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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 013 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bon après-midi, mesdames et messieurs. La 13e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, du jeudi 6 mai 2010, est ouverte. Nous nous penchons aujourd'hui sur le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
    Nous accueillons aujourd'hui, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, Brian Goodman, président, Simon Coakeley, secrétaire général, et Sylvia Cox-Duquette, avocate générale principale.
    Bienvenue à tous, et à monsieur Goodman en particulier.
    Je vous remercie d'être venus devant le comité pour notre étude du projet de loi.
    Je crois comprendre que vous avez une brève déclaration liminaire. Vous avez 10 minutes.
    Vous avez la parole.
    Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous pour discuter du projet de loi C-11, Loi sur les mesures de réforme équitables concernant les réfugiés.

[Français]

    Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps aujourd'hui, mais comme il s'agit de ma première comparution devant ce comité, j'aimerais prendre quelques minutes pour me présenter.
    Je suis membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le CISR, depuis 2001. Tout juste avant ma nomination à la CISR, j'ai été membre de la Commission du consentement et de la capacité de l'Ontario. Auparavant, j'étais haut fonctionnaire de l'Ontario, plus précisément sous-procureur général adjoint et directeur général de la réforme du réseau d'organismes. Auparavant, j'étais président de la Commission de révision des loyers et commissaire intérimaire aux mines et aux terres. Je possède une maîtrise en droit public.
    Depuis que je me suis joins à la CISR, j'ai travaillé dans deux des trois sections de la commission, d'abord comme commissaire de la Section de la protection des réfugiés, puis comme vice-président de la Section d'appel de l'immigration. J'ai été nommé président intérimaire en mars 2007, et j'ai été officiellement nommé président en juin de la même année. Je suis fier d'être le président de la CISR et de diriger un groupe de professionnels si dévoués.
    Depuis sa création il y a 21 ans, la CISR s'est taillée une réputation, au Canada et partout dans le monde pour ses pratiques novatrices, l'excellence de son soutien décisionnel et la grande qualité de ses décisions. En fait, au cours de sa visite à Ottawa le mois dernier, M. Antonio Guterres, haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a réaffirmé ces idées. La Cour fédérale du Canada et la vérificatrice générale ont également souligné l'exhaustivité et le professionnalisme du programme de formation de la CISR à l'intention des nouveaux commissaires.
    La CISR est le plus grand tribunal administratif du Canada, et nos commissaires rendent entre 40 000 et 60 000 décisions par année. Notre mission, en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, comme les membres du comité le savent, consiste à régler de manière efficace, équitable et conforme à la loi, les cas d'immigration et de statut de réfugié. Nous exerçons nos activités par l'intermédiaire de trois sections: la Section de l'immigration, la Section d'appel de l'immigration et la Section de la protection des réfugiés.
     La commission est financée pour régler 25 000 demandes d'asile par année, comme le ministre l'a mentionné mardi, mais le nombre de demandes d'asile déférées à la CISR a toujours dépassé le nombre de demandes d'asile financées au cours des dernières années. Ce nombre élevé de demandes d'asile déférées et un manque historique de commissaires ont donné lieu à un arriéré important à la Section de la protection des réfugiés. Des mesures prises par le gouvernement l'été dernier, pour ralentir le nombre de demandes d'asile déférées, une hausse du nombre de retraits et de désistements ainsi qu'une augmentation de la productivité à la CISR ont freiné la croissance de l'arriéré, qui s'établissait à 59 000 demandes d'asile à la fin de mars 2010. Je suis heureux de signaler que la CISR a récemment réduit l'arriéré d'environ 1 000 cas, mais je dois souligner que la commission aura besoin d'importantes nouvelles ressources pour réduire considérablement l'arriéré ou l'éliminer.
    Actuellement, la SPR fonctionne presque à pleine capacité. En date d'aujourd'hui, il nous manque seulement un commissaire pour obtenir un effectif complet de 127 commissaires. À ce nombre viennent s'ajouter les 37 personnes nommées par décret à la Section d'appel de l'immigration et les 30 décideurs fonctionnaires à la Section de l'immigration.
    Tous nos décideurs reçoivent une formation initiale complète, du mentorat, un perfectionnement professionnel continu et du soutien juridique. Ils bénéficient de recherches de renseignements précis sur les pays d'origine et les demandeurs d'asile.
(1535)
    Le travail d'un commissaire de la CISR est difficile et exigeant. Il demande souvent de devoir écouter des témoignages sur des cas de torture ou de violation des droits de la personne. Les décisions changent la vie des demandeurs d'asile et des membres de leur famille. Ces facteurs combinés à la charge de travail se traduisent par de fortes pressions sur nos commissaires.
    Je suis fier de la façon dont les commissaires de la CISR continuent de remplir et de dépasser les attentes établies pour eux. Je crois que notre succès, à cet égard, peut être attribué aux pratiques, aux procédure et aux outils que nous avons mis en place à chaque étape de la carrière d'un commissaire. Cela commence avec le processus de sélection, se poursuit par un renforcement au cours de la formation et de l'intégration, et continue tout au long du mandat du commissaire.

[Traduction]

    Maintenant, j'aimerais parler plus précisément de la législation proposée, soit le projet de loi C-11. Comme les membres du comité le savent, la CISR n'a aucun rôle à jouer dans l'élaboration de politiques puisque cette fonction relève de Citoyenneté et Immigration Canada. Toutefois, je tiens à vous assurer que nous avons été dûment consultés au cours du processus de rédaction du projet de loi au sujet de tous les aspects qui touchent le mandat de la CISR. Permettez-moi également de vous rassurer en vous disant que la CISR mettra en oeuvre toutes les dispositions législatives prises, avec professionnalisme et efficacité.
    Nous sommes fiers du travail que nous accomplissons dans le cadre du système de protection des réfugiés au Canada, mais le public a perdu confiance envers ce système en raison de facteurs sur lesquels la CISR n'a aucune prise.
    Une réforme du système actuel s'impose afin qu'il soit statué plus rapidement sur les demandes d'asile et que les demandeurs d'asile déboutés soient renvoyés sans délai, et ce, toujours dans le souci de l'équité procédurale. Le projet de loi C-11 constitue la réponse du gouvernement à la nécessité d'améliorer le système.
    Parmi les principaux éléments du nouveau système proposé qui auront des répercussions sur le processus d'octroi de l'asile à la CISR, il y a l'exigence selon laquelle un employé de la Commission devra mener une entrevue visant à recueillir de l'information à une date fixée par un agent de l'ASFC ou de CIC, conformément à des règles qui seraient mises au point par la CISR. Au cours de cette entrevue, une audience serait mise au rôle suivant les règles établies par la CISR et serait tenue par un décideur fonctionnaire de la SPR.
    Si une demande d'asile est rejetée par la SPR, tous les demandeurs d'asile, à l'exception de ceux provenant de pays ou appartenant à des catégories de ressortissants désignés par le ministre, auraient un droit d'appel sur le bien-fondé de toutes les questions à la nouvelle Section d'appel des réfugiés, SAR, dotée en personnes nommées par décret à la CISR. La SAR recevrait les nouveaux éléments de preuve et, dans certaines circonstances, pourrait tenir une audience. Dans l'éventualité où une décision défavorable de la SPR serait maintenue en appel, les appelants pourraient solliciter l'autorisation de demander un contrôle judiciaire par la Cour fédérale de la décision relative à l'appel. La SAR pourrait non seulement confirmer une décision de la SPR, mais elle pourrait la remplacer par sa propre décision afin d'éviter que celle-ci soit renvoyée à la SPR où, dans de rares cas, elle pourrait renvoyer l'affaire à la SPR afin qu'elle soit réexaminée par un nouveau tribunal.
    Les commissaires de la nouvelle SPR et de la SAR, qu'il s'agisse de décideurs nommés par décret ou de décideurs fonctionnaires, seront nommés au terme d'un processus de sélection qui permettra d'assurer qu'ils sont compétents et qualifiés. Ils bénéficieront d'un niveau élevé de formation continue et de soutien décisionnel semblable à celui qui est fourni aux décideurs actuellement. Je suis pleinement convaincu que, à la CISR, nous continuerons de trouver des façons créatives de faire fonctionner le nouveau système de la manière la plus efficace possible.
    La CISR maintiendra fermement son engagement envers la prise de décisions de grande qualité et nous continuerons de respecter les normes élevées que nous avons fixées pour nous-mêmes. Par-dessus tout, nous gardons toujours à l'esprit le fait que les décisions que nous rendons ont une incidence sur la vie de ceux qui comparaissent devant nous, sans oublier la sécurité et la protection des Canadiens.
    La CISR répondra, dans toute la mesure de sa capacité, aux exigences découlant des mesures législatives prises par le Parlement, dans le respect des échéanciers fixés et du budget alloué, tout en remplissant son mandat qui consiste à régler les cas de manière efficace, équitable et conforme à la loi.
    Pour conclure, j'aimerais dire, et les membres du comité en sont conscients, qu'il faudra encore répondre à de nombreuses questions afin de nous préparer en vue de la mise en oeuvre des mesures législatives une fois que le projet de loi aura reçu la sanction royale. Nous devrons, entre autres, élaborer des règles et des procédures ainsi que des stratégies en matière de dotation afin de satisfaire aux nouvelles exigences, et déterminer nos besoins pour ce qui est des bureaux.
    Alors maintenant, je serais heureux de répondre de mon mieux à vos questions.
(1540)
    Merci à nouveau d'être venu, monsieur. Nous sommes heureux de pouvoir profiter de votre expérience et de celle de vos collègues pour pouvoir formuler des recommandations. Comme vous le savez, il y aura un premier tour de sept minutes pour chaque caucus.
    Monsieur Karygiannis sera le premier à vous interroger.
    Bon après-midi, monsieur Goodman. Je suis très heureux que vos collègues et vous-même soyez venus devant le comité.
    Si je comprends bien, vous êtes membre de la CISR depuis 2001. Vous avez donc occupé votre poste sous deux gouvernements, vous avez vu le nombre de demandes et le nombre de commissaires, et vous connaissez bien la situation.
    Me tromperais-je en disant qu'il y avait au début de votre carrière à la CISR un arriéré de dossiers et que des commissaires supplémentaires ont été nommés pour l'éponger?
    Des crédits supplémentaires ont été attribués pour ces sept nouveaux commissaires.
    C'est fantastique.
    En 2002, 2003, 2004 et 2005, la CISR allait son petit bonhomme de chemin et traitait des dossiers à environ 127 p. 100 de sa capacité pour éponger l'arriéré, n'est-ce-pas?
    Oui, avec les nouvelles ressources.
    De 2006 à 2008, vous avez reçu 87 767 demandes et en avez traité 52 500.
    Veuillez m'excuser, voulez-vous répéter ces chiffres?
    De 2006 à 2008, vous avez reçu 87 000 demandes et en avez traité environ 52 500.
    Je n'ai pas les chiffres sous les yeux.
    C'était à peu près ça. Ça veut dire que vous en avez traité 59 p. 100. Était-ce parce que vous n'aviez pas assez de personnel? Était-ce parce que la CISR était entravée dans son travail? Ou était-ce parce que la CISR ne voulait pas faire son travail? Comment se fait-il que la CISR n'ait pas fonctionné à pleine capacité entre 2006 et 2008?
    Ce que je peux vous dire, monsieur, c'est que ce n'était certainement pas parce que la CISR ne voulait pas ou n'essayait pas de faire son travail.
    L'hon. Jim Karygiannis: D'accord.
    M. Brian Goodman: Le fait est que, comme l'a dit le ministre, deux choses sont arrivées durant cette période. Premièrement, le nombre de demandes du statut de réfugié a continué d'augmenter spectaculairement. Deuxièmement, il a fallu un certain temps pour que le gouvernement, suite à la mise en oeuvre d'un nouveau processus de sélection des commissaires par décret, mette sur pied le processus puis prenne des décisions de nomination ou de reconduction.
    Monsieur Goodman, je vous demande d'envoyer au comité le nombre de demandes — si vous n'avez pas les données avec vous — entre 2001 et 2008, ainsi que le nombre de commissaires que vous aviez durant cette période.
    Si j'en crois les chiffres, je ne pense pas qu'il y ait eu un excès de demandes en 2006, 2007 ou 2008. J'ai examiné les chiffres et il y a eu le même nombre de demandeurs depuis le début de la décennie. Si vous pouviez nous donner vos chiffres...
(1545)
    Avec plaisir, monsieur.
    ... je vous en serais reconnaissant.
    Si je vous disais que des commissaires n'ont pas été nommés entre 2006 et 2008 parce que le gouvernement voulait épuiser vos ressources de façon à créer un arriéré, serais-je dans l'erreur?
    Je crois, oui.
    Très bien.
    Aviez-vous autant de commissaires? Vous disiez il y a un instant que vous n'aviez pas autant de commissaires en 2006, 2007, 2008.
    C'est exact.
    Toutefois, vous dites que le fait que le gouvernement n'ait pas nommé ou reconduit des commissaires durant cette période, ou ne l'ait pas fait en nombre suffisant, était délibéré. Certains ont été nommés ou reconduits durant cette période.
    Combien de commissaires manquait-il en 2006, 2007 et 2008?
    Je n'ai pas les chiffres avec moi. Je pourrais également vous les envoyer.
    Je pensais que nous étions ici pour parler du projet de loi C-11 et c'est la seule raison pour laquelle je ne les ai pas avec moi.
    C'est très bien.
    Vous avez probablement une excellente connaissance des activités de la Commission. Si je vous disais que vous aviez environ 70 p. 100 de votre effectif, serais-je dans l'erreur? En aviez-vous 80 p. 100?
    Durant quelle période?
    De 2006 à 2008.
    C'était moins que cela, je crois.
    Vous aviez moins de 60 p. 100 de votre effectif?
    Non. Je crois vous avoir entendu dire 70 p. 100.
    Oui, c'était 70 p. 100.
    Vous ne pouvez pas changer vos chiffres, Jim, quand vous posez une question.
    Des voix: Oh!
    Pouvez-vous me donner un instant, monsieur?
    L'hon. Jim Karygiannis: Certainement.
    Puis-je formuler un rappel au règlement, monsieur?
    La moyenne...
    Pendant que nous attendons, monsieur Goodman a raison. Vos questions sont recevables mais je pensais que nous étions ici pour parler du projet de loi.
    C'était ce dont nous discutions, monsieur le président.
    Voulez-vous arrêter la minuterie? Si vous acceptez un rappel au règlement, arrêtez la minuterie, s'il vous plaît.
    D'accord. Allez-y. Il y a un rappel au règlement.
    Comme M. Goodman va fournir des chiffres plus tard, il devrait les fournir au greffier pour que nous puissions tous y avoir accès.
    Évidemment, je pense que M. Goodman en est parfaitement conscient.
    Merci, monsieur Karygiannis. Vous avez à nouveau la parole.
     Voulez-vous une réponse à votre question, monsieur?
    Oui, je vous en prie.
    Les chiffres que j'ai sous les yeux m'indiquent que nous avions un effectif de 123 personnes en 2006-2007. Cela comprend à la fois la SPR et la SAI puisqu'il y avait un arriéré dans les deux. Le chiffre était 169,5 parce qu'il y avait un demi poste mais...
    Des voix: Oh!
    M. Brian Goodman: Quoi qu'il en soit, l'effectif est tombé à 123 en 2005-2006 et à 101 en 2007-2008, et il était tombé à 62,4 p. 100 en 2007-2008 contre 80,3 p. 100 en 2006-2007.
    Donc, vous aviez 80 p. 100 de l'effectif et, si 87 000 personnes ont présenté une demande entre 2006 et 2008, vous étiez en mesure d'assumer cette charge.
    Non.
    Vouliez-vous plus de commissaires?
    Bien sûr, car notre financement est prévu pour 25 000 demandes par an et nous en recevons beaucoup, beaucoup plus.
    Est-ce que le nombre de demandes augmentait?
    Oui.
    Il augmentait par rapport aux années précédentes?
    Oui.
    Et vous allez nous donner les chiffres?
    Oui.
    Comme je l'ai dit, alors que le nombre de commissaires diminuait, le nombre de demandes continuait d'augmenter, comme l'a indiqué le ministre.
    M. St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Il y a beaucoup de questions qui se posent sur les avantages et les inconvénients, que ce soit des fonctionnaires plutôt que des commissaires qui étudient les dossiers. Lorsqu'on en discute, on constate que les deux façons de faire présentent des avantages et des inconvénients. On attribue souvent aux commissaires plus d'indépendance face au gouvernement, puisqu'ils sont nommés à titre inamovible.
    Par contre, on avance souvent qu'il s'agit de nominations partisanes. On en a vu un certain lot sous le gouvernement actuel et sous le précédent gouvernement. Quant aux fonctionnaires, c'est l'inverse en ce qui a trait aux avantages et aux inconvénients.
     En ce qui concerne les coûts, l'embauche de fonctionnaires présente-t-elle un avantage? Les coûts sont-ils les mêmes lorsqu'il s'agit d'embaucher un décideur fonctionnaire ou un décideur commissaire?
(1550)

