Je vais vous céder la parole dans deux minutes.
[Français]
Nous avons aussi avec nous, de CMRRA-SODRAC inc., M. David Basskin, président; M. Alain Lauzon, vice-président; M. Casey Chisick, avocat-conseil; et M. Martin Lavallée, avocat-conseil.
Bonjour et bienvenue.
Nous avons aussi, des Artists' Legal Advice Services, Mme Marian Hebb.
Bonjour, je suis enchanté.
[Traduction]
Nous allons commencer par vous, madame Atwood, qui êtes actuellement à Dubaï. Vous aurez cinq minutes pour faire votre déclaration d’ouverture, tout comme les autres témoins qui suivront. Lorsque tous auront fait leur déclaration d’ouverture, les membres du comité pourront poser leurs questions.
Madame Atwood, vous avez la parole pour cinq minutes. Merci beaucoup d’avoir accepté de participer à cette réunion à partir de Dubaï.
:
Merci beaucoup, bonsoir.
[Traduction]
Merci de m’avoir invitée.
Je m’adresse au comité en tant qu’auteure qui travaille dans le milieu de l’édition depuis les années 1960, à la fois comme écrivaine et comme éditrice, et qui vit de l’écriture — droits et redevances — depuis le début des années 1970.
Je fais partie des 10 p. 100 d’auteurs nord-américains qui vivent de leur métier. Souvent, même ces auteurs touchent un revenu peu élevé. Pour eux, perdre 1 000 $, c'est considérable.
Un écrivain qui détient un poste à traitement annuel dans une université peut avoir une opinion différente. Je permets fréquemment à d’autres d’utiliser gratuitement mes textes. Mais ça, c’est mon choix.
Premièrement, je ne parlerai que de l’ajout de l’utilisation équitable à des fins d’éducation, peu importe son interprétation.
Deuxièmement, je suis favorable aux frais de scolarité moins élevés. Mais si cela constitue un bien collectif, tout le monde devrait y contribuer, pas seulement les auteurs.
Troisièmement, retirer les droits d’auteurs à leurs propriétaires à des fins d’éducation, sans verser à ces derniers une indemnisation et sans leur donner le choix, ne constituerait pas une utilisation équitable. Ce ne serait pas un marché équitable. Ce ne serait pas équitable — pourquoi viser uniquement les auteurs? —, pas plus que ce ne serait un marché, puisqu’un marché nécessite la participation de deux parties.
Quatrièmement, un droit d’auteur, c’est une propriété; il peut nous appartenir et on peut le vendre, le céder et en hériter. Il n’y a que quatre façons de retirer sans consentement le droit d’auteur à son propriétaire: le vol; l’expropriation, processus qui, cependant, inclut un paiement quelconque; la confiscation, comme dans le cas de criminels; et la réquisition, comme en temps de guerre.
S’il s’agit, dans ce cas-ci, de la confiscation du droit d’auteur, quel crime l’auteur a-t-il commis? Si c’est une réquisition, quelle guerre menons-nous? Si c’est un vol, ceux qui l’autorisent devraient être accusés. S’il s’agit d’une expropriation pour le bien collectif, comme dans le cas des terres, des autoroutes, etc., alors le public devrait payer le droit d’auteur.
Cinquièmement, on nous assure que les auteurs seront indemnisés. Comment? Aucun mécanisme n’a été proposé, et nous n’avons aucun autre recours que les tribunaux si nous sommes traités injustement. Comme je l’ai mentionné, le revenu de certains auteurs est peu élevé. Ils n’auraient donc pas les moyens d’intenter une poursuite, alors que les établissements d’enseignement, qui eux sont largement financés par les fonds publics, ont les moyens de se défendre en justice.
Sixièmement, et c’est mon dernier point, si le gouvernement peut s’approprier ainsi les droits d’auteurs, sans le consentement du propriétaire des droits et sans lui verser d’indemnité, qu’elle sera sa prochaine cible?
Merci.
Je m’appelle David Basskin et je suis le président de CMRRA-SODRAC inc. Je suis accompagné d’Alain Lauzon, le vice-président de CSI et de nos avocats, Me Casey Chisick et Me Martin Lavallée.
CSI représente les droits de reproduction d’oeuvres musicales — les chansons. Aujourd’hui, les diffuseurs, dont les entreprises de radiodiffusion, Radio-Canada, les services sonores payants et la radio satellite, payent CSI lorsqu’ils reproduisent des oeuvres de notre répertoire.
Depuis 1997, la loi oblige les utilisateurs à faire de tels versements lorsqu’une licence générale existe. Un seul versement leur donne accès aux millions d’oeuvres de notre répertoire.
Les radiodiffuseurs payent CSI conformément à des ententes négociées ou à des tarifs homologués par la Commission du droit d’auteur. En 2009-2010, ils ont ainsi versé 17,6 millions de dollars à CSI.
Les radiodiffuseurs commerciaux vous demandent de nous dépouiller de nos droits. Pour quel motif? Ils vous diront que les copies qu’ils font n’ont aucune valeur. C’est absurde. La preuve d’experts, acceptée par la Commission du droit d’auteur, documente largement les avantages que leur procurent ces copies. Grâce au préenregistrement vocal, les diffuseurs peuvent produire un programme de quatre heures en 20 ou 30 minutes. Et ce n’est qu’un exemple.
Ils vous diront qu’il est déraisonnable et non viable de continuer de payer 0,7 p. 100 de leur revenu pour le droit de reproduire des oeuvres musicales. Déraisonnable? Ils versent 5,7 p. 100 de leurs revenus à toutes les sociétés de gestion pour la musique qui constitue jusqu’à 80 p. 100 de leur programmation. Non viable? Lorsque le tarif de radio commercial a été introduit, la marge de profits moyenne de l’industrie avant impôt était de 10 p. 100. En 2009, au coeur de la récession, elle était de 21,2 p. 100.
Mais il y a plus: pour les diffuseurs, c’est deux poids, deux mesures. Ils accordent des droits de reproduction sur leur programmation à des entreprises de veille médiatique. La commission leur a accordé une redevance de 10 p. 100. Pour la période de 2011 à 2013, ils veulent une augmentation de 40 p. 100 pour faire passer la redevance à 14 p. 100, soit dix fois plus que le 1,4 p. 100 qu’ils versent pour reproduire la musique — 0,7 p. 100 pour les chansons et 0,7 p. 100 pour leurs enregistrements.
Aucune exception similaire n’est prévue pour les droits de reproduction des radiodiffuseurs canadiens.
