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CC32 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-32


NUMÉRO 019 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1100)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. Je déclare ouverte la 19e séance du Comité législatif chargé du projet de loi C-32.
    J'aimerais remercier les membres du comité qui m'ont fait parvenir leurs condoléances à la suite du décès de ma mère. Je m'excuse de ne pas avoir pu être présent pour les dernières séances, mais je suis maintenant de retour.
    Aujourd'hui, dans la première heure, nous entendrons le représentant de TELUS Communications, Craig McTaggart; la représentante de Rogers Communications Inc., Pam Dinsmore; et la représentante de Bell Canada, Suzanne Morin.
    Nous débuterons par M. McTaggart. Vous avez cinq minutes. Vous pouvez y aller.
    Bonjour, mesdames et messieurs les députés. Je m'appelle Craig McTaggart et je suis directeur de la Politique de large bande de la Société TELUS Communications.
    Je vous remercie de me donner l’occasion d’exposer le point de vue de TELUS au sujet du projet de loi C-32. Le projet de loi C-32 vise à réformer le régime canadien du droit d’auteur en fonction des réalités de l’ère numérique. TELUS le juge à la fois solide et équilibré.
    J’aimerais, dans mon exposé, mettre l’accent sur la décision rendue en 2004 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire SOCAN c. ACFI, relative au tarif 22. Cette décision a édicté les principes juridiques de la responsabilité des intermédiaires, que le projet de loi C-32 entend enfin codifier pour les intégrer à la loi. Si je souhaite attirer votre attention sur cette décision et sur les principes édictés par celle-ci, c’est qu’ils mettent en lumière la distinction fondamentale qui existe entre les intermédiaires neutres et passifs, qui ne sont pas légalement responsables de ce que font leurs utilisateurs en ligne, et les intermédiaires dits « destructeurs de richesse », qui rendent activement possible la violation massive en ligne du droit d’auteur.
    D'entrée de jeu, j'aimerais être clair: TELUS reconnaît que le piratage informatique est un problème, et elle encourage le législateur à doter les titulaires de droits d’outils efficaces qui leur permettent de poursuivre directement ceux qui rendent activement possible ce piratage. J’insiste sur l’adverbe « directement », parce que, contrairement à l’approche que proposent certains titulaires de droits, il ne s’agit pas de faire porter aux tierces parties, comme les FSI, la responsabilité d’engager de telles poursuites. Le projet de loi C-32 restreint fort judicieusement le rôle des FSI au fait d’aider les titulaires de droits à faire valoir leurs droits: si un titulaire prétend que ses droits ont été enfreints en ligne par un internaute client d’un FSI donné, ce dernier doit simplement aviser l’internaute en question de cette allégation et conserver les preuves utiles à d'éventuelles poursuites judiciaires.
    Pour bien apprécier la justesse de ce régime, il faut se reporter à la définition formulée en 2004 par la Cour suprême du Canada concernant l’étendue de la responsabilité des FSI au sujet de ce qui se passe sur Internet. Dans sa décision relative au tarif 22, la Cour suprême a en effet affirmé que les FSI ne « communiquent » pas d’oeuvres protégées, pas plus qu’ils n’« autorisent » leurs clients à communiquer de telles oeuvres sur Internet. Voilà comment la Cour suprême a interprété l'alinéa 2.4(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, selon lequel les personnes qui ne font que fournir à un tiers les moyens de télécommunications nécessaires pour communiquer une oeuvre ne la communiquent pas elles-mêmes, et elles ne sont nullement des acteurs de cette communication. C’est, au contraire, la personne qui publie en fait sur Internet une oeuvre protégée par le droit d’auteur qui communique cette oeuvre.
    La Cour suprême a formulé en ces termes le principe applicable: « L’intermédiaire Internet qui ne se livre pas à une activité touchant au contenu de la communication, » — c'est-à-dire dont la participation n’a aucune incidence sur celui-ci — « mais qui se contente d’être “un agent” permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l’application de l’al. 2.4(1)b) », soit l'exonération de responsabilité normale des fournisseurs de services de télécommunications.
    La Cour suprême a soutenu que les fournisseurs d’accès Internet et les hébergeurs ne sont, en temps normal, ni des utilisateurs d’oeuvres protégées, ni responsables des utilisations faites par leurs clients. Elle a en outre précisé que les FSI, à l’instar des compagnies de téléphone, ignorent ce que font leurs clients sur Internet et ne sont pas en position de contrôler leurs agissements. D’ailleurs, personne ne souhaite que nous le fassions.
     La Cour suprême a poursuivi en disant que ce qui caractérise entre autres un tel « agent », « c’est l’ignorance du contenu attentatoire et l’impossibilité (tant sur le plan technique que financier) de surveiller la quantité énorme, voire prodigieuse, de fichiers circulant sur l’Internet ». Nous étions alors en 2004.
    Depuis, le trafic Internet a poursuivi sa croissance à un rythme composé d’environ 45 p. 100 par année. Dans son jugement, la Cour suprême a reconnu le bien-fondé de la politique consistant à écarter la responsabilité des intermédiaires qui n’ont pas d’incidence sur le contenu:
« Quoi qu'il en soit, en adoptant l’al. 2.4(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, le législateur a fait une distinction de principe entre ceux qui abusent de l’Internet pour se procurer de la musique à peu de frais et ceux qui font partie de l’infrastructure Internet comme telle. Il est évident que le législateur n’a pas voulu que les intermédiaires Internet, dont l’expansion et le développement constants sont tenus pour essentiels à la croissance économique nationale, fassent les frais des différends qui opposent les créateurs et les utilisateurs relativement à l’application du droit d’auteur. »
    Tels sont les principes qui sous-tendent les dispositions du projet de loi C-32, et de ses prédécesseurs, concernant plus précisément les FSI. Ces principes demeurent valables aujourd’hui.
    Ce qui a changé depuis 2004, c’est que nous sommes désormais sensibilisés à la nécessité de doter les titulaires de droits d'outils supplémentaires qui leur permettent de faire valoir leurs droits plus facilement à l’encontre de « ceux qui abusent de l’Internet », pour reprendre les termes de la Cour suprême.
(1105)
    TELUS est prête à soutenir des amendements au projet de loi qui doteraient les titulaires de droits d’outils plus puissants à l’encontre de ceux qui rendent activement possible la violation de leurs droits. Elle est également disposée à soutenir des amendements qui empêcheraient les délinquants de profiter des exonérations de responsabilité destinées à ne protéger que ceux qui se conforment à la loi.
    Comme les autres grands FSI du Canada, TELUS adopte volontairement depuis neuf ans un régime d'avis et avis. La décision d’officialiser ce type de régime revient à reconnaître une réalité juridique: les FSI ne peuvent être contraints de décider si un contenu hébergé doit être retiré ou pas ou si, en cas de partage de fichiers, ils doivent ou non sanctionner leurs clients sur la seule base d'une allégation d'un titulaire de droits. En vertu des principes juridiques canadiens, seul un tribunal peut déterminer si une loi a ou non été enfreinte.
    Je m'arrêterai là.
    Merci.
    Passons maintenant à Pam Dinsmore de Rogers Communications.
    Merci, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Pam Dinsmore et je suis vice-présidente de la Réglementation à Rogers Communications Inc. Je vous remercie de nous avoir accordé cette occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-32.
    Rogers est une société canadienne offrant divers services de communications et de média, dont le sans-fil, la câblodistribution, l’accès Internet haute vitesse, la radiodiffusion, la télédiffusion, et la production d'émissions. De plus, nous publions aussi des magazines parmi les plus reconnus au pays tels que Chatelaine et Châtelaine, L'actualité et le MacLean's, et nous avons étendu ces marques traditionnelles en ligne grâce aux médias numériques. À ce titre, nous appuyons une loi sur le droit d'auteur qui adopte une approche équilibrée au sujet des intérêts des titulaires de droits d'auteur et de ceux des utilisateurs, une approche qui favorise au maximum l’expansion des services numériques et la croissance des investissements par l’innovation.
    Nous estimons que le projet de loi C-32 contribue considérablement à l’établissement de cet équilibre, et nous appuyons son adoption en temps opportun. Cependant, nous croyons que ce projet de loi gagnerait à être modifié afin d'y apporter davantage de clarté et de certitude — tant pour les utilisateurs que pour les titulaires — surtout en ce qui a trait aux dispositions concernant les exceptions pour le visionnement en différé et les services d'hébergement de contenu, et le régime d'avis et avis.
    Premièrement, nous sommes heureux que le projet de loi légalise l’enregistrement d'émissions de télévision pour visionnement en différé et rende légitime l’utilisation des enregistreurs vidéo personnels, les EVP. Un EVP est un terminal que nos clients peuvent louer ou acheter et qu'ils branchent à leurs téléviseurs. Les EVP permettent à nos clients d'enregistrer des émissions avec ce téléviseur pour les regarder au moment qui leur convient. II s'agit d'un service qui s'est avéré très populaire chez nos clients qui regardent beaucoup d'émissions télévisées, mais qui souhaitent les visionner quand bon leur semble.
    Par ailleurs, nous sommes heureux que ce projet de loi élimine les obstacles à l’introduction de technologies novatrices telles que le service d'enregistreur vidéo personnel en réseau, le service d'EVP en réseau. Ce service fonctionnera de la même façon qu'un EVP sauf qu'il permettra d'effectuer la sauvegarde à distance, dans des serveurs se trouvant dans nos têtes de ligne, du contenu enregistré pour visionnement ultérieur par nos clients plutôt que de le sauvegarder dans le terminal. Étant donné qu'un service d'EVP en réseau peut sauvegarder des émissions à partir de n'importe quel téléviseur du client, cela évitera à ce dernier d'avoir à louer ou à acheter un EVP par téléviseur. Cela nous permettra aussi d'améliorer sans interruption le service d'EVP en réseau de nos clients sans qu'ils aient à louer ou à acheter de l’équipement neuf. Pour les clients, il est évident que le service d'EVP en réseau, par rapport aux terminaux EVP, est une option plus efficace sur le plan technique et un moyen plus écologique de profiter des avantages du visionnement en différé.
    Le service d'EVP en réseau est bien plus qu'un concept. II a été lancé par Cablevision, aux États-Unis, à la fin de l’année dernière après qu'une décision rendue par une Cour d’appel américaine a statué que le concept était licite en vertu de la loi américaine sur le droit d'auteur. Ainsi, les clients de Cablevision peuvent déjà utiliser leurs téléviseurs à domicile pour enregistrer des émissions aux fins de visionnement en différé sans avoir à acheter ou à louer un EVP. À la suite du lancement de son service d'EVP en réseau, Cablevision a annoncé qu'elle cesserait d'acheter des terminaux d'EVP pour les louer à ses clients.
    Rogers souhaite ardemment offrir à ses clients les mêmes avantages qu'offre le service d'EVP en réseau aux abonnés de Cablevision. Par conséquent, nous appuyons de tout coeur l’approche neutre sur le plan technologique en ce qui concerne les exceptions du projet de loi en matière de visionnement en différé et d'hébergement. Le gouvernement a bien fait comprendre cette approche lorsqu'il a présenté ce projet de loi, tout comme l’a fait le ministre de l’Industrie, Tony Clement, lors de sa comparution devant ce comité. Cependant, il y a des améliorations d'ordre technique que nous pourrions apporter au texte de ce projet de loi pour nous assurer de respecter la politique proposée par le gouvernement visant à éliminer les barrières à la mise au point de services informatiques en nuage et d'autres services de sauvegarde à distance comme le système d’EVP en réseau. Nous appuyons, à cet égard, les modifications proposées par la BCBC en ce qui concerne les exceptions pour le visionnement en différé et l’hébergement.
    Deuxièmement, nous appuyons les dispositions de ce projet de loi concernant le régime d'avis et avis. Ces dispositions imposeraient à tous les FSI l’obligation de mettre en oeuvre ce type de régime. Rogers a adopté cette pratique volontairement il y a plus d'une décennie pour combattre le cyberpiratage. Étant donné que notre clientèle régulière s'élargit et que les titulaires de droits connaissent de mieux en mieux le régime, le nombre d'avis que nous traitons a augmenté d'année en année. D'ailleurs, nous avons traité plus de 207 000 avis en 2010. Nous estimons qu'un régime d'avis et avis est le moyen idéal et le plus juste pour informer les gens qu'ils sont accusés de partage illégal de fichiers poste à poste, tout en reconnaissant que les FSI ne devraient pas indûment gêner les activités en ligne de leurs clients. Tout en reconnaissant que ce régime n'est pas parfait, nous estimons qu'il sert d'élément dissuasif pour d'éventuels récidivistes. Le fait que certains pays européens commencent à envisager le régime d'avis et avis comme réponse valable au partage illégal de fichiers, et le fait que certains FSI américains ont conclu des ententes d'avis et avis avec les titulaires de droits démontrent que les FSI canadiens ont, depuis de nombreuses années, pris les devants dans la lutte contre le piratage sur Internet.
(1110)
    La BCBC a proposé des modifications visant à s'assurer que l’obligation de livrer des avis et de conserver des données, et la possibilité de récupérer les coûts pour le faire, entre en vigueur en même temps. II s'agit de s'assurer que les FSI disposent d'un délai suffisant pour élaborer et mettre en oeuvre les systèmes qu'il faut pour se conformer à ces exigences...
    Je m'excuse, mais je dois vous interrompre. Vous aurez l'occasion de poursuivre pendant la période de questions.
    Merci.
    Passons maintenant à Suzanne Morin de Bell Canada. Vous avez cinq minutes.
    Je m'appelle Suzanne Morin. Je suis chef adjointe du service juridique, Droit et réglementation, à Bell Canada. Merci de votre invitation à témoigner ce matin.
    Bell Canada est membre de la BCBC, la Business Coalition for Balanced Copyright. Nous appuyons donc son témoignage fait devant votre comité et son mémoire déposé.
    J'ai écouté les commentaires de mes collègues ce matin, et je suis d'accord avec eux. Pour gagner du temps, je n'ajouterai rien. Ainsi, nous pourrons directement passer aux questions.