[Traduction]

    Le coût d'une personne nommée par le gouverneur en conseil est probablement légèrement plus élevé que celui d'un décideur de la SPR si son poste est classifié au même niveau que le niveau actuel des commissaires de la Section de l'immigration.

[Français]

    Vous dites que les coûts sont légèrement plus élevés. Quelle est la différence?

[Traduction]

    Je crois que la différence est d'environ 25 000 $ mais je devrai vérifier.

[Français]

    D'accord. Puisque vous vivez l'expérience de l'immigration ordinaire, considérez-vous que cette structure étagée — selon laquelle des fonctionnaires étudient les cas en première instance et, ensuite, des commissaires entendent les appels — est avantageuse dans la mesure où elle permet un équilibre entre les avantages et les inconvénients de chacun des types de décideurs? Pensez-vous qu'il s'agit d'une force de l'actuel système de demandes d'immigration et du futur système de demandes de statut de réfugié?

[Traduction]

    Voulez-vous parler du système actuel comprenant la Section de l'immigration et la Section d'appel de l'immigration?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Oui, je crois qu'il y a des avantages à avoir un modèle mixte. Je dois dire aussi que cela concorde avec les modèles d'autres pays, c'est-à-dire qu'il y a un premier niveau de décision par un fonctionnaire puis un niveau d'appel qui, dans la plupart des cas, est un tribunal de l'immigration. Ici, c'est un tribunal spécialisé.

[Français]

    Donc, vous voyez un avantage au fait d'avoir un modèle mixte en ce qui touche l'immigration. J'imagine que vous estimez aussi qu'il serait avantageux d'avoir ce même modèle mixte dans le cas des réfugiés.

[Traduction]

    C'est une politique gouvernementale, monsieur, et je ne peux donc pas exprimer d'avis à ce sujet.
    Je peux cependant vous dire que, pour les dossiers d'immigration, je crois que c'est un avantage.

[Français]

    Je comprends que vous ne vouliez pas vous prononcer à ce sujet.
    Ça fait partie de mes préoccupations. Je crois que le système mixte est un bon système. Ce qui est malheureux, c'est que l'on perdra cet avantage dans le cas des ressortissants de pays désignés, puisqu'ils n'auront pas accès aux deux types de décideurs. Donc, il n'y aura pas cet équilibre permis par les systèmes d'immigration.
    Je veux aussi vous poser une question par rapport à l'embauche des fonctionnaires en première instance. Vous limiterez-vous au bassin de fonctionnaires de carrière, soit ceux qui travaillent déjà au sein de la fonction publique, ou embaucherez-vous directement des spécialistes de la question issus de la population en général?

[Traduction]

    Monsieur St-Cyr, votre question porte-t-elle sur la nouvelle Section de protection des réfugiés?
(1555)
    Oui.
    Nous allons nous assurer que la CISR a des décideurs de haut calibre au premier palier car il est important que le premier palier reste solide. C'est ce qui nous vaut notre réputation. Le monde entier estime que nous avons un niveau de décision de grande qualité. Cela ne changera pas.
    Bien que la description de tâches du nouveau poste de membre de la SPR n'ait pas encore été rédigée, on s'attend à ce que les compétences soient fondées sur celles du profil de compétences existant des membres nommés par décret du système actuel. Si cela vous intéresse, je peux vous les lire.
    M. Thierry St-Cyr: Bon...
    M. Brian Goodman: Si je peux continuer...
    M. Thierry St-Cyr: Ma question...
    M. Brian Goodman: Je comprends.
    Quand nous recrutons, notre objectif est d'avoir un bassin adéquat de candidats qualifiés. La CISR partage les valeurs centrales de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et de la Commission de la fonction publique concernant le mérite et la neutralité politique, ainsi que les valeurs complémentaires de transparence, d'accès, de représentativité et d'équité dans la formulation de son plan de ressources humaines. Elle se fondera sur ses pratiques exemplaires et ses succès en ce qui concerne le recrutement et la gestion de son nouveau bassin de décideurs nommés par décret pour la SAR et pour les décideurs fonctionnaires.

[Français]

    Je vais vous arrêter ici, monsieur Goodman. Je ne doute pas du fait que vous alliez rechercher les personnes les plus compétentes possible, que vous ayez de bonnes politiques et que la fonction publique ait de bonnes politiques.
    Ma question est beaucoup plus simple: est-ce que ce sera une politique de recrutement interne en fonction du système traditionnel de la fonction publique en général, ou est-ce que vous aurez la capacité de recruter directement dans le grand public des personnes qui ne font pas partie de la fonction publique, mais que vous jugez qualifiées pour accomplir ce travail?

[Traduction]

    C'est une excellente question et une excellente remarque. Le fait est que... L'expérience m'a montré — j'ai été à la fois fonctionnaire et commissaire nommé par le gouverneur en conseil — que le meilleur modèle est un modèle comprenant des personnes qualifiées, des personnes sélectionnées dans tous les milieux, de partout, et ma réponse est que les postes seront ouverts à tous les Canadiens. Il est cependant encore trop tôt pour dire combien il y en aura.
    Merci, monsieur Goodman.
    Madame Chow, vous avez sept minutes.
    Je reste sur le même sujet que mon collègue. La différence entre maintenant et le nouveau système du projet de loi C-11, s'il est adopté par le Parlement et le Sénat, est que ça se fera par le truchement de l'association de la fonction publique plutôt que par le gouverneur en conseil. Quel sera votre rôle et en quoi aura-t-il changé?
    Très simplement, la Commission de la fonction publique détient le pouvoir légal...
    Je sais.
    D'accord. Et il est délégué aux sous-ministres. J'exerce les fonctions d'un sous-ministre et je suis donc chargé de la dotation de la Commission. C'est moi qui en rends compte. J'ai un secrétaire général...
    Actuellement, vous voulez dire?
    Oui.
    Et à l'avenir?
    Ce sera la même chose.
    Bien.
    Le secrétaire général, Simon Coakeley — qui m'accompagne aujourd'hui — est le fonctionnaire de plus haut niveau de la Commission. Les fonctionnaires relèvent de son autorité et lui-même relève de la mienne.
    Bien. Je parlais des nominations par décret du conseil, des commissaires.
    Les commissaires relèvent de mon autorité.
    Bien. Je comprends. Ils sont nommés par le ministre, n'est-ce pas?
     ils sont nommés par le Cabinet sur recommandation du ministre.
    Exactement. Cela ne changera pas lorsque le nouveau...
    Cela ne changera pas pour la... Il y aura une nouvelle Section d'appel des réfugiés et ces personnes seront nommées par décret du conseil. La Section de protection des réfugiés, qui est le premier niveau, changera. Elle sera composée de fonctionnaires.
    Bien.
    Comment avez-vous l'intention de mettre en oeuvre la vérification effectuée par la Commission de la fonction publique qui a dit que certaines nominations, dans le passé, n'étaient pas complètement fondées sur le mérite, etc. Le rapport est sorti il y a six ou sept mois, je crois. Je suis sûre que vous l'avez lu.
    Avez-vous dressé un plan de mise en oeuvre des recommandations et de prise en compte des allégations relativement graves qu'il y avait dans ce rapport?
    Permettez-moi d'abord de dire que la Commission a répondu à la vérification de la Commission de la fonction publique en indiquant qu'elle était prête à en appliquer toutes les recommandations. Ce processus a commencé et j'adresse régulièrement des rapports à la Commission de la fonction publique. Je demanderai à Simon Coakeley de vous donner des précisions.
    Le gros problème constaté par la vérificatrice n'était pas qu'il n'y avait pas de mérite mais plutôt qu'il n'y en avait pas de démonstration étant donné qu'il n'y avait pas dans les dossiers de documents aptes à satisfaire la personne faisant la vérification. La Commission de la fonction publique a mené une enquête pour déterminer si l'on avait tenu compte du mérite dans certains cas. Nous n'avons pas encore le résultat final mais, jusqu'à présent, tout va bien.
    Au lieu de continuer sur ce sujet, car je n'ai que sept minutes et je souhaite aborder un autre domaine, pourriez-vous adresser au comité les réponses de la Commission à la vérificatrice?
(1600)
    Avec plaisir.
    Merci beaucoup. Cela éliminera les doutes restants au sujet de cette vérification.
    Sur un sujet différent, comme le délai sera raccourci, le premier étant de huit jours, ceux-là, j'imagine, seront décidés par vos agents de protection, puis l'audience se tiendra devant votre agent à nouveau, et l'appel se tiendra devant un commissaire. Sur les deux premiers processus, comment les aiderez-vous à trouver un avocat s'ils le souhaitent?
    Actuellement, ils ont le droit légal d'avoir un avocat, mais c'est très difficile d'en trouver un en huit jours. Ils pourraient se retrouver avec des gens leur donnant de mauvais conseils, comme des consultants ne connaissant pas grand-chose des lois sur les réfugiés. Par conséquent, leur dossier pourrait être totalement saboté. Nous avons certainement vu des cas de cette nature et ils se reproduiront probablement à moins que nous n'adoptions une réglementation et une législation sur ces consultants. Quel processus ou protocole mettrez-vous sur pied pour au moins réduire le risque qu'ils reçoivent des avis catastrophiques ou de mauvais conseils?
    Ce sont de bonnes questions, madame Chow, et je vais tenter d'y répondre.
    Tout d'abord, il est important de distinguer l'entrevue à huit jours et l'audience. L'entrevue à huit jours vise à obtenir du demandeur les informations nécessaires pour la détermination de sa demande et pour partager avec le demandeur les informations relatives au processus. Donc, c'est important.
    Nous allons devoir formuler des règles sur les informations que nous partageons mais je m'attends à ce qu'elles comprennent, par exemple, l'indication qu'ils ont droit à un conseiller. En vertu de la loi, le droit à un conseiller, et c'est important de le savoir, n'est pas limité à un avocat, et un conseiller qui est membre enregistré de la SCCI peut comparaître devant la Commission.
    Ou des non-membres de la SCCI. Moi-même ou n'importe qui...
    Eh bien, les non-membres, s'ils ne font pas payer d'honoraires...
    Donc, si je fais ça bénévolement en facturant des honoraires plus tard, c'est possible.
    Non, ce n'est pas possible. Vous ne seriez pas autorisée à toucher des honoraires.
    Bien.
    Si vous touchez des honoraires, vous devez être enregistrée. C'est le premier point.
    Il n'est pas nécessaire d'avoir un avocat à l'entrevue. Ce que nous avons l'intention de faire, et cela devra bien sûr être précisé dans les règles, c'est de remettre au demandeur un disque de l'entrevue de façon que, lorsqu'il obtiendra un avocat ou un conseiller — si c'est ce qu'il décide car beaucoup choisissent de se présenter seuls —, ce conseiller pourra entendre exactement ce qui s'est dit lors de l'entrevue, ai lieu d'avoir seulement les notes d'un agent. Nous ne pensons pas que beaucoup de demandeurs auront un conseiller légal pour l'entrevue de huit jours, pour les raisons que vous avez mentionnées.
    Pour la première, oui. On en a besoin pour la deuxième. Huit jours, c'est trop court...
    C'est trop court mais, je le répète, ce n'est pas un processus contradictoire. C'est un processus d'obtention d'informations...
    Qu'en est-il de l'audience?
    Madame Chow, c'est important mais votre temps de parole est écoulé.
    Voulez-vous être très brève?
    Je suis heureuse de vous voir reconnaître que c'est important. Quelqu'un d'autre pourra peut-être continuer.
     Les questions que vous posez sont très importantes.
    Vous pourrez peut-être y revenir au tour suivant.
    M. Calandra.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux témoins d'être venus.
    Je veux m'assurer de bien comprendre. La Commission de la fonction publique a adopté des règles et des règlements au sujet de la dotation, et celle-ci vous est déléguée. M. Coakely vous aide mais vous devez suivre les règles quand vous recrutez. Cela vous a été délégué mais vous devez quand même travailler à l'intérieur du cadre établi par la Commission de la fonction publique.
    Il y a une lettre de délégation signé par moi-même et par la présidente de la Commission de la fonction publique. Quand je suis devenu président, j'ai eu la visite de Mme Barrados, la présidente de la Commission. Nous avons ensuite signé une lettre par laquelle elle me déléguait le pouvoir de dotation. Ensuite, je sous-délègue ça. Elle s'y attend. C'est comme ça que ça fonctionne. Le recrutement est effectué par des directeurs du recrutement, des directeurs de la dotation. Ils ont été formés pour faire ça conformément aux dispositions de la loi avant d'obtenir la délégation.
(1605)
    C'est peut-être trop tôt pour vous poser cette question mais je me demande si vous avez déjà réfléchi à la manière dont vous allez engager les décideurs fonctionnaires. Y avez-vous déjà pensé?
    Nous avons commencé à y réfléchir. Le fait est que nous en sommes encore très loin. Nous devons d'abord rédiger une description de tâches. Ensuite, nous devrons la faire classifier. Il y a tout un processus dans la fonction publique pour ces choses-là.
    Ensuite, nous devrons décider dans quelle zone se tiendra le concours. À l'heure actuelle, nous pensons ne pas restreindre l'activité de dotation, comme je l'ai dit, aux personnes de la fonction publique ou même aux personnes de la Commission. Nous envisageons d'ouvrir le concours au grand public. Je vous rappelle que nous prévoyons avoir besoin de 100 fonctionnaires décideurs au premier niveau. Il reste à voir combien de postes seront disponibles dans chacune de ces catégories.
    En ce qui concerne la formation, comment allez-vous vous assurer, et comment vous assurez-vous, que les gens que vous engagez dans la nouvelle Section de protection des réfugiés, les protecteurs, sont compétents, sont capables de faire le travail que vous en attendez, et ont toujours les meilleurs intérêts des gens — la Commission, le gouvernement et les gens qui demandent l'asile — à coeur?
    Il est absolument crucial que cela se fasse: que nous choisissions les bonnes personnes et les formions pour qu'elles puissent s'acquitter de leurs fonctions avec compétence et conformément à un code de conduite que nous avons pour tous nos membres. Cela comprend les membres de notre Section de l'immigration.
    Ça commence avec la sélection des bonnes personnes. Nous en avons parlé. Mon opinion est que nous devons avoir un mélange. Ça ne doit pas être limité aux personnes de la Commission ou aux personnes de la fonction publique car l'expérience m'a montré que les gens de l'extérieur de la fonction publique apportent beaucoup à la Commission à la fois quand ils viennent comme fonctionnaires et quand ils viennent comme nominations par décret.
    Honnêtement, notre formation au niveau décret est incomparable. Comme je l'ai dit, j'étais chargé de la réforme d'agences, c'est-à-dire que j'ai arbitré la réforme de tribunaux pour le procureur général de l'Ontario. Je connais bien les systèmes de formation des petits tribunaux. Nous avons la grande chance d'être un grand tribunal. Nous sommes réputés pour notre formation. Si vous interrogez n'importe lequel de nos membres actuels ou anciens — et je vous invite à le faire —, ils vous parleront de la qualité de la formation.
    Nous offrons le même genre de formation à nos décideurs, qu'il s'agisse de décideurs fonctionnaires ou de décideurs nommés par décret de la SAR. C'est une formation fantastique, vraiment. Elle comprend du mentorat. Personne n'est autorisé à siéger comme décideur unique, étant donné l'importance des décisions qu'ils prennent, jusqu'à ce que nous ayons déterminé qu'ils sont prêts à le faire et, bien sûr, qu'ils pensent être prêts à le faire.
    Ensuite, il y aura de la surveillance pour veiller à ce qu'ils s'acquittent de leurs fonctions avec efficacité et conformément à la loi. Nous le faisons actuellement pour les décideurs nommés par décret et pour les décideurs fonctionnaires de la SI. Nous assistons aux audiences, nous examinons les enregistrements ou disques des audiences, et nous revoyons les motifs. Cela se fait dans le cadre de notre système d'évaluation du rendement.
    Je le répète, nous avons des évaluations annuelles du rendement des fonctionnaires ainsi que des décideurs nommés par décret. Bien sûr, nous avons une évaluation du rendement en fin de mandat pour tous les commissaires nommés par décret qui est envoyée au ministre au moins six mois avant l'expiration de leur mandat. C'est sur cette base que je recommande au ministre de reconduire ou non un commissaire dans son poste.
    Les décideurs fonctionnaires sont généralement des nominations à durée indéterminée, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas nommés pour une période fixe. Si leur rendement n'est pas conforme aux attentes, nous trouverons pourquoi. Nous verrons ce qu'il faut faire pour les aider et, s'ils ne sont pas à la hauteur, ils ne rendront pas de décisions sur les demandes. C'est aussi simple que ça. C'est trop important.
(1610)
    Combien me reste-t-il de temps, monsieur le président?
    Il vous reste 30 secondes.
    Trente secondes? J'en reste là, dans ce cas. Merci.
    Merci beaucoup. Cela met fin au premier tour.
    M. Bevilacqua.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Goodman, vous dites avoir été consulté par le gouvernement avant le dépôt du projet de loi C-11. Je me demande si vous pourriez partager avec nous non pas toutes les questions que vous avez soulevées mais les trois questions les plus importantes que vous avez exposées au gouvernement car, en dernière analyse, vous avez été une partie très importante de l'architecture de ce système.
    Vous comprendrez que je ne peux vraiment pas vous communiquer les avis que j'ai donnés au gouvernement car je n'y suis pas autorisé. Ce que je peux vous dire, c'est sur quoi nous avons été consultés. Nous avons été consultés sur l'incidence sur la CISR, sur ce qu'il en coûterait de faire ça et, généralement, sur comment nous ferions.
    Par exemple, est-ce faisable? Pouvez-vous faire ça? Combien de temps faudra-t-il pour vous préparer à ça? Donc, par exemple, la consultation a porté sur la date d'entrée en vigueur, qui ne doit pas être plus de deux ans après la sanction royale. Comme le ministre et ses collaborateurs l'ont indiqué lors de votre audience de mardi, il y a une quantité de travail incroyable à faire. Nous mettons sur pied deux sections complètement nouvelles au sein de la CISR.
    Certes. Vous pouvez comprendre pourquoi, en qualité de membre du comité étudiant ce projet de loi et de personne chargée d'approuver ou de ne pas approuver le projet de loi... Vous jouez un rôle tellement important pour ce comité qu'Il serait important pour nous de savoir quelle a été votre contribution. Très franchement, en qualité de député, j'ai le droit de demander ce que le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pense du projet de loi car nous sommes ici pour étudier ce projet de loi. Le fait de ne pas avoir accès à ce genre d'information m'inquiète.
    Cela dit, je vais reformuler ma question pour vous aider à y répondre. Après avoir lu le projet de loi C-11, quels seront d'après vous les principaux défis que devra relever votre organisation pour le mettre en oeuvre? C'est une question légitime, non?
    Tout à fait.
    Je dirai un mot au sujet de la première question, cependant. Je répète, et vous me comprendrez, que nous ne formulons pas les politiques du gouvernement. Ce sont la CIC et le gouvernement qui le font. Donc, vous dire si j'estime que ces politiques sont les bonnes ou non n'est pas pertinent. Il est important de le savoir. Toutefois, comme je l'ai dit, nous avons été consultés sur l'incidence que telle ou telle disposition pourrait avoir sur la Commission. Je ne répète pas ce que j'ai dit à ce sujet.
    En ce qui concerne les défis, je pense qu'il s'agira d'abord de mettre les bonnes personnes dans les bons postes au bon moment. Nous devons absolument créer un organisme de décision de premier niveau de grande qualité dans la fonction publique pour la Commission. C'est incontournable.
    Comme cela a été un problème dans d'autres pays, comme en Grande-Bretagne où les décideurs de premier niveau restent pendant environ un an, dans la plupart des cas... J'y étais. Ils sont très jeunes. Leurs décisions ne sont pas très professionnelles dans le sens où il y a un taux d'invalidation très élevé. Plus de 20 p. 100 des décisions sont renversés en appel.
    Pour vous donner une idée, et même si je réalise que la révision judiciaire n'est pas un appel, notre taux de succès en révision judiciaire est tel que seulement 0,05 p. 100, un demi pour cent, des décisions de la CISR sont renversées en révision judiciaire. Un demi pour cent.
(1615)
    Si vous me permettez d'intervenir, ce sont des questions que j'ai posées au ministre dans le cadre de la vaste consultation qui s'est tenue avec nous et avec le ministre, et je comprends que c'est un domaine sensible.
    Revenons donc à certaines des choses essentielles au succès de cette réforme.
    Une seule de ces choses peut-être parce qu'il ne vous reste pas beaucoup de temps.
    D'accord, une chose. C'est le budget prévu pour cette réforme. Je crois que c'est de l'ordre de 540 millions de dollars.
    De quel pourcentage de cette somme aurez-vous besoin pour exercer les fonctions que vous devrez exercer? Vous pouvez certainement le prévoir parce que vous êtes là depuis assez longtemps. Vous connaissez la fonction publique probablement mieux que la plupart d'entre nous et vous pouvez donc probablement me dire combien d'argent il vous faudra pour amener le système au niveau nécessaire.
    Monsieur Bevilacqua, nous avons dit au gouvernement le budget dont nous aurons besoin. Nous ne savons pas encore combien nous obtiendrons. Nous avons une somme globale mais on ne nous a pas dit quelle serait notre part, ni sur combien de temps.
    C'est tout. Merci.
    Désolé, monsieur Bevilacqua, c'est terminé pour vous.
    M. St-Cyr.

[Français]

    Merci.
    J'aimerais seulement faire une parenthèse en commençant.
    Vous avez souligné que, présentement, en vertu de la loi actuelle, seulement un 0,5 p. 100 des demandes de contrôle judiciaire renversent la décision. À mon avis, ça prouve qu'en effet, ce n'est pas un mécanisme d'appel. Trop, c'est comme pas assez. Si trop de décisions sont renversées en appel, il y a un problème en première instance; si aucune, ou si peu, n'est renversée, il y a un problème en appel. Je n'étirerai pas cette parenthèse, parce qu'on regarde en avant.
    Prenons le projet de loi C-11. Je vous ai parlé, plus tôt, du recrutement à l'extérieur de la fonction publique des fonctionnaires qui travaillent à la première instance. Pouvez-vous nous dire si, actuellement, dans la division où ce modèle existe — c'est-à-dire en matière d'immigration — quel pourcentage approximatif des gens sont recrutés à l'extérieur de la fonction publique? Ensuite, grossièrement, quelle pourrait être une cible raisonnable qu'on pourrait viser pour la section des réfugiés devant être créée?

[Traduction]

    Depuis que je suis le président, monsieur St-Cyr, je ne pense pas qu'il y ait eu de concours pour la Section de l'immigration, de processus de dotation, qui ait été ouvert à d'autres personnes que des fonctionnaires. Je ne crois pas me tromper.
    Par contre, il y a eu des concours ouverts aux personnes employées par la Commission. Certains ont été ouverts à des employés de la Commission, ce qui comprend d'anciennes personnes nommées par décret. De fait, certaines de nos nominations par décret sont des fonctionnaires en congé. Nous en avons environ 14.

[Français]

    Ce dont vous me parlez, c'est pour les commissaires; je parle des fonctionnaires à l'immigration en première instance. Vous dites présentement qu'ils ont tous été recrutés à l'intérieur de la fonction publique elle-même?

[Traduction]

    C'est ce que je crois comprendre. Je ne crois pas qu'il y ait eu des concours, depuis que j'occupe la présidence, qui aient été ouverts à des personnes externes à la fonction publique.

[Français]

    Dans l'intervention précédente, vous m'aviez dit que ce pourrait être pertinent, pour les fonctionnaires du groupe devant être créer pour les réfugiés en vertu du projet de loi C-11, d'aller voir et de recruter directement à l'externe. Pensez-vous qu'il y a une cible optimale à viser ou un seuil à définir?

[Traduction]

    Ce que nous voulons, c'est une variété adéquate. Après tout, il s'agit de la Loi sur des mesures de réforme équitables concernant les réfugiés. Je crois qu'il nous faut une variété adéquate pour prendre les décisions sur le statut de réfugié.

[Français]

    La proportion est-elle de l'ordre de 10/90, 50/50 ou 25/75? Quel serait le ratio optimal?

[Traduction]

    Nous n'en sommes pas encore là. Il est vraiment trop tôt dans le processus pour déterminer cela.

[Français]

    Vous dites traiter présentement 25 000 dossiers par année. Pouvez-vous me dire, de ce nombre, combien sont acceptés par année? Combien deviennent des réfugiés officiels? Avez-vous estimé, en vertu du projet de loi C-11, à combien montera ce nombre? Par exemple, une fois que le système sera stable, donc 3 ou 4 ans après la mise en vigueur, combien y aura-t-il de personnes acceptées, dans les deux cas?
(1620)

[Traduction]

    Je ne saurais absolument pas vous dire combien de cas seront acceptés en vertu du nouveau système car je ne sais pas quelle sera la nature des demandes. Je peux vous dire que le taux d'acceptation était 42 p. 100 en 2009, soit la même chose qu'en 2008. Donc, 42 p. 100 de toutes les demandes finalisées étaient acceptées.

[Français]

    Si le ratio de demandeurs et le nombre de dossiers traités restent similaires, il y aura plus de personnes acceptées?

[Traduction]

    Chaque demande est jugée selon son mérite. Et les pays d'origine changent.
    Merci.
    M. Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    Je voulais vous donner une minute ou deux pour conclure. J'ai un peu de temps supplémentaire parce que nous avons droit à deux places et je vais utiliser les deux.
    Monsieur Goodman, je vous invite à terminer votre réponse à M. Bevilacqua concernant le volet financier de cet accord. Je pense qu'il serait juste de vous donner une minute ou deux pour conclure vos remarques sur la structure générale du volet financier de cette initiative.
    Eh bien, je pense que le ministre vous a donné le chiffre, mais il y a un certain nombre d'éléments et nous ne sommes que l'un des destinataires importants de ce financement. Il y en a d'autres. Il y a en particulier l'Agence des services frontaliers du Canada pour qu'elle assure le filtrage de sécurité à l'entrée, en coopération avec le SCRS et, plus important encore, qu'elle puisse renvoyer les demandeurs rejetés. J'en ai parlé tout à l'heure. On ne peut pas se concentrer sur une seule partie du système si l'on ne veut pas créer des goulots d'étranglement ailleurs.
    La Cour fédérale aura besoin d'un plus grand nombre de juges car nous espérons recevoir de l'argent pour éponger l'arriéré. À l'heure actuelle, comme je l'ai dit, c'est 59 000 cas environ.
    Il importe de comprendre, car vous avez lu le projet de loi C-11, que les dispositions de transition s'appliquent à l'arriéré au moment où la nouvelle loi entre en vigueur et que les délais qui seront fixés dans les règles, c'est clairement indiqué dans la législation, ne s'appliqueront pas à l'arriéré, c'est-à-dire les 8 et 60 jours, etc.
    Bien sûr, tant que le projet de loi n'aura pas été adopté et n'aura pas obtenu la sanction royale, certaines des perceptions et certaines des idées à ce sujet ne pourront pas être mises en oeuvre.
    Vous avez dit que le débat concernant l'aspect financier exigera évidemment beaucoup de temps et d'efforts de votre part. Vous conviendrez cependant, et je pense que vous l'avez dit, que votre contribution à ce processus a ostensiblement débuté il y a 18 mois. Et, depuis le début, le ministère s'est assuré que vous, votre ministère, et votre organisation, avez participé à la recherche et à certaines des propositions qui ont été retenues dans ce qui est devenu le projet de loi C-11.
    Je le répète, nous n'avons rien à voir avec l'élaboration des politiques et nous n'avons donc pas été consultés à ce sujet. Toutefois, comme je l'ai dit, nous avons été consultés sur l'incidence que toute nouvelle politique aurait sur la Commission, ainsi que sur les sommes qui seraient nécessaires pour éponger l'arriéré et pour mettre le nouveau système en place.
    Je dois vous dire, monsieur Dykstra, que le processus d'indication au gouvernement des ressources qui seraient nécessaires avait débuté longtemps avant qu'on parle de réforme.
    Merci.
    Vous ne pouvez évidemment pas parler de la politique fondant le projet de loi C-11 mais, pour permettre aux gens de mieux comprendre, que pouvez-vous nous dire des problèmes que pose le système actuel et de ce qu'a été votre contribution d'un point de vue structurel au sujet de ce qu'il convenait de changer?
(1625)
    Comme je l'ai dit, le fait est que le processus de détermination du statut de réfugié prend trop longtemps. En moyenne, c'est aujourd'hui plus de 19 mois. C'est 19,2 mois. J'ai assisté à la conférence annuelle du Conseil canadien des réfugiés, il y a quelques années, je pense, lorsque c'était 16 mois, à peu près, et j'avais déjà dit que c'était trop long.
    Et c'est incontestablement beaucoup trop long. On met la vie des gens en suspens. Des réfugiés légitimes attendent que leur demande soit acceptée et il n'est pas juste de les mettre en suspens. C'est leur vie et celle de leur famille qui est mise en suspens. Le fait est qu'il faut déterminer le statut de réfugié beaucoup plus rapidement.
    Ensuite, dans le cas des demandes refusées, et une fois que tous les appels sont épuisés, nous devons veiller à renvoyer rapidement les demandeurs. Sinon, nous devenons un havre pour des gens qui pensent qu'il leur suffit de venir ici et de présenter une demande pour pouvoir rester pour toujours, ou quasiment pour toujours.
    L'une des choses que nous avons pu faire, et cela a en fait été déposé par le ministre lorsqu'il est venu témoigner la semaine dernière, c'est en quelque sorte de voir... En fait, nous avons utilisé ces téléviseurs pour parler à certaines personnes du monde entier de la manière dont fonctionnent leurs systèmes et des changements qui pourraient éventuellement améliorer les procédures d'immigration.
    On disait dans le rapport de la Chambre des communes britannique publié en juin 2009 que 20 à 25 p. 100 des appels interjeté contre des décisions de refus sont validés. Je vous demande donc quelles mesures il faudrait prendre pour ne pas avoir de taux similaire au Canada lorsque les fonctionnaires prennent les décisions de premier niveau.
    Mme Olivia Chow: Prendre d'abord la bonne décision.
    Vous avez raison, il faut prendre la bonne décision dès le départ. C'est ce qu'a dit Mme Chow, sotto voce, mais je l'ai entendue. Je suppose que les avocats ne sont pas censés connaître le latin mais c'est une expression musicale ou quelque chose comme ça.
    Quoi qu'il en soit, le fait est que la clé est de prendre la bonne décision la première fois.
    J'ai participé à une conférence de l'Association internationale des juges aux affaires de réfugiés où le juge Marshall Rohtstein, de la Cour suprême du Canada, s'est exprimé. Il a dit que l'objectif est de s'assurer de bien présenter sa cause devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié car les chances de succès aux étapes suivantes ne sont pas mirobolantes. C'est parce qu'on attache beaucoup de valeur maintenant, j'ai le plaisir de le dire, à l'expertise de la Commission, et encore plus depuis l'arrêt Kosta. Nous sommes un organisme expert. Nous savons ce que nous faisons.
    L'essentiel est d'obtenir les bonnes personnes, de les former correctement, de les surveiller, et de voir le taux de cassation des décisions, par exemple, pour nous assurer qu'elles sont bonnes dès la première fois. C'est ce que nous faisons maintenant, même en l'absence d'appel.
    Merci, monsieur Dykstra.
    C'est tout?
    Hélas oui.
    Monsieur Goodman, nous sommes arrivés à la fin de la période prévue pour votre comparution. Vous faites très bien ce que vous faites. Je suis heureux que vous soyez venu témoigner et je vous en remercie, ainsi que vos collègues. Merci beaucoup, monsieur.
    Ce fut un plaisir. Bonne chance dans vos délibérations.
    Merci.
    Nous allons suspendre la séance quelques instants avant les témoins suivants.
(1625)

(1635)
    Nous reprenons nos travaux.
    Pour la deuxième heure, nous accueillons deux témoins.
    Il s'agit d'abord de Julie Taub, avocate spécialisée en droit de l'immigration et des réfugiés, et ancienne membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
    Je vous souhaite la bienvenue, madame Taub.
     Nous entendrons ensuite Martin Collacott qui témoignera de Vancouver. Vous le voyez sur l'écran de télévision. C'est un ancien ambassadeur du Canada en Asie et au Moyen-Orient.
    Je crois que vous avez tous les deux déjà comparu devant le comité.
    Monsieur, bienvenue à vous. Quel temps fait-il à Vancouver?
    Ici, ça va.
    Nous allons commencer.
    Madame Taub, je vous laisse vous présenter.
    Comme on m'a invitée à venir à la dernière minute, hier,...
    Et je vous en remercie sincèrement.
    ... je n'ai pas de texte à vous remettre mais, si vous le souhaitez, je pourrai vous l'envoyer demain.
    Très brièvement, en ce qui concerne mes antécédents, je suis une avocate chevronnée en droit de l'immigration et du statut de réfugié, à Ottawa, avec de nombreux clients des deux secteurs, et je suis une ancienne membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
    Je pense qu'il est important de comprendre ma situation personnelle. Je suis la fille de survivants de l'holocauste. Nous sommes arrivés d'Europe de l'Est en 1949, avant l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur les réfugiés, en 1951, et j'ai donc une expérience personnelle et très émouvante de la situation des réfugiés, notamment de ceux qui ont essuyé un refus au moment où ils en avaient besoin, pendant la Deuxième guerre mondiale. Quand j'examine cette réforme du système d'acceptation des réfugiés, je le fais d'un point de vue personnel, c'est-à-dire à partir de mon expérience personnelle ainsi que d'un point de vue professionnel.
    Permettez-moi d'ajouter aussi qu'avant de devenir avocate — avant d'entreprendre des études de droit à l'âge de 40 ans —, j'étais enseignante du secondaire pour une commission scolaire francophone et j'ai surtout enseigné dans des écoles dont la plupart des élèves étaient des réfugiés.
    Permettez-moi de dire d'emblée que je dois féliciter le gouvernement de s'être efforcé de rationaliser le processus de détermination du statut de réfugié. Je l'en félicite. C'est un pas dans la bonne voie et je félicite M. Kenney de ses efforts. Je ne pense pas qu'il soit allé assez loin mais c'est quand même un pas dans la bonne direction.
    Il serait difficile à quiconque aujourd'hui de dire que le système actuel marche bien. Je pense que nous pouvons tous convenir qu'attendre 19 mois pour avoir une audience et cinq ans pour se débarrasser des demandeurs rejetés est excessif et inacceptable. On ne peut contester non plus qu'il y a beaucoup d'abus dans le système actuel. Je le constate régulièrement. Je n'accepte pas tous les clients qui s'adressent à moi pour présenter une demande de réfugié quand j'ai la conviction au-delà de tout doute raisonnable qu'il ne s'agit pas de réfugiés légitimes.
    Donc, quand je parle de cas particuliers, je n'en parle pas d'un point de vue académique, d'un point de vue théorique ou même d'un point de vue politique. J'en parle... [Difficultés techniques]
    Veuillez m'excuser, madame Taub, il vient se passer quelque chose à Vancouver. C'est un peu nouveau pour nous, cette technologie.
    Je suis désolé de cette interruption. Veuillez continuer.
    Pas de problème.
    J'en parle d'après mon expérience personnelle, et sans arrière-pensées politiques.
    Je vais vous donner l'exemple le plus récent mais cela arrive régulièrement. La semaine dernière, j'ai reçu un appel téléphonique d'un Arménien des États-Unis, qui se trouve là-bas avec un visa d'étudiant pour étudier ou pour enseigner, je n'ai pas bien compris. Il m'a dit qu'il voulait présenter une demande de réfugié et qu'il se trouve légalement aux États-Unis avec sa famille. Je lui ai dit de présenter une demande aux États-Unis. Selon la convention internationale de 1951, un réfugié légitime peut formuler une demande dans le premier pays sûr où il arrive.
    Il m'a dit savoir qu'il avait un bon dossier parce qu'il avait consulté un avocat de l'immigration aux États-Unis qui lui avait dit que son dossier était solide. Je lui ai redit de présenter une demande aux États-Unis. Voici ce qu'il m'a dit : « Non, ici, aux États-Unis, je dois payer un avocat, je dois payer pour vivre ailleurs et je dois subvenir aux besoins de ma famille. Je veux venir au Canada parce que je sais que je pourrais y avoir un avocat gratuitement, un logement gratuit et que, si je veux un permis de travail, je pourrais en obtenir un. » Je lui ai dit que je ne pouvais malheureusement pas l'aider.
    Ce n'était pas un cas exceptionnel. C'est du tout-venant.
    Je dois vous dire aussi que je suis avocate de service pour le panel d'aide juridique des réfugiés et des immigrants. Une semaine sur deux, le lundi après-midi, je vais à la Ottawa Community Immigrant Services Organization, OCISCO, sur la rue Wellington. Je sais donc personnellement ce qui se passe dans cette communauté. Du fait de mes consultations avec les personnes qui s'adressent à OCISCO, je vois que beaucoup de gens tentent d'utiliser le processus d'accueil des réfugiés pour immigrer au Canada par une voie détournée.
     Des gens viennent me dire qu'ils veulent parrainer leurs parents qui sont ici comme visiteurs. Je leur dis d'entamer le processus de parrainage. Ils sont très francs parce qu'ils savent que les communications entre un avocat et son client sont confidentielles et que je ne peux identifier personne. Ils me disent : « Eh bien, on m'a dit... » — c'est-à-dire un agent d'accueil — «... qu'il suffirait à mes parents de demander le statut de réfugié et que nous n'aurions pas alors à les parrainer et qu'ils pourraient rester ici ». De cette manière, ils pourraient échapper à l'obligation de 10 ans. Ils le disent très franchement. Je leur réponds alors que je ne suis pas là pour donner ce genre de conseil et que je ne peux pas les aider.
    Ce n'est pas exceptionnel. Il faut donc resserrer le système. Nous devons nous assurer que le système d'accueil des réfugiés sert aux réfugiés légitimes et n'est pas exploité par des gens qui voudraient immigrer d'une manière détournée ou qui voudraient échapper à des obligations financières envers leurs parents ou grands-parents. Ce n'est pas à cela que sert le système, et nous devons respecter les réfugiés légitimes qui sont obligés d'attendre beaucoup trop longtemps pour obtenir une décision parce qu'un nombre élevé de demandeurs ne sont pas légitimes.
    Pour ce qui est du pays d'origine sûr, j'y suis favorable parce que je ne vois pas pourquoi nous devrions ne serait-ce que recevoir une demande de l'un des pays de l'Union européenne. Tout citoyen de l'un de ces 27 pays a le droit de travailler et de vivre dans l'un des 26 autres. Pas de demander le statut de réfugié mais d'y travailler et d'y vivre. Je ne comprends pas pourquoi ils viendraient ici à moins que l'on considère — si vous me permettez une pointe d'ironie — que, dans les 26 autres pays, ils ont droit de vivre et de travailler alors qu'au Canada, ils ont droit de vivre, de présenter une demande et de ne pas travailler. Vous croirez peut-être que je plaisante mais il faut tenir compte de cela.
    Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter des demandeurs des États-Unis, d'Australie ou de Nouvelle-Zélande. Ce sont des pays démocratiques. Nous ne sommes pas la seule démocratie au monde. Nous ne sommes pas nécessairement la meilleure. Je ne pense pas que quiconque puisse se plaindre de la Nouvelle-Zélande, de la Suisse ou de la plupart des pays de l'Union européenne. Ce sont des pays d'origine sûrs et il faut les respecter.
    Nous ne pouvons pas laisser les gens de ces pays venir exploiter notre système. Nous devons nous concentrer sur les réfugiés légitimes. Nous devons nous concentrer sur le renvoi des réfugiés bidon ou des réfugiés dont la demande a été rejetée, ou de ceux qui ont menti et qui sont peut-être des criminels, des terroristes ou des persécuteurs, comme certains du Rwanda.
(1640)
    Je songe au cas Mugesera. C'est l'un des plus infâmes. En 2005, la Cour suprême du Canada a conclu que Leon Mugesera, un extrémiste Hutu exilé, était un criminel de guerre dont elle a ordonné l'expulsion pour avoir aidé à inciter au génocide du Rwanda, que nous connaissons tous. C'est quelqu'un dont la demande du statut de réfugié avait été rejetée en 1995. Nous sommes en 2010 et il est encore ici, appel après appel. Ce n'est pas à ça que sert le processus d'accueil des réfugiés.
    Et il y en a un autre, de 1987 celui-là, Mahmoud Mohammad Issa Mohammad. C'est un terroriste palestinien qui avait été condamné à 17 ans de prison en Grèce pour avoir attaqué un avion d'El Al à Athènes, ce qui a entraîné la mort d'un passager. Il est entré comme immigrant reçu sous une fausse identité. Il a réussi à éviter l'expulsion jusqu'à aujourd'hui. Je crois qu'il fonde son dernier appel sur des raisons de santé : il dit qu'il ne pourrait pas obtenir le même niveau de soins de santé en Cisjordanie qu'ici.
    J'en ai toute une liste mais je n'insiste pas. Je l'ajouterai avec plaisir aux notes que je vous enverrai.
    Donc, oui, le gouvernement fait un pas dans la bonne direction. Je pense cependant que ce n'est qu'un premier pas. Une réforme plus profonde est nécessaire pour resserrer le processus d'accueil des réfugiés afin de le rendre plus efficient et plus efficace pour les réfugiés légitimes, pas pour les réfugiés bidon.
(1645)
    Je vous remercie beaucoup d'être venue à la dernière minute. Votre franchise est une bouffée d'air.
    Monsieur Collacott, merci d'avoir accepté de nous aider cet après-midi. Vous avez 10 minutes.
    Tout d'abord, merci beaucoup de m'avoir invité à m'adresser au comité.
    Avant de parler du projet de loi C-11, permettez-moi de dire que je partage l'opinion des autres Canadiens qui estiment que le Canada se doit d'accorder sa protection à un nombre raisonnable de réfugiés légitimes. J'ajoute que certains des membres de ma propre famille, mes beaux-parents, ont été des réfugiés de la mer fuyant un régime d'oppression. J'ai commencé à m'intéresser à ces questions quand j'ai été nommé ambassadeur ou haut-commissaire dans des pays d'Asie et du Moyen-Orient d'où proviennent bon nombre de réfugiés et d'immigrants.
    Il faut convenir dès le départ que, malgré l'appui du public à un bon système d'accueil des réfugiés, le système actuel pose de graves problèmes. Cela inquiète la population qui réclame fermement une réforme du système, à la fois pour accélérer le traitement des dossiers légitimes et pour expulser rapidement le grand nombre de demandeurs qu'on estime ne pas avoir besoin de notre protection.
    Il a été abondamment prouvé qu'un grand nombre de personnes demandant le statut de réfugié au Canada ne fuient pas une persécution mais tentent plutôt d'exploiter le système pour acquérir la résidence permanente dans notre pays, dans la plupart des cas pour des raisons d'ordre économique. Bien que le Canada soit pour les demandeurs du statut de réfugié ou les demandeurs d'asile l'un des pays les plus difficiles à atteindre de par sa situation géographique, nous recevons quand même une proportion très élevée des demandes formulées au niveau mondial parce que nous offrons aux demandeurs le système de prestations le plus généreux et approuvons en moyenne trois fois plus de demandes que les autres pays.
    En 2009, par exemple, nous avons reçu plus de 33 000 nouvelles demandes du statut de réfugié. Le HCR des Nations unies a étudié la situation dans 44 pays industrialisés et a conclu que nous arrivons juste après les États-Unis et la France en ce qui concerne le nombre absolu de demandes. Or, ces deux pays ont des populations beaucoup plus élevées que le Canada et sont géographiquement beaucoup plus accessibles à la plupart des demandeurs d'asile.
    Comme mon temps de parole est limité, je vais me concentrer sur les dispositions du projet de loi C-11 portant sur ce qu'on appelle les pays d'origine désignés, c'est-à-dire les pays internationalement considérés comme des pays d'origine sûrs.
    Si les membres du comité le souhaitent, je répondrai aussi à leurs questions sur d'autres aspects du projet de loi, par exemple sur l'utilisation de fonctionnaires au premier palier de décision.
    L'expression « pays d'origine sûr » sert à désigner des pays qui sont démocratiques, qui ont un bon bilan en matière de droits humains, qui souscrivent aux conventions des Nations unies sur les droits de l'homme et sur les réfugiés, et qui sont considérés comme ne persécutant pas leurs citoyens. Bon nombre de pays accueillant des réfugiés rejettent d'office toute demande d'un citoyen d'un pays d'origine sûr, ou se sont en tout cas dotés d'un mécanisme pour traiter rapidement ces demandes afin qu'elles n'engorgent pas le système, ce qui leur permet de se concentrer sur les demandes méritoires.
    Le Canada, par contre, n'a jusqu'à présent pas fait preuve d'une telle modération et a permis la présentation de demandes par des citoyens d'une foule de pays qui ne seraient pas considérés ailleurs comme des pays producteurs de réfugiés, c'est-à-dire des pays persécutant leurs citoyens au sens de la Convention des Nations unies.
    En 2008, par exemple, nous avons laissé entrer dans notre système de détermination du statut de réfugiés des Norvégiens, des Néo-Zélandais, des Allemands, des Français, des Britanniques, des Américains, et j'en passe. Bien que le nombre de demandes émanant de citoyens de ces pays était relativement minime, ce n'était pas vrai dans tous les cas. En 2008, par exemple, plus de 2 300 citoyens américains ont demandé le statut de réfugié au Canada. Ce chiffre n'est pas négligeable lorsqu'on considère le temps et les ressources qu'il faut consacrer à l'examen de chaque demande.
    Ce qui est peut-être encore plus notable, c'est l'augmentation soudaine du nombre de demandes émanant de pays particuliers dont beaucoup seraient considérés comme des pays sûrs par les autres pays d'accueil de réfugiés. Je veux parler de demandes émanant récemment de citoyens du Mexique, de la République tchèque et de la Hongrie mais, dans les décennies précédentes, on a vu la même situation avec des citoyens du Portugal, de Trinité-et-Tobago, de Turquie, d'Argentine, du Chili, etc.
(1650)
    Ce genre de problème est apparu en partie à cause de la manière dont nous avons élargi la définition de la persécution dans la convention des Nations unies. Paradoxalement, le Canada avait mis en garde la communauté internationale il y a quelques années, lors d'une réunion du HCR à Genève, en disant que, si la définition de réfugié était trop élargie, le problème risquait de devenir totalement ingérable, et c'est exactement ce qui s'est produit, en grande mesure.
    Le représentant du Canada lors de cette réunion avait ajouté qu'il était particulièrement injuste de dépenser des milliers de dollars pour des personnes qui avaient réussi à atteindre notre territoire, sans nous demander si elles avaient ou non vraiment besoin de notre aide, mais relativement peu pour les personnes languissant dans des camps de réfugiés.
    En ce qui concerne la hausse soudaine de demandes de citoyens de la République tchèque, des porte-parole de réfugiés ont avancé l'argument que, même si les membres de la communauté dont la plupart d'entre eux émanaient, c'est-à-dire les Roms — ou, comme on les appelle parfois, les gitans — n'étaient pas persécutés par le gouvernement tchèque, le fait que ce dernier ne pouvait pas empêcher sa population de faire de la discrimination à leur égard était équivalent à de la persécution, ce qui les rendait admissibles à demander le statut de réfugié. En vertu de cette définition élargie de la persécution, nous serions obligés d'accepter, par exemple, des demandes des plus de 100 millions de Dalits d'Inde, la caste des intouchables.
    Il est clair que la convention sur les réfugiés n'a jamais été prévue pour ce genre de problème et qu'on ne l'interpréterait pas d'une manière telle que nous sommes censés résoudre les problèmes sociaux des autres peuples en transférant au Canada toutes les personnes en situation difficile si elle était appliquée de manière réaliste et pratique. Il convient de noter à cet égard que les autres membres de l'Union européenne n'acceptent pas de revendications du statut de réfugié de citoyens tchèques, qu'il s'agisse de Roms ou d'autres, étant donné que la République tchèque est un pays démocratique ayant un bilan positif sur les droits humains.
    Dans ces circonstances, il est tout à fait légitime que le Canada dresse une liste de pays d'origine désignés, notamment dans les cas où l'on constate une augmentation rapide des demandes provenant de pays ne persécutant par leurs ressortissants. À mon avis, c'est évident, nous devons instaurer un tel système.
    Jusqu'à présent, dans de telles situations, nous avons été réduits à exiger des visas de visiteurs, ce qui est une solution bizarre à ce genre de problème, et qui s'accompagne généralement de certaines conséquences négatives, notamment des réactions négatives des pays concernés, pouvant aller jusqu'à des mesures de rétorsion par l'exigence de visas pour les voyageurs canadiens.
    Une autre conséquence négative de la facilité avec laquelle quasiment n'importe quel non-Canadien peut demander le statut de réfugié au Canada est la prudence extrême que nous devons souvent exercer dans l'émission de visas de visiteurs aux citoyens d'autres pays. Dans mes divers postes dans les ambassades du Canada, nous devions souvent refuser des visas à des personnes qui étaient probablement des visiteurs de bonne foi car nous ne pouvions pas prendre le risque de les leur accorder puisqu'il est tellement facile de réclamer le statut de réfugié quand on est en sol canadien. Si nous avions un système plus cohérent de détermination du statut de réfugié, nous ne serions pas obligés de rejeter autant de demandes de visas que nous le faisons actuellement.
    Maintenant, la question est de savoir si la désignation de pays d'origine fonctionnera efficacement si elle est approuvée et mise en oeuvre. Ça reste à voir.
    Les citoyens de pays désignés auront toujours le droit de réclamer le statut de réfugié mais pas celui d'interjeter appel devant la Section d'appel des réfugiés si leur demande est rejetée. On suppose probablement que cette restriction dissuadera la plupart de telles personnes de présenter une demande mais, si tel n'est pas le cas et si l'effet dissuasif n'est pas suffisant, le gouvernement aura tout intérêt à envisager des mesures plus rigoureuses pour contrôler les hausses spectaculaires de demandes émanant de citoyens de ces pays d'origine.
(1655)
    Il vous reste une minute, monsieur.
    Je vais conclure.
    Il nous faudra peut-être tout simplement refuser d'examiner les demandes de ces personnes.
    Pour terminer, j'aimerais faire remarquer que le Canada a une politique extrêmement généreuse à l'égard des réfugiés. Comme je l'ai déjà indiqué, notre système de prestations est le plus généreux au monde, notre taux d'acceptation des réfugiés compte parmi les plus élevés, et c'est d'ailleurs pour cela que nous attirons autant de demandeurs du statut de réfugié.
    Nous sommes aussi nettement au-dessus de la moyenne en ce qui concerne le pourcentage d'acceptation des demandes de réfugiés ainsi que le nombre de réfugiés qui viennent de l'étranger pour se réinstaller au Canada. Et pourtant, les groupes de défense des réfugiés, comme le Conseil canadien pour les réfugiés, continuent de prétendre que le Canada manque de générosité et que le projet de loi ne fera qu'aggraver la situation.
    C'est absolument faux. Il faut que le système continue d'être juste et efficace, c'est ce que veulent les Canadiens. Ceux qui prétendent que nous devrions ouvrir encore plus grand nos portes ne sont tout simplement pas à l'écoute de la population.
    Je félicite le gouvernement d'avoir présenté ce projet de loi. Permettez-moi de préciser que, tout comme Julie Taub, je n'ai pas d'affiliation politique. Je n'appartiens à aucun parti politique, et je suis toujours prêt à venir rencontrer des députés de quelque parti qu'ils soient pour discuter de la politique d'immigration et de la politique sur les réfugiés.
    Je vous remercie à nouveau de m'avoir invité aujourd'hui. Cela met fin à mes observations.
    Je vous remercie infiniment. Les membres du Comité ont des questions à vous poser.
    Je commence par donner la parole à M. Karygiannis.
    Bonjour. Merci à tous les deux.
    Monsieur Collacot, vous avez parlé de la Turquie et, si j'ai bien compris, ce pays ne produit pas de réfugiés?
    Le gros de la vague s'est produit il y a une vingtaine d'années. Je ne pense pas qu'à ce moment-là les gens avaient des raisons valables de faire autant de demandes d'asile qu'il en ont fait. D'ailleurs, la plupart ont été rejetées. Comme un grand nombre de ces gens-là étaient déjà au Canada, le gouvernement a décidé, pour régler le problème, de les renvoyer chez eux tout en leur proposant de faire une demande d'immigration. C'est ainsi que beaucoup d'entre eux ont été acceptés par la suite comme immigrants, mais au départ, la décision était claire que ces gens-là n'étaient pas...
    Monsieur Collacott, je vous ai posé une question très simple. La Turquie produit-elle des réfugiés ou non?
    C'est un pays suffisamment démocratique pour tomber dans la catégorie des pays d'origine sûrs...
    L'hon. Jim Karygiannis : Donc, quelqu'un...
    M. Martin Collacott : ... même s'il a des problèmes internes, c'est évident.
    Monsieur, une personne comme le Patriarche oecuménique de Constantinople ou le Patriarche des Arméniens ne devrait donc pas avoir de problèmes, n'est-ce pas?
    Vous me posez une question?
    Le Patriarche oecuménique de Constantinople ne devrait pas avoir de problèmes à Istanbul, n'est-ce pas, puisque c'est un pays démocratique?
    Je n'ai pas suivi l'affaire... Il est vrai qu'il y a des problèmes, et je réserverai donc mon jugement sur la Turquie.
    Lorsque le gros de la vague s'est produit, le Mexique, où il y a beaucoup de violence conjugale...
    Monsieur Collacott, je vous ai posé une question au sujet de la Turquie.
    A l'ordre, s'il vous plaît.
    Monsieur Karygiannis, j'ai un problème. Vous et le témoin parlez tous les deux en même temps.
    Monsieur le président, j'ai posé une question sur la Turquie...
    J'ai la parole...
    L'hon. Jim Karygiannis: Si...
    Le président: Monsieur Karygiannis, c'est moi qui ai le maillet.
    Je n'ai pas l'intention d'arrêter la minuterie tant que vous ne m'aurez pas écouté.
    Je suis tout simplement en train de vous dire que vous ne pouvez pas parler tous les deux en même temps. Alors, quand vous posez une question, je vous prie de laisser le témoin vous répondre avant de lui en poser une autre.
    Monsieur le président, je vous remercie de votre conseil.
    Monsieur Collacott, ce n'est pas le Mexique qui m'intéresse mais la Turquie. Si vous ne pouvez pas répondre à ma question sur la Turquie, dites-le. Pouvez-vous répondre à ma question sur la Turquie, monsieur?
    Il faudrait que je vérifie pour la Turquie, mais j'ai donné la liste d'un grand nombre de pays qui sont des pays d'origine sûrs, cela ne fait aucun doute.
    L'hon. Jim Karygiannis: Monsieur Collacott...
    M. Martin Collacott: Dans le cas de certains pays, ce n'est pas toujours facile de dire s'ils sont sûrs ou pas. Je...
    L'hon. Jim Karygiannis: Monsieur Collacott, un moment s'il vous plaît.
    M. Martin Collacott: ... ne vais pas discuter de cas marginaux.
(1700)
    Monsieur Collacott, la Turquie est-elle un pays sûr, oui ou non? La réponse est simple : oui ou non.
    Non, je n'ai pas l'intention de vous donner une réponse aussi simple. J'ai besoin d'y réfléchir davantage. Je vous ai donné une longue liste de pays pour lesquels la réponse est très claire.
    L'hon. Jim Karygiannis: Alors permettez-moi...
    M. Martin Collacott: Si vous cherchez des cas marginaux, je n'ai pas l'intention de poursuivre cette discussion.
    Un instant. Vous recommencez à parler tous les deux en même temps. Je ne vais pas arrêter la minuterie, je vous ai prévenus.
    Les interprètes ont du mal à vous suivre quand vous parlez tous les deux en même temps.
    Monsieur Karygiannis, vous êtes député depuis assez longtemps pour le savoir.
    Allez-y.
    Monsieur, si vous voulez continuer de gloser, libre à vous. Je vous remercie. Je ne suis pas d'accord avec vous pour ce qui est de la Turquie, et je vais en rester là. Quand le Patriarche oecuménique ne peut pas être remplacé parce que la Turquie exerce des pressions, et que le Patriarche arménien ne peut pas être réélu parce que la Turquie exerce des pressions, j'estime, monsieur, que la Turquie n'est pas un pays sûr.
    Madame Taub, revenons, si vous le voulez bien, à l'époque des années 1960. Un pays sûr, les États-Unis, avait des objecteurs de conscience dont un grand nombre se sont enfuis au Canada. Nous en avons accueilli 60 000 ou 70 000, avec leurs enfants, etc. Aujourd'hui, les États-Unis participent à une guerre qui n'est pas sanctionnée par les Nations Unies. Certains objecteurs de conscience américains sont venus chez nous, et notre Comité a décidé d'accorder le statut de réfugié à ces gens-là, étant donné qu'ils refusent de participer à une guerre qui n'est pas sanctionnée par les Nations Unies.
    Par conséquent, comment peut-on définir les États-Unis comme un pays sûr, vu notre expérience avec ses objecteurs de conscience?
    Si vous connaissiez votre histoire, vous sauriez que, pour la guerre du Viet Nam, la conscription était obligatoire. Ce n'est pas le cas aujourd'hui. La situation est différente. On ne peut pas faire de comparaison. Voilà pour ma première remarque.
    Deuxièmement, j'estime que les États-Unis sont une démocratie, au même titre que le Canada.
    Les États-Unis étaient-ils un pays tiers sûr dans les années 1960?
    À l'époque, je n'étais ni membre de la Commission du statut de réfugié, ni avocate.
    Alors, vous ne connaissez pas votre histoire?
    Au contraire, je la connais plutôt bien. On les a accueillis à bras ouverts.
    Monsieur Karygiannis, vous savez...
    Vous savez quoi, monsieur le président? Je n'accepte pas que vous m'interrompiez à tout bout de champ.
    Monsieur Karygiannis... c'est son histoire à lui...
    Monsieur Karygiannis, que cela vous plaise ou non, je ne vais pas arrêter ma minuterie tant que vous ne m'aurez pas écouté.
    Vous n'avez pas besoin d'arrêter votre minuterie, monsieur, je pose simplement des questions aux témoins...
    Eh bien...
    ... et si mes questions ne vous plaisent pas, monsieur...
    Le président: Monsieur...
    L'hon. Jim Karygiannis: ... tant pis.
    Monsieur, je vous prie d'être courtois avec le témoin.
    Non, vous ne l'êtes pas. Je vous prie d'améliorer vos manières.
    Vous avez la parole.
    Merci.
    Dans les années 1960, les États-Unis étaient un pays démocratique, n'est-ce pas?
    Et ils le sont toujours.
    Pourtant nous avons accepté des milliers d'objecteurs de conscience qui fuyaient ce pays.
    Nous les avons acceptés parce que c'étaient des motifs politiques.
    Des motifs politiques? Mais ils venaient...
    De la part du gouvernement de l'époque. Ces gens-là étaient contre la guerre du Vietnam. Il y avait tout un mouvement d'opposition à cette guerre, et j'en faisais partie. J'ai participé à des manifestations à l'époque, car j'étais étudiante à l'Université de Toronto.
    Mais ça n'a rien à voir, absolument rien à voir avec la situation actuelle, où il n'y a pas de conscription obligatoire. Aujourd'hui, les gens qui s'enrôlent dans l'armée...
    Madame Taub, faites des réponses courtes, je vous prie.
    En 1960 et aujourd'hui...
    C'est un pays démocratique et j'estime que c'est un pays d'origine sûr.
    Monsieur le président, pourriez-vous demander au témoin de ne pas m'interrompre tant que je n'ai pas terminé ma question?
    Je m'en tiendrai là. Je crois avoir répondu à votre question. Vous faites toujours ça.
    Je suis disposée à répondre aux questions d'un autre député, car je n'ai pas l'intention de poursuivre ce débat stérile.
    Les 7 minutes m'appartiennent.
    Madame Taub, vous serez soulagée d'apprendre que son temps de parole est écoulé.
    Madame Thi Lac.