Même si les droits de reproduction mécanique demeuraient inchangés, d’autres dispositions du projet de loi portent atteinte aux droits de nos membres. Alain Lauzon vous en parlera.
:
La modernisation de la Loi sur le droit d'auteur se doit de créer un environnement stable, qui favorise l'innovation, sans retirer aux créateurs des sources de redevances existantes ou potentielles.
La loi actuelle est déjà technologiquement neutre, et on ne doit pas remettre ce principe en question. En effet, une reproduction aujourd'hui doit demeurer une reproduction au fur et à mesure qu'évoluent les technologies.
Pour déterminer la valeur des différentes reproductions, les tribunaux ont appliqué à ce jour un éventail de valeurs économiques établies en fonction de l'utilité des copies et de l'efficacité qu'elles procurent aux divers utilisateurs. Or le projet de loi crée de nombreuses exceptions qui éliminent des redevances.
Spécifiquement, l'article 32 du projet de loi, qui permet les reproductions technologiques, doit être retiré. Au minimum, le texte doit être vu, afin de s'assurer qu'il couvre uniquement les reproductions transitoires et sans valeur réelle. Sinon, la notion subjective de faciliter une utilisation va amener certains radiodiffuseurs à penser que les reproductions pour lesquelles ils paient deviendront gratuites.
L'article 22 du projet de loi, qui permet de multiples copies de sauvegarde, doit être revu. Pourquoi permettre les copies en plusieurs exemplaires alors qu'une seule suffit?
De plus, ce même article 22 permettrait à des intermédiaires commerciaux comme YouTube de continuer d'établir des modèles d'affaires rentables en distribuant des contenus non commerciaux générés par les utilisateurs, et ce, sans rémunération pour les titulaires de droits.
Une des solutions proposées dans notre mémoire est de permettre à ces intermédiaires de reproduire les oeuvres existantes à la condition d'obtenir une licence auprès d'une société de gestion collective.
Par ailleurs, une solution simple, afin de corriger le présent projet de loi, est justement de prévoir que les exceptions que crée ce dernier s'appliqueront uniquement si une société de gestion n'est pas en mesure d'émettre une licence.
En effet, le système de gestion collective est déjà en place depuis plusieurs années et n'a pas entraîné d'effondrement du marché. La gestion collective constitue la meilleure solution pour obtenir un équilibre qui favoriserait l'innovation tout en assurant une rémunération des titulaires de droits.
Nous vous remercions de votre attention.
:
Artists’ Legal Advice Services est un organisme qui offre gratuitement des conseils juridiques sommaires aux artistes de tous les domaines: musiciens, artistes des arts visuels, écrivains, acteurs et danseurs. Nous sommes donc bien placés pour savoir que les artistes ont de la difficulté à vivre de leur métier.
Le préambule du projet de loi mentionne deux objectifs — à la fois compatibles et incompatibles — qui sont dans l’intérêt public: permettre à ceux qui bénéficient de droits d’auteurs d’obtenir une reconnaissance et une rémunération et d’avoir la faculté d’exercer leurs droits; et faciliter aux utilisateurs l’accès aux oeuvres protégées par le droit d’auteur.
Nous voulons tous pouvoir utiliser facilement les oeuvres protégées par le droit d’auteur. Cela serait possible, soit en vertu d’une gestion collective de ces oeuvres, soit en vertu d’exceptions légales. Les deux offrent la même facilité d’accès au consommateur, sauf que la gestion collective permet aux créateurs de recevoir une rémunération, soit négociée avec l’utilisateur, soit fixée par la Commission du droit d’auteur.
Des sociétés de gestion dirigées par des propriétaires de droits d’auteurs administrent collectivement les licences ou les tarifs, ce qui remplace les multiples opérations de faible valeur qui seraient autrement conclues entre les propriétaires de droits d’auteur et les utilisateurs. D’ailleurs, il est souvent impossible aux créateurs de négocier des licences individuelles pour l’usage secondaire de leurs oeuvres.
La plupart des créateurs indépendants gagnent moins de 20 000 $ par année grâce à leurs oeuvres. Ils sont nombreux à toucher beaucoup moins, alors que peu gagnent considérablement plus. Si l’on restreint davantage les droits des créateurs par de nouvelles exceptions, il leur sera plus difficile de vivre de leur métier. ALAS croit que les exceptions légales devraient être envisagées uniquement lorsque des licences individuelles ne peuvent être accordées ou que l’option de la gestion collective n’est pas possible.
Nous vivons à une époque de changements technologiques rapides. La loi sur les droits d’auteur devrait être imperméable aux fluctuations du marché et ne devrait consentir aucune exception qui empêche les créateurs de gagner leur vie avec leurs nouveaux ou leurs prochains modèles d’affaires. Le préambule du projet de loi qualifie la Loi sur le droit d’auteur de loi-cadre importante du marché touchant de nombreux secteurs de l’économie du savoir au moyen de règles claires, prévisibles et équitables
Mise à part la question de l’équité, il est difficile de comprendre comment les exceptions proposées peuvent être considérées comme étant claires ou comment leur résultat peut être prévisible. Par exemple, le projet de loi ne dit pas aux consommateurs ou aux détenteurs de droits d’auteur s’il y a un le lien possible entre la nouvelle exception concernant l’utilisation équitable d’oeuvres à des fins d’éducation et celle qui existe déjà, ou même s’il y a un lien entre les deux. Personne ne saura ce que l’on entend par utilisation équitable à des fins d’éducation tant que les tribunaux n’auront pas tranché.
Nous savons, par contre, que les économies en éducation se traduiront pas une baisse des revenus des créateurs. La Loi sur le droit d’auteur consent d’autres exceptions, mais le projet de loi propose de les modifier, au détriment des créateurs, car elle éliminerait ou réduirait la capacité des sociétés de gestion de négocier des licences d’utilisation avec les écoles et les établissements postsecondaires.
Prenons, par exemple, la disposition du projet de loi qui propose une nouvelle version de l’exception concernant les prêts interbibliothèques. Cette exception permettrait à une seule bibliothèque d’envoyer une copie numérique d’un document protégé par droit d’auteur — que ce soit, à l’origine, un document imprimé ou électronique —, à chaque étudiant ou à chaque client au pays qui en fait la demande par l’entremise de son école, de son université ou de la bibliothèque de son quartier. Les créateurs seront parmi les plus grands utilisateurs de ce service. Mais, à la suite de la modification d’autres dispositions de la Loi sur le droit d’auteur, on devrait donner une occasion raisonnable aux sociétés de gestion des créateurs, elles qui accordent actuellement les licences de photocopie aux bibliothèques, d’accorder des licences de distribution d’oeuvres par voie électronique.
