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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 015 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(1815)

[Traduction]

    Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration tient sa 15e  séance en ce mardi 11 mai 2010, de 18 à 21 heures.
    Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 29 avril 2010, nous examinons le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et le statut de réfugié et la Loi sur les Cours fédérales.
    Nous devons entendre trois témoins aujourd'hui, dont le premier se trouve ici, à Ottawa.
    Oh, il y a quelqu'un d'autre. Je présume que M. Showler nous la présentera.
    Voici M. Showler, du Centre de l'éducation et droits de la personne de l'Université de Toronto... de l'Université d'Ottawa, pardonnez-moi.
    Oui, c'est très important.
    En effet. Cela ne se reproduira plus.
    Témoigneront ensuite deux avocats de Toronto: MM. Raoul Boulakia et Lorne Waldman.
    Chacun d'entre vous disposera de dix minutes pour faire un exposé.
    Nous commencerons par vous, monsieur Showler. Nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et honorables membres du comité.
    J'aimerais vous présenter Mme Razmeen Joya, adjointe à la recherche. Ses tâches consistent simplement à prendre des notes et à m'appuyer, avec la permission du comité.
    Tout le monde est bienvenu ici.
    Merci.
    Quand vous dites dix minutes, monsieur Tilson, est-ce le temps dont je dispose pour faire mon exposé?
    Vous avez jusqu'à dix minutes, mais vous n'êtes pas obligé de les utiliser. Vous pouvez ne parler qu'une minute si vous le voulez.
    Je parlerai certainement davantage. Mais on m'avait dit que j'aurais sept minutes. Mon exposé sera donc un peu moins long que cela.
    C'est parfait. Je ne sais même pas comment fonctionne cette horloge; tout devrait être réglé le temps que vous preniez la parole.
    Allez-y, monsieur.
    Merci.
    J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité à prendre la parole.
    Je suis directeur du forum des réfugiés de l'Université d'Ottawa, lequel a mené, ces dernières années, moult recherches non seulement sur le système canadien de demande de statut de réfugié, mais également sur d'autres systèmes d'accueil, particulièrement dans les autres pays industrialisés. Je serais ravi de répondre aux questions que vous pourriez avoir à ce sujet.
    Je tiens à préciser que je parlerai non seulement en ma qualité d'universitaire, mais également à titre d'ancien avocat spécialisé en droit des réfugiés, ancien membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et ancien président de la commission. J'essaierai d'intégrer ces différents points de vue à mes observations et aux réponses que je vous donnerai.
    Quand il est question d'avoir un système équilibré, qui soit rapide et équitable, tous les système d'accueil du monde sont supposés l'être. Ce sont là deux mots de code. Le mot « rapide », qui englobe également la notion d'efficacité, ne se limite pas à la prise de décisions rapide.
    De même, le qualificatif « équitable » ne s'applique pas qu'à la procédure. Il faut aussi que les décisions soient un juste reflet de la loi et des faits en l'espèce. Ces décisions doivent en outre être judicieuses, prises par des décideurs compétents en fonction de bonnes informations sur le pays concerné.
    On a souvent l'impression que « rapide » et « équitable » sont contradictoires. Or, ce n'est, selon moi, pas nécessairement toujours le cas. On peut d'ailleurs constater que quand les décideurs sont bien formés et compétents, ils rendent non seulement des décisions plus justes, mais ils le font plus rapidement et plus efficacement, ce qui évite d'engorger le système d'appel. Ainsi, la prise de décisions équitables et éclairées peut se traduire par une amélioration de l'efficacité.
    Je tiens à faire remarquer que votre tâche n'est pas facile, car vous examinez une loi-cadre. Ainsi, une bonne partie de l'information et des détails importants figurent dans le règlement d'application, dans les règles de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou même dans la politique d'embauche de la CISR. Cette situation vous complique la tâche, car vous examinez un projet de loi avant même d'avoir vu toutes les pièces du casse-tête.
    Je ne traiterai que de trois parties du projet de loi. Je dirai d'entrée de jeu que j'ai appuyé publiquement cette mesure lors de son dépôt initial. Ce soutien, bien que sous réserve, n'en était pas moins sincère. Cette mesure, qui était une excellente première démarche, serait désastreuse en dernière étape. Le projet de loi doit donc faire l'objet d'amendements, et je vous en proposerai quatre.
    Tout d'abord, il n'y a tout simplement pas assez de temps au début du processus pour procéder aux entrevues de triage en huit jours et entendre la première audition dans un délai de 60 jours. Concrètement, la plupart des demandeurs ne seront pas défendus lors de l'entrevue de triage: c'est impossible. On ne peut offrir d'aide juridique à cette étape. Les avocats qui se chargent du triage n'auront pas tous les faits en main.
    Quant aux conseillers, ils ne disposeront pas de suffisamment de temps pour préparer leurs dossiers et pour réunir la preuve nécessaire dans un délai de 60 jours. Dans le pire des cas, la brièveté même des délais poussera les immigrants entre les griffes de consultants sans scrupule qui sont plus proches des communautés ethniques et qui, disons-le franchement, n'ont pas besoin de temps de préparation, puisqu'ils se bornent à se pointer le bout du nez.
    Soit dit en passant, ce n'est pas là un commentaire désinvolte. C'est malheureusement ce qui se passe bien trop souvent.
    À l'évidence, le ministre et la CIRS devraient accorder un délai plus long, par exemple 30 jours pour l'entrevue et 90 jours supplémentaires pour l'audience, pour un total de 120 jours.
    L'autre question à laquelle je m'intéresserai est celle du pouvoir d'embauche des décideurs de la fonction publique, qui devrait figurer dans la loi. L'aspect le plus crucial du système d'accueil des réfugiés est la compétence et la capacité des décideurs de première instance. Si ces décideurs font fausse route, la section d'appel va se retrouvée débordée. Le système perdra de son efficacité parce qu'un trop grand nombre de demandeurs reviendront à la charge, exactement comme cela se passe au Royaume-Uni, ou qu'on prendra des décisions malavisées.
    Quoi qu'il en soit, je propose d'ajouter des dispositions à ce sujet au projet de loi. Si vous le souhaitez, je peux vous donner des exemples où l'on voit que le pouvoir d'embauche relève du président. Si cette information ne figure pas dans le projet de loi, c'est en fait la Commission de la fonction publique qui est habilitée à nommer le président ou plusieurs autres fonctionnaires. Il n'y a aucune raison pour laquelle le projet de loi ne donnerait pas cette information.
(1820)
    Je peux également vous donner un exemple où le projet de loi indique que le processus d'embauche doit être ouvert, et ce, pour d'excellentes raisons. Je peux, à votre demande, vous fournir ces exemples.
    J'aimerais également aborder la question de notre fameuse liste des pays d'origine sûrs, ou POS. Si vous décidez d'éliminer cette liste, c'est parfait. Mais si vous décidez de la maintenir, il est très important d'en assurer la rigueur juridique et en particulier d'adopter des critères clairs pour évaluer les POS et de mettre sur pied un comité consultatif chargé de recommander des pays potentiels au ministre. Il est crucial que des experts externes des droits de la personnes fassent partie de ce comité pour en assurer l'objectivité. Il serait pertinent d'ajouter une disposition de réexamen ainsi que le mot « équitable » dans la mesure législative.
    Enfin, comme vous le savez, les demandes pour motifs d'ordre humanitaire constituent un aspect complètement distinct des demandes de statut de réfugié. La distinction est totale. Je crois qu'il faut assouplir un peu cette interdiction absolue. Dans certaines occasions, il devrait être possible de présenter des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire. Je ferai référence à deux situations. M. Waldman parlera peut-être d'autres cas.
    Je considère tout d'abord que quand un demandeur du statut de réfugié retire sa demande avant l'audition — nous sommes donc à l'étape initiale du système —, il devrait être autorisé à retirer cette demande et à faire une demande de résidence pour des motifs d'ordre humanitaire au Canada. Il est plus facile, moins cher et plus rapide de prendre des décisions concernant des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire que d'obliger les demandeurs à se soumettre au long processus de demande d'asile. Il n'y a aucune raison de ne pas permettre pareille démarche. Certains demandeurs, une fois au pays, constatent qu'il est en fait préférable pour eux de présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire.
    Dans le même ordre d'idées, le projet de loi contient une disposition des plus étranges, selon laquelle on ne peut, dans une demande pour motifs d'ordre humanitaire, faire référence à toute forme de dommage, aussi appelés facteurs, aux termes des articles 96 ou 97. Autrement dit, quiconque craint certains facteurs qui ont une incidence sur sa vie ou des formes très graves de dommages physiques, ce que nous considérerions comme de la persécution, ne peut en faire mention dans sa demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Bien franchement, c'est ridicule. Mais pire encore, cette disposition ne rend pas compte de la situation du droit des réfugiés au Canada actuellement. Il existe fréquemment des chevauchements importants entre les types de dommages discriminatoires suscitant une demande pour des motifs d'ordre humanitaire et la définition de persécution au sens strict. Ces aspects se recoupent beaucoup et ne sont pas différents l'un de l'autre. Il serait aberrant de proposer à quelqu'un de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire pour lui interdire ensuite de faire état des sévices dont il a été l'objet. C'est vraiment insensé.
    Je m'en tiendrai là pour l'instant. Le projet de loi comprend d'autres lacunes, et si vous m'interrogez à ce sujet, je vous répondrai avec plaisir. Je sais que le temps nous est compté; je n'en dirai donc pas davantage.
    Merci.
    Merci, monsieur Showler.
    Nous entendrons les deux autres témoins, après quoi les membres du comité pourront poser leurs questions.
    Monsieur Boulakia, vous pouvez prendre la parole en premier.
(1825)
    D'accord, et merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
    Je dirai tout d'abord que je suis d'accord avec le mémoire présenté par la Refugee Lawyers Association. Comme il y a énormément à dire au sujet du présent projet de loi, je me contenterai d'aborder quelques aspects sans chercher à tout couvrir.
    Je conviens avec M. Showler que l'étape de la prise de décision constitue l'élément le plus important du système. Il est crucial que des décisions de haute qualité soient prises dès le départ afin d'assurer l'intégrité du système, l'équité des décisions et l'efficacité, car les décideurs qualifiés et avisés tendent à être généralement plus efficaces.
    Même si ce projet de loi est présenté comme une mesure qui permettra de réformer le système de détermination du statut de réfugié, je doute qu'il couvre l'ensemble du problème du processus de nomination. Nous continuerons d'appliquer le processus actuel de nominations effectuées par le gouverneur en conseil dans ce qui sera la section d'appel des réfugiés, et le processus de nomination des décideurs de premier niveau n'est pas vraiment expliqué de manière transparente pour que le Parlement puisse le comprendre pour l'instant. Si, comme le veut la rumeur, la commission finit par superviser certains processus d'embauche au sein de la fonction publique, il n'existe aucun critère minimal concernant les qualifications des personnes embauchées. Il est bien facile de prétendre posséder des qualifications si personne ne s'assure que le candidat fera bel et bien un décideur compétent.
    À mon avis, le Parlement devrait s'occuper de la mise sur pied d'un comité vraiment autonome chargé de faire des vérifications sérieuses sur les personnes nommées. Ce processus devrait s'appliquer à tous les échelons du tribunal. En Ontario, la cour de justice dispose d'un processus respecté, dans le cadre duquel le comité est constitué de personnes vraiment indépendantes du gouvernement. Le nombre de sélections présentées au gouvernement et au ministre est si restreint qu'il y a moins de possibilités que maintenant de ne pas nommer les meilleurs candidats.
    En ce qui concerne le processus proposé, le premier aspect sera une entrevue menée par la commission. Même si ce processus doit durer huit jours, je doute que la commission soit en mesure de respecter ce délai. Nous avons déjà rencontré ce type de problème. Si les choses se déroulent vraiment rapidement, alors, comme l'a indiqué M. Showler, le traitement pourrait donner lieu à de graves injustices.
    Le désir d'encadrer les propos des demandeurs et de leur faire faire leur première déclaration à un agent lors de l'audition est, à mon avis, problématique. Cette approche empêchera les gens, particulièrement les plus vulnérables, de divulguer tous les renseignements. Je m'inquiète des répercussions de cette mesure sur les personnes à mesure qu'elle progresse dans le système d'accueil des réfugiés.
    Le processus d'appel ne permet pas aux gens de prouver qu'ils disent la vérité d'entrée de jeu, ce qui constitue une restriction considérable. Seules certaines preuves peuvent être présentées. Il faut essentiellement adopter la même mesure que prévoit actuellement le modèle d'examen des risques avant renvoi. Or, les gens ont souvent dit la vérité, mais si on juge qu'ils auraient pu être mieux avisés ou aurait pu penser à présenter la preuve avant, ils ne peuvent soumettre cette preuve. Je considère que le processus d'appel devrait permettre à la commission de savoir la vérité.
    Au chapitre de l'aide juridique, le gouvernement et les provinces ont pour l'instant une entente de partage des coûts, qui est essentiellement un compromis intervenu pour assurer la prestation continue de ce service aux demandeurs du statut de réfugié.
(1830)
    L'an dernier, en Ontario, environ la moitié du financement de l'aide juridique est venue du gouvernement fédéral. Aide Juridique Ontario s'inquiète des répercussions financières du projet de loi C-11. Aujourd'hui même, des représentants de cet organisme m'ont dit qu'ils étaient en train d'évaluer les coûts que le projet de loi pourrait avoir pour eux et qu'ils s'attendaient à une augmentation de 50 p. 100 par rapport aux chiffres de l'an dernier.
    L'entente de partage des coûts doit prendre fin en mars 2011. Ce nouveau système entraînera de toute évidence de nouveaux coûts. En outre, l'ASFC et le processus d'appel se verront affecter beaucoup plus de ressources, ce qui obligera la partie adverse à obtenir une meilleure défense. Je crains que la mesure législative n'assure pas un bon équilibre des forces en présence, et ne permette pas aux provinces de recevoir un financement adéquat ou ne les encourage pas à continuer d'offrir un soutien financier pour l'aide juridique. La conclusion d'une entente pluriannuelle favoriserait une meilleure stabilité des plans d'aide juridique provinciaux.