[Français]

    Bonjour, monsieur.
     Je suis très heureuse que vous comparaissiez devant nous.
    D'abord, je veux vous dire que je viens également d'un pays où de nombreux compatriotes à moi sont venus ici en tant que réfugiés. Je suis d'origine vietnamienne et je peux vous dire qu'il est important que cette commission existe. Même si la situation n'est pas comparable, de nombreux ressortissants tant américains que vietnamiens sont venus ici en raison de cette loi. Je ne suis pas venue au Canada en tant que réfugiée, mais je suis venue à la même époque qu'eux.
    Certains de vos propos m'ont horripilée. Vous condamnez systématiquement les demandeurs en disant qu'ils comptent sur la générosité d'un système comme le nôtre. Toutefois, ne vous ai-je pas entendu dire que certaines personnes qui vous appelaient étaient référées par des consultants? On sait que présentement les consultants ne sont pas encadrés. Certains consultants véreux conseillent très mal des faux demandeurs de statut de réfugié. J'aurais également voulu voir, dans ce projet de loi, cette profession encadrée.
    Hier, on a reçu le ministre. Il nous a dit qu'il comptait le faire, mais à un autre moment. Vous dites que plusieurs demandeurs profitent de la situation du système actuel. Ne croyez-vous pas que le fait que le ministre ne légifère pas en encadrant la profession, comme l'est la profession d'avocat...? D'ailleurs, je crois que la loi protège les gens qui vont vous voir parce que votre profession est très encadrée.
    On dit que le système est lourd, mais ce ne sont pas seulement les faux demandeurs qui alourdissent le système. Ce sont aussi des consultants véreux qui vont conseiller à certaines personnes d'opter pour ce genre de système.
(1705)
    J'aimerais ajouter un détail. Ici, en Ontario, les consultants sont encadrés. Il y a une association pour les consultants qui est censée gérer ce groupe de gens. Malheureusement, j'ai d'anciens clients de consultants qui reviennent me voir, et je leur conseille toujours d'aller porter plainte. J'essaie de les aider. Quand on tente d'appeler ces consultants, il y a juste un répondeur; il n'y a jamais de suivi.
    Ce contrôle en Ontario n'existe presque pas. C'est le gouvernement de l'Ontario qui a créé l'association des consultants, mais ça ne fonctionne pas.
    Vous avez raison. Cela dit, il ne s'agit pas seulement d'encadrer les consultants; je pense qu'on devrait limiter les consultants. Je suis entièrement d'accord: c'est un problème majeur que d'avoir des consultants...
    Ne croyez-vous pas que le projet de loi du ministre aurait dû encadrer les consultants plutôt que de dire que ce sera fait plus tard dans le cadre d'un autre projet de loi? N'aurait-il pas dû profiter de ce projet de loi, et ne pas simplement utiliser les délais pour limiter les fausses demandes?
    Je reconnais qu'il faut contrer ces consultants, mais on ne peut rien faire contre les consultants qui sont dans les autres pays. Le gouvernement ne peut pas limiter leur pouvoir, leurs pratiques, là-bas. Ce qui se passe outre-mer, dans les autres pays, est épouvantable, je le sais.
    Ce serait, néanmoins, un bon début pour ceux qui sont...
    Il faut commencer ici, au Canada, c'est vrai, mais ce n'est que la première étape. On va dans la bonne direction, mais il faut que ça soit suivi par d'autres étapes si on veut réduire les abus.
    Madame Taub, vous dites que le fait que le projet de loi soit adopté est une bonne chose. Si le projet de loi était adopté, mais que le nombre de fonctionnaires engagés fût inférieur au nombre de fonctionnaires dont on a besoin, ne risquerait-on pas encore d'avoir d'énormes arriérés?
    Parlez-vous des fonctionnaires?
    Si le nombre de fonctionnaires siégeant à cette commission est inférieur aux besoins, ne croyez-vous pas que ça pourrait également entraîner des arriérés?
    Je ne pense pas qu'on a déterminé un nombre précis. Je pense que ces détails seront précisés après l'adoption de cette loi.
    Je ne suis pas d'accord avec vous, madame, pour la simple et bonne raison que, depuis 2006, le tiers des postes de commissaire sont vacants. Ça a énormément contribué à créer des retards au sein du système actuel. Ce n'est pas seulement parce que la loi est comme elle est. Depuis que les conservateurs sont au pouvoir, un tiers des postes de commissaire sont vacants. Ça réduit la confiance du public. Ne croyez-vous pas que, politiquement, les conservateurs sont un peu responsables parce qu'ils ont laissé le tiers des sièges vacants?
(1710)
    Selon moi, il faut plutôt complètement réformer la commission avant de nommer d'autres commissaires. Je crois que vous ignorez que certains règlements obligent les commissaires — je le sais car je suis commissaire — d'écrire les motifs de refus, mais pas les motifs des décisions positives. Ainsi, un commissaire peut recevoir une demande d'asile et, à la fin de la demande, après deux, trois heures, une heure et demie, accepter la demande. Il peut parler pendant 10 minutes, et c'est fini. Par contre, si le commissaire décide de refuser la demande pour de bons motifs, il doit justifier sa décision par écrit, ce qui prend de 6 à 10 heures. La loi est déficiente à cet égard.
    Je vais simplifier ma question. Une personne ne peut pas faire le travail de trois personnes. Même si la loi était réformée, s'il manque le tiers des fonctionnaires dont on a besoin pour gérer et répondre aux besoins, ne croyez-vous pas qu'il va y avoir des arriérés?
    Oui, il faut avoir des gens qui vont rendre des décisions, mais je pense que ça devrait surtout être fait par les fonctionnaires et non les commissaires, parce que les nominations sont très politiques. De plus, je crois qu'on devrait faire beaucoup plus attention aux diplômes et à l'expérience de ceux et celles qui sont nommés commissaires.
    Ils doivent être en nombre suffisant.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Madame Chow, vous avez la parole.
    Merci.
    M. Collacott a dit qu'il est arrivé que des visiteurs qui voulaient venir au Canada, notamment pour rendre visite à des parents au Canada, n'aient pas pu obtenir de visas parce qu'on craignait qu'ils demandent le statut de régugié, une fois au Canada. Il est regrettable qu'on les ait empêchés de venir au Canada pour un mariage, des funérailles ou la naissance d'un petit-enfant, simplement parce qu'on craignait qu'ils demandent le statut de réfugié.
    J'estime que ce n'est pas une raison suffisante pour refuser un visiteur car, dans la plupart des cas, les visiteurs viennent au Canada pour fêter un événement particulier, pas pour demander le statut de réfugié. Dans certains pays, les bureaux de visas refusent jusqu'à 30 ou 40 p. 100 des visas.
    J'ai également entendu M. Collacott dire que le Mexique est un pays sûr.
    Plutôt que de répondre à la question sur la Turquie, vous avez essayé de dire que le Mexique est un pays sûr, alors qu'un grand nombre de demandes d'asile sont acceptées par la Commission du statut de réfugié parce que leurs auteurs ont de bonnes raisons de craindre les caïds de la drogue, la violence conjugale, etc.
    Il est donc très difficile pour le ministre, pour nous et pour quiconque, d'ailleurs, d'affirmer que tel ou tel pays est un pays sûr. À mon avis, et c'est aussi celui de ceux qui s'intéressent de près aux droits de la personne, on ne peut pas vraiment dire si un pays est sûr. C'est au cas par cas...
    J'aimerais poser ma question à Mme Taub. À votre avis, combien de réfugiés devrions-nous accepter au Canada chaque année? Si vous étiez ministre de l'Immigration, combien de réfugiés accepteriez-vous au Canada?
    Je ne pense pas qu'on puisse fixer une limite au nombre de réfugiés authentiques. C'est la raison pour laquelle j'estime qu'il est important de simplifier le système afin qu'il ne soit pas encombré de réfugiés bidon.
    On ne peut pas limiter le nombre de réfugiés authentiques. Par contre, je suis convaincue qu'il y a beaucoup de demandeurs bidon. C'est ce que j'ai constaté à la Commission du statut de réfugié, dans mon métier d'avocate et dans mon rôle de conseillère pour l'aide juridique. En fait, c'est quelque chose que je constate malheureusement chaque semaine.
    À mon avis, donc, on ne peut pas fixer de limite. Si un réfugié authentique débarque dans notre pays, on ne peut pas lui dire : vous êtes le sept-millième, par conséquent, c'est terminé. Ou bien, au contraire : si vous êtes un réfugié authentique, vous pouvez entrer.
    Ce qu'il faut faire, et c'est ce que le gouvernement semble vouloir faire, c'est écarter les demandeurs bidon qui essaient d'utiliser ce stratagème pour entrer au Canada parce qu'ils ne répondent pas aux critères d'immigration ou parce que leurs répondants canadiens, qui ne veulent pas s'engager à les aider pendant 10 ans, leur conseillent de présenter une demande de statut de réfugié.
(1715)
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président. Je n'ai pas d'autre question.
    Monsieur Dykstra.
    En fait, c'est Mme Wong qui va utiliser mes 7 minutes.
    Madame Wong.
    Je tiens à remercier vivement nos deux témoins d'aujourd'hui.
    J'aimerais revenir sur une remarque d'un de mes collègues de l'opposition. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait ajouter quelque chose dans chaque projet de loi pour dissuader les consultants bidon? Nous avons eu des problèmes identiques en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires, et les aides familiales qui se faisaient avoir par des consultants. Il y a eu aussi d'autres cas.
    Ne pensez-vous pas que nous devrions adopter une loi qui s'appliquerait à tous ces consultants, plutôt que de nous laisser dire que, si ça n'est pas prévu précisément dans le projet de loi C-11, c'est parce que ça ne devrait pas y être? Peut-être que nous ne devrions pas adopter le projet de loi C-11? Qu'en pensez-vous, et je m'adresse aux deux témoins?
    Madame Taub.
    Je ne suis pas sûre d'avoir bien compris. Voulez-vous dire que, si le projet de loi C-11 ne règle pas la question des consultants, nous ne devrions pas l'adopter?
    C'est ce que le député de l'opposition disait. Moi, je ne suis pas d'accord.
    Moi non plus, car, même si je reconnais que les consultants sont un véritable fléau et qu'ils contribuent à l'exploitation du système, le projet de loi C-11 essaie de régler le problème des demandes bidon d'une autre façon : en appliquant le principe du pays d'origine sûr et en instaurant une procédure plus rapide. Je suis d'accord avec ça.
    S'agissant des consultants, c'est un problème qui couve depuis longtemps. Beaucoup d'autres consultations devront être menées auprès des membres des Barreaux provinciaux, sans oublier les victimes de ces consultants, avant que le gouvernement puisse envisager de légiférer. À mon avis, il ne faut pas mélanger les deux car le gouvernement doit consulter tous les Barreaux provinciaux ainsi que les victimes de ces consultants. Et je suis sûre qu'il y en a des milliers.
    Merci.
    Vous nous avez donné des exemples montrant que notre système actuel de demande d'asile est vulnérable à toutes sortes d'abus. Pensez-vous que les mesures prévues dans le projet de loi C-11vont avoir un effet dissuasif?
    Je pense qu'en soumettant les demandes associées à des pays sûrs à une procédure différente, comme le fait l'Union européenne... dans certains pays, ils réussissent à traiter cette catégorie de demandes en moins de trois semaines. J'ai toutes les listes ici, sur la façon dont ils s'y prennent.
    Si nous pouvons soumettre à une procédure rapide les demandes associées à des pays sûrs, et que nous pouvons expulser rapidement les demandeurs bidon, alors nous aurons plus de ressources et plus de temps à consacrer aux réfugiés authentiques, dont les causes pourront être entendues dans un délai plus raisonnable.
(1720)
    Pourquoi pensez-vous qu'il soit nécessaire de modifier le système actuel de traitement des demandes d'asile? Vous avez parlé d'abus et de la nécessité d'expulser rapidement les demandeurs bidon. Quelles sont les autres réformes proposées par le projet de loi que vous considérez comme de nettes améliorations?
    À mon avis, la plus grande amélioration est la désignation de pays d'origine sûrs. C'est celle que je recommande avec le plus de vigueur. Le fait que le gouvernement ait l'intention d'appliquer la procédure de la SAR aux pays qui produisent des réfugiés permettra aussi d'accélérer les appels en cas de demandes déboutées.
    Monsieur Young.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais demander à M. Collacott s'il serait possible d'exempter des groupes de population d'une désignation de pays d'origine sûr, et si cela serait une solution pour les pays dont la majorité des habitants sont protégés mais où il peut y avoir de la discrimination, contre les homosexuels par exemple, ou encore des pays dont une région serait particulièrement dangereuse.
    Je ne sais pas exactement comment cette politique des sous-groupes nationaux pourrait s'articuler. À mon avis, il faut se demander si le gouvernement persécute un groupe particulier, car il est évident que c'est le cas dans un grand nombre de pays.
    Si on utilisait le seul critère de la discrimination, j'ai déjà eu l'occasion de faire remarquer que cela nous amènerait à exempter 100 milllions de personnes rien qu'en Inde. Je suis donc curieux de voir comment cette politique pourrait être formulée. Mais en tout cas, la désignation de pays d'origine sûr est certainement une bonne chose.
    Pour revenir à une question de Mme Chow, je voudrais préciser que, lorsqu'on parle de pays tiers sûrs, le critère n'est pas seulement que le pays est sûr, il faut aussi que les ressortissants de ce pays soient à l'abri de toute persécution de la part de leurs gouvernements.
    Le Mexique n'est pas un pays particulièrement sûr mais la Convention des Nations Unies ne vise pas à faire accepter des réfugiés simplement parce que le taux de criminalité est élevé ou, en l'occurrence, parce que les caïds de la drogue se livrent à une guerre acharnée. Si c'était le cas, nous serions obligés d'accueillir des populations importantes de tous les pays. Nous parlons ici de persécution par le gouvernement. Il faut bien fixer une limite.
     Vous avez la parole, monsieur Young.
    Je vous remercie de cette réponse détaillée.
    Je vais être un peu plus précis. Je parle des endroits où les gens sont exposés à des risques. Je ne veux pas me limiter aux mots « discrimination » ou « persécution ». Je parle des groupes qui peuvent être exposés à des risques. Pensez-vous que ce soit un concept intéressant et que la politique soit suffisamment souple pour permettre au Ministre de désigner un pays sûr et de définir en même temps un sous-groupe susceptible d'être exposé à des risques?
    C'est concevable, mais, à mon avis, un pays est sûr ou il ne l'est pas. Par contre, si un groupe particulier est persécuté par le gouvernement, il faudra examiner ce cas précis.
    Merci.
    J'aimerais maintenant demander à madame Taub de bien vouloir répondre à la question.
    La liste des pays d'origine sûrs n'est pas figée. Elle pourra être modifiée par le ministre en fonction de l'évolution de la situation dans le monde, donc elle n'est pas coulée dans le béton.
    Par exemple, j'ai eu l'occasion de défendre avec succès des demandeurs mexicains, dont l'un était une femme victime de violences conjugales et dont le petit ami était un caïd de la drogue. C'était un cas très clair. Il y avait aussi celui d'un journaliste qui avait écrit des articles contre les gangs de la drogue. Il s'agit là de cas très clairs, où il est bien évident que ces gens-là ne sont pas persécutés par le gouvernement, mais que le gouvernement ne peut pas les protéger.
    Mais, de façon générale, le Mexicain lambda n'est pas ciblé par le cartel de la drogue, bien qu'il puisse en être une victime innocente lors d'un règlement de comptes.
(1725)
    Merci.
    M. Bevilacqua va poser la dernière question.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier tous les deux de vos exposés.
    Je les ai trouvés intéressants à plusieurs égards mais ce qui me préoccupe, c'est que, même lorsque le ministre a comparu devant notre Comité, il avait des réserves sur son propre projet de loi et se demandait comment l'améliorer.
    Or, j'ai l'impression que vous êtes tous les deux entièrement favorables au projet de loi et que vous n'avez pas grand-chose à nous proposer pour l'améliorer, alors que c'est la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui. Je vais donc vous inviter à...
    Je suis désolé mais je ne vous entends pas bien à Vancouver. Pouvez-vous parler plus fort?
    Ma voix ne portera jamais jusque là-bas.
    Des voix: Oh, oh!
    L'hon. Maurizio Bevilacqua: Si notre Comité organise toutes ces audiences, c'est justement pour qu'on propose des améliorations au projet de loi. Vous l'approuvez entièrement, et c'est votre droit, mais ce qui nous intéresse, c'est de savoir comment on pourrait l'améliorer.
    Je comprends très bien que vous approuviez ce projet de loi mais, en tant que membre de ce Comité, j'aimerais bien que vous nous proposiez des façons de l'améliorer.
    Monsieur Collacott, je crois que la question vous était adressée. L'avez-vous entendue?
    Elle est adressée aux deux témoins.
    Nous allons essayer avec Mme Taub.
    Allez-y, madame.
    Bien sûr que j'ai des recommandations à faire. La première consisterait à régler la question des consultants. Les victimes versent des centaines de milliers de dollars en échange de fausses promesses, et elles n'obtiennent rien. C'est un problème qui couve depuis longtemps.
    Mais je ne propose pas de ne pas adopter ce projet de loi parce qu'il ne contient pas assez... Vous m'avez demandé des propositions d'amélioration au système des réfugiés en général.
    L'hon. Maurizio Bevilacqua: C'est exact.
    Mme Julie Taub: Je vous conseillerais également, même si c'est un peu hors sujet, de revoir toute la question de la réinstallation. J'ai eu des clients qui sont venus du Rwanda, d'autres de l'Afghanistan, dans le cadre d'un programme de réinstallation. Ils m'ont dit qu'ils appréciaient beaucoup les efforts du gouvernement du Canada de faciliter leur réinstallation au Canada mais qu'ils ne comprenaient pas pourquoi leurs bourreaux et leurs assassins étaient eux aussi autorisés à venir au Canada. Je crois qu'on ne fait pas assez de recherches sur les antécédents des demandeurs d'asile.
    J'ai justement reçu une cliente dans cette situation, cet après-midi, avant de venir ici. C'est une femme extraordinaire, qui est arrivée d'Afghanistan avec ses enfants, et ils ont été acceptés en 2006. Ils venaient du Kirghizistan où ils avaient été réinstallés en tant que réfugiés. Quand elle est arrivée, elle a reconnu beaucoup de membres et de sympathisants des talibans, et elle n'en croyait pas ses yeux. « Comment est-ce possible? », m'a-t-elle demandé.
    Je ne sais pas comment c'est possible, mais ce n'est pas la première fois que j'entends ce genre de chose. Il serait souhaitable d'améliorer le système de détermination du statut de réfugié, de mieux vérifier les antécédents des demandeurs d'asile ou de ceux qu'on réinstalle, afin de s'assurer que les bourreaux et les assassins ne sont pas acceptés au Canada en même temps que leurs victimes.
    Monsieur Collacott, avez-vous des améliorations à proposer au projet de loi ?
    Rien de très important, car il contient déjà de très bonnes choses.
    Le fait que la première décision soit prise par des fonctionnaires est à mon avis une bonne chose. Certes, il y a du pour et du contre, mais c'est ce qui se fait dans la plupart des autres pays. D'autant plus que nous avons toujours un organisme indépendant pour entendre les appels.
    Je pense qu'il est absolument nécessaire d'avoir une règle sur les pays d'origine sûrs. Ce ne sera pas facile à définir exactement, mais d'autres pays le font et, à mon avis, nous devons le faire aussi.
    Comme on n'est pas sûr que tout ça fonctionnera bien, il faudra prévoir des mécanismes de révision mais il faut reconnaître que, depuis plus de deux décennies, c'est la première fois qu'on essaye de réformer le système, et c'est tout à l'honneur du gouvernement. Nous verrons bien comment tout cela évoluera.
    Merci, monsieur.
    Une dernière question, monsieur.
    À la suite des réunions d'aujourd'hui, je constate que les témoins, y compris Mme Taub et M. Collacott, veulent vraiment que le système soit efficace.
    Et pour qu'il soit efficace, il va falloir trouver les ressources nécessaires, qui vont être considérables. J'aimerais donc savoir, en tant que député et en tant que membre de ce Comité, si la somme de 574 millions de dollars qui a été prévue va être suffisante. Le président de la CISR a comparu devant notre Comité. J'ai essayé de lire entre les lignes et j'ai eu l'impression qu'il n'était pas sûr que cette somme serait suffisante. Il va donc falloir que nous nous intéressions à cette question.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais vous remercier de l'appui que vous nous avez apporté, mais je crois que notre Comité va devoir approfondir un peu la question. Je sais bien que vous n'aviez que quelques minutes pour exprimer votre point de vue.
    Monsieur le président, j'aimerais inviter M. Collacott et Mme Taub à nous faire parvenir tout autre renseignement qu'ils pourraient avoir sur ce dossier, car ils le connaissent manifestement fort bien, et cela pourrait nous être utile.
(1730)
    Si je vous laisse mes notes, dois-je vous les fournir dans les deux langues?
    Non, le greffier s'en occupera.
    Donc, si vous avez d'autres renseignements ou réflexions à nous communiquer, car je reconnais que notre rencontre a été courte, n'hésitez pas à les faire parvenir au greffier.
    Merci, madame Taub et monsieur Collacott. Vous êtes manifestement tous les deux des spécialistes dans le domaine, et nous sommes heureux de profiter de votre sagesse.
    Merci beaucoup de m'avoir invitée.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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