L’exception concernant le contenu non commercial généré par l’utilisateur, que l’on appelle aussi la fusion, est une initiative courageuse qui tient compte de la nouvelle réalité et du comportement du consommateur: on permettrait à ce dernier d’utiliser des oeuvres déjà existantes pour en créer de nouvelles. Mais il faut adopter des restrictions plus strictes afin que toute exception concernant le contenu généré par l’utilisateur soit équitable pour les auteurs originaux. Toute oeuvre créée à partir d’oeuvres d’autres auteurs — souvent, des présentations d’artistes — ne devrait pas être publiée sans la permission de l'auteur original ou sans lui avoir payé un droit au préalable. Les sociétés de gestion devraient imposer, au nom des créateurs, des redevances aux diffuseurs Internet, comme YouTube, un site qui est riche en publicités et qui appartient à Google.
Une autre exception d’une immense portée permettra à quiconque de reproduire une oeuvre à des fins personnelles sans avoir à verser de droits à l’auteur ou à l’artiste, sous réserve de certaines restrictions, mais sans être assujetti aux règles claires, prévisibles et équitables promises dans le préambule du projet de loi. Donc, les auteurs touchés devront recourir aux tribunaux pour déterminer ce qui constitue une utilisation à des fins personnelles. Les serrures numériques ne constituent pas une solution de rechange acceptable à une loi claire.
La plupart des créateurs s’opposent aux serrures numériques. Ils veulent que les utilisateurs puissent avoir libre accès à leurs oeuvres, mais pas gratuitement. Il existe un modèle de gestion collective pour la copie privée de musique, mais celui-ci a sérieusement besoin d’être adapté pour tenir compte de l’environnement numérique.
Toutes les exceptions que j’ai mentionnées ont pour but d’exempter l’utilisateur de l’obligation d’acquérir une licence ou de verser un droit d’utilisation. Les sociétés de gestion administrent déjà l’acquisition de licences et les droits d’utilisation. Elles pourraient continuer de le faire sous la surveillance de la Commission du droit d’auteur.
Le droit d’auteur constitue la base des modèles d’affaires des créateurs et la base économique pour l’industrie des arts dans son ensemble. La gestion collective des droits secondaires joue un rôle essentiel, surtout dans le secteur du numérique. Si vous enlevez aux créateurs leurs droits d’auteur, le nombre de copies va augmenter et le nombre de licences d’utilisation des oeuvres canadiennes va diminuer. Les artistes et les autres travailleurs du secteur culturel auront de la difficulté à vivre de leur métier, car certains marchés vont rétrécir et des emplois vont disparaître. Inévitablement, il y aura moins de produits canadiens pour les consommateurs.
Merci.
:
Tout d'abord, je trouve curieux qu'on considère que les droits d'auteur sont comme une espèce de « punition pour l'innovation ». Évidemment, nous ne sommes pas d'accord là-dessus.
Les radiodiffuseurs tirent parti d'une technologie remarquable qui s'est développée ces dernières années et qui leur fait faire d'énormes économies d'argent et de ressources. Ils n'ont plus besoin d'avoir une salle remplie de CD ou de disques vinyles. Ils n'ont pas à extraire les disques des étagères et à les placer dans l'ordre dans lequel ils seront joués. Rien ne se perd; rien ne risque de rouler jusque sous les meubles.
Les avantages opérationnels vont encore plus loin. Dans le monde de la radiodiffusion, la publicité paie les factures et les publicitaires, on peut le comprendre, veulent savoir que leur message a été diffusé au bon moment. Dans le temps, il fallait quelqu'un sur place, bloc-notes en main, pour tout prendre en note, et bien des erreurs étaient commises avec cette méthode.
Dans le monde de la radiodiffusion automatisée, le système génère une documentation précise: votre message publicitaire a été diffusé à tel moment, et encore à tel et tel autre. C'est ce que veut le publicitaire et que fait le système. C'est bien. Je trouve que c'est fantastique. J'adore les ordinateurs.
Les copies de morceaux de musique forment le noyau de ce système. Les copies de chansons et d'enregistrements sont indispensables à son fonctionnement. Les radiodiffuseurs exploitent les technologies et rémunèrent ceux qui créent cette musique. C'est donnant, donnant. Je trouve que c'est équitable.
Dire que les droits d'auteur sont une forme de punition pour l'innovation, c'est dire que c'est une punition que de devoir payer pour l'électricité qui éclaire l'immeuble. Cela fait partie du cadre de fonctionnement. Nous n'avons rien contre le fait qu'ils exploitent ces technologies, mais pour ce qui est de ce que paient les radiodiffuseurs, surtout les petits radiodiffuseurs, je vous rappelle que, selon la décision la plus récente de la Commission du droit d'auteur, les radiodiffuseurs doivent nous payer à nous, CSI, un tiers de 1 p. 100 de la première tranche de 625 000 $ de leurs revenus. Alors une petite station qui a un chiffre de vente, disons, d'un demi-million de dollars, devra nous verser 1 500 $. C'est relativement peu, et je vous dirais que c'est équitable si on pense que cela leur permet de faire des copies de toutes les chansons du monde.
:
Ils paient pour deux choses différentes: le droit d'exécuter en public ou de communiquer une oeuvre et le droit de la reproduire. C'est une règle établie depuis très, très longtemps dans la Loi sur le droit d'auteur.
Parlons donc des copies. Quand les radiodiffuseurs reçoivent de la musique, que ce soit par voie électronique ou sur CD, et qu'ils se mettent à la copier, ils font beaucoup plus qu'une seule copie. Je m'explique. Michael Murphy fait une longue description technique du processus dans notre document d'information, mais je vais le résumer pour vous, très brièvement. Les radiodiffuseurs copient une première fois l'oeuvre dans leur système; d'autres copies sont faites pour l'évaluation de la musique, pour que les gens de la station ou de l'organisation puissent l'écouter; d'autres encore vont dans les musicothèques principales — et n'oublions surtout pas que ce sont des musicothèques permanentes, qui contiennent l'intégralité de la musique qu'ils possèdent. Ils font des copies pour les émissions préenregistrées. Dans ces cas-là, les chansons, les messages publicitaires et autres segments sont préalablement enregistrés, et l'animateur fait le reste. D'autres utilisations sont décrites dans le rapport.
Donc, les radiodiffuseurs font un usage considérable de leur droit de copier, et je répète que nous sommes heureux de le leur accorder. Donc, ils paient la SOCAN pour une chose — le droit de communiquer la musique — et ils nous paient pour le droit d'en faire des copies. Ces deux droits leur sont très utiles.