    Je m'en tiendrai là et vous invite à me poser des questions.
    Monsieur Waldman, souhaitez-vous intervenir?
    Comme M. Showler, j'ai appuyé publiquement, sous certaines réserves, le projet de loi quand il a été déposé, le considérant comme un bon départ. Cela dit, je conviens avec M. Showler que si le projet de loi sous sa forme actuelle n'est pas amendé, il créera de graves problèmes. Il suscitera certainement des contestations en vertu de la Charte et sera voué à l'échec. Voilà pourquoi je considère que les travaux du comité sont essentiels: au final, nous souhaitons tous que le système de détermination du statut de réfugié soit équitable et efficace.
    Certains, comme moi, sont déjà passés par là. Sachez que j'étais présent en 1976, quand la Loi sur l'immigration a été édictée, puis en 1989, quand la CIRS a été créée, et au milieu des années 1980, quand la procédure a été modifiée substantiellement. J'étais également là en 2002, quand cette procédure a encore changé, et me voici de nouveau ici aujourd'hui.
    Nous avons suivi le dossier. Au fil des ans, nous avons entendu les fonctionnaires promettre que ce serait la solution. Et chaque fois, nous avons vu leur proposition faire chou blanc, parce qu'ils ont en grande partie ignoré l'avis des experts.
    Mon premier point, au sujet duquel je suis en parfait accord avec M. Showler est qu'il est essentiel de nommer des décideurs de premier niveau compétents. Avec les années, nous avons observé deux pratiques: l'une consiste à ne pas nommer des décideurs compétents parce que le processus de nomination a été insatisfaisant, et l'autre revient à sous-financer le processus.
    Pour qu'un processus de détermination soit efficace, il est primordial que le système doit permettre la nomination de décideurs compétents. Je conviens avec M. Showler que ces décideurs devraient être nommés par le président ou en vertu de son pouvoir. En outre, le gouvernement doit s'engager fermement à fournir aux titulaires nommés des ressources adéquates pour assurer le quorum nécessaire pour prendre le nombre nécessaires de décisions.
    La deuxième question qui entre en jeu en ce qui concerne les propositions est celle des délais. Je suis entièrement d'accord avec M.T Showler et les autres témoins quand ils affirment que ces délais sont complètement irréalistes. Certains ont laissé entendre que le processus d'entrevue de huit jours ne sert qu'à réunir des renseignements et que l'information ne serait pas utilisée contre quelqu'un. C'est totalement faux. Dans n'importe quelle procédure au cours de laquelle on recueille de l'information, les renseignements peuvent être utilisés dans l'audition subséquente pour miner la crédibilité du témoin et faire ressortir des incohérences ou des omissions. C'est pourquoi les demandeurs du statut de réfugié doivent absolument obtenir des services d'aide juridique avant la tenue de l'entrevue. La période de huit jours est donc complètement irréaliste.
    La période de 60 jours du processus d'audition l'est encore plus. L'établissement, dans le règlement d'application et non dans la loi, d'un délai qui ne sera pas respecté met en péril la primauté du droit. Nous en avons déjà un exemple. À l'heure actuelle, la LISR exige qu'un juge de la cour fédérale traite le contrôle judiciaire d'un dossier d'immigration dans un délai de trois mois suivant la date de l'autorisation. Or, comme il y a trop d'auditions prévues à Toronto et que le temps manque, la cour fédérale a l'habitude d'examiner ces demandes, de les mettre de côté par manque de temps et de rendre l'ordonnance des mois après la prise de décision. On donne ainsi l'impression de se conformer à la loi, alors que tout le monde sait que ce n'est pas le cas. Le fait que des juges ne respectent pas la loi parce que c'est physiquement impossible mine la confiance accordée à la primauté du droit. Le problème ne vient pas des tribunaux, mais de la loi, qui exige que les juges prennent des décisions dans des délais impossibles à respecter, compte tenu des ressources dont disposent les tribunaux. Les délais sont donc complètement irréalistes.
    La question suivante est bien sûr celle de la liste des pays d'origines sûrs, aussi appelés POS. Je suis certain que d'autres ont traité de cette question; je serai donc bref. Je considère cette liste superflue. Si le système est adéquatement financé aux deux niveaux, il permettra le traitement rapide des dossiers. À mon avis, il est inutile et injuste de dresser une liste pour créer des catégories de demandeurs, ceux qui ont droit à un appel et ceux qui ne l'ont pas.
(1835)
    Cela dit, si vous insistez pour créer une liste, je suis d'accord avec toutes les recommandations formulées par les intervenants précédents en ce qui concerne les types de prescriptions qu'il faudrait intégrer au projet de loi.
    J'aimerais effleurer brièvement le dernier point, celui qui me préoccupe le plus, je crois, qui concerne les restrictions relatives au processus de demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Cet aspect s'inscrit dans la tradition humanitaire du Canada depuis des lustres. En fait, dans l'affaire Jimenez-Perez, la Cour suprême a, en 1984, confirmé le fait que les agents d'immigration sont tenus par la loi de considérer les demandes présentées pour des motifs d'ordre humanitaire. J'ai connu des milliers de personnes qui ont eu la vie sauve parce qu'elles avaient pu présenter et faire accepter une telle demande. C'est l'un des aspects qui sont demeurés constants au fil des ans dans le processus d'immigration et qui cadrent avec notre tradition humanitaire.
    Le présent projet de loi compromettra sérieusement ou, dans certains cas, éliminera le droit de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Dans sa forme actuelle, il interdit complètement aux personnes qui ont fait une demande de statut de réfugié de soumettre une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, et ce, pour une période d'un an. Cette interdiction n'a pas de raison d'être. Les tribunaux n'ont de cesse de répéter que le fait d'avoir ou non présenté une demande pour des motifs d'ordre humanitaire n'a aucune incidence sur le droit d'une personne de demeurer au Canada. Il est possible de demander un sursis, mais ces mesures sont rarement accordées, et le nombre de demandes de sursis est de toute façon relativement peu élevé.
    L'élimination de ce droit a toutefois de graves répercussions. Et je terminerai en vous donnant un exemple. La semaine dernière, j'étais à la cour d'appel fédérale au sujet d'une affaire qui pourrait vous intéresser, car elle concerne l'interprétation de la convention. L'avocat du gouvernement a adopté une position vraiment extrême, affirmant que la convention devrait être interprétée d'une certaine façon. L'un des juges de la cour d'appel a répondu que si c'était le cas, des gens pourraient se voir refuser le statut de réfugié, alors qu'ils pourraient être en danger. Il a ensuite demandé quel pourrait être leur recours. Et qu'a répondu l'avocat? Comme tous ses confrères, il a affirmé qu'il y a toujours un recours, et qu'en l'espèce, ce serait une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, car c'est la solution de dernier recours.
    Ce ne sont pas mes paroles, mais celles de l'avocat du gouvernement. Le juge de la cour fédérale a répondu que si le projet de loi examiné par le Parlement était adopté, ce recours disparaîtrait. Sachez que si le projet de loi est adopté, vous nous obligerez à contester la légalité de cette restriction en vertu de la charte, parce que bien des demandeurs auront des dossiers sérieux, mais ne pourront les présenter dans le cadre du processus juridique.
    C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Merci.
    Merci, messieurs. De toute évidence, vous êtes tous fort qualifiés, et nous vous sommes gré de nous faire profiter de votre expertise.
    Les membres du comité auront maintenant des questions à vous poser.
    Monsieur Bevilacqua, vous disposez de cinq minutes.
(1840)
    Monsieur Coderre.
    D'accord, monsieur Coderre.
    Oui, je partagerai mon temps avec Maurizio.
    Monsieur Waldman, faites-vous une distinction entre une entente sur les tiers pays sûrs et un pays désigné?
    L'entente sur les tiers pays sûrs, conclue avec les États-Unis, ne fait que stipuler que les personnes qui arrivent au Canada en passant par les États-Unis doivent présenter leur demande dans ce pays, et non au Canada. On ne leur refuse pas le droit de présenter une demande: simplement, comme le Canada juge que les États-Unis respectent les droits de la personne et disposent d'un processus équitable de détermination du statut de réfugié, les demandeurs devraient présenter leur demande dans ce pays.
    Cette entente est complètement différente de la liste proposée. Le fait d'être inscrit sur cette liste n'aura de répercussions que sur les droits des personnes au Canada. Elles pourront présenter une première demande, sans toutefois avoir le droit de porter appel. Certains se demanderont pourquoi cet aspect est important; après tout, les gens obtiennent quand même une première audition de qualité. Mais nous affirmons depuis des années que certaines décisions seront problématiques; c'est inévitable dans n'importe quel processus de prise de décisions.
    Le contrôle judiciaire ne constitue pas un mécanisme d'appel adéquat. Voilà pourquoi nous sommes nombreux à exercer des pressions depuis des années pour la création d'un mécanisme d'appel. Ainsi, s'il est maintenant admis qu'un tel mécanisme est nécessaire...
    Je suis d'accord avec vous, monsieur Waldman. La raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est parce que la notion de pays désignés nous posera de gros problèmes. Nous pouvons avoir un certain niveau de négociation entre les pays dans le cadre d'un processus donné, mais nous devons rester fidèles à la façon de faire au Canada, parce que chaque cas est particulier. Ce qui m'inquiète, et j'appuie totalement le professeur Showler là-dessus, c'est que la notion de pays désignés insinue, tout d'abord, que nous perdons la valeur sur laquelle repose notre système d'immigration et de détermination du statut de réfugié, à savoir le caractère unique de chaque cas.
    N'est-il pas vrai, professeur Showler?
    Tout à fait.
    C'est l'une de mes préoccupations. Je tiens d'abord à préciser que je n'ai rien contre le processus en tant que tel, puisque nous disposons d'agents de première ligne compétents. Là-dessus, je n'ai rien à reprocher.
    J'aimerais vous entendre parler un peu de la responsabilisation. Je crois qu'un ministre a le droit d'avoir un certain pouvoir spécial; il faudrait établir une approche équilibrée entre, d'une part, le système et, d'autre part, le fait qu'un ministre représente, en quelque sorte, la population. Mais comment s'y prendre pour avoir un processus d'embauche efficace sans être à la merci de ce processus et sans priver le ministre, par exemple, de ce dernier recours?
    Faites-vous allusion à la liste des pays sûrs, ou parlez-vous de l'embauche des commissaires?
    De l'embauche.
    La loi actuelle laisse croire que le pouvoir d'embauche appartient au président. On parle ici des décideurs de la fonction publique. Toutefois, le point que j'ai souligné est le suivant: comme le libellé précise que la nomination se fait conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, alors la loi stipule en réalité qu'il incombe à la Commission de la fonction publique de désigner le responsable du processus d'embauche.
    Je conseille donc au comité d'indiquer ce point, noir sur blanc, dans le projet de loi. À part cela, le ministre ne jouerait aucun rôle dans la nomination des décideurs de la fonction publique. Voilà ce que nous attendons du comité. Dans un sens, le gouvernement a renoncé à ce pouvoir afin de se doter d'un groupe de décideurs compétents à long terme.
    Il me reste environ 40 secondes pour vous poser une question. Veuillez répondre par un simple oui ou non.
    Comme vous le savez, dans tout débat d'intérêt public, il y a ceux qui sont en faveur d'un projet de loi particulier, ceux qui s'y opposent totalement et, entre les deux, ceux qui voudraient apporter des modifications à la situation actuelle. Avant que le comité n'aille plus loin, le projet de loi a-t-il tous les éléments bruts nécessaires pour donner corps à une loi efficace et efficiente, tout en respectant la procédure établie?
    Selon moi, oui.
    Je crois que le professeur Showler et moi sommes d'accord. Nous avons tous deux adopté la même position. Les éléments bruts sont là, mais si le projet de loi n'est pas amendé, la situation sera pire que maintenant.
    Je ne suis pas du même avis. Selon moi, le projet de loi présenté au Parlement devrait être suffisamment transparent et suffisamment étoffé pour que nous sachions vraiment à quoi nous aurons affaire.
    Plusieurs éléments du projet de loi vont poser de sérieux problèmes, ce qui va porter atteinte aux droits des gens. En fait, le projet de loi ne règle pas, de façon transparente, la question des nominations.
    Je crois que le tout a été élaboré sans aucune consultation véritable de la population; tel a été le processus. On présente ensuite le projet de loi au Parlement et on lui demande de l'adopter à toute vapeur. Par conséquent, si le Parlement donne le feu vert, le projet de loi sera adopté sans grande conviction puisqu'il n'y aura aucune garantie de la façon dont les choses vont se dérouler.
(1845)
    Merci beaucoup.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Showler, dans votre présentation, vous avez fait référence à cette disposition qui vise à exclure les facteurs servant à établir la qualité de réfugiés, dans le cas d'une demande pour motifs humanitaires. Je suppose que vous faites plus particulièrement référence au nouveau paragraphe 25.1(3).
    J'ai eu l'occasion de questionner les fonctionnaires au sujet de cette mesure et je n'ai pas obtenu de réponse satisfaisante. Vous nous avez expliqué que vous ne compreniez pas son utilité. Je ne sais pas si l'un de nos deux autres invités par vidéo-conférence ou vous, monsieur Showler — même si vous n'appuyez pas cette disposition —, pourriez me dire ce qui la motive? Pourquoi le gouvernement veut-il inclure ce paragraphe qui vise à exclure les facteurs servant à établir la qualité de réfugiés dans le cas de demandes pour motifs humanitaires?
    Je dois vous poser la question parce que les fonctionnaires n'y ont pas vraiment répondu.
    Il est très difficile de répondre à cette question. Bien sûr, je ne suis pas le gouvernement. Alors, je ne peux m'exprimer au sujet de ses motifs.
    Il veut séparer complètement les deux démarches, comme si elles étaient complètement différentes. C'est une théorie. En réalité, ce n'est pas le cas, parce que les motifs de ces deux démarches sont mélangés.
    Je voudrais ajouter quelque chose en anglais.