[Français]

    Nous sommes prêts pour vos questions, et nous espérons avoir avec vous un dialogue productif sur le projet de loi C-32.

[Traduction]

    Merci.
    La parole est au Parti libéral. Monsieur Garneau, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis vraiment ravi de votre présence ce matin, car je pose des questions sur la responsabilité des FSI depuis longtemps, mais il est clair que c'est à vous que je dois les poser. J'ai écouté très attentivement ce que vous aviez à dire. La question qui a... et vous avez parlé de jugements qui ont été rendus à cet égard dans le passé. Bien entendu, nous sommes ici pour rédiger des mesures législatives sur le droit d'auteur, et il nous faut peut-être examiner la question sous un autre angle.
    J'ai des questions à vous poser au sujet du régime d'avis et avis, car d'après ce que je comprends, c'est une démarche que vous appuyez tous les trois, et vous êtes vraiment prêts à ce qu'on rende sa mise en oeuvre obligatoire. Toutefois, je crois que déjà, vous... madame Morin, n'envoyez-vous pas des avis de façon volontaire sans le dire?
(1115)
    Bell Canada envoie également des avis.
    La question qui revient constamment — car beaucoup de groupes la soulèvent —, c'est de savoir si le régime d'avis et avis est efficace. Des groupes de consommateurs et d'autres groupes disent qu'il est efficace, qu'il fonctionne, et que nous n'avons pas besoin d'aller jusqu'à adopter un régime d'avis et de retrait ou une autre version hybride d'une démarche plus proactive, si l'on veut. En tant qu'ingénieur, je crois que ce qu'il manque, ce sont des données. Je pense que vous avez ces données, car vous avisez de façon volontaire les gens qui vont trop loin. La question m'intéresse vraiment, car certaines personnes disent que le régime d'avis ne dissuade pas les gens qui savent que le régime n'a pas de mordant, alors que d'autres disent au contraire que le fait de recevoir un avis à la maison de la part d'un FSI fait frémir les gens et leur fait comprendre qu'il vaut mieux qu'ils cessent leurs activités.
    Vous avez les données qu'il faut pour nous dire s'il y a beaucoup de récidivistes ou si 95 p. 100 des gens qui reçoivent un premier avis cessent leurs activités. J'aimerais que chacun de vous me dise s'il a de telles données. Si ce n'est pas le cas, je vous demande de les présenter au comité, car nous en avons vraiment besoin. Si vous en avez, ce serait bien que chacun de vous me dise si le régime fonctionne vraiment et me donne des statistiques à l'appui; vous pouvez peut-être intervenir dans le même ordre que vous avez suivi pour vos déclarations préliminaires.
    En ce qui concerne TELUS, ma réponse sera très brève. Nous n'avons pas de données à l'heure actuelle. Nous ne faisons que transmettre les avis. Nous ne conservons pas de données sur le nombre de messages qui ont été envoyés à un client quelconque au cours d'une certaine période, car du point de vue des affaires, nous n'avons aucune raison de conserver ces données. Nous pouvons seulement vous raconter le type d'anecdotes auxquelles vous avez fait référence où souvent, un ménage reçoit un avis, le parent le lit et ne comprend pas de quoi il s'agit, parle à l'enfant et lui indique clairement de ne plus agir ainsi.
    J'ai moi-même vécu cette situation.
    C'est le seul élément que j'ai.
    Donc, si Jean Untel reçoit un avis de votre part aujourd'hui ou s'il en a reçu dans le passé, vous et moi ne savons pas si en fait, vous avez envoyé 25 avis à Jean Untel au fil du temps parce qu'il ne donne clairement pas suite aux avis.
    À TELUS, nous ne le savons pas.
    D'accord.
    Madame Dinsmore.
    J'aimerais vous dire comment les choses se passent chez Rogers. En fait, nous pouvons savoir le nombre d'avis qu'a reçu un ménage. Ce que nous ne pouvons pas savoir, c'est le nombre d'avis de Sony qu'un ménage a reçu. Pour ce qui est du traitement et de l'envoi d'un avis, nous avons vraiment beaucoup de données.
    Permettez-moi de mettre les choses en perspective. Par exemple, chez Rogers, parmi les 1,5 million de clients du service Internet, environ 5 p. 100 reçoivent un avis. Comme je l'ai dit, en 2010, nous avons traité 207 000 avis.
    Si je suis l'évolution de ce groupe, des 5 p. 100 de notre clientèle qui reçoit un avis, c'est-à-dire environ 70 000 clients, le nombre de ménages qui recevront un deuxième avis est d'environ, je ne sais pas, 20 000. Donc, près d'un tiers de ceux qui ont reçu un premier avis en recevront un deuxième.
    Ensuite, un tiers d'entre eux recevront un troisième avis.
    Donc, en cours de route, le nombre d'avis diminue conformément au nombre de fois qu'on en envoie à un ménage.
    À notre avis, le régime d'avis et avis est efficace pour dissuader les gens qui sont soupçonnés d'avoir violé le droit d'auteur — seulement soupçonnés — de le refaire. Nous pensons que les avis effraient les gens et qu'ils sont efficaces en ce sens.
    C'est ce qui ressort des renseignements que nous sommes capables d'obtenir.
    Si je résume bien — je veux m'assurer d'avoir bien compris —, environ 5 p. 100 de vos clients reçoivent un avis. Environ un tiers d'entre eux en recevront un deuxième et un tiers de ceux-ci en recevront un troisième.
(1120)
    C'est exact.
    Merci.
    Madame Morin.
    Chez Bell, nous nous situons quelque part entre les deux, ou je devrais peut-être dire que nous nous situons à l'opposé de TELUS.
    Lorsque nous avons débuté le régime volontaire d'avis et avis il y a environ 10 ans, nous recevions une poignée d'avis par mois de la part de propriétaires de contenu. Nous avions un processus manuel. Nous en avons toujours un. L'an dernier, nous avons reçu plus de un million d'avis. Je peux vous dire que nous ne sommes pas capables de tous les traiter. Il nous faudrait remplir tout un étage de personnes pour pouvoir le faire. Nous n'avons pas automatisé le système, car nous attendons de voir ce que les mesures législatives nous fourniront.
    Soit dit en passant, comme Telus, lorsque nous avons commencé il y a 10 ans, il n'était pas question de partage de fichier, mais de contenu affiché quelque part sur un babillard électronique ou sur une page Web personnelle, et nous avons remarqué que les gens retiraient le contenu de façon volontaire. Pour nous, dès le début, c'était un signe que, de façon générale, les clients ou leurs parents ou leur conjoint donnaient suite aux avis qui étaient envoyés chez eux. Donc, même si je ne suis pas en mesure de fournir des renseignements aussi précis que ceux de Rogers, de façon générale, nous avons remarqué la même tendance.
    L'une des choses que nous avons remarquées, c'est l'augmentation du nombre d'avis. Nous pensons que différentes raisons expliquent cette augmentation. L'une d'elles, c'est que la bande passante est plus rapide et plus accessible. Nous recevons maintenant des avis du Japon, de l'Europe. Un plus grand nombre de gens envoient des avis. Les éditeurs de livres en envoient. Le Canada est devenu en quelque sorte l'endroit où l'on envoie des avis sur le droit d'auteur.
    Encore une fois, nous pensons que c'est un régime efficace. À notre avis, il sensibilise les gens. Toutefois, au bout du compte, il manque encore quelque chose. Nous attendons que le projet de loi soit adopté pour que les utilisateurs sachent précisément que le téléchargement illégal n'est pas toléré au Canada.
    Merci beaucoup.
    Madame Lavallée, sept minutes.

[Français]

    Je voudrais vous parler, non pas de ceux qui font du téléchargement de poste à poste, mais de ceux qui possèdent ou qui gèrent ces sites Internet où la pratique du téléchargement de poste à poste est courante.
    Dans un premier temps, trouvez-vous que le projet de loi C-32 inclut les mesures et les dispositions nécessaires pour établir que ce genre de site Internet qui permet le téléchargement de poste à poste est illégal?
    Je peux commencer.
    Effectivement, chez Bell — j'imagine que c'est aussi le cas de mes collègues —, nous appuyons les articles dans le projet de loi C-32 qui vont rendre les choses plus faciles. En anglais, on les appelle « enablers ». Nous appuyons ces articles.
    Cependant, nous entendons que certains croient que ce devrait être un peu plus serré, un peu plus facile de pouvoir prouver ça. Nous n'avons peut-être pas un langage explicite, mais nous appuyons ces changements.
    Je vais vous lire le paragraphe 18(2.3) du projet de loi C-32. Il est écrit ceci:
(2.3) Constitue une violation du droit d’auteur le fait pour une personne de fournir sur Internet ou tout autre réseau numérique un service dont elle sait ou devrait savoir qu’il est principalement destiné à faciliter l’accomplissement d’actes qui constituent une violation du droit d’auteur […]
     Trouvez-vous que les mots « devrait savoir qu'il est principalement destiné » sont suffisants?
    Nous avons entendu dire que certains croient que c'est peut-être trop étroit.
    Que croyez-vous?
    On n'est pas nécessairement ici pour juger les mots exacts, mais...
    Oui, vous êtes ici pour ça.
    Nous appuyons les changements qui ont pour but de clarifier les choses. Je n'ai pas les mots exacts à substituer, mais si un mot change, on appuie cela. On est prêt à discuter avec d'autres sur le plan technique, mais je ne pourrais suggérer les mots à changer.
    C'est ici que ça se fait, madame.
    Madame Dinsmore, qu'en dites-vous?

[Traduction]

    Oui, nous appuyons l'ajout de la disposition relative aux agents habilitants. À notre avis, elle aidera grandement les détenteurs de droits à s'attaquer aux délinquants, comme nous l'avons déjà dit.
    Encore une fois, nous appuyons également les changements qui vous ont été proposés par la BCBC, qui viennent préciser l'article dans ce qu'il permettrait ou ne permettrait pas...

[Français]

    Je m'excuse de vous interrompre, mais mon temps est limité. Avez-vous une proposition à faire concernant le changement?

[Traduction]

    Dans son mémoire, la BCBC vous fait une proposition, et nous l'appuyons.

[Français]

    Mais vous, vous n'en avez pas.
    C'est la même chose.
    Pour M. McTaggart, c'est la même chose aussi.
    Pour continuer sur le même sujet, plusieurs disent que le jour où on va adopter un projet de loi — je pense que ce ne sera pas le projet de loi C-32 — qui va combattre le piratage et les sites Internet de piratage, les pirates, c'est-à-dire les propriétaires de ces sites, vont installer leurs sites dans des pays étrangers.
    Croyez-vous qu'il soit possible que les tribunaux canadiens accordent des injonctions? Est-ce possible qu'une loi sur le droit d'auteur puisse permettre des injonctions qui exigeraient que les fournisseurs de réseaux bloquent certains sites pirates étrangers? Est-ce possible, réaliste?
(1125)

[Traduction]

    Le blocage de sites Web est une question très difficile. Je souligne qu’au Royaume-Uni, où l’on est en train d'élaborer la stratégie de lutte contre le piratage dans le cadre de la Loi sur l’économie numérique, la première étape consiste à adopter un régime d’avis et avis, et on s’enlise encore dans la façon de le créer. Toutefois, je crois que dans les étapes ultérieures, on envisage de bloquer le contenu, et à cet égard, je crois savoir que le gouvernement a renvoyé la question à l’organisme de réglementation, Ofcom, pour examiner s’il est même possible de le faire de façon efficace.
    Il est très difficile de bloquer du contenu sur Internet, car il semble toujours y avoir des façons de contourner les mesures. Les internautes astucieux auront toujours des moyens de trouver ce qu’ils veulent. De plus, l’idée même de bloquer du contenu va tellement à l’encontre de bien d’autres de nos valeurs en matière de politiques d’Internet que c’est une voie qui n’a simplement pas vraiment été examinée.

[Français]

    Quelle est la difficulté de bloquer des sites étrangers? Quel serait le problème?

[Traduction]

    Dans un certain nombre de secteurs liés au contenu sur Internet, les organismes d’application de la loi poursuivent déjà activement les gens qui rendent le contenu accessible. Je crois comprendre que dans ces secteurs, le contenu est déplacé rapidement. Pour les gens astucieux qui ont l’intention de contourner un système de blocage, il existe des moyens de le faire.
    Je le répète, il est très difficile pour un FSI de le faire. Il existe une technique qu’on appelle la pollution de DNS qui consiste simplement à retirer l’adresse des tables du système de nom de domaine. Le problème, c’est que c’est aussi facile que de changer le nom de domaine pour le faire réapparaître. Encore une fois, les gens qui font ce type de choses savent très bien comment s’y prendre.
    Une autre façon de procéder consiste à bloquer des adresses IP, mais souvent, cette mesure entraîne des conséquences imprévues, car les sites Web ne constituent pas le seul résident d’une adresse IP. Bien souvent, le fait de bloquer une adresse causera des dommages indirects à d’autres contenus sur Internet. On se retrouve alors dans une situation où il y a un trop grand blocage de contenu, ce qu’on ne considère pas souhaitable en général, encore une fois.

[Français]

    Il y a donc des difficultés techniques, mais il y aurait peut-être aussi des difficultés légales. Ai-je bien compris?

[Traduction]

    Je m’attends à ce qu’il y en ait, mais je ne suis pas prêt à en parler. Il s’agirait de questions liées à la liberté d’expression, et ce sont des questions de société plus vastes.

[Français]

    Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, mesdames? Non.
    Je reviens sur le système d'avis et avis.
    Sauf erreur, madame Morin, vous avez dit plus tôt que, l'année passée, vous avez reçu un million d'avis et que vous n'avez pas été capable de les traiter tous. Selon le projet de loi C-32, tel qu'il est écrit actuellement, vous aurez davantage d'avis.
    Avez-vous prévu une solution pour embaucher les gens qu'il faut pour traiter le million d'avis, dont l'augmentation sera sans doute exponentielle dans les prochaines années?
    En effet, s'il la loi comporte des obligations, c'est certain qu'on va les respecter et faire les changements techniques nécessaires. Cela dit, il n'y aura pas nécessairement plus d'avis.
    On constate qu'aujourd'hui il n'y a aucune discipline dans le marché en ce qui a trait aux envois des avis. Il n'y a aucun règlement pour le format, le contenu de l'avis, la façon de nous le livrer ni pour l'adresse de livraison — parce que ça vient d'un peu partout.
     Alors, on s'attend vraiment à ce que la loi nous aide à insuffler une discipline dans le marché. On pourra, premièrement, recevoir quelque chose de façon constante, c'est-à-dire faire le bon lock-up avec notre usager. On pourra aussi confirmer auprès des plaignants que nous avons envoyé leur avis, ce qui est une autre obligation.
    Alors, oui, les avis augmentent. Toutefois, la loi va insuffler une discipline. Les fournisseurs et les ayants droit vont travailler ensemble avec le gouvernement pour établir quelles seront les règles pour recevoir les avis. Le traitement d'un avis envoyé à notre entreprise ou ailleurs n'est pas toujours le même.
    Malheureusement, c'est le troisième projet de loi. On attend vraiment d'avoir un projet de loi pour qu'on puisse établir ces règles pour le marché.
(1130)
    Et il paraît qu'on va déclencher des élections cette semaine.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Angus, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président et, en passant, bon retour.
    Le régime d’avis et avis et le régime d’avis et retrait; la voie que nous allons suivre en ce qui a trait au droit d’auteur est une question très sérieuse. Notre comité tente de trouver un équilibre pour éviter les conséquences imprévues. Nous nous penchons sur le cas des États-Unis, qui ont établi un régime d’avis et retrait. À première vue, ce régime semble une solution très directe et sensée. On a un problème, on retire tout. Toutefois, nous avons vu beaucoup de problèmes liés à l’utilisation de ce régime aux États-Unis. À bien des égards, il va trop loin pour ce qui est du droit d’auteur et de toutes sortes de mesures anticoncurrentielles qui peuvent être utilisées.
    Nous comptons sur les FSI pour nous rassurer quant à l’idée que le régime d’avis et avis est une solution sensée. Des gens veulent pouvoir vous poursuivre en justice; vous le savez. La responsabilité des FSI — nous connaissons des groupes qui entameront probablement encore des poursuites en raison de la décision qui a été rendue dans l’affaire SOCAN.
    Je remarque une certaine divergence. Madame Dinsmore, vous dites que vous avez pris les devants, et je regarde ce que Rogers fait. Vous nous donnez des renseignements et nous pouvons dire qu’ils sont quantifiables; nous pouvons les utiliser.
    Madame Morin, vous avez dit que votre équipe et vous attendez et que vous avez un processus manuel.
    Monsieur McTaggart, vous n’êtes pas en mesure de nous dire si vous avez envoyé un avis ou une centaine.
    Je crois que c’est très problématique. Il faut que les FSI nous donnent un certain degré de certitude. Madame Dinsmore, toutes mes félicitations à Rogers. Je ne peux pas comprendre toutefois que chez Bell, à une époque où vous dites recevoir un million d’avis, vous procédiez encore manuellement, comme à l'époque où les filles portaient des patins à roulettes. Nous avons besoin d’un certain degré de certitude pour adopter une mesure législative, car ces questions seront amenées devant les tribunaux et il y aura des critères. Si nous ne pouvons pas dire avec certitude que le régime d’avis et avis est efficace, les détenteurs de droits vont certainement envisager de revenir à la charge.
    Quelles garanties allez-vous nous donner? Allez-vous attendre que le projet de loi soit adopté avant d’agir, ou allons-nous continuer dans cette voie?
    Depuis plus de 10 ans, nous recevons et traitons gratuitement, et de façon volontaire, tous les avis que nous pouvons en fonction de nos systèmes. Certains ont été automatisés, d’autres non. À l’origine, ils étaient tous traités. Cependant, des discussions avaient lieu également avec le FSI et le propriétaire de contenu.
    Nous avions l’habitude de demander la permission du propriétaire du contenu pour faire savoir à nos utilisateurs que la demande venait de lui. Avant de divulguer son nom et les renseignements à son sujet, nous voulions nous assurer que le propriétaire convenait que nous communiquions les renseignements.
    Nous avons commencé par une dizaine d'avis par mois et le nombre a explosé. Entre-temps, il y a eu trois projets de loi. Nous en sommes au troisième projet de loi sur le droit d’auteur et nous n’étions pas certains de savoir exactement en quoi consisteraient les règles.
    Le projet de loi C-32 contient de nouvelles obligations que nous continuons à appuyer, mais auxquelles nous ne nous conformons pas aujourd’hui, et on ne nous a jamais demandé de le faire: par exemple, confirmer au propriétaire de contenu que nous avons transmis l’avis; conserver les données sur le client — ce n’est pas quelque chose que nous faisons aujourd’hui et qui a fait l’objet de négociations avec le propriétaire.
    En raison de la façon dont les choses ont évolué, de l’attente d’un projet de loi, de l’attente que l’industrie… nous n’avons pas été en mesure d’expliquer à l’industrie du contenu la façon dont les avis doivent nous être envoyés.
    Pourtant, vous formez un géant des télécommunications. Ce que je veux dire, c'est que j'ai eu affaire à des gens qui envoient des faux avis de violation de droit d'auteur parce qu'ils veulent qu'on retire le site d'une personne. Vous n'avez pas de norme selon laquelle si un détenteur de droit d'auteur vous envoie un avis et qu'il s'attend à ce que vous le transmettiez à vos clients, l'avis devra être conforme à cette norme et qu'ensuite, il pourra être certain que s'il envoie un autre avis, vous allez faire un suivi. Vous n'avez pas mis un tel protocole en place chez Bell?
    Vous soulevez un très bon point, monsieur Angus. Malheureusement, cela s'est révélé être un peu comme jouer au chat et à la souris. Nous aimerions beaucoup en arriver à un point où nous pouvons toutes les traiter, les recevoir de façon régulière, établir des calendriers pour les frais gouvernementaux afin d'avoir une grille tarifaire convenable et, si nous ne les recevons pas — dans le bon format —, nous pouvons les renvoyer et dire que ce n'est pas valide.
    Il aurait été bien d'avoir cette discussion il y a huit ans et d'avoir tout mis en place. Tout le monde le ferait, maintenant.
    Je comprends votre point de vue. Cependant, nous espérons qu'un projet de loi soit adopté un jour, bientôt, pour que nous puissions dépenser l'argent. On n'engage pas des dépenses pour créer des systèmes sans d'abord connaître les règles qui s'appliqueront.
(1135)
    Monsieur McTaggart, vous avez parlé de la décision SOCAN, une des plus importantes visant à s'assurer que les FSI ne sont pas tenus responsables parce qu'ils ne peuvent pas voir le contenu.
    En raison du recours à l'inspection approfondie des paquets, qui a permis aux diverses sociétés de télécommunications de savoir ce qui passe dans le réseau, êtes-vous préoccupé par la perspective d'être tenu responsable et d'être exposé à une poursuite semblable à celle engagée par la SOCAN la dernière fois?
    Eh bien, d'abord, sur la question du régime d'avis, je tiens à dire que TELUS transfère près de 100 p. 100 des avis reçus. C'est seulement dans les cas où nous ne pouvons pas trouver une adresse...
    Vous avez insinué que nous ne faisons pas notre devoir, mais nous le faisons. Les contraintes...
    Non; j'ai dit que vous n'aviez pas de données indiquant si vous l'avez envoyé une fois, deux fois ou cent fois. Je voyais là un problème.
    Bien. Peut-être comprendrez-vous que les conditions de confidentialité envers nos clients sont telles que si la conservation n'est pas justifiée par un intérêt commercial, nous ne le faisons pas.
    Je suis désolé, pourriez-vous me rappeler votre deuxième question?
    Eh bien, compte tenu de la décision SOCAN, vous étiez...
    Ah, oui. La réponse courte, c'est que nous n'utilisons pas l'IAP.
    Vous ne l'utilisez pas.
    Madame Dinsmore, le recours à l'inspection approfondie des paquets vous préoccupe-t-il? On pourrait dire qu'en réalité, vous savez ce qui passe dans le réseau, ce qui ouvrirait la porte à la responsabilité concernant l'information provenant de tiers.
     Nous savons quel protocole est utilisé, mais nous ne connaissons pas le contenu qui passe dans notre réseau. Nous ne pouvons pas savoir si les bits et les octets sont de la musique; nous ne pouvons pas savoir si c'est du vidéo. Nous savons s'il s'agit de poste à poste, auquel cas nous pouvons intervenir sur le téléchargement en amont, ce que nous faisons.
    Nous sommes comme le postier qui distribue le courrier; nous n'ouvrons pas l'enveloppe pour voir ce qu'elle contient.
    D'accord.
    Je veux poser une question sur le nouveau procédé américain utilisé par le U.S. Copyright Group. Avez-vous suivi ces poursuites judiciaires des particuliers? Au mois de mars, cet organisme a intenté 20 000 poursuites, je crois, et il y en aura 30 000 de plus. On a envoyé des avis de poursuites aux adresses IP auxquelles on avait transmis des avis concernant le téléchargement d'un film. L'organisme demande aux FSI des États-Unis de participer à ces poursuites massives.
    Vos services juridiques se sont-ils penchés sur les possibles répercussions au Canada et sur votre marche à suivre? À votre avis, quelle serait votre réaction par rapport à l'envoi massif d'avis de poursuites judiciaires aux adresses IP? Examinez-vous cela d'un point de vue juridique, du point de vue de la confidentialité, du point de vue des clients et du point de vue des titulaires des droits d'auteur?
    Nous n'avons reçu aucune demande en ce sens des propriétaires de contenu.
    Je dis que c'est ce qui se fait aux États-Unis. Ne regardez-vous pas de l'autre côté de la frontière en vous demandant si cela pourrait se faire ici et si nous devrions y participer?
    Eh bien, généralement, en cas de recours devant les tribunaux, un demandeur s'adresserait à une tierce partie. Nous sommes une tierce partie non intéressée; donc, habituellement, un demandeur nous aviserait d'avance. Nous n'avons pas reçu de demande ou de requête par rapport à des poursuites de ce genre.
    Avez-vous observé ce qui se passe aux États-Unis...
    Nous suivons de près ce qui se passe aux États-Unis.
    ... dans le cas des poursuites des particuliers? Pensez-vous que le régime canadien permettra ce genre d'envoi massif de menaces de poursuites aux adresses IP?
    Je ne sais pas.
    Très bien. Le temps est écoulé.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Angus.
    Nous passons à M. Del Mastro, pour sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Et merci aux témoins d'aujourd'hui.
    Je vous remercie d'avoir tous les trois indiqué que vous appuyez l'adoption rapide du projet de loi C-32. Je pense que c'est important.
    Je crois que vous fournissez tous un service essentiel aux entreprises et aux ménages partout au pays. En l'occurrence, votre témoignage au comité est très important. J'ai quelques questions, et j'y arrive.
    Madame Dinsmore, dans votre exposé, vous avez parlé des PVR en réseau, en particulier. Cela m’intéresse parce que le libellé du projet de loi est intentionnellement neutre sur le plan technologique. Je suis favorable aux PVR. Je pense que c’est une idée formidable qui permet de réduire le gaspillage et aussi d’offrir plus de choix au consommateur. Cela permet aussi aux réseaux de télévision d’augmenter leurs revenus. Si j’ai bien compris, on peut changer la publicité, notamment; cela représente des revenus de publicité.
     Pourquoi vous êtes-vous attardée sur cette technologie en particulier? Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi qui empêcherait son utilisation?
     Merci de cette question. Nous sommes très heureux que le ministre ait fait part de l’intention du gouvernement d’ajouter les services de PVR en réseau et l’informatique en nuage. Nous sommes d’avis que c’est une invention formidable et nous y sommes tout à fait favorables. Nous pensons aussi qu’il est clairement établi que lorsqu’un consommateur fait une copie avec un PVR ou même un NPVR et la sauvegarde, c’est prévu dans le projet de loi. Je crois que ce qui nous préoccupe, c’est que l’intention du gouvernement soit claire et comprise de tous.
     Encore une fois, nous sommes membres du BCBC. Cet organisme a présenté des modifications au libellé proposé qui vont dans le sens des recommandations relatives au texte de la disposition sur l’hébergement de contenu. Voici ce que cela permettrait de faire: on établirait clairement que lorsqu’un abonné au service de PVR en réseau ou à un service d’informatique en nuage récupère le contenu sauvegardé, cela n’engendre pas d’autre responsabilité à l’égard du droit d’auteur, comme la communication au public par le biais des télécommunications. Nous croyons donc que, si vous adoptez les modifications proposées par BCBC, l’intention du projet de loi serait clairement établie.
(1140)
    En supposant que cela s'applique seulement aux PVR ou à l’informatique en nuage... seriez-vous favorable, alors, à l’idée du gouvernement de permettre la mise en place de mesures de protection techniques pouvant être utilisées à la discrétion du titulaire des droits d’auteur?
     Pour ce qui est des mesures de protection techniques, nous sommes tout à fait d’accord qu’il faut interdire le contournement des mesures de protection contre la copie. Relativement aux autres genres de serrures, les autres mesures de protection contre la copie, nous sommes préoccupés par le fait que lorsqu’une personne acquiert des oeuvres protégées, elle pourra utiliser ces oeuvres pour changer de support, regarder les émissions en différé et en faire des copies de sauvegarde. Donc, par rapport à cela, nous sommes d’avis que le projet de loi devrait le permettre.
    D’accord, très bien; merci.
    Nous avons entendu les témoignages de représentants des industries du disque, du cinéma et du logiciel de divertissement, qui sont toutes bien implantées au Canada. Ce sont des industries très importantes dont les revenus se comptent en milliards de dollars. Des dizaines de milliers d'emplois ont été supprimés. La chambre de commerce nous en a aussi parlé, tout comme le Conseil canadien des chefs d'entreprise. De toute évidence, il est important que nous agissions et que nous allions de l'avant avec le projet de loi.
    Toutefois, nous nous sommes enlisés dans deux ou trois débats qui ont ralenti notre progression. Plus précisément, l'une de ces questions serait l'imposition proposée des copies numériques, ou la taxe sur l'iPod, comme on l'a surnommée. Vos entreprises ont-elles pris position sur cette question? Pour préciser, je m'y intéresse parce que la plupart des appareils que vous vendez et beaucoup d'autres appareils que vous voudriez mettre en marché — les téléphones intelligents, par exemple — seraient sûrement touchés par cette mesure. Quelle est votre opinion à ce sujet?
    Chez TELUS, nous avons certainement une opinion à ce sujet. Je vais parler des trois principaux problèmes liés au prélèvement de redevances sur les copies privées aux appareils, que j'appellerai la tarification en double; le problème du téléphone intelligent; et le fait que cela donne l'impression qu'on abandonne la lutte contre le piratage.
    Premièrement, pour ce qui est de la tarification en double, comme cela a été dit au comité précédemment, lorsqu'un consommateur télécharge un morceau d'un service musical en ligne comme la boutique de musique TELUS ou iTunes, le tarif approuvé par la Commission du droit d'auteur qui fixe les conditions d'utilisation du morceau permet au consommateur de faire des copies sur un autre support. Donc, le consommateur a déjà payé; les titulaires du droit d'auteur ont déjà reçu une redevance pour cette utilisation. Si vous créez une redevance supplémentaire par rapport à ce même usage, cela me semble inéquitable.
    Ma deuxième préoccupation — et vous y avez fait allusion — concerne les téléphones intelligents. Il est très difficile de définir ce qu'est un système d'enregistrement audionumérique ou un support audionumérique. Chez TELUS, ce qui nous préoccupe, c'est que parmi les appareils que nous vendons, beaucoup sont des appareils multifonctions et pourraient être inclus dans la définition. Si on ajoute une tarification par gigaoctet sur ces appareils, le prix de détail de ceux que nous vendons, dont la fonction première n'est pas d'y mettre de la musique ou du contenu multimédia — même si on les utilise pour toutes sortes de choses — augmentera soudainement, ce qui entraînera divers effets négatifs.
    Troisièmement, cette approche me préoccupe parce qu'elle donne l'impression que nous jetons l'éponge. Le sous-entendu de mon exposé d'aujourd'hui est que ce que TELUS aime du projet de loi, c'est qu'il cible les coupables. L'objectif est d'arrêter le contenu illégal à la source et ceux qui le facilitent, tout en permettant aux marchés légitimes de contenu de fonctionner. Nous oeuvrons dans le domaine du contenu protégé. Nous voulons que ce soit un commerce florissant.
    TELUS considère que cette approche à deux volets est un point particulièrement fort du projet de loi. Nous ne recommandons pas d'adopter une démarche qui abandonne la lutte et qui favorise l'adoption de frais arbitraires qui font augmenter le prix des produits de consommation.
(1145)
    Êtes-vous d'accord, madame Dinsmore?
    Rogers est entièrement d'accord avec la position de TELUS.
    Madame Morin?
    C'est la même chose pour nous.
    Bien. C'est formidable.
    L'autre chose sur laquelle j'aimerais avoir des précisions est celle-ci: dans certains milieux, on a laissé entendre que l'intention du projet de loi pourrait ne pas correspondre à ses effets, et je crois que vous avez proposé deux ou trois modifications d'ordre technique. Les avez-vous fournies au comité?
    Nos modifications ont toutes été transmises par l'intermédiaire du mémoire de la BCBC.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Del Mastro, il va falloir en rester là.
    M. Dean Del Mastro: Le temps est écoulé? Merci.
    Le président: Nous passons maintenant à la deuxième série de questions, avec M. Rodriguez, du Parti libéral, pour cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour et bienvenue.
    Monsieur McTaggart, d'une part, vous dites que le système avis et avis est suffisant. D'autre part, vous ne disposez pas de données. Sur quoi vous appuyez-vous pour dire que c'est suffisant?

[Traduction]

    Eh bien, quand je dis que le système avis et avis est suffisant, pour ainsi dire, c'est seulement dans le contexte lié aux autres mesures du projet de loi. Si, pour endiguer le piratage en ligne, vous envisagez le simple recours aux avis envoyés aux consommateurs, cela pourrait poser problème. Mais le projet de loi crée des outils qui permettent aux titulaires de droits de se protéger directement contre ceux qui rendent leurs oeuvres disponibles sur Internet et essaie de fermer les sites facilitateurs, qui sont ceux qui rendent le piratage possible.
    Mais concernant la question de savoir si le système avis et avis est suffisant, dans un sens, ce que cela sous-entend, c'est que les autres solutions ne conviennent pas. Mais je vous renvoie la question.

[Français]

    Vous dites que les autres options ne sont pas envisageables. Avez-vous des données à ce sujet, oui ou non?

[Traduction]

    Eh bien, encore une fois, on n'a pas défini ce dont nous parlons, mais les autres mesures proposées incluent les mesures d'avis et retraits du contenu hébergé ou d'avis et de fermeture ou des mesures graduelles contre les personnes que l'on soupçonne d'avoir partagé des fichiers et, comme vous pouvez l'imaginer, c'est un problème auquel nous avons longuement réfléchi.
    Donc, quand je dis que les régimes d'intervention graduelle sont inintéressants, ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'ils sont fondés sur le principe d'un recours extrajudiciaire. Essentiellement, ils accordent aux titulaires de droits le pouvoir de prendre des mesures à l'encontre de simples consommateurs sans qu'un tribunal se soit préalablement prononcé quant à savoir s'il y avait eu violation des droits ou non. C'est notre principale préoccupation.
    Le dénominateur commun des régimes graduels — il y en a toute une panoplie — est qu'un titulaire de droits d'auteur envoie un avis à un intermédiaire qui, ensuite, inflige une quelconque sanction à son consommateur sans jamais passer par l'étape de l'établissement de la faute par un tribunal ou par un organisme officiel.

[Français]

    D'accord.
    Madame Dinsmore, vous dites que 5 p. 100 environ de vos clients reçoivent a notice. Cela veut-il dire que 95 p. 100 de vos clients respectent toutes les règles?

[Traduction]

    Ils ne reçoivent tout simplement pas les avis qui leur sont envoyés.

[Français]

    Pensez-vous que 5 p. 100 reflète le nombre réel de gens qui font du téléchargement illégal, ou bien y en a-t-il beaucoup qui s'en tirent sans rien recevoir?

[Traduction]

    Je n'ai aucun moyen de le savoir.

[Français]

    C'est là le problème. Vous nous dites que notice and notice, c'est suffisant, mais, d'une part, vous ne disposez pas de données et, d'autre part, vous ne pouvez pas me dire si le pourcentage de 5 p. 100 est représentatif ou non. Chez Bell, vous vous servez d'enveloppes pour correspondre avec vos clients.
    Par contre, vous affirmez fermement que notice and notice, c'est suffisant. Je ne suis pas ingénieur, mais j'aime bien avoir des données sur lesquelles m'appuyer, et nous n'en avons pas.
    Pourriez-vous considérer d'autres systèmes qui auraient un peu plus de mordant ou qui rendraient compte de l'ensemble du projet de loi? Sinon, est-ce la seule option que vous considérez?

[Traduction]

    Peut-être pourrais-je clarifier un point quand vous parlez d'« enveloppe », monsieur Rodriguez. Quand nous disons que nous procédons manuellement, nous voulons dire que quelqu'un examine l'avis électroniquement, fait le lien avec le client, puis appuie sur la touche « envoyer ». Nous n'envoyons pas de lettre comme telle aux gens, même si les propriétaires de contenu le préféreraient peut-être.
    Je pourrais peut-être vous renvoyer la question, à vous et aux autres propriétaires de contenu. En ce qui concerne l'échange de fichiers entre pairs dans le monde, il nous est impossible de retirer le contenu, car nous ignorons ce qui se trouve sur l'ordinateur des particuliers. Personne ne connaît le contenu de l'ordinateur des utilisateurs; on ne peut donc pas intervenir. Sur la scène mondiale, les autorités tentent de déterminer ce qu'elles peuvent faire au chapitre du partage de fichiers.
    Actuellement, la seule démarche qui porte fruit consiste à avertir les gens que l'on sait qu'une tierce partie contrevient aux droits d'auteur et à transmettre un avis.
(1150)

[Français]

    Avec tout le respect que je vous dois, n'est-il pas un peu facile et cela ne fait-il pas un peu votre affaire de dire que vous ne savez pas ce qu'il y a dans un ordinateur? Cela restreint votre responsabilité. On entend souvent les entreprises de télécommunications dire qu'elles ne servent que de canal. Pourtant, vos annonces ne portent pas sur la beauté du canal ou sur sa grosseur mais sur la vitesse du downloading, sur le nombre de vidéos disponibles, etc. Vous utilisez le contenu, ce que les créateurs fournissent. Par ailleurs, vous dites n'avoir aucune responsabilité. C'est ce qui me semble difficile à accepter. Cela dit, je connais très bien vos contraintes technologiques.
    Toutefois, je crois que vous avez une certaine responsabilité que vous ne voulez pas collectivement assumer.
    Je ne crois pas qu'on...

[Traduction]

    Merci. Nous devons poursuivre.

[Français]

    Monsieur Cardin, vous avez cinq minutes à votre disposition.
    Merci, monsieur le président.
     Mesdames, monsieur, bonjour.
    En quelque sorte, vous appuyez tous l'initiative du gouvernement et le félicitez de son approche équilibrée, autant en ce qui concerne les droits d'auteur que les utilisateurs, une approche qui favorise l'expansion de services numériques et la croissance des investissements en innovation.
    En ce qui a trait à l'innovation, je me demande comment on peut faire en sorte d'innover afin de contrôler tout cela. Vous avez dit tout à l'heure que des tonnes d'avis vous sont parvenus et que ça augmente continuellement. Comme plusieurs l'ont dit, il n'y a pas nécessairement d'analyse de ces avis. Nous ne savons pas non plus combien d'entre eux permettent la protection des droits d'auteur.
    Je crois que c'est M. McTaggart qui a dit que vous ne considérez pas les redevances d'un bon oeil, mais ces dernières ne constituent pas une autorisation de copier de façon illégale les produits.
    Vous dites que cela enlèverait la capacité de lutter contre les contrevenants, mais cela pourrait se faire en parallèle. Vous dites aussi qu'il y aura toujours quelqu'un pour détourner la technologie afin de rendre possible le téléchargement ou la copie, etc.
    Je crois que vous êtes des joueurs très importants. Vous semblez observer cela de loin. Vous semblez donner priorité à vos intérêts, bien sûr. Pour ce qui est du reste, vous attendez de voir comment cela va fonctionner une fois la loi adoptée.
    Si on devait se prononcer aujourd'hui sur le projet de loi, est-ce que vous l'appuieriez tel quel, sans que des changements y soient apportés à la suite de vos recommandations?

[Traduction]

    TELUS a effectivement quelques recommandations à formuler, mais elles sont relativement mineures. Elles visent à améliorer le système d'avis et avis afin de rendre le processus plus efficace et plus équitable pour toutes les parties concernées. Comme je l'ai également indiqué, nous savons que certains titulaires de droit craignent que les dispositions destinées à protéger les intermédiaires innocents n'aient une portée trop large et ne permettent ainsi aux intermédiaires moins innocents de les contourner. Comme ce n'est pas ce que l'on souhaite, nous sommes certainement disposés à amender les dispositions pour les renforcer.
    Par ailleurs, en ce qui concerne ce que je considère comme le principe un-deux sous-jacent au projet de loi, vous donnez au moins aux titulaires de droit les moyens de défendre leurs droits directement contre ceux qui en abusent et favorisez l'établissement de marchés solides pour le contenu visé par une licence. Ces deux mesures prévues au projet de loi amélioreront la situation de toutes les parties concernées.
(1155)
    J'ajouterais que le processus d'avis et avis n'est pas une solution miracle; ce n'est que la première étape d'un processus permettant aux titulaires de droit de poursuivre ceux qui violeraient ces droits. Notre rôle à cet égard consiste à envoyer l'avis à un contrevenant allégué au nom du titulaire de droit. Ce dernier peut ensuite s'en servir quand il décide de poursuivre le contrevenant allégué.
    Nous sommes un élément essentiel du processus, mais nous ne pouvons le faire fonctionner seuls. Les FSI et les titulaires de droit ont également un rôle à jouer. Nous croyons que le projet de loi définit très clairement le rôle de chacun dans le régime global de droit d'auteur.

[Français]

    Madame Dinsmore, j'aimerais vous citer. Vous dites, dans votre présentation: « Nous estimons qu'un système d'avis et avis est le moyen idéal et le plus juste d'informer les gens qu'ils sont accusés de partage illégal de fichiers entre homologues [...] ».
    Vous ajoutez: « [...] tout en reconnaissant que les FSI ne devraient pas indûment gêner les activités en ligne de nos clients. »
    Que voulez-vous dire par là?

[Traduction]

    Notre rôle se borne à envoyer l'avis au contrevenant allégué. Ce n'est pas nous qui déterminons s'il faudrait mettre fin au service que nous offrons à ce dernier. Cette décision revient aux tribunaux. Ces derniers doivent déterminer, en s'appuyant sur l'information présentée par le titulaire de droit, si le contrevenant allégué est effectivement coupable. Si c'est le cas, nous respecterons toujours la décision ou l'ordonnance de la cour; il ne nous revient toutefois pas de prendre cette décision.
    Merci.
    Monsieur Braid, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également nos témoins de comparaître ce matin.
    Je vais moi aussi mettre l'accent sur le processus d'avis et avis, et j'aimerais pouvoir poser une question à chacun de vous.
    Je commencerai par vous, madame Morin. En répondant à une question précédente, vous avez indiqué que le protocole d'avis et avis est en place depuis une dizaine d'années. Savez-vous comment ce protocole a été élaboré, quelle est son origine et qui sont ses auteurs? Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
    Une partie de l'industrie du contenu et les FSI canadiens du domaine de la câblodistribution ont volontairement débattu de la question...
    Les titulaires de droit sont donc les instigateurs de l'initiative?
    ... avec les titulaires de droit. Ils n'en sont pas arrivés à un accord officiel, mais plutôt à une entente tacite selon laquelle les FSI canadiens transmettraient les avis qu'ils reçoivent. Nous n'avons toutefois pas signé de protocole d'entente ou d'accord. Nous ne nous sommes même pas entendus sur la teneur de l'avis. Nous avons toutefois accepté de nous efforcer de transmettre les avis que nous recevrions.
    Vous étiez disposés à discuter de la question, et c'est en collaboration avec les titulaires de droit que vous avez instauré ce système. Est-ce équitable?
    Les choses se sont passées exactement comme je l'ai indiqué, sans plus. Nous n'avons pas discuté de la forme ou d'autres aspects de la question.
    Bien. Merci.
    Madame Dinsmore, j'aimerais commencer par vous demander ce qui suit. Vous avez mentionné des statistiques frappantes qui montrent que les démarches d'avis et avis de Rogers ne touchent que très peu de clients. Pourriez-vous nous remettre ces statistiques? Seriez-vous prête à le faire?
    Mais bien sûr.
    Excellent. Merci.
    Ensuite, nous avons entendu dire que le régime d'avis et avis n'a pas d'effet graduel. Mais dans votre exposé, vous avez affirmé catégoriquement qu'il dissuadait les contrevenants de récidiver. Pourriez-vous nous expliquer votre position?
    Cette information nous vient de notre système de suivi, qui indique que les chiffres diminuent de manière exponentielle avec chaque avis envoyé à un foyer, comme je l'ai indiqué précédemment. Ainsi, ce n'est que le tiers des utilisateurs qui ont reçu un premier avis qui en reçoivent un deuxième. Pour être précis, le nombre passe de 70 000 à 21 000, puis à 8 000 au troisième avis et à 4 000 au quatrième avis, pour continuer de diminuer par la suite. On en arrive enfin aux foyers qui ont reçu 33 avis, au nombre de deux. Le régime a un effet graduel se traduisant par une réduction du nombre de contrevenants.
(1200)
    Merci beaucoup.
    Lors de votre exposé, vous avez également laissé entendre que d'autres autorités s'intéressent à ce protocole. Vous ai-je bien compris? Est-ce un protocole évolutif qui intéresse d'autres autorités?
    Oui. En France, le système Hadopi auquel de nombreux intervenants se réfèrent permet aux FSI qui reçoivent un avis des titulaires de droit de transmettre cet avis à l'agence Hadopi, qui agit alors comme intermédiaire et l'envoie au client du FSI. C'est donc une intervention progressive, mais un régime d'avis et avis. À la fin du processus, un juge détermine s'il y a eu violation du droit d'auteur.
     Merci.
    Enfin, monsieur McTaggart, vous avez énoncé votre position très clairement — et avec une belle éloquence, me permettrais-je d'ajouter — concernant la taxe que l'on propose d'imposer sur les iPod, une mesure à laquelle le gouvernement est, comme vous le savez, formellement opposé. D'autres intéressés, les mêmes qui semblent favorables à une possible taxe sur les iPod, proposeraient une taxe sur Internet ou les FSI, une mesure que notre gouvernement n'appuie pas non plus. Pourriez-vous nous parler de cette proposition?
    Eh bien, nous jugeons que ce ne serait pas une bonne idée pour des principes très similaires à ceux qui s'appliquent aux appareils numériques: on veut imposer un droit obligatoire sur une technologie ou un service d'application générale que les Canadiens utilisent à diverses fins. On punit ainsi ceux qui n'utilisent pas Internet pour commettre une infraction afin de corriger le tort que cause un petit nombre d'utilisateurs qui abusent des services.
     N'oubliez pas que bien des gens utilisent Internet pour acheter des produits de divertissement de manière tout à fait légitime. Nous offrons une plateforme générale que nous améliorons constamment pour permettre aux gens d'utiliser ces services. Si par malheur, nous améliorons par le fait même l'accès aux services illégitimes, c'est une conséquence non intentionnelle. Mais c'est la raison pourquoi il est si important de traquer ces services illégitimes et d'y mettre fin.
    Bien. Merci beaucoup. Voilà qui met fin au présent tour.
     J'aimerais remercier les témoins d'avoir comparu.
     Nous suspendrons la séance quelques instants, avant d'entreprendre la deuxième heure de nos travaux.
(1200)

(1205)
    Nous reprenons la 19e séance du Comité législatif chargé du projet de loi C-32.
    Au cours de la deuxième heure, nous entendrons le témoignage d'Arash Mohtashami-Maali, du Conseil des arts du Canada; de Jay Rahn, de la Fédération canadienne des sciences humaines; et de Victoria Owen et Kelly Moore, de l'Association canadienne des bibliothèques.
    Chaque organisation pourra faire un exposé de cinq minutes. Je suivrai l'ordre dans lequel elles figurent sur la liste.
    Nous commencerons donc par le Conseil des arts du Canada, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

    Je suis Arash Mohtashami-Maali, chef du service des Lettres et édition au Conseil des Arts du Canada. En introduction à cet exposé, j'aimerais offrir aux membres du comité une courte description du Conseil des Arts du Canada et parler de son mandat.
    Créé en 1957 en vertu d'une loi du Parlement, le Conseil des Arts du Canada est une société d'État fédérale qui a pour rôle de « favoriser et de promouvoir l'étude et la diffusion des arts ainsi que la production d'oeuvres d'art ».
    Notre mandat est d'aider les artistes et les organismes artistiques canadiens à jouer un rôle de leader dans la société canadienne. Notre rôle est d'aider notre société à avoir accès à son art et à sa culture et à s'engager dans la construction d'une société meilleure basée sur les valeurs fondamentales telles que la liberté d'expression, le droit à la différence, le droit à une identité unique au sein d'une société plurielle.
    C'est avec cette vision et cette ouverture d'esprit que nous nous présentons devant ce comité pour partager avec vous quelques idées sur le projet de loi C-32. Nous comprenons parfaitement la nécessité de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Il est évident que le fait de consacrer un espace légal à ce sujet à l'intérieur du grand débat sur la propriété intellectuelle renforce la volonté de porter une attention à la question des artistes et de l'art au Canada. Nous applaudissons cet effort, d'autant plus que les nouvelles technologies, ainsi que la mondialisation amalgamée à l'influence d'Internet et des nouveaux médias, ont non seulement contribué à faire disparaître les frontières physiques, mais ont aussi permis l'universalisation des idées et de la création littéraire et artistique, et l'introduction de nouveaux médiums de travail pour les créateurs.
    Nous constatons aussi les effets du piratage dans le domaine des arts et en particulier dans les domaines de la musique, du cinéma et de la littérature. Il est temps de donner l'outil légal nécessaire à la justice canadienne pour protéger les intérêts des auteurs et des artistes du Canada.
    Nous sommes tous d'accord que cette loi doit avoir à coeur la protection des arts et de la littérature canadienne et que c'est elle qui assure le droit à une identité distinctive et pourtant diverse. C'est aussi cette loi qui vient à l'appui des pratiques exemplaires de nos artistes, écrivains et penseurs et de leurs efforts pour maintenir un lien étroit et un dialogue ouvert avec le monde d'aujourd'hui, afin de construire une place de choix pour la culture canadienne et assurer sa pérennité.
    Nous tenons également à remercier le comité pour son écoute attentive des différents intervenants représentant tous les milieux artistiques et culturels concernés. Il est bon de voir que le projet de loi reçoit une attention particulière grâce à cette consultation.
    Notre point de vue singulier sur le milieu de la création canadienne et la compréhension profonde que nous en avons font que nous avons un contact privilégié, une réceptivité de première ligne pour entendre les besoins et la réaction des milieux artistiques par rapport au projet de loi C-32. Nous pensons que cette loi, aussi liée soit-elle aux valeurs fondamentales de notre société, doit jouer un rôle rassembleur. Si elle doit renforcer de façon éthique le rôle de l'artiste en reconnaissant ses droits, elle doit aussi assurer la continuité et un traitement juste des organismes indépendants, des corporations et des institutions.
    Comme nous l'avons dit plus haut, l'attente du milieu des arts et de la littérature est d'avoir une loi inclusive comprenant l'ensemble des outils légaux qui non seulement couvrent les changements actuels mais aussi comprennent les mesures qui, Ie long des ans, ont su protéger la propriété intellectuelle dans le domaine des arts. Si de nouvelles réalités ont bouleversé le monde des arts, les moyens traditionnels continuent à constituer l'essentiel du marché.
    Si le Conseil des Arts n'est pas un expert dans le domaine juridique, il entend les inquiétudes des différentes communautés artistiques. Nous constatons que l'introduction dans la loi de notions telles que l'utilisation équitable est source de discorde et de divergences dans le milieu. Nous sommes tous les jours témoins des préoccupations des gens du milieu des arts qui expriment des réserves devant l'application de ces nouvelles notions. Nous pensons que l'introduction d'une définition plus précise aiderait les différents milieux à mieux comprendre la position de la loi par rapport aux droits des individus et des organismes.
    Nous apprécions à sa juste valeur la constatation faite dans le préambule de la loi, à la page 1, où il est mentionné que cette loi est « un instrument indispensable de la politique culturelle qui, au moyen de règles claires, prévisibles et équitables, favorise la créativité et l’innovation et touche de nombreux secteurs de l’économie du savoir. » Nous sommes confiants que l'effort actuel du gouvernement et de nos parlementaires permettra aux Canadiens de bénéficier d'une loi progressive et prévoyante, une loi ouverte mais en même temps solide qui protégera les Canadiens et leurs intérêts. Nous sommes d'accord sur le fait que la clarté est l'élément clé d'une loi vitale à la survie culturelle de notre pays. Nous appuyons l'effort de mettre en place une loi qui rassemble nos citoyens autour des principes de base de notre Constitution, et soutenons le fait que cette loi doit donner aux artistes, écrivains et penseurs « la faculté d'exercer leurs droits... »
    Merci, monsieur le président.
(1210)