:
S'il vous plaît, cessez de déconnecter mon micro. Merci.
Ils ne disent rien de tel, madame Atwood. Ils nous ont dit qu'ils représentaient à la fois les scripteurs et les éducateurs et qu'ils voulaient être justes pour les deux parties.
Je pense qu'on peut supposer, sans risque de se tromper, que les règles établies par la Cour suprême du Canada et le triple test... Je suis assez confiant que nos éducateurs, nos établissements d'éducation et les gouvernements de nos provinces se conformeront à la loi. Ils ont une bonne réputation à cet égard.
Je tiens à préciser les conséquences de l'inclusion de l'éducation dans les utilisations équitables. Elle favorise l'éducation; elle ouvre la porte des écoles aux technologies nouvelles, sans crainte de poursuites civiles; elle rend possible l'emploi de nouveaux matériels électroniques et de l'information disponible gratuitement sur Internet; elle permet de communiquer certaines de ces informations à des fins didactiques; elle améliore d'un cran la qualité de l'éducation. Il n'est pas et il n'a jamais été question, d'après les témoins que nous avons entendus, de supprimer les revenus établis pour la copie. La Cour suprême a jugé que la copie n'était pas une utilisation équitable. Ses six critères sont bien établis et ils concordent avec l'esprit et la nature du projet de loi, tout comme le triple test. Que ceux qui prédisent la suppression des revenus provenant du secteur de l'éducation s'informent d'abord sur la signification de la notion d'utilisation équitable.
Madame Hebb, vous avez un commentaire.
:
Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, bonjour.
Les radiodiffuseurs nous ont parlé des plus petites stations, de copies éphémères, etc. Elles sont éphémères mais deviennent de plus en plus éternelles. Je pense que l'enjeu est de savoir si les copies de toutes sortes — il y en a apparemment une douzaine de types — ont une valeur. C'est au coeur du débat.
Par exemple, il arrive que de plus grosses stations vendent à des stations plus petites des émissions toutes faites qu'elles ont produites. Il peut s'agir d'une émission de quatre heures qui, avec la technologie actuelle, ne demande que 30 minutes de production musicale et de reproduction. Cela arrive et cela leur procure des revenus. Combien cela se vend-il?
Ce sont probablement de grosses stations qui vendent des productions à de petites stations. Comment cela se passe-t-il en réalité?
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Je vous remercie d'entendre mon témoignage.
Je vais vous indiquer rapidement quelques principes de base du droit d'auteur. Je vous rappelle d'abord que le droit d'auteur est la principale pièce législative destinée à donner une valeur économique au travail des auteurs, des interprètes et à leur talent, ainsi qu'à l'investissement des producteurs, diffuseurs, éditeurs, etc.
À mon avis, il est clair que le projet de loi actuel dilue la valeur économique de l'oeuvre et de l'ensemble de cette chaîne d'intervenants. Il nous place devant un casse-tête juridique — et je pèse mes mots —, faisant en sorte que les producteurs, radiodiffuseurs, fournisseurs de services, établissements d'enseignement et utilisateurs diminuent la place de l'auteur et du titulaire de droit, notamment à cause de l'augmentation des exceptions, qui ne sont pas assorties de rémunération. Même si vous le savez, je trouve intéressant de vous rappeler que le droit d'auteur repose sur un principe simple. C'est un droit de propriété reconnu depuis des centaines d'années qui permet l'autorisation. L'auteur donne son autorisation parce qu'il y a au départ un droit de propriété. L'enjeu derrière cela est le fait de reconnaître une valeur économique à une oeuvre.
Le droit d'auteur s'est toujours construit autour de ce modèle, de cet échange économique. Les revenus des auteurs sont éclatés, et c'est ce qui est fragilisé par le projet de loi actuel. Évidemment, l'arrivée des nouvelles technologies peut changer un peu la donne. Il s'agit d'une culture où prévaut l'accumulation d'oeuvres et la gratuité, dans certains cas. Pourtant, aucune étude ne démontre qu'avec Internet, les consommateurs sont privés d'oeuvres et deviennent acculturés. Au contraire, on se rend compte que, de plus en plus, des achats légaux se font. On constate donc qu'Internet n'est pas un espace de non-droit où tout est permis, mais qu'au contraire, le droit et ses règles y sont bien imprégnés. En présence de ces nouvelles technologies, le droit d'auteur peut tout à fait transposer les règles qui prévalaient au XXe siècle. Internet n'a pas changé le fondement du droit d'auteur.
Je crois qu'il est important de se recentrer sur les fondements du droit d'auteur. Or l'un de ces fondements est la gestion collective. Elle est le relais économique naturel de ce modèle d'échanges entre auteurs et utilisateurs qui est appliqué depuis près d'un siècle, soit depuis les années 1930 au Canada. C'est ce qui simplifie l'échange. C'est l'équation entre l'accès à une oeuvre et la rémunération de l'auteur. On voit même qu'en France, des ententes ont été signées assez récemment entre YouTube, Dailymotion, et des sociétés de gestion collective. Ça démontre bien que, si on laisse les droits aux auteurs, les utilisateurs et les réseaux d'utilisateurs vont forcément négocier avec eux. L'accès ne sera pas coupé. En France, tout le monde a accès à YouTube et peut y mettre des oeuvres, mais en vertu de ce modèle, les auteurs sont rémunérés. On ne se rend pas compte que ce modèle économique est viable et fonctionnel. Je crois qu'il est important d'insister là-dessus. Il faut préserver et même renforcer ce modèle économique.
Le projet de loi — et plusieurs ont eu l'occasion de le dire — devient beaucoup trop complexe, à mon avis. J'espérais que ce projet de loi aide à faire du ménage, mais je vois qu'au contraire, il contribue à un certain désordre. La loi devient plus opaque, et curieusement, le législateur est extrêmement interventionniste. C'est quand même curieux de voir qu'il l'est dans ce secteur économique très particulier, alors qu'il l'est beaucoup moins dans la majorité des autres secteurs. Vous connaissez tous l'exigence démocratique selon laquelle une loi doit être claire et bien comprise pour être respectée. Dans ce cas-ci, ce n'est pas nécessairement le cas.
J'attire votre attention sur un effet, une confusion dans la loi, et sur l'importance que prennent les exceptions. Le paragraphe 38.1(2) de l'actuelle Loi sur le droit d'auteur dit ceci:
(2) Dans les cas où le défendeur convainc le tribunal qu’il ne savait pas et n’avait aucun motif raisonnable de croire qu’il avait violé le droit d’auteur, le tribunal peut réduire le montant des dommages-intérêts préétablis jusqu’à 200 $.
