Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Je déclare ouverte la 20e séance et possiblement, semble-t-il, la dernière séance du Comité législatif spécial chargé du projet de loi C-32.
Pendant la première heure aujourd'hui nous recevons l'honorable Ramona Jennex, qui est la ministre de l'Éducation de la province de la Nouvelle-Écosse, de même que sa sous-ministre, Rosalind Penfound et Wanda Noel, avocate-conseil du Consortium du droit d'auteur.
Ministre Jennex, vous avez la parole pour cinq minutes.
Bonjour à tous. Tel que mentionné, m'accompagnent aujourd'hui la sous-ministre de l'éducation de la Nouvelle-Écosse, Rosalind Penfound, qui est également présidente du comité des sous-ministres du CMEC sur le droit d'auteur, et Wanda Noel, l'avocate-conseil de notre organisation.
Le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, le CMEC, est une organisation intergouvernementale créée en 1967 par les ministres de l'Éducation pour appuyer leurs efforts collectifs afin d'exécuter leurs responsabilités constitutionnelles en matière d'éducation conférées aux provinces et aux territoires. Je suis la présidente du Consortium du droit d'auteur du CMEC, qui comprend 12 des ministres de l'Éducation des provinces et des territoires, à l'exception du ministre du Québec.
La Loi sur le droit d'auteur a des conséquences directes sur nos politiques et nos pratiques en salle de classe partout au Canada. Le manque actuel de clarté explique pourquoi le Consortium du droit d'auteur du CMEC a demandé de façon persistante au gouvernement fédéral au cours de la dernière décennie de clarifier la Loi sur le droit d'auteur numérique.
Les ministres de l'Éducation, à titre de gardiens du système d'éducation publique du Canada, prennent très au sérieux les questions de droit d'auteur. Nous respectons le droit d'auteur, et nous enseignons son respect, dans les écoles. Nous participons de façon active au processus de réforme du droit d'auteur fédéral afin d'obtenir un accès juste et raisonnable pour les étudiants et professeurs dans leurs activités en éducation.
Les avancées rapides dans le domaine des technologies d'aide à l'apprentissage exigent une modernisation de la Loi sur le droit d'auteur. Les étudiants et les enseignants ont besoin d'une loi sur le droit d'auteur qui corresponde à ces nouvelles technologies, des technologies qui ont pavé la voie vers de nouvelles et merveilleuses façons pour les enseignants de transmettre des connaissances à leurs étudiants. Sans les amendements proposés sur l'éducation qui permettent ce développement technologique, les écoles et les établissements postsecondaires canadiens auront peut-être l'obligation légale de renoncer à des opportunités d'apprentissage et de limiter l'utilisation d'Internet dans la salle de classe de crainte de violer la loi. Le projet de loi C-32 trouve une solution appropriée à ces importants problèmes du secteur de l'éducation. Le projet de loi trouve un bon équilibre entre les droits des utilisateurs, des créateurs et des entreprises qui commercialisent les oeuvres des créateurs.
Ce matin, j'ai présenté au greffier du comité un ensemble de recommandations touchant différents amendements au projet de loi C-32 dans le domaine de l'éducation. Dans certains cas, notre consortium a suggéré un libellé précis. Au cours de mon bref exposé, je veux souligner trois enjeux qui sont d'une importance particulière pour les ministères de l'Éducation.
Premièrement, le projet de loi C-32 parle de la plus grande priorité pour le secteur de l'éducation, c'est-à-dire créer un cadre légal pour que les étudiants et les enseignants utilisent Internet à des fins d'enseignement et d'apprentissage. L'amendement proposé sur l'utilisation d'Internet dans le secteur de l'éducation représente une approche raisonnable et équilibrée pour l'apprentissage à l'époque du numérique. Nous en félicitons le gouvernement, parce qu'une loi équilibrée, fondée sur les principes d'équité, peut être enseignée et mise en oeuvre de façon efficace.
Deuxièmement, le consortium se réjouit que l'éducation ait été incluse dans la disposition sur l'utilisation équitable. Cependant, bien que bienvenus, nous croyons que l'éducation et l'amendement à l'utilisation équitable doivent être clarifiés. Pour que cet amendement ait l'effet recherché, le terme « éducation » devrait être précisé en indiquant que l'éducation comprend le fait que des enseignants fassent des copies pour des étudiants en salle de classe. Cette clarification est nécessaire pour que les enseignants puissent copier de courts extraits d'oeuvres protégés pour leurs étudiants — par exemple, un extrait d'une émission de télévision pour un cours sur l'actualité ou un diagramme expliquant un sujet scientifique ou mathématique. Le libellé que nous proposons est semblable à la disposition sur l'usage équitable aux États-Unis, qui est en place depuis 1977. Ajouter l'éducation — y compris les copies multiples en salle de classe — à la liste des utilisations jugées équitables qui sont énumérées ne signifie pas que les enseignants pourront copier ce qu'ils veulent. Les copies faites par les enseignants devront toujours être équitables en vertu du test en deux étapes établi par la Cour suprême du Canada pour savoir ce qui constitue une utilisation équitable. Par exemple, copier des livres entiers ne respecte pas le deuxième test sur l'utilisation équitable.
Troisièmement, certains témoins ont dit que le secteur de l'éducation ne veut pas payer pour le matériel éducatif. C'est absolument faux. Les établissements d'enseignement paient actuellement pour le contenu et pour copier du matériel. Pour le secteur de l'éducation, la réforme de la Loi sur le droit d'auteur ne signifie pas obtenir du matériel gratuitement. Le secteur de l'éducation paie présentement des centaines de millions de dollars pour acheter du contenu tel que des manuels, des films, de la musique et des oeuvres d'art, ou pour en obtenir une licence. Avec le projet de loi C-32, notre secteur continuera de payer des centaines de millions de dollars. Il n'y a rien dans le projet de loi C-32 qui change la relation actuelle entre le secteur de l'éducation, les éditeurs, les fournisseurs de contenu, les sociétés de gestion collectives et la Commission du droit d'auteur.
Pour terminer, les ministres de l'Éducation de l'ensemble du pays maintiennent depuis longtemps qu'un cadre législatif pour le droit d'auteur moderne et équilibré protégera l'intérêt du public et créera de nombreux avantages pour la société. Le besoin d'un tel cadre n'a jamais été plus nécessaire, alors que tous les paliers de gouvernement investissent pour créer des liens entre les Canadiens en situation d'apprentissage et pour faire la promotion du développement des compétences et de l'innovation. Le Consortium du droit d'auteur du CMEC aimerait que ce projet de loi soit adopté afin de créer le cadre nécessaire pour que les Canadiens en situation d'apprentissage puissent exceller dans notre monde numérique.
Premièrement, j'aimerais remercier le Conseil des ministres de l'Éducation pour les documents très complets qu'ils nous ont fait parvenir au cours de la dernière année. Nous avons certainement reçu beaucoup de documents. Un certain nombre de vos points de vue, si je puis dire, sont très clairs et bien connus.
Vous avez parlé du besoin de peut-être définir plus clairement ce que l'on entend par « éducation », et vous avez souligné que cela devrait comprendre de façon spécifique les enseignants qui font des copies pour leurs étudiants. Pourrais-je demander à votre organisation de nous fournir ce que vous considéreriez comme étant une bonne définition entière — peut-être en tenant compte des aspects légaux — de ce que représente l'exemption pour le secteur de l'éducation pour vous? Est-il possible pour vous de préparer ensemble une définition que vous considéreriez adéquate et que vous pourriez nous envoyer? Est-ce une demande que je peux vous présenter?
Bien. Cela ajoute évidemment une certaine précision, mais il nous serait utile, à titre de législateurs d'encore mieux la comprendre.
Je pense qu'il y a un consensus général pour inclure une définition du terme « éducation » parce qu'il peut être interprété de différentes façons par divers groupes. Puisque vous êtes une ministre de l'Éducation qui travaille avec d'autres, il nous serait évidemment très utile de savoir quelle serait pour vous la définition de l'éducation. Nous l'apprécierions beaucoup.
Dans un autre ordre d'idée, croyez-vous que ce projet de loi, s'il est adopté tel quel, aura des conséquences financières pour les ministères de l'Éducation des provinces et des territoires?
Non, il n'y aurait pas de changement sur nos budgets.
Mais je vais demander à Rosalind Penfound de parler de nos budgets. Comme vous le savez, les sous-ministres sont ceux qui sont toujours responsables de la gestion financière, alors j'aimerais qu'elle réponde à votre question.
Merci pour cette question. Nous évaluons que chaque année à travers le Canada, il y a probablement plus d'un milliard de dollars qui est dépensé par le secteur de l'éducation pour rémunérer les créateurs pour leurs livres, leurs films, leurs oeuvres d'art, etc., qui sont achetés et utilisés par les écoles et les universités. Par l'entremise de la Commission du droit d'auteur, il y a des processus en place au sujet d'Access Copyright et des taux payés pour la photocopie de documents.
Nous ne croyons pas que ce projet de loi changerait d'aucune façon la situation. Tous ces processus seront en place. Nous ne prévoyons pas que ce projet de loi réduira le montant payé par le secteur de l'éducation dans ce domaine. Nous croyons qu'il n'y aura aucun effet financier à cet égard. Ces processus demeureront en place. Ils seront toujours là. Puisqu'ils sont là maintenant, ils seront encore là si ce projet de loi est adopté.
Pour des raisons évidentes vous avez surtout parlé de l'éducation. Avez-vous des opinions sur d'autres aspects du projet de loi qui pourraient nous intéresser en tant que législateurs — par exemple, des serrures numériques, les dommages-intérêts et choses de ce genre? Avez-vous des avis sur ces questions que vous aimeriez nous communiquer ce matin?
Je suis ici en tant que représentante des ministres de l'Éducation. Nous disons depuis longtemps que nous avons besoin d'un cadre légal moderne pour pouvoir fonctionner. Quant aux questions que vous avez soulevées, je demanderais à notre avocate-conseil de vous répondre.
Le mémoire fournit à tous les membres du comité ce matin comprend une partie sur les serrures numériques. La position du consortium était à l'effet que briser une serrure numérique devrait être interdit seulement lorsque le but de ce bris est de violer le droit d'auteur. C'est notre position en gros.
Le mémoire explique également pourquoi les dispositions du projet de loi qui porte sur les serrures numériques ne sont pas pratiques et je crois qu'on y énumère sept raisons pour lesquelles ces dispositions ne peuvent ni être appliquées ni être comprises dans le contexte d'une école ou d'une institution postsecondaire.
D'accord. Je crois que cela concorde avec ce que nous avons entendu à ce sujet de la part de la grande majorité des témoins. En d'autres mots, le projet de loi devrait inclure des dispositions portant sur les copies qui sont faites à des fins personnelles qui ne violent pas le droit d'auteur, et le projet de loi ne les contient pas actuellement. Tel que rédigé actuellement, le projet de loi dit que le fait de contourner une serrure numérique constitue une activité illégale.
La disposition du projet de loi portant sur les dommages-intérêts est intimement liée aux articles sur les mesures techniques de protection. Des articles sur les serrures numériques contiennent une disposition qui dit que si on croit honnêtement qu'on n'est pas en train de briser une serrure numérique alors on ne devrait pas être pénalisé pour l'avoir fait en vertu de ce projet de loi. Le conseil est d'avis que le même concept légal devrait s'appliquer dans le cas d'une utilisation équitable faite en vertu du projet de loi. Donc, si en tant qu'enseignant ou en tant qu'étudiant on croit sincèrement que ce que l'on fait est équitable en vertu du deuxième test de la cause CCH, alors on ne devrait pas être responsable pour les dommages-intérêts. Nous disons même qu'on ne devrait être aucunement responsable des dommages.
