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Bonjour. Je vous remercie, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de me donner l'occasion de vous parler ce matin des conclusions des recherches que nous menons à McGill.
Mon exposé porte sur le travail collectif d'un groupe de recherche appelé MICLA, que je coordonne à l'Université McGill, et qui se penche sur les divers projets entrepris par les sociétés minières canadiennes en Amérique latine. Mon témoignage repose également sur mon expérience personnelle en ce qui concerne le village minier de Cerro de San Pedro, situé en périphérie de San Luis Potosi, au Mexique.
Puisque la question des preuves et de la documentation a été soulevée à maintes reprises à ce comité, je tiens à préciser que notre recherche est fondée sur un large éventail de sources: des documents rendus publics par les sociétés minières, des rapports techniques des firmes d'ingénierie, des dossiers de presse, des documents juridiques, ainsi que des rapports présentés par des ONG, des organisations internationales et des gouvernements étrangers. À ces documents s'ajoutent les entrevues sur le terrain avec des personnes vivant à proximité d'une exploitation minière canadienne, avec des délégations communautaires venues au Canada au fil des ans, de même qu'avec des dirigeants de compagnies minières, des représentants d'ONG et des scientifiques.
Mon allocution porte aujourd'hui sur le Mexique. C'est dans ce pays que l'on trouve le plus grand nombre de projets miniers canadiens en Amérique latine et que les données sont les plus précises.
J'aimerais mettre l'accent sur trois éléments. Premièrement, l'exploitation minière au Mexique est une activité économique à risque élevé pour les sociétés canadiennes. Deuxièmement, bien que quelques conflits aient surgi entre les communautés mexicaines et les sociétés minières canadiennes, il y en a étonnamment peu. Et troisièmement, le gouvernement canadien, en particulier le personnel consulaire qui le représente, semble mal outillé pour faire face aux réactions de plus en plus hostiles de la population à l'égard de nos entreprises dans ce pays.
[Français]
Il me paraît important de mieux saisir le contexte dans lequel nos compagnies mènent leurs activités. En réunissant des données sur les projets ainsi que sur les milieux et communautés qui les entourent, on obtient assez rapidement le portrait d'une industrie à haut risque. Elle conjugue une forme d'exploitation à haut impact sur ses environs et une présence d'un bout à l'autre du territoire mexicain, un territoire densément peuplé caractérisé par des utilisations multiples, des régimes fonciers complexes et des tensions sociales importantes.
Les compagnies minières canadiennes ont fait leur percée dans le secteur minier mexicain à partir des années 1990. Elles ont amené avec elles un fonds de capitaux se chiffrant à des milliards de dollars. Puisque nos compagnies ont dominé le secteur, elles détiennent actuellement environ les trois quarts des projets. On peut dire qu'elles ont été le moteur principal de la relance de l'industrie minière au Mexique. Au-delà des investissements, elles ont permis une importante modernisation des techniques d'exploitation. La plus importante est sans doute l'exploitation dite de fort tonnage et faible teneur. Il s'agit le plus souvent de mines à ciel ouvert.
Dans le cadre de la majorité des projets miniers réalisés par nos compagnies, on exploite des gisements d'or, d'argent ou de cuivre. Ce sont, pour la plupart, des mines à ciel ouvert. Je ne veux faire ni l'apologie ni la dénonciation de cette forme d'exploitation, mais premièrement, elle est nouvelle; deuxièmement, elle a des impacts importants et à long terme sur le territoire et l'eau de sa zone; troisièmement, elle comporte des risques de contamination, et quatrièmement, elle requiert des investissements massifs. On parle en moyenne d'une centaine de millions de dollars par projet. Ces communautés rurales, qui sont souvent très pauvres, sont littéralement submergées par l'argent.
[Traduction]
On compte actuellement 519 projets d'exploitation minière mis en oeuvre par des sociétés enregistrées au Canada. Ces dernières possèdent d'importantes concessions de plusieurs centaines de milliers d'hectares chacune — la moyenne est d'environ 15 000 hectares — qui, ensemble, représentent une partie importante du territoire national du Mexique.
Je mentionne ce fait parce que je veux parler de la géographie sociale dans laquelle ces sociétés évoluent. Cette géographie sociale est très différente de celle du secteur minier canadien. Les projets miniers sont situés dans des régions où la densité de population moyenne est d'environ 49 habitants par kilomètre carré. Pour vous donner une idée, c'est environ l'équivalent de la région de Chelsea; c'est donc une région populeuse, mais assez rurale. La population de ces régions est principalement composée de petits agriculteurs, qui tirent leur subsistance de la terre et de l'eau. Dans des régions comme le Guerrero, l'État d'Oaxaca et le Chiapas, une bonne partie de ces agriculteurs sont autochtones et ont donc le droit spécial d'être consultés aux termes de la convention numéro 169 de l'OIT, que le Mexique a signée. Mais ils ont également des responsabilités particulières, ce qui fait que ces droits sont souvent ignorés. La majorité des projets que nous avons examinés, soit près des trois quarts, empiètent sur ce que l'on appelle des terres ejido. Il s'agit d'une forme d'exploitation collective accordée aux communautés rurales après la révolution mexicaine, et les lois qui régissent les terres ejido sont très strictes. Elles rendent très difficiles la cession, le changement d'utilisation ou même la location de terre, ce qui peut susciter des conflits au sein des collectivités ou entre les communautés.
Enfin, de façon générale, les campagnes mexicaines sont actuellement aux prises avec une crise comme on n'en pas vue depuis des générations. La violence qui découle du trafic de la drogue augmente. Dans l'arrière-pays, on assiste à une flambée de la guérilla et de la militarisation. Le nombre de cas de corruption alléguée augmente à l'échelle locale et dans les États. Le contexte est donc le suivant: un nombre considérable de projets qui auront des répercussions importantes sur les ressources dont ont besoin les communautés locales doivent composer avec des revendications territoriales juridiquement complexes qui doivent être résolues, sur fond de flambée de violence et de recours à des méthodes extra-légales d'« intervention ». Voilà ce que j'entends par entreprise à haut risque.
Les débats publics sur l'exploitation minière tendent à tourner autour des conflits qui opposent les sociétés minières et les communautés locales. Un volet important de notre recherche visait donc à mieux comprendre les facteurs et les dynamiques qui mènent à ces conflits. Fait surprenant, ces dernières années, seulement 13 projets mis en oeuvre par 11 sociétés minières canadiennes ont été impliqués dans des conflits ouverts. À titre de comparaison, il y a plus de 500 projets en développement au Mexique. De façon générale, la tendance observée au Mexique est valable pour toute l'Amérique latine. Ainsi, sur environ 1 300 projets miniers canadiens en exploitation dans la région, une cinquantaine sont aux prises avec des conflits.
[Français]
Ces 13 cas, au Mexique, dessinent une gamme de trajectoires. On a vu des communautés monter des blocus pour freiner les opérations, afin de forcer une négociation avec l'entreprise. Dans certains cas, la négociation a réussi à désamorcer le conflit. Dans d'autres cas, l'entreprise a fait appel à la force pour casser les blocus, arrêter les organisateurs, souvent avec des excès de violence.
La violence aurait aussi pris la forme d'attaques. Celles-ci auraient été perpétrées par des personnes liées à l'entreprise contre des personnes s'opposant à la mine. On parle ici d'agression, mais aussi, dans deux cas, de meurtre. Le dernier vient tout juste de se produire. Samedi dernier, soit le 27 novembre, M. Mariano Abarca Roblero, un dirigeant de la communauté de Chicomuselo, dans l'État du Chiapas, a été fusillé devant sa maison par deux assaillants.
Quelques jours avant sa mort, après avoir fait l'objet de menaces publiques, il avait demandé la protection de l'État. Ces menaces auraient été proférées par deux représentants de l'entreprise Blackfire, enregistrée ici, au Canada. Avant son assassinat, M. Abarca avait organisé plusieurs consultations publiques parmi les communautés situées aux alentours du projet de l'entreprise Blackfire. À la suite du rejet du projet par les communautés, M. Abarca a coordonné plusieurs blocus. C'était en juin et juillet derniers. Il est mort parce qu'il a voulu protéger sa communauté.
[Traduction]
Que peut-on déduire de ces conclusions? Je note trois points.
Tout d'abord, même si les activités d'exploitation minière des sociétés canadiennes au Mexique constituent une entreprise à haut risque, les chiffres montrent que ces sociétés sont jusqu'à présent capables de gérer ce risque. J'ai personnellement rencontré des habitants des communautés mexicaines qui admettent que les gestionnaires des sociétés minières négocient de bonne foi et qui sont heureux de collaborer avec eux. À cet égard, la stratégie actuelle de RSE du gouvernement ne peut qu'aider nos sociétés à améliorer leur rendement sur les plans des relations avec les communautés et des impacts environnementaux. Voilà le genre de travail préventif qui est absolument nécessaire à l'établissement de relations saines et pacifiques entre les sociétés et les communautés.
Je crois que s'est immiscée dans les débats du comité une fausse dichotomie, qui oppose le projet de loi à la stratégie actuelle du gouvernement en matière de RSE. De toute évidence, nous avons besoin de ces deux mécanismes, qui doivent travailler de paire.
Ensuite, votre comité a entendu dire que le projet de loi exposerait l'industrie minière canadienne à une foule de recours intentés par les communautés et leurs alliés, que le nombre de plaintes dépasserait la capacité du MAECI à y répondre de manière satisfaisante, que l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada ne pourrait obtenir le rendement optimal pour les économies de ces bénéficiaires, que le TSX perdrait un pourcentage substantiel de sa valeur et que l'industrie canadienne y laisserait sa réputation et son avantage concurrentiel.
Chacun de ces arguments repose sur la présomption selon laquelle ouvrira la porte à une avalanche de malheur et de plaintes. Avec plus de 500 projets, le Mexique accueille une partie importante des activités de l'industrie minière canadienne à l'étranger. Or, les 13 cas qui se sont présentés au cours des cinq dernières années ne sont pas ce que l'on pourrait qualifier d'avalanche de problèmes. Je crois que l'industrie et le TSX peuvent dormir tranquilles.
Fait plus important encore, les Mexicains sont pragmatiques. S'ils peuvent obtenir satisfaction en réussissant à négocier avec une société ou en interjetant appel devant les tribunaux mexicains, ils le feront et l'ont d'ailleurs fait par le passé. Ainsi, même s'il y a eu 13 cas, la plupart d'entre eux ont été résolus à l'échelle locale, sans qu'il y ait d'appel même devant les autorités gouvernementales mexicaines.
Ensuite, sachez qu'il arrive que les activités des sociétés minières canadiennes au Mexique provoquent de graves problèmes. Il faut que ce soit absolument clair. Nous devons arrêter de prétendre que tous les projets et que toutes les sociétés sont sans reproche et que les ONG font des affirmations vexatoires et frauduleuses afin de sauver la face.
Oui, les origines et le déroulement de ces conflits sont complexes. Oui, il y a de nombreux points de vue différents. Mais il n'en existe pas moins des faits incontestables et prouvés. Certaines personnes ont été assassinées et agressées physiquement, alors que d'autres ont vu leur propriété, leurs terres et leur eau endommagées sans avoir été indemnisées adéquatement ou avoir obtenu réparation. Elles ont été dépossédées de leurs droits.
J'aimerais expliquer une de ces affaires plus en détails.
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Je vous remercie, monsieur le président et honorables membres du comité permanent.
Je suis Robert Blackburn, vice-président principal, SNC-Lavalin International. Je suis accompagné de mon collègue, Jean-François Gascon, qui est chef de service, Durabilité de projet et environnement. Nous ferons ensemble un exposé très bref.
SNC-Lavalin est l'un des plus grands groupes de construction et de génie du Canada. Nous sommes principalement actifs dans les secteurs des mines et de la métallurgie, des produits chimiques et du pétrole, de la production d'énergie, et de la construction, de la propriété et de la gestion d'infrastructure. En 2008, la moitié de nos recettes de 7,1 milliards de dollars venait de nos activités à l'étranger. Il est intéressant de noter que de ces recettes, seulement 3 p. 100 venaient des États-Unis et 13 p. 100, de l'Afrique, qui constituent traditionnellement nos principaux marchés géographiques extérieurs. Nous travaillons actuellement sur tous les continents dans le cadre d'environ 10 000 projets mis en oeuvre dans 100 pays. Nous comptons environ 22 000 employés à l'échelle mondiale.
J'aimerais aborder six grands points, après quoi Jean-François vous parlera brièvement de son expérience et ses observations concernant les problèmes de durabilité des projets en Afrique et ailleurs.
Sachez tout d'abord que nous sommes favorables aux objectifs du projet de loi . Nous avons toutefois de sérieuses réserves concernant sa nécessité et l'approche qu'il propose. Contrairement à ce qui semble être une de ses hypothèses de base, les sociétés minières, pétrolières et gazières du Canada ont généralement un dossier et une réputation très positifs à l'échelle internationale. Les incertitudes que créerait le projet de loi menaceraient leurs activités et les désavantagerait considérablement par rapport à leurs concurrentes étrangères.
Le projet de loi C-300 aurait également des répercussions sur SNC-Lavalin, car même si ce n'est pas une société minière, pétrolière ou gazière, elle offre des services à des clients canadiens et étrangers de ces secteurs dans des pays en développement. En outre, nous prenons parfois une certaine participation dans les projets de nos clients; nous avons donc des intérêts communs. L'investissement que nous avons effectué dans Ambatovy, à Madagascar, illustre comment nous suivons les lignes directrices volontaires de l'Association minière du Canada, qui régissent très strictement l'industrie.
Dans son témoignage, Jim McArdle, d'Exportation et développement Canada, a indiqué qu'en 2008, 139 000 emplois canadiens étaient attribuables exclusivement au soutien et aux investissements à l'exportation qu'EDC offre aux industries de l'extraction minière. De ces emplois, plusieurs milliers sont occupés par des employés de SNC-Lavalin au Canada et ailleurs dans le monde.
Ensuite, il importe que les règles qui régissent les sociétés canadiennes soient comparables à celles qu'observent leurs concurrentes dans d'autres pays. Les projets qui reçoivent du financement du crédit à l'exportation ou de la plupart des grandes banques aux termes des Principes de l'Équateur, doivent satisfaire à des règles strictes en matière d'évaluation environnementale et sociale, conformément aux recommandations de l'OCDE sur les approches communes en matière d'environnement. Ces projets doivent également observer des exigences permanentes au cours des étapes de mise en oeuvre et d'exploitation en vertu des lignes directrices de l'OCDE et de la Banque mondiale. Les promoteurs de projet doivent non seulement satisfaire à ces critères, mais également déposer régulièrement, à la demande du bailleur de fonds, des rapports d'étape expliquant comment ils honorent leurs engagements. Habituellement, EDC effectue ses propres vérifications de rendement également.
Enfin, les régimes d'EDC et de la Banque mondiale exigent la divulgation d'une somme considérable de renseignements dans des rapports d'évaluation des impacts environnementaux et sociaux et, souvent, des rapports de progrès. Ainsi, les sociétés minières, pétrolières ou gazières canadiennes développent et mettent en oeuvre de manière très transparente les projets qui bénéficient de cet important soutien financier. On ne peut pas en dire autant des sociétés issues de pays qui n'adhèrent pas aux approches communes de l'OCDE en matière de politiques environnementales et sociales. On peut par exemple penser au Soudan ou à d'autres pays.
Je considère également que les plaintes et les sanctions que prévoit le projet de loi menacent sérieusement la réputation des sociétés, puisque chaque plainte, qu'elle soit fondée ou non, devrait faire l'objet d'une enquête de la part du ministère. Il semble qu'aucune sanction ne soit prévue en cas de plainte frivole ou vexatoire déposée par des particuliers et même par des concurrents mécontents. Un grand nombre des plaintes que vous avez entendues ici ou lues ailleurs, de par leur nature même, ne peuvent être prouvées; pire encore, il est impossible de s'en défendre. Le lancement d'une enquête ministérielle nuirait à la réputation de la société, peu importe l'issue. En outre, on ne sait pas clairement de quelles ressources et de quelle collaboration de la part du pays hôte on aurait besoin dans le cadre de ces enquêtes. Comme on l'a déjà indiqué, les pays concernés ont leurs propres lois, qui sont généralement très efficaces.
Quoi qu'il en soit, le processus semblerait faire double emploi à la stratégie de RSE que le gouvernement fédéral a annoncée récemment, qui comprend le poste de conseiller en RSE, le point de contact national de l'OCDE et les lignes directrices à l'intention des entreprises multinationales.
Mon cinquième point est en fait un commentaire: ces 20 dernières années environ, le Canada a réalisé d'énormes progrès afin de rapprocher l'industrie et les ONG et faire échec au vieux jeu de gagnant-perdant. On peut penser notamment à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, un processus de consultation qu'EDC a lancé concernant sa ligne directrice en matière d'évaluation environnementale.
Au bout du compte, le projet de loi pourrait n'avoir que peu d'avantages pour l'environnement et les communautés locales du tiers monde où des projets sont mis en oeuvre. Chose certaine, il ne stimulera pas la compétitivité du Canada.
Enfin, je crois que le fardeau et l'incertitude afférents à l'approche que prévoit le projet de loi à l'égard des normes et de la mise en oeuvre à l'échelle mondiale irait à l'encontre des espoirs du Canada d'élargir ces activités dans de nouveaux marchés internationaux à forte croissance. Notre point de vue a été bien exprimé par Jim McArdle, d'EDC, lorsqu'il a dit ce qui suit:
Si le projet de loi C-300 est promulgué, nous pensons qu'EDC n'aura plus beaucoup d'occasions d'être sur le terrain. Au lieu de cela, elle restera sur la touche, en compagnie des entreprises canadiennes, en espérant que d'autres compagnies présentes sur le marché feront ce qu'il faut en matière de RSE.
Merci de votre attention. Je demanderai maintenant à Jean-François Gascon de vous faire part de son expérience.
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Je vais faire ma présentation en français. Je laisse 15 secondes à ceux qui ont besoin de la traduction simultanée.
Mon nom est Jean-François Gascon. Je travaille pour SNC-Lavalin Environnement et je suis chef de service, durabilité de projet. SNC-Lavalin, par le biais de notre service, met en place des programmes de développement durable pendant les phases de réalisation de projets, notamment dans le secteur minier et dans les autres secteurs d'extraction.
Comme mon collègue vous l'a indiqué, l'objectif ultime du projet de loi est tout à fait louable. Nous partageons cet objectif, tout comme plusieurs de nos clients et partenaires au Canada. Cependant, je pense que le moyen utilisé est probablement le pire qu'on pouvait trouver pour atteindre cet objectif.
Le plus gros problème du projet de loi est qu'on a l'impression qu'il est basé sur trois prémisses qui me rendent plutôt mal à l'aise. La première est que les entreprises canadiennes ne sont pas de bons citoyens corporatifs, notamment dans les pays en voie de développement. Mon expérience passée dans une quarantaine de pays, surtout des pays en voie de développement, — car j'ai moi-même vécu plusieurs années dans des pays en voie de développement — m'indique que c'est plutôt le contraire. Les entreprises canadiennes, notamment dans le domaine de l'extraction, ont plutôt une bonne réputation, surtout si on les compare à des concurrents de pays étrangers. Je suis donc un peu mal à l'aise quand je constate que cette prémisse est à la base du projet de loi.
La deuxième prémisse est que l'environnement légal actuel est insuffisant pour répondre aux problèmes et à l'objectif visé, c'est-à-dire d'encourager les entreprises à avoir un meilleur comportement corporatif dans des pays en voie de développement. Je pense qu'il n'est pas nécessaire de débattre de cela très longtemps. L'environnement légal est plus que suffisant, aujourd'hui, que ce soit au niveau des banques ou des agences de crédit à l'exportation comme EDC, qui sont soumis à un ensemble de règles, dont la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale qu'on doit appliquer à des projets à l'étranger, surtout quand il y a du financement canadien. Je pense que l'environnement légal, actuellement, est plus que suffisant pour permettre un contrôle assez efficace des réalisations des projets miniers par les entreprises canadiennes dans les pays en voie de développement.
La troisième prémisse est celle qui me rend le plus mal à l'aise, surtout pour ceux qui ont voyagé dans des pays en voie de développement. C'est que les pays en voie de développement n'ont pas la capacité légale suffisante, ou n'ont pas assez de maturité pour pouvoir régler des problèmes, notamment sur le plan des droits de la personne ou du non-respect de l'environnement. Je pense que cette prémisse est très dommageable. On peut être un groupe de pression ou une ONG et prétendre de telles choses publiquement, mais quand ces éléments sont à la base d'un projet de loi du gouvernement canadien, en tant que citoyen canadien, cela me préoccupe énormément.
Pourquoi ce projet de loi vise-t-il uniquement les projets en voie de développement? Poser la question, c'est y répondre. On considère que les pays développés sont capables de régler ces problèmes, mais que les pays en voie de développement ne le peuvent pas. C'est une problématique importante. Les pays en voie de développement ne veulent pas être infantilisés. Je pense qu'une relation paternaliste est probablement la dernière approche qu'on veut utiliser comme Canadiens, quand vient le temps de répondre à ces préoccupations très importantes.
Je voudrais terminer avec un exemple assez probant, qui montre également un changement dans l'approche des entreprises canadiennes en ce qui a trait à des projets à l'étranger, notamment dans les pays en voie de développement. On parle beaucoup de relations avec les communautés. On parle du fameux « permis social d’exercer son activité », une approche, en général, plutôt passive. On veut régler les problèmes quand ils se manifestent. Par contre, de plus en plus, on voit des entreprises canadiennes qui ont une approche proactive. Par exemple, il y a un projet minier très important, un des plus gros projets miniers dans le monde, à Madagascar, le projet Ambatovy où SNC-Lavalin est un investisseur faisant partie d'un consortium où on trouve une entreprise japonaise, une entreprise coréenne et une autre entreprise canadienne. Dans le cadre de ce projet, au cours de la phase de réalisation, la phase de construction, on a mis en place trois centres de formation qui nous ont permis de former plus de 6 000 travailleurs locaux, ce qui a permis de maximiser en fait l'emploi local pour le projet. Aujourd'hui, il y a 10 000 travailleurs pour le projet dont 85 p. 100 sont des travailleurs locaux, ce qui est à peu près du jamais vu dans le monde minier.
On a également mis en place une stratégie en vue de maximiser l'approvisionnement local et, jusqu'à maintenant, on a acheté pour plus de 750 millions de dollars de biens et services produits localement ou par un intermédiaire local. Des stratégies mises en place visent justement à assurer non seulement la réalisation du projet, mais à maximiser les bénéfices locaux de ce type de projet. À mon avis, cette démarche devrait être celle à promouvoir plutôt que celle où on établit des normes minimales et qui consiste à vouloir punir les entreprises pour de mauvais comportements. On a salué l'annonce du gouvernement canadien relativement à la création d'un poste de conseiller en responsabilité sociale des entreprises, et je pense qu'on doit aller dans le sens de promouvoir les meilleurs pratiques et non pas de punir les pires. Merci.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le président et honorables membres du comité, c'est un véritable honneur de témoigner aujourd'hui, au coeur d'un des débats les plus importants de notre pays. Avant de me présenter, j'aimerais qu'un point soit parfaitement clair: l'adhésion au projet de loi n'est pas synonyme d'opposition aux sociétés minières et pétrolières du Canada, bien au contraire.
J'ai une compagnie appelée Corporate Knights, dont je suis le président et le rédacteur. Nous avons fondé conjointement cette entreprise en 2002 en nous disant que dans le contexte mondial d'aujourd'hui, les sociétés doivent être au coeur de nos grandes solutions, à défaut de quoi, ces dernières n'ont rien de bien grand. Nous croyons également que les sociétés ont fortement intérêt à mettre en oeuvre des activités commerciales de manière à renforcer la durabilité sociale et politique, car nul ne peut réussir dans une société qui fait naufrage.
Bref, nous appuyons sans réserve les entreprises canadiennes, leur sens de l'entrepreneuriat et de l'innovation, ainsi que leur capacité de stimuler la prospérité du Canada d'une manière dont nous pouvons tous être fiers. Ces huit dernières années, nous avons étudié le rendement des entreprises canadiennes sur les plans sociaux et environnementaux en effectuant des sondages annuels, comme ceux qui portent sur les 50 meilleures entreprises citoyennes du Canada et les 100 sociétés les plus durables à l'échelle mondiale, qui sont annoncées chaque année à Davos au cours du Forum économique mondial. Nous préparons également des rapports d'enquête évaluant le rendement des compagnies canadiennes quant au respect du code de déontologie des entreprises canadiennes et d'autres normes internationales de commerce responsable. Nos travaux m'ont mené au fond des mines géantes à ciel ouvert du Congo, dans les vastes plaines du désert de Gobi et au milieu des pipelines de pétrole de l'Équateur.
La majorité des entreprises respectent notre image de marque d'équité et lui donnent de la crédibilité. Cette crédibilité bien méritée nous permet d'accéder à la direction et aux sites des sociétés. C'est également la raison pour laquelle les sociétés minières, pétrolières et gazières ont acheté des milliers de dollars de produits de notre compagnie.
J'aimerais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour couvrir deux grandes questions. J'aimerais d'abord traiter de certaines des tendances internationales qui définissent le contexte du marché où évoluent aujourd'hui les entreprises canadiennes. J'aimerais ensuite parler de l'incidence que pourrait avoir le projet de loi .
Sachez tout d'abord qu'en raison de leur taille et de leur pouvoir, les sociétés forment maintenant une toute nouvelle zone grise entre les États et les entreprises; selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement, 29 des 100 plus grandes entités économiques du monde sont des sociétés.
La majorité des ressources non exploitées du monde sont situées dans des États instables. Les compagnies du Canada et d'autres pays se tournent de plus en plus vers l'étranger pour chercher des ressources naturelles. Comme les niveaux de ressource du Canada décroissent, nos entreprises doivent faire un choix: aller là où se trouvent les ressources ou disparaître. Dans son document intitulé International Energy Outlook, l'Energy Information Administration des États-Unis indique que d'ici 2025, environ 80 p. 100 de l'approvisionnement en pétrole du monde viendra de pays non membres de l'OCDE. Bon nombre de ces pays se trouvent dans des zones où la gouvernance laisse à désirer.
De nos jours, comme nous le savons tous fort bien, le siège social de 75 p. 100 des sociétés de prospection et d'exploitation minière du monde se trouve ici même, au Canada. De plus, en raison de le révolution des technologies de l'information et des communications, les sociétés sont sous les feux de la rampe — ou sur YouTube, dans le cas présent —, et ce qui se passe au fond de la jungle le matin peut apparaître à l'écran de votre ordinateur ou de votre téléviseur l'après-midi même.
Le cinquième facteur qui définit le contexte mondial dans lequel nous évoluons est l'importance croissante du mandat relatif à la responsabilité sociale des entreprises. Au cours des dix dernières années, il est apparu tout un éventail de normes et de lignes directrices internationales relatives au rendement des entreprises, qu'il s'agisse des normes de rendement de la Société financière internationale, des principes volontaires en matière de sécurité et de droits de la personne, des requêtes présentées par le juge Ian Binnie de la Cour suprême pour l'adoption de lois sur la responsabilité des sociétés ou du travail méticuleux effectué par John Ruggie, représentant spécial de l'ONU pour la question des droits de la personne et des sociétés transnationales.
Si on observe tous ces facteurs, on voit émerger une tendance manifeste: on sait de plus en plus clairement ce que l'on attend aujourd'hui des sociétés. C'est particulièrement vrai au Canada. Le projet de loi arrive à point nommé dans ce contexte.
Selon moi, le projet de loi pourrait avoir un quadruple effet, qui ne pourrait qu'être bénéfique pour les sociétés. Il pourrait d'abord contribuer à éclaircir la situation pour nos plus honorables sociétés. Suite à la fusion des ONG et à la révolution des technologies de l'information et des communications, les allégations fusent de partout. La mise en place d'un mécanisme crédible prenant des décisions judicieuses permettrait de mettre fin sans tarder aux fausses accusations et de protéger la réputation des sociétés canadiennes.
Deuxièmement, on présume que l'acheteur d'une petite société minière ou pétrolière acquiert non seulement les actifs, mais aussi les responsabilités de l'entreprise, à savoir ses responsabilités sociales et environnementales. Et ces responsabilités coûtent cher. La présence d'une instance crédible pour la responsabilisation et l'administration inciterait très fortement les petites sociétés canadiennes à adhérer plus étroitement aux normes internationales en matière de droits de la personne et d'environnement, ce qui éviterait la destruction de valeurs et la perte de temps. Ce serait une situation gagnante tant pour les petites sociétés, qui pourraient vendre leurs actifs à plus fort prix, que pour les grandes entreprises qui pourraient ainsi éviter les maux de tête souvent associés à l'acquisition de petites sociétés.
Troisièmement, ce projet de loi pourrait offrir aux investisseurs une assurance de qualité marquée du sceau canadien. Je m'explique. À l'issue de la récente crise financière qui a vu des valeurs de 50 billions de dollars s'envoler en fumée, les investisseurs sont devenus de plus en plus soucieux du risque. Cette crainte du risque a malheureusement entravé l'apport de capitaux sur les marchés émergents, car la plupart des investisseurs accordent maintenant la même prime de risque de décote à toutes les entreprises, en fonction du risque souverain, sans égard à leurs pratiques respectives. Les principaux facteurs de risque dans la plupart des emplacements sont toutefois associés au mode de fonctionnement de l'entreprise, plutôt qu'au contexte dans lequel elle s'inscrit. C'est ce que j'ai pu constater au fil de mes expériences et d'après ce que m'ont dit d'autres experts qui ont examiné des centaines de sites dans différents pays.
En plus de cibler indûment les principales entreprises responsables du seul fait que leurs activités se déroulent dans un contexte difficile, les pratiques d'investissement en cours entraînent pour les investisseurs des taux de rendement corrigés du risque sous-optimaux. S'il existait une norme de responsabilisation crédible pour les entreprises inscrites au TSX, les investisseurs pourraient être disposés à payer davantage que pour une société comparable inscrite, par exemple, à la bourse de Londres, car ils craindraient moins de se faire refiler du stock vicié.
Quatrièmement, je crois que ce projet de loi pourrait offrir également une prime d'assurance de qualité marquée du sceau canadien pour les pays hôtes et les intervenants locaux. Les Canadiens sont présents partout où il se fait de l'exploitation minière. Ce secteur ne dépend pas des avantages technologiques. Toutes les entreprises sont capables de le faire. Dans la course pour les ressources disponibles, une entreprise canadienne peut se distinguer d'un concurrent chinois grâce à l'avantage concurrentiel qui lui vient de ses capacités en matière de sécurité, de prise en compte des questions sociales, de respect des droits de la personne, d'engagement communautaire, de contribution à l'emploi local et de protection de l'environnement.
Le projet de loi n'est pas parfait, pas plus d'ailleurs qu'il ne règle toutes les questions, mais l'adoption d'un mécanisme de responsabilisation crédible indique de façon non équivoque que les entreprises canadiennes sortiront gagnantes des bouleversements sismiques qui façonneront la nouvelle économie mondiale.
Je vous remercie.
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Bien sûr. Cela veut dire vérificateur de conformité / ombudsman de la Société financière internationale.
80 de ces 110 plaintes ont été sommairement rejetées. Sur la page d'accueil de la société, on lit en toutes lettres: « Comment déposer une plainte ». N'importe qui peut déposer une plainte. N'importe qui dans le monde entier. Vous ou moi, nous pourrions le faire immédiatement. Or, en dix ans, 110 plaintes ont été déposées. C'est une statistique de poids. Ce n'est pas tout à fait aussi coercitif que le projet de loi , mais c'est une statistique de poids. On ne parvient donc pas à croire qu'il y aura des milliards d'allégations.
En outre, les paroles de notre collègue de SNC-Lavallin ont peut-être dépassé sa pensée parce que, si j'ai bien entendu, il a dit que des allégations de méfait dans un projet auquel cette société participait entraîneraient son abandon. J'en doute, parce que, sur les 110 allégations dont le vérificateur de la conformité ou ombudsman a été saisi, je suis presque sûr que SNC participait, d'une certaine manière, à deux ou trois des projets visés. Je ne crois pas que des allégations suffisent pour faire fuir des sociétés, parce que si on abandonne un investissement qui se chiffre dans les milliards de dollars à cause d'une allégation que n'importe qui peut porter, je dis que ça sent tout simplement mauvais.
En ce qui concerne les autres remarques, je pense qu'il est dans la nature des sociétés de parfois se plaindre que le ciel leur tombe sur la tête. C'est ce qu'elles ont dit lorsque nous avons préparé des règlements sur le travail, la sécurité et l'environnement, et leurs craintes se sont révélées totalement non fondées. Finalement, ces règlements leur ont fait réaliser beaucoup plus de bénéfices. C'est du pessimisme outrancier. Je ne comprends pas ceux qui demandent pourquoi leurs compagnies, qui sont des chefs de file mondiaux, ont besoin de ce genre de loi. Pourquoi avons-nous des lois sur le travail et sur l'environnement ainsi que d'autres normes qui s'appuient sur tout un dispositif juridique dans notre pays? Nous avons besoin d'un mécanisme de responsabilisation. Pourquoi y a-t-il des arbitres dans le sport? Parce quelqu'un doit distribuer les pénalités, au besoin, et maintenir l'ordre.
J'espère que le comité ne prend pas ces déclarations trop au sérieux. Pour répondre à votre question, qui est de savoir comment nous pouvons donner au Canada l'image d'un chef de file, je réponds comment pouvons-nous nous distinguer, en tant que Canadiens, lorsque nous exploitons une société minière à l'étranger? Notre réputation est très bonne, mais elle repose, dans une certaine mesure, sur les apparences. J'étais un jour en Colombie et je conversais avec l'ambassadrice des États-Unis. Elle m'a dit qu'une société canadienne fonctionnait en plein coeur de la zone contrôlée par les FARC, ce qu'une société américaine ne pourrait jamais faire, et que c'était un privilège dont jouissaient les sociétés de notre pays. Si nous voulons continuer de jouir de ce privilège, nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers. Nous devons offrir quelque chose qui est un gage réel d'assurance de la qualité, et le projet de loi que nous étudions constituerait un bon point de départ pour créer un semblant d'assurance de la qualité.
Si, dans mon patelin du Congo, quelque chose allait mal, je saurais au moins qu'il existe un véritable processus qui me permettrait d'être écouté, si je formulais une plainte valide. Ce serait un exemple très éloquent pour les autres pays et c'est ce qui nous différencierait, au point que l'on pourrait dire: « Quand on fait affaire avec les Canadiens...
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Blackburn, je suppose qu'il faut se soucier non pas de ce qui n'est pas dans le projet de loi, mais de ce qui s'y trouve et du fait que les ministres ont comme directive d'enquêter sur toutes les questions dont ils sont saisis.
Dans le projet de loi, on laisse très clairement entendre que les sociétés souscrivent aux dispositions internationales relatives aux droits de la personne. D'autres normes s'appliquent également, ce qui implique d'autres lois. Il pourrait y avoir des conventions avec les indigènes. Ce pourrait être la sharia, dans d'autres parties du monde, et ses modalités d'application, non seulement à votre propre activité minière, mais aussi, peut-être, aux collectivités. Je crois comprendre que certaines sociétés minières ont créé leurs propres villes minières, ce qui vous amène, socialement, à vous conformer à toutes les formes du droit international, à toutes les formes de conventions ou d'ententes, même dans ces collectivités, également. Nous savons tous que le Canada lui même ne souscrit pas à beaucoup de ces lois, de sorte qu'il en demande vraiment davantage aux sociétés qu'à lui-même.
Nous avons ensuite la situation du ministre qui essaie de recevoir les plaintes, de faire enquête puis, peut-être, d'engager des mesures légales pour y donner suite. Dans ce cas, que fait-il? Saisit-il un tribunal canadien, un tribunal mexicain, par exemple, ou un organisme ou un tribunal international?
Autrement dit, voilà les complexités et les incertitudes du projet de loi. Elles sont instructives et on ne peut pas vraiment les éviter. Je répète donc que ce n'est pas ce qui n'est pas dans le projet de loi qui est inquiétant, c'est ce qui s'y trouve. Et nous l'entendons sans cesse, de la part d'Exportation et développement Canada, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou d'une foule d'entreprises.
Dans le monde, vous brassez vous-mêmes beaucoup d'affaires, le chiffre d'affaires de votre entreprise se chiffrant à lui-seul à quelque 7 milliards de dollars. On peut faire une extrapolation pour englober les autres sociétés. Combien y en a-t-il, je ne le sais pas, peut-être des centaines.
Je crois comprendre, après avoir rencontré hier l'ambassadeur du Mexique que, dans ce pays seulement, le premier secteur d'investissement des sociétés canadiennes est le secteur minier.
C'est ce qui fait que le secteur minier canadien est vraiment un chef de file mondial. Au Canada, beaucoup d'autres industries peuvent amplement tirer leçon de l'industrie minière, parce que beaucoup sont loin d'être aussi bien organisées à l'échelle mondiale. Félicitations, donc, à l'industrie minière canadienne pour avoir montré au monde entier qu'elle peut être un exemple à suivre, mais nous sommes en train de compromettre toute cette activité dans laquelle nous sommes les premiers, mondialement.
Je reviens à la Bourse de Toronto, et à la crainte très palpable que les répercussions seront à l'opposé de ce que l'on dit et très négatives. Ayant moi-même des antécédents dans les affaires, je sais très bien que si j'avais le choix de mes orientations... j'ai lu et rédigé des milliers de cahiers de charge pour des projets de construction. Quand des obligations sont signalées dans ces documents, on prête attention. Mais, pour ma part, je ne soumissionnerais pas de nombreux projets, parce qu'ils sont trop contraignants. On cherche alors une autre manière de les réaliser.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur le risque potentiel que court le principal fleuron de l'activité internationale du Canada?
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Je ne veux pas m'engager dans un débat, mais qu'est-ce qui est extraterritorial d'après les dispositions du projet de loi? D'après le texte, le ministre élabore des lignes directrices. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faudra un processus qui respecte le droit naturel à l'intérieur du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. C'est une condition préalable qu'il faut absolument respecter. C'est une obligation juridique que nous avons en tant que pays.
On discute et on négocie les lignes directrices avec l'industrie — et avec tous les autres intéressés — sur une période d'une année. Si le projet de loi devient loi, le processus fera que, pour une plainte frivole, il ne se passera rien. Si le ministre décide qu'elle est sérieuse, nous ferons enquête.
Essentiellement, il y a deux conséquences à cela: premièrement, si on constate une violation irréparable d'une ligne directrice, Exportation et développement Canada, EDC, devra en tenir compte dans ses décisions. Deuxièmement, le Régime de pensions du Canada — encore une fois, le secret de polichinelle de M. MacKay est qu'il y aura des amendements la semaine prochaine — doit également en tenir compte.
Comment ceci est-il extraterritorial? On affirme simplement, dans le projet de loi, que la conduite d'une société est parfois quelque chose que nous, comme gouvernement, prendrons en considération. De fait, ce n'est guère différent de ce que fait actuellement EDC, en matière d'environnement. Nous acceptons déjà d'intégrer des normes d'environnement dans les responsabilités sociales dont doivent s'acquitter les sociétés. Le seul élément additionnel, c'est la question des droits de la personne, en raison de ses conséquences pour la réputation de nos sociétés et, parlons franchement, pour la réputation de notre pays.
En tant que premier ministre, j'ai fièrement représenté SNC-Lavalin dans des pays tout autour du globe — en Malaisie, en Chine, partout — avec beaucoup de fierté, parce que votre compagnie a une réputation sans tache. Des sociétés demandent continuellement au premier ministre et aux politiques, d'une province ou d'un pays de le faire. C'est d'ailleurs ce que nous devrions faire. C'est notre obligation de le faire. Pour l'essentiel, en ce qui concerne la responsabilité sociale des sociétés, nous disons qu'il faut examiner dans son ensemble la conduite de la société avant de puiser dans les ressources du gouvernement du Canada. J'ai personnellement de la difficulté à y voir un comportement révolutionnaire.