[Traduction]

    Par ailleurs, le projet de loi ne suit pas, si l'on veut, les théories modernes sur la migration forcée. Nous observons toujours un même phénomène au niveau international: les gens quittent leur pays pour des motifs tant volontaires qu'involontaires. Toutefois, on peut toujours faire cette distinction, ou du moins essayer de le faire, pour déterminer si...

[Français]

il y a une crainte bien fondée de persécution, par exemple. Quelquefois oui, quelquefois non. Mais les motifs pour quitter son pays sont des motifs mixtes.

[Traduction]

    Monsieur Boulakia, je crois qu'on vous a interrompu. Aviez-vous un commentaire?
    Monsieur Boulakia, pouvez-vous m'entendre?
    Oui. J'ai l'impression que l'hypothèse à la base des restrictions, c'est que les demandes pour considérations humanitaires pourraient retarder la déportation. Alors, si on impose des restrictions, c'est parce que les demandes pour motifs humanitaires sont souvent traitées, dans le débat public, comme une forme d'appel. Mais, dans la pratique, une demande pour considérations humanitaires ne bloque pas nécessairement la déportation. Pour mettre fin à une déportation à la suite d'une demande pour considérations humanitaires, on doit aller en Cour fédérale et convaincre le juge que notre cas est très grave et que la déportation doit être annulée.
    Je crois que la question était de savoir pourquoi on essaie d'imposer des restrictions. D'après ce que j'ai compris des fonctionnaires, ils estiment que la branche de la protection des réfugiés devrait s'occuper des demandes d'asile, alors que la branche des cas d'ordre humanitaire devrait s'occuper de tout le reste.
    La difficulté avec cette approche, bien entendu, comme le professeur Showler l'a dit, c'est que tout n'est pas noir ou blanc. Pour vous donner un simple exemple, d'après la jurisprudence, si vous faites une demande d'asile et que votre risque n'est pas hors du commun, alors vous n'avez pas droit au statut de réfugié. Par contre, la jurisprudence montre également qu'en cas de risque généralisé, il y a lieu de faire une demande pour considérations humanitaires.
    Je vais vous donner un autre exemple: le désastre actuel en Haïti à la suite du tremblement de terre. Cette situation ne serait pas un motif pour une demande d'asile, mais elle pourrait être un facteur tout à fait pertinent dans le cas d'une demande pour considérations humanitaires. Alors, le problème avec la proposition mise de l'avant par le gouvernement, c'est qu'on essaie de créer de petites filières claires et nettes, une pour les réfugiés et une autre pour les cas d'ordre humanitaire. Mais la réalité, c'est que la vie est beaucoup plus complexe que ces petites filières bien délimitées, et les choses finissent souvent par se recouper, comme le professeur Showler l'a expliqué.
(1850)
    Merci.
    Madame Chow.
    Je veux juste parler des nominations aux cours de première instance.
    Le 20 octobre dernier, la Commission de la fonction publique a effectué une vérification. D'après les résultats, plus de la moitié des nominations de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'étaient pas basées sur le mérite ni sur les valeurs directrices, à savoir l'équité, la transparence, l'accessibilité et la représentativité. Environ 61 p. 100 des nominations — soit 33 nominations sur 54 — n'étaient pas fondées sur le mérite. Plus de la moitié des nominations reposaient sur des considérations partisanes et le traitement préférentiel. Tels sont les résultats de la vérification menée par la Commission de la fonction publique.
    Ça m'inquiète beaucoup. J'ai demandé des explications au président de la commission, et il a réfuté l'idée que les nominations n'étaient pas basées sur le mérite; selon ses dires, on ne pouvait tout simplement pas montrer le mérite. Alors, on a probablement embaucher des gens sans suivre un processus clair ou bien précis. J'ignore comment on les a embauchés.
    C'est là un grave problème, puisque ces gens qui sont nommés par le président de la commission.
    Pour revenir à votre premier point, monsieur Showler, et je m'adresserai peut-être ensuite à M. Waldman, d'après vous, quelles mesures doit-on prendre et quelle recommandation doit-on formuler clairement pour que les candidats retenus soient des gens ayant le mérite, c'est-à-dire qu'ils soient embauchés en fonction de leurs compétences et non pas pour des raisons partisanes?
    Ce n'est pas forcément une question d'allégeance politique, qu'il s'agisse de conservateurs ou de libéraux. Toutefois, c'est ce qui semble avoir été la pratique pendant plusieurs années. Je ne suis pas en train de jeter la pierre à un parti ou à un autre. C'est le système qui semble faire défaut.
    Tout d'abord, pour ce qui est des décideurs de la fonction publique, j'ai dit que le pouvoir devrait revenir au président parce que c'est ainsi qu'on assure une autonomie.
    En réalité, la Commission de l'immigration et de la protection des réfugiés est passée maître dans l'art de sélectionner les décideurs de la SPR.
(1855)
    Que veut dire l'acronyme SPR?
    C'est la Section de la protection des réfugiés. Nous parlons des décideurs chargés des cas de réfugiés.
    La première moitié du processus de nomination actuel est une procédure de sélection très compliquée qui comprend un examen destiné à cerner six qualités chez les commissaires. Ces derniers passent par un processus très subtil, ce qui signifie qu'ils sont dotés d'un bon nombre de ces compétences.
    Cette démarche est cruciale, mais malheureusement le système actuel est de nature hybride. Tout ce que donne l'évaluation, c'est une recommandation au gouvernement. Il ne s'agit pas d'un classement des candidats. On ne qualifie pas leurs compétences de supérieures, moyennes ou faibles. Soit que le candidat est recommandé, soit qu'il ne l'est pas. Pour le reste, c'est dans le domaine politique, pour ainsi dire.
    La commission dispose déjà des compétences nécessaires pour analyser le poste. Elle est capable de faire une évaluation basée sur le mérite.
    Comme je l'ai dit, ce qui est essentiel pour cette évaluation, c'est le bassin des candidats: au lieu de se limiter à la commission ou à la fonction publique, le processus doit être ouvert au public.
    Il doit être transparent.
    C'est exact.
    À Élections Canada, la loi prévoit qu'il faut lancer un concours ouvert à tous pour doter le poste de directeur général des élections. Cela ne veut pas dire qu'un fonctionnaire, un agent d'immigration ou un commissaire de la commission ne pourra pas présenter sa candidature, mais que nous étendons le plus possible le bassin des candidats.
    Nous embauchons 124 commissaires. Nous leur offrons une rémunération de 100 000 $, ce qui est assez généreux. Il est tout à fait possible d'obtenir d'excellents décideurs si on prend un engagement à cet égard dans l'ensemble du système.
    Je me demande si vous pouvez fournir certaines directives particulières sur la façon dont nous pourrions modifier cet aspect afin de rendre certaines des règles plus strictes.
    Nous devons avoir la certitude que, relativement aux personnes embauchées, advenant une vérification d'ici quelques années, nous n'obtiendrons pas les mêmes résultats que ceux d'octobre dernier que je viens de vous mentionner.
    Je doute que toutes ces questions puissent être couvertes. On pourrait certes les inclure dans la politique de la commission et dans les règles, et le président pourrait prendre un engagement à cet égard. Il s'agit d'une loi-cadre qui préconise le pouvoir général et l'exigence d'un vaste processus d'embauche externe. Il serait difficile de mettre plus de détails dans la loi.
    En ce qui concerne les agents d'immigration auxquels vous avez fait référence, je dirais que le processus d'embauche de la fonction publique est très difficile et très différent. Il s'agit d'un processus de longue date qui a été transféré au ministère de l'Immigration. Ce n'est pas le même engagement ou le même historique.
    C'est l'occasion d'un nouveau départ, et j'espère vraiment que la commission ou le gouvernement l'accepteront.
    Merci, monsieur.
    Messieurs Boulakia et Waldman, il ne nous reste plus de temps.
    Nous allons passer à M. Dykstra.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais céder une partie de mon temps à M. Calandra.
    Je n'ai qu'une question et demie à vous poser.
    Peter, vous avez répondu à un certain nombre des questions que j'avais en tête. Merci.
    Il y en a une à laquelle j'aimerais connaître votre réponse. Ce serait bien si nous pouvions être brefs parce que nous pourrions ainsi poser quelques questions supplémentaires.
    Une des choses dont vous avez parlé, c'est la modification du processus d'embauche et ce qui constituerait le nouvel effectif en recourant à des employés gouvernementaux plutôt qu'à des nominations politiques ou ministérielles. Laquelle des deux options préférez-vous et laquelle considérez-vous la meilleure?
    Voulez-vous dire entre les nominations politiques ou la fonction publique?
    Oui.
    Si c'est bien fait, je serais porté à dire la fonction publique. Oui, si c'est bien fait, la fonction publique.
    D'accord, merci.
    L'autre question que j'ai à vous poser est la suivante: pourriez-vous expliquer comment un programme d'aide au retour volontaire pourrait accroître le nombre des retours volontaires? Le concept de l'aide au retour volontaire a-t-il été mis à l'épreuve avec succès dans d'autres pays?
    Oui, il l'a été. Il a été mis à l'épreuve avec succès ici au Canada en 2000 et en 2001 dans le cadre d'un projet pilote à Toronto. Quant à la façon dont le programme fonctionne, c'est une façon intelligente de dépenser l'argent.
    Souvent, les demandeurs d'asile essuient un refus parce qu'ils pensaient être des réfugiés. Ils ne sont pas tous de faux demandeurs. Quand ils se rendent compte qu'ils ne sont pas des réfugiés, ils sont disposés à accepter le retour.
    Dans le projet pilote à Toronto, 65 p. 100 des participants ont accepté l'offre de retour. C'est en fait un excellent taux. C'est beaucoup mieux que tout ce qu'on enregistre dans le processus de retour actuel. C'est logique.
    La seule mise en garde, c'est l'idée que les 2 000 $ passent par un organisme quelconque à l'étranger avant d'être distribués. N'allons pas chambouler les plans du ministère de l'Immigration. N'en faisons pas un autre cafouillage bureaucratique. On doit verser l'argent rapidement aux personnes pour que cela puisse fonctionner.
    Merci.
    Je cède le reste de mon temps de parole à M. Calandra.
    Merci de me donner l'occasion de continuer à parler.
    Veuillez me corriger si je me trompe. Vous avez dit qu'il serait ridicule de retirer le risque de l'analyse des demandes pour considérations humanitaires. Je sais que la SPR tient compte du risque de persécution. On en tient aussi compte en cas d'appel. Je me demande tout simplement pourquoi nous aurions alors besoin d'un troisième examen du risque par un fonctionnaire de CIC.
    Il y a différentes formes de danger et de risque, mais ils ne sont pas séparés. Ils se chevauchent. Par exemple, il y a des types de persécution appelés « persécutions cumulatives », composées d'une série de dangers plus minimes, qui entreraient tous clairement sous la catégorie des considérations humanitaires. Il s'agit de volets distincts. Je ne remets pas en question le fait qu'ils soient séparés, mais si on évalue les difficultés, comme c'est le cas dans les demandes pour considérations humanitaires, je mets en doute l'obligation d'exclure tout ce qui ressemble à une persécution. Ce qu'on essaie de faire, c'est de créer deux catégories à partir d'un grand tout, mais ce n'est pas ainsi que ça fonctionne. C'est vraiment un mélange des deux. Voilà pourquoi.
    Pour faire suite à ce que Peter a dit, la réalité, c'est que dans des cas de demande d'asile, ce qui constitue une crainte légitime de persécutions et ce qui n'en constitue pas est souvent très subjectif. Si vous créez un beau petit cloisonnement, vous pourriez dire que vous devez le faire en respectant la demande d'asile. Mais le décideur en matière de demandes d'asile pourrait dire que cela n'est pas vraiment de la persécution, qu'en réalité, c'est quelque chose d'autre, et que cela devrait être décidé dans le contexte des motifs d'ordre humanitaire.
    Nous avons de nombreux cas où les gens présentent des demandes de réfugié authentiques. Leur histoire est crue, mais le membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié affirme que ce n'est pas tout à fait de la persécution, que c'est quelque chose d'autre. C'est pourquoi ces beaux petits cloisonnements ne fonctionnent tout simplement pas.
(1900)
    Monsieur Waldman, permettez-moi de vous poser une question. Encore une fois, corrigez-moi si je me trompe, mais vous semblez dire que le fait de renvoyer les demandeurs pendant que l'on statue sur les motifs d'ordre humanitaire est, en fait, inscrit dans la loi et que c'est approprié. Je me demande si vous donneriez votre appui au renvoi proactif des demandeurs d'asile qui ont retiré leur demande auprès de la CISR et qui auraient une demande pour motifs humanitaires en attente, si cela était une option.
    Alors, vous me demandez si j'appuierais la possibilité que les personnes puissent être renvoyées en attendant une décision sur les motifs d'ordre humanitaire? Je dirais que, de façon générale, la politique, c'est qu'elles seront renvoyées. Il y a toujours la possibilité, dans des cas exceptionnels, qu'une personne se présente devant les tribunaux et obtienne un sursis.
    D'après mon expérience, sur 10 personnes qui entrent dans mon bureau pour me demander de leur obtenir un sursis, je vais entreprendre les démarches dans peut-être un cas, et même alors, je n'aurai de succès que dans un cas sur trois. La probabilité d'obtenir un sursis est très faible, mais je ne pense pas que vous devriez enlever ce pouvoir discrétionnaire là où il pourrait y avoir un cas exceptionnel, où une question exceptionnelle pourrait survenir qui justifie que la personne ne soit pas déportée en attendant qu'une décision soit rendue en ce qui concerne les motifs d'ordre humanitaire.
    Je dirais que si quelque chose ne va pas avec cette politique générale, c'est la politique actuelle que nous avons depuis de nombreuses années.
    C'est tout, monsieur Calandra. Merci beaucoup.
    Messieurs Waldman, Boulakia et Showler, vous avez donné d'excellents exposés et nous vous sommes reconnaissants d'être venus ici ce soir. Merci encore une fois.
    Puis-je ajouter que j'ai présenté un mémoire au comité? Il est simplement retardé jusqu'à ce que la traduction soit terminée. Malheureusement, notre traducteur à l'Université d'Ottawa était en vacances pendant deux semaines.
    Ce sont des choses qui arrivent.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant une minute.
(1900)

(1905)
    Bonsoir, mesdames et messieurs.
    Nous accueillons maintenant trois groupes de témoins. D'abord, Vanessa Taylor, codirectrice du Centre des femmes immigrantes de Montréal; Andrew Brouwer, président du Comité sur la réforme du droit, Refugee Lawyers Association of Ontario; ainsi que de Toronto, par vidéoconférence, Salvatore Sorrento, président, et Ibrahim Abu-Zinid, Folk Arts Council of St. Catharines Multicultural Centre.
    Chaque groupe dispose de sept minutes pour faire un exposé. Nous allons commencer par Mme Taylor.
    Bonsoir, madame Taylor.
    J'aimerais commencer en disant que le Centre des femmes immigrantes de Montréal applaudit les efforts du présent gouvernement pour modifier le processus de détermination du statut de réfugié. Nous comprenons ses raisons de vouloir rendre le régime de l'asile plus efficace.
    Je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'un taux de rejet de près de 58 p. 100 parmi les demandeurs d'asile au cours des deux dernières années est un gaspillage, et qu'un délai d'attente moyen de 19 mois avant la première audition est inacceptable. Par conséquent, il est indispensable d'encourager l'adoption d'un système qui permet d'augmenter le taux d'acceptation des réfugiés au Canada, tout en réduisant de manière considérable les délais.
    Toutefois, nous sommes d'avis que cette réforme ne devrait pas se faire aux dépens de l'équité. Plus précisément, elle ne doit pas favoriser ce que certaines personnes pourraient appeler des réfugiés authentiques — comme ceux qui se trouvent actuellement dans des camps de l'ONU, par exemple — par rapport à des demandeurs d'asile qui peuvent sembler plus suspects ou opportunistes.
    Nous ne devrions pas favoriser des réfugiés à l'étranger simplement en nous fondant sur une perception que leur demande peut être traitée plus facilement et qu'ils peuvent plus facilement démontrer que leur crainte d'être persécutés est bien fondée. Si nous sacrifiions la vie de demandeurs d'asile, qui autrement deviendraient des réfugiés acceptés, en faisant en sorte qu'il soit plus difficile pour eux de se faire entendre, cela pourrait s'avérer plus économique, mais le coût resterait tout de même trop élevé.
    Après une étude attentive du projet de loi C-11, nous constatons que certaines des modifications proposées nuiraient particulièrement aux demandeurs d'asile victimes d'une persécution fondée sur le sexe.
    J'aimerais exprimer mes préoccupations au sujet des deux modifications suivantes proposées: le paragraphe 11(2), remplaçant le paragraphe 100(4), et le paragraphe proposé 161(1), rendant une entrevue préliminaire obligatoire dans les huit jours suivant le moment où la demande est déférée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, suivie d'une audition ultérieure au plus tard 60 jours après cette entrevue. L'autre est l'article 12, ajoutant un nouveau paragraphe 109(1) pour désigner les pays d'origine. Leurs citoyens ne seraient pas admissibles à un appel devant la SAR.

[Français]

    Des femmes peuvent subir, dans leur pays d'origine, des violences spécifiques liées au fait qu'elles sont des femmes, et ce, malgré une apparence de démocratie dans ces pays. La violence conjugale, la traite des femmes et des jeunes filles, la mutilation sexuelle, des rites de veuvage dégradants, le mariage forcé, des crimes d'honneur, l'orientation sexuelle et le maintien des femmes à l'état de mineures en sont quelques exemples.
    Une obligation pour ces femmes de se soumettre à des restrictions temporelles, en ce qui a trait à une entrevue dans les 8 premiers jours suivant le dépôt de la demande d'asile et à une première audience dans les 60 jours suivant cette entrevue, ainsi que proposé au paragraphe 11(2) du projet de loi, risque de causer de sérieuses contraintes étant donné le contexte de l'expérience de ces femmes.
    Comme certains députés du Parlement l'ont déjà soulevé, pour une femme qui a, par exemple, été victime de violence sexuelle commise par des figures d'autorité et pour qui, dans son pays d'origine, il est impossible de même parler de cette réalité, il se trouvera beaucoup plus difficile de franchement parler de son expérience à un fonctionnaire, d'autant plus qu'elle risque de ne pas avoir assez de temps pour se procurer de bons conseils juridiques.
    Nous comprenons que, si le fonctionnaire en question juge que la demanderesse a besoin de plus de temps pour se préparer psychologiquement à l'entrevue et à l'audience, il y aurait possibilité de prolonger les délais. Par contre, comment s'assurer que ce fonctionnaire pourra effectivement en venir à cette conclusion si la femme en question n'a personne pour défendre cette position? Pouvons-nous compter sur le fait que le fonctionnaire pourrait lire dans ses pensées? Nous croyons que non.
    C'est pour cette raison que nous suggérons fortement aux auteurs du projet de loi, premièrement, de clarifier l'utilité d'une telle entrevue avant de procéder à son instauration, plus précisément en ce qui a trait à la fiche de renseignements personnels qui, selon nous, remplit déjà la fonction qu'une telle entrevue pourrait avoir.
    Deuxièmement, si les justifications s'avèrent être bien fondées, nous insistons sur le fait que le laps de temps accordé soit suffisant pour pouvoir obtenir l'aide d'un conseiller juridique.
    Finalement, la création d'une liste de pays désignés pourrait causer, selon nous, une discrimination envers les femmes. Une liste de ces pays désignés, dont certaines femmes demandant l'asile seraient originaires, aurait pour conséquence de leur enlever l'accès à un appel ou à une audience équitable et indépendante qui tiendrait pleinement compte des injustices commises en raison de leur sexe.
    Une possible solution à ce problème serait de clairement établir dans les règlements de rigoureux critères de sélection de pays désignés, qui prendraient en considération la situation des femmes dans ces pays.
    Par contre, afin d'assurer que notre système de détermination des réfugiés est équitable pour tous, nous demandons que le paragraphe 109(1) soit abrogé. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas sensibles au problème des pays qui génèrent un haut pourcentage de refus d'asile, mais que nous croyons plutôt que le temps nécessaire doit être pris pour proposer une solution de rechange qui ne causerait pas de préjudice à un groupe donné.
    Les femmes demandeuses d'asile n'ont souvent pas d'autre possibilité que de quitter leur pays et de demander une protection au port d'entrée. Nous revendiquons le statut de réfugié pour les femmes persécutées, parce qu'elles sont des femmes et que nous sommes contre la double violence d'un système de traitement des demandes qui serait discriminatoire à l'endroit des femmes. Cela serait, selon nous, en violation de la Charte canadienne des droits et libertés et en violation de la Convention de Genève.
    Les femmes qui font une demande fondée sur le sexe et les personnes qui font une demande sur la base de l'orientation ou de l'identité sexuelles seront les grandes victimes de ce projet de loi...
(1910)

[Traduction]

     Madame Taylor, vous avez presque terminé de toute façon...
    Oui, c'est le dernier paragraphe.
    ...mais pourriez-vous ralentir pour le dernier paragraphe?
    Merci.

[Français]

    Les femmes qui font une demande fondée sur le sexe et les personnes qui font une demande sur la base de l'orientation ou de l'identité sexuelles seront les grandes victimes de ce projet de loi, d'autant plus qu'il interdirait dorénavant l'accès, pour les demandeurs d'asile, aux considérations humanitaires et à l'évaluation des risques avant renvoi pour une période de 12 mois à la suite de l'irrecevabilité de la demande. Interdire ces recours ne fera qu'augmenter le nombre de femmes dont la vie sera en danger à leur retour dans leur pays d'origine.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Brouwer, bienvenue au comité. Vous pouvez faire votre déclaration, s'il vous plaît.
    Merci de cette occasion de parler de certaines des préoccupations de la Refugee Lawyers Association of Ontario.
    Nous sommes une association bénévole regroupant environ 200 avocats spécialisés dans les demandes d'asile qui pratiquent exclusivement ou principalement dans le domaine du droit des réfugiés. À ce titre, nous avons un certain nombre de préoccupations très sérieuses concernant ce projet de loi. Nous les avons décrites dans notre mémoire qui compte environ 35 pages. J'ignore s'il a été distribué. Nous l'avons remis à M. Chaplin la semaine dernière.
    Le président: Nous allons finir par le recevoir.
    M. Andrew Brouwer: Excellent.
    Étant donné le temps limité à notre disposition, j'ai décidé de concentrer mes observations aujourd'hui sur la question très précise de l'entrevue initiale dans les huit jours, en particulier parce que je crois que cette question ne sera pas beaucoup traitée par certains des autres défenseurs ou dans la discussion portant sur certaines autres questions, dont les demandes pour des motifs d'ordre humanitaire et la liste des pays d'origine sûrs, qui constituent également une grande préoccupation pour nous. Mais espérons que nous pourrons parler de ces questions durant notre discussion.
    Comme vous le savez, le gouvernement propose de remplacer la déclaration par écrit actuelle, le formulaire de renseignements personnels, ou FRP — qui est rédigé avec l'aide, normalement, d'un conseiller juridique dans un délai de 28 jours — par une entrevue devant un fonctionnaire de la CISR huit jours après que la demande a été déférée par l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC.
    D'après ce que je crois comprendre, le conseiller juridique sera exclu. Qu'il soit ou non exclu activement par la loi ou le règlement, à toutes fins pratiques, il sera exclu, parce que, comme d'autres l'ont déjà dit, trouver un avocat, établir une relation avec ce dernier, obtenir de l'aide juridique et ensuite, comparaître devant la CISR dans un délai de huit jours, cela ne se fera pas — et je parle par expérience.
    À notre avis, l'entrevue dans un délai de huit jours n'est ni réalisable — et je vais expliquer pourquoi — ni juste; par ailleurs, j'ajouterais qu'elle n'est pas compatible avec la Charte.
    À l'heure actuelle, les demandeurs de statut de réfugié décrivent dans le FRP le bien-fondé de leur demande et donnent des détails sur leurs antécédents, leur famille, leur emploi et les endroits où ils ont vécu au cours des 10 dernières années. Selon notre expérience, le processus consistant à remplir la partie narrative de leur demande de statut de réfugié, c'est-à-dire, le FRP, est une tâche très difficile qui exige que l'on soit très minutieux. Il s'agit vraiment d'amener une personne à se confier pour expliquer ce qui, parfois, constitue les expériences les plus éprouvantes de leur vie.
    Habituellement, pour rédiger un FRP décent, vous devez établir une relation de confiance avec votre client. D'après mon expérience, nous avons deux ou trois rencontres, parfois quatre, avec le client au cours de cette période de 28 jours pour établir cette relation, pour lui expliquer que ce qu'il nous dit restera entre les quatre murs de la pièce et que ce qu'il dit à la commission ne sera pas su dans son pays d'origine, et pour l'amener à nous faire suffisamment confiance pour nous parler de certaines des expériences taboues qu'il a parfois vécues.
    En vertu de ce projet de loi, le processus d'établissement de cette relation et de description détaillée de la situation sera appliqué par un fonctionnaire huit jours après l'arrivée du réfugié. À notre avis, étant donné le genre d'information qui doit être communiquée à ce moment-là, ce n'est tout simplement pas pratique. Vous ne pouvez pas raisonnablement vous attendre à ce qu'un réfugié, qui vient tout juste d'arriver, ayant vécu certaines des expériences les plus traumatisantes que l'on puisse imaginer, comparaisse devant un fonctionnaire d'un autre gouvernement, dans une autre langue, dans un pays étranger, et qu'il parle, avec un tant soi peu de détails, de ce qu'il vient tout juste de vivre. Je dis cela à la fois à cause de la difficulté de parler de ces questions et à cause de la perception erronée de beaucoup de gens qui pensent que lorsque vous parlez à un gouvernement, n'importe quel gouvernement, à propos de ce qui vous est arrivé dans votre pays, votre gouvernement ou des gens dans votre pays pourraient le savoir.
    À notre avis, au moins deux possibilités peuvent se présenter si nous allons de l'avant avec cette idée de remplacer le FRP par cette entrevue dans un délai de huit jours. Premièrement, si nous avons affaire à un fonctionnaire responsable de la CISR, ce dernier se rendra compte qu'il ne peut obtenir l'histoire complète du réfugié en une seule rencontre et il y aura un ajournement de l'audition, puis un autre, alors qu'il essaiera d'établir graduellement ce lien de confiance comme doit normalement le faire le conseiller juridique.
    À mon avis, ce que nous verrons très rapidement, c'est un arriéré de demandes dès cette première étape. Alors, plutôt que d'avoir un processus raisonnablement efficace de 28 jours, nous aurons un arriéré qui s'accumulera devant ce fonctionnaire initial — ce qui aura pour effet, en fin de compte, de ralentir le processus plutôt que de l'accélérer, comme le souhaitait le ministre.
(1915)
    L'autre possibilité, évidemment, c'est que nous avons des fonctionnaires de la CISR qui n'ont pas tous le même degré de formation et d'engagement pour consacrer le temps nécessaire à noter toute l'histoire du demandeur, et ce que nous allons obtenir, c'est une entrevue superficielle ou une entrevue teintée d'agressivité où seule une partie de l'information au sujet de la demande de statut de réfugié sera effectivement présentée. Et c'est cette information qui sera présentée à l'audience visant à étudier la demande de statut de réfugié. Si entre-temps, la personne a retenu les services d'un conseiller juridique et a établi une relation de confiance avec ce dernier et a raconté son histoire, elle se présentera finalement à l'audience pour raconter toute son histoire. Les contradictions entre l'information peu étoffée présentée au cours de cette première entrevue et l'information détaillée donnée au cours de l'audience, avec l'aide d'un conseiller juridique, seront utilisées contre cette personne. On jugera qu'elle a monté son histoire de toutes pièces ou qu'elle a menti et sa demande sera rejetée pour ce motif.
    À notre avis, ni l'une ni l'autre de ces possibilités, ou bien l'arriéré ou bien le coup monté pour provoquer un rejet, ne constitue une manière acceptable de régler la question des demandes de statut de réfugié.
    Alors, de notre perspective, cette entrevue initiale devrait être éliminée. Elle est inappropriée. Il pourrait y avoir d'autres façons, si la commission veut réaliser une entrevue avec le demandeur, pour obtenir certains renseignements de base — c'est correct, mais pas en ce qui concerne le bien-fondé de la demande.
    Très brièvement, je vais simplement effleurer trois autres problèmes, si vous le permettez. J'ai deux phrases sur chacun de ces problèmes.
    Premièrement, la liste des pays d'origine sûrs. Je demanderais simplement au comité de ne pas se laisser endormir par l'idée de critères objectifs dans la loi. Notre association est d'avis que le fait de simplement mettre en oeuvre certains critères sur la signification du mot « sûrs » ne protégera pas cette loi des contestations en matière d'égalité et fondées sur la Charte que nous allons intenter, non plus que cela forcera essentiellement le ministre à recourir à des critères clairs.
    Deuxièmement, la question des restrictions touchant les motifs d'ordre humanitaire. D'autres en ont parlé. J'espère que nous aurons des questions sur ce sujet. Encore une fois, éliminer ce qui a été un aspect fondamental de la loi canadienne sur l'immigration pendant des décennies n'est pas approprié.
    Et enfin, en ce qui concerne les restrictions touchant l'ERAR, éliminer l'accès à une évaluation des risques avant renvoi pendant un an après un refus définitif de la commission n'est pas conforme à la Charte ni au droit international. Si cette mesure était adoptée, ce ne serait pas pour bien longtemps.
    Merci.
(1920)
    Merci, monsieur.
    Monsieur Sorrento, vous avez le temps de parler au comité.
    Bonsoir à tous. Merci de l'occasion qui m'est donnée de vous faire un exposé.
    Et mes excuses à vous, monsieur le président, et aux membres du comité de ne pas avoir un mémoire pour tout le monde. J'aimerais commencer, avec votre permission.
    Allez-y, monsieur. Si vous désirez nous faire parvenir quelque chose par écrit plus tard, ce serait très apprécié.
    Je n'y manquerai pas, monsieur, merci.
    Cet exposé se concentrera sur les contributions positives du projet de loi C-11 modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales en ce qui concerne l'immigration. Cet exposé ne prétend pas répondre à tous les aspects du projet de loi ou les entériner. D'autres dispositions ou éléments déterminants seront laissés à la discrétion de nos décideurs politiques, des spécialistes du droit, des commentateurs spécialisés et des intervenants qui ont une compréhension beaucoup plus approfondie des détails du projet de loi.
    Il est généralement admis que le régime de l'asile du Canada est trop lent. Il faut parfois de nombreuses années pour régler une demande et le temps moyen nécessaire est d'environ 18 mois pour une première décision de la CISR en raison de l'arriéré. De nombreux demandeurs déboutés attendent des années qu'on s'occupe de leur cas. Les retards nuisent aux demandes authentiques et les fausses demandes nuisent encore davantage à ce processus. L'accent doit être placé sur l'obligation de protéger les personnes qui cherchent à fuir la violence et la persécution. Cela devrait se faire d'une manière rapide, honnête et mesurée, mais réfléchie.
    Le régime actuel demande beaucoup trop de temps. Le nouveau projet de loi fournit une audition beaucoup plus rapide. Il est important que les demandeurs de statut de réfugié se voient accorder ce statut le plus rapidement possible, si la CISR juge que tel est le cas. Plus l'audition de fait rapidement, moins il y a de chances qu'il y ait de fausses demandes et plus tôt les demandeurs peuvent s'installer au Canada. Moins il y a de gens qui présentent de fausses demandes, moins il y a de chances que le système devienne embourbé ou qu'il y ait des arriérés. C'est un autre aspect positif du projet de loi proposé.
    Les autres avantages comprennent l'accès à un système dans lequel les réfugiés ont l'occasion de parler de leur situation. De nombreux pays ne permettent pas cela. L'accès réduit le nombre de gens qui choisissent de vivre dans la clandestinité et qui demeurent illégalement au Canada. Il y a un encouragement pour les réfugiés à demander le statut de réfugié pour qu'ils soient connus des autorités. Le gouvernement peut identifier facilement les demandeurs et cela peut réduire la tentation de passer à la clandestinité.
    Les décisions de première instance de la CISR constituent une autre force du projet de loi. Ces gens ont accès à de bonnes ressources concernant l'information sur les autres pays, ont des procédures minutieuses, et les réfugiés obtiennent une occasion entière et équitable de raconter leur histoire. Si une demande est acceptée, le réfugié concerné obtient alors le statut de résident permanent. D'autres pays ne permettent pas aux réfugiés d'acquérir la pleine citoyenneté même lorsque leur demande a été acceptée. Une fois que le statut de résident permanent a été accordé, les personnes peuvent s'enraciner et le Canada devient leur pays.
    Le nouveau régime de l'asile proposé comprendrait une section d'appel des réfugiés au sein de la CISR. Le processus d'appel permettrait que l'on présente de nouvelles données si ces dernières n'étaient pas disponibles au moment de l'entrevue initiale avec la CISR. Tous les demandeurs déboutés, y compris ceux qui viennent de pays d'origine sûrs désignés, continueraient d'avoir la possibilité de demander à la Cour fédérale d'examiner une décision défavorable. La possibilité de présenter de nouvelles données qui n'étaient pas disponibles au moment de l'entrevue initiale offre une possibilité accrue de défendre sa cause.
    Rendre des décisions en matière de statut de réfugié est une tâche incroyablement difficile. Pour relever ce défi, un régime réformé doit être fondé sur les trois piliers suivants: une bonne première décision, un mécanisme d'appel fiable et le renvoi sans délai des demandeurs déboutés.
    Nos recommandations sont les suivantes: que la CISR nomme au tribunal du personnel bien formé, compétent et expérimenté pour rendre des premières décisions solides; que la CISR entreprenne un examen régulier des pays qui sont considérés comme des pays sûrs; que l'ASFC renvoie les demandeurs déboutés en temps opportun; et enfin, que la CISR ait le pouvoir discrétionnaire de prolonger les délais dans des circonstances exceptionnelles.
    Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
(1925)
    Merci, monsieur Sorrento
    Monsieur Karygiannis.
    J'ai seulement une petite question, monsieur. Devrait-on permettre l'ERAR?
    Non, nous ne devrions pas permettre qu'il y ait de la fraude.
    Pourquoi pas, monsieur?
    C'est illégal.
    Désolé, mais l'ERAR est en place actuellement.
    Oh, l'ERAR. Je suis désolé. Ce n'est pas ce que j'avais compris. Je m'en excuse.
    J'ai dit ERR, monsieur, ER... ERAR. Connaissez-vous ce terme?
    Je connais ce terme. Examen des risques avant renvoi?
    C'est cela. Devrions-nous continuer à l'effectuer?
    Eh bien, je vais m'entretenir avec notre spécialiste, qui a huit ans d'expérience. Je l'ai amené avec moi...
    Et, fait-il aussi partie de votre conseil, monsieur?
    M. Salvatore Sorrento: Il ne fait pas partie du conseil; c'est un membre du personnel de première ligne qui a travaillé avec...
    L'hon. Jim Karygiannis: D'accord.
    Veuillez m'excuser un petit instant, monsieur.
    Pouvez-vous parler de l'ERAR, Ibrahim?
    L'ERAR pourrait constituer la dernière étape du processus avant l'expulsion du réfugié. Cela lui donne une dernière chance, si les conditions ont changé ou si, dans son pays, au cours du processus de demande, se sont présentées des situations qui justifient sa demande de statut de réfugié.
    Merci.
    Croyez-vous que huit jours, d'entrée de jeu, suffisent aux demandeurs pour assembler leur matériel et faire une demande, ou devrait-on leur donner plus de temps pour compléter les étapes initiales?
    À mon avis, huit jours ne suffisent même pas à l'entrevue d'un réfugié. Avant d'arriver au Canada, le réfugié a affronté bien des problèmes et, avant tout, il a besoin de temps pour sortir de son traumatisme et régler ses problèmes psychologiques une fois au pays.
    Quel serait le nombre de jours acceptable, monsieur?
    Je dirais qu'il devrait s'écouler au moins 45 jours avant la première entrevue.
    Et pour ce qui est de l'audience, après combien de jours devrait-elle avoir lieu par la suite? C'est présentement 60 jours.
    L'audience devrait avoir lieu au moins six mois après l'entrevue environ, car certains réfugiés, pour appuyer leur demande, doivent préparer de la documentation ou en obtenir de l'étranger, ou faire des recherches et d'autres choses, et il faut leur donner un certain temps pour le faire.
    Merci.
    Je vais demander la même chose à notre groupe de témoins ici à Ottawa: les huit jours suffisent-ils, ou cela pose un problème selon vous? Faudrait-il plutôt parler de 28, 45 ou 50 jours? Plutôt que 60 jours, devrait-on parler de quatre ou six mois? Faut-il continuer à faire l'ERAR? C'est le type de questions auxquelles je cherche des réponses.
    Concernant la question des huit jours, nous nous opposons à l'idée même qu'un fonctionnaire de la CISR réclame la demande plutôt que de faire en sorte que la personne présente sa demande elle-même. Donc, à notre avis, cela ne devrait pas exister. Aucune entrevue ne devrait avoir lieu à la CISR en huit jours. On pourrait peut-être faire une entrevue quelques semaines plus tard pour obtenir l'adresse de la personne et lui faire des recommandations, si c'est ce que la CISR veut faire, ou commencer à discuter du moment où elle serait prête à préparer sa demande. Mais la loi n'exige pas cela.
    Actuellement, la CISR à Montréal mène des entrevues préalables à l'audience au cours desquelles elle ne fait que déterminer si la personne est prête pour l'audience, une fois soumis le formulaire de renseignements personnels. Donc, à notre avis, de façon générale, 28 jours suffiraient pour soumettre le FRP avec l'aide d'un conseiller. Je ne crois pas qu'il nous faut plus de temps.
    Concernant les 60 jours qui ont été avancés pour l'audience, je ne crois pas que ce soit pratique du tout. Des situations très inhabituelles peuvent se présenter où un client arrive au Canada avec un dossier de preuves, mais dans la plupart des cas, il faut des mois pour recueillir des preuves à l'appui d'une demande de statut de réfugié. À mon avis, il faut partir du principe qu'une demande de statut de réfugié doit être entendue lorsqu'elle est prête à être entendue, lorsque les preuves sont là. On peut avoir un objectif de six mois, mais on doit montrer une certaine souplesse pour que la demande soit entendue tôt si la personne est prête, ou plus tard si nous attendons toujours un document de la Somalie ou de la Corée du Nord, qui mettent vraiment beaucoup de temps à envoyer des documents.
(1930)
    Monsieur Brouwer, il y a également l'idée du pays tiers, du pays jugé sûr. Cela existe-t-il? Bien sûr, certains pays sont plus sûrs que d'autres. Je reviens toujours à l'exemple des conscrits réfractaires des années 1960 et à la même situation présentement, où des gens veulent fuir les États-Unis parce qu'ils sont en désaccord avec la guerre et veulent venir ici. Pensez-vous qu'en effet, il existe 10, 20, 30, 40 pays sûrs, ou qu'il devrait y avoir un groupe qui affirme qu'en effet, les gens de tels pays qui font une demande sont en sécurité? Je peux parler de mon pays d'origine, celui dans lequel je suis né, et il fait partie de l'UE, mais bien entendu, je peux choisir et vous dire que des gens de ce pays ne peuvent pas être en sécurité dans une situation donnée. Donc, selon vous, devrions-nous avoir une liste de ces pays sûrs, ou encore partir de l'idée que les choses évoluent constamment?
    Merci.
    Non, je dirais qu'aucun pays n'est sûr en tout temps et pour tout le monde. Le principe de base actuel au Canada, en ce qui concerne la reconnaissance du statut de réfugié, c'est que chaque demande est évaluée en fonction des circonstances particulières. On explique pourquoi on est en danger, et un arbitre expert indépendant détermine si c'est fondé, si une protection est nécessaire. C'est ainsi que cela fonctionne. Il s'agit du processus légal et fondamental.
    Je dirais que l'idée même de liste de pays sûrs, du moins de notre point de vue, est exclue.
    Merci.
    Monsieur St-Cyr.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Brouwer, vous avez parlé en détail du fait que les délais sont trop courts, au départ. Pour ma part, j'ai la conviction que selon le gouvernement, si on oblige les demandeurs à passer rapidement en entrevue, ceux-ci vont être forcés de dire la vérité; ils n'auront pas le temps de forger une histoire. L'idée n'est pas clairement énoncée, mais on peut la lire entre les lignes, en filigrane.
     N'est-ce pas le contraire qui risque de se produire? En d'autres mots, les gens qui ont vécu des situations extrêmement difficiles sur le plan humain et qui ont été véritablement traumatisés vont avoir beaucoup de difficulté à composer avec un processus de ce genre, alors que ceux qui inventent supposément une histoire risquent de mieux s'en tirer.

[Traduction]

    Je crois que cette analyse est juste. À mon avis, en lisant ce projet de loi et en examinant l'ensemble du processus, on voit que cela a été établi par quelqu'un qui ne s'est jamais assis et n'a jamais travaillé avec des réfugiés pour voir clairement comment le système fonctionne, et traité directement avec des réfugiés pour connaître leur histoire.
    Tout à fait, huit jours... Beaucoup de demandeurs auront probablement reçu de mauvais conseils pendant leur parcours à destination du Canada. Peut-être que le passeur de clandestins qu'ils ont payé pour les aider à venir ici, des membres de la famille, ou qui que ce soit, leur a dit ce qu'il faut dire. Ils viennent nous voir, comme on le leur a conseillé. Nous leur expliquons le système, et au fil du temps, nous découvrons la vérité sur eux.

[Français]

    D'après ce que vous nous avez dit, vous vous opposez au concept de désignation de pays d'origine. Présentement, on dit dans la loi que les critères seront définis par des règlements. Vous nous avez prévenus que même si on mettait ces critères par écrit dans la loi, comme certains le suggèrent, ça ne représenterait pas une contrainte juridique pour le gouvernement, éventuellement. Pouvez-vous nous donner un exemple pour étayer cette affirmation?

[Traduction]

    Oui, je le peux, merci.
    Il y a un certain nombre d'années, le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie Internationale, le Conseil canadien des Églises et M. Untel ont contesté l'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis devant la Cour fédérale. Comme vous le savez, et comme M. Coderre le sait, la loi actuelle stipule clairement qu'on peut désigner un pays comme sûr seulement si... Eh bien, le ministre peut désigner un pays qui se conforme à l'article 33 de la Convention sur les réfugiés, à l'article 3 de la Convention contre la torture, et pour en arriver à cette position, le ministre doit tenir compte de son bagage en matière de droits humains, du système d'octroi de l'asile, etc.
    Nous avons donc eu recours aux tribunaux et recueilli beaucoup de renseignements, en particulier sur le système d'octroi de l'asile des États-Unis. Bien entendu, le système américain d'octroi de l'asile est généralement acceptable maintenant, mais fait-il en sorte que ce pays respecte toujours complètement ses obligations en droit international? Ce n'était certainement pas le cas sous la présidence de M. Bush.
    Nous avons contesté cette affaire devant la Cour fédérale. La Cour fédérale a clairement et catégoriquement statué que les États-Unis ne se conforment pas à l'article 3 de la Convention contre la torture, ni à l'article 33 de la Convention sur les réfugiés. Donc, en vertu de ces deux critères de la loi, la Cour a statué que c'était une erreur; la désignation n'était pas convenable, car le ministre avait dit qu'elle était conforme, alors qu'en fait, ce n'était pas le cas.
    L'affaire s'est ensuite rendue en Cour d'appel, qui a statué très clairement qu'essentiellement, la cour n'a pas le rôle d'évaluer la décision du ministre concernant l'application du critère de désignation.
    C'est ce qui nous inquiète. On peut inclure dans cette loi des critères qui semblent très convenables sur la définition d'un pays sûr ou non sûr. Cela paraîtra bien. Le Parlement adoptera cette loi et nous finirons par désigner des pays pour des raisons politiques, pour toutes sortes de raisons, et aucun examen n'aura lieu.
(1935)

[Français]

    Madame Taylor, une disposition de cette loi empêche présentement une personne ayant amorcé une démarche en vue d'obtenir le statut de réfugié de faire une demande pour motif humanitaire. La personne ne peut donc pas changer d'idée en cours de route, avant l'audience, retirer son dossier et faire une demande pour motif humanitaire.
    Ne craignez-vous pas qu'à la limite, cette disposition soit contre-productive? Ça pourrait encourager des gens, une fois qu'ils se rendent compte de la situation, à persister dans l'erreur plutôt qu'à prendre une voie plus appropriée.
    Oui, absolument. Je pense que c'est une réponse plutôt logique. Une fois que le processus est amorcé, si la personne se rend compte qu'elle n'a peut-être pas pris la bonne décision, en fin de compte, il n'y a aucun autre recours. Il lui faut absolument aller au bout de sa décision et faire une demande d'asile. Dans ces conditions, surtout si cette personne vient d'un pays désigné sûr, elle va être renvoyée, même si des considérations devraient être prises en compte, vu sa situation personnelle.
    Plus tôt aujourd'hui, on a évoqué la possibilité suivante: plutôt que de continuer à admettre l'ERAR, soit  l'examen des risques avant renvoi, dans le cas des personnes déboutées, on pourrait carrément demander à la Section d'appel de rouvrir le dossier si des événements extraordinaires se produisaient entre le moment de la décision de la Section d'appel et l'expulsion réelle.
    Pensez-vous que cette mesure serait un peu plus intéressante?
    Je pense que ce serait une mesure raisonnable. Ce qui préoccupe davantage le Centