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AANO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord


NUMÉRO 011 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 22 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Français]

    Bon après-midi députés, invités et témoins.
     C'est la 11e rencontre du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord. À l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 29 mars 2010, il y a le projet de loi C-3, Loi favorisant l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens en donnant suite à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs).

[Traduction]

    Nous accueillons cet après-midi des témoins de la Commission canadienne des droits de la personne: Jennifer Lynch, présidente; David Langtry, vice-président, Valerie Phillips, avocate; et Michael Smith, conseiller principal en matière de politiques. Je sais que M. Smith s'est joint à nous lors des dernières réunions, et nous apprécions l'intérêt que manifeste la commission.
    Chers collègues, nous disposons d'une heure pour la première partie. Comme vous l'avez remarqué dans l'avis de convocation, après la première heure, nous allons poursuivre l'étude du projet de loi.
    Madame Lynch, vous connaissez peut-être déjà la démarche: nous commençons par une déclaration de 10 minutes, après quoi nous passons aux questions des députés. Dans notre comité, il y a un tour de questions et réponses à raison de sept minutes par intervention.
    Bienvenue à notre comité. On vous écoute.
    Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité.
    Je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée de collaborer à l'étude du projet de loi C-3, Loi favorisant l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens.
    Je tiens à souligner que notre rencontre d'aujourd'hui se déroule sur le territoire traditionnel des Algonquins.
    Vous avez déjà présenté les collègues qui m'accompagnent aujourd'hui. Notre choix s'est arrêté sur eux parce qu'ils se spécialisent dans les questions touchant nos travaux et nos initiatives pour les Autochtones.

[Français]

    Un consensus semble se dégager des nombreux témoignages que vous avez entendus au sujet du projet de loi C-3, à savoir que ce projet de loi est une réponse législative bien précise à une ordonnance bien précise.
    À notre avis, ce que la commission a de mieux à vous offrir, en comparaissant devant vous, est de vous indiquer comment notre processus de traitement des plaintes peut être mis à profit pour donner suite aux allégations de discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens.
    Je vais commencer par une brève description de notre rôle et de notre mandat.
     La Loi canadienne sur les droits de la personne a 33 ans. Cette loi, qui a donné naissance à la Commission canadienne des droits de la personne, lui donne le mandat de recevoir et de traiter les plaintes de discrimination en emploi et dans la prestation de services. La loi charge également la commission d'exercer toute autre activité permettant de réaliser l'objet de la loi.

[Traduction]

    L'objet de la loi est défini à l'article 2, et les rédacteurs ont fait preuve d'une grande perspicacité au moment de le rédiger. En voici le libellé: « La présente loi a pour objet de donner effet au principe selon lequel tous les individus ont le droit à l'égalité des chances d'épanouissement, à l'abri de la discrimination. »
    La Commission canadienne des droits de la personne fait partie du réseau étendu de protection des droits de la personne au Canada. Chaque province et territoire possède sa propre forme de commission ou de tribunal. Notre commission a un mandat bien précis. La LCDP prévoit 11 motifs de discrimination. Les motifs qui concernent plus directement le projet de loi C-3 et notre discussion d'aujourd'hui sont le sexe, l'âge, l'état matrimonial, y compris l'union de fait, et la situation de famille.
    Comme la situation de famille est un motif très vaste, je vais vous en donner une définition. La situation de famille désigne la relation réciproque qui découle des liens du mariage, des liens du sang et de l'adoption légale, y compris les relations ancestrales, qu'elle soit légitime, illégitime ou par adoption. Elle englobe également les relations entre conjoints, frères et soeurs, beaux-parents, oncles ou tantes, neveux ou nièces, et cousins ou cousines.
    Les organisations qui relèvent de notre mandat incluent tous les ministères et organismes fédéraux, plus les sociétés qui exercent leurs activités dans les secteurs sous réglementation fédérale, tels les transports, les banques et les télécommunications. Ainsi, tout utilisateur de services ou employé de ces organisations qui estime avoir été l'objet de discrimination pour l'un des motifs énumérés dans la loi peut déposer une plainte auprès de la commission.
    La commission reçoit, trie et traite des plaintes. Nous ne statuons pas sur les plaintes. Ou bien nous les rejetons, ou bien nous les soumettons à la conciliation ou nous les renvoyons, pour complément d'enquête, au Tribunal canadien des droits de la personne, qui est entièrement indépendant de nous.
(1535)

[Français]

    Pour donner effet au principe énoncé à l'article 2 de la loi, la commission s'emploie également à assurer la promotion et l'avancement des droits de la personne au Canada. Nous menons des actions d'information et de sensibilisation publiques. Nous collaborons avec les milieux de travail pour favoriser et instaurer une culture des droits de la personne, une culture où ces droits sont intégrés au quotidien. Nous produisons de la recherche, des politiques et des outils. Nous offrons des conseils au Parlement. « Une question de droits », le rapport spécial que nous avons présenté au Parlement en 2005, rapport où nous demandions l'abrogation de l'article 67, en est un exemple.

[Traduction]

    Cela dit, je souhaite maintenant aborder ce que la commission peut faire par rapport aux allégations de discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens.
    Pendant 30 ans, nous ne pouvions rien faire à cet égard. Les choses ont changé lorsque l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne a été abrogé en 2008. Comme vous le savez déjà, l'article 67 empêchait les personnes qui vivaient ou travaillaient dans des collectivités régies par la Loi sur les Indiens de déposer une plainte de discrimination si leur cas portait sur cette loi. Cet article avait été ajouté pour éviter temporairement de nuire aux discussions sur la réforme de la Loi sur les Indiens.
    Grâce à l'abrogation de l'article, plus de 700 000 Autochtones assujettis à la Loi sur les Indiens ont finalement obtenu la pleine protection de leurs droits humains au Canada. Le texte de loi qui a abrogé l'article 67 prévoit une période de transition de trois ans, ce qui signifie que les plaintes contre des gouvernements des premières nations ne pourront pas être déposées avant juin 2011. Cependant, les Autochtones ont obtenu le droit de porter plainte contre le gouvernement fédéral dès l'abrogation.
    Nous recevons déjà des plaintes concernant l'administration, par le gouvernement fédéral, des programmes et services en vertu de la Loi sur les Indiens. Ainsi, nous avons très vite acquis de l'expérience quant au traitement de ces plaintes.
    Le comité a entendu des témoignages sur le processus de traitement des plaintes adopté par la commission comme mécanisme déjà en place pour régler les cas de discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens, y compris tous les cas possibles de discrimination résiduelle non prévus par le projet de loi C-3. Je suis venue ici aujourd'hui surtout pour vous prévenir que rien n'est moins certain. Il n'est pas sûr que la commission sera en mesure de remédier aux allégations de discrimination en vertu de la Loi sur les Indiens.
    Depuis l'abrogation de l'article 67, des personnes ont fait valoir que cette question n'entrait pas dans le champ de compétence de la commission. En voici un exemple. La commission a reçu plusieurs plaintes relativement au statut d'Indien. Trois de ces plaintes ressemblent à l'affaire McIvor, dans le sens que toutes portent sur le statut d'Indien et soulèvent des questions de discrimination résiduelle découlant de l'adoption du projet de loi C-31. Nous avons renvoyé ces trois plaintes au tribunal.
    Le procureur général du Canada a fait savoir qu'il contesterait la compétence de la commission sur cette question, alléguant que la détermination du statut par le registraire n'est pas un service au sens de l'article 5 de la LCDP.
    Comme je l'ai déjà dit, la Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit des processus de traitement des plaintes seulement lorsqu'il s'agit de discrimination liée à l'emploi ou aux services. Par conséquent, si une cour de justice décidait que la détermination du statut n'est pas un service, la commission n'aurait plus le pouvoir d'accepter les plaintes relatives au statut d'Indien.
    On peut logiquement prévoir que cela pourrait soulever des questions semblables, comme de savoir si la détermination de l'appartenance à une bande constitue un service ou non. La commission intervient en ce moment dans une affaire soumise au tribunal, pour le bien de l'intérêt public, en vue de présenter une analyse juridique démontrant que la détermination du statut est effectivement un service.
    Bien sûr, la commission ne peut avoir le dernier mot quant à ce qui est de sa compétence, et l'on ne doit pas voir dans mon commentaire un indice de ce qui se passera. Nous pouvons tout de même nous attendre à ce qu'un enjeu aussi complexe et important soit renvoyé, après la décision du tribunal, à la Cour fédérale et à la Cour d'appel fédérale, et même à la Cour suprême du Canada.
    Pour terminer, je voudrais soulever deux autres points.
    Tout d'abord, la commission appuie un examen approfondi de la Loi sur les Indiens jusqu'à ce que l'on adopte une approche de gouvernance qui reconnaît aux premières nations le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et ce, pour plusieurs raisons.
(1540)

[Français]

    Comme on l'a déjà dit au comité, la Loi sur les Indiens a donné lieu à de la discrimination, y compris de la discrimination résiduelle fondée sur le sexe. Une approche visant à corriger au cas par cas, article par article, des dispositions discriminatoires de la Loi sur les Indiens sera coûteuse, conflictuelle et prendra du temps.
    De plus, la loi impose le fardeau de la preuve aux plaignants qui n'ont pas toujours accès à des ressources juridiques.

[Traduction]

    Sans le courage, la persévérance et la détermination de gens comme Mme Sharon McIvor, bon nombre de ces questions de longue date ne seraient jamais réglées.
    Cette approche sans plan d'ensemble donne peu de résultats, surtout lorsque la situation touche un grand nombre de personnes. La commission souhaiterait une approche proactive et systématique, qui nécessiterait la pleine participation des Autochtones, qui s'appuierait sur les connaissances existantes et qui produirait des changements réels et opportuns. La commission sait bien qu'il faudra du temps pour y arriver.
    Finalement, la commission s'intéresse beaucoup au plan annoncé par le gouvernement concernant un processus exploratoire et elle souhaite vivement en apprendre davantage sur sa portée et ses objectifs. Elle est prête à donner toute l'aide qu'elle pourra, dans les limites de ses pouvoirs et de son domaine de compétence.
    Je serai heureuse de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Lynch.
    Nous allons passer directement aux questions des députés, en commençant par M. Russell. Encore une fois, je vous rappelle que chaque intervenant dispose de sept minutes, incluant les questions et les réponses.
    Monsieur Russell.
    Merci, monsieur le président.
    Bon après-midi à vous tous. C'est toujours un plaisir de vous recevoir à notre comité. Je vous remercie pour le travail que vous faites au nom de tous les Canadiens.
    La commission a-t-elle eu l'occasion de jeter un coup d'oeil à l'article 9 du projet de loi C-3?
    Oui.
    D'accord. Bon, plusieurs témoins sont venus nous dire qu'il y a un lien entre cet article et, je suppose, la position du gouvernement selon laquelle... Tout d'abord, d'après ce que je crois comprendre, l'article 9 protège le gouvernement contre toute poursuite intentée par une personne qui cherche à obtenir une compensation ou contre toute plainte en matière de discrimination résiduelle soulevée essentiellement durant la période allant de 1985 jusqu'à l'adoption du projet de loi C-3.
    Voici en gros comment j'interprète l'article. C'est comme si on disait: « Vous ne pouvez pas intenter de poursuite contre nous parce que nous ne savions pas ce qui se passait et nous n'avions pas vraiment reconnu de discrimination résiduelle; voilà pourquoi vous ne pouvez pas, après coup, une fois que nous avons adopté le projet de loi C-3, nous poursuivre en cour pour dommages-intérêts. »
    Toutefois, le gouvernement dit qu'il y a lieu de déposer une plainte auprès de la Commission des droits de la personne. Les témoins, quant à eux, affirment que le gouvernement empiète sur la compétence de la Commission canadienne des droits de la personne pour entendre ces plaintes. Alors, il n'y a pas vraiment de possibilité pour une personne qui se croit victime de discrimination de demander un recours ou une décision. D'après les témoins, ces personnes devraient être dédommagées d'une façon ou d'une autre.
    Cela résume-t-il bien la situation?
    Puis-je d'abord situer les choses en contexte?
    Si le projet de loi C-3 est adopté, la commission peut continuer à recevoir des plaintes concernant la disposition relative au statut d'Indien. Cela pourrait inclure la discrimination résiduelle alléguée que les témoins ont soulevée au comité, en raison de la préférence historique accordée aux hommes en vertu de la Loi sur les Indiens.
    Notre loi comporte une disposition, l'alinéa 41b) qui nous permet d'instruire une plainte selon des procédures prévues par une autre loi du Parlement, en l'occurrence la Loi sur les Indiens. Par conséquent, si les faits de la plainte laissent entendre qu'un plaignant a des chances d'obtenir le statut par suite de l'adoption du projet de loi C-3, la commission pourrait l'obliger à faire nouvelle demande pour obtenir le statut d'Indien en vertu des nouvelles règles, comme point de départ.
    Maintenant, si après l'application de la Loi sur les Indiens, le plaignant est toujours convaincu que les résultats de la disposition relative au statut sont discriminatoires, il peut retourner devant la commission. Nous examinons alors... À l'heure actuelle, ce qui risque de se produire, c'est que le procureur général pourrait soutenir que ce n'est pas un service au sens de la loi; si une cour rend cette décision, cela signifie que les plaignants ne pourraient pas comparaître devant la Commission canadienne des droits de la personne.
    Supposons qu'un plaignant se rende jusqu'au tribunal et que le tribunal envisage d'accorder la réparation. C'était d'ailleurs la première partie de votre question — avons-nous examiné l'article 9? Nous craignons que l'article 9 limite la capacité des personnes qui bénéficient du projet de loi C-3 d'exercer des recours auprès du Tribunal canadien des droits de la personne.
    Selon toute vraisemblance, l'article limiterait également la compensation dans le cadre des règlements par voie de médiation parce que ce serait utilisé... Comme vous pouvez l'imaginer, nous encourageons les parties à dialoguer, dans la mesure du possible, afin de faciliter les processus de règlement. Peu importe le type de médiation, dès qu'il y a un article de ce genre, les intimés ne manqueront pas d'exprimer leur désaccord face aux recours parce qu'ils peuvent invoquer l'article 9. La loi ne les y oblige pas.
    Les recours que le tribunal pourrait... Je ne sais pas si vous souhaitez que je vous parle des types de mesures correctives que le tribunal pourrait ordonner, mais...
(1545)
    Là où je veux en venir, c'est que le gouvernement dit que nous allons nous tenir à couvert des plaintes ou des recours intentés par une personne pour une discrimination possible. Le gouvernement dit que la personne peut s'adresser à la Commission canadienne des droits de la personne. Mais d'après ce que nous avons observé jusqu'à présent, chaque fois qu'une personne s'est adressée à la Commission canadienne des droits de la personne, le gouvernement a empiété sur la compétence de celle-ci pour entendre la plainte.
    Alors, le gouvernement dit: « Allez voir la Commission canadienne des droits de la personne et, une fois là, nous allons nous défendre devant la Commission canadienne des droits de la personne pour instruire la plainte. » Voilà à quoi se résume, jusqu'à présent, l'expérience des gens qui ont déposé ces plaintes.
    C'est vrai. Bon, pour expliquer brièvement... chaque personne ou organisation qui est partie à une plainte relative aux droits de la personne a le droit de représenter ses intérêts de la manière qu'elle estime appropriée. L'abrogation de l'article 67 a soulevé des questions juridiques complexes, d'où les litiges. C'est ainsi que les choses vont se passer. Ce qu'il nous faut à tout prix, c'est une interprétation de ce qui constitue un service.
    Nous avons eu beaucoup de discussions sur l'article 67 autour de cette table. Le gouvernement se réjouit du résultat parce que maintenant, les premières nations pourront exercer ce recours. Mais chaque fois qu'un membre des premières nations dépose une plainte contre le gouvernement ou l'État devant la Commission canadienne des droits de la personne, le gouvernement affirme que celle-ci n'a pas l'autorité d'entendre la plainte portée contre lui parce que nous n'offrons pas de service.
    Au fond, tout ce que le gouvernement fédéral a fait jusqu'à présent, c'est probablement limiter les plaintes contre une bande. Le gouvernement essaie de se protéger contre toute plainte relative aux droits de la personne et permet uniquement que ces plaintes soient déposées contre une bande. On dirait que gouvernement essaie de faire la même chose aux termes de l'article 9 du projet de loi C-3. C'est l'impression que j'en ai.
    Vous n'avez pas lu le libellé.
    Eh bien, c'est l'impression que j'en ai. Je demande une clarification. Peut-être que les fonctionnaires pourront m'aider.
    Vous ne l'avez pas lu.
    La parole est à M. Russell.
    Quelle autre conclusion peut-on tirer? C'est ce que j'entends comme discours. C'est peut-être pour ça qu'on est ici: pour clarifier.
    Mme Jennifer Lynch: Eh bien, en ce qui concerne...
    Le temps est écoulé.
    En ce qui concerne l'article 9, là où je veux en venir, c'est qu'il limite...
    Je suis désolé, madame Lynch, mais il ne reste plus de temps. Vous pouvez faire une petite observation sur ce dernier point, après quoi nous allons passer au prochain intervenant.
    Pour clarifier ce que j'ai dit relativement à l'article 9, je parle, selon toute vraisemblance, de l'incapacité du tribunal d'accorder des recours. Ce serait une conséquence de l'article 9.
(1550)

[Français]

    Merci.
    Maintenant, monsieur Lemay, vous avez sept minutes.
    Je m'excuse. Je ne veux pas vous manquer de respect. J'étais un peu en retard, parce que les athlètes olympiques sont ici et, comme j'ai fait partie du mouvement olympique, je voulais aller les saluer.
    Cela étant dit, merci d'être là. J'ai des questions très précises pour vous. Avez-vous fait une étude approfondie du projet de loi C-3?

[Traduction]

    Nous n'avons pas fait une étude approfondie du projet de loi C-3.

[Français]

    Donc, vous n'avez pas étudié, article par article, ce projet de loi?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    J'essaie de comprendre, car dans votre document vous écrivez ceci: « Je suis venue ici aujourd'hui surtout pour vous prévenir que rien n'est moins certain. » « Rien n'est moins certain », c'est donc dire qu'on continuerait à avoir de la discrimination résiduelle non prévue au projet de loi C-3. Quelqu'un l'a-t-il étudié chez vous?

[Traduction]

    Permettez-moi de préciser que lorsqu'on nous a demandé de comparaître, nous nous sommes préparés en étudiant le projet de loi C-3. Nous ne sommes pas des experts en la matière. Donc, lorsque vous m'avez parlé d'une étude approfondie, j'ai pensé que vous vouliez dire une étude approfondie pour acquérir des compétences dans le domaine.
    Nous ne sommes pas des experts. Nous avons suivi les délibérations, et nous constatons qu'il y a consensus. C'est ce à quoi je faisais allusion dans ma déclaration liminaire.

[Français]

    Ça va.
    Donc, sauf erreur, même si vous n'êtes pas des spécialistes, après une première lecture, après avoir analysé moindrement le projet de loi C-3, il vous apparaît évident qu'il va continuer à y avoir de la discrimination si ce projet de loi est adopté tel quel.

[Traduction]

    La réponse à cette question est que les membres du comité ont entendu de nombreux témoins qui ont mis en évidence certains cas de discrimination présumée, tels que... Eh bien, je peux vous donner des exemples si vous le voulez...
    M. Marc Lemay: Ce n'est pas nécessaire.
    Mme Jennifer Lynch: Mais j'estime que le comité dispose d'assez de renseignements — d'après ce que nous avons observé — qui semblent indiquer que ce projet de loi n'harmonisera pas complètement le droit au statut d'Indien dont jouissent les descendants des hommes et les descendants des femmes.

[Français]

    Parfait, on va y arriver. Donc, il va continuer à y avoir de la discrimination. C'est ce que je comprends. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Nous ne...

[Français]

    Imaginez, même M. Duncan a compris cela. Ce n'est pas un reproche à votre égard. Oui, il y aura de la discrimination.

[Traduction]

    Eh bien, merci.
    Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que ce domaine est très complexe. Nous l'avons examiné nous-mêmes, nous avons écouté vos témoins, et je suis d'accord avec vous — oui.

[Français]

    Je vais vous lire quelque chose. Je ne sais pas si vous pouvez vous pencher sur ce projet d'amendement. Le problème, et vous êtes d'accord avec moi, relève de l'article 6 de la loi. Je n'ai pas besoin d'une réponse aujourd'hui, mais j'aimerais avoir une réponse vers 16 heures demain après-midi. Je vous laisse quand même pas mal de temps. On nous demande nos amendements.
    Au libellé de l'alinéa 6(1)a) proposé de la Loi sur les Indiens, on ajouterait: « ou né avant le 17 avril 1985 et étant un descendant direct de cette personne ». Il s'agit du premier point.
    Voici ce qu'il en est du second point. L'article 2 du projet de loi C-3 propose une modification à l'article 6. Je suis d'accord pour dire que c'est complexe. Au sous-alinéa 6(3)c.1) (iv) proposé, on lit ceci :
(iv) elle a eu ou a adopté, le 4 septembre 1951 ou après cette date, un enfant avec une personne qui, lors de la naissance ou de l’adoption, n’avait pas le droit d’être inscrite;
    Si on enlevait ce paragraphe, croyez-vous que nous pourrions réduire ou, à tout le moins, éliminer une bonne partie de la discrimination résiduelle? Celle-ci a été soulevée dans votre extraordinaire présentation que j'accepte pleinement. J'ai besoin d'une réponse seulement avant 16 h 30 demain après-midi.
(1555)

[Traduction]

    Monsieur le président, nous sommes ici pour fournir tous les renseignements dont nous disposons dans notre domaine de compétence. Il s'agit d'un domaine extrêmement complexe.
    Vous avez reçu les mémoires de l'Association du barreau canadien qui analyse à fond ce projet de loi et qui représente 37 000 avocats, moi y comprise. J'aimerais vous renvoyer à l'Association du barreau canadien.
    Je ne cherche pas à vous manquer de respect, monsieur, mais je pourrais demander à mes employés les plus brillants de passer les prochaines 24 heures à étudier ce projet de loi, et ils ne pourraient tout de même pas offrir une opinion d'expert. Je vous demande d'être indulgent envers nous, et de ne pas nous demander de répondre précisément à cette question.

[Français]

    Vous m'avez fait perdre une minute, ça n'a pas de bon sens.
    Il y a un document du Barreau du Québec sur le même sujet, que nous vous enverrons cet après-midi.
    D'accord?
    Non, mais oui puisque le temps dont je dispose est écoulé. Mais soyez sans crainte, je vais y revenir.

[Traduction]

    D'accord. Passons à Mme Crowder qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venue témoigner devant le comité.
    Vous avez parfaitement raison: cette question est très complexe. Je ne suis pas avocate, et je suppose qu'en ma qualité de profane, je suis vraiment troublée de constater que nous sommes confrontés à ce que j'appellerai une discrimination résiduelle présumée que tout le monde semble avoir remarquée. Nous faisons face à toutes sortes de cas de discrimination résiduelle présumée, qu'il s'agisse de cas possibles de discrimination fondée sur la situation de famille dont l'Association du barreau canadien a parlé et que vous avez fait ressortir dans votre exposé, ou de cas de discrimination fraternelle chez les Abénaquis. En outre, les cas de paternité non déclarée sont problématiques, ce qui complique les choses.
    J'aimerais vous poser une question concernant les droits de la personne. Comme le ministre l'a indiqué, je crois, 14 causes découlant de diverses plaintes liées au statut cheminent à l'heure actuelle dans le système judiciaire. Vous avez été saisie de plusieurs affaires relatives au statut que vous avez renvoyées au tribunal. Y a-t-il eu également des cas touchant à la citoyenneté?
    Une voix: Non.
    Mme Jean Crowder: Donc, seul le statut est contesté.
    Compte tenu de l'abrogation de l'article 67, les gens ont donc deux options en ce moment. Ils peuvent aller devant les tribunaux ou déposer une plainte. Vous avez mentionné au cours de votre exposé que vous aviez hâte que chaque cas suive son cours. Nous pouvons procéder petit à petit, cas par cas, modifier la Loi sur les Indiens et en subir peut-être les conséquences involontaires, comme cela a été le cas pour le projet de loi C-31.
    Ou, comme vous l'avez suggéré, nous pourrions adopter une approche plus globale. Pourriez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet-là? Parce que le processus exploratoire dont vous avez parlé ne jouit pas nécessairement du soutien de beaucoup de personnes; on ne considère pas qu'il s'agit de consultations. Pourriez-vous faire quelques recommandations? Encore une fois, il se peut que cela dépasse votre domaine de compétence. Si vous ne pouvez pas recommander quoi que ce soit, pouvez-vous parler un peu des solutions, parce que celles-ci ne modifieront pas nécessairement la loi, n'est-ce pas?
(1600)
    C'est exact.
    Donc, disons que, dans le cas de Kim Arsenault et des Abénaquis, il y a discrimination découlant d’une règle qui s’applique aux frères et aux soeurs. En raison de sa date de naissance — Kim Arsenault est née avant 1985 —, elle n’obtiendra pas le même statut que celui conféré par l’arrêt McIvor. Un procès est en cours. Si elle déposait une plainte auprès de la commission, que l’affaire était renvoyée au tribunal et que celui-ci déterminait qu’il y avait discrimination et trouvait une solution, la loi n’en serait pas changée pour autant…
     La décision pourrait faire l’objet d’un appel devant la Cour fédérale.
    Cela pourrait exiger des années.
    C’est exact.
    Nous pourrions continuer d’infliger aux gens ce genre de peine et de traumatisme pendant des années, sans modifier la loi.
    C’est exact bien que, comme vous avez pu le constater, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique ait invalidé la loi. Cela peut se produire, mais le processus est très long et très coûteux pour les demandeurs.
    Mais nous savons combien d’années il a fallu pour abroger l’article 67. Il a été en vigueur pendant 30 ans, et il a fallu déployer beaucoup d’efforts et soutenir beaucoup de discussions avant qu’il soit modifié. L’élimination de cette discrimination résiduelle présumée pourrait prendre 30 autres années.
    C’est exact, et c’est pourquoi nous recommandons une refonte complète de la Loi sur les Indiens. Bien entendu, c’est au Parlement qu’il incombe d’entamer ce processus.
     De nos jours, des dialogues et des consultations peuvent réconcilier les gens, surtout si on tient compte de la culture et des traditions des peuples autochtones. Parce que nous dialoguons nous-mêmes avec tous les principaux intervenants, la mise en oeuvre de l’article 67 progresse énormément.
     À propos, je pense que vous êtes probablement au courant que certains chefs et grands chefs des premières nations sont venus nous visiter l’autre jour, et ils affirment n’avoir ni pris connaissance d’un processus d’abrogation de l’article 67, quel qu’il soit, ni participé à celui-ci. Donc, jusqu’à quel point vous êtes-vous portés à leur rencontre?
     J’ai remarqué que, dans votre rapport annuel, vous mentionniez l’« Initiative nationale autochtone – Assurer l’équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs », et je me demandais dans quelle mesure les collectivités étaient tenues au courant de ce processus.
     D’accord. Bien sûr, dans le cadre de l’abrogation, plus de 600 collectivités relèvent de notre compétence, alors nous avons entrepris un programme de sensibilisation. Mais, comme cela arrive souvent, nous n’avons reçu aucun financement pendant les 12 premiers mois. Ce n’est qu’au cours de la dernière année, qu’on nous a accordé des fonds et seulement de manière minimale. Nous avons organisé environ 50 séances de sensibilisation au cours desquelles nous avons parlé à plus de 100 chefs.
     Nous avons également commencé à élaborer des critères ou des principes directeurs pour les processus internes de règlement de différends parce que nous croyons, bien entendu, qu’il est préférable que les collectivités règlent leurs propres conflits. Nous irons plus loin en disant qu’il vaudrait mieux qu’ils cultivent au sein de leur collectivité le respect des droits de la personne afin d’éviter les conflits en premier lieu et de favoriser le recours aux dialogues plutôt qu’aux mécanismes officiels.
     Enfin, c’est le genre de travail que nous accomplissons. Je pourrais vous fournir de plus amples renseignements si vous le voulez, mais essentiellement nous nous employons à sensibiliser les gens. Tout récemment, la semaine dernière, nous avons engagé un autre de ces dialogues. Je ne sais pas si vous aimeriez que nous vous donnions plus de renseignements à ce sujet-là.
    Mon temps est-il complètement écoulé?
    Il vous reste 20 secondes.
    Merci.
     Malheureusement, j’ai utilisé tout le temps dont je disposais.
    Fort bien. Je vous remercie de votre question.
    Nous pourrons y revenir plus tard.
     Merci, mesdames Crowder et Lynch.
     Passons maintenant à M. Duncan qui dispose de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je veux simplement mentionner à M. Lemay que j’étais au Témiscamingue le week-end dernier et qu’ils ont une très belle légion là-bas. J’ai rencontré les gens qui gèrent…
(1605)
    Leur avez-vous annoncé beaucoup de financement?
    Je n’ai annoncé aucun financement, mais j’ai dépensé de l’argent.
    J’espère que vous en avez dépensé beaucoup.
     C’est un très beau coin — je vous félicite.
     Je veux discuter des observations de M. Russell au sujet de la clause 9 du projet de loi C-3, parce que presque chacune d’entre elles déforme la vérité. La clause 9 est très limitée et, quand on la lit, elle est très claire.
     Elle traite seulement de compensation monétaire découlant de diverses dispositions du projet de loi C-3, uniquement dans le contexte de l’appartenance, et elle protège non seulement Sa Majesté, mais aussi les conseils de bande. Si les conseils de bande examinent les ramifications du projet de loi C-3, ils constateront que celui-ci les rend complètement vulnérables, aussi vulnérables que le gouvernement, et cela est très préoccupant.
     Le projet de loi C-31 possédait le même genre de clauses prohibant les compensations, et elles n’ont suscité aucune controverse. Elles ne préviennent nullement les contestations juridiques.
     La plupart des changements qui seraient apportés à la Loi sur les Indiens dans le cadre du projet de loi C-3 seraient toujours contestables devant les tribunaux; seule la question de la compensation monétaire, qui date essentiellement de 1985, serait remise en cause. Je voulais simplement apporter ces précisions.
     Dans le même ordre d’idées, j’ai été frappé lorsqu’au cours de votre témoignage, vous avez dit, je crois, que ce n’était pas vraiment la compétence de la Commission des droits de la personne qui était problématique, mais plutôt les solutions apportées par le Tribunal canadien des droits de la personne. Avez-vous dit cela en général ou par rapport à la clause 9? Qu’entendiez-vous par là?
     Ce qui nous inquiète surtout, c’est de savoir si ces questions relèveront de notre compétence. Nous avons entendu des témoignages devant le comité qui semblaient indiquer que les gens pourraient déposer auprès de nous des plaintes relatives au statut. À l’heure actuelle, ils peuvent le faire. Nous recevons les plaintes, et soit nous les rejetons, soit nous les renvoyons au tribunal.
     Notre compétence est contestée par le tribunal en ce sens que… Le procureur général soutient, par exemple, que l’inscription au registre des Indiens n’est pas un service et que, par conséquent, les gens n’ont pas le droit de faire appel au processus de traitement des plaintes de la Commission canadienne des droits de la personne et d’être renvoyés au tribunal.
     Mes remarques au sujet de la clause 9 sont des points distincts qui n’ont rien à voir avec la compétence, mais tout à voir avec les solutions que le tribunal pourrait ordonner, parce que je suis certaine qu’elles feront l’objet de litiges. En ce moment, l’article 53 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui prévoit des solutions, stipule que le tribunal peut ordonner l’abandon d’une pratique ou l’adoption d’un programme spécial, ou accorder des droits, des occasions ou des privilèges qui ont été refusés, ou une compensation.
     Nous ne savons pas comment la clause 9 sera interprétée, mais nous croyons qu’elle aura pour effet d’annuler la capacité du tribunal d’ordonner ces solutions. Évidemment, nous ne pouvons pas prendre cette décision; nous nous attendons à ce que cet argument soit avancé.
    C’est exact, et les objections que, selon vous, le gouvernement fédéral soulèvera sont celles que tout défendeur soulèverait probablement aussi. Il est peut-être préférable de clarifier cette question dès le début, étant donné que les cas seront litigieux. Cette idée vous semble-t-elle acceptable?
    À mon avis — et, bien sûr, je suis membre du barreau depuis plus de 30 ans —, il est préférable de renvoyer une question juridique à une loi du Parlement, ou de la régler ou de la clarifier grâce à elle, que de demander aux Sharon McIvor du monde juridique de faire la loi.
(1610)
    C’est juste.
     Un autre élément de votre mémoire me pousse à poser une simple question technique. Il y a la Commission canadienne des droits de la personne à l’échelle fédérale, puis il y a une commission dans chaque province. Est-ce prescrit quelque part, ou cela s’est-il produit parce que chaque province a pensé que c’était une bonne idée?
     Je dirais que cela s’est produit parce que chaque province a pensé que c’était une bonne idée. À vrai dire, cela ressemble à un mélange un peu hétéroclite, car il n’y a pas de commission dans toutes les provinces. Par exemple, en Colombie-Britannique, il y a simplement un tribunal. Les gens s’adressent à lui directement. Leurs plaintes ne sont pas examinées d’abord par une commission en tant que telle.
    Peut-on raisonnablement supposer que certaines questions découlant du projet de loi C-3 pourraient être régies par les lois sur les droits de la personne des provinces plutôt que par celle du gouvernement fédéral?
    Je vais céder la parole à mon vice-président, David Langtry. Nous avons étudié cette question très attentivement.
     Nous sommes membres d’une association appelée l’Association canadienne des commissions et conseil des droits de la personne, et nous collaborons avec elle précisément dans le but de découvrir la réponse à cette question.
     Aimeriez-vous fournir de plus amples renseignements à ce sujet, David?
     Oui, et en réalité, le mandat des diverses commissions — fédérale, provinciales et territoriales — est fondé sur les pouvoirs constitutionnels qu’elles détiennent. La commission fédérale jouit des pouvoirs qui ont été conférés au gouvernement fédéral. Donc, comme la présidente l’a indiqué au début, nous nous occupons de tous les ministères et les organismes fédéraux, et des employeurs assujettis à la législation fédérale, tandis que tout ce qui se trouve à l’intérieur des provinces relève des compétences provinciales. Si une entité ne relève pas du gouvernement fédéral, elle est de compétence provinciale.
     Certaines questions qui pourraient être soulevées au sein d’une collectivité des premières nations relèvent des provinces — par exemple, celles liées au droit du travail. Dans ces cas-là, elles ne relèvent pas aussi de nous. Il n’y a donc pas de compétence partagée, mais parfois il est difficile de déterminer de qui relève une certaine question.
     La présidente a fait allusion à l’ACCCDP. Un groupe de travail composé d’avocats étudie actuellement la question des compétences dans le contexte des premières nations — le contexte autochtone, en termes plus généraux — afin de déterminer à qui chacune d’elle appartient.
    Merci, monsieur Duncan, monsieur Langtry et madame Lynch.
    Monsieur Bagnell, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais poser une question aux avocats — à Mme Lynch, à Mme Phillips et à quiconque est avocat. Je crois que tout le monde ici comprend qu'il y aura toujours de la discrimination après coup; le projet de loi en élimine une partie. Est-ce qu'une loi comme celle-ci serait contestée ou pourrait l'être en vertu de la Constitution parce qu'elle fait en sorte que la discrimination persiste, contrairement à la Charte des droits? Cette question ne s'adresse pas à la Commission des droits de la personne, mais aux avocats en général.
    Nous sommes trois ici, alors Michael est exempté, car il n'est pas avocat.
    Valerie, aimeriez-vous vous prononcer à ce sujet?
    J'aimerais clarifier un point. Est-ce que vous demandez si le projet de loi C-3 même pourrait être contesté pour ne pas avoir réussi à régler toute la question de la discrimination persistante?
    Oui, ou vous pourriez dire pour continuer de promouvoir la discrimination.
    Je crois que ce n'est pas clair, mais mon instinct me dit que c'est peu probable, à moins que l'on établisse que le projet de loi même est discriminatoire.
    Des gens sont comparus devant vous pour vous mettre en garde contre la possibilité que la loi contienne, par exemple, de la discrimination relative à la situation de famille, alors l'on s'interroge à savoir si le projet de loi C-3 contient des dispositions discriminatoires.
    Mais de là à savoir s'il pourrait être contesté pour ne pas éliminer toute la discrimination, je ne crois pas. S'il n'est pas conforme à la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, il y aurait peut-être une possibilité de recours judiciaire dans ce cas-là.
    D'accord. Je vois. Je voulais seulement que ce soit mentionné dans le compte rendu pour que le public soit au courant, en fait. Lorsque vous avez parlé de l'absence de recours avant que l'article 67 soit abrogé, cela s'appliquait aux bandes visées par la Loi sur les Indiens, mais il y avait un certain nombre de bandes qui avaient signé des accords sur une revendication territoriale auxquelles l'article 67 ne s'appliquait plus, alors pour vous, elles avaient un recours.
    Pour certaines personnes, l'ennui avec l'abrogation de l'article 67 était le différence entre les droits collectifs des sociétés autochtones historiques en Amérique du Nord et les droits individuels de notre culture européenne. Maintenant que la Commission des droits de la personne doit composer avec un plus grand nombre de questions autochtones, je me demande si vous avez une opinion sur la distinction entre les droits collectifs des communautés autochtones historiques en Amérique du Nord et les droits individuels de notre système européen lorsqu'une plainte est déposée.
(1615)
    Je ne suis pas certaine de bien comprendre la question...
    Une voix: Je peux répondre à votre place, si vous voulez.
    Mme Jennifer Lynch: Oh, mon collègue serait ravi de...
    C'est pour cela que vous le payez si cher.
    En tant que seul membre du groupe qui ne soit pas avocat, je ne crois pas.
    On a répondu à la question qui a été soulevée avec la disposition interprétative de l'article 67, qui, bien qu'elle soit technique, est importante. Je vais vous la lire: « Dans le cas d'une plainte déposée au titre de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l'encontre du gouvernement d'une première nation » — dont les activités connexes — « la présente loi » — et c'est en application de l'article 67 — « doit être interprétée... de manière à tenir compte des traditions juridiques et des règles de droit coutumier des Premières Nations et, en particulier, à assurer un équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs, dans la mesure où ces traditions et règles sont compatibles avec le principe de l'égalité entre les sexes. »
    Il y a donc trois évaluations, et l'évaluation finale s'intéresse à l'incidence de la décision qui ne lésera pas les droits des filles et des femmes, quelle qu'elle soit. Alors en ce qui touche les droits collectifs et individuels, on a l'impression dans certains camps que la signification ou la philosophie des droits individuels ne correspond pas à nos droits autochtones traditionnels collectifs et à cette mentalité; c'est une importation.
    La commission a entrepris une quantité appréciable de recherche et elle élaborera des exposés de principes et des documents d'orientation sur la façon de faire ce type d'évaluation — cela est fait, il faut le dire, en collaboration directe avec les communautés autochtones.
    Madame Neville, vous vouliez poser une question brève. Nous avons une trentaine de secondes pour ce faire.
    Je ne sais pas dans quelle mesure elle sera brève.
    Étant donné que nous avons reconnu qu'il y aurait de la discrimination persistante si le projet de loi était adopté tel quel et que M. Duncan a indiqué qu'il sera litigieux, quel conseil auriez-vous à nous donner? Nous faisons des pieds et des mains pour trouver une façon appropriée de modifier ce projet de loi en vue d'en éliminer la discrimination persistante. Avez-vous des conseils à nous donner?
    Avec tout le respect que je vous dois, vous composez avec un dossier complexe dans des délais très serrés. Le projet de loi semble répondre à l'ordonnance bien précise de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Comme vous l'avez dit, et comme nous l'avons tous dit, il éliminera une partie de la discrimination, mais pas toute.
    J'ai trouvé l'article de l'Association du Barreau canadien très intéressant. Il s'agit d'un groupe de spécialistes de la loi nationale sur les Autochtones qui ont cerné des sujets de préoccupation et formulé des suggestions de modifications pour y remédier. Je vous conseillerais de vous adresser à eux...
    Pour connaître leur avis...
    ... pour connaître leur avis.
    Merci.
    Merci, madame Neville.
    La parole est maintenant à M. Dreeshen pour cinq minutes.
    Merci beaucoup d'être venus nous éclairer un peu à ce sujet. Nous l'apprécions.
    Je veux vous donner l'occasion de peut-être retourner en arrière et discuter de ce que vous vouliez dire précisément lorsque vous avez parlé de recevoir et de traiter « les plaintes de discrimination en emploi et dans la prestation de services ». Vous l'avez indiqué dans votre exposé; je me demande simplement si vous pourriez en parler plus en détail.
    Je vais donner un exemple général et ensuite je pourrai aussi parler du projet de loi C-3.
    Cela veut dire que nous ne recevons pas de plaintes... Laissez-moi vous présenter la question sous un jour positif. Nous sommes responsables des plaintes si elles sont fondées sur un des 11 motifs énumérés — la religion, l'âge, le sexe, la situation de famille, etc. — et la discrimination présumée doit s'être produite en milieu de travail ou dans le contexte d'un service.
    Prenons pour exemple les banques. Si je travaille dans une banque et j'estime ne pas avoir obtenu de promotion ou quelque chose du genre, je pourrais porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Si je suis une cliente de la banque et que j'estime qu'à l'occasion de l'une de mes visites, l'on m'a fait attendre trop longtemps en raison de la couleur de ma peau ou quelque chose du genre, je pourrais porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne.
    Si je suis une femme qui travaille dans l'industrie du transport routier et que je crois être victime de discrimination, je peux porter plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, car les emplois et les services offerts sont de notre ressort.
    Cependant, si vous êtes propriétaire du motel ABC et en refusez l'accès à des gens d'un certain groupe, l'affaire ne nous est pas présentée. Il s'agit d'un service, mais qui ne relève pas de notre compétence. C'est cela un service.
    Lorsque nous abordons les détails précis du statut et du financement, c'est là que le procureur général soutient qu'il ne s'agit pas de services. Je vais vous donner un exemple de service.
    Trois des plaintes que nous avons déposées récemment au tribunal sont dans la même veine que les plainte de McIvor — deux frères et une soeur — et le procureur général du Canada a déposé une requête en sursis de la procédure du tribunal jusqu'à ce que le projet de loi C-3 ait été adopté. Le procureur général a indiqué qu'il se penchera sur la question pour déterminer si le statut d'Indien est un service au sens de l'article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. C'en est un. Maintenant, dans ces trois affaires, ils recevraient tous le statut d'Indien grâce au projet de loi C-3, d'où la demande de sursis. Voilà un type de service.
    Nous avons présenté une autre affaire au tribunal pour déterminer si le financement offert par le gouvernement fédéral est un service. Elle se rapporte aux enfants autochtones en famille d'accueil. Il s'agit de l'affaire de l'aide à l'enfance et à la famille. On allègue qu'Affaires indiennes et du Nord Canada fait de la discrimination à l'égard des enfants autochtones en offrant un financement inadéquat aux services d'aide sociale à l'enfance; on allègue aussi que la formule de financement donne lieu à un sous-financement des services visant à garder les familles unies et à un excédent de financement des services visant à placer les enfants en famille d'accueil.
    Encore une fois, on va soutenir qu'il ne s'agit pas d'un service, que le financement n'en est pas un. En fait, les tribunaux ont défini au sens assez large les services gouvernementaux comme des services; par contre, il serait possible de préciser cette définition. C'est ce que nous attendons de découvrir par l'intermédiaire des tribunaux.
(1620)
    Alors pour les membres de la bande, s'interroge-t-on jamais à savoir si cela pourrait ou non devenir discriminatoire? Est-ce que quelqu'un pourrait l'envisager?
    Mon collègue vient juste de me rappeler que nous ne pouvons pas traiter d'affaires comme celle-là avant juin 2011.
    Mais le temps venu, vous seriez alors en mesure de traiter la question, ou s'attendrait-on à ce que...?
    Eh bien, du moment que c'est un service, oui. Cela marcherait. La définition de service irait aussi pour les conseils de bande.
    C'est à peu près tout, monsieur Dreeshen. Oui, le temps passe plutôt vite.
    La question finale sera celle de M. Lemay.
    Monsieur Lemay, vous avez cinq autres minutes.

[Français]

    Je vous ai écouté avec grande attention, et il m'est venu à l'esprit que nous avions adopté ici le projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. J'ai lu un rapport, le 30 mars 2010, intitulé « L'équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs. La mise en oeuvre de l'article 1.2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ».
    J'ai une question pour vous. Il vous reste un an. Êtes-vous prêts à recevoir les dizaines de plaintes qui vont atterrir sur votre bureau, à la suite de l'abrogation de l'article 67 et de la mise en oeuvre du projet de loi C-21? Il reste un an, on peut se le dire entre nous.
    Le comité a-t-il bien fait son travail? Vous manque-t-il des éléments que l'on pourrait demander au gouvernement pour être prêts, le 18 juin 2011, et pour ne pas qu'on nous dise que vous n'êtes pas prêts? Je ne vous fais pas un reproche. Au contraire, on veut vous aider. C'est certain qu'il y aura beaucoup de demandes.
(1625)

[Traduction]

    Manifestement, nous faisons de notre mieux, monsieur. Lorsque nous avons entrepris ce projet... Lorsque la loi a été modifiée et qu'on nous a investi de ce mandat, on nous a donné du financement sur une période de cinq exercices. C'est temporaire. Je crois que nous avons ajouté quelque chose comme cinq équivalents temps plein à nos effectifs pour ces 600 communautés et 700 000 personnes.
    Le financement a aussi englobé l'expertise que vous voyez à cette table, qui s'inscrit évidemment dans notre quête pour donner les meilleurs conseils possibles et traiter les plaintes le plus efficacement possible. Pour ce faire, nous avons examiné attentivement notre prestation de services et nous avons instauré des processus à la grandeur de la commission pour tenter d'accroître au maximum notre efficacité pour traiter les plaintes.
    Mais je veux laisser de côté le traitement général des plaintes pour un instant et parler en particulier des plaintes présentées par des Autochtones. La réalité est que nous devons étudier nos propres processus — ce que nous faisons — pour veiller à ce qu'ils soient adaptés à la culture et accessibles.
    À cette fin, nous croyons aussi pouvoir offrir un meilleur service en aidant les communautés à traiter leurs propres plaintes. Nous faisons deux choses à cet égard.
    Nous travaillons d'abord à aider les communautés à mettre au point leurs propres processus internes de règlement des différends qui répondront aux besoins des gens de la collectivité pour qu'ils n'aient pas à faire appel à la Commission canadienne des droits de la personne.
    La deuxième est que nous élaborons des outils afin de pouvoir sensibiliser les communautés à créer des milieux où elles pourront éliminer la discrimination systémique de leurs pratiques. C'est une tâche colossale et nous y travaillons d'arrache-pied.
    Nous avons de brillants collaborateurs à nos côtés et nous serons aussi préparés que possible, mais les ressources nous posent assurément problème.

[Français]

    Avez-vous déjà reçu des plaintes que vous ne pouvez pas encore traiter, parce que la disposition n'entre en vigueur qu'au mois de juin 2011?

[Traduction]

    Je crois que oui.
    Avons-nous des détails à ce sujet?
    Valerie Phillips?
    Nous avons reçu des plaintes au sujet du logement dans les réserves que nous n'avons pas pu accepter en raison de la période de transition. Je crois qu'il est possible qu'il y en ait eu une ou deux de plus. Il y en a seulement eu quelques-unes, mais nous avons dû les rejeter en raison de la période de transition.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lemay.
    J'ai une dernière question. En fait, j'ai besoin d'une précision au sujet de la question de M. Russell. Cela se rapporte aussi un peu à ce que M. Lemay demandait.
    Jusqu'à présent, y a-t-il eu des plaintes que vous ne pouvez remettre ou n'avez pas à remettre à 2011? Avez-vous dit plus tôt que toutes celles que vous avez reçues ont été envoyées au tribunal? Ai-je bien compris?
    D'accord. Bon, je vais commencer, mais c'est le vice-président qui a le dossier, en fait; c'est donc lui qui aura les statistiques.
    Nous avons eu un exercice complet et une partie d'un deuxième exercice. Pendant cette période, nous avons reçu plus d'une trentaine de plaintes depuis l'abrogation.
(1630)
    D'accord. Pouvez-vous examiner ces plaintes avant la transition de 2011?
    Oui, absolument. Elles sont à différentes étapes de traitement. J'ignore combien de plaintes nous avons transmises au tribunal.
    Trois ont été envoyées au tribunal, toutes ces affaires qui sont contre le gouvernement fédéral, auxquelles une période de trois ans ne s'appliquait pas. Cette période s'appliquait tout autant à un gouvernement des premières nations.
    D'accord. À votre connaissance, alors, est-ce que ces trois affaires devant le tribunal sont contestées au motif de la question de service à laquelle M. Russell a fait allusion?
    Oui.
    D'accord. C'est ce que je voulais clarifier pour le compte rendu. Vous venez juste de faire allusion à toutes ces affaires, et je voulais être certain que nous parlions de celles dont le tribunal a été saisi et non de celles que vous avez à l'interne.
    D'accord, et nous avons deux ou trois questions. L'une est de savoir si le financement est un service. L'autre est de savoir si l'inscription est un service. Ensuite, il y a un autre argument au sujet des groupes de comparaison, mais c'est...
    D'accord. Pouvez-vous nous donner une idée des quelque 27 autres affaires que vous avez été en mesure de traiter? À quels types de sujets se rapportent-elles s'il ne s'agit pas précisément de plaintes contre le gouvernement du Canada?
    Il y en a un certain nombre devant nous qui portent sur le financement de l'éducation. Par ailleurs, les questions de statut sont celles que nous serions toujours en train de traiter.
    Pour apporter une simple précision, les répondants sont capables de soulever aussi la question de la compétence auprès de la commission, et nous pourrions rejeter leur plainte aux termes de l'article 41 et ne pas la traiter. Toutes les questions de compétence ont été soulevées auprès de nous et continuent de l'être. Notre approche est qu'à moins qu'il est clair et évident que la question n'est pas de notre ressort, la loi veut que nous la transmettions au tribunal pour qu'il arrête une décision. Nous ne disons pas que c'est de notre ressort; nous disons que ce n'est pas évident que ce n'est pas de notre ressort.
    D'accord. Merci beaucoup. Je voulais simplement m'assurer que l'information était exacte dans le compte rendu.
    Je crois que cela termine notre première heure, mesdames et messieurs.
    Merci à vous tous de vous être joints à nous à l'occasion de cet important examen d'un projet de loi qui, comme vous pouvez vous l'imaginer, importe beaucoup aux intervenants, notamment les premières nations de partout au pays.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant environ trois minutes, mesdames et messieurs, et nous les reprendrons ensuite. Nous étudierons la prochaine section à huis clos. S'il y a d'autres visiteurs, nous allons devoir en réduire le nombre conformément aux règles régissant les réunions à huis clos. Nous allons suspendre nos travaux pendant trois minutes.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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