D'un autre côté, en ce qui a trait à l'élément principal que vous avez soulevé aujourd'hui — et bien sûr nous avons écouté plusieurs écrivains et plusieurs personnes qui produisent des documents destinés au secteur de l'enseignement — d'aucuns sont d'avis que ce projet de loi les empêchera d'obtenir une rémunération à laquelle ils ont droit pour leurs oeuvres. Vous nous avez dit pourquoi vous n'êtes pas d'accord. Pouvez-vous expliquer brièvement pourquoi vous pensez qu'ils ne seront pas pénalisés par ce projet de loi tel que proposé?
Par exemple, les créateurs qui utilisent Internet pour leur entreprise ne seront pas touchés. Il y a plusieurs choses qui sont du domaine public, et à moins qu'il y ait clarté, notre société et notre système d'éducation ne pourront pas aller de l'avant sans crainte.
Au sujet du droit d'auteur, et de l'enseignement du droit d'auteur, j'aimerais ajouter maintenant que j'ai 30 ans d'expérience en éducation. J'ai été enseignante. Le droit d'auteur est enseigné dès l'école primaire: ce que c'est, ce que les gens doivent faire pour respecter le droit d'auteur et quelle est son importance. Ces dispositions avec les amendements que nous suggérons, amèneront une plus grande clarté. Ils n'auront aucun effet sur les créateurs ou les entreprises. Ces choses demeureront intactes, et nous aurons des lignes directrices beaucoup plus claires, ce qui nous permettra non seulement de l'enseigner mais de continuer à inculquer aux étudiants le respect qu'ils doivent avoir pour le droit d'auteur.
Je trouve la discussion de ce matin un peu théorique. Vous n'êtes pas sans savoir que ce projet de loi est en train d'agoniser au Feuilleton. J'ai bien l'impression que nous ne parlerons pas encore très longtemps du projet de loi C-32, que c'est notre dernière rencontre aujourd'hui et que le projet de loi mourra au Feuilleton. Donc, nous faisons cette discussion de façon théorique.
Tout d'abord, je suis assez étonnée de voir, dans le premier paragraphe de vos notes d'allocution, une énumération de toutes les provinces et de tous les territoires qui font partie de votre consortium. Lorsqu'on le lit, on s'aperçoit bien que le Québec n'est pas inclus. Ce n'est pas une façon directe de dire les choses. Il y est écrit: « [...] les ministres de l'Éducation de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick [...] ».
N'aurait-il pas été plus simple, plus franc et plus direct de dire que la ministre de l'Éducation du Québec ne faisait pas partie de votre consortium? C'est une façon détournée et une approche qui laissent croire qu'il y a d'autres choses sous-entendues dans ce mémoire qui ne sont pas franches. Ça me met mal à l'aise.
Ça exclut en effet la ministre de l'Éducation du Québec ainsi que le gouvernement du Québec. Vous n'êtes pas sans savoir que l'Assemblée nationale a voté à l'unanimité une motion contre le projet de loi C-32 qui concernait particulièrement les exemptions en matière d'éducation. Je ne sais pas si vous savez, mais c'est assez difficile d'avoir l'unanimité à l'Assemblée nationale entre les libéraux fédéralistes, les péquistes souverainistes et les adéquistes de droite.
La ministre de l'Éducation a écrit une lettre dans laquelle elle s'oppose au projet de loi C-32. Elle y écrit que, selon elle, ça ne respecte pas la valeur du travail des artistes. La Fédération des commissions scolaires du Québec s'est aussi prononcée contre le projet de loi C-32 pour les mêmes raisons, car cette utilisation équitable ne respecte ni le travail des artistes ni la valeur de leur travail.
Au Québec, je ne voudrais pas dire qu'il y a unanimité, car je connais un organisme qui est favorable au projet de loi C-32. Cela dit, comment se fait-il qu'au Québec, la quasi-totalité des institutions, des organismes et des ordres de gouvernement s'oppose au projet de loi C-32, à son exemption à l'éducation et à cette utilisation équitable incluse dans ce projet de loi? Comment se fait-il qu'au Québec nous sommes tous d'accord pour payer les artistes, pour respecter leurs oeuvres et pour inculquer cette notion à nos enfants, dans le domaine de l'éducation? Comment se fait-il que nous n'ayons pas la même approche? En fait, je pense que nous n'avons pas les mêmes valeurs. À ce propos, mardi dernier, quelqu'un assis à votre place disait que cette différence s'expliquait par l'approche du copyright, du droit de copier. Copyright, en français, ça veut dire « droit de copier ».
En français, on ne parle pas de la « Loi sur le copyright », on ne parle pas du « droit de copier ». Car notre approche porte sur le droit des auteurs, c'est donc la Loi sur le droit d'auteur. On a du respect pour les créateurs et leur travail.
Alors, comment se fait-il que ça fonctionne au Québec et pas chez vous? Serait-il possible aussi de faire deux approches — vous me direz qu'on pourrait faire la souveraineté? Si le Canada s'organisait et développait sa propre approche et que le gouvernement du Québec faisait la sienne, on arrêterait de s'obstiner. Vous pourriez alors avoir votre utilisation équitable, et nous, au Québec, nous continuerions de respecter nos créateurs. Est-ce possible, cette façon de faire?
Par ailleurs, y a-t-il déjà eu une école, une classe, un enfant, un élève ou une commission scolaire qui a été poursuivie par un titulaire de droit, parce que ses droits d'auteur n'avaient pas été respectés?
Merci. Je vais commencer par répondre à votre question, et ensuite je me tournerai vers Wanda pour la dernière partie.
Ce qu'il faut savoir à propos du ministre du Québec, c'est que notre consortium a une politique de la porte ouverte, et tous les renseignements que nous avons sont fournis au ministre de l'Éducation du Québec.
Nous sommes ici aujourd'hui à ce qui, comme vous le soulignez, sera probablement la dernière séance de votre comité. J'ai trouvé très important que le groupe de ministres de l'ensemble du Canada soit entendu, car nous continuons de dire que nous avons besoin d'un cadre législatif moderne et équilibré pour le droit d'auteur. C'est pour cela que je suis ici aujourd'hui, pour parler de cet enjeu.
Le projet de loi, tel qu'amendé, continuera de respecter les artistes et les créateurs. Il permettra un équilibre dans lequel le système d'éducation public jouira d'un accès équilibré et équitable aux documents. Il n'y a rien dans ces amendements qui auraient des conséquences sur les créateurs et les entreprises qui gèrent leurs oeuvres.
Je vais me tourner vers Wanda pour qu'elle réponde à l'aspect juridique, et si possible, je vais aussi demander à ma sous-ministre de répondre.
Si j'ai bien compris votre question, madame Lavallée, vous demandez s'il y a des poursuites pour violation du droit d'auteur contre des étudiants ou des enseignants au Canada. La réponse est non, pas beaucoup. Il y en a peut-être eu une ou deux ici ou là. Ma propre pratique n'est pas fondée sur les poursuites de violation de droit d'auteur.
Je pense qu'il est important pour les législateurs de savoir que les enseignants et les étudiants à tous les niveaux ont besoin d'une loi qui contient des règles très claires, pour qu'ils puissent premièrement obéir à toutes ces règles et, deuxièmement, les enseigner. Par exemple, ils peuvent enseigner, dès la maternelle, ce qu'il est possible ou pas de faire avec Internet et ce que signifient le respect et le non-respect des droits d'un titulaire de droit d'auteur. Les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur définissent les droits des utilisateurs — les étudiants et les enseignants — et également les droits des créateurs.
Le message de la ministre, le message très important qui, je crois, doit être entendu ici aujourd'hui, c'est que la clarté de la Loi sur le droit d'auteur est essentielle pour les gens qui utilisent la loi et les gens qui en tirent des avantages économiques.
Je pourrais ajouter que les sous-ministres de l'Éducation partout au pays ont, depuis plus de 10 ans maintenant, discuté de cette question du droit d'auteur, y ont réfléchi et s'en sont inquiétés. Ce que nous disons à nos nombreux enseignants, professeurs et administrateurs du secteur de l'éducation lorsqu'ils viennent nous demander ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils peuvent utiliser...
Nous reconnaissons qu'il y a une lacune. Je pense que la meilleure façon que je pourrais la décrire, bien que nous ne soyons pas au courant de poursuites récentes ou autres contre des personnes du secteur de l'éducation, serait d'utiliser un exemple. Disons qu'il y a un cours de science politique qui a lieu quelque part au Canada au cours des prochaines semaines et disons qu'il y a peut-être une élection en cours. Disons que l'un de ces professeurs ou enseignants nous appelle pour dire qu'il aimerait beaucoup étudier l'élection dans son cours, en comparaison de ce qui a pu être écrit dans les textes de science politique il y a 10 ans sur les médias et le processus démocratique, en copiant une ou deux pages de ce livre pour les 18 enfants de la classe, à propos de ce qui se passe sur Internet, sur Twitter, dans les journaux et à la télévision.
Ils se demanderaient lesquelles de ces choses ils peuvent faire. En tant que sous-ministres et ministres de l'Éducation de partout au pays, nous n'avons pas une réponse claire à fournir. Alors nous croyons qu'il y a une lacune évidente dans la loi et qu'il doit y avoir une plus grande clarté à ce sujet, et que le projet de loi trouve un bon équilibre et fournira cette clarté.
Merci, monsieur le président et je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui.
J'aimerais dire, selon la position du Nouveau Parti démocratique, que votre présence ici aujourd'hui est vraiment la bienvenue, que ce soit la dernière réunion de notre comité ou pas. Je crois que notre comité a fait un excellent travail. Nous avons entendu une vaste gamme de points de vue. Je pense que nous en arrivons à une compréhension très bonne, très claire et très concise du droit d'auteur, qui, je l'espère, sera réutilisée rapidement lors de la prochaine législature, quelle que soit la configuration des partis.
Au sujet des questions que je vais vous poser aujourd'hui, je ne crois pas que nous ayons besoin d'en entendre plus sur la philosophie du droit d'auteur. J'aimerais comprendre les détails de ce qui est pratique, ce qui est applicable, et ce qui limite notre capacité à utiliser ces oeuvres de façon à en faire profiter nos collectivités.
Avec les libraires et archivistes l'autre jour, j'ai mentionné qu'il semblait que certaines dispositions du projet de loi puissent avoir des conséquences inutiles sur la capacité des gens d'avoir accès à des oeuvres pour l'éducation à cause de la disposition sur les prêts interbibliothèques, proposées au paragraphe 30.01(5). Il y a une limite de cinq jours ouvrables d'utilisation, et ensuite vous ne pouvez plus utiliser ce qui a été envoyé par voie numérique dans le cadre d'un prêt interbibliothèques. Non, le paragraphe 30.01(5) proposé comprend une limite de 30 jours pour le matériel didactique. Le matériel didactique doit être détruit après 30 jours. L'autre point touchait aux prêts interbibliothèques, que l'on a pour cinq jours. Il me semble que cela placerait les étudiants qui sont en situation d'apprentissage dans une région éloignée en situation de désavantage important par rapport aux autres étudiants. Avez-vous une opinion à ce sujet?
Le Conseil des ministres croit que l'exigence de destruction après 30 jours devrait être retirée du projet de loi, pour la simple raison que du point de vue de l'enseignement, les ressources didactiques pour créer des leçons sont rares et précieuses. Il n'est pas logique de les détruire alors qu'il leur faudra les recréer pour enseigner une nouvelle fois le cours au prochain semestre ou à la prochaine année.
Pour l'étudiant, l'exigence de destruction est tout aussi inacceptable parce que les étudiants développent leurs connaissances d'un cours à l'autre. Si vous suivez par exemple un cours de première année en chimie, vous devez conserver vos notes du premier cours afin d'approfondir vos connaissances lorsque vous prenez le deuxième cours.
Nous croyons que cette exigence de 30 jours devrait être retirée.
Je m'intéresse aux conséquences des mesures techniques de protection pour les étudiants aveugles, sourds ou malentendants. Ma fille aînée a fait toutes ses études alors qu'elle a une déficience auditive importante. Chaque année, nous devions nous assurer qu'elle pourrait avoir accès aux cours d'une façon équitable et raisonnable. D'un autre côté, nous avons des lois qui garantissent aux étudiants un accès complet en salle de classe, sauf que, par exemple, si un enseignant projette un film qui n'est pas sous-titré, en vertu des lois sur la protection de la gestion numérique des droits, vous devrez crocheter le verrou afin de fournir un sous-titrage à un étudiant pour qu'il puisse visionner le film avec les autres.
Êtes-vous inquiets que les étudiants souffrant de déficience visuelle ou auditive n'aient pas un accès équivalent à celui des autres étudiants si les mesures techniques de protection ne sont pas amendées?
Selon ma compréhension des dispositions du projet de loi C-32, il y a une exception qui permet le contournement d'une MTP pour offrir un accès à un étudiant souffrant de déficience perceptuelle. Le libellé de la disposition pose problème, parce qu'elle exige que les services, etc., « ne nuisent pas indûment » à la mesure technique de protection. Ne pas nuire indûment a une très grande portée. Certaines des organisations de personnes ayant un handicap perceptuel disent que ce n'est pas possible. Cela signifierait de remettre la MTP sur l'oeuvre, et c'est impossible à faire.
Je sais qu'il y aura un témoin après nous ce matin qui représente les personnes ayant un handicap perceptuel, mais la ministre de l'Éducation aimerait que cette condition de ne pas nuire indûment à la mesure technique de protection soit retirée.
Je veux poursuivre au sujet de « ne nuisent pas indûment », parce que je crois encore que le projet de loi contient des éléments qui présentent un cadre très raisonnable, mais qui semblent parfois être trop intrusifs si les services, etc., « ne nuisent pas indûment ». Il me semble, qu'avec l'ajout de sous-titrages à des DVD, vous en faites en gros une nouvelle copie. Alors quel est le but d'ajouter une mesure technique de protection? Est-ce que les jeunes vont le ramener à la maison pour le mettre sur isoHunt et le partager avec tous leurs amis? C'est très improbable. C'est utilisé dans un cas très précis.
Croyez-vous que nous serons en mesure de maintenir la crédibilité de la propriété intellectuelle utilisée si nous biffons « ne nuisent pas indûment »?
Je n'ai pas de connaissance technique, mais d'après mes connaissances théoriques, je dirais que oui.
Mais la position du conseil et celle de nombreuses communautés d'utilisateurs — les bibliothèques, les archives et les musées — sur les mesures techniques de protection en général est que l'on devait pouvoir briser les serrures et les contourner, tant que l'on n'a pas l'intention de violer le droit d'auteur. Le fondement même sur lequel repose toute cette partie du projet de loi est, d'après le conseil, foncièrement mauvais.
Je suis intéressé par votre préoccupation concernant la transmission numérique de matériel de cours. D'après ce que nous savons, il y aura un maintien de l'équilibre. Nous avons mis en place des licences collectives. Les organismes de délivrance de licences collectives font un excellent travail pour ce qui est du maintien des droits des créateurs. Si l'on permet la remise numérique des notes de cours pour les collectivités, pourquoi ne pas tout simplement accepter qu'il devrait y avoir une licence collective afin que les auteurs puissent être rémunérés et que les étudiants puissent étudier?
Les dispositions du projet de loi concernant la remise numérique des notes de cours, et je serai honnête, sont très difficiles à comprendre. C'est la partie la plus longue du projet de loi. L'objectif de la politique, où l'élément sur quoi les dispositions doivent porter, selon moi, sont beaucoup trop complexes. Je pense que la réaction dans les établissements d'études postsecondaires, c'est qu'ils ne les utiliseront pas ou qu'ils n'y auront pas accès parce que....
À des fins d'éclaircissement alors, le libellé est-il trop obscure, ou bien êtes-vous contre le fait de payer une licence collective pour du matériel didactique numérique?
On y aurait peut-être recours. Mais il y a des problèmes, et nous n'avons pas le temps de nous y attarder aujourd'hui. Dans le mémoire, il y a des problèmes majeurs sur la façon dont cette partie est structurée.
Je remercie les trois témoins de comparaître devant nous aujourd'hui. Je veux vous remercier pour votre explication et vos arguments les plus clairs sur les dispositions liées à l'utilisation équitable dans ce projet de loi.
Je suis d'accord avec vous. Je pense qu'on arrive à trouver le juste équilibre. Je pense que vous avez dit que le juste équilibre repose sur les principes d'équité. Voilà ce que fait ce projet de loi. Et je pense que vous avez dit que le projet de loi représente une bonne politique. Je veux vous assurer, relativement aux nombreux amendements dont vous avez parlé et auxquels vous avez fait référence, que nous en prenons bonne note et que nous en tiendrons compte de façon sérieuse.
Je pense que ce qui me perturbe vraiment et qui me déçoit profondément, c'est qu'après tout ce travail, après avoir entendu plus de cent témoins, après avoir reçu des centaines et des centaines de mémoires, la coalition de l'opposition a essentiellement choisi de défaire ce projet de loi et d'ignorer le travail que nous avons fait sur un projet de loi qui est essentiel pour notre économie.
Vous avez dit qu'il est impératif que ce projet de loi soit adopté et qu'il le soit immédiatement. Je pense qu'il y a plusieurs raisons pour lesquelles il est essentiel. Il est indispensable pour notre économie numérique, pour notre économie du savoir, pour l'éducation et pour nos industries créatives. Comme vous le savez, il s'agit du troisième projet de loi qui mourra au Feuilleton parce que des élections seront déclenchées. Pour moi c'est profondément décevant de savoir que nous allons perdre tout cet excellent travail en raison de machinations politiques de la part de la coalition de l'opposition.
Cela étant dit, vous avez dit que le fait d'élargir l'utilisation équitable pour inclure l'éducation permettait d'obtenir un juste équilibre, et je suis d'accord avec vous. Par contre, certains disent qu'il y aura une perte considérable de revenus pour les maisons d'édition et certains créateurs. Je ne suis pas d'accord avec eux. En fait, je pense que vous connaissez probablement l'affaire Alberta c. Access Copyright, présentée à la Cour d'appel fédérale, qui stipule en fait que les dispositions sur l'utilisation équitable contenues dans le projet de loi C-32 n'auront pas d'incidence sur l'application de l'utilisation équitable. L'affaire CCH présentée devant la Cour suprême du Canada s'applique et stipule clairement qu'en fait il n'y aura pas de perte de revenus. On ne fait que clarifier ce que constitue l'utilisation équitable, surtout dans le contexte de l'éducation.
J'aimerais me pencher sur la question des serrures numériques, et j'ai noté certaines de vos observations à cet égard. L'une des plaintes que nous avons entendues de la part de nombreux créateurs, c'est que cet équilibre que nous essayons de trouver semble avoir penché la balance essentiellement que d'un côté, de sorte que l'on protège moins les créateurs et leur droit d'auteur. C'est une des raisons pour lesquelles nous, en tant que gouvernement, avons en fait maintenu certaines protections relativement aux serrures numériques. Nous ne voulons pas que ces serrures numériques soient contournées, parce que cela rendrait possible toute une série d'abus.
J'aimerais que nous nous penchions sur l'article 47 du projet de loi, qui donne au ministre des pouvoirs réglementaires très vastes pour introduire des exemptions de contournement supplémentaires et lui permettrait au fur et à mesure du temps et de l'expérience acquise relativement à ce nouveau projet de loi et à la nouvelle loi, de reconnaître qu'il faut peut-être continuer d'offrir des possibilités supplémentaires de contournement. Je pense que la souplesse qui est prévue dans ce projet de loi permettra de répondre à certaines préoccupations que vous avez soulevées relativement aux serrures numériques. Nous ne savons pas ce que nous réserve l'avenir, nous ne savons pas quelle nouvelle technologie sera inventée, mais nous fournissons au ministre les outils pour réagir sans qu'il ne soit nécessaire de revenir en arrière pour faire des modifications statutaires.
Pourriez-vous me dire si vous soutenez ces vastes pouvoirs réglementaires et quelles répercussions ils pourraient avoir dans l'avenir au fur et à mesure que nous continuerons d'acquérir de l'expérience sous ce nouveau régime de droit d'auteur.
Je crois que l'arrêt de la Cour suprême sur l'utilisation équitable couvre la question des serrures numériques.
En ce qui concerne vos autres observations, je demanderais à notre avocate-conseil de parler de ce que dit le projet de loi au sujet des serrures numériques.
L'avis juridique que je donne au conseil — et ma réponse ne va pas vous plaire — est à l'effet que les droits d'utilisation dans une loi sur les droits d'auteur ne devraient pas être définis par des règlements. Ils doivent être discutés dans une pièce comme celle-ci, au sein d'un débat public au Parlement.
Depuis 30 ans je rédige des règlements en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Il y a eu quelques tables rondes sur les modifications de 1997. Les serrures numériques et les exceptions font partie d'un équilibre entre la protection d'une technologie et les droits d'utilisation. Je crois que ces droits doivent être débattus en public, doivent être inclus publiquement dans la loi, et ne doivent pas être décidés en vertu d'une procédure réglementaire à huis clos.
J'ai lu la Loi sur le droit d'auteur. L'expression « droits d'utilisation » n'y figure pas. Cette expression n'est pas employée. La seule fois où j'ai vu cette expression était dans l'affaire CCH, et je crois qu'on ne l'a employée qu'une seule fois. Ce n'est même pas...
En fait, c'est la Cour suprême qui a créé l'expression en adoptant la façon dont ces droits ont été décrits par d'autres qui oeuvrent dans le secteur. Je sais que la Loi sur le droit d'auteur parle du droit exclusif au moins 9 ou 10 fois, et chaque fois cela renvoie aux droits des titulaires du droit d'auteur. Cela doit être notre point de départ lorsqu'il s'agit du droit d'auteur.
Les créateurs créent quelque chose. Ils y ont droit en tant que titulaires. Lorsqu'on crée des droits supplémentaires pour les utilisateurs, le droit de contourner une serrure numérique par exemple, on est en train de déroger aux droits que détiennent les titulaires des droits d'auteur.
Alors il faut faire attention à mesure que nous avançons dans cette voie pour que nous agissions de façon modérée, d'où le pouvoir du ministre de réglementer, ce qui nous permet de nous adapter à un environnement en évolution et d'apprendre au fur et à mesure que nous avançons.
Je suis sûr que le ministre, qui que ce soit à l'avenir, va agir de façon raisonnable afin d'assurer que les utilisateurs aient accès à l'utilisation équitable et, si nécessaire, qu'ils puissent contourner des serrures. Mais nous voulons pouvoir nous assurer que les titulaires des droits d'auteur puissent exercer leurs droits d'auteur. C'est le point de départ, la protection de la propriété privée, que l'on retrouve dans le droit d'auteur.
Encore une fois, nous essayons d'atteindre un équilibre, et c'est souvent un compromis. Ça va dans les deux sens. Plusieurs créateurs disent que l'équilibre bénéficie de plus en plus les utilisateurs et que les créateurs reçoivent très peu.
Je dirais d'abord qu'il est un peu regrettable que M. Fast ait consacré du temps de ce comité important à faire des remarques partisanes.
Si je voulais être partisan, je lui rappellerais qu'en 2005 nous avons vu mourir un très bon projet de loi lorsque la coalition NPD-Bloc-Conservateur a fait tomber le gouvernement.
Si je voulais être partisan, je lui rappellerais aussi qu'un autre projet de loi, en 2008, est mort parce que le gouvernement conservateur a déclenché des élections.
Si j'étais partisan, je lui rappellerais qu'ils sont au pouvoir depuis plus de deux ans, y compris la prorogation, bien sûr, ce qu'il ne faut pas oublier.
Si on étudie le projet de loi avec tant de retard, ce n'est certainement pas la faute du Parti libéral, monsieur le président. Vous le savez pertinemment.
Je m'adresserais maintenant à nos témoins.
(1145)
[Français]
Bonjour.
Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui.
Quel lien, quelle relation y a-t-il entre vous et Access Copyright?
D'après ce que je comprends, un litige important vous oppose actuellement à Access Copyright. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois savoir que vous ne vous êtes pas entendus sur les tarifs relatifs aux étudiants. La Commission du droit d'auteur a été saisie de cette affaire et, dans sa décision, a opté pour un nouveau tarif sur lequel vous n'êtes pas d'accord. Vous avez porté cette cause devant la cour qui, je crois, a donné raison à Access Copyright et maintenu le tarif. D'après ce que je comprends, vous voulez maintenant porter la cause devant la Cour suprême. C'est bien cela?
La réponse, c'est oui. Nous avons déposé une requête en autorisation à la Cour suprême sur une question très précise qui découle de cette affaire. C'est un aspect très précis, mais le principe est extrêmement important, c'est-à-dire, est-ce qu'un enseignant peut faire des copies pour ses étudiants?
Je vais en parler deux minutes, car c'est une question très importante du point de vue des politiques à adopter. Les précédents à la Cour fédérale d'appel indiquent qu'un commerçant de la musique en ligne a le droit de faire écouter de la musique à un client potentiel.
Je m'excuse de vous interrompre, mais je n'ai que cinq minutes.
Qu'est-ce qui arrive à l'argent qui est prélevé, entretemps? Qu'est-ce qui arrive à l'argent qui doit être prélevé pour les copies pendant qu'il y a un litige? Est-il redistribué aux auteurs?
Si je comprends bien, cela pénalise les auteurs, parce que l'argent doit être mis de côté pour l'instant étant donné que vous portez encore une fois la cause en appel.
Je suis obligé d'arrêter, car j'ai promis à mon collègue de lui laisser un peu de temps.
Dans votre requête liée à la décision de la Cour d'appel fédérale, qui a décidé en faveur du tarif, vous ne vous limitez pas à la question de l'argent. Vous avez dit que l'argent n'est pas au coeur du problème. Selon votre requête, l'interprétation actuelle du droit en ce qui concerne l'utilisation équitable est vague et imprécise.
Dois-je donc comprendre que le critère à six volets appliqué par la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCH est inacceptable? Cherchez-vous à obtenir quelque chose gratuitement qui ne serait pas gratuit dans le cas d'un contrat de déneigement ou l'achat d'ordinateurs? Je comprends mal la position de votre organisme. Il me semble que vous préféreriez obtenir des choses gratuitement plutôt que de respecter certains droits de propriété mentionnés par M. Fast plus tôt.
Cette idée est fausse. Nous ne cherchons pas à obtenir quoi que ce soit gratuitement. Le secteur de l'éducation paie pour obtenir des licences et remet des redevances de droit d'auteur, et il continuera à le faire. Les amendements que nous proposons visent à préciser la situation. On ne parle pas...
Je suis désolé de vous interrompre, mais c'est parce qu'il ne nous reste probablement que quelques secondes.
Est-ce que les facteurs énumérés dans l'affaire CCH sont suffisants? Vous recherchez l'équité, mais il me semble que c'est déjà bien défini. N'êtes-vous pas d'accord avec cette décision? Si vous n'ergotez pas sur cette décision, j'essaie de déterminer pourquoi vous interjetez appel d'une décision auprès de la Cour d'appel fédérale.
Nous demandons à la Cour suprême d'interpréter la deuxième étape de l'affaire CCH à savoir ce qui est équitable, et ce à partir de ces six facteurs. La Cour d'appel fédérale a établi une règle stricte à savoir que lorsqu'un enseignant fait des copies d'un document pour ses étudiants dans sa classe — ce n'est pas équitable. Nous pensons, qu'en tant que politique publique, cela ne respecte pas l'esprit de la loi.
Vous savez que la protection des droits d'auteur nous tient beaucoup à coeur. Nous aurions aimé pouvoir aboutir à une loi qui protège les droits d'auteur, tout en servant correctement la collectivité et le monde de l'éducation. Malheureusement, le gouvernement a proposé un budget tellement mauvais qu'il a fait en sorte que nous ne pourrons pas continuer jusqu'à la fin.
Si j'ai bien compris, vous nous avez parlé, lors de votre présentation, d'un montant de près d'un milliard de dollars dépensé au Canada pour les droits d'auteur et licences de toutes sortes.
Pour ce qui est de ce que j'ai évoqué plus tôt, selon nos estimations cela se situe aux environs d'un milliard de dollars d'un bout à l'autre du pays. Cela comprend ce que le secteur de l'éducation dépenserait s'il devait acheter un ouvrage au complet — qu'il s'agisse d'un livre, d'un film ou d'une oeuvre d'art — ou s'il devait payer pour utiliser un de ces éléments.
Comme l'a dit ma collègue plus tôt, l'Assemblée nationale du Québec est opposée au projet de loi C-32 tel que présenté à la Chambre des communes. Ses membres ont des craintes relativement à la perte de revenus pour les auteurs et les créateurs.
À cet égard, vous disiez que votre organisation avait une attitude d'ouverture et qu'il y avait des discussions ou des échanges avec le Québec.
D'après vous, le ministère de l'Éducation du Québec se trompe-t-il quand il appréhende des pertes importantes pour les créateurs et les auteurs?
Je pense qu'il y a confusion concernant la perte de revenu pour les auteurs et pour les membres de la collectivité des créateurs. Nous, les ministres de l'Éducation du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, nous voulons que les amendements soient intégrés afin d'apporter les éclaircissements. Cela n'aura aucun impact sur les revenus que recevront les créateurs. Ils demeureraient inchangés. Cela ne donnerait lieu à aucun changement de revenu.
Nous faisons cette demande pour des raisons de clarté. À l'heure actuelle, il n'y a aucune précision sur ce que les professeurs et les enseignants peuvent faire dans leur propre salle de classe. Il faut également voir ce que les étudiants peuvent et ne peuvent pas faire dans leurs devoirs et leurs rapports. Voilà ce que nous demandons.
La Conférence canadienne des arts nous présentait sommairement l'impact financier du projet de loi C-32 sur les artistes et autres titulaires de droits. Il y en avait pour 126 millions de dollars. Ça peut paraître peu par rapport à 1 milliard de dollars, mais si on décortique ce milliard de dollars, on se rend compte qu'il ne comprend pas que des droits d'auteur. La proportion est plus basse.
En ce qui a trait à l'inscription en matière d'éducation, au chapitre de l'utilisation équitable, on parle de pertes potentielles de 41,4 millions de dollars. C'est basé seulement sur ce qui avait déjà été payé et non sur ce qui pourrait être payé en vertu des règlements des lois actuels, ce qui pourrait augmenter.
Vous nous dites qu'il n'y aura aucune perte pour les auteurs, les créateurs, les société collectives. Par contre, quelqu'un nous présente ça et fait des estimations. Ce n'est pas excessivement précis, ça peut être plus ou ça peut être un peu moins, mais il y a quand même des pertes appréhendées de 41,4 millions de dollars relativement à l'utilisation équitable.
Demeurez-vous sur votre position? Croyez-vous qu'il n'y aura pas de changement relativement aux droits d'auteur?
Oui, je stipule clairement qu'il n'y aura pas de perte de revenu pour les gens qui font partie de l'économie créative. J'estime que les revendications que vous présentez ne sont pas fondées. Nous avons examiné cette question attentivement. Nous ne demandons pas de recevoir des choses gratuitement. Nous voulons de la clarté. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui.
Tout de même, un milliard de dollars, c'est de l'argent! On peut être tenté d'essayer... Il y a des compressions partout. Si on est ministre, on doit être tenté aussi parfois de dire qu'un milliard de dollars, c'est beaucoup et qu'il faudrait trouver un moyen de réduire ce montant.
Si vous aviez à trouver un moyen de réduire ce montant, ça pourrait être de modifier quelques articles de loi sur les droits d'auteur, ne croyez-vous pas?
Nous ne cherchons en aucune façon à faire des économies. Nous voulons tout simplement que les choses soient éclaircies. À l'heure actuelle, les enseignants, les étudiants et les professeurs ont de la difficulté à déterminer ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire.
La société a changé, la technologie a changé, mais la Loi sur le droit d'auteur n'a pas suivi la nouvelle réalité. Alors nous voulons obtenir des éclaircissements. Il n'y aura aucune perte de revenu. Les revendications que vous avez présentées sont erronées. Vous parlez de l'utilisation efficace de notre argent. En aucune façon nous ne toucherions à quiconque gagnerait sa vie en créant des livres, de l'art ou de la musique. Ça ne fait pas partie de ce que nous demandons. Nous sommes ici pour obtenir des éclaircissements.
Madame la ministre, ceci n'a rien à voir avec le droit d'auteur, mais je suis le secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien. Quelle est la situation du Musée canadien de l'immigration du Quai 21 à Halifax?
Ah, je vous dis, c'est tout à fait splendide. D'excellentes choses se passent au Quai 21, et les gens apprécient beaucoup qu'il soit classé musée national. Ruth Goldbloom, bénie soit-elle, est plus que ravie.
Mes grands-parents ont débarqué au Quai 21. J'ai hâte de le visiter quand il sera fini. C'est une excellente nouvelle.
Tout d'abord, merci pour votre comparution d'aujourd'hui. C'est très important.
Pour ce qui est du droit d'auteur, je crois que vous avez bien raison de vouloir des précisions. Énormément de témoins ont comparu sur cette question. Le défi auquel nous avons été confrontés c'est que, j'imagine, dans le milieu artistique, certainement chez les auteurs, il existe une suspicion, un manque de confiance. Une auteure a comparu la semaine passée disant qu'elle avait l'impression que vous risquez de les traîner devant les tribunaux pour leur soutirer le revenu qu'ils ont actuellement. Nous n'avons rien entendu de la sorte.
Est-ce que vos conseillers scolaires, vos enseignants ou vous-même aurez dit à qui que ce soit que vous n'alliez plus devoir payer quiconque pour leurs oeuvres? Avez-vous entendu des ministres provinciaux indiquer que l'exemption pour les établissements d'enseignement en matière d'utilisation équitable voudrait dire qu'ils n'auraient plus à payer pour des oeuvres protégées par les droits d'auteur?
Non, il n'en a jamais été question. Il est question ici d'établir un équilibre et de s'assurer que ce soit clair.
Il est très difficile dans le domaine de l'éducation de fonctionner sans savoir. Je sais qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais sur cette question, j'ai travaillé en tant qu'enseignante au ministère de l'Éducation pendant bien des années, et je pourrais vous donner beaucoup d'exemples de situations où je ne savais pas si je pouvais utiliser une oeuvre dans la salle de classe. Il n'y avait personne qui pouvait répondre à ma question.
Je vais demander à la sous-ministre de vous donner un exemple de ce qui se passe au ministère de l'Éducation en Nouvelle-Écosse et du manque de clarté.
Je dirais qu'assez fréquemment il y a des gens dans la province qui nous demandent quelles sont les règles, ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils ne peuvent pas faire. Nous ne pouvons pas leur fournir une réponse claire.
Ce que nous vous disons aujourd'hui c'est que ce projet de loi permet aux enseignants et aux étudiants d'utiliser de façon équitable du matériel et des oeuvres et de profiter de la technologie et tout en respectant les droits des créateurs. On ne veut pas les empêcher de gagner de l'argent pour leurs oeuvres ou en contrôlant l'utilisation à leur guise.
Nous voulons des réponses claires pour le secteur de l'éducation.
J'ai rencontré des centaines et des centaines de groupes pour discuter des questions de droit d'auteur depuis 2008. J'ai toujours dit qu'il fallait définir les limites. Si les gens savent ce qui est légal et ce qui n'est pas légal, surtout les établissements d'enseignement, les ministères et les gouvernements provinciaux, etc., ils feront ce qui est légal. La grande majorité des Canadiens respectent la loi. Nous le savons. Je comprends. Je crois qu'il est important qu'il y ait de la clarté.
Madame la ministre, ce qui me fait plaisir c'est de voir vers où se dirige l'éducation et la façon dont la technologie, et certaines des innovations qui ont été faites, profiteront au secteur de l'éducation. Le fait de rajouter l'exception pour l'éducation permet une certaine souplesse. On peut, par exemple, utiliser la carte électronique et les choses qui se trouvent sur Internet entre autres. Cela devrait faire partie de l'utilisation équitable dans la salle de classe.
À l'avenir je crois que les manuels scolaires risquent de ne plus être le moyen par lequel nous transférons le savoir. Il se peut que ça se fasse par le biais de dispositifs numériques tels que les iPad, ou autre chose. Mais j'ai bien hâte, et je veux permettre à ces innovations de prendre leur cours.
Est-ce que l'innovation par le biais de la technologie serait appuyée par votre gouvernement, croyez-vous que c'est bien cela l'avenir de l'éducation?
Absolument. Nous avançons dans ce sens. C'est tout à fait époustouflant de voir à quel point nous avons évolué en si peu de temps, pour ce qui est de la technologie et des salles de classe. Il y a des enfants de cinq ans qui vont à l'école aujourd'hui et qui en connaissent plus sur les ordinateurs que moi à l'époque où j'ai commencé à enseigner. Cela dit, j'ai suivi bien des cours pour me perfectionner.
Cela fait maintenant partie de notre société. La technologie et les changements technologiques font partie de qui nous sommes, puisque ce que nous utilisons aujourd'hui risque d'être très différent d'ici cinq ans, parce que, comme vous le savez, chaque année il y a quelque chose de nouveau sur le marché. Le secteur de l'éducation doit se trouver à la fine pointe de cette évolution parce qu'il faut que l'on s'assure que nos enfants se sentent à l'aise et que nous utilisons ces technologies. Si nous ne le faisons pas correctement dans nos écoles et nos universités il risque d'y avoir un décalage au sein de la société en général. Nous devons être responsables en matière de technologie. Nous devons nous trouver à la fine pointe de l'innovation.
Mesdames et messieurs, le comité législatif chargé du projet de loi C-32 reprend ses travaux.
Nous accueillons des témoins de trois organisations. De l'Université Athabasca, Troy Tait et Rory McGreal; de l'Institut national canadien pour les aveugles, Cathy Moore; et de l'Association canadienne des conseillers en services aux étudiants handicapés au postsecondaire, Karen Coffey.
Nous allons commencer par M. McGreal de l'Université Athabasca, vous disposez de cinq minutes.
Monsieur le président, chers membres, merci d'avoir invité l'Université Athabasca. Nous estimons que c'est un événement très important pour nous.
J'aimerais vous présenter Troy Tait, qui est notre directeur des relations gouvernementales et opérations. Je suis le vice-président associé en recherche de l'Université Athabasca et je suis également titulaire de la chaire Commonwealth of Learning de l'UNESCO au Canada. Cela pourrait vous aider à comprendre la position qui est la mienne aujourd'hui.
L'Université Athabasca est l'université ouverte du Canada. Tous nos étudiants suivent leurs cours en ligne. Nous avons plus de 40 000 étudiants, qui proviennent de toutes les provinces et territoires du Canada ainsi que de plus de 100 pays. Vous pouvez voir l'importance de l'utilisation d'Internet pour nous et que l'utilisation du droit d'auteur, sur Internet et dans un environnement numérique est absolument essentielle pour notre existence, tout autant que pour les universités traditionnelles qui se tournent de plus en plus vers l'information en direct. Il n'y a aucune université traditionnelle de nos jours qui ne compte pas un grand pourcentage de son contenu, de son enseignement et de son apprentissage qui est fait en direct.
J'aimerais vous rappeler — et j'ai été un peu découragé par certaines des observations de ce matin — que le droit d'auteur a été établi non pas pour conserver les droits des auteurs; au contraire, la première loi sur le droit d'auteur était une loi visant à encourager l'apprentissage. Voilà le point de vue que j'adopte en tant qu'éducateur: le droit d'auteur vise à encourager l'apprentissage. À l'origine on pensait que cela pourrait aider les gens à étudier, si l'on donnait aux auteurs certains droits limités. Je constate que cela est de plus en plus transformé dans un droit ne protégeant que les auteurs et que les gens oublient le volet éducation. Alors, je suis heureux de constater que dans ce projet de loi nous avons ajouté le volet éducation dans les dispositions concernant l'utilisation équitable.
En général, nous soutenons ce projet de loi. Nous soulevons certaines exceptions mineures qui pourraient l'améliorer et le rendre utilisable au XXIe siècle.
Les livres électroniques sont de plus en plus courants; les tablettes électroniques commencent à avoir la faveur auprès des lecteurs. L'an dernier, Amazon a pour la première fois vendu plus de livres électroniques que de livres imprimés. Alors, on parle d'un monde tout à fait différent. Toutefois, avez-vous lu les licences lorsque vous achetez un livre électronique ainsi que les restrictions qui sont imposées? Pourquoi est-ce devenu inéquitable d'être le propriétaire d'un livre une fois que vous l'avez acheté? Qu'est-il arrivé au principe selon lequel « lorsque vous l'achetez, vous pouvez en disposer »? Maintenant, on achète un livre électronique et on nous dit qu'on peut le lire en Australie, mais qu'on ne peut pas rien surligner ni rien annoter et que c'est illégal de le montrer à ses amis. Il y a tellement de restrictions sur ces livres que cela devient impossible pour nous de les utiliser dans un contexte d'apprentissage en ligne. C'est ce qui fait en sorte que nous nous tournons en tant qu'université vers des ressources pédagogiques ouvertes.
Pendant que vous parlez de perte de revenu découlant de l'utilisation équitable, nous disons que non, vous ne perdez pas de revenu; le tout demeurera inchangé. Les maisons d'édition ne perdront pas d'argent en raison de l'utilisation équitable; elles perdront de l'argent parce qu'elles insistent sur des restrictions et qu'elles protègent leurs droits numériques par des mesures techniques de protection pour faire en sorte que ces ouvrages soient inutilisables dans un contexte d'éducation en ligne. Cela nous obligera à rechercher de plus en plus des ressources pédagogiques ouvertes, et c'est ce que nous faisons à l'heure actuelle. L'État de Washington s'oriente dans cette voie également. L'ensemble de l'État cherche des sources pédagogiques ouvertes. La Californie s'oriente dans cette direction. Et ces États le font en raison des serrures numériques. Elles ne peuvent pas fonctionner en utilisant les nouvelles tablettes et les nouveaux livres électroniques et tout ce genre de matériel en raison de toutes les restrictions de propriété qui sont imposées.
Si vous voulez soutenir l'industrie de la publication, méfiez-vous des conséquences inattendues. Et il s'agit ici d'une importante conséquence inattendue. Si vous permettez l'utilisation de serrures, vous allez perdre de l'argent, parce qu'on ne peut plus utiliser ces produits dans un contexte d'enseignement.
(1215)
Dans un contexte d'enseignement en ligne, nous devons comparer des textes en ligne. Nous ne pouvons pas respecter des licences et des mesures de protection qui contrôlent tout ce que nous faisons dans les plus petits détails. Il faut que ces produits soient ouverts et souples afin que nous puissions les utiliser de toutes sortes de façons. Nous voulons être en mesure d'utiliser des livres électroniques dans un contexte propre au XXIe siècle avec nos étudiants. Et les serrures numériques ne devraient pas empêcher des utilisations autorisées y compris l'utilisation équitable.
Vous dites qu'il s'agit d'un projet de loi équilibré. Non, il ne l'est pas. Il n'y a pas d'utilisation équitable dans ce projet de loi. Si quelqu'un installe une serrure numérique que je ne peux pas contourner, alors je ne peux pas avoir accès à mes droits d'utilisation équitable, des droits d'utilisation équitable qui sont accordés par la loi. Alors ne dites pas qu'il y a équilibre ici. Il n'y a pas d'équilibre. Mais il est facile d'obtenir cet équilibre — il suffit de dire « pour toute utilisation illégale. » C'est tout ce que vous avez à faire.
Il a été soutenu que ces restrictions à l'industrie de la publication...
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de me faire entendre aujourd'hui.
Je dois dire que pendant un instant, j'ai cru que Rory allait peut-être devenir mon collègue. J'en étais ravie. L'Institut national canadien pour les aveugles, l'INCA, serait honoré de compter Rory parmi ses membres.
Je m'adresse à vous aujourd'hui au nom de l'INCA, un institut qui offre précisément un service appelé la Bibliothèque de l'INCA. Cette bibliothèque est en service depuis 1918, soit depuis la création de notre organisation. Elle permet de rendre accessibles des ressources bibliothécaires en offrant notamment du matériel en format substitut. Le braille ou le format audio sont sans doute les formats que vous connaissez le plus. Bien entendu, de nos jours, le format audio s'entend également de la lecture en transit de fichiers sonores, dont des CD ou des fichiers téléchargeables. Nous avons bien sûr élargi notre éventail de formats.
Nous sommes l'un des plus grands producteurs de documents en média substitut. Sur le plan bibliothécaire, nous sommes l'un des plus grands au Canada. Je tiens cependant à reconnaître le travail de mes collègues d'en face et des centres de ressources éducatives du pays qui produisent également du matériel en média substitut pour les étudiants. Cet aspect est absolument essentiel.
En 2008, l'INCA a présenté trois recommandations sur la réforme du droit d'auteur au comité. Il est difficile à croire que nous sommes maintenant en 2011. Nous tenions du moins à vous encourager en soulignant le fait que deux recommandations sur trois ont été mises en oeuvre. Cependant, je tiens à énoncer brièvement certaines restrictions à cet égard.
Nous avions recommandé d'éclaircir le libellé du paragraphe 32(1). Nous sommes visés par cette disposition, car elle porte sur la production de matériel en format substitut pour les personnes ayant des déficiences perceptuelles, sous 32.1(1) et sur les exceptions prévues en matière d'infraction au droit d'auteur. Le libellé du paragraphe 32(1) a été clarifié et nous en sommes ravis et reconnaissants.
Notre troisième recommandation portait sur les serrures numériques et les mesures techniques de protection. Bien que nous ayons certaines réserves, nous sommes encouragés par les recommandations qui ont été formulées, car il y a maintenant une reconnaissance de l'exemption ou une capacité de production dans l'intérêt des personnes ayant des déficiences perceptuelles. On reconnaît maintenant la possibilité de se soustraire à la loi et l'on autorise des outils permettant cette dérogation aux mesures techniques de protection.
C'est une bonne chose, et bien sûr nous nous réjouissons que l'interdiction ne soit plus générale, mais cela ne règle pas les problèmes de la communauté élargie du milieu éducatif. Ce changement constitue un bon point de départ, mais idéalement il faudrait établir un modèle d'affaires — je répète que ce n'est pas au comité de le faire — qui permette aux éditeurs de faire circuler des fichiers dans un format accessible, soit un format qui ne constitue pas un contournement de la loi, nous pourrions accroître énormément notre capacité de produire des livres en média substitut.
La deuxième recommandation... J'aimerais terminer en soulignant que la clause sur l'importation et l'exportation, au paragraphe 32(1), constitue une amélioration également. On reconnaît le besoin d'inclure les livres. Pourquoi produire 19 éditions différentes d'Harry Potter en anglais alors que ce que nous voulons vraiment c'est une seule édition qui peut être échangée de part et d'autre?
J'aimerais soulever un point qui en ce moment constitue un véritable problème pour nous, bien que ce soit bénin par rapport à d'autres questions qui ont été soulevées. Il s'agit de l'obligation pour l'institution qui produit le matériel d'établir la citoyenneté effective des détenteurs de droit d'auteur. Cela semble très simple, mais c'est en fait très difficile, car nous devrons accroître nos ressources et notre personnel. Cette disposition est difficile à appliquer, elle prend du temps et elle détournerait nos ressources déjà très limitées qui sont dédiées à la production de matériel et à la gestion de la bibliothèque. Nous proposons donc qu'un autre organisme soit tenu responsable plutôt que l'institution qui reproduit ou reformate le matériel. On pourrait désigner par exemple Access Copyright comme étant l'organisation qui se devrait de transmettre les renseignements portant sur la citoyenneté, que la personne soit un citoyen canadien, un réfugié, etc.
Je vais m'arrêter sur ce dernier point. Merci encore de m'avoir invitée.
Au nom de l'Association canadienne des conseillers en service aux étudiants handicapés au postsecondaire, ou l'ACCSEHP, nous remercions le Comité législatif de nous avoir invités à présenter un exposé aujourd'hui.
L'ACCSEHP est un regroupement national de professionnels qui travaillent à la création permanente de milieux d'apprentissage postsecondaires accessibles, équitables et inclusifs pour les étudiants handicapés. L'ACCSEHP compte parmi ses membres des fournisseurs de services aux personnes handicapées dans des collèges, des instituts techniques et des universités, ainsi que des professionnels anglophones et francophones.
Partout au Canada, des étudiants incapables de lire les imprimés, parce qu'ils sont aveugles ou ont une déficience de lecture, ont un accès limité aux manuels et au matériel de cours. Au cours des dix dernières années, les technologies d'aide pédagogique destinées aux personnes handicapées, par exemple les lecteurs écrans qui lisent à haute voix un fichier numérique à un étudiant qui ne voit pas les mots écrits, ou qui ne les comprend pas en raison d'une grave déficience de lecture, ont grandement évolué.
Cet outil a ouvert des possibilités aux étudiants ayant des déficiences de la perception, qui constituent le plus grand groupe de personnes handicapées dans les collèges et les universités du Canada. Ces étudiants peuvent maintenant utiliser des logiciels de télécommunication vocale qui convertissent le texte numérique dans des formats permettant aux étudiants d'entendre des versions sonores des manuels et du matériel de cours obligatoire.
Les responsables de nombreux programmes provinciaux de prêts étudiants sont d'ailleurs déjà conscients de cet impératif. Les étudiants handicapés admissibles à des prêts étudiants le sont également à des bourses leur permettant de se procurer le matériel et les logiciels nécessaires pour utiliser de cette façon les documents numériques. Toutefois, le matériel et les logiciels ne leur sont guère utiles s'ils n'ont pas accès aux documents numériques voulus, par exemple une version électronique d'un manuel de cours.
Contrairement à ses camarades non handicapés, un étudiant aux prises avec un trouble de la perception ne peut se rendre tout simplement à la librairie de l'université pour acheter un manuel obligatoire. Il doit s'en remettre à des fournisseurs de services spécialisés pour faire la démarche longue et ardue visant à obtenir une copie numérique du texte, ou faire convertir une copie imprimée d'un manuel dans un format adapté à ses besoins. L'étudiant doit parfois attendre des semaines avant d'avoir la copie numérique du texte et pendant ce temps, il n'a pas accès au matériel de cours et peut prendre du retard dans ses études.
Lorsqu'un texte est fourni par un éditeur, l'étudiant dépend également des fournisseurs de services spécialisés pour l'aider à obtenir le texte en média substitut car les éditeurs, qui invoquent des questions de droit d'auteur, n'acceptent pas de fournir directement aux étudiants des textes en média substitut. Certains éditeurs voient cependant à ce que les étudiants reçoivent des copies appropriées en média substitut. Dans d'autres cas, les textes en média substitut prennent des semaines à parvenir à l'étudiant, ou ne sont pas disponibles du tout.
Lorsqu'un balayage manuel est nécessaire, l'étudiant peut acheter une version imprimée du livre, en couper le dos pour permettre cette opération, et balayer une page après l'autre pour permettre la lecture sonore écran. Il faut ensuite vérifier l'information balayée pour s'assurer qu'elle est exempte d'erreurs car le processus de traduction électronique n'est pas toujours sûr. Dans les différentes régions du Canada, les fournisseurs de services aux personnes handicapées s'efforcent de répondre aux nombreuses demandes de balayage et de correction de texte. Toutefois, certains établissements postsecondaires, en particulier ceux situés dans les régions rurales, ne disposent pas du personnel, de l'expertise et du matériel nécessaire pour aider les étudiants en balayant et en corrigeant l'information.
Le gouvernement du Canada doit voir à ce que les éditeurs mettent les textes et le matériel à la disposition des étudiants handicapés. Idéalement, ceux-ci pourront acheter dans les librairies des textes structurés en média substitut aussi aisément que les autres étudiants se procurent les textes imprimés. En outre, nous prions instamment le comité de prévoir des mesures législatives claires obligeant les éditeurs et les entreprises qui produisent des aides pédagogiques imprimées et non imprimées vendues à des établissements d'enseignement postsecondaire canadiens à fournir à ceux-ci sur demande et dans des délais opportuns des fichiers structurés des textes électroniques de ces documents. Nous constatons que la Loi sur le droit d'auteur proposée attribue la responsabilité de fournir les fichiers des textes électroniques aux entreprises qui créent et mettent en marché les aides didactiques.
(1225)
Les étudiants handicapés ne demandent pas un traitement de faveur en ce qui a trait aux manuels. Ils sont prêts à les acheter comme les autres étudiants. Ils souhaitent pouvoir se les procurer à la librairie du collège ou de l'université qu'ils fréquentent, en même temps que leurs pairs et dans un format adapté à leurs besoins. Sans quoi, ils continueront de se buter à des obstacles qui les empêchent d'accéder à une éducation juste et équitable.
Je n'utiliserai peut-être pas mes sept minutes, mais si je les utilise, je m'en excuse à l'avance.
Monsieur McGreal et mesdames et messieurs les témoins, merci beaucoup d'être ici aujourd'hui. Ça sera peut-être notre dernière série de questions, mais je suis sûr que nous allons y revenir à un moment donné, je l'espère, après les élections.
J'aimerais vous demander, monsieur Tait, ou à vous, monsieur McGreal, quelle est votre position en ce qui concerne l'utilisation équitable. Je veux comprendre quelle est votre position, étant donné, bien sûr, le caractère distinct de votre université.
Je sais que vous avez travaillé avec l'Association des universités et des collèges du Canada, dont les représentants ont témoigné ici il y a quelques semaines, et que vous partagez certaines de leurs positions. J'aimerais savoir plus de détails. Vos commentaires ne m'ont pas vraiment éclairé au sujet de votre position.
Notre position découle de celle de l'AUCC, et même de celle du CMEC. Nous appuyons les amendements concernant l'éducation, la parodie et la satire, et nous sommes d'accord avec le fait de suivre les six facteurs établis par la Cour suprême. Nous aimerions bien nous en prévaloir. Mais si la documentation est verrouillée, l'utilisation équitable n'existe plus. On ne peut plus parler du droit à l'utilisation équitable, puisque ce droit n'existe plus si la documentation est verrouillée. Cela n'est pas logique.
Exact. L'utilisation équitable, telle qu'elle existe dans ce projet de loi, est une bonne chose. Je crois que vous avez trouvé le bon équilibre. Comme je l'ai dit, il y aurait quelques petites améliorations à apporter au projet de loi.
Puisque nous parlons de l'accès en ce qui concerne l'inclusion de l'éducation en matière d'utilisation équitable, tel que proposé par le projet de loi, seriez-vous d'accord s'il y avait une incidence négative pour une oeuvre sur le marché, ou est-ce que ce serait de l'utilisation inéquitable, si je peux parler ainsi? Est-ce que c'est quelque chose que vous prendriez en compte?
Il n'y aurait pas d'incidence négative sur le marché. Je crois que trop de Canadiens s'intéressent trop à l'économie des fournisseurs Internet, surtout en ce qui concerne les droits d'auteur. Ils ne se rendent pas compte que l'économie de l'utilisation équitable est beaucoup plus importante. Il y a des entreprises d'hébergement Web, des moteurs de recherche, des développeurs de logiciels, des fabricants d'appareils, et des agences de nouvelles. Ils dépendent tous de l'utilisation équitable et d'une loi robuste en ce sens. Selon un rapport récemment publié aux États-Unis, l'économie de l'utilisation équitable est plus importante que l'économie des fournisseurs Internet, et beaucoup plus importante que celle des droits d'auteur. Donc, en ce qui concerne l'incidence sur le marché, nous devrions ouvrir l'économie de l'utilisation équitable parce que c'est là où ça se passe. D'accord, les fournisseurs Internet sont importants, mais le domaine de l'utilisation équitable l'est tout autant, et cette dernière prendra de plus en plus d'ampleur à l'avenir. Regardez les industries qui dépendent de l'utilisation équitable et vous verrez qu'elles prennent de l'expansion beaucoup plus rapidement que l'économie des fournisseurs Internet.
Si on amendait le projet de loi de sorte qu'il y ait utilisation inéquitable dans le cas où c'est une société de gestion qui s'occupe des oeuvres, seriez-vous d'accord?
Si une société de gestion avait un permis pour ce genre d'oeuvres — le marché, par exemple, ou le titulaire d'un droit de propriété ou d'un droit d'auteur particulier —, seriez-vous d'accord pour que l'utilisation équitable soit exonérée, ou écarteriez-vous quelqu'un qui avait un tel permis?
Je ne vois pas comment l'utilisation équitable pourrait être exonérée, parce que c'est très restreint. On ne peut pas l'utiliser pour grand-chose, mais l'utilisation équitable est très utile là où elle s'applique.
Oui, monsieur McGreal, nous sommes préoccupés par la définition de l'utilisation équitable, parce que la définition d'éducation est maintenant beaucoup plus large qu'elle l'était auparavant. Je crois que même la Cour suprême l'a clairement souligné dans ses décisions. Je pense que vous savez qu'il n'y a pas de critères établis. Nous verrons si l'utilisation est équitable selon chaque cas, et c'est pourquoi je m'y intéresse, parce que la définition donnée est très large. Les tribunaux ont dit vouloir être assez limitatifs, mais ils ont défini ce concept de façon assez vague, à mon avis. C'est pourquoi nous voulons comprendre votre position là-dessus, à savoir si vous trouvez qu'il y a certaines choses qui sont équitables dans le domaine de l'éducation et d'autres qui ne le sont pas.
Mais je vous remercie quand même de votre intervention.
M. Garneau a une question au sujet des fournisseurs de services Internet, puisque vous l'avez mentionné. Je lui cède la parole.
Monsieur McGreal, je veux comprendre une chose. Vous avez fait mention des serrures numériques, et je veux savoir si vous croyez qu'on ne devrait pas les avoir du tout, ou si on devrait les avoir mais permettre le contournement à des fins de non-violation ou à des fins non illégales.
J'appuie l'utilisation des serrures numériques. Si vous voulez y avoir recours, je n'y vois pas de problème. Mais il ne faut pas m'enlever mes droits afin d'affirmer les vôtres. Si vous voulez construire une clôture sur votre propriété qui empiète sur la mienne, je voudrais avoir le droit d'ouvrir cette clôture.
Comme c'est probablement la dernière fois que nous prenons la parole dans le cadre de ce comité législatif, j'aimerais vous dire que le Bloc québécois trouve extrêmement regrettable de voir ce projet de loi mourir au Feuilleton. Il y a un mois environ, nous avons fait une offre au ministre de l'Industrie et au ministre du Patrimoine canadien, de façon à pouvoir adopter ce projet de loi.
Dans un premier temps, nous demandions à ces ministres de remettre aux artistes, dans le cadre de ce projet de loi, les sommes qui leur reviennent de plein droit. Nous avons suggéré que ça se fasse par l'entremise de la modernisation de la copie privée, le retrait de l'exemption à l'éducation et la réintroduction des redevances pour l'enregistrement éphémère, ce qui donnait des revenus annuels de 126 millions de dollars. Le Bloc québécois ne pouvait pas adopter ce projet de loi sans qu'on redonne ces revenus aux artistes.
Nous trouvons extrêmement regrettable que ce gouvernement ait préféré appauvrir ses artistes et sa culture plutôt que d'adopter cet important projet de loi dont on a besoin pour combattre le piratage et le téléchargement illégal ainsi que pour éclaircir des situations comme celle dont vous venez de nous parler.
Dans votre présentation, monsieur McGreal, vous avez fait allusion à la première loi sur le droit d'auteur, connue sous le nom de Statut d'Anne. Vous êtes un intellectuel, vous venez d'une université et vous êtes responsable de la recherche. Vos recherches vous ont probablement amené à vérifier ce qu'avait dit la reine d'Angleterre dans le contexte de l'adoption de cette première loi sur le droit d'auteur. Rappelez-vous que c'était une époque où les éditeurs et les imprimeurs s'appropriaient des manuscrits et les imprimaient à qui mieux mieux, sans égards pour les auteurs. Il s'agissait d'auteurs de romans, mais aussi de scientifiques.
C'était alors le Siècle des lumières en Europe, et les scientifiques prenaient beaucoup d'importance. La reine d'Angleterre, qui était bonne envers ses sujets, voulait les éduquer. Vous aviez raison à ce propos. Elle a donc institué cette loi — elle a d'ailleurs été la première à le faire —, qui a été un genre de révolution du fait que des droits étaient enfin accordés aux auteurs. Elle constatait que les auteurs, scientifiques ou littéraires, ne voulaient plus partager leurs romans avec les imprimeurs et les éditeurs parce que ceux-ci les utilisaient et les modifiaient, mais ne payaient rien ou presque rien en retour. Ils s'appropriaient les oeuvres.
La reine d'Angleterre s'est appuyée sur la philosophie de John Locke. Ce dernier a dit quelque chose d'extrêmement important, à savoir que l'homme est propriétaire de son travail intellectuel. La création appartient au créateur et non à l'utilisateur. Quand vous parlez de vos droits, il faut voir vos intérêts selon la perspective des droits du créateur. Quand vous achetez un livre, vous n'achetez pas le contenu, le roman: vous achetez le droit de l'avoir en votre possession sur un support donné. Vous lisez le livre, mais la création appartient toujours au créateur.
Il faut aborder les livres numériques de la même façon. Encore là, la création appartient au créateur. Le numérique n'est qu'un support différent, plus moderne. Le principe est toujours le même. La création appartient au créateur. Si on veut que la culture, aussi bien canadienne que québécoise, se développe et s'épanouisse, et que les créateurs continuent à produire des oeuvres, il faut faire preuve d'un immense respect pour le travail de création. Je ne pense pas que le problème soit l'accès. Dans votre université, il n'y a pas de problème d'accès. Le problème est le fait de payer. Si vous vouliez obtenir un deuxième livre numérique, vous pourriez très bien le faire. Vous pourriez aussi vous procurer la copie papier d'un livre et payer des licences par l'entremise d'Access Copyright.
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Il y a plusieurs façons d'avoir accès à l'information contenue dans les livres numériques ou les livres en version papier. Il faut toutefois avoir l'autorisation de l'auteur, qu'il s'agisse d'un auteur scientifique ou littéraire, et payer ce dernier, étant donné qu'il a créé l'oeuvre et qu'il en est responsable.
Selon une étude récente effectuée en Espagne, les étudiants préfèrent utiliser des livres papier plutôt que des livres électroniques en raison des restrictions qui existent sur ces derniers. Il y a toutes sortes de restrictions. Peu importe l'argent que vous versez, ces restrictions existent et elles font obstacle au processus éducatif. Tel est le problème.
Quant à votre exemple historique, avec tout le respect que je vous dois, je ne suis pas d'accord. Ce ne sont pas les droits d'auteur qui ont créé la propriété intellectuelle. La propriété intellectuelle est un nouveau terme qui n'existe que depuis les années 1960. La propriété intellectuelle a donné aux auteurs, non pas le droit d'auteur, qui est un concept français, mais le droit de copier des oeuvres pour un temps limité. La propriété intellectuelle a créé le domaine public. Ce concept veut que les auteurs aient ce droit pendant un temps limité, 27 ans, pourvu que le but est de promouvoir l'éducation. C'était l'origine de la loi.
Je m'excuse de vous interrompre, monsieur McGreal, mais mon temps est compté.
Je vous invite à réviser vos livres d'histoire et à relire le contexte dans lequel a été créée la première loi sur le droit d'auteur, le Statut d'Anne. Vous allez constater que c'était la première fois qu'on donnait des droits aux auteurs.
C'était la première fois qu'on donnait des droits aux auteurs et aux universités. En fait, il ne s'agissait pas d'accorder des droits, mais de les limiter. C'était destiné aux propriétaires. Les propriétaires étaient les imprimeurs. C'est la même chose aujourd'hui, en général, les auteurs et les créateurs, concepts dont on abuse, ne reçoivent pas beaucoup d'argent. Actuellement, ce sont les éditeurs et non pas les créateurs qui reçoivent de l'argent. Un petit pourcentage est destiné aux créateurs. À l'époque, il s'agissait des imprimeurs, dont on voulait limiter les droits. Les lois n'ont pas été adoptées pour leur donner des droits, mais pour les limiter à une période de 27 ans, afin de permettre la promotion du savoir.
Après avoir entendu plus d'une centaine de témoins, il me semble que nous revenons aux bases, et c'est donc une bonne chose de vous recevoir aujourd'hui. La loi de la Reine Anne visait à promouvoir l'apprentissage, et quand nous parlons d'utilisation équitable, nous revenons à ce principe premier.
Je m'intéresse à ce qui a été dit aujourd'hui au sujet de l'utilisation équitable. Mon collègue libéral a laissé entendre que les ministres de l'Éducation de toutes les provinces cherchaient à obtenir gratuitement quelque chose, que c'était là leur définition de l'utilisation équitable.
Mon collègue du Parti conservateur m'inquiète aussi. Il sous-entend depuis le début que les mesures de protection technologique sont liées au marché et que si on a un problème, on peut se tourner vers le marché pour une solution. Sa position a un peu évolué. Il dit maintenant qu'il faut faire confiance au ministre, que le ministre est omniscient et sage et que s'il y a un problème, on peut s'en remettre à lui. Il affirme que les droits sont mentionnés en passant dans l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire CCH Canadienne Limitée c. Barreau du Haut-Canada. Pourtant, dans ce jugement, on dit: « [l]es droits des utilisateurs ne sont pas de simples échappatoires. Les droits du titulaire et ceux de l’utilisateur doivent donc recevoir l’interprétation juste et équilibrée que commande une mesure législative visant à remédier à un état de fait. » On dit aussi que cette interprétation vise à ne pas limiter indûment les droits de l'utilisateur.
N'incombe-t-il pas au gouvernement fédéral de proposer des lois qui définissent l'utilisation équitable, afin qu'on puisse progresser, s'occuper d'éducation tout en veillant à protéger les artistes?
Je serais en faveur de cette idée. Il faut que ce soit équitable. Je peux sembler défendre surtout les utilisateurs, mais je crois en la protection des droits des créateurs. C'est important. Ce que je tiens à dire, c'est qu'il ne faut pas nous enlever nos droits pour protéger les vôtres. Il y a des choses ridicules dans la loi comme l'exigence de détruire un document de recherche dans les cinq jours, ou alors, de le classer. Paradoxalement, les sociétés de gestion des droits d'auteur insistent pour que nous leur fournissions des renseignements sous format numérique, mais veulent que nos documents de recherche soient imprimés puis classés. Personne ne fait plus ça. À quoi sert cette loi? C'est tout à fait absurde.
Parlons maintenant du régime de droits à deux vitesses qu'on veut créer ici. Je doute que cela résiste à une contestation judiciaire, quand des droits sont définis dans la loi sans exister dans le monde numérique, ou tout bouge beaucoup.
Je m'intéresse aux mesures de protection technologique. Rappelons le principe des conséquences involontaires: on veut protéger la propriété contre des abus injustes, contre isoHunt, mais pour l'éducation, on peut se demander si les mesures de protection technologique auront une grande incidence. Je pense à l'État de la Californie, dont vous avez parlé. Au cours des quatre prochaines années, on y investira 500 millions de dollars dans la création de ressources pédagogiques en ligne accessibles et libres d'accès, pour tous les internautes. Ce modèle pourrait être suivi par d'autres, aux États-Unis, qui cherchent à contourner les mesures de protection technologique en se tournant vers le matériel libre d'accès. Cela encouragerait-il l'Université Athabasca à recourir à du matériel pédagogique libre, ce qui au bout du compte pourrait laisser le bec à l'eau de nombreux éditeurs nationaux et régionaux, et tout cela, à cause du régime de protection technologique?
C'est déjà en cours. Nous optons déjà pour des ressources pédagogiques libres de droits. De nombreuses universités nous emboîtent le pas déjà. C'est en marche. C'est une tendance marquée aux États-Unis. C'est l'option retenue par l'État de Washington et par la Californie. Je pense que le président Obama a consacré 200 millions de dollars à la création de ressources pédagogiques libres de droits.
Répétons-le, ce sont les serrures numériques qui nous poussent à le faire. On ne peut pas gérer une université moderne en ligne avec toutes ces restrictions. Nous négocions avec les éditeurs et nous leur versons des millions de dollars. J'espère qu'une partie de cette somme est remise aux créateurs, mais nous donnons des millions de dollars aussi aux sociétés de gestion de droits d'auteur. Tout ce que nous voulons, c'est de nous assurer de pouvoir utiliser ce matériel comme il se doit en enseignement. Ce n'est pas possible, si toutes ces restrictions sont imposées.
Nous avons des étudiants en Australie. Nous avons des DVD qui ne peuvent pas être visionnés en Australie. À quoi pense-t-on? Le monde est de plus en plus petit. On impose toutes ces restrictions, on essaie de nous limiter. Vous pouvez avoir ce livre, mais vous ne pouvez pas faire telle ou telle chose. C'est une infraction de montrer ce livre à votre conjointe. Lisez les licences; elles sont si restrictives qu'elles nous rendent la tâche impossible. Cela va les détruire et c'est la conséquence involontaire.
J'ai dit à quelques tribunes, « Très bien, imposez les serrures numériques ». Verrouillez tout ce que vous voulez. Comme je suis le président de Ressources pédagogiques libres, et que j'en fais la promotion, il n'y aura pas de meilleure promotion que celle-là. Si vous pensez défendre le secteur du droit d'auteur en imposant plus de restrictions, je vous le déconseille fortement. Pensez aux conséquences imprévues.
Madame Moore et madame Coffey, j'aimerais que vous me disiez encore une fois ce que cela signifie en pratique.
J'ai déjà dit que ma fille a fait tout son parcours scolaire, du primaire à l'université, en se battant à chaque étape pour avoir accès au matériel. Pendant sa dernière année à l'université, elle a rencontré des étudiants qui avaient une déficience perceptuelle. Elle leur a demandé ce qu'ils faisaient, quand un enseignant, un professeur, ne s'intéressait tout simplement pas à des accommodements nécessaires pour eux. Dans chaque cas, l'étudiant avait décidé d'abandonner le cours. Pas ma fille. Elle traînait les enseignants devant la Commission des droits de la personne, et c'est ainsi qu'elle a terminé sa scolarité. Mais elle était surprise. Elle a dit que si ce n'était pas vraiment facile pour l'enseignant ou le professeur, elle essuyait un refus.
Ce fardeau s'alourdit encore lorsqu'il s'agit d'avoir accès à du matériel à temps pour pouvoir participer à un cours. Comment cela affecte-t-il les étudiants qui essaient de terminer leur secondaire, ou un programme postsecondaire, à votre avis?
Habituellement, une personne ayant une déficience perceptuelle prendra plus de temps à terminer son parcours universitaire, parce qu'il faut attendre les manuels. Souvent, ces personnes s'inscrivent à des programmes à temps partiel. Ce n'est pas toujours une question de déficience, mais plutôt une question de manque de ressources. Il faut donc mettre plus de temps pour obtenir son diplôme universitaire. C'est plus exigeant. Ces étudiants ont des notes plus faibles, parce qu'ils ont commencé à lire le matériel en octobre quand tous les autres étudiants ont commencé en septembre. C'est injuste. Plus il est difficile de produire des formats substituts, et les mesures de protection technique compliquent encore les choses, plus il faut de temps pour obtenir le matériel. Qu'il s'agisse de manuels, de notes de cours ou d'autres documents, il faut que les jeunes qui ont une déficience les reçoivent en même temps que leurs camarades de classe qui n'ont pas de déficience.
Ces étudiants sont certainement désavantagés au départ et ils doivent commencer à planifier bien à l'avance s'ils veulent obtenir leurs documents en format substitut. Il faut y mettre beaucoup d'effort. Une étude récente menée au Collège Dawson, à Montréal, a conclu que pour chaque semaine de retard dans l'obtention d'un manuel, les notes baissent de la valeur d'une lettre. Souvent, quand le matériel est enfin disponible, le cours est terminé. C'est trop injuste.
C'est trop injuste: il n'y a pas de raison pour qu'ils ne puissent pas aller à la librairie acheter une copie électronique du manuel, comme le font leurs camarades. Cela les désavantage certainement. Les merveilleux progrès technologiques en éducation qui aident tant d'autres étudiants ayant des déficiences sont précisément des obstacles supplémentaires pour les étudiants ayant des déficiences de perception qui n'ont pas accès à des fichiers numériques.
Commençons par vous, monsieur McGreal, si vous le voulez bien. Vous êtes vice-président associé à la recherche à l'Université Athabasca. En quoi avez-vous étudié?
Vous avez donc été témoins de la transition vers l'ère numérique, et vous avez dû faire évoluer votre façon d'enseigner en ligne et à distance pour suivre cette transition.
Absolument. Je pense que c'est un bon projet de loi. Je parle seulement d'amendements mineurs, notamment celui que nous proposons au paragraphe 30.01 sur la reconnaissance du télé-enseignement comme équivalent à l'enseignement en classe. C'est très important pour nous.
Je comprends. Brièvement, comment l'ajout de l'éducation à l'utilisation équitable aidera-t-il votre université à s'acquitter de ce mandat de télé-enseignement et d'enseignement en ligne?
M. Peter Braid: Comment l'ajout de l'éducation à la définition de l'utilisation équitable aidera-t-il l'Université Athabasca à s'acquitter de son mandat?
M. Rory McGreal: Je pense que c'est une précision nécessaire. Actuellement, seuls nos chercheurs peuvent profiter de la disposition sur l'utilisation équitable, ou du moins c'est ce que nous pensons. Si vous ajoutez l'éducation, alors nous pourrons y recourir dans le contexte de l'enseignement. Nous n'aurions pas à nous sentir coupables de passer d'un site Web à un autre avec les étudiants, ni de partager des quantités limitées de matériel ni de profiter des droits relatifs à l'utilisation équitable dans le contexte du télé-enseignement. Auparavant, nous étions dans les limbes et nous ne savions pas si ce que nous faisions était légal ou non.
M. Peter Braid: En réponse à une question posée plus tôt, vous avez parlé de l'économie de l'utilisation équitable. Pourriez-vous nous en dire davantage? Qu'est-ce que l'économie de l'utilisation équitable et pourquoi est-ce si important?
Un rapport a été rendu public récemment. Si vous lancez une recherche sur « l'utilisation équitable » et l'économie numérique aux États-Unis, vous allez probablement trouver ce rapport, sinon je peux mettre la main dessus pour vous. L'économie numérique correspond à environ 2,2 billions de dollars, et par comparaison, l'industrie de la propriété intellectuelle représente plus ou moins la même somme. Cela comprend tous les secteurs dont j'ai fait mention: les sociétés d'hébergement Web, les moteurs de recherche, les créateurs de logiciels, les fabricants de dispositifs, les agences de nouvelles, etc. Ils sont tous visés par le concept d'utilisation loyale. Aux États-Unis, ces entreprises ont plus de poids, car le concept d'utilisation équitable est plus élargi par rapport à l'utilisation loyale.
Or, tous ces secteurs industriels sont en essor au Canada. J'aimerais qu'une étude soit faite à ce sujet, car les résultats pourraient s'avérer choquants. Les gens se mettent des oeillères et répètent encore et encore que nous devons protéger la propriété intellectuelle. Je suis d'accord...
Nous devons protéger la propriété intellectuelle, mais il y a une autre économie qui dépend de l'utilisation loyale, et elle est tout aussi puissante et importante pour nous tous.
Madame Moore, je vous remercie chaleureusement d'être venue aujourd'hui. Il y a un bureau de votre institut dans ma circonscription, à Waterloo. Je connais très bien son importance ainsi que l'utilité du travail qui y est réalisé et des services qui y sont offerts.
Le projet de loi C-32 clarifie les droits des personnes ayant des déficiences perceptuelles, comme vous l'avez également affirmé. Pouvez-vous nous dire brièvement pourquoi c'est si important? Deuxièmement, en ce qui a trait aux formats de rechange, pouvez-vous nous indiquer le recours pratique et quotidien aux exceptions?
Il faut bien comprendre que l'article 32 qui est proposé constitue une mesure provisoire. Le contexte n'est donc pas permanent.
Dans les faits, cela permet aux associations qui travaillent auprès des personnes ayant des déficiences perceptuelles de se constituer une bibliothèque, comme dans le cas de notre institut où nous disposons d'une bibliothèque de 86 000 titres. Ces associations sont typiquement à but non lucratif ou manquent de ressources, car malheureusement, le privé occupe une très petite place dans ce secteur. L'article 32 nous permet d'effectuer entre autres toutes sortes de manipulations requises pour créer le format substitut, l'héberger, le stocker, le livrer et l'afficher sur le Web. Tout cela est rendu possible sans dépenses additionnelles rattachées aux redevances.
J'insiste sur le fait que nous achetons des livres. Or, nous avons également l'option d'être exemptés d'acheter plus d'un exemplaire, par exemple.
Idéalement, dans un monde parfait, l'écart entre la quantité de ressources bibliothécaires en format substitut par rapport aux autres versions, qu'elles soient imprimées ou numériques serait... En ce moment, seulement 10 p. 100 du matériel est offert en format substitut par l'entremise d'un service de bibliothèque, qu'il s'agisse du nôtre, de celui du Québec ou de tout autre service.
Dans un monde parfait, les éditeurs seraient capables d'établir un modèle d'affaires qui leur convienne, qui convienne aux titulaires de droits d'auteur et qui soit établi à l'extérieur du cadre législatif en permettant la production de fichiers accessibles, de fichiers maîtres ou de tout autre fichier que nous pourrions tout simplement recevoir. Mieux encore, les éditeurs pourraient simultanément produire le document en format substitut en même temps que le format classique dès la création. Donc, le format classique deviendrait simultanément le format substitut.
Il y a déjà des exemples de cette fonction. Du point de vue technologique, nous nous dirigeons vers cet objectif. Je ne parle pas du matériel en soi, mais de l'appareil servant à le déchiffrer, par exemple la tablette iPad... Je précise que je ne suis pas actionnaire d'Apple...
Effectivement, ou le PlayBook de RIM, mais je ne l'ai pas encore vu.
Malheureusement, je ne possède pas d'actions ni dans Apple ni dans RIM.
La tablette d'Apple permet de grossir la police à loisir, mais elle possède aussi un lecteur écran intégré. Celui qui n'utilise que la fonction audio et non impression peut avoir accès à ce matériel sur cette tablette.
En général, tout le monde peut y accéder; il n'y a rien de spécial ni rien de plus, aucune exemption.
Si bien que l'article 32 proposé n'est, à ce stade-ci, qu'une étape itérative; ce n'est pas idéal, mais de toute façon, nous allons continuer.
J'aimerais remercier nos témoins qui sont venus aujourd'hui. Je pense que vos déclarations étaient excellentes et je sais que le comité vous en est reconnaissant.
Si cette réunion est la dernière de notre comité, je voudrais remercier les députés de leur dur labeur. Mon poste de président m'a beaucoup plu. Je pense que nous avons eu de bonnes réunions.
Si en fait la fin de cette législature a sonné et qu'un projet de loi sur ce sujet est déposé à l'avenir, j'espère alors que les témoignages que nous avons entendus seront pris en compte par un comité futur.