Comme on l'a déjà indiqué, les pays concernés ont leurs propres lois, qui sont généralement très efficaces.
(0935)
    Quoi qu'il en soit, le processus semblerait faire double emploi à la stratégie de RSE que le gouvernement fédéral a annoncée récemment, qui comprend le poste de conseiller en RSE, le point de contact national de l'OCDE et les lignes directrices à l'intention des entreprises multinationales.
    Mon cinquième point est en fait un commentaire: ces 20 dernières années environ, le Canada a réalisé d'énormes progrès afin de rapprocher l'industrie et les ONG et faire échec au vieux jeu de gagnant-perdant. On peut penser notamment à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, un processus de consultation qu'EDC a lancé concernant sa ligne directrice en matière d'évaluation environnementale.
    Au bout du compte, le projet de loi C-300 pourrait n'avoir que peu d'avantages pour l'environnement et les communautés locales du tiers monde où des projets sont mis en oeuvre. Chose certaine, il ne stimulera pas la compétitivité du Canada.
    Enfin, je crois que le fardeau et l'incertitude afférents à l'approche que prévoit le projet de loi à l'égard des normes et de la mise en oeuvre à l'échelle mondiale irait à l'encontre des espoirs du Canada d'élargir ces activités dans de nouveaux marchés internationaux à forte croissance. Notre point de vue a été bien exprimé par Jim McArdle, d'EDC, lorsqu'il a dit ce qui suit:
Si le projet de loi C-300 est promulgué, nous pensons qu'EDC n'aura plus beaucoup d'occasions d'être sur le terrain. Au lieu de cela, elle restera sur la touche, en compagnie des entreprises canadiennes, en espérant que d'autres compagnies présentes sur le marché feront ce qu'il faut en matière de RSE.
    Merci de votre attention. Je demanderai maintenant à Jean-François Gascon de vous faire part de son expérience.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais savoir de combien de temps je dispose pour ma présentation.

[Traduction]

    Vous disposez d'environ cinq minutes.

[Français]

    Je vais faire ma présentation en français. Je laisse 15 secondes à ceux qui ont besoin de la traduction simultanée.
    Mon nom est Jean-François Gascon. Je travaille pour SNC-Lavalin Environnement et je suis chef de service, durabilité de projet. SNC-Lavalin, par le biais de notre service, met en place des programmes de développement durable pendant les phases de réalisation de projets, notamment dans le secteur minier et dans les autres secteurs d'extraction.
     Comme mon collègue vous l'a indiqué, l'objectif ultime du projet de loi C-300 est tout à fait louable. Nous partageons cet objectif, tout comme plusieurs de nos clients et partenaires au Canada. Cependant, je pense que le moyen utilisé est probablement le pire qu'on pouvait trouver pour atteindre cet objectif.
    Le plus gros problème du projet de loi est qu'on a l'impression qu'il est basé sur trois prémisses qui me rendent plutôt mal à l'aise. La première est que les entreprises canadiennes ne sont pas de bons citoyens corporatifs, notamment dans les pays en voie de développement. Mon expérience passée dans une quarantaine de pays, surtout des pays en voie de développement, — car j'ai moi-même vécu plusieurs années dans des pays en voie de développement — m'indique que c'est plutôt le contraire. Les entreprises canadiennes, notamment dans le domaine de l'extraction, ont plutôt une bonne réputation, surtout si on les compare à des concurrents de pays étrangers. Je suis donc un peu mal à l'aise quand je constate que cette prémisse est à la base du projet de loi.
    La deuxième prémisse est que l'environnement légal actuel est insuffisant pour répondre aux problèmes et à l'objectif visé, c'est-à-dire d'encourager les entreprises à avoir un meilleur comportement corporatif dans des pays en voie de développement. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de débattre de cela très longtemps. L'environnement légal est plus que suffisant, aujourd'hui, que ce soit au niveau des banques ou des agences de crédit à l'exportation comme EDC, qui sont soumis à un ensemble de règles, dont la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale qu'on doit appliquer à des projets à l'étranger, surtout quand il y a du financement canadien. Je pense que l'environnement légal, actuellement, est plus que suffisant pour permettre un contrôle assez efficace des réalisations des projets miniers par les entreprises canadiennes dans les pays en voie de développement.
    La troisième prémisse est celle qui me rend le plus mal à l'aise, surtout pour ceux qui ont voyagé dans des pays en voie de développement. C'est que les pays en voie de développement n'ont pas la capacité légale suffisante, ou n'ont pas assez de maturité pour pouvoir régler des problèmes, notamment sur le plan des droits de la personne ou du non-respect de l'environnement. Je pense que cette prémisse est très dommageable. On peut être un groupe de pression ou une ONG et prétendre de telles choses publiquement, mais quand ces éléments sont à la base d'un projet de loi du gouvernement canadien, en tant que citoyen canadien, cela me préoccupe énormément.
    Pourquoi ce projet de loi vise-t-il uniquement les projets en voie de développement? Poser la question, c'est y répondre. On considère que les pays développés sont capables de régler ces problèmes, mais que les pays en voie de développement ne le peuvent pas. C'est une problématique importante. Les pays en voie de développement ne veulent pas être infantilisés. Je pense qu'une relation paternaliste est probablement la dernière approche qu'on veut utiliser comme Canadiens, quand vient le temps de répondre à ces préoccupations très importantes.
    Je voudrais terminer avec un exemple assez probant, qui montre également un changement dans l'approche des entreprises canadiennes en ce qui a trait à des projets à l'étranger, notamment dans les pays en voie de développement. On parle beaucoup de relations avec les communautés. On parle du fameux « permis social d’exercer son activité », une approche, en général, plutôt passive. On veut régler les problèmes quand ils se manifestent. Par contre, de plus en plus, on voit des entreprises canadiennes qui ont une approche proactive. Par exemple, il y a un projet minier très important, un des plus gros projets miniers dans le monde, à Madagascar, le projet Ambatovy où SNC-Lavalin est un investisseur faisant partie d'un consortium où on trouve une entreprise japonaise, une entreprise coréenne et une autre entreprise canadienne. Dans le cadre de ce projet, au cours de la phase de réalisation, la phase de construction, on a mis en place trois centres de formation qui nous ont permis de former plus de 6 000 travailleurs locaux, ce qui a permis de maximiser en fait l'emploi local pour le projet. Aujourd'hui, il y a 10 000 travailleurs pour le projet dont 85 p. 100 sont des travailleurs locaux, ce qui est à peu près du jamais vu dans le monde minier.
(0940)
    On a également mis en place une stratégie en vue de maximiser l'approvisionnement local et, jusqu'à maintenant, on a acheté pour plus de 750 millions de dollars de biens et services produits localement ou par un intermédiaire local. Des stratégies mises en place visent justement à assurer non seulement la réalisation du projet, mais à maximiser les bénéfices locaux de ce type de projet. À mon avis, cette démarche devrait être celle à promouvoir plutôt que celle où on établit des normes minimales et qui consiste à vouloir punir les entreprises pour de mauvais comportements. On a salué l'annonce du gouvernement canadien relativement à la création d'un poste de conseiller en responsabilité sociale des entreprises, et je pense qu'on doit aller dans le sens de promouvoir les meilleurs pratiques et non pas de punir les pires. Merci.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Gascon.
    Monsieur Heaps, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous prenez part ce matin à notre nouvelle méthode de travail, qui consiste à entendre tous les témoins ensemble. Bienvenue.
    Monsieur le président et honorables membres du comité, c'est un véritable honneur de témoigner aujourd'hui, au coeur d'un des débats les plus importants de notre pays. Avant de me présenter, j'aimerais qu'un point soit parfaitement clair: l'adhésion au projet de loi C-300 n'est pas synonyme d'opposition aux sociétés minières et pétrolières du Canada, bien au contraire.
    J'ai une compagnie appelée Corporate Knights, dont je suis le président et le rédacteur. Nous avons fondé conjointement cette entreprise en 2002 en nous disant que dans le contexte mondial d'aujourd'hui, les sociétés doivent être au coeur de nos grandes solutions, à défaut de quoi, ces dernières n'ont rien de bien grand. Nous croyons également que les sociétés ont fortement intérêt à mettre en oeuvre des activités commerciales de manière à renforcer la durabilité sociale et politique, car nul ne peut réussir dans une société qui fait naufrage.
    Bref, nous appuyons sans réserve les entreprises canadiennes, leur sens de l'entrepreneuriat et de l'innovation, ainsi que leur capacité de stimuler la prospérité du Canada d'une manière dont nous pouvons tous être fiers. Ces huit dernières années, nous avons étudié le rendement des entreprises canadiennes sur les plans sociaux et environnementaux en effectuant des sondages annuels, comme ceux qui portent sur les 50 meilleures entreprises citoyennes du Canada et les 100 sociétés les plus durables à l'échelle mondiale, qui sont annoncées chaque année à Davos au cours du Forum économique mondial. Nous préparons également des rapports d'enquête évaluant le rendement des compagnies canadiennes quant au respect du code de déontologie des entreprises canadiennes et d'autres normes internationales de commerce responsable. Nos travaux m'ont mené au fond des mines géantes à ciel ouvert du Congo, dans les vastes plaines du désert de Gobi et au milieu des pipelines de pétrole de l'Équateur.
    La majorité des entreprises respectent notre image de marque d'équité et lui donnent de la crédibilité. Cette crédibilité bien méritée nous permet d'accéder à la direction et aux sites des sociétés. C'est également la raison pour laquelle les sociétés minières, pétrolières et gazières ont acheté des milliers de dollars de produits de notre compagnie.
    J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour couvrir deux grandes questions. J'aimerais d'abord traiter de certaines des tendances internationales qui définissent le contexte du marché où évoluent aujourd'hui les entreprises canadiennes. J'aimerais ensuite parler de l'incidence que pourrait avoir le projet de loi C-300.
    Sachez tout d'abord qu'en raison de leur taille et de leur pouvoir, les sociétés forment maintenant une toute nouvelle zone grise entre les États et les entreprises; selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, 29 des 100 plus grandes entités économiques du monde sont des sociétés.
    La majorité des ressources non exploitées du monde sont situées dans des États instables. Les compagnies du Canada et d'autres pays se tournent de plus en plus vers l'étranger pour chercher des ressources naturelles. Comme les niveaux de ressource du Canada décroissent, nos entreprises doivent faire un choix: aller là où se trouvent les ressources ou disparaître. Dans son document intitulé International Energy Outlook, l'Energy Information Administration des États-Unis indique que d'ici 2025, environ 80 p. 100 de l'approvisionnement en pétrole du monde viendra de pays non membres de l'OCDE. Bon nombre de ces pays se trouvent dans des zones où la gouvernance laisse à désirer.
    De nos jours, comme nous le savons tous fort bien, le siège social de 75 p. 100 des sociétés de prospection et d'exploitation minière du monde se trouve ici même, au Canada. De plus, en raison de le révolution des technologies de l'information et des communications, les sociétés sont sous les feux de la rampe — ou sur YouTube, dans le cas présent —, et ce qui se passe au fond de la jungle le matin peut apparaître à l'écran de votre ordinateur ou de votre téléviseur l'après-midi même.
    Le cinquième facteur qui définit le contexte mondial dans lequel nous évoluons est l'importance croissante du mandat relatif à la responsabilité sociale des entreprises. Au cours des dix dernières années, il est apparu tout un éventail de normes et de lignes directrices internationales relatives au rendement des entreprises, qu'il s'agisse des normes de rendement de la Société financière internationale, des principes volontaires en matière de sécurité et de droits de la personne, des requêtes présentées par le juge Ian Binnie de la Cour suprême pour l'adoption de lois sur la responsabilité des sociétés ou du travail méticuleux effectué par John Ruggie, représentant spécial de l'ONU pour la question des droits de la personne et des sociétés transnationales.
    Si on observe tous ces facteurs, on voit émerger une tendance manifeste: on sait de plus en plus clairement ce que l'on attend aujourd'hui des sociétés. C'est particulièrement vrai au Canada. Le projet de loi C-300 arrive à point nommé dans ce contexte.
    Selon moi, le projet de loi C-300 pourrait avoir un quadruple effet, qui ne pourrait qu'être bénéfique pour les sociétés. Il pourrait d'abord contribuer à éclaircir la situation pour nos plus honorables sociétés. Suite à la fusion des ONG et à la révolution des technologies de l'information et des communications, les allégations fusent de partout. La mise en place d'un mécanisme crédible prenant des décisions judicieuses permettrait de mettre fin sans tarder aux fausses accusations et de protéger la réputation des sociétés canadiennes.
(0945)
    Deuxièmement, on présume que l'acheteur d'une petite société minière ou pétrolière acquiert non seulement les actifs, mais aussi les responsabilités de l'entreprise, à savoir ses responsabilités sociales et environnementales. Et ces responsabilités coûtent cher. La présence d'une instance crédible pour la responsabilisation et l'administration inciterait très fortement les petites sociétés canadiennes à adhérer plus étroitement aux normes internationales en matière de droits de la personne et d'environnement, ce qui éviterait la destruction de valeurs et la perte de temps. Ce serait une situation gagnante tant pour les petites sociétés, qui pourraient vendre leurs actifs à plus fort prix, que pour les grandes entreprises qui pourraient ainsi éviter les maux de tête souvent associés à l'acquisition de petites sociétés.
    Troisièmement, ce projet de loi pourrait offrir aux investisseurs une assurance de qualité marquée du sceau canadien. Je m'explique. À l'issue de la récente crise financière qui a vu des valeurs de 50 billions de dollars s'envoler en fumée, les investisseurs sont devenus de plus en plus soucieux du risque. Cette crainte du risque a malheureusement entravé l'apport de capitaux sur les marchés émergents, car la plupart des investisseurs accordent maintenant la même prime de risque de décote à toutes les entreprises, en fonction du risque souverain, sans égard à leurs pratiques respectives. Les principaux facteurs de risque dans la plupart des emplacements sont toutefois associés au mode de fonctionnement de l'entreprise, plutôt qu'au contexte dans lequel elle s'inscrit. C'est ce que j'ai pu constater au fil de mes expériences et d'après ce que m'ont dit d'autres experts qui ont examiné des centaines de sites dans différents pays.
    En plus de cibler indûment les principales entreprises responsables du seul fait que leurs activités se déroulent dans un contexte difficile, les pratiques d'investissement en cours entraînent pour les investisseurs des taux de rendement corrigés du risque sous-optimaux. S'il existait une norme de responsabilisation crédible pour les entreprises inscrites au TSX, les investisseurs pourraient être disposés à payer davantage que pour une société comparable inscrite, par exemple, à la bourse de Londres, car ils craindraient moins de se faire refiler du stock vicié.
    Quatrièmement, je crois que ce projet de loi pourrait offrir également une prime d'assurance de qualité marquée du sceau canadien pour les pays hôtes et les intervenants locaux. Les Canadiens sont présents partout où il se fait de l'exploitation minière. Ce secteur ne dépend pas des avantages technologiques. Toutes les entreprises sont capables de le faire. Dans la course pour les ressources disponibles, une entreprise canadienne peut se distinguer d'un concurrent chinois grâce à l'avantage concurrentiel qui lui vient de ses capacités en matière de sécurité, de prise en compte des questions sociales, de respect des droits de la personne, d'engagement communautaire, de contribution à l'emploi local et de protection de l'environnement.
    Le projet de loi C-300 n'est pas parfait, pas plus d'ailleurs qu'il ne règle toutes les questions, mais l'adoption d'un mécanisme de responsabilisation crédible indique de façon non équivoque que les entreprises canadiennes sortiront gagnantes des bouleversements sismiques qui façonneront la nouvelle économie mondiale.
    Je vous remercie.
(0950)
    Merci beaucoup, monsieur Heaps, et merci à vous tous pour vos exposés de ce matin.
    Nous allons passer à la première série de questions en commençant avec M. Rae.
    Monsieur Blackburn, vous avez parlé en passant du programme de conseiller mis en place par le gouvernement fédéral. Êtes-vous d'accord avec ce processus?
    C'est un tout nouveau processus qui semble émerger des consultations entre les ONG et les sociétés minières. Nous n'avons donc pas participé à sa création, mais c'est un mécanisme qui m'apparaît effectivement utile.
    Seriez-vous d'accord pour dire que ce processus part de l'hypothèse qu'il existe un problème.
    Il va de soi que certaines préoccupations ont été soulevées et c'est effectivement le moyen qu'a trouvé le gouvernement, notamment à la lumière de ces consultations, pour régler le tout.
    Je suis persuadé que vous vous rendez compte de l'étalement de ce processus législatif dans le temps. Le projet de loi a été proposé par M. McKay avant que le gouvernement ne nous dévoile sa position en matière de responsabilité sociale des entreprises. Nous avons eu au sein de ce comité un débat qui a mené à la production d'un rapport, après quoi il y a eu une longue période d'attente. M. McKay a ensuite mis de l'avant sa mesure et le gouvernement a établi le processus de conseiller.
    Bon nombre des éléments problématiques que vous avez fait valoir relativement au projet de loi C-300 seraient aussi applicables au processus de conseiller. N'importe qui peut se plaindre, utiliser Internet, s'adresser à la planète entière, à l'auditoire de son choix pour dire qu'une telle activité a cours, que c'est terrible, que c'est épouvantable. La réputation d'une entreprise peut être entachée par n'importe quel groupe qui décide de se manifester ainsi.
    Après avoir reçu la plainte, la conseillère demandera à l'entreprise si elle souhaite qu'on entame le processus. L'entreprise peut s'y opposer. Elle peut faire valoir qu'elle n'est pas d'accord et choisir plutôt d'émettre un retentissant communiqué.
    Je retiens notamment de votre exposé et de celui de M. Gascon qu'un processus a été créé au Canada, et que de nombreux pays nous emboîtent le pas, et que cela s'explique du fait que nous avions l'impression qu'il y avait un problème.
    Ce que nous disait tout à l'heure M. Heaps est tout à fait pertinent. Les communications ont atteint un tel niveau d'avancement que toute allégation prend immédiatement de l'ampleur et parcourt la planète par le truchement d'Internet. Je vois certaines différences entre le processus de conseiller qui a été établi et un autre qui serait davantage fondé sur un cadre juridique. Ce dernier exigerait une enquête ministérielle et donnerait lieu à une série de sanctions et d'appels devant les tribunaux, plutôt que de miser sur la capacité d'examiner sensément les faits et de composer avec les allégations lancées dans une perspective pratique.
    Si la conseillère en vient à faire enquête au sujet d'une allégation qu'elle estime justifiée, il faut présumer que le pays hôte, notamment, pourrait en bénéficier. Il arrive qu'il n'existe pas de tribunes judiciaires internationales pouvant être saisies de certaines de ces questions.
(0955)
    Pensez-vous que c'est déraisonnable...? Vous avez parlé de DEC, et nous avons reçu M. McArdle. DEC a élaboré une politique, de concert avec la Banque mondiale et tous les autres intéressés, relativement aux lignes directrices environnementales. La Société financière internationale a fait de même. Si ces lignes directrices environnementales bien établies ne sont pas respectées, aucun financement n'est offert.
    Pourquoi DEC ne tiendrait-il pas compte d'un rapport de la conseillère indiquant qu'à la lumière de tous les éléments portés à sa connaissance, une entreprise semble avoir été coupable de graves manquements à ses obligations en matière de droits de la personne en application de normes internationales bien établies, et pourquoi n'en concluerait-il pas qu'il lui est impossible d'octroyer du financement?
    J'ai entendu diverses déclarations qui ont pu être faites, mais il me semble que lorsqu'on parle des conséquences possibles, on va bien au-delà des effets véritables des mesures proposées.
    Vous laissez entendre que DEC ne traiterait pas avec une société qui a déjà eu des comportements abusifs. Je serais porté à penser la même chose.
    Tout à fait.
    Nous pourrions imaginer la situation d'une entreprise canadienne dont la réputation est sans tache, comme la plupart des sociétés canadiennes, personne ne le contestera. Elle entreprend un projet quelque part à l'étranger — à Madagascar, par exemple — et une allégation est soulevée. S'il s'avérait que cette allégation est fondée, DEC retirerait son soutien aux termes de ce projet de loi.
    Dans l'intervalle, pendant une période indéterminée... Le gouvernement canadien devrait sans doute s'adresser à celui du pays hôte en lui indiquant qu'une entreprise canadienne est soupçonnée d'infractions à certaines lois canadiennes et en lui demandant son aide pour l'enquête. À la suite de l'enquête, le ministre pourrait conclure que les allégations étaient sans fondement, mais les résultats devraient être publiés dans la Gazette du Canada. Il pourrait alors y avoir appel devant les tribunaux.
    Le processus créerait une certaine incertitude quant à la suite des choses. Pourquoi voudrais-je investir dans un projet dont le financement risque de s'écrouler en cours de route en raison d'une allégation pouvant aussi bien être soulevée par un concurrent qui aurait aimé obtenir le contrat au départ?
    Pour que les choses soient bien claires, le financement ne disparaîtrait pas en raison d'une allégation, pas plus qu'il ne s'écroulerait si c'est la conseillère qui était saisie d'une telle allégation. La conseillère, en vertu des règles en vigueur...
    Parlons sérieusement. D'ici six à huit semaines, il y aura une majorité conservatrice au Sénat. Nous ne savons pas si ce projet de loi sera adopté ou non. Mais bon nombre des plaintes portées à ma connaissance par le secteur privé concernant le projet de loi C-300 seraient aussi formulées dans le contexte du processus de conseiller.
    Je n'entends personne du secteur privé faire valoir qu'il est inacceptable de faire appel à la conseillère. Je n'arrive pas m'imaginer que DEC puisse mettre de côté une conclusion de la conseillère concernant le comportement d'une entreprise. En ce sens, la question est déjà réglée. Des mesures pour assurer la responsabilité sociale des entreprises sont déjà en place. Les sociétés qui se comportent...
    Alors à quoi sert le projet de loi C-300 si tout est déjà en place?
    Merci beaucoup.
    Madame Deschamps.

[Français]

    Monsieur le président, nous allons partager le temps alloué, compte tenu du fait que nous n'en avons pas beaucoup.
    J'aimerais m'adresser avec M. Daviken Studnicki-Gizbert. Dans votre présentation, vous avez relevé le fait, dans le cadre de votre recherche, qu'il existe des conflits au Mexique entre les collectivités et les sociétés d'exploitation.
    Êtes-vous en mesure de dire si des plaintes ont été déposées auprès des représentants consulaires canadiens au Mexique? De quelle façon ces plaintes ont-elles cheminé? Quels sont les outils dont disposent les représentants canadiens au Mexique? De quelle façon une plainte évolue-t-elle? Y a-t-il une grande majorité de plaintes frivoles? Sinon, en ce qui concerne les plaintes des gens qui arrivent à cogner aux portes des représentants canadiens, je suppose qu'elles doivent avoir un fondement. De quelle façon ces plaintes sont-elles recueillies? Quel est l'aboutissement final? Les délinquants sont-ils encadrés, mais la personne ou l'ONG qui formule ces plaintes a-t-elle également un soutien?
(1000)
    Vous avez plusieurs questions. La réponse à la première question c'est que, à notre connaissance, il n'y a qu'un cas ou une communauté ou des personnes de cette communauté auraient présenté une plainte auprès du gouvernement canadien. C'est le cas de Cerro de San Pedro. J'ai essayé d'aborder le sujet dans ma présentation, mais j'ai manqué de temps. Ces personnes se sont présentées à l'ambassade du Canada avec des lettres. Elles avaient pris contact avec l'ambassadeur. Cela s'est produit à trois reprises, en 2007, 2008 et 2009.
    Selon moi, l'ambassadeur leur a répondu par son silence. Il n'y a pas eu d'enquête ou même de suivi par la suite. Cette communauté est ensuite venue au Canada. Ces gens considéraient qu'il était important de parler aux autorités canadiennes au sujet de l'une de ces compagnies. Dans leur esprit, il y a un lien très étroit entre les compagnies et le gouvernement. Cela se produit dans tout le Mexique et l'Amérique latine. On constate une sorte de dégringolade de la réputation canadienne, mais aussi de celle de nos compagnies, quand ces plaintes ne sont pas réglées.
    Ces personnes sont donc venues au Canada. Certains députés les ont appuyées moralement et ont posé certains gestes d'appui mais, en termes de gestes concrets, il n'existait pas de mécanisme pour agir. Selon moi, le projet de loi présenté ici n'est pas fait pour réglementer l'industrie ou l'interaction entre l'industrie et les communautés, que celles-ci soient lésées ou non. Il existe simplement pour réglementer la réponse du gouvernement, à la question de savoir si le gouvernement va continuer à investir dans des compagnies dans le cas desquelles on peut clairement établir qu'il y a eu des abus en matière de droits humains ou d'autres droits, ou des inégalités. Cette loi existe simplement pour que les citoyens du Canada soient assurés que les gestionnaires de leurs fonds de pension et le gouvernement n'appuient pas certaines compagnies dans certains cas. On parle ici d'une minorité de cas. Il y a 13 cas, dont un a été soumis au gouvernement du Canada.
    Madame Lalonde.
    Bonjour, monsieur Daviken. Vous avez fait un portrait que vous avez voulu assez global. Vous avez travaillé avec des étudiants universitaires et vous avez eu accès à de grandes sources d'information. Vous concluez avec surprise qu'il n'y a que 13 cas qui ont dégénéré en crise. Vous avez donc vu des situations qui auraient pu générer d'autres crises.
    Je ne veux pas entrer dans tous les détails de ma recherche, parce que l'on pourrait s'éterniser à ce sujet. À part certaines régions du Mexique, tous les projets de mine sont établis dans les zones de haute densité de population, là où les populations ont besoin de l'eau et de la terre pour survivre, d'où ma surprise. Une mine à ciel ouvert, ce n'est pas rien. C'est surprenant: on se demande ce qui est en train de se passer, on ne sait pas exactement pourquoi il n'y a pas plus de cas.
    Il y a une hypothèse: les compagnies font leur devoir et s'assurent qu'il n'y a pas de dégâts, de menaces qui pèsent sur les communautés et que les relations avec les communautés sont bonnes en ce qui a trait à toutes les choses qui sont exprimées dans le cadre de ce qu'on appelle le CSA. C'est une première hypothèse.
    Il y a une autre hypothèse: la majorité des projets que l'on est en train de surveiller n'en sont plus à l'étape de l'exploration. On parle de 519 projets de toutes sortes, que ce soit des projets d'exploration préliminaire ou autre. Ceux qui fonctionnent ne sont qu'une minorité. Tous les cas de confit surgissent quand la mine se met à fonctionner. Les communautés réalisent ce qui est en train de se passer et il y a alors une réponse. Comment la réponse vient-elle? Telle est la question de Mme Deschamps.
    Parfois, il y a des négociations. Pour ma part, j'ai vu un cas très intéressant au Mexique. Le gérant de la compagnie s'est rendu au Mexique pour négocier, et cela a été résolu sur le tas.
(1005)
    Messieurs Blackburn et Gascon, vous parlez au nom de SNC-Lavalin, qui est une énorme compagnie. Vous avez déjà des règles. Vous dites que les entreprises sont capables de réguler elles-mêmes leurs façons de faire, grâce à leur expérience. Je vous crois. M. Heaps a parlé des petites entreprises qui s'installent dans des milieux où elles peuvent abuser de la population.
    Pourquoi ne croyez-vous pas qu'une loi qui établirait non seulement des normes, mais aussi la possibilité d'être montré du doigt, n'aiderait-elle pas? Pour ma part, je crois que les entrepreneurs sont extrêmement intelligents et qu'ils profitent de certaines situations. Certains d'entre eux ont des valeurs; d'autres en ont moins. On peut agir sur leur façon d'agir, justement.
    Vous soulevez un premier point: vous dites que l'on est capables de se réguler, etc. Ce n'est pas exactement ce que l'on dit. On dit plutôt qu'il existe déjà des règles importantes sur les plans national et international qu'on doit respecter. On ne va pas nécessairement se satisfaire de respecter au minimum les lois. Bien souvent, on ira beaucoup plus loin que ça.
    Lorsque l'on parle d'opérations minières, on parle souvent d'opérations échelonnées sur 10, 20 ou 30 ans. Donc, pour un exploitant, un investisseur, c'est important de développer une excellente relation dès le départ.
    En général, SNC-Lavalin interviendra sur les projets tout au début, alors qu'ils sont en phase de construction, qui est une phase à hauts risques. En général, on a environ cinq fois plus de main-d'œuvre sur le terrain que pendant la phase d'opération. Aussi, on a là une excellente occasion de développer un modèle qui peut par la suite être poursuivi par le client.
    Je ne veux pas vous interrompre, mais ne pensez-vous pas que cela peut ne pas se produire?

[Traduction]

    Merci, madame Lalonde. Je vais devoir vous interrompre. Vous en êtes presque à neuf minutes.
    Nous allons passer à M. Goldring et Mme Brown qui vont partager leur temps.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Blackburn, toutes les entreprises souhaitent mieux faire et l'intention de ce projet de loi, quoique fort louable, est problématique. Le secteur minier canadien dans son ensemble jouit d'une excellente réputation, tant au pays qu'à l'échelle internationale. Certains de nos témoins nous l'ont confirmé.
    Il y a eu un commentaire qui pourrait paraître exagéré; quelqu'un a parlé de pas moins d'un milliard de plaintes à traiter. Le libellé du projet de loi est révélateur: « les ministres reçoivent les plaintes... déposées par tout citoyen ou résident permanent canadien ou tout résident ou citoyen d'un pays en développement ». Cela ne se limite pas à recevoir l'information; il faut également faire enquête.
    Nous savons tous qu'il nous arrive ici de recevoir de temps à autre des milliers d'éléments d'information, de demandes de renseignement, de plaintes et de directives. Il est donc concevable qu'il y ait un milliard de plaintes à traiter. Cela touche non seulement le MAECI et DEC, mais aussi vos propres entreprises. En cas de publipostage, d'envois générés par ordinateur ou de choses semblables, il faut déchiffrer le tout pour voir quels renseignements on peut en tirer.
    Il n'y aurait donc pas seulement les services juridiques de DEC et du MAECI qui seraient encombrés. Votre entreprise serait également touchée. Vous nous avez dit que vous aviez 10 000 projets dans différents pays du monde et que 7 milliards de dollars de vos revenus provenaient de l'extérieur du Canada. Quelqu'un a mentionné précédemment que le TSX allait mieux respirer grâce au projet de loi C-300. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Êtes-vous d'accord pour dire que le TSX se porterait mieux? Qu'adviendrait-il de toutes ces entreprises canadiennes? Vont-elles quitter le pays? La solution pour elles est d'éviter d'être assujetties à des lois semblables, et la meilleure façon de le faire consiste à déménager.
(1010)
    Qui peut prévoir le nombre de plaintes qui seront formulées? Nous nous inquiétons surtout de voir cette couche additionnelle s'ajouter à un système déjà en place, comme l'indiquait M. Rae. Il y a également des instances internationales.
    Mais les ministres sont tenus de donner suite aux plaintes en vertu de ce projet de loi.
    Oui, c'est exact. C'est ce qui fait la différence en l'espèce. On met en place un processus lourd et inutile assorti de sanctions et de démarches juridiques. Toute entreprise qui souhaite développer un projet dans une région difficile du monde cherchera à minimiser ses risques. Comme cette loi introduit un certain niveau d'incertitude, on choisira d'aller ailleurs pour développer ce projet.
    Je ne vois pas comment cela pourrait être une bénédiction pour le TSX. Mais je ne sais pas non plus combien de plaintes pourraient être déposées et combien d'enquêtes pourraient être entreprises. Quelles seraient les incidences pour les sociétés minières ou pétrolières canadiennes? Qui peut le prédire? Je ne vois absolument pas comment les résultats pourraient être positifs, mais qui sait vraiment à quel point ils pourraient être négatifs?
    Merci, monsieur Goldring.
    Avez-vous été consultés aux fins de l'élaboration de ce projet de loi?
    Non. Alors que la création du poste de conseiller en responsabilité sociale des entreprises a fait suite à de vastes consultations auprès de l'industrie et des ONG, personne n'a été consulté avant l'élaboration de ce projet de loi. Il nous arrive de voir une situation dénoncée sur Internet sans qu'elle n'ait jamais été portée à notre connaissance. Il est alors impossible pour nous de réagir.
    C'est ce que nous avons constaté dans le cadre de ces travaux. Nous n'avons toujours pas entendu quelqu'un nous dire qu'il avait été consulté aux fins de l'élaboration de ce projet de loi.
    Monsieur Blackburn, vous nous avez indiqué que vous aviez 10 000 projets et 22 000 employés dans des pays étrangers. Vous n'êtes pas une société minière; vous fournissez des services aux entreprises de ce secteur. Vous nous avez également dit que vous étiez souvent disposés à investir pour vous assurer une participation en capital dans un projet mis de l'avant par une société d'extraction minière. Quels critères utilisez-vous pour déterminer si vous allez investir ou non dans une société? Si une plainte était déposée en vertu de ce projet de loi, investiriez-vous quand même?
    Comme j'essayais de vous le dire, nos investissements sont généralement plutôt limités. La mine Ambatovy à Madagascar est un bon exemple. Nous investissons à hauteur de 5 p. 100 dans ce projet qui est bénéfique pour nous, car il s'agit d'un dépôt très riche dans un pays qui se réjouit de notre investissement, nos intérêts s'harmonisant avec ceux de Sherritt, notre client canadien, et ceux des partenaires japonais et coréens.
    Si le dossier était problématique, s'il y avait des allégations d'abus sous quelque forme que ce soit, il va de soi que nous n'investirions pas. Nous ne voudrions pas être impliqués.
    Vous dites que vous avez des parts de 5 p. 100 dans cette mine à Madagascar. Pourriez-vous nous parler des avantages pour Madagascar en termes d'emplois? Combien de gens avez-vous embauchés dans le cadre de ce projet?
    Dans quelle mesure ce projet a-t-il haussé le niveau de vie de vos employés?
(1015)
    Dès le départ, le gouvernement de Madagascar a fortement insisté pour qu'un maximum d'emplois soient créés parallèlement, dans la mesure du possible, à un transfert de connaissances et à un renforcement des capacités. Dans son rôle de fournisseur de services, mais aussi de partenaire minoritaire dans le projet, SNC-Lavalin a misé sur un programme conçu 15 ans auparavant pour d'autres projets développés en Afrique méridionale. C'est ce que nous appelons l'initiative de développement des ressources locales.
    Cette initiative s'appuie sur trois piliers. Le premier est un programme de formation de la main-d'oeuvre visant à augmenter l'employabilité de la population locale. Nous avons ainsi formé 6 100 travailleurs locaux, ce qui a fortement contribué à augmenter la proportion de ceux-ci au sein de la main-d'oeuvre totale du projet. Je vous ai déjà indiqué qu'au plus fort de la construction, 10 000 travailleurs participaient en même temps au projet. De ce nombre, 85 p. 100 étaient des travailleurs locaux, une proportion que nous n'avions jamais atteinte auparavant.
    Le second pilier de l'initiative était un programme de développement des PME et d'approvisionnement au niveau local en vertu duquel nous avons conçu le projet de manière à maximiser les marchés à octroyer localement. Nous avons montré aux entreprises locales comment elles devaient s'y prendre pour soumettre des propositions gagnantes et nous avons également, toutes les fois que cela était possible, offert des services de renforcement des capacités, de mentorat, de gestion et de formation technique, sans compter les milliers d'heures de soutien aux entreprises locales liées par contrat avec nous. Nous estimions en effet important qu'un projet devant s'étaler sur 27 ans puisse miser sur des fournisseurs locaux et contribuer au développement de l'économie locale.
    Le troisième pilier consistait en une collaboration très importante avec les organismes de développement de la région, tout spécialement dans le secteur de l'agriculture, pour que les fermiers puissent écouler leurs produits grâce au projet. Chaque jour, nous devions préparer des repas pour des milliers de travailleurs, de telle sorte que ce programme visait à maximiser les retombées et s'inscrit aujourd'hui parmi les pratiques les plus efficaces de SNC-Lavalin.
    Merci, monsieur Gascon.
    Monsieur Obhrai, un rappel au Règlement.
    Merci.
    Je sais bien que le NPD a droit à sa part de questions, mais comme une motion d'adoption vient tout juste d'être déposée en Chambre, nous devons nous rendre sur place d'ici 10 h 30 sans qu'il n'y ait de sonnerie. Alors si nous voulons nous pencher sur les travaux du comité, nous devrions le faire dès maintenant.
    Je vais vérifier auprès de nos gens. Vous ne me laissez pas le choix, car vous semblez vouloir tout annuler par les temps qui courent.
    J'en prends note. Je n'ai pas reçu d'avis... Peut-être que quelque chose est entré sur mon BlackBerry, mais j'estime que nous devons poursuivre nos travaux jusqu'à ce que la sonnerie retentisse; on ne peut pas faire autrement. Il est possible que certaines choses changent.
    Monsieur Dewar.
    Ce n'était pas un rappel au Règlement, monsieur le président.
    Oui, c'en était un. Il a invoqué le Règlement pour un point de procédure.
    Une voix: Comme il n'y a pas de sonnerie, pas besoin de rappel au Règlement.
    Une voix: Pour notre part, nous devons être à la Chambre d'ici 10 h 30.
    Le président: Je vous laisse en décider.
    Monsieur Dewar.
    Je n'entends aucune cloche.
    Moi non plus.
    Il est possible que vous en entendiez; pour ma part, je reste attaché à la réalité
    Monsieur Heaps, vous avez été très clair dans votre soutien au concept du projet de loi C-300. Vous avez dit souhaiter que d'autres éléments puissent être mis en place. Comme j'ai lu votre magazine, je suppose que vous voudriez que l'on promeuve l'image de marque du Canada en faisant valoir aux autres pays qu'ils seraient bien avisés de faire appel à des sociétés canadiennes.
    Selon vous, quelles mesures devrions-nous prendre en sus du projet de loi C-300? Je suppose que cela nous ramène à cette fausse dichotomie qui a été soulevée entre ceux qui sont favorables au concept du projet de loi C-300 et qui semblent s'opposer à l'exploitation minière. Il va de soi que je ne suis pas de cet avis.
    Si nous visons tous le même but, pourquoi ne pourrions-nous pas nous servir du projet de loi C-300 pour améliorer notre réputation à l'étranger en nous assurant que l'image de marque de notre pays est solide, bien accueillie et adéquatement promue?
    Merci, monsieur Dewar.
    Je voudrais dire d'abord et avant tout que j'ai entendu ce matin quelques commentaires qui sont presque risibles. On a notamment parlé de la possibilité qu'il y ait des milliards de plaintes. Il suffit de constater que le bureau du CAO à la SFI a reçu un total de 110 plaintes au fil de ses quelque 10 ans d'existence. C'est environ 10 plaintes par année.
(1020)
    Pourriez-vous nous dire de quelle organisation vous parlez exactement?
    Bien sûr. Cela veut dire vérificateur de conformité / ombudsman de la Société financière internationale.
    80 de ces 110 plaintes ont été sommairement rejetées. Sur la page d'accueil de la société, on lit en toutes lettres: « Comment déposer une plainte ». N'importe qui peut déposer une plainte. N'importe qui dans le monde entier. Vous ou moi, nous pourrions le faire immédiatement. Or, en dix ans, 110 plaintes ont été déposées. C'est une statistique de poids. Ce n'est pas tout à fait aussi coercitif que le projet de loi C-300, mais c'est une statistique de poids. On ne parvient donc pas à croire qu'il y aura des milliards d'allégations.
    En outre, les paroles de notre collègue de SNC-Lavallin ont peut-être dépassé sa pensée parce que, si j'ai bien entendu, il a dit que des allégations de méfait dans un projet auquel cette société participait entraîneraient son abandon. J'en doute, parce que, sur les 110 allégations dont le vérificateur de la conformité ou ombudsman a été saisi, je suis presque sûr que SNC participait, d'une certaine manière, à deux ou trois des projets visés. Je ne crois pas que des allégations suffisent pour faire fuir des sociétés, parce que si on abandonne un investissement qui se chiffre dans les milliards de dollars à cause d'une allégation que n'importe qui peut porter, je dis que ça sent tout simplement mauvais.
    En ce qui concerne les autres remarques, je pense qu'il est dans la nature des sociétés de parfois se plaindre que le ciel leur tombe sur la tête. C'est ce qu'elles ont dit lorsque nous avons préparé des règlements sur le travail, la sécurité et l'environnement, et leurs craintes se sont révélées totalement non fondées. Finalement, ces règlements leur ont fait réaliser beaucoup plus de bénéfices. C'est du pessimisme outrancier. Je ne comprends pas ceux qui demandent pourquoi leurs compagnies, qui sont des chefs de file mondiaux, ont besoin de ce genre de loi. Pourquoi avons-nous des lois sur le travail et sur l'environnement ainsi que d'autres normes qui s'appuient sur tout un dispositif juridique dans notre pays? Nous avons besoin d'un mécanisme de responsabilisation. Pourquoi y a-t-il des arbitres dans le sport? Parce quelqu'un doit distribuer les pénalités, au besoin, et maintenir l'ordre.
    J'espère que le comité ne prend pas ces déclarations trop au sérieux. Pour répondre à votre question, qui est de savoir comment nous pouvons donner au Canada l'image d'un chef de file, je réponds comment pouvons-nous nous distinguer, en tant que Canadiens, lorsque nous exploitons une société minière à l'étranger? Notre réputation est très bonne, mais elle repose, dans une certaine mesure, sur les apparences. J'étais un jour en Colombie et je conversais avec l'ambassadrice des États-Unis. Elle m'a dit qu'une société canadienne fonctionnait en plein coeur de la zone contrôlée par les FARC, ce qu'une société américaine ne pourrait jamais faire, et que c'était un privilège dont jouissaient les sociétés de notre pays. Si nous voulons continuer de jouir de ce privilège, nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers. Nous devons offrir quelque chose qui est un gage réel d'assurance de la qualité, et le projet de loi que nous étudions constituerait un bon point de départ pour créer un semblant d'assurance de la qualité.
    Si, dans mon patelin du Congo, quelque chose allait mal, je saurais au moins qu'il existe un véritable processus qui me permettrait d'être écouté, si je formulais une plainte valide. Ce serait un exemple très éloquent pour les autres pays et c'est ce qui nous différencierait, au point que l'on pourrait dire: « Quand on fait affaire avec les Canadiens...
    M. Blackburn a soulevé une question. Je veux être juste et lui donner la possibilité de faire une mise au point.
    Merci. J'allais demander de pouvoir faire une mise au point.
    Je ne suis pas d'accord avec mon collègue. Je ne me moque pas de lui. Je n'ai sûrement pas parlé d'abandonner un projet. J'ai plutôt parlé de ne pas participer à un projet qui, d'abord, était un objet de controverse et était visé par une enquête. C'est tout.
    Pendant que nous y sommes, je vais en profiter pour vous demander quelque chose.
    Sans vouloir offenser personne, je pense que la question de la consultation est un peu un faux problème, évoqué ici à maintes reprises. Ce n'est pas que nous ne devrions pas vous consulter. C'est qu'un processus a précédé l'idée du présent projet de loi. En fait, M. McKay a proposé son projet de loi alors que nous attendions Godot. En ce qui nous concerne, nous attendons toujours Godot.
    Nous devons comprendre le processus, parce que c'était un processus du comité, comme M. Rae l'a mentionné. Il remonte à un ex-député de la circonscription que je représente maintenant, et dont le premier a été M. Broadbent. Il consistait à réunir des groupes qui étaient perçus comme étant complètement différents. Je pense que la plupart d'entre nous se sont félicités de réunir des représentants l'industrie et de la société civile. L'idée souriait à beaucoup, et seriez-vous d'accord pour dire que c'était une consultation?
    C'était assurément une consultation, et une bonne, je crois. Elle était marquée au coin de la coopération entre les entreprises et les ONG. En ce qui concerne le projet de loi actuel, je ne crois pas que nous ayons atteint ce niveau de coopération. Il me semble que, pour une raison ou une autre, il s'est établi une polarisation entre les ONG et les entreprises, qui sont — à l'exception peut-être de Corporate Knights Forum — fortement opposés au projet de loi.
    Ce n'est pas moi qui ait soulevé la question de la consultation. Je répondais simplement à une question.
(1025)
    Je sais. J'essaie simplement de clarifier les choses, pour le compte rendu.
    Pour le compte rendu, je confirme que vous n'avez pas soulevé cette question.
    Absolument pas.
    J'essaie de trouver un pont qui permettrait aux deux groupes de se rejoindre. Il y en a un, et dans les meilleurs moments de la discussion, des participants l'ont aperçu.
    Le projet de loi de M. McKay ne prévoit pas le poste d'ombudsman. Le mien, oui. Mais je devrais le laisser tomber, probablement, si le sort faisait en sorte que je puisse le déposer, parce qu'il exige une recommandation royale.
    M. McKay aimerait avoir l'ombudsman. Vous comprenez les limites que la loi impose ici. D'après ce que disent les gens de l'industrie, l'idée d'un ombudsman — un tiers sans préjugés qui recueillerait l'information et qui pourrait ensuite y donner suite — leur plaît. Cet ombudsman était une recommandation de la table ronde.
    Sachant cela, si le projet de loi C-300 prévoyait un ombudsman, seriez-vous en faveur? Je sais que je vous demande d'élargir un peu la portée de votre analyse, mais c'était une idée préexistante, qui remonte à la table ronde. Accepteriez-vous un processus avec un ombudsman, c'est-à-dire un tiers capable de superviser ce processus?
    Dans la mesure où cette fonction fait partie de la politique en vigueur du gouvernement, oui, mais non dans le cadre légal du projet de loi actuel, avec son...
    Non, ce que je dis c'est que, au lieu du ministre, il y a un ombudsman.
    Oui, un ombudsman se servant d'un processus pratique, sans succession d'appels et de sanctions, mais fondé sur le bon sens. Bien sûr.
    Merci. Nous sommes à huit minutes et demie.
    Je retourne à M. Goldring, et puis nous reviendrons pour une deuxième série d'interventions. Nous n'entendons pas la sonnerie. Nous avons tous été chanceux ce matin. Nous aurons quelques questions supplémentaires à vous poser.
    Monsieur Goldring.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Blackburn, je suppose qu'il faut se soucier non pas de ce qui n'est pas dans le projet de loi, mais de ce qui s'y trouve et du fait que les ministres ont comme directive d'enquêter sur toutes les questions dont ils sont saisis.
    Dans le projet de loi, on laisse très clairement entendre que les sociétés souscrivent aux dispositions internationales relatives aux droits de la personne. D'autres normes s'appliquent également, ce qui implique d'autres lois. Il pourrait y avoir des conventions avec les indigènes. Ce pourrait être la sharia, dans d'autres parties du monde, et ses modalités d'application, non seulement à votre propre activité minière, mais aussi, peut-être, aux collectivités. Je crois comprendre que certaines sociétés minières ont créé leurs propres villes minières, ce qui vous amène, socialement, à vous conformer à toutes les formes du droit international, à toutes les formes de conventions ou d'ententes, même dans ces collectivités, également. Nous savons tous que le Canada lui même ne souscrit pas à beaucoup de ces lois, de sorte qu'il en demande vraiment davantage aux sociétés qu'à lui-même.
    Nous avons ensuite la situation du ministre qui essaie de recevoir les plaintes, de faire enquête puis, peut-être, d'engager des mesures légales pour y donner suite. Dans ce cas, que fait-il? Saisit-il un tribunal canadien, un tribunal mexicain, par exemple, ou un organisme ou un tribunal international?
    Autrement dit, voilà les complexités et les incertitudes du projet de loi. Elles sont instructives et on ne peut pas vraiment les éviter. Je répète donc que ce n'est pas ce qui n'est pas dans le projet de loi qui est inquiétant, c'est ce qui s'y trouve. Et nous l'entendons sans cesse, de la part d'Exportation et développement Canada, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou d'une foule d'entreprises.
    Dans le monde, vous brassez vous-mêmes beaucoup d'affaires, le chiffre d'affaires de votre entreprise se chiffrant à lui-seul à quelque 7 milliards de dollars. On peut faire une extrapolation pour englober les autres sociétés. Combien y en a-t-il, je ne le sais pas, peut-être des centaines.
    Je crois comprendre, après avoir rencontré hier l'ambassadeur du Mexique que, dans ce pays seulement, le premier secteur d'investissement des sociétés canadiennes est le secteur minier.
    C'est ce qui fait que le secteur minier canadien est vraiment un chef de file mondial. Au Canada, beaucoup d'autres industries peuvent amplement tirer leçon de l'industrie minière, parce que beaucoup sont loin d'être aussi bien organisées à l'échelle mondiale. Félicitations, donc, à l'industrie minière canadienne pour avoir montré au monde entier qu'elle peut être un exemple à suivre, mais nous sommes en train de compromettre toute cette activité dans laquelle nous sommes les premiers, mondialement.
    Je reviens à la Bourse de Toronto, et à la crainte très palpable que les répercussions seront à l'opposé de ce que l'on dit et très négatives. Ayant moi-même des antécédents dans les affaires, je sais très bien que si j'avais le choix de mes orientations... j'ai lu et rédigé des milliers de cahiers de charge pour des projets de construction. Quand des obligations sont signalées dans ces documents, on prête attention. Mais, pour ma part, je ne soumissionnerais pas de nombreux projets, parce qu'ils sont trop contraignants. On cherche alors une autre manière de les réaliser.
    Pouvez-vous nous en dire davantage sur le risque potentiel que court le principal fleuron de l'activité internationale du Canada?
(1030)
    D'après ce que vous dites, la différence entre un ombudsman, qui se sert du bon sens... Ce n'est pas fondé sur le droit canadien, mais sur une politique canadienne visant à examiner les valeurs canadiennes et les obligations internationales du Canada. La différence entre l'ombudsman et essayer d'appliquer, à l'extérieur du Canada, une loi canadienne, à une entreprise canadienne exploitée en sol étranger, où sont en vigueur les lois, les coutumes et les traditions locales et où existent des systèmes locaux — comme, paraît-il, au Mexique et au Pérou, autre pays où beaucoup d'investisseurs du secteur minier sont Canadiens — c'est que, effectivement, on augmente l'incertitude. L'incertitude est le facteur qui rebute le plus l'investisseur, et son augmentation...
    On ne peut pas simplement réparer le projet de loi en y faisant de la place pour un ombudsman. Le projet de loi comporte beaucoup trop d'autres servitudes.
    Merci, monsieur Blackburn.
    Monsieur Rae.
    Je ne veux pas m'engager dans un débat, mais qu'est-ce qui est extraterritorial d'après les dispositions du projet de loi? D'après le texte, le ministre élabore des lignes directrices. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faudra un processus qui respecte le droit naturel à l'intérieur du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. C'est une condition préalable qu'il faut absolument respecter. C'est une obligation juridique que nous avons en tant que pays.
    On discute et on négocie les lignes directrices avec l'industrie — et avec tous les autres intéressés — sur une période d'une année. Si le projet de loi devient loi, le processus fera que, pour une plainte frivole, il ne se passera rien. Si le ministre décide qu'elle est sérieuse, nous ferons enquête.
    Essentiellement, il y a deux conséquences à cela: premièrement, si on constate une violation irréparable d'une ligne directrice, Exportation et développement Canada, EDC, devra en tenir compte dans ses décisions. Deuxièmement, le Régime de pensions du Canada — encore une fois, le secret de polichinelle de M. MacKay est qu'il y aura des amendements la semaine prochaine — doit également en tenir compte.
    Comment ceci est-il extraterritorial? On affirme simplement, dans le projet de loi, que la conduite d'une société est parfois quelque chose que nous, comme gouvernement, prendrons en considération. De fait, ce n'est guère différent de ce que fait actuellement EDC, en matière d'environnement. Nous acceptons déjà d'intégrer des normes d'environnement dans les responsabilités sociales dont doivent s'acquitter les sociétés. Le seul élément additionnel, c'est la question des droits de la personne, en raison de ses conséquences pour la réputation de nos sociétés et, parlons franchement, pour la réputation de notre pays.
    En tant que premier ministre, j'ai fièrement représenté SNC-Lavalin dans des pays tout autour du globe — en Malaisie, en Chine, partout — avec beaucoup de fierté, parce que votre compagnie a une réputation sans tache. Des sociétés demandent continuellement au premier ministre et aux politiques, d'une province ou d'un pays de le faire. C'est d'ailleurs ce que nous devrions faire. C'est notre obligation de le faire. Pour l'essentiel, en ce qui concerne la responsabilité sociale des sociétés, nous disons qu'il faut examiner dans son ensemble la conduite de la société avant de puiser dans les ressources du gouvernement du Canada. J'ai personnellement de la difficulté à y voir un comportement révolutionnaire.
    Très intéressant.
(1035)
    Merci.
    De fait, cela m'a beaucoup plu.
    Écoutiez-vous?
    Et nous sommes très reconnaissants de votre appui.
    J'ai eu le plaisir d'être avec Lavalin, moi aussi, en Lybie avec l'ex-premier ministre Martin. Je suis donc très sensible à vos propos. Cependant, la sonnerie annonce que nous sommes convoqués immédiatement à la Chambre.
    Quand la sonnerie commence, nous avons le choix.
    Non, il nous reste 28 minutes.
    Bon, il s'agit de la sonnerie de 30 minutes.
    Il nous faut le consentement unanime des membres du comité pour poursuivre. L'avons-nous?
    Une voix: Non, monsieur.
    Le président: Non?
    D'accord. Je remercie les témoins d'être venus. Aujourd'hui, nous avons eu une journée d'un genre un peu différent. S'il vous plaît, n'allez pas croire que les travaux du comité sont toujours menés de cette façon.
    Monsieur Heaps, pour terminer, merci d'être venu. Je suis désolé que vous n'ayez pas été de la partie quand nous avons débuté. Je pense que votre grand-père — votre arrière-grand-père — serait très fier de vous aujourd'hui. Je pense qu'il était politiquement engagé, d'après ce que je crois savoir.
    Merci à tous d'être venus.
    La séance est levée.
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