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Bonjour tout le monde. Je déclare ouverte la 19
e séance du Comité législatif chargé du projet de loi .
J'aimerais remercier les membres du comité qui m'ont fait parvenir leurs condoléances à la suite du décès de ma mère. Je m'excuse de ne pas avoir pu être présent pour les dernières séances, mais je suis maintenant de retour.
Aujourd'hui, dans la première heure, nous entendrons le représentant de TELUS Communications, Craig McTaggart; la représentante de Rogers Communications Inc., Pam Dinsmore; et la représentante de Bell Canada, Suzanne Morin.
Nous débuterons par M. McTaggart. Vous avez cinq minutes. Vous pouvez y aller.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs les députés. Je m'appelle Craig McTaggart et je suis directeur de la Politique de large bande de la Société TELUS Communications.
Je vous remercie de me donner l’occasion d’exposer le point de vue de TELUS au sujet du projet de loi . Le projet de loi C-32 vise à réformer le régime canadien du droit d’auteur en fonction des réalités de l’ère numérique. TELUS le juge à la fois solide et équilibré.
J’aimerais, dans mon exposé, mettre l’accent sur la décision rendue en 2004 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire SOCAN c. ACFI, relative au tarif 22. Cette décision a édicté les principes juridiques de la responsabilité des intermédiaires, que le projet de loi entend enfin codifier pour les intégrer à la loi. Si je souhaite attirer votre attention sur cette décision et sur les principes édictés par celle-ci, c’est qu’ils mettent en lumière la distinction fondamentale qui existe entre les intermédiaires neutres et passifs, qui ne sont pas légalement responsables de ce que font leurs utilisateurs en ligne, et les intermédiaires dits « destructeurs de richesse », qui rendent activement possible la violation massive en ligne du droit d’auteur.
D'entrée de jeu, j'aimerais être clair: TELUS reconnaît que le piratage informatique est un problème, et elle encourage le législateur à doter les titulaires de droits d’outils efficaces qui leur permettent de poursuivre directement ceux qui rendent activement possible ce piratage. J’insiste sur l’adverbe « directement », parce que, contrairement à l’approche que proposent certains titulaires de droits, il ne s’agit pas de faire porter aux tierces parties, comme les FSI, la responsabilité d’engager de telles poursuites. Le projet de loi restreint fort judicieusement le rôle des FSI au fait d’aider les titulaires de droits à faire valoir leurs droits: si un titulaire prétend que ses droits ont été enfreints en ligne par un internaute client d’un FSI donné, ce dernier doit simplement aviser l’internaute en question de cette allégation et conserver les preuves utiles à d'éventuelles poursuites judiciaires.
Pour bien apprécier la justesse de ce régime, il faut se reporter à la définition formulée en 2004 par la Cour suprême du Canada concernant l’étendue de la responsabilité des FSI au sujet de ce qui se passe sur Internet. Dans sa décision relative au tarif 22, la Cour suprême a en effet affirmé que les FSI ne « communiquent » pas d’oeuvres protégées, pas plus qu’ils n’« autorisent » leurs clients à communiquer de telles oeuvres sur Internet. Voilà comment la Cour suprême a interprété l'alinéa 2.4(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, selon lequel les personnes qui ne font que fournir à un tiers les moyens de télécommunications nécessaires pour communiquer une oeuvre ne la communiquent pas elles-mêmes, et elles ne sont nullement des acteurs de cette communication. C’est, au contraire, la personne qui publie en fait sur Internet une oeuvre protégée par le droit d’auteur qui communique cette oeuvre.
La Cour suprême a formulé en ces termes le principe applicable: « L’intermédiaire Internet qui ne se livre pas à une activité touchant au contenu de la communication, » — c'est-à-dire dont la participation n’a aucune incidence sur celui-ci — « mais qui se contente d’être “un agent” permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l’application de l’al. 2.4(1)b) », soit l'exonération de responsabilité normale des fournisseurs de services de télécommunications.
La Cour suprême a soutenu que les fournisseurs d’accès Internet et les hébergeurs ne sont, en temps normal, ni des utilisateurs d’oeuvres protégées, ni responsables des utilisations faites par leurs clients. Elle a en outre précisé que les FSI, à l’instar des compagnies de téléphone, ignorent ce que font leurs clients sur Internet et ne sont pas en position de contrôler leurs agissements. D’ailleurs, personne ne souhaite que nous le fassions.
La Cour suprême a poursuivi en disant que ce qui caractérise entre autres un tel « agent », « c’est l’ignorance du contenu attentatoire et l’impossibilité (tant sur le plan technique que financier) de surveiller la quantité énorme, voire prodigieuse, de fichiers circulant sur l’Internet ». Nous étions alors en 2004.
Depuis, le trafic Internet a poursuivi sa croissance à un rythme composé d’environ 45 p. 100 par année. Dans son jugement, la Cour suprême a reconnu le bien-fondé de la politique consistant à écarter la responsabilité des intermédiaires qui n’ont pas d’incidence sur le contenu:
« Quoi qu'il en soit, en adoptant l’al. 2.4(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, le législateur a fait une distinction de principe entre ceux qui abusent de l’Internet pour se procurer de la musique à peu de frais et ceux qui font partie de l’infrastructure Internet comme telle. Il est évident que le législateur n’a pas voulu que les intermédiaires Internet, dont l’expansion et le développement constants sont tenus pour essentiels à la croissance économique nationale, fassent les frais des différends qui opposent les créateurs et les utilisateurs relativement à l’application du droit d’auteur. »
Tels sont les principes qui sous-tendent les dispositions du projet de loi , et de ses prédécesseurs, concernant plus précisément les FSI. Ces principes demeurent valables aujourd’hui.
Ce qui a changé depuis 2004, c’est que nous sommes désormais sensibilisés à la nécessité de doter les titulaires de droits d'outils supplémentaires qui leur permettent de faire valoir leurs droits plus facilement à l’encontre de « ceux qui abusent de l’Internet », pour reprendre les termes de la Cour suprême.
TELUS est prête à soutenir des amendements au projet de loi qui doteraient les titulaires de droits d’outils plus puissants à l’encontre de ceux qui rendent activement possible la violation de leurs droits. Elle est également disposée à soutenir des amendements qui empêcheraient les délinquants de profiter des exonérations de responsabilité destinées à ne protéger que ceux qui se conforment à la loi.
Comme les autres grands FSI du Canada, TELUS adopte volontairement depuis neuf ans un régime d'avis et avis. La décision d’officialiser ce type de régime revient à reconnaître une réalité juridique: les FSI ne peuvent être contraints de décider si un contenu hébergé doit être retiré ou pas ou si, en cas de partage de fichiers, ils doivent ou non sanctionner leurs clients sur la seule base d'une allégation d'un titulaire de droits. En vertu des principes juridiques canadiens, seul un tribunal peut déterminer si une loi a ou non été enfreinte.
Je m'arrêterai là.
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Merci, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Pam Dinsmore et je suis vice-présidente de la Réglementation à Rogers Communications Inc. Je vous remercie de nous avoir accordé cette occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi .
Rogers est une société canadienne offrant divers services de communications et de média, dont le sans-fil, la câblodistribution, l’accès Internet haute vitesse, la radiodiffusion, la télédiffusion, et la production d'émissions. De plus, nous publions aussi des magazines parmi les plus reconnus au pays tels que Chatelaine et Châtelaine, L'actualité et le MacLean's, et nous avons étendu ces marques traditionnelles en ligne grâce aux médias numériques. À ce titre, nous appuyons une loi sur le droit d'auteur qui adopte une approche équilibrée au sujet des intérêts des titulaires de droits d'auteur et de ceux des utilisateurs, une approche qui favorise au maximum l’expansion des services numériques et la croissance des investissements par l’innovation.
Nous estimons que le projet de loi contribue considérablement à l’établissement de cet équilibre, et nous appuyons son adoption en temps opportun. Cependant, nous croyons que ce projet de loi gagnerait à être modifié afin d'y apporter davantage de clarté et de certitude — tant pour les utilisateurs que pour les titulaires — surtout en ce qui a trait aux dispositions concernant les exceptions pour le visionnement en différé et les services d'hébergement de contenu, et le régime d'avis et avis.
Premièrement, nous sommes heureux que le projet de loi légalise l’enregistrement d'émissions de télévision pour visionnement en différé et rende légitime l’utilisation des enregistreurs vidéo personnels, les EVP. Un EVP est un terminal que nos clients peuvent louer ou acheter et qu'ils branchent à leurs téléviseurs. Les EVP permettent à nos clients d'enregistrer des émissions avec ce téléviseur pour les regarder au moment qui leur convient. II s'agit d'un service qui s'est avéré très populaire chez nos clients qui regardent beaucoup d'émissions télévisées, mais qui souhaitent les visionner quand bon leur semble.
Par ailleurs, nous sommes heureux que ce projet de loi élimine les obstacles à l’introduction de technologies novatrices telles que le service d'enregistreur vidéo personnel en réseau, le service d'EVP en réseau. Ce service fonctionnera de la même façon qu'un EVP sauf qu'il permettra d'effectuer la sauvegarde à distance, dans des serveurs se trouvant dans nos têtes de ligne, du contenu enregistré pour visionnement ultérieur par nos clients plutôt que de le sauvegarder dans le terminal. Étant donné qu'un service d'EVP en réseau peut sauvegarder des émissions à partir de n'importe quel téléviseur du client, cela évitera à ce dernier d'avoir à louer ou à acheter un EVP par téléviseur. Cela nous permettra aussi d'améliorer sans interruption le service d'EVP en réseau de nos clients sans qu'ils aient à louer ou à acheter de l’équipement neuf. Pour les clients, il est évident que le service d'EVP en réseau, par rapport aux terminaux EVP, est une option plus efficace sur le plan technique et un moyen plus écologique de profiter des avantages du visionnement en différé.
Le service d'EVP en réseau est bien plus qu'un concept. II a été lancé par Cablevision, aux États-Unis, à la fin de l’année dernière après qu'une décision rendue par une Cour d’appel américaine a statué que le concept était licite en vertu de la loi américaine sur le droit d'auteur. Ainsi, les clients de Cablevision peuvent déjà utiliser leurs téléviseurs à domicile pour enregistrer des émissions aux fins de visionnement en différé sans avoir à acheter ou à louer un EVP. À la suite du lancement de son service d'EVP en réseau, Cablevision a annoncé qu'elle cesserait d'acheter des terminaux d'EVP pour les louer à ses clients.
Rogers souhaite ardemment offrir à ses clients les mêmes avantages qu'offre le service d'EVP en réseau aux abonnés de Cablevision. Par conséquent, nous appuyons de tout coeur l’approche neutre sur le plan technologique en ce qui concerne les exceptions du projet de loi en matière de visionnement en différé et d'hébergement. Le gouvernement a bien fait comprendre cette approche lorsqu'il a présenté ce projet de loi, tout comme l’a fait le ministre de l’Industrie, Tony Clement, lors de sa comparution devant ce comité. Cependant, il y a des améliorations d'ordre technique que nous pourrions apporter au texte de ce projet de loi pour nous assurer de respecter la politique proposée par le gouvernement visant à éliminer les barrières à la mise au point de services informatiques en nuage et d'autres services de sauvegarde à distance comme le système d’EVP en réseau. Nous appuyons, à cet égard, les modifications proposées par la BCBC en ce qui concerne les exceptions pour le visionnement en différé et l’hébergement.
Deuxièmement, nous appuyons les dispositions de ce projet de loi concernant le régime d'avis et avis. Ces dispositions imposeraient à tous les FSI l’obligation de mettre en oeuvre ce type de régime. Rogers a adopté cette pratique volontairement il y a plus d'une décennie pour combattre le cyberpiratage. Étant donné que notre clientèle régulière s'élargit et que les titulaires de droits connaissent de mieux en mieux le régime, le nombre d'avis que nous traitons a augmenté d'année en année. D'ailleurs, nous avons traité plus de 207 000 avis en 2010. Nous estimons qu'un régime d'avis et avis est le moyen idéal et le plus juste pour informer les gens qu'ils sont accusés de partage illégal de fichiers poste à poste, tout en reconnaissant que les FSI ne devraient pas indûment gêner les activités en ligne de leurs clients. Tout en reconnaissant que ce régime n'est pas parfait, nous estimons qu'il sert d'élément dissuasif pour d'éventuels récidivistes. Le fait que certains pays européens commencent à envisager le régime d'avis et avis comme réponse valable au partage illégal de fichiers, et le fait que certains FSI américains ont conclu des ententes d'avis et avis avec les titulaires de droits démontrent que les FSI canadiens ont, depuis de nombreuses années, pris les devants dans la lutte contre le piratage sur Internet.
La BCBC a proposé des modifications visant à s'assurer que l’obligation de livrer des avis et de conserver des données, et la possibilité de récupérer les coûts pour le faire, entre en vigueur en même temps. II s'agit de s'assurer que les FSI disposent d'un délai suffisant pour élaborer et mettre en oeuvre les systèmes qu'il faut pour se conformer à ces exigences...
Je m'appelle Suzanne Morin. Je suis chef adjointe du service juridique, Droit et réglementation, à Bell Canada. Merci de votre invitation à témoigner ce matin.
Bell Canada est membre de la BCBC, la Business Coalition for Balanced Copyright. Nous appuyons donc son témoignage fait devant votre comité et son mémoire déposé.
J'ai écouté les commentaires de mes collègues ce matin, et je suis d'accord avec eux. Pour gagner du temps, je n'ajouterai rien. Ainsi, nous pourrons directement passer aux questions.
[Français]
Nous sommes prêts pour vos questions, et nous espérons avoir avec vous un dialogue productif sur le projet de loi C-32.
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Merci, monsieur le président.
Je suis vraiment ravi de votre présence ce matin, car je pose des questions sur la responsabilité des FSI depuis longtemps, mais il est clair que c'est à vous que je dois les poser. J'ai écouté très attentivement ce que vous aviez à dire. La question qui a... et vous avez parlé de jugements qui ont été rendus à cet égard dans le passé. Bien entendu, nous sommes ici pour rédiger des mesures législatives sur le droit d'auteur, et il nous faut peut-être examiner la question sous un autre angle.
J'ai des questions à vous poser au sujet du régime d'avis et avis, car d'après ce que je comprends, c'est une démarche que vous appuyez tous les trois, et vous êtes vraiment prêts à ce qu'on rende sa mise en oeuvre obligatoire. Toutefois, je crois que déjà, vous... madame Morin, n'envoyez-vous pas des avis de façon volontaire sans le dire?
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J'aimerais vous dire comment les choses se passent chez Rogers. En fait, nous pouvons savoir le nombre d'avis qu'a reçu un ménage. Ce que nous ne pouvons pas savoir, c'est le nombre d'avis de Sony qu'un ménage a reçu. Pour ce qui est du traitement et de l'envoi d'un avis, nous avons vraiment beaucoup de données.
Permettez-moi de mettre les choses en perspective. Par exemple, chez Rogers, parmi les 1,5 million de clients du service Internet, environ 5 p. 100 reçoivent un avis. Comme je l'ai dit, en 2010, nous avons traité 207 000 avis.
Si je suis l'évolution de ce groupe, des 5 p. 100 de notre clientèle qui reçoit un avis, c'est-à-dire environ 70 000 clients, le nombre de ménages qui recevront un deuxième avis est d'environ, je ne sais pas, 20 000. Donc, près d'un tiers de ceux qui ont reçu un premier avis en recevront un deuxième.
Ensuite, un tiers d'entre eux recevront un troisième avis.
Donc, en cours de route, le nombre d'avis diminue conformément au nombre de fois qu'on en envoie à un ménage.
À notre avis, le régime d'avis et avis est efficace pour dissuader les gens qui sont soupçonnés d'avoir violé le droit d'auteur — seulement soupçonnés — de le refaire. Nous pensons que les avis effraient les gens et qu'ils sont efficaces en ce sens.
C'est ce qui ressort des renseignements que nous sommes capables d'obtenir.
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Chez Bell, nous nous situons quelque part entre les deux, ou je devrais peut-être dire que nous nous situons à l'opposé de TELUS.
Lorsque nous avons débuté le régime volontaire d'avis et avis il y a environ 10 ans, nous recevions une poignée d'avis par mois de la part de propriétaires de contenu. Nous avions un processus manuel. Nous en avons toujours un. L'an dernier, nous avons reçu plus de un million d'avis. Je peux vous dire que nous ne sommes pas capables de tous les traiter. Il nous faudrait remplir tout un étage de personnes pour pouvoir le faire. Nous n'avons pas automatisé le système, car nous attendons de voir ce que les mesures législatives nous fourniront.
Soit dit en passant, comme Telus, lorsque nous avons commencé il y a 10 ans, il n'était pas question de partage de fichier, mais de contenu affiché quelque part sur un babillard électronique ou sur une page Web personnelle, et nous avons remarqué que les gens retiraient le contenu de façon volontaire. Pour nous, dès le début, c'était un signe que, de façon générale, les clients ou leurs parents ou leur conjoint donnaient suite aux avis qui étaient envoyés chez eux. Donc, même si je ne suis pas en mesure de fournir des renseignements aussi précis que ceux de Rogers, de façon générale, nous avons remarqué la même tendance.
L'une des choses que nous avons remarquées, c'est l'augmentation du nombre d'avis. Nous pensons que différentes raisons expliquent cette augmentation. L'une d'elles, c'est que la bande passante est plus rapide et plus accessible. Nous recevons maintenant des avis du Japon, de l'Europe. Un plus grand nombre de gens envoient des avis. Les éditeurs de livres en envoient. Le Canada est devenu en quelque sorte l'endroit où l'on envoie des avis sur le droit d'auteur.
Encore une fois, nous pensons que c'est un régime efficace. À notre avis, il sensibilise les gens. Toutefois, au bout du compte, il manque encore quelque chose. Nous attendons que le projet de loi soit adopté pour que les utilisateurs sachent précisément que le téléchargement illégal n'est pas toléré au Canada.
Effectivement, chez Bell — j'imagine que c'est aussi le cas de mes collègues —, nous appuyons les articles dans le projet de loi C-32 qui vont rendre les choses plus faciles. En anglais, on les appelle « enablers ». Nous appuyons ces articles.
Cependant, nous entendons que certains croient que ce devrait être un peu plus serré, un peu plus facile de pouvoir prouver ça. Nous n'avons peut-être pas un langage explicite, mais nous appuyons ces changements.
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Pour M. McTaggart, c'est la même chose aussi.
Pour continuer sur le même sujet, plusieurs disent que le jour où on va adopter un projet de loi — je pense que ce ne sera pas le projet de loi — qui va combattre le piratage et les sites Internet de piratage, les pirates, c'est-à-dire les propriétaires de ces sites, vont installer leurs sites dans des pays étrangers.
Croyez-vous qu'il soit possible que les tribunaux canadiens accordent des injonctions? Est-ce possible qu'une loi sur le droit d'auteur puisse permettre des injonctions qui exigeraient que les fournisseurs de réseaux bloquent certains sites pirates étrangers? Est-ce possible, réaliste?
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Dans un certain nombre de secteurs liés au contenu sur Internet, les organismes d’application de la loi poursuivent déjà activement les gens qui rendent le contenu accessible. Je crois comprendre que dans ces secteurs, le contenu est déplacé rapidement. Pour les gens astucieux qui ont l’intention de contourner un système de blocage, il existe des moyens de le faire.
Je le répète, il est très difficile pour un FSI de le faire. Il existe une technique qu’on appelle la pollution de DNS qui consiste simplement à retirer l’adresse des tables du système de nom de domaine. Le problème, c’est que c’est aussi facile que de changer le nom de domaine pour le faire réapparaître. Encore une fois, les gens qui font ce type de choses savent très bien comment s’y prendre.
Une autre façon de procéder consiste à bloquer des adresses IP, mais souvent, cette mesure entraîne des conséquences imprévues, car les sites Web ne constituent pas le seul résident d’une adresse IP. Bien souvent, le fait de bloquer une adresse causera des dommages indirects à d’autres contenus sur Internet. On se retrouve alors dans une situation où il y a un trop grand blocage de contenu, ce qu’on ne considère pas souhaitable en général, encore une fois.
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Avez-vous quelque chose à ajouter à ce sujet, mesdames? Non.
Je reviens sur le système d'avis et avis.
Sauf erreur, madame Morin, vous avez dit plus tôt que, l'année passée, vous avez reçu un million d'avis et que vous n'avez pas été capable de les traiter tous. Selon le projet de loi , tel qu'il est écrit actuellement, vous aurez davantage d'avis.
Avez-vous prévu une solution pour embaucher les gens qu'il faut pour traiter le million d'avis, dont l'augmentation sera sans doute exponentielle dans les prochaines années?
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En effet, s'il la loi comporte des obligations, c'est certain qu'on va les respecter et faire les changements techniques nécessaires. Cela dit, il n'y aura pas nécessairement plus d'avis.
On constate qu'aujourd'hui il n'y a aucune discipline dans le marché en ce qui a trait aux envois des avis. Il n'y a aucun règlement pour le format, le contenu de l'avis, la façon de nous le livrer ni pour l'adresse de livraison — parce que ça vient d'un peu partout.
Alors, on s'attend vraiment à ce que la loi nous aide à insuffler une discipline dans le marché. On pourra, premièrement, recevoir quelque chose de façon constante, c'est-à-dire faire le bon lock-up avec notre usager. On pourra aussi confirmer auprès des plaignants que nous avons envoyé leur avis, ce qui est une autre obligation.
Alors, oui, les avis augmentent. Toutefois, la loi va insuffler une discipline. Les fournisseurs et les ayants droit vont travailler ensemble avec le gouvernement pour établir quelles seront les règles pour recevoir les avis. Le traitement d'un avis envoyé à notre entreprise ou ailleurs n'est pas toujours le même.
Malheureusement, c'est le troisième projet de loi. On attend vraiment d'avoir un projet de loi pour qu'on puisse établir ces règles pour le marché.
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Merci, monsieur le président et, en passant, bon retour.
Le régime d’avis et avis et le régime d’avis et retrait; la voie que nous allons suivre en ce qui a trait au droit d’auteur est une question très sérieuse. Notre comité tente de trouver un équilibre pour éviter les conséquences imprévues. Nous nous penchons sur le cas des États-Unis, qui ont établi un régime d’avis et retrait. À première vue, ce régime semble une solution très directe et sensée. On a un problème, on retire tout. Toutefois, nous avons vu beaucoup de problèmes liés à l’utilisation de ce régime aux États-Unis. À bien des égards, il va trop loin pour ce qui est du droit d’auteur et de toutes sortes de mesures anticoncurrentielles qui peuvent être utilisées.
Nous comptons sur les FSI pour nous rassurer quant à l’idée que le régime d’avis et avis est une solution sensée. Des gens veulent pouvoir vous poursuivre en justice; vous le savez. La responsabilité des FSI — nous connaissons des groupes qui entameront probablement encore des poursuites en raison de la décision qui a été rendue dans l’affaire SOCAN.
Je remarque une certaine divergence. Madame Dinsmore, vous dites que vous avez pris les devants, et je regarde ce que Rogers fait. Vous nous donnez des renseignements et nous pouvons dire qu’ils sont quantifiables; nous pouvons les utiliser.
Madame Morin, vous avez dit que votre équipe et vous attendez et que vous avez un processus manuel.
Monsieur McTaggart, vous n’êtes pas en mesure de nous dire si vous avez envoyé un avis ou une centaine.
Je crois que c’est très problématique. Il faut que les FSI nous donnent un certain degré de certitude. Madame Dinsmore, toutes mes félicitations à Rogers. Je ne peux pas comprendre toutefois que chez Bell, à une époque où vous dites recevoir un million d’avis, vous procédiez encore manuellement, comme à l'époque où les filles portaient des patins à roulettes. Nous avons besoin d’un certain degré de certitude pour adopter une mesure législative, car ces questions seront amenées devant les tribunaux et il y aura des critères. Si nous ne pouvons pas dire avec certitude que le régime d’avis et avis est efficace, les détenteurs de droits vont certainement envisager de revenir à la charge.
Quelles garanties allez-vous nous donner? Allez-vous attendre que le projet de loi soit adopté avant d’agir, ou allons-nous continuer dans cette voie?
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Depuis plus de 10 ans, nous recevons et traitons gratuitement, et de façon volontaire, tous les avis que nous pouvons en fonction de nos systèmes. Certains ont été automatisés, d’autres non. À l’origine, ils étaient tous traités. Cependant, des discussions avaient lieu également avec le FSI et le propriétaire de contenu.
Nous avions l’habitude de demander la permission du propriétaire du contenu pour faire savoir à nos utilisateurs que la demande venait de lui. Avant de divulguer son nom et les renseignements à son sujet, nous voulions nous assurer que le propriétaire convenait que nous communiquions les renseignements.
Nous avons commencé par une dizaine d'avis par mois et le nombre a explosé. Entre-temps, il y a eu trois projets de loi. Nous en sommes au troisième projet de loi sur le droit d’auteur et nous n’étions pas certains de savoir exactement en quoi consisteraient les règles.
Le projet de loi C-32 contient de nouvelles obligations que nous continuons à appuyer, mais auxquelles nous ne nous conformons pas aujourd’hui, et on ne nous a jamais demandé de le faire: par exemple, confirmer au propriétaire de contenu que nous avons transmis l’avis; conserver les données sur le client — ce n’est pas quelque chose que nous faisons aujourd’hui et qui a fait l’objet de négociations avec le propriétaire.
En raison de la façon dont les choses ont évolué, de l’attente d’un projet de loi, de l’attente que l’industrie… nous n’avons pas été en mesure d’expliquer à l’industrie du contenu la façon dont les avis doivent nous être envoyés.
Je veux poser une question sur le nouveau procédé américain utilisé par le U.S. Copyright Group. Avez-vous suivi ces poursuites judiciaires des particuliers? Au mois de mars, cet organisme a intenté 20 000 poursuites, je crois, et il y en aura 30 000 de plus. On a envoyé des avis de poursuites aux adresses IP auxquelles on avait transmis des avis concernant le téléchargement d'un film. L'organisme demande aux FSI des États-Unis de participer à ces poursuites massives.
Vos services juridiques se sont-ils penchés sur les possibles répercussions au Canada et sur votre marche à suivre? À votre avis, quelle serait votre réaction par rapport à l'envoi massif d'avis de poursuites judiciaires aux adresses IP? Examinez-vous cela d'un point de vue juridique, du point de vue de la confidentialité, du point de vue des clients et du point de vue des titulaires des droits d'auteur?
Et merci aux témoins d'aujourd'hui.
Je vous remercie d'avoir tous les trois indiqué que vous appuyez l'adoption rapide du projet de loi . Je pense que c'est important.
Je crois que vous fournissez tous un service essentiel aux entreprises et aux ménages partout au pays. En l'occurrence, votre témoignage au comité est très important. J'ai quelques questions, et j'y arrive.
Madame Dinsmore, dans votre exposé, vous avez parlé des PVR en réseau, en particulier. Cela m’intéresse parce que le libellé du projet de loi est intentionnellement neutre sur le plan technologique. Je suis favorable aux PVR. Je pense que c’est une idée formidable qui permet de réduire le gaspillage et aussi d’offrir plus de choix au consommateur. Cela permet aussi aux réseaux de télévision d’augmenter leurs revenus. Si j’ai bien compris, on peut changer la publicité, notamment; cela représente des revenus de publicité.
Pourquoi vous êtes-vous attardée sur cette technologie en particulier? Y a-t-il quelque chose dans le projet de loi qui empêcherait son utilisation?
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D’accord, très bien; merci.
Nous avons entendu les témoignages de représentants des industries du disque, du cinéma et du logiciel de divertissement, qui sont toutes bien implantées au Canada. Ce sont des industries très importantes dont les revenus se comptent en milliards de dollars. Des dizaines de milliers d'emplois ont été supprimés. La chambre de commerce nous en a aussi parlé, tout comme le Conseil canadien des chefs d'entreprise. De toute évidence, il est important que nous agissions et que nous allions de l'avant avec le projet de loi.
Toutefois, nous nous sommes enlisés dans deux ou trois débats qui ont ralenti notre progression. Plus précisément, l'une de ces questions serait l'imposition proposée des copies numériques, ou la taxe sur l'iPod, comme on l'a surnommée. Vos entreprises ont-elles pris position sur cette question? Pour préciser, je m'y intéresse parce que la plupart des appareils que vous vendez et beaucoup d'autres appareils que vous voudriez mettre en marché — les téléphones intelligents, par exemple — seraient sûrement touchés par cette mesure. Quelle est votre opinion à ce sujet?
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Chez TELUS, nous avons certainement une opinion à ce sujet. Je vais parler des trois principaux problèmes liés au prélèvement de redevances sur les copies privées aux appareils, que j'appellerai la tarification en double; le problème du téléphone intelligent; et le fait que cela donne l'impression qu'on abandonne la lutte contre le piratage.
Premièrement, pour ce qui est de la tarification en double, comme cela a été dit au comité précédemment, lorsqu'un consommateur télécharge un morceau d'un service musical en ligne comme la boutique de musique TELUS ou iTunes, le tarif approuvé par la Commission du droit d'auteur qui fixe les conditions d'utilisation du morceau permet au consommateur de faire des copies sur un autre support. Donc, le consommateur a déjà payé; les titulaires du droit d'auteur ont déjà reçu une redevance pour cette utilisation. Si vous créez une redevance supplémentaire par rapport à ce même usage, cela me semble inéquitable.
Ma deuxième préoccupation — et vous y avez fait allusion — concerne les téléphones intelligents. Il est très difficile de définir ce qu'est un système d'enregistrement audionumérique ou un support audionumérique. Chez TELUS, ce qui nous préoccupe, c'est que parmi les appareils que nous vendons, beaucoup sont des appareils multifonctions et pourraient être inclus dans la définition. Si on ajoute une tarification par gigaoctet sur ces appareils, le prix de détail de ceux que nous vendons, dont la fonction première n'est pas d'y mettre de la musique ou du contenu multimédia — même si on les utilise pour toutes sortes de choses — augmentera soudainement, ce qui entraînera divers effets négatifs.
Troisièmement, cette approche me préoccupe parce qu'elle donne l'impression que nous jetons l'éponge. Le sous-entendu de mon exposé d'aujourd'hui est que ce que TELUS aime du projet de loi, c'est qu'il cible les coupables. L'objectif est d'arrêter le contenu illégal à la source et ceux qui le facilitent, tout en permettant aux marchés légitimes de contenu de fonctionner. Nous oeuvrons dans le domaine du contenu protégé. Nous voulons que ce soit un commerce florissant.
TELUS considère que cette approche à deux volets est un point particulièrement fort du projet de loi. Nous ne recommandons pas d'adopter une démarche qui abandonne la lutte et qui favorise l'adoption de frais arbitraires qui font augmenter le prix des produits de consommation.
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Eh bien, encore une fois, on n'a pas défini ce dont nous parlons, mais les autres mesures proposées incluent les mesures d'avis et retraits du contenu hébergé ou d'avis et de fermeture ou des mesures graduelles contre les personnes que l'on soupçonne d'avoir partagé des fichiers et, comme vous pouvez l'imaginer, c'est un problème auquel nous avons longuement réfléchi.
Donc, quand je dis que les régimes d'intervention graduelle sont inintéressants, ce qui me préoccupe le plus, c'est qu'ils sont fondés sur le principe d'un recours extrajudiciaire. Essentiellement, ils accordent aux titulaires de droits le pouvoir de prendre des mesures à l'encontre de simples consommateurs sans qu'un tribunal se soit préalablement prononcé quant à savoir s'il y avait eu violation des droits ou non. C'est notre principale préoccupation.
Le dénominateur commun des régimes graduels — il y en a toute une panoplie — est qu'un titulaire de droits d'auteur envoie un avis à un intermédiaire qui, ensuite, inflige une quelconque sanction à son consommateur sans jamais passer par l'étape de l'établissement de la faute par un tribunal ou par un organisme officiel.
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Peut-être pourrais-je clarifier un point quand vous parlez d'« enveloppe », monsieur Rodriguez. Quand nous disons que nous procédons manuellement, nous voulons dire que quelqu'un examine l'avis électroniquement, fait le lien avec le client, puis appuie sur la touche « envoyer ». Nous n'envoyons pas de lettre comme telle aux gens, même si les propriétaires de contenu le préféreraient peut-être.
Je pourrais peut-être vous renvoyer la question, à vous et aux autres propriétaires de contenu. En ce qui concerne l'échange de fichiers entre pairs dans le monde, il nous est impossible de retirer le contenu, car nous ignorons ce qui se trouve sur l'ordinateur des particuliers. Personne ne connaît le contenu de l'ordinateur des utilisateurs; on ne peut donc pas intervenir. Sur la scène mondiale, les autorités tentent de déterminer ce qu'elles peuvent faire au chapitre du partage de fichiers.
Actuellement, la seule démarche qui porte fruit consiste à avertir les gens que l'on sait qu'une tierce partie contrevient aux droits d'auteur et à transmettre un avis.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames, monsieur, bonjour.
En quelque sorte, vous appuyez tous l'initiative du gouvernement et le félicitez de son approche équilibrée, autant en ce qui concerne les droits d'auteur que les utilisateurs, une approche qui favorise l'expansion de services numériques et la croissance des investissements en innovation.
En ce qui a trait à l'innovation, je me demande comment on peut faire en sorte d'innover afin de contrôler tout cela. Vous avez dit tout à l'heure que des tonnes d'avis vous sont parvenus et que ça augmente continuellement. Comme plusieurs l'ont dit, il n'y a pas nécessairement d'analyse de ces avis. Nous ne savons pas non plus combien d'entre eux permettent la protection des droits d'auteur.
Je crois que c'est M. McTaggart qui a dit que vous ne considérez pas les redevances d'un bon oeil, mais ces dernières ne constituent pas une autorisation de copier de façon illégale les produits.
Vous dites que cela enlèverait la capacité de lutter contre les contrevenants, mais cela pourrait se faire en parallèle. Vous dites aussi qu'il y aura toujours quelqu'un pour détourner la technologie afin de rendre possible le téléchargement ou la copie, etc.
Je crois que vous êtes des joueurs très importants. Vous semblez observer cela de loin. Vous semblez donner priorité à vos intérêts, bien sûr. Pour ce qui est du reste, vous attendez de voir comment cela va fonctionner une fois la loi adoptée.
Si on devait se prononcer aujourd'hui sur le projet de loi, est-ce que vous l'appuieriez tel quel, sans que des changements y soient apportés à la suite de vos recommandations?
Enfin, monsieur McTaggart, vous avez énoncé votre position très clairement — et avec une belle éloquence, me permettrais-je d'ajouter — concernant la taxe que l'on propose d'imposer sur les iPod, une mesure à laquelle le gouvernement est, comme vous le savez, formellement opposé. D'autres intéressés, les mêmes qui semblent favorables à une possible taxe sur les iPod, proposeraient une taxe sur Internet ou les FSI, une mesure que notre gouvernement n'appuie pas non plus. Pourriez-vous nous parler de cette proposition?
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Nous reprenons la 19
e séance du Comité législatif chargé du projet de loi .
Au cours de la deuxième heure, nous entendrons le témoignage d'Arash Mohtashami-Maali, du Conseil des arts du Canada; de Jay Rahn, de la Fédération canadienne des sciences humaines; et de Victoria Owen et Kelly Moore, de l'Association canadienne des bibliothèques.
Chaque organisation pourra faire un exposé de cinq minutes. Je suivrai l'ordre dans lequel elles figurent sur la liste.
Nous commencerons donc par le Conseil des arts du Canada, qui dispose de cinq minutes.
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Merci, monsieur le président.
Je suis Arash Mohtashami-Maali, chef du service des Lettres et édition au Conseil des Arts du Canada. En introduction à cet exposé, j'aimerais offrir aux membres du comité une courte description du Conseil des Arts du Canada et parler de son mandat.
Créé en 1957 en vertu d'une loi du Parlement, le Conseil des Arts du Canada est une société d'État fédérale qui a pour rôle de « favoriser et de promouvoir l'étude et la diffusion des arts ainsi que la production d'oeuvres d'art ».
Notre mandat est d'aider les artistes et les organismes artistiques canadiens à jouer un rôle de leader dans la société canadienne. Notre rôle est d'aider notre société à avoir accès à son art et à sa culture et à s'engager dans la construction d'une société meilleure basée sur les valeurs fondamentales telles que la liberté d'expression, le droit à la différence, le droit à une identité unique au sein d'une société plurielle.
C'est avec cette vision et cette ouverture d'esprit que nous nous présentons devant ce comité pour partager avec vous quelques idées sur le projet de loi . Nous comprenons parfaitement la nécessité de la révision de la Loi sur le droit d'auteur. Il est évident que le fait de consacrer un espace légal à ce sujet à l'intérieur du grand débat sur la propriété intellectuelle renforce la volonté de porter une attention à la question des artistes et de l'art au Canada. Nous applaudissons cet effort, d'autant plus que les nouvelles technologies, ainsi que la mondialisation amalgamée à l'influence d'Internet et des nouveaux médias, ont non seulement contribué à faire disparaître les frontières physiques, mais ont aussi permis l'universalisation des idées et de la création littéraire et artistique, et l'introduction de nouveaux médiums de travail pour les créateurs.
Nous constatons aussi les effets du piratage dans le domaine des arts et en particulier dans les domaines de la musique, du cinéma et de la littérature. Il est temps de donner l'outil légal nécessaire à la justice canadienne pour protéger les intérêts des auteurs et des artistes du Canada.
Nous sommes tous d'accord que cette loi doit avoir à coeur la protection des arts et de la littérature canadienne et que c'est elle qui assure le droit à une identité distinctive et pourtant diverse. C'est aussi cette loi qui vient à l'appui des pratiques exemplaires de nos artistes, écrivains et penseurs et de leurs efforts pour maintenir un lien étroit et un dialogue ouvert avec le monde d'aujourd'hui, afin de construire une place de choix pour la culture canadienne et assurer sa pérennité.
Nous tenons également à remercier le comité pour son écoute attentive des différents intervenants représentant tous les milieux artistiques et culturels concernés. Il est bon de voir que le projet de loi reçoit une attention particulière grâce à cette consultation.
Notre point de vue singulier sur le milieu de la création canadienne et la compréhension profonde que nous en avons font que nous avons un contact privilégié, une réceptivité de première ligne pour entendre les besoins et la réaction des milieux artistiques par rapport au projet de loi . Nous pensons que cette loi, aussi liée soit-elle aux valeurs fondamentales de notre société, doit jouer un rôle rassembleur. Si elle doit renforcer de façon éthique le rôle de l'artiste en reconnaissant ses droits, elle doit aussi assurer la continuité et un traitement juste des organismes indépendants, des corporations et des institutions.
Comme nous l'avons dit plus haut, l'attente du milieu des arts et de la littérature est d'avoir une loi inclusive comprenant l'ensemble des outils légaux qui non seulement couvrent les changements actuels mais aussi comprennent les mesures qui, Ie long des ans, ont su protéger la propriété intellectuelle dans le domaine des arts. Si de nouvelles réalités ont bouleversé le monde des arts, les moyens traditionnels continuent à constituer l'essentiel du marché.
Si le Conseil des Arts n'est pas un expert dans le domaine juridique, il entend les inquiétudes des différentes communautés artistiques. Nous constatons que l'introduction dans la loi de notions telles que l'utilisation équitable est source de discorde et de divergences dans le milieu. Nous sommes tous les jours témoins des préoccupations des gens du milieu des arts qui expriment des réserves devant l'application de ces nouvelles notions. Nous pensons que l'introduction d'une définition plus précise aiderait les différents milieux à mieux comprendre la position de la loi par rapport aux droits des individus et des organismes.
Nous apprécions à sa juste valeur la constatation faite dans le préambule de la loi, à la page 1, où il est mentionné que cette loi est « un instrument indispensable de la politique culturelle qui, au moyen de règles claires, prévisibles et équitables, favorise la créativité et l’innovation et touche de nombreux secteurs de l’économie du savoir. » Nous sommes confiants que l'effort actuel du gouvernement et de nos parlementaires permettra aux Canadiens de bénéficier d'une loi progressive et prévoyante, une loi ouverte mais en même temps solide qui protégera les Canadiens et leurs intérêts. Nous sommes d'accord sur le fait que la clarté est l'élément clé d'une loi vitale à la survie culturelle de notre pays. Nous appuyons l'effort de mettre en place une loi qui rassemble nos citoyens autour des principes de base de notre Constitution, et soutenons le fait que cette loi doit donner aux artistes, écrivains et penseurs « la faculté d'exercer leurs droits... »
Merci, monsieur le président.
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Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir invité la Fédération canadienne des sciences humaines à participer à votre étude du projet de loi afin de modifier la Loi sur le droit d'auteur.
Je m'appelle Jay Rahn, président du Comité du droit d'auteur de la fédération. Cette dernière représente plus de 50 000 membres, qui travaillent dans les bibliothèques et les musées du Canada, et qui enseignent, effectuent des recherches et réalisent des oeuvres créatives dans les universités canadiennes. En leur nom, je vous félicite pour votre initiative de modernisation de la Loi sur le droit d'auteur. L'instauration de politiques tournées vers l'avenir dans ce domaine aidera les chercheurs et les créateurs à tirer parti du potentiel que recèlent les technologies numériques, tout en permettant aux titulaires de droit d'auteur de recevoir une indemnisation équitable. Sachez que notre communauté voit d'un oeil favorable plusieurs des modifications que comprend le projet de loi , en particulier l'ajout de l'enseignement à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable et l'élargissement de la disposition afférente à la parodie et à la satire. Nous sommes également conscients qu'il est difficile de modifier une loi en tenant compte des commentaires d'une multitude d'intéressés de manière à servir l'intérêt public. Nous croyons cependant que dans certains domaines, l'apport de légères modifications permettrait d'améliorer considérablement le projet de loi. Notre but ici ne consiste pas à éviter certains coûts pour le matériel didactique. En fait, les enseignants considèrent que les créateurs, un groupe dont plusieurs d'entre eux font partie, devraient être indemnisés équitablement pour l'utilisation de leurs oeuvres. C'est un principe intrinsèque au droit d'auteur. Les chiffres récents indiquent que les bibliothèques universitaires canadiennes dépensent, par exemple, plus de 300 millions de dollars annuellement pour acheter du contenu nouveau et obtenir des licences aux fins de recherches et d'apprentissage, comme vous le savez déjà.
Notre mémoire comprend plusieurs modifications concernant des dispositions qui pourraient entraîner la création d'obstacles non voulus à l'accès ou de problèmes évitables au chapitre de la conformité. Mais dans mon exposé, je me contenterai de passer en revue les deux aspects les plus importants du projet de loi pour notre milieu.
Tout d'abord, l’expression « tel que » ou « incluant sans toutefois s’y limiter » devrait être ajoutée à la liste des exceptions touchant l’utilisation équitable afin de suggérer des possibilités plutôt que de donner une liste exhaustive. À cet égard, nous appuyons l'ajout de l'enseignement dans cette liste. La Cour suprême du Canada a établi des facteurs afin de déterminer si les documents protégés par le droit d'auteur sont utilisés convenablement. Ces facteurs ont été appliqués lors d'un procès intenté récemment devant la Cour d'appel fédérale, qui a maintenu une décision selon laquelle le fait de demander à une classe de faire une multitude de copies d'une oeuvre constitue une utilisation non équitable. L'ajout de l'enseignement à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable ne sonne pas le glas de la publication. Il pourrait au contraire faciliter l'utilisation du contenu canadien dans les classes de toutes les régions du pays. Par exemple, un enseignant pourrait diffuser par baladodiffusion une image protégée sans craindre inutilement de violer le droit d'auteur. Nous devons veiller à ce que la Loi sur le droit d'auteur punissent les pirates, pas les enseignants qui cherchent à faire connaître le nouveau contenu en empruntant de nouvelles voies.
En outre, nous considérons que le libellé concernant les mesures techniques de protection ou MTP devrait être modifié pour que leur contournement ne constitue pas une infraction si l'on agit à des fins qui ne constituent pas une infraction à d'autres circonstances. Cette modification est, selon nous, conforme aux traités Internet que le Canada a signés en 1996 avec l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Si le libellé du projet de loi reste le même au sujet des serrures numériques, il serait illégal pour quiconque, qu'il s'agisse d'un enseignant, d'un consommateur ou même d'un créateur, de contourner ce dispositif, sauf en de rares exceptions. Par exemple, ceux qui veulent simplement transférer des articles scientifiques ou en modifier le format contreviendraient à la loi. La mesure pénaliserait également les créateurs, qui s'inspirent de plus en plus d'oeuvres protégées pour les expressions nouvelles employées dans les travaux subséquents. Nous considérons qu'en modifiant la loi comme nous le proposons, le Canada serait mieux à même de relever les défis numériques que l'avenir lui réserve et de saisir les occasions qui s'offrent à l'échelle tant nationale qu'internationale.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de vous exposer notre point de vue. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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L'ACB est la plus importante association de bibliothèques nationale du Canada. Elle représente les intérêts d'environ 57 000 employés de bibliothèque, de milliers de bibliothèques en tous genres et de toutes les régions du Canada, et de tous ceux qui ont à coeur d'améliorer la qualité de vie des Canadiens grâce à l'accès au savoir et à l'alphabétisation.
Notre rôle consiste à représenter les intérêts de ces organisations et de ces personnes concernant un large éventail de questions de politique publique. Aucune d'elles n'est aussi importante actuellement que le droit d'auteur.
Les bibliothèques sont fréquentées par le public canadien, soit des millions d'étudiants, d'enseignants, d'érudits, de chercheurs, de personnes perpétuellement sur le chemin de la connaissance, de clients particuliers et d'amateurs de lecture de tous âges. Au chapitre du droit d'auteur, nos usagers ne constituent pas un groupe d'intérêt spécial. L'intérêt public est au coeur même de notre travail.
Nous vous avons remis un exemplaire de notre mémoire sur le projet de loi , intitulé La protection de l’intérêt public à l’ère numérique, lequel explique de manière exhaustive les opinions de l'association à ce sujet. Aujourd'hui, nous traiterons particulièrement des grandes questions qui concernent le milieu des bibliothèques.
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L'ACB félicite le gouvernement du Canada d'améliorer considérablement le régime national de droit d'auteur avec le projet de loi . L'ajout de l'éducation, de la parodie et de la satire à la disposition sur l'utilisation équitable constitue une greffe importante à notre politique nationale de l'information. Ces trois utilisations s'ajoutent à d'autres usages, qui sont limités, circonscrits et, par-dessus tout, équitables.
La Cour suprême a établi les critères en matière d'équité, que les bibliothécaires ont interprétés très soigneusement. L'exception accordée pour l'utilisation équitable aux fins d'enseignement doit tenir compte du fait que les bibliothèques en tous genres sont des institutions culturelles et éducationnelles respectées, qui jouent un rôle essentiel en offrant des collections de documents de recherche et d'études privées à la population canadienne. Les bibliothèques publiques du Canada sont de hauts lieux de l'éducation et de l'apprentissage permanent. Les établissements d'enseignement doivent, par définition, comprendre des bibliothèques en tous genres.
L'association voudrait proposer d'autres améliorations au projet de loi afin d'en faire profiter tous les Canadiens. Elle s'inquiète particulièrement des mesures de protection trop contraignantes concernant les serrures numériques, d'autant plus qu'elles restreignent énormément l'effet des exceptions importantes touchant l'utilisation équitable, l'accès des personnes ayant des incapacités de perception et la préservation des documents des bibliothèques. Nous partageons à cet égard les préoccupations de nos collègues des autres organisations culturelles et éducationnelles canadiennes.
L'ACB appuie le principe fondamental d'utilisation équitable figurant dans le projet de loi relatif au droit d'auteur. Nous ne voulons pas empêcher les Canadiens de se prévaloir des droits que leur accorde la loi — dans le cas d'un nombre très limité d'exceptions — en imposant des mesures technologiques de protection. Les dispositions législatives régissant le droit d'auteur doivent autoriser le contournement des serrures numériques à des fins licites. Sinon, elles seraient fondamentalement bancales.
Les serrures numériques peuvent empêcher les gens de copier du contenu à des fins équitables et les bibliothèques de préserver les documents, en plus de nuire à l'accès au contenu. Il faut revoir toutes les dispositions du projet de loi qui restreignent l'accès des personnes ayant une déficience de perception afin de ne pas rendre l'accès équitable plus difficile, voire impossible.
Les membres de l'ACB sont conscients que le droit d'auteur est une question complexe au XXIe siècle. Les bibliothèques achètent annuellement des millions de dollars en contenu et les bibliothécaires servent les créateurs et les utilisateurs canadiens; nous constatons quotidiennement que le droit d'auteur et les droits des utilisateurs sont tout à fait conciliables.
Les bibliothèques jouent un rôle de premier plan en permettant aux Canadiens d'accéder au savoir sous toutes ses formes. Pour que les Canadiens contribuent au bien-être économique, social et culturel de leurs communautés, l'accès à l'information est essentiel.
Nous remercions le gouvernement du Canada de tenter de concilier les préoccupations des créateurs, des fournisseurs de contenu et des utilisateurs afin de poursuivre la réforme du droit d'auteur. Le projet de loi constitue une réussite sur le plan de l'utilisation équitable, car il ajoute des mesures de protection et limite la responsabilité. Il perd toutefois une bonne partie de son effet dans l'environnement numérique en restreignant les droits qu'accorde la loi aux Canadiens concernant les serrures numériques.
Nous voudrions vous remercier de nouveau de nous avoir permis de nous adresser à vous.
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En effet, monsieur le président. Vous avez indiqué que nous ne ferions qu'un tour parce que nous manquons de temps. Je partagerai donc mon temps avec M. Rodriguez.
Je remercie les témoins de comparaître, surtout ceux qui viennent de Scarborough.
Monsieur Rahn, j'aimerais, si possible, commencer par vous. Dans votre mémoire, vous approuvez l'ajout de l'éducation à la liste des exceptions touchant l'utilisation équitable, car cette mesure a pour effet, et je cite: de « permettre aux enseignants et aux élèves de faire un plus grand usage de matériel protégé par le droit d’auteur ». Or, il existe, à mon avis, un certain nombre d'accords de licence collectifs — dont le comité a certainement entendu parler — qui ont un effet assez semblable, tout en permettant d'indemniser les créateurs.
Je me demande donc si vous pourriez me dire, de manière peut-être plus ferme, si vous considérez que les établissements d'enseignement devraient pouvoir utiliser gratuitement le contenu des créateurs. Est-ce ce que vous proposez?
:
Dans le cas présent, nous traitions des dispositions du projet de loi qui autoriseraient les sociétés de gestion collective à consulter et à vérifier les systèmes informatiques des universités et les services intranet qui pourraient être utilisés dans le cadre de certains cours pour déterminer quels documents appartenant à leur répertoire pourraient être utilisés.
Comme je l'ai indiqué dans notre mémoire, cette mesure risque de faire réagir le milieu professoral, qui pourrait craindre une violation potentielle de la liberté universitaire. Depuis longtemps, nos employeurs — les administrations universitaires qui feraient partie de ce système de surveillance — ne vérifient pas ce que nous empruntons à la bibliothèque et ce qui se passe en classe. En fait, l'Association canadienne des professeures et professeurs d'université, un groupe antérieur au comité, a vu le jour à la suite d'une affaire bien connue en matière de liberté universitaire, dans le cadre de laquelle un enseignant, qui est devenu le doyen du collège pour lequel j'ai travaillé à York, a été puni par son université pour des motifs principalement idéologiques.
Mon recteur n'a pas à savoir si je lis Adam Smith ou Karl Marx.
:
Merci, monsieur McTeague.
[Français]
Bonjour. Thank you for being here.
Je vais vous lire un passage:
[Traduction]
L'application de cette disposition au domaine de l'éducation réduira les frais administratifs et financiers pour les utilisateurs d'œuvres protégées par le droit d'auteur...
Cet extrait est tiré de la documentation du gouvernement sur le projet de loi . Mais si les frais diminuent, quelqu'un y perdra de l'argent, n'est-ce pas?
[Français]
Si vous payez moins et si les institutions scolaires paient moins, quelqu'un recevra moins d'argent. Dans ce cas-ci, on parle de qui? Parle-t-on des créateurs?
Monsieur Rahn, madame Owen et madame Moore, il est étonnant de vous voir réclamer l'utilisation équitable pour l'éducation alors qu'au Québec, il y a une toute autre approche. Vous dites que vous représentez la Fédération canadienne des sciences humaines et l'Association canadienne des bibliothèques, mais pourtant il y a un autre point de vue, tout à fait différent du vôtre, au Québec. D'abord et avant tout, il y a l'Assemblée nationale du Québec, qui s'est prononcée à l'unanimité contre le projet de loi tel qu'il est actuellement rédigé, et particulièrement contre l'élargissement de l'exception pédagogique proposée par le projet de loi. La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, s'est prononcée de la même façon. La ministre de l'Éducation — ce n'est pas rien — a dit:
Au Québec, le gouvernement tient à s’assurer que les créateurs touchent leur juste part pour l’utilisation de leurs oeuvres par des tiers, particulièrement par les établissements d’enseignement. La position du Québec, à savoir que le droit à l’éducation et le droit des créateurs vont de pair, correspond aux orientations de l’énoncé de politique de 1980 La juste part des créateurs du ministère de la Culture et des Communications.
Je ne parle pas de la Fédération des commissions scolaires du Québec, je passe par dessus, et j'arrive à l'Association des bibliothécaires du Québec, dont un représentant dit:
Pourquoi est-ce que les bibliothèques publiques du Québec prennent une position contraire à celle des autres provinces? Le résultat de toute extension de l'utilisation équitable et de toute autre exception sera une perte de revenu pour les auteurs et les autres titulaires de droits. Si l'on interprète de manière large la portée de ces exceptions, comme vous le souhaitez, la perte de revenus pourrait être très importante. N'est-ce pas une question de financement qui est en cause, et non une question d'accès ou même d'équité? Les bibliothèques publiques sont sûrement sous-financées, mais les auteurs doivent-ils en faire les frais?
C'est comme ça partout au Québec. Il y a aussi BIBLIO du Québec, un autre organisme qui s'est prononcé contre l'utilisation équitable. Quoi que vous disiez, l'utilisation équitable, telle qu'elle est définie dans le projet de loi, signifie une perte de revenus. Ce serait encore pire si on ajoutait les fameux « such as » que M. Rahn suggère. C'est fait essentiellement dans ce sens-là. Pourtant, au Québec — contrairement aux autres provinces du Canada, il faut croire —, on a beaucoup de respect pour les créateurs, pour la rémunération des créateurs et pour nos jeunes à qui on veut enseigner ce respect des créateurs et le devoir de les rémunérer.
Monsieur Rahn, vous dites qu'un professeur a bien le droit de montrer quelque chose à ses étudiants sur un support numérique quelconque. C'est vrai, s'il a la permission du créateur et si ce dernier est rémunéré. La création appartient à son créateur. Si je veux aller visiter votre maison, monsieur Rahn, je vais vous demander la permission, je vais peut-être même payer pour la visiter. C'est la même chose: la création appartient à son créateur. C'est encore plus important pour les jeunes de le savoir, de le reconnaître et de rémunérer les artistes, si on veut une culture vivante.
Vous pouvez commenter.
:
Je vous remercie beaucoup, madame Lavallée.
Pour l'Association canadienne des bibliothèques, je crois que l'éducation, la parodie et la satire s'ajoutent aux autres exceptions touchant le droit d'auteur, car ces utilisations sont très limitée, circonscrites et équitables. Pour faire partie des exceptions, elles ne peuvent nuire aux intérêts économiques des créateurs. Elles doivent être circonscrites, servir à des fins précises et être conformes aux six facteurs établis par la Cour suprême. Elles ne doivent pas avoir d'incidence notable.
Je crois que cette mesure s'inscrit également dans les efforts déployés initialement en matière de droit d'auteur pour concilier l'accès et la protection des intérêts économiques des créateurs.
:
Mais il y a eu une jurisprudence au Canada qui fait en sorte que, au contraire, l'utilisation équitable serait jugée selon des critères beaucoup plus larges et, entre autres, en fonction du droit des utilisateurs, ce qu'ils n'ont pas aux États-Unis. Cela ne pourrait pas donner les mêmes résultats, parce que les juges américains n'ont pas la même grille d'analyse et la situation n'est pas la même. Au Canada, lorsqu'il y aura des recours en justice en vertu de l'article sur l'utilisation équitable, cela ne donnera pas les mêmes résultats qu'aux États-Unis. De toute façon, cet article ouvre la voie à une gamme de poursuites en justice.
Le Barreau du Québec s'est également prononcé contre le projet de loi en affirmant que cela allait congestionner les tribunaux. Est-ce vraiment ce que l'on veut pour économiser 40 millions de dollars de revenus annuels qui vont aux artistes? Est-ce que, en plus d'enlever 40 millions de dollars par année aux artistes, on veut que tout le monde se retrouve devant les tribunaux pour régler nos problèmes? Ne vaut-il pas mieux reconnaître que notre culture est vivante, que nos artistes sont créatifs et dire qu'on va payer ce que ça vaut? Je comprends que vous manquiez d'argent, mais vous devriez peut-être vous adresser à d'autres secteurs, à d'autres postes budgétaires, plutôt que d'appauvrir les artistes, qui constituent un groupe de la société dont le revenu annuel est de 23 000 $ par année en moyenne. Je ne pense pas que ce soit bien équitable, justement.
Soit dit en passant, quand je regarde ce qui se passe au Québec, les protestations contre le projet de loi C-32 et l'utilisation équitable, par rapport à ce qui se passe dans le reste du Canada, permettez-moi de redire — je l'ai déjà dit ici — que c'est une autre bonne raison pour convaincre les Québécois de faire la souveraineté du Québec.
Si notre pays se sépare, madame Owen, je vous en tiendrai personnellement responsable, parce que le Bloc nous quitte et ne peut s'attarder, mais je suis certain qu'on serait nombreux à ne pas être d'accord avec ce parti.
Je crains qu'en intervenant au chapitre du droit d'auteur, nous ne créions un double régime de droits, l'un pour l'univers papier et l'autre pour l'univers numérique, l'un pour le monde analogique et l'autre pour le monde numérique. Je veux examiner la situation dans les bibliothèques pour voir ce qu'il s'y passe vraiment.
Je m'intéresse aux modifications prévues aux paragraphes 30.2(4) et 30.2(5):
(4) La bibliothèque, le musée ou le service d’archives doit se conformer aux conditions suivantes:
a) ne remettre qu’une seule copie de l’oeuvre reproduite... à la personne à qui elle est destinée;
b) informer cette personne que la copie ne peut être utilisée qu’à des fins d’étude privée ou de recherche...
Voilà qui me semble assez simple. Si je vais à la bibliothèque pour avoir un document, vous m'en faites une copie et m'avertissez que je ne peux pas en faire 20 copies pour les distribuer à mes amis. C'est on ne peut plus clair.
Cependant, au paragraphe 30.2(5.02) qui suit, lequel porte sur les prêts interbibliothèques, on peut lire:
(5.02) La bibliothèque, le musée ou le service d’archives... peuvent... fournir une copie numérique à une personne en ayant fait la demande par l’intermédiaire d’une autre bibliothèque... s’ils prennent...
a) des mesures en vue d’empêcher la personne qui la reçoit de la reproduire [en format numérique], sauf pour une seule impression,
b) de la communiquer à une autre personne ou
c) de l’utiliser pendant une période de plus de cinq jours ouvrables.
J'ai deux questions à cet égard. Tout d'abord, le fait de « prendre des mesures » signifie-t-il que vous n'êtes pas autorisés à effectuer des prêts numériques entre bibliothèques sans appliquer les mesures techniques de protection qui empêcheront quiconque de faire d'autres copies? De plus, est-ce que les bibliothèques canadiennes peuvent apposer des serrures numériques sur les thèses de maîtrise datant de 1983? Est-ce ainsi que vous interprétez l'expression « prendre des mesures »?
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Dans le milieu universitaire, je peux vous dire que cette semaine même, j'ai tenté de négocier une entente avec l'UCLA et la cour royale de Thaïlande concernant les microfilms de documents qui existaient initialement en format papier. Ils seraient vraiment utiles, mais il faudrait que je me rende en Thaïlande à mes frais ou peut-être à ceux du Conseil de recherches en sciences humaines pour parler personnellement aux responsables, comme l'a d'ailleurs proposé l'UCLA. Nous sommes en train de faire des copies numériques de ce type d'archives pour des gens comme vous qui effectuent des recherches de ce genre. Mais nous n'avons pu nous entendre avec la Thaïlande à ce sujet.
Je peux vous affirmer que la semaine dernière seulement, j'ai cherché une thèse de maîtrise sur la musique thaïlandaise et une dissertation de l'Université d'York — pas l'Université York, mais l'établissement situé au Royaume-Uni. Au début, je ne trouvais rien, jusqu'à ce que le responsable des prêts interbibliothèques de l'Université d'York m'avise qu'il avait trouvé le document sur un site Web. Je l'ai téléchargé tout à fait gratuitement, en indiquant que j'étais un chercheur universitaire. Le document était accessible sous forme électronique. Aucun avis n'indiquait qu'il fallait le détruire ou en détruire les copies secondaires après cinq jours.
Quant à l'utilisation de la technologie d'impression traditionnelle pour ne faire qu'une seule copie, quand on fait de la rédaction ou qu'on travaille avec des bases de données aux fins de concordance, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, on ne fait jamais une seule impression. La première copie est tellement couverte de gribouillis qu'on finit par en faire 10 ou 20 autres pour les réunir par après. Ce sont des copies papier, remarquez. On ne peut tout copier à la main, car ce serait terriblement inefficace.
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Encore une fois, la question est de savoir si nous en faisons trop en essayant de tenir compte de tous les moyens imaginables de porter atteinte aux droits d'auteur. Je songe ici à l'obligation de détruire une oeuvre après l'avoir eue pendant cinq jours ouvrables.
J'ai une confession à vous faire, monsieur Rahn. J'ai obtenu, au moyen d'un prêt entre bibliothèques, un mémoire de maîtrise de l'Université York datant de 1986. Lorsqu'il est arrivé au bout de deux semaines, j'en ai fait une copie, que j'ai conservée. Ensuite, je l'ai donnée à ma fille. Si vous voulez que je remette 5 $ à la bibliothèque pour cela, je le ferai. Mais il me semblait absurde que, si je cherchais un livre ou faisais un travail quelconque, le compte à rebours s'enclenche dès la seconde où l'ouvrage était transféré d'une bibliothèque à l'autre. Cependant que nous faisons passer toutes nos bibliothèques à l'ère du numérique, quel avantage pourrait-il y avoir à limiter à cinq jours l'accès à une oeuvre? Êtes-vous inquiet des conséquences potentielles de l'adoption d'une disposition comme l'alinéa 30.2(5.02)c) proposé sur l'incroyable potentiel de recherche qui existe?
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À cet égard, j'ajouterais que sur le plan international, le Canada ne peut se permettre d'être le wagon de queue dans le train du développement des technologies numériques. Nous accusons beaucoup, beaucoup de retard. J'ai parlé du cas du Royaume-Uni, et on pourrait aussi citer bien d'autres cas semblables. Nous intégrerons toujours plus de restrictions, alors que les autres ouvriront l'accès à leur matériel, qui est largement...
Mis à part les manuels, la quasi-totalité de la recherche est réalisée par des professeurs d'université et des étudiants des cycles supérieurs dans le cadre, disons, d'exigences partielles pour l'obtention de leur diplôme ou de leur travail rémunéré. Ils ne gagnent pas beaucoup d'argent. Si vous avez déjà publié dans les presses universitaires au Canada, vous savez que le taux courant est 10 p. 100 en plus du coût, lequel est déjà subventionné. Vous obtenez seulement une infime proportion. Il y a quelques années, j'ai publié un ouvrage en collaboration avec un autre auteur. Chacun de nous a obtenu 5 p. 100.
Donc, le montant de 23 000 $ dont on a parlé n'est pas vraiment le principal élément. Les grosses sommes vont aux éditeurs ou aux bureaucraties créées autour des agences collectives d'octroi de licences, et...
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Je dirais que la principale préoccupation n'est pas d'ordre financier, comme on a semblé le faire valoir au cours des séances précédentes, et même de celle-ci. Cette question, d'après ce que j'en sais, a relativement peu d'incidence.
Je vois constamment des étudiants, de même que des bibliothécaires, dans une certaine mesure, et des professeurs qui souffrent d'une incertitude liée aux droits d'auteur lorsqu'ils font de la recherche, de l'étude privée, des critiques et des comptes rendus. Ils ont une peur bleue de se faire pincer par une éventuelle police des droits d'auteur. Ils vont trop loin dans leur interprétation.
Je peux vous dire qu'à l'Université York, je travaille depuis maintenant un an à l'élimination de tout un langage semi-officiel qu'on utilise dans les lignes directrices en matière d'intégrité académique à l'intention des étudiants, et où l'on assimile par exemple le plagiat, d'une part, à la violation des droits d'auteur, d'autre part, alors qu'il est vraiment nécessaire d'établir une nette distinction entre les deux. Le simple fait d'inclure ce terme pour illustrer en quoi consiste l'utilisation équitable permettrait selon moi de clarifier énormément les choses pour les intéressés.
Je ne peux vous citer de chiffres là-dessus, car jusqu'ici, le phénomène suppose nécessairement une autocensure. Les gens ne vous avoueront pas qu'en effet, ils ont fait des copies plus ou moins légalement. Mais l'autocensure va certainement à l'encontre du droit à la liberté d'expression garanti par l'article 2 de la Charte, que nous voudrions voir s'incarner dans les lois sur les droits d'auteur.
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J'ai trouvé intéressant l'exemple utilisé par Mme Lavallée en ce qui a trait à l'utilisation équitable. Elle a dit que si elle voulait visiter votre maison, elle vous en demanderait la permission. La même chose vaut pour les créateurs. J'ai trouvé cette déclaration intéressante.
Monsieur Rahn, vous avez parlé des craintes liées aux droits d'auteur. J'essaie de songer à des situations en milieu scolaire. Ma femme est enseignante. Je me souviens de l'époque où j'allais à l'université, et j'imagine qu'aujourd'hui, l'expérience est un peu différente. Un sujet peut être évoqué en classe, une discussion peut s'ensuivre, et quelqu'un pourrait vouloir aller sur Internet pour faire une recherche ou sur YouTube pour montrer quelque chose. Or, sans utilisation équitable à des fins d'éducation, j'imagine que ces craintes seraient bien réelles. Cela diminuerait vraiment la capacité de l'enseignant, du professeur ou de l'éducateur d'agir en toute spontanéité dans sa salle de classe.
D'un autre côté, je comprends la préoccupation des créateurs. Et je pense que vous serez tous d'accord pour dire que vous travaillez dans des domaines où la création revêt une importance cruciale pour votre capacité de fonctionner.
Madame Owen, vous avez parlé du critère à deux volets et des six étapes à appliquer pour déterminer l'équité. Peut-être pourriez-vous élaborer un peu là-dessus afin de rassurer ceux du milieu des créateurs qui sont peut-être dans le camp opposé, relativement au fait qu'avoir un système d'éducation ouvert grâce à l'utilisation équitable n'entraînera pas des pertes de revenus massives pour eux.
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Les indications données par la Cour suprême dans l'affaire CCH, par exemple, avec les six étapes énoncées, correspondaient selon nous à une juste analyse de l'utilisation équitable. Prenons par exemple la disposition sur l'utilisation aux fins de recherche et d'étude privée. Au moment d'analyser l'utilisation équitable, on se posera ces six questions. Quel est l'impact de l'utilisation? Combien en coûtera-t-il? Quelles sont les solutions de rechange à l'utilisation? On examinera chacun des six facteurs, et si, une fois cette analyse terminée, on conclut que l'utilisation est équitable, on aura épuisé toutes les autres solutions possibles.
On examinera, par exemple, les solutions de rechange à l'utilisation, comme l'achat d'un livre pour 4,95 $, ou peu importe le prix. On doit appliquer soigneusement chacune des étapes pour pouvoir tirer une conclusion qui est juste dans le cadre de l'analyse de l'utilisation équitable.
En suivant ces six étapes énoncées, je crois qu'on se retrouvera avec une très petite exception précise concernant l'utilisation à des fins de recherche et d'étude privée, qui est l'utilisation la plus courante.