À mon avis, dans l'état actuel du projet de loi, des défendeurs vont assez facilement pouvoir dire qu'ils pensaient avoir affaire à une exception, que le projet de loi est devenu si étrange et compliqué qu'ils pensaient, de bonne foi, avoir le droit de faire ce qu'ils faisaient. Le juge va peut-être alors décider d'imposer une amende non pas de 15 000 $ mais de 200 $. Ce projet de loi a en effet des effets très concrets. On pourra peut-être parler plus tard du test en trois étapes, qui pose évidemment toujours problème. Je sais que plusieurs l'ont souligné.
À ce sujet, j'ajouterais simplement que, quand on analyse les effets économiques d'une loi, on ne se demande pas pour chacun d'eux s'ils sont importants ou non. On examine l'ensemble. S'il y a un effet systémique, c'est alors là qu'on voit que l'effet est important.
Pour terminer, je dirai que ce projet de loi insiste entre autres sur le droit de suite pour les auteurs en arts visuels. Ce droit de suite est absent pour des motifs que je n'arrive pas à m'expliquer. En effet, ce n'est pas une mesure qui coûte cher à l'État, au contraire. Il s'agit de laisser les gens du milieu s'organiser entre eux.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
En tant que société de gestion collective qui s'occupe d'administrer et de distribuer, aux artistes interprètes ayant pris part à un enregistrement sonore publié, les redevances découlant de la rémunération équitable, du régime de la copie privée et du droit de reproduction, Artisti a plusieurs préoccupations au regard du projet de loi .
La première de ces préoccupations a trait au régime de la copie privée. Le régime de la copie privée a été mis en place en 1997 afin de permettre aux usagers de faire des copies d'oeuvres musicales pour leur usage personnel et, en parallèle, d'accorder des compensations aux ayants droit du secteur de la musique pour ces copies de leur travail.
Depuis la mise en place du régime de la copie privée, les redevances qui en sont tirées sont pour les ayants droit une source de rémunération cruciale. Ainsi, entre 2002 et 2007, les redevances de la copie privée constituaient plus de 50 p. 100 des sommes, de source canadienne, qui étaient distribuées par Artisti à ses membres canadiens. Cela dit, c'est de moins en moins le cas.
En effet, le régime de la copie privée a été dépassé par la technologie. À l'heure actuelle, seules les ventes de CD vierges génèrent des redevances. Toutefois, il sont de moins en moins utilisés pour copier la musique. Le support maintenant privilégié pour faire ces copies est l'enregistreur audionumérique tel que l'iPod, lequel est présentement exclu du régime, par ailleurs. Par conséquent, les redevances de la copie privée déclinent à un rythme effarant, et ce, malgré le fait que les usagers effectuent toujours autant de copies d'oeuvres musicales. Nous avions demandé que les modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur corrigent ce problème, mais le projet de loi ne corrige pas cette situation inéquitable. Pire, il ajoute au problème.
En effet, si le projet de loi est adopté, toute personne aura le droit de reproduire à des fins privées toute oeuvre, prestation ou enregistrement sonore, si l'exemplaire original a été obtenu de façon licite, et si certains autres critères sont respectés. Toutefois, cette nouvelle exception ne s'appliquera pas dans le cas des copies privées d'oeuvres musicales faites sur un support audio vierge, tel le CD. De plus — M. Legault aura l'occasion de vous en parler —, il sera possible aussi de faire des copies d'émissions pour un visionnement en différé, par exemple.
L'introduction de nouvelles exceptions couvrant certaines reproductions faites par les consommateurs, qui n'implique pas pour autant la modification du système de redevances pour la copie privée, a l'effet pervers de créer, dans les faits, trois régimes de copie privée distincts, dont deux ne prévoient pas de contrepartie financière pour les créateurs. Il y a le régime actuel qui prévoit le versement de redevances sur les supports audio tels que le CD. Également, il y a la nouvelle exception pour des reproductions à des fins privées, qui permet la reproduction sur un support ou un appareil autre que ceux prévus sous le régime existant, mais qui ne prévoit pas de redevance en contrepartie. Finalement, il y a la nouvelle exception qui permet la reproduction pour visionnement en différé, sans compensation pour les ayants droit.
Si le projet de loi est adopté, ces trois régimes d'exception cohabiteront, chacun avec son ensemble de règles non uniformes. Le consommateur ne s'y retrouvera pas et finira par faire ce qu'il veut, de toute façon, car il n'y aura aucun moyen pour les ayants droit de s'assurer de la légalité des reproductions faites dans le secret des foyers. L'aspect compliqué des exceptions ainsi que l'absence de logique dans les modifications proposées vont à l'encontre d'au moins un des principes énoncés dans le préambule du projet de loi , soit celui qui dit que la loi devrait contenir des « règles claires, prévisibles et équitables. »
Il n'y a aucune justification logique à cette distinction entre les diverses copies faites par le consommateur pour son usage personnel. Une copie, qu'elle soit faite sur un CD vierge ou sur un enregistreur audionumérique, demeure une copie, et les ayants droit devraient pouvoir recevoir des redevances pour l'utilisation de leur travail, et ce, indépendamment du support utilisé. Par ailleurs, Artisti est d'avis que les nouvelles exceptions proposées ne passeraient pas le test des trois étapes contenu dans les traités internationaux desquels est partie prenante le Canada.
La deuxième préoccupation d'Artisti a trait à l'exception pour les reproductions faites par les radiodiffuseurs. Le projet de loi prévoit de supprimer le paragraphe 30.9(6) de la version actuelle de la loi. Or la suppression de cette disposition semble indiquer une intention d'éliminer l'obligation actuelle des radiodiffuseurs de payer des redevances pour les reproductions effectuées à des fins de radiodiffusion. Il va sans dire que cette mesure priverait les membres d'Artisti d'une source de revenus, puisque les radiodiffuseurs sont présentement tenus de leur payer des redevances pour la reproduction de leurs prestations.
Finalement, la troisième préoccupation d'Artisti a trait à une exemption qui se trouve à l'article 68.1 de la Loi sur le droit d'auteur. Lors de la réforme de 1997, le législateur a introduit un droit à rémunération équitable obligeant les radiodiffuseurs à verser des redevances pour l'utilisation qu'ils font de la musique en la diffusant sur leurs ondes. Or il y a présentement, à l'article 68.1 de la loi, une exemption qui permet aux radiodiffuseurs de se soustraire à l'obligation de verser ces redevances sur le premier 1,25 million de dollars de leurs recettes publicitaires annuelles.
Cette situation est totalement injuste, puisqu'elle vise uniquement les redevances destinées aux artistes interprètes et producteurs d'enregistrements sonores, alors que les redevances versées aux auteurs et aux compositeurs ne sont frappées d'aucune telle exemption.
Il en va de même pour les propres redevances perçues par les radiodiffuseurs.
Artisti déplore que cette exemption injuste et désuète n'ait pas été éliminée de la loi, malgré ses demandes à cet égard.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Merci de nous recevoir.
La Loi sur le droit d'auteur doit être modifiée. Il n'y a aucun doute. Elle est désuète. Elle ne répond plus aux obligations internationales du Canada et n'est pas adaptée à l'univers numérique.
Cela dit, il y a plusieurs éléments dans le projet de loi qui ne respectent ni les objectifs annoncés ni les traités internationaux qu'a signés le Canada. De plus, le projet de loi C-32 va généralement à l'encontre des choix de société qui ont jadis été faits, soit celui de privilégier la gestion collective, afin d'assurer aux créateurs un droit à une rémunération pour les utilisations qui sont faites de leurs oeuvres.
Aujourd'hui, en ajoutant des exceptions sans, en contrepartie, prévoir un droit à rémunération, et en déresponsabilisant certains acteurs de la nouvelle économie au détriment des créateurs, le projet de loi va à l'encontre des orientations modernes qui avaient été prises par le Canada en matière de droit d'auteur.
Le projet de loi crée de nouvelles exceptions pour les reproductions à des fins privées. Je me limiterai à aborder la possibilité, pour les usagers, de faire une reproduction pour regarder une émission en différé, à des fins privées. Le problème avec cette nouvelle exception est que ses conditions d'application sont nombreuses et ne pourront être vérifiées aisément. Comment, en effet, un ayant droit pourrait-il savoir si l'usager n'a conservé la copie que le temps nécessaire pour regarder l'émission à un moment plus opportun? D'ailleurs, que veut dire « le temps nécessaire »? Est-ce une semaine, un mois ou un an? Ce n'est pas défini.
À l'évidence, il sera impossible de vérifier si on a satisfait aux conditions de l'exception. Donc, les ayants droit ne pourront exercer aucun contrôle sur les copies faites par les usagers et, dans les faits, le consommateur finira par faire ce qu'il veut.
Or, le projet de loi ne prévoit aucune compensation pour les ayants droit dont les oeuvres, prestations et enregistrements sonores sont ainsi reproduits. Pourtant, il aurait été possible, à l'instar de la France, d'élargir le régime de la copie privée pour y inclure l'audiovisuel.
Un autre écueil du projet de loi concerne la question des mesures techniques de protection et des recours offerts aux ayants droit. Le projet de loi C-32 propose des dispositions interdisant le contournement des mesures techniques de protection.
Or cette possibilité pour les ayants droits de mettre en place ces mesures est bien théorique, dans le cas des artistes interprètes, car ce ne sont pas eux qui mettent à la disposition du public les supports incorporant leurs prestations.
J'aimerais d'ailleurs souligner que pratiquement toutes les oeuvres qui ont été produites à ce jour sont dépourvues de tels mécanismes ou serrures. Or presque toutes les oeuvres circulent sur Internet par l'intermédiaire des réseaux illégaux de téléchargement. Cela veut donc dire qu'on ne pourra jamais protéger ces oeuvres qui jouissent pourtant d'une immense popularité.
Par ailleurs, le projet de loi est loin de créer les incitatifs nécessaires à ce que les recours à ces MTP soient efficaces au Canada. En effet, la plupart des ayants droit n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites pour espérer récolter les montants dérisoires prévues dans le projet de loi C-32.
Un autre sujet abordé par le projet de loi est celui des fournisseurs de services Internet et de leurs obligations au regard des violations du droit d'auteur. Les modifications proposées prévoient un système « avis et avis » plutôt qu'un d'un système « avis et retrait » qui obligerait le fournisseur du service de retirer le matériel en violation du droit d'auteur, comme aux États-Unis, par exemple.
La création d'une telle obligation aurait eu le mérite de donner aux ayants droit de vrais moyens de faire cesser les violations, et ce, rapidement, limitant ainsi les dommages économiques causés. Les fournisseurs de services Internet sont déresponsabilisés quant aux violations du droit d'auteur ayant lieu sur leurs réseaux, alors qu'ils en bénéficient largement.
Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi introduit de nouveaux droits pour les artistes interprètes. Bien que l'UDA approuve ces ajouts, elle déplore qu'ils ne s'appliquent que dans les cas où la prestation est fixée au moyen d'un enregistrement sonore.
Donc, les artistes interprètes dont la prestation est fixée sur un support comportant du visuel, comme les DVD musicaux et les fichiers numériques contenant des vidéoclips, ne bénéficient ni du droit exclusif de reproduction ni des autres droits créés par le projet de loi . Cette distinction est injuste et n'a pas sa raison d'être.
Par ailleurs, relativement à ces nouveaux droits, le législateur aurait dû s'assurer que les droits qui seront accordés pour une première fois aux artistes interprètes pourront leur profiter réellement en prévoyant que ces droits ne pourraient être cédés avant même d'être créés par la loi.
L'utilité d'une telle disposition transitoire n'est pas théorique. Il existe, dans l'industrie, des pratiques par lesquelles les producteurs demandent aux artistes interprètes de céder tous leurs droits d'auteur sur leurs prestations.
Enfin, le projet de loi octroie aux artistes interprètes des droits moraux, ce dont se réjouit l'UDA. Cependant, nous remarquons que le droit moral n'est reconnu à un artiste interprète que lorsque sa prestation est exécutée en direct et lorsqu'elle a été fixée au moyen d'un enregistrement sonore.
Il s'ensuit que l'artiste dont la prestation est intégrée dans une oeuvre audiovisuelle ou cinématographique ne bénéficiera pas d'un droit moral sur cette prestation.
L'UDA note que le projet de loi prévoit que l'artiste interprète puisse être amené à renoncer à l'existence de son droit moral, ce qui pose un sérieux problème au regard du droit civil québécois.
En conclusion, je vous dirai que, à moins qu'il ne subisse d'importants amendements, le projet de loi devrait être abandonné. Alors qu'il prétend être moderne et favorable aux créateurs, dans les faits, il favorise les utilisateurs et les entreprises qui bénéficient du travail de ceux-ci.
Merci.
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C'est une solution théorique, car développer un logiciel en vue d'installer une serrure numérique, ça coûte de l'argent. Ce ne sont pas de gros producteurs. L'artiste interprète, dans ce cas, n'est pas nécessairement toujours le producteur. L'artiste interprète n'a pas les moyens de le faire, à la différence du producteur qui, lui, en aurait les moyens.
Par ailleurs, vous savez que les grands producteurs d'enregistrements sonores, les « majors », ont abandonné le modèle de la serrure numérique. J'aimerais simplement souligner que pour chaque serrure numérique il existe une clé. À partir du moment où il existe une clé, les créateurs peuvent permettre la copie, qui va être diffusée sur Internet.
La solution est donc, dans le domaine du droit d'auteur en général et même dans le secteur du livre, de donner l'accessibilité aux oeuvres. C'est la solution qui a été choisie. En contrepartie, il s'agit de prévoir un droit à la rémunération, ce qui, d'une part, permet l'accessibilité aux oeuvres et qui, d'autre part, permet aux créateurs d'être rémunérés.
La voie de la serrure numérique est donc pour nous une voie en cul-de-sac à laquelle même ont renoncé les « majors ». Je vous renvoie à l'exemple de iTunes ou de Sony qui ont décidé de retirer les serrures numériques de leurs CD ou téléchargements pour permettre une plus large diffusion, en réponse à la non-satisfaction des consommateurs.
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Il est excessivement affaibli.
Le droit de propriété est toujours échangé contre une rémunération. Un modèle auquel on peut penser et qui respecte précisément ça, c'est celui de la licence globale. Dans certains pays, on va de plus en plus vers ce modèle par lequel on donne l'accès et, en échange, une rémunération est versée aux sociétés de gestion.
C'est donc tout à fait pensable. Comme je le disais tantôt, je n'ai pas encore vu d'étude qui démontre que les citoyens, les consommateurs, ont accès à moins d'oeuvres. Je dirais que ce qu'on constate, bien au contraire, c'est que les auteurs ont moins de revenus.
À mon avis, la Loi sur le droit d'auteur n'est pas une loi dans laquelle tout le monde va trouver son compte. C'est une loi axée d'abord sur le principe de la propriété de l'auteur.
D'abord, bonjour tout le monde.
Bonjour, monsieur Azzaria. Je voulais répondre à une des questions que vous vous posiez à la fin de votre présentation. Ensuite, je poserai des questions à mes amis de l'UDA.
Vous vous demandez pourquoi le gouvernement n'a pas mis le droit de suite dans son projet de loi . C'est parce que, comme vous l'avez remarqué, tous les revenus des artistes leur sont retirés dans le projet de loi C-32.
Pour le gouvernement, c'est une situation de perdant-perdant-perdant. Il n'a aucun respect pour les artistes. D'ailleurs, on a vu tout à l'heure de quelle manière M. Del Mastro a abordé Mme Atwood.
De plus, avec ce projet de loi, le gouvernement appauvrit les artistes et la culture; il met une principale barrière pour empêcher de moderniser la Loi sur le droit d'auteur; il s'empêche de combattre le téléchargement illégal et en plus, il ne respecte pas les traités internationaux.
Une telle situation de perdant-perdant-perdant est incompréhensible. Le projet de loi enlève aux artistes tous leurs revenus et ne leur en donne aucun autre.
Monsieur Legault et madame Morin, bienvenue. Je conservais une question pour vous depuis un certain temps.
Le , James Moore, a souvent dit que le projet de loi répondait à quatre des six préoccupations de l'UDA et d'Artisti. Maintenant que vous êtes réunis, vous allez pouvoir me répondre.
Est-ce vrai? Et quelles sont ces préoccupations?
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Il y a eu beaucoup de révolutions technologiques dans l'histoire. Les universités ont fait toutes sortes d'études sur Gutenberg, Thomas Edison et Henry Ford. Je crois qu'il faudrait ajouter Karlheinz Brandenburg à cette liste.
Karlheinz Brandenburg a perfectionné le MP3. Il a pris des fichiers audio analogiques et, grâce à des taux très élevés de compression et un débit binaire très bas, il a détruit l'une des plus grosses industries du divertissement de l'histoire, sans le vouloir, mais le résultat est là, parce que c'était très facile à faire.
Admettons qu'un ami vienne chez moi et me dise d'écouter un de ses merveilleux CD. Je mets ce CD dans mon ordinateur et j'en fais une copie. Cela me prend 20 secondes en tout, et je lui rends le CD. Ensuite, parce que je trouve une chanson très belle, je l'envoie par courriel à ma fille, lui recommandant de l'écouter; ce qu'elle fait. Comme elle trouve aussi la chanson formidable, elle peut décider de l'envoyer à son tour à deux ou trois de ses amis.
On pourrait toujours soutenir que cela cause des pertes de revenus, ou que certaines personnes achèteraient les copies. Il est difficile de déterminer exactement ce qui se passe à ce chapitre. Il me semble qu'on a tenté à de nombreuses reprises, comme l'a fait remarquer l'industrie du disque, de faire rentrer le génie dans sa lampe magique. Les gens ont pensé qu'on ne s'intéresserait pas à la technologie, mais cela n'a pas fonctionné. Ensuite, on a décidé de poursuivre de nombreux jeunes pour leur apprendre à respecter les règles, et 35 000 poursuites plus tard, les jeunes sont passés à autre chose, et le marché ne s'en porte pas mieux pour autant.
Les conservateurs croient maintenant que s'ils font fermer le site isoHunt et qu'ils font poser des serrures numériques, cela aura un effet bénéfique sur le marché, d'une manière ou d'une autre. Je pense que c'est une croyance tout à fait naïve. Je ne veux pas dire par là que personne n'est favorable à ce que l'on veut imposer à isoHunt, mais je ne connais personne qui va sur ce site. Les copies qui se font partout au Canada, partout dans le monde, sont le résultat d'échanges entre des gens qui aiment la musique.
Je me demande quelle solution nous devrions adopter. Il me semble qu'en 1997, le Canada avait trouvé une solution, quand on enregistrait des cassettes, et c'était rien en comparaison avec les copies qui se font aujourd'hui. Les copies continueront de circuler, indépendamment d'isoHunt, des poursuites devant les tribunaux et de la fermeture de BitTorrent. Ne pensez-vous pas que nous devrions chercher à tirer des revenus, comme nous l'avons déjà fait; n'est-ce pas une question de principe pour nous assurer que les artistes retirent quelque chose des copies en circulation? N'est-ce pas cela le principe d'application de redevances sur les copies privées?
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Effectivement, une partie de la solution serait certainement d'avoir une exemption, dans ce régime de la copie privée, pour tout ce qui peut éventuellement servir à copier de la musique, pour tous les appareils qui sont créés, conçus, mis en marché pour faire des copies d'oeuvres musicales. C'est une des solutions possibles.
D'autre part, vous entrez dans un débat plus large, soit celui des échanges illégaux qui se font présentement au moyen d'Internet. Dans le cadre de leurs mémoires, l'Union des artistes et Artisti ont prôné une solution de base selon laquelle il devrait y avoir, à tout le moins, un système « avis et retrait ». Un tel système permettrait, dès qu'il y aurait indication qu'une activité illégale a cours sur Internet, de retirer le contenu, et ainsi d'éviter que les fichiers ne soient de plus en plus échangés et qu'ils ne soient accessibles à plus de gens de façon illégale. C'était une possibilité.
Nous avions également avancé un modèle, à l'époque des consultations, qui avait été élaboré en France par M. Patissier. Ce modèle prévoit le versement d'une contrepartie financière qui serait procurée par les fournisseurs de services Internet. Ces derniers se trouvent à bénéficier — peut-être involontairement — des retombées économiques importantes qui sont liées au téléchargement illégal. Qu'on le veuille ou non, avec le téléchargement illégal, il y a une très grande utilisation des bandes passantes, et grâce à ce trafic important, les fournisseurs peuvent demander des sommes toujours plus importantes pour télécharger davantage de contenu.
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Merci, monsieur le président et merci aussi à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
Professeur Azzaria, dans votre déclaration liminaire, vous avez utilisé certains termes pour qualifier le projet de loi . Par exemple, vous avez dit qu'il s'agissait d'un casse-tête juridique. Vous avez également indiqué que vous le trouviez opaque. Si je puis me permettre, je dirais que ces descriptions s'appliquent davantage à certains exposés que nous avons entendus devant ce comité, y compris ceux d'aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais obtenir des précisions, parce que vous avez tiré des conclusions générales.
Par ailleurs, toujours dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit que le projet de loi avait besoin de quelques modifications de nature administrative, mais par la suite, en réponse à une question, vous avez laissé entendre qu'au fond, il ne valait rien. Qu'en est-il vraiment?
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Je vais répondre en français.
Dans mes propos introductifs, je n'ai fait que mettre la table. On peut certainement dire que le projet de loi est confus, qu'il est opaque, comme je le disais tout à l'heure. En voici une preuve.
Quand je présente ce projet de loi à mes étudiants en droit, ils doivent mettre deux ou trois heures à comprendre ce qu'il veut dire. Ce n'est pas rien que des étudiants en droit ne comprennent pas un projet de loi fédéral. Ils sont obligés de référer à la loi, de se poser des questions, et de discuter entre eux afin d'arriver à comprendre ce qu'il peut vouloir dire. Ils finissent par se dire qu'un juge le leur expliquera peut-être un jour. Il y a là un problème. Je pourrais vous donner plusieurs autres exemples.
J'ai déjà donné l'exemple des définitions de « utilisation équitable [...] aux fins [...] d'éducation », de « leçon » et de « fins pédagogiques » qui sont dans le projet de loi et qui s'ajoutent à d'autres définitions qui existaient déjà.
Par exemple, la difficulté à comprendre ce que le paragraphe 27(2.3) proposé vise à faire constitue une preuve pour un recours. Je vous mets tous au défi d'expliquer ce que veut dire le paragraphe proposé 27(2.3). C'est une façon d'interdire aux fournisseurs d'accès à Internet de fournir des services Internet.
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Très bien. Merci. Par conséquent, le projet de loi doit subir quelques changements d'ordre administratif.
Des représentants de plusieurs organisations reconnues, des organisations nationales, sont venus témoigner devant ce comité. Ils nous ont dit qu'il fallait féliciter le gouvernement pour le travail qu'il avait accompli avec le projet de loi , qu'il est clair qu'il y a eu de vastes consultations à son sujet, que cette mesure législative n'est peut-être pas parfaite, qu'elle a besoin d'être peaufinée ici et là, mais que nous nous en sommes très bien tirés.
Nous avons reçu des représentants de la Chambre de commerce du Canada, du Conseil canadien des chefs d'entreprises, de l'Association des universités et collèges du Canada, ainsi que des représentants d'associations étudiantes et des industries phonographique et cinématographique. Tous ont dit la même chose.
Est-ce qu'ils avaient tous tort?
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J'étais là quand M. Manley est venu témoigner devant le comité. Personnellement, j'essaie d'avoir une perspective plus globale. C'est pour cela que je vous dis que, quand on regarde l'ensemble, on remarque que c'est opaque.
Certains pourraient dire qu'ils sont très contents parce qu'ils économisent 25 millions de dollars, bien sûr, mais dans l'ensemble, ce n'est peut-être pas si vrai.
Je dirais même qu'au Québec, je ne suis pas sûr que le milieu de l'éducation est si content quant aux mesures techniques de protection, par exemple. J'ai entendu beaucoup de gens de ce milieu, au Québec, dans les universités entre autres, dire que cela pose problème. En effet, on dit aux gens qu'ils ont accès à des oeuvres, qu'ils peuvent bénéficier d'exceptions, mais que s'il y a une mesure technique de protection, alors ils ne pourront plus bénéficier de cette oeuvre.
Quand on gratte un peu à la surface, on se rend compte qu'il n'y a certainement pas de consensus. Le consensus est basé sur le détail. Les gens qui applaudissent, à mon avis, ne sont là que pour des intérêts très spécifiques. Quant à moi, j'essaie de vous proposer une vision d'ensemble qui a trait aux effets que pourrait avoir cette loi.
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Professeur Azzaria, c'est un concept très intéressant...
Une voix: C'est radical.
M. Ed Fast: ... la Cour suprême du Canada n'a pas de tribunal au-dessus d'elle pour la superviser; c'est étrange d'entendre cela de la part d'un professeur de droit.
Permettez-moi de vous poser une autre question, toujours à propos de votre déclaration. Vous avez dit que le projet de loi , malgré les changements qu'il apporte, ne nous permet pas de nous conformer à nos obligations internationales. Mais du même souffle, vous dites qu'avec ce projet de loi, nous appliquons les dispositions des traités de l'OMPI.
Donc, d'un côté vous dites qu'il est non conforme, mais d'un autre, qu'il est conforme aux traités de l'OMPI. À quelle enseigne logez-vous?
Une voix: C'est opaque.
M. Ed Fast: Est-ce opaque? C'est ce que vous pensez?