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant la Fédération canadienne des sciences humaines, pour cinq minutes.
(1215)
    Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir invité la Fédération canadienne des sciences humaines à participer à votre étude du projet de loi  C-32 afin de modifier la Loi sur le droit d'auteur.
    Je m'appelle Jay Rahn, président du Comité du droit d'auteur de la fédération. Cette dernière représente plus de 50 000 membres, qui travaillent dans les bibliothèques et les musées du Canada, et qui enseignent, effectuent des recherches et réalisent des oeuvres créatives dans les universités canadiennes. En leur nom, je vous félicite pour votre initiative de modernisation de la Loi sur le droit d'auteur. L'instauration de politiques tournées vers l'avenir dans ce domaine aidera les chercheurs et les créateurs à tirer parti du potentiel que recèlent les technologies numériques, tout en permettant aux titulaires de droit d'auteur de recevoir une indemnisation équitable. Sachez que notre communauté voit d'un oeil favorable plusieurs des modifications que comprend le projet de loi C-32, en particulier l'ajout de l'enseignement à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable et l'élargissement de la disposition afférente à la parodie et à la satire. Nous sommes également conscients qu'il est difficile de modifier une loi en tenant compte des commentaires d'une multitude d'intéressés de manière à servir l'intérêt public. Nous croyons cependant que dans certains domaines, l'apport de légères modifications permettrait d'améliorer considérablement le projet de loi. Notre but ici ne consiste pas à éviter certains coûts pour le matériel didactique. En fait, les enseignants considèrent que les créateurs, un groupe dont plusieurs d'entre eux font partie, devraient être indemnisés équitablement pour l'utilisation de leurs oeuvres. C'est un principe intrinsèque au droit d'auteur. Les chiffres récents indiquent que les bibliothèques universitaires canadiennes dépensent, par exemple, plus de 300 millions de dollars annuellement pour acheter du contenu nouveau et obtenir des licences aux fins de recherches et d'apprentissage, comme vous le savez déjà.
    Notre mémoire comprend plusieurs modifications concernant des dispositions qui pourraient entraîner la création d'obstacles non voulus à l'accès ou de problèmes évitables au chapitre de la conformité. Mais dans mon exposé, je me contenterai de passer en revue les deux aspects les plus importants du projet de loi pour notre milieu.
    Tout d'abord, l’expression « tel que » ou « incluant sans toutefois s’y limiter » devrait être ajoutée à la liste des exceptions touchant l’utilisation équitable afin de suggérer des possibilités plutôt que de donner une liste exhaustive. À cet égard, nous appuyons l'ajout de l'enseignement dans cette liste. La Cour suprême du Canada a établi des facteurs afin de déterminer si les documents protégés par le droit d'auteur sont utilisés convenablement. Ces facteurs ont été appliqués lors d'un procès intenté récemment devant la Cour d'appel fédérale, qui a maintenu une décision selon laquelle le fait de demander à une classe de faire une multitude de copies d'une oeuvre constitue une utilisation non équitable. L'ajout de l'enseignement à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable ne sonne pas le glas de la publication. Il pourrait au contraire faciliter l'utilisation du contenu canadien dans les classes de toutes les régions du pays. Par exemple, un enseignant pourrait diffuser par baladodiffusion une image protégée sans craindre inutilement de violer le droit d'auteur. Nous devons veiller à ce que la Loi sur le droit d'auteur punissent les pirates, pas les enseignants qui cherchent à faire connaître le nouveau contenu en empruntant de nouvelles voies.
    En outre, nous considérons que le libellé concernant les mesures techniques de protection ou MTP devrait être modifié pour que leur contournement ne constitue pas une infraction si l'on agit à des fins qui ne constituent pas une infraction à d'autres circonstances. Cette modification est, selon nous, conforme aux traités Internet que le Canada a signés en 1996 avec l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Si le libellé du projet de loi C-32 reste le même au sujet des serrures numériques, il serait illégal pour quiconque, qu'il s'agisse d'un enseignant, d'un consommateur ou même d'un créateur, de contourner ce dispositif, sauf en de rares exceptions. Par exemple, ceux qui veulent simplement transférer des articles scientifiques ou en modifier le format contreviendraient à la loi. La mesure pénaliserait également les créateurs, qui s'inspirent de plus en plus d'oeuvres protégées pour les expressions nouvelles employées dans les travaux subséquents. Nous considérons qu'en modifiant la loi comme nous le proposons, le Canada serait mieux à même de relever les défis numériques que l'avenir lui réserve et de saisir les occasions qui s'offrent à l'échelle tant nationale qu'internationale.
    Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous exposer notre point de vue. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous passons maintenant à l'Association canadienne des bibliothèques, pour cinq minutes.
    Je m'appelle Victoria Owen, présidente du Comité du droit d'auteur de l'Association canadienne des bibliothèques. Je suis accompagnée aujourd'hui de Kelly Moore, directrice exécutive de l'ACB.
    Nous nous réjouissons d'avoir l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur le projet de loi  C-32. Je suis actuellement bibliothécaire principale de la bibliothèque Scarborough de l'Université de Toronto, après avoir été directrice d'une bibliothèque publique et d'un service de bibliothèque pour personnes incapables de lire les imprimés, des milieux sur lesquels la Loi sur le droit d'auteur a une incidence directe.
(1220)
     L'ACB est la plus importante association de bibliothèques nationale du Canada. Elle représente les intérêts d'environ 57 000 employés de bibliothèque, de milliers de bibliothèques en tous genres et de toutes les régions du Canada, et de tous ceux qui ont à coeur d'améliorer la qualité de vie des Canadiens grâce à l'accès au savoir et à l'alphabétisation.
    Notre rôle consiste à représenter les intérêts de ces organisations et de ces personnes concernant un large éventail de questions de politique publique. Aucune d'elles n'est aussi importante actuellement que le droit d'auteur.
     Les bibliothèques sont fréquentées par le public canadien, soit des millions d'étudiants, d'enseignants, d'érudits, de chercheurs, de personnes perpétuellement sur le chemin de la connaissance, de clients particuliers et d'amateurs de lecture de tous âges. Au chapitre du droit d'auteur, nos usagers ne constituent pas un groupe d'intérêt spécial. L'intérêt public est au coeur même de notre travail.
    Nous vous avons remis un exemplaire de notre mémoire sur le projet de loi C-32, intitulé La protection de l’intérêt public à l’ère numérique, lequel explique de manière exhaustive les opinions de l'association à ce sujet. Aujourd'hui, nous traiterons particulièrement des grandes questions qui concernent le milieu des bibliothèques.
    L'ACB félicite le gouvernement du Canada d'améliorer considérablement le régime national de droit d'auteur avec le projet de loi C-32. L'ajout de l'éducation, de la parodie et de la satire à la disposition sur l'utilisation équitable constitue une greffe importante à notre politique nationale de l'information. Ces trois utilisations s'ajoutent à d'autres usages, qui sont limités, circonscrits et, par-dessus tout, équitables.
    La Cour suprême a établi les critères en matière d'équité, que les bibliothécaires ont interprétés très soigneusement. L'exception accordée pour l'utilisation équitable aux fins d'enseignement doit tenir compte du fait que les bibliothèques en tous genres sont des institutions culturelles et éducationnelles respectées, qui jouent un rôle essentiel en offrant des collections de documents de recherche et d'études privées à la population canadienne. Les bibliothèques publiques du Canada sont de hauts lieux de l'éducation et de l'apprentissage permanent. Les établissements d'enseignement doivent, par définition, comprendre des bibliothèques en tous genres.
    L'association voudrait proposer d'autres améliorations au projet de loi afin d'en faire profiter tous les Canadiens. Elle s'inquiète particulièrement des mesures de protection trop contraignantes concernant les serrures numériques, d'autant plus qu'elles restreignent énormément l'effet des exceptions importantes touchant l'utilisation équitable, l'accès des personnes ayant des incapacités de perception et la préservation des documents des bibliothèques. Nous partageons à cet égard les préoccupations de nos collègues des autres organisations culturelles et éducationnelles canadiennes.
    L'ACB appuie le principe fondamental d'utilisation équitable figurant dans le projet de loi relatif au droit d'auteur. Nous ne voulons pas empêcher les Canadiens de se prévaloir des droits que leur accorde la loi — dans le cas d'un nombre très limité d'exceptions — en imposant des mesures technologiques de protection. Les dispositions législatives régissant le droit d'auteur doivent autoriser le contournement des serrures numériques à des fins licites. Sinon, elles seraient fondamentalement bancales.
    Les serrures numériques peuvent empêcher les gens de copier du contenu à des fins équitables et les bibliothèques de préserver les documents, en plus de nuire à l'accès au contenu. Il faut revoir toutes les dispositions du projet de loi qui restreignent l'accès des personnes ayant une déficience de perception afin de ne pas rendre l'accès équitable plus difficile, voire impossible.
    Les membres de l'ACB sont conscients que le droit d'auteur est une question complexe au XXIe siècle. Les bibliothèques achètent annuellement des millions de dollars en contenu et les bibliothécaires servent les créateurs et les utilisateurs canadiens; nous constatons quotidiennement que le droit d'auteur et les droits des utilisateurs sont tout à fait conciliables.
    Les bibliothèques jouent un rôle de premier plan en permettant aux Canadiens d'accéder au savoir sous toutes ses formes. Pour que les Canadiens contribuent au bien-être économique, social et culturel de leurs communautés, l'accès à l'information est essentiel.
     Nous remercions le gouvernement du Canada de tenter de concilier les préoccupations des créateurs, des fournisseurs de contenu et des utilisateurs afin de poursuivre la réforme du droit d'auteur. Le projet de loi constitue une réussite sur le plan de l'utilisation équitable, car il ajoute des mesures de protection et limite la responsabilité. Il perd toutefois une bonne partie de son effet dans l'environnement numérique en restreignant les droits qu'accorde la loi aux Canadiens concernant les serrures numériques.
    Nous voudrions vous remercier de nouveau de nous avoir permis de nous adresser à vous.
    Merci beaucoup.
    Nous entamons maintenant à la période de questions.
    Nous commencerons par M. McTeague, du Parti libéral.
     Je crois comprendre que vous allez partager votre temps.
    En effet, monsieur le président. Vous avez indiqué que nous ne ferions qu'un tour parce que nous manquons de temps. Je partagerai donc mon temps avec M. Rodriguez.
    Je remercie les témoins de comparaître, surtout ceux qui viennent de Scarborough.
    Monsieur Rahn, j'aimerais, si possible, commencer par vous. Dans votre mémoire, vous approuvez l'ajout de l'éducation à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable, car cette mesure a pour effet, et je cite: de « permettre aux enseignants et aux élèves de faire un plus grand usage de matériel protégé par le droit d’auteur ». Or, il existe, à mon avis, un certain nombre d'accords de licence collectifs — dont le comité a certainement entendu parler — qui ont un effet assez semblable, tout en permettant d'indemniser les créateurs.
    Je me demande donc si vous pourriez me dire, de manière peut-être plus ferme, si vous considérez que les établissements d'enseignement devraient pouvoir utiliser gratuitement le contenu des créateurs. Est-ce ce que vous proposez?
(1225)
    Je crois que non. Par exemple, les bibliothèques continueront d'acheter des livres et de conclure des ententes de licence avec les organisations qui les desservent. Je ne limiterais pas le débat aux licences collectives comme telles. Il ne faut pas oublier les copies que font les particuliers dans le cadre de recherches, d'études privées, de critiques et d'analyses, actuellement assujetties à un régime d'octroi de licence, malgré les protestations que cette mesure suscite depuis son instauration, il y a plusieurs années.
    Je ne suis pas certain d'avoir commencé à répondre à votre question.
    Non. Vous ne vous opposez pas aux régimes de licence collective en soi. C'est à d'autres égards que vous souhaitez intervenir.
    C'est plus pertinent, surtout en ce qui concerne la fonction toute particulière qu'assument les universités, celle de la recherche, qui finit par prendre la forme de documents qui servent à l'enseignement et à d'autres fins.
    Je vous poserais une dernière question. Dans votre mémoire, vous indiquez également que vous préféreriez ne pas avoir de comptes à rendre pour l'utilisation de documents numériques en enseignement, dans le cas de bibliothèques, par exemple. Pour reprendre vos propos, vous souhaiteriez pouvoir retirer les MTP pour utiliser les documents à des fins licites.
    Comment voudriez-vous que les créateurs déterminent et gèrent l'utilisation que l'on fait de leurs oeuvres si elles sont utilisées à d'autres fins que celles autorisées par les exceptions?
    Dans le cas présent, nous traitions des dispositions du projet de loi qui autoriseraient les sociétés de gestion collective à consulter et à vérifier les systèmes informatiques des universités et les services intranet qui pourraient être utilisés dans le cadre de certains cours pour déterminer quels documents appartenant à leur répertoire pourraient être utilisés.
    Comme je l'ai indiqué dans notre mémoire, cette mesure risque de faire réagir le milieu professoral, qui pourrait craindre une violation potentielle de la liberté universitaire. Depuis longtemps, nos employeurs — les administrations universitaires qui feraient partie de ce système de surveillance — ne vérifient pas ce que nous empruntons à la bibliothèque et ce qui se passe en classe. En fait, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, un groupe antérieur au comité, a vu le jour à la suite d'une affaire bien connue en matière de liberté universitaire, dans le cadre de laquelle un enseignant, qui est devenu le doyen du collège pour lequel j'ai travaillé à York, a été puni par son université pour des motifs principalement idéologiques.
    Mon recteur n'a pas à savoir si je lis Adam Smith ou Karl Marx.
    Bien. Je vous remercie d'avoir apporté ces éclaircissements.
    Je laisserai le peu de temps qu'il me reste à M. Rodriguez.
    Monsieur Rodriguez.
    Merci, monsieur McTeague.

[Français]

    Bonjour. Thank you for being here.
    Je vais vous lire un passage:

[Traduction]

L'application de cette disposition au domaine de l'éducation réduira les frais administratifs et financiers pour les utilisateurs d'œuvres protégées par le droit d'auteur...
    Cet extrait est tiré de la documentation du gouvernement sur le projet de loi C-32. Mais si les frais diminuent, quelqu'un y perdra de l'argent, n'est-ce pas?

[Français]

    Si vous payez moins et si les institutions scolaires paient moins, quelqu'un recevra moins d'argent. Dans ce cas-ci, on parle de qui? Parle-t-on des créateurs?

[Traduction]

    Sachez tout d'abord que les revenus des éditeurs, comme ceux qui publient des manuels scolaires, ne changeront probablement pas. Ce serait inefficace, à mon sens.
    Il existe également un autre régime selon lequel les sociétés de gestion collective n'auraient peut-être pas dû recevoir d'argent au fil des ans. À cet égard, je reprendrai le commentaire que j'ai formulé plus tôt au sujet du désaccord entre les administrations d'université et une certaine société de gestion collective concernant la nature de l'utilisation équitable. Il pourrait y avoir des pertes de revenus à ce chapitre, mais l'argent n'aurait jamais dû être empoché au départ.
(1230)

[Français]

    Ce projet de loi vous aiderait à faire en sorte que ces revenus ne soient pas perçus par ces sociétés. C'est bien ce que vous avez dit.

[Traduction]

    Pourriez-vous répéter? Je suis désolé, je n'ai pas compris l'interprétation.

[Français]

    Donc, en vertu du projet de loi, vous me dites que cela vous permettrait justement de ne plus verser ces revenus, tel que mentionné précédemment.

[Traduction]

    Oui. Ces sommes sont relativement peu élevées si on les compare aux revenus tirés des manuels et des recueils de cours, en tout cas. On a parlé plus tôt d'un montant approximatif de 3,50 $ par étudiant. On a depuis abandonné la possibilité de le faire passer à 45 $ par étudiant pour couvrir tout le reste.

[Français]

    Ne pensez-vous pas qu'il y a un certain risque si on inclut le mot « éducation », tout simplement? Ne pensez-vous pas que si on garde cela défini ou limité, par exemple...
    Je vous pose la question à tous les deux. Quelle est la définition du mot « éducation », selon vous?

[Traduction]

     Je sais que la question de la définition d'éducation a déjà été soulevée. Mais selon moi, un projet de loi idéal ne se limiterait pas à ajouter l'éducation à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable...
    M. Pablo Rodriguez: Vous ajouteriez donc d'autres éléments.
    M. Jay Rahn: ..., un avis que partagent les membres de mon comité. En fait, nous proposons, comme je l'ai réitéré ce matin, l'ajout de l'expression « tel que » ou « incluant sans toutefois s’y limiter » au début de la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable. Il ne manque pas de bonnes raisons pour agir de la sorte plutôt que de simplement ajouter...

[Français]

    Si on inclut tout le monde, à quoi va servir une loi sur le droit d'auteur?

[Traduction]

    Non, ce n'est pas pour inclure tout le monde. Ce qu'il faut, c'est chercher un principe commun aux éléments existants. Par exemple, la parodie, la satire, les reportages, les critiques, les analyses et les études privées ont tous un élément commun, lequel touche également le domaine de l'éducation.

[Français]

    J'aimerais terminer avec vous, monsieur Maali.
    Vous travaillez beaucoup avec les créateurs et les artistes. Ceux que nous avons reçus, de façon presque unanime, se sont dit extrêmement inquiets relativement à la perte potentielle de revenus et de droits. Partagez-vous ce point de vue?
    On entend cela, mais nous avons des liens avec beaucoup d'autres organismes, dont les bibliothèques. Notre position est délicate, car notre clientèle est partagée.
     Oui, nous sommes inquiets de voir ces chiffres. Vous l'avez vu, je pense, lors d'autres témoignages. Nous partageons les mêmes inquiétudes.
    Merci.
    Madame Lavallée, vous disposez de sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Rahn, madame Owen et madame Moore, il est étonnant de vous voir réclamer l'utilisation équitable pour l'éducation alors qu'au Québec, il y a une toute autre approche. Vous dites que vous représentez la Fédération canadienne des sciences humaines et l'Association canadienne des bibliothèques, mais pourtant il y a un autre point de vue, tout à fait différent du vôtre, au Québec. D'abord et avant tout, il y a l'Assemblée nationale du Québec, qui s'est prononcée à l'unanimité contre le projet de loi C-32 tel qu'il est actuellement rédigé, et particulièrement contre l'élargissement de l'exception pédagogique proposée par le projet de loi. La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, s'est prononcée de la même façon. La ministre de l'Éducation — ce n'est pas rien — a dit:
Au Québec, le gouvernement tient à s’assurer que les créateurs touchent leur juste part pour l’utilisation de leurs oeuvres par des tiers, particulièrement par les établissements d’enseignement. La position du Québec, à savoir que le droit à l’éducation et le droit des créateurs vont de pair, correspond aux orientations de l’énoncé de politique de 1980 La juste part des créateurs du ministère de la Culture et des Communications.
    Je ne parle pas de la Fédération des commissions scolaires du Québec, je passe par dessus, et j'arrive à l'Association des bibliothécaires du Québec, dont un représentant dit:
Pourquoi est-ce que les bibliothèques publiques du Québec prennent une position contraire à celle des autres provinces? Le résultat de toute extension de l'utilisation équitable et de toute autre exception sera une perte de revenu pour les auteurs et les autres titulaires de droits. Si l'on interprète de manière large la portée de ces exceptions, comme vous le souhaitez, la perte de revenus pourrait être très importante. N'est-ce pas une question de financement qui est en cause, et non une question d'accès ou même d'équité? Les bibliothèques publiques sont sûrement sous-financées, mais les auteurs doivent-ils en faire les frais?
    C'est comme ça partout au Québec. Il y a aussi BIBLIO du Québec, un autre organisme qui s'est prononcé contre l'utilisation équitable. Quoi que vous disiez, l'utilisation équitable, telle qu'elle est définie dans le projet de loi, signifie une perte de revenus. Ce serait encore pire si on ajoutait les fameux « such as » que M. Rahn suggère. C'est fait essentiellement dans ce sens-là. Pourtant, au Québec — contrairement aux autres provinces du Canada, il faut croire —, on a beaucoup de respect pour les créateurs, pour la rémunération des créateurs et pour nos jeunes à qui on veut enseigner ce respect des créateurs et le devoir de les rémunérer.
    Monsieur Rahn, vous dites qu'un professeur a bien le droit de montrer quelque chose à ses étudiants sur un support numérique quelconque. C'est vrai, s'il a la permission du créateur et si ce dernier est rémunéré. La création appartient à son créateur. Si je veux aller visiter votre maison, monsieur Rahn, je vais vous demander la permission, je vais peut-être même payer pour la visiter. C'est la même chose: la création appartient à son créateur. C'est encore plus important pour les jeunes de le savoir, de le reconnaître et de rémunérer les artistes, si on veut une culture vivante.
    Vous pouvez commenter.
(1235)

[Traduction]

     Je vous remercie beaucoup, madame Lavallée.
    Pour l'Association canadienne des bibliothèques, je crois que l'éducation, la parodie et la satire s'ajoutent aux autres exceptions touchant le droit d'auteur, car ces utilisations sont très limitée, circonscrites et équitables. Pour faire partie des exceptions, elles ne peuvent nuire aux intérêts économiques des créateurs. Elles doivent être circonscrites, servir à des fins précises et être conformes aux six facteurs établis par la Cour suprême. Elles ne doivent pas avoir d'incidence notable.
    Je crois que cette mesure s'inscrit également dans les efforts déployés initialement en matière de droit d'auteur pour concilier l'accès et la protection des intérêts économiques des créateurs.

[Français]

    Excusez-moi, il n'y a pas de problème d'accès. On peut avoir accès à toute l'information dont on a besoin, quand on enseigne ou quand on est étudiant. Le problème est la rémunération. Il faut rémunérer les artistes, si on décide d'utiliser leurs oeuvres.

[Traduction]

    En parlant d'accès, je faisais référence au fait de faire un nombre limité de copies d'un document sous certaines conditions. Je ne voulais pas dire que les documents n'étaient pas accessibles.

[Français]

    C'est possible si vous payez, ce qui est normal puisque les oeuvres artistiques appartiennent à leur créateur.

[Traduction]

    Je ne crois pas qu'il y ait eu de problème pour les bibliothèques du Canada, qui disposent d'imposantes collections. Nous avons accordé beaucoup de temps et d'argent à la défense des droits des créateurs. Comme ces exceptions sont fort circonscrites, nous nous efforçons de les gérer de manière responsable et prudente.

[Français]

    Cela va probablement de pair avec l'utilisation équitable telle que décrite dans le projet de loi. La voie est ouverte pour que cela se règle devant les tribunaux, que cela prenne des années et que, pendant ce temps, les artistes ne soient pas payés. C'est ça, l'utilisation équitable.
    De plus, si vous faites une comparaison avec ce qui se passe aux États-Unis, votre comparaison va nécessairement être boiteuse. Les critères selon lesquels sont jugées les utilisations équitables aux États-Unis ne sont pas les mêmes que ceux qui seraient pris en compte par les tribunaux canadiens, si on considère la jurisprudence.

[Traduction]

    Non, les Américains ont leur propre doctrine au chapitre de l'utilisation équitable. La leur repose sur le principe de « tel que » et pas la nôtre, qui se limite strictement aux exceptions indiquées et ne peut s'appliquer que dans des domaines très précis. L'encadrement est très serré. Si vous appliquez les six facteurs établis par la Cour suprême, vous verrez que les craintes des gens à ce sujet sont sans fondement. L'application est encadrée par ces six facteurs.
(1240)

[Français]

    Mais il y a eu une jurisprudence au Canada qui fait en sorte que, au contraire, l'utilisation équitable serait jugée selon des critères beaucoup plus larges et, entre autres, en fonction du droit des utilisateurs, ce qu'ils n'ont pas aux États-Unis. Cela ne pourrait pas donner les mêmes résultats, parce que les juges américains n'ont pas la même grille d'analyse et la situation n'est pas la même. Au Canada, lorsqu'il y aura des recours en justice en vertu de l'article sur l'utilisation équitable, cela ne donnera pas les mêmes résultats qu'aux États-Unis. De toute façon, cet article ouvre la voie à une gamme de poursuites en justice.
    Le Barreau du Québec s'est également prononcé contre le projet de loi C-32 en affirmant que cela allait congestionner les tribunaux. Est-ce vraiment ce que l'on veut pour économiser 40 millions de dollars de revenus annuels qui vont aux artistes? Est-ce que, en plus d'enlever 40 millions de dollars par année aux artistes, on veut que tout le monde se retrouve devant les tribunaux pour régler nos problèmes? Ne vaut-il pas mieux reconnaître que notre culture est vivante, que nos artistes sont créatifs et dire qu'on va payer ce que ça vaut? Je comprends que vous manquiez d'argent, mais vous devriez peut-être vous adresser à d'autres secteurs, à d'autres postes budgétaires, plutôt que d'appauvrir les artistes, qui constituent un groupe de la société dont le revenu annuel est de 23 000 $ par année en moyenne. Je ne pense pas que ce soit bien équitable, justement.
    Soit dit en passant, quand je regarde ce qui se passe au Québec, les protestations contre le projet de loi C-32 et l'utilisation équitable, par rapport à ce qui se passe dans le reste du Canada, permettez-moi de redire — je l'ai déjà dit ici — que c'est une autre bonne raison pour convaincre les Québécois de faire la souveraineté du Québec.

[Traduction]

    D'accord, merci.
    Monsieur Angus.
    Merci.
    Si notre pays se sépare, madame Owen, je vous en tiendrai personnellement responsable, parce que le Bloc nous quitte et ne peut s'attarder, mais je suis certain qu'on serait nombreux à ne pas être d'accord avec ce parti.
    Je crains qu'en intervenant au chapitre du droit d'auteur, nous ne créions un double régime de droits, l'un pour l'univers papier et l'autre pour l'univers numérique, l'un pour le monde analogique et l'autre pour le monde numérique. Je veux examiner la situation dans les bibliothèques pour voir ce qu'il s'y passe vraiment.
    Je m'intéresse aux modifications prévues aux paragraphes 30.2(4) et 30.2(5):
(4) La bibliothèque, le musée ou le service d’archives doit se conformer aux conditions suivantes:
a) ne remettre qu’une seule copie de l’oeuvre reproduite... à la personne à qui elle est destinée;
b) informer cette personne que la copie ne peut être utilisée qu’à des fins d’étude privée ou de recherche...
     Voilà qui me semble assez simple. Si je vais à la bibliothèque pour avoir un document, vous m'en faites une copie et m'avertissez que je ne peux pas en faire 20 copies pour les distribuer à mes amis. C'est on ne peut plus clair.
    Cependant, au paragraphe 30.2(5.02) qui suit, lequel porte sur les prêts interbibliothèques, on peut lire:
(5.02) La bibliothèque, le musée ou le service d’archives... peuvent... fournir une copie numérique à une personne en ayant fait la demande par l’intermédiaire d’une autre bibliothèque... s’ils prennent...
a) des mesures en vue d’empêcher la personne qui la reçoit de la reproduire [en format numérique], sauf pour une seule impression,
b) de la communiquer à une autre personne ou
c) de l’utiliser pendant une période de plus de cinq jours ouvrables.
    J'ai deux questions à cet égard. Tout d'abord, le fait de « prendre des mesures » signifie-t-il que vous n'êtes pas autorisés à effectuer des prêts numériques entre bibliothèques sans appliquer les mesures techniques de protection qui empêcheront quiconque de faire d'autres copies? De plus, est-ce que les bibliothèques canadiennes peuvent apposer des serrures numériques sur les thèses de maîtrise datant de 1983? Est-ce ainsi que vous interprétez l'expression « prendre des mesures »?
    Je vous remercie de votre question.
    Je considère qu'au chapitre des prêts entre bibliothèques, la prise de mesures concerne les démarches technologiques à prendre pour effectuer le prêt. Je crois que dans certaines bibliothèques universitaires, dans celles que je connais, par exemple, on reçoit une copie électronique du document prêté, que l'on imprime et remet au demandeur. Le prêt interbibliothèques ou la livraison du document s'effectueraient électroniquement.
(1245)
    Vous imprimez donc le document au lieu de le remettre en format électronique.
    Pour l'instant, nous ne remettons pas le document sous forme électronique. Je crois que des logiciels permettent maintenant de le faire. Nous imprimons le document reçu dans le cadre du prêt interbibliothèques et le remettons au destinataire.
    Monsieur Rahn.
    Dans le milieu universitaire, je peux vous dire que cette semaine même, j'ai tenté de négocier une entente avec l'UCLA et la cour royale de Thaïlande concernant les microfilms de documents qui existaient initialement en format papier. Ils seraient vraiment utiles, mais il faudrait que je me rende en Thaïlande à mes frais ou peut-être à ceux du Conseil de recherches en sciences humaines pour parler personnellement aux responsables, comme l'a d'ailleurs proposé l'UCLA. Nous sommes en train de faire des copies numériques de ce type d'archives pour des gens comme vous qui effectuent des recherches de ce genre. Mais nous n'avons pu nous entendre avec la Thaïlande à ce sujet.
    Je peux vous affirmer que la semaine dernière seulement, j'ai cherché une thèse de maîtrise sur la musique thaïlandaise et une dissertation de l'Université d'York — pas l'Université York, mais l'établissement situé au Royaume-Uni. Au début, je ne trouvais rien, jusqu'à ce que le responsable des prêts interbibliothèques de l'Université d'York m'avise qu'il avait trouvé le document sur un site Web. Je l'ai téléchargé tout à fait gratuitement, en indiquant que j'étais un chercheur universitaire. Le document était accessible sous forme électronique. Aucun avis n'indiquait qu'il fallait le détruire ou en détruire les copies secondaires après cinq jours.
    Quant à l'utilisation de la technologie d'impression traditionnelle pour ne faire qu'une seule copie, quand on fait de la rédaction ou qu'on travaille avec des bases de données aux fins de concordance, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, on ne fait jamais une seule impression. La première copie est tellement couverte de gribouillis qu'on finit par en faire 10 ou 20 autres pour les réunir par après. Ce sont des copies papier, remarquez. On ne peut tout copier à la main, car ce serait terriblement inefficace.
    Encore une fois, la question est de savoir si nous en faisons trop en essayant de tenir compte de tous les moyens imaginables de porter atteinte aux droits d'auteur. Je songe ici à l'obligation de détruire une oeuvre après l'avoir eue pendant cinq jours ouvrables.
    J'ai une confession à vous faire, monsieur Rahn. J'ai obtenu, au moyen d'un prêt entre bibliothèques, un mémoire de maîtrise de l'Université York datant de 1986. Lorsqu'il est arrivé au bout de deux semaines, j'en ai fait une copie, que j'ai conservée. Ensuite, je l'ai donnée à ma fille. Si vous voulez que je remette 5 $ à la bibliothèque pour cela, je le ferai. Mais il me semblait absurde que, si je cherchais un livre ou faisais un travail quelconque, le compte à rebours s'enclenche dès la seconde où l'ouvrage était transféré d'une bibliothèque à l'autre. Cependant que nous faisons passer toutes nos bibliothèques à l'ère du numérique, quel avantage pourrait-il y avoir à limiter à cinq jours l'accès à une oeuvre? Êtes-vous inquiet des conséquences potentielles de l'adoption d'une disposition comme l'alinéa 30.2(5.02)c) proposé sur l'incroyable potentiel de recherche qui existe?
    Je suis d'accord. Cela traduit selon moi une conception erronée du processus de recherche et de la nécessité de pouvoir accéder au matériel bien après la réception de celui-ci. Par ailleurs, lorsqu'on regarde les moyens utilisés par les universitaires pour établir la bibliographie de leurs recherches, ils utilisent des citations électroniques renvoyant à des documents électroniques qui pourront être utilisés à toutes sortes de fins, en plus des références bibliographiques de leur travail. Je crois donc que cette disposition témoigne d'un manque de compréhension du processus de recherche et de la façon dont les universitaires et chercheurs interagissent avec le matériel qu'ils étudient. Cela ne peut se faire dans les cinq jours consentis.
    À cet égard, j'ajouterais que sur le plan international, le Canada ne peut se permettre d'être le wagon de queue dans le train du développement des technologies numériques. Nous accusons beaucoup, beaucoup de retard. J'ai parlé du cas du Royaume-Uni, et on pourrait aussi citer bien d'autres cas semblables. Nous intégrerons toujours plus de restrictions, alors que les autres ouvriront l'accès à leur matériel, qui est largement...
    Mis à part les manuels, la quasi-totalité de la recherche est réalisée par des professeurs d'université et des étudiants des cycles supérieurs dans le cadre, disons, d'exigences partielles pour l'obtention de leur diplôme ou de leur travail rémunéré. Ils ne gagnent pas beaucoup d'argent. Si vous avez déjà publié dans les presses universitaires au Canada, vous savez que le taux courant est 10 p. 100 en plus du coût, lequel est déjà subventionné. Vous obtenez seulement une infime proportion. Il y a quelques années, j'ai publié un ouvrage en collaboration avec un autre auteur. Chacun de nous a obtenu 5 p. 100.
    Donc, le montant de 23 000 $ dont on a parlé n'est pas vraiment le principal élément. Les grosses sommes vont aux éditeurs ou aux bureaucraties créées autour des agences collectives d'octroi de licences, et...
(1250)
    Mais au sujet de ces 23 000 $, je me demande si, en voulant nous attaquer aux isoHunts et à ceux qui partagent des fichiers de poste à poste illégalement, nous ne nous attaquons pas, en réalité, à la recherche universitaire, lorsque nous disons qu'en permettant à un étudiant de conserver une note de cas pendant plus de cinq jours, nous détruirons tout notre empire créatif. Il y a là tout un tas de balivernes. Mais cela pourrait aussi créer beaucoup de problèmes, dans la mesure où les gens feront des copies de toute façon, car elles seront nécessaires pour la défense de leurs thèses. Une personne ne pourra dire: « Eh bien, professeur, j'avais le document, mais j'ai dû le rendre au bout de cinq jours ».
    Ne pourrions-nous pas simplifier un peu plus le processus, afin de conserver l'objectif de limiter les copies et de protéger les droits d'auteur tout en éliminant cette intervention inutile dans la réalité?
    J'en conviens. J'estime que le délai de cinq jours est une entrave inutile. Si les gens font des copies et portent atteinte à nos droits d'auteur, voilà où se trouve la réponse: ils violent les droits d'auteur.
    Très bien, merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entendre M. Lake.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord parler de l'utilisation équitable à des fins d'éducation. Ma question est vraiment simple. Vous êtes tous en faveur de l'utilisation équitable à des fins d'éducation, je crois. Pourquoi est-ce si important? Peut-être pourriez-vous, en nous l'expliquant, nous donner quelques exemples d'usages possibles, selon vous.
    Je dirais que la principale préoccupation n'est pas d'ordre financier, comme on a semblé le faire valoir au cours des séances précédentes, et même de celle-ci. Cette question, d'après ce que j'en sais, a relativement peu d'incidence.
    Je vois constamment des étudiants, de même que des bibliothécaires, dans une certaine mesure, et des professeurs qui souffrent d'une incertitude liée aux droits d'auteur lorsqu'ils font de la recherche, de l'étude privée, des critiques et des comptes rendus. Ils ont une peur bleue de se faire pincer par une éventuelle police des droits d'auteur. Ils vont trop loin dans leur interprétation.
    Je peux vous dire qu'à l'Université York, je travaille depuis maintenant un an à l'élimination de tout un langage semi-officiel qu'on utilise dans les lignes directrices en matière d'intégrité académique à l'intention des étudiants, et où l'on assimile par exemple le plagiat, d'une part, à la violation des droits d'auteur, d'autre part, alors qu'il est vraiment nécessaire d'établir une nette distinction entre les deux. Le simple fait d'inclure ce terme pour illustrer en quoi consiste l'utilisation équitable permettrait selon moi de clarifier énormément les choses pour les intéressés.
    Je ne peux vous citer de chiffres là-dessus, car jusqu'ici, le phénomène suppose nécessairement une autocensure. Les gens ne vous avoueront pas qu'en effet, ils ont fait des copies plus ou moins légalement. Mais l'autocensure va certainement à l'encontre du droit à la liberté d'expression garanti par l'article 2 de la Charte, que nous voudrions voir s'incarner dans les lois sur les droits d'auteur.
    Allez-y, madame Owen.
    C'est dans les bibliothèques publiques de partout au pays que la population consacre beaucoup de temps à son apprentissage continu. Le milieu des bibliothèques, je crois, comprend ces utilisations, et comprend qu'un nombre limité de copies puissent être faites pour appuyer cette quête d'apprentissage et permettre aux gens de poursuivre leur éducation longtemps après avoir fréquenté un établissement scolaire. Une quantité limitée de copies à des fins d'utilisation personnelle et d'apprentissage continu sont autorisées en vertu de l'utilisation équitable.

[Français]

    Nous pensons que la notion de l'utilisation équitable est une notion qui crée un désaccord au sein du milieu artistique et littéraire. Nous pensons aussi qu'il faudrait peut-être prendre le temps nécessaire pour clarifier cette notion, afin que le désaccord entre les institutions, les organismes et les individus soit réglé au moment de l'étude de la loi, et non par la suite devant la cour.

[Traduction]

    J'ai trouvé intéressant l'exemple utilisé par Mme Lavallée en ce qui a trait à l'utilisation équitable. Elle a dit que si elle voulait visiter votre maison, elle vous en demanderait la permission. La même chose vaut pour les créateurs. J'ai trouvé cette déclaration intéressante.
    Monsieur Rahn, vous avez parlé des craintes liées aux droits d'auteur. J'essaie de songer à des situations en milieu scolaire. Ma femme est enseignante. Je me souviens de l'époque où j'allais à l'université, et j'imagine qu'aujourd'hui, l'expérience est un peu différente. Un sujet peut être évoqué en classe, une discussion peut s'ensuivre, et quelqu'un pourrait vouloir aller sur Internet pour faire une recherche ou sur YouTube pour montrer quelque chose. Or, sans utilisation équitable à des fins d'éducation, j'imagine que ces craintes seraient bien réelles. Cela diminuerait vraiment la capacité de l'enseignant, du professeur ou de l'éducateur d'agir en toute spontanéité dans sa salle de classe.
    D'un autre côté, je comprends la préoccupation des créateurs. Et je pense que vous serez tous d'accord pour dire que vous travaillez dans des domaines où la création revêt une importance cruciale pour votre capacité de fonctionner.
    Madame Owen, vous avez parlé du critère à deux volets et des six étapes à appliquer pour déterminer l'équité. Peut-être pourriez-vous élaborer un peu là-dessus afin de rassurer ceux du milieu des créateurs qui sont peut-être dans le camp opposé, relativement au fait qu'avoir un système d'éducation ouvert grâce à l'utilisation équitable n'entraînera pas des pertes de revenus massives pour eux.
(1255)
    Les indications données par la Cour suprême dans l'affaire CCH, par exemple, avec les six étapes énoncées, correspondaient selon nous à une juste analyse de l'utilisation équitable. Prenons par exemple la disposition sur l'utilisation aux fins de recherche et d'étude privée. Au moment d'analyser l'utilisation équitable, on se posera ces six questions. Quel est l'impact de l'utilisation? Combien en coûtera-t-il? Quelles sont les solutions de rechange à l'utilisation? On examinera chacun des six facteurs, et si, une fois cette analyse terminée, on conclut que l'utilisation est équitable, on aura épuisé toutes les autres solutions possibles.
    On examinera, par exemple, les solutions de rechange à l'utilisation, comme l'achat d'un livre pour 4,95 $, ou peu importe le prix. On doit appliquer soigneusement chacune des étapes pour pouvoir tirer une conclusion qui est juste dans le cadre de l'analyse de l'utilisation équitable.
    En suivant ces six étapes énoncées, je crois qu'on se retrouvera avec une très petite exception précise concernant l'utilisation à des fins de recherche et d'étude privée, qui est l'utilisation la plus courante.
    Et, bien entendu, l'un des critères pris en compte est l'effet pour l'oeuvre sur le marché. Donc, il paraît logique que, si une perte de revenus significative doit résulter de cette utilisation, celle-ci ne sera pas considérée équitable de prime abord.
    Je pense que c'est la prérogative du Parlement que de baliser cette exception, quelle qu'elle soit, pour qu'elle respecte le principe de ne pas porter atteinte aux droits économiques du créateur.
    Monsieur Rahn, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Oui; je pense que les solutions de rechange sont très importantes. Dans le cadre de mon enseignement — je dirige des séances de tutorat, en petits groupes, en séminaire ou autrement —, je n'ai pas, au début des cours, de liste complète de lectures qui pourraient être regroupées sous forme de recueil et vendues à la librairie. J'ai un ensemble de lectures de base pour tous les cours, mais je vais devoir répondre aux aptitudes et intérêts particuliers des étudiants, de même qu'aux questions qui seront soulevées. D'une semaine à l'autre, je n'ai pas le temps de chercher à obtenir une licence transactionnelle et ponctuelle auprès d'un auteur ou d'un détenteur de droits. Il n'y a pas d'alternative.
    Devrait-on m'interdire d'utiliser, disons, six pages d'un livre qui coûte 80 $, ou dois-je attendre à l'année suivante pour obtenir les droits et obliger tous les étudiants à acheter le livre à 80 $ pour ces six pages en attendant? C'est tout simplement déconnecté de la réalité sur le terrain, dans les universités.
    Je vais poursuivre la discussion avec vous, monsieur Rahn. Vous avez peut-être fait accélérer les pulsations cardiaques de certains membres de l'opposition en recommandant d'ajouter l'expression « tel que » aux dispositions sur l'utilisation équitable. Peut-être pourriez-vous m'en dire plus là-dessus. Quel serait l'avantage d'un tel ajout, à votre avis?
    Cela harmoniserait nos règles à celles des États-Unis, où l'expression « tel que » figure dans la loi sur les droits d'auteur depuis longtemps. En fait, en ce qui a trait à l'éducation, on a mis entre parenthèses la mention « y compris les copies multiples destinées à une salle de classe », ce qui va bien au-delà de ce que recommande n'importe quel groupe ici.
    Dans le même ordre d'idées, et pour répondre aux commentaires de Mme Lavallée, on ne peut dire que depuis, les artistes ont disparu des États-Unis. L'industrie de l'édition a le vent dans les voiles là-bas, et une large part des activités de l'industrie des manuels scolaires consiste à « canadianiser » — à la demande des étudiants — du matériel des États-Unis. Donc, je ne crois pas que nous courons de grands risques d'appauvrir nos artistes, créateurs ou éditeurs.
    Merci beaucoup à nos témoins.
    Voilà qui met fin à la séance.
    La séance est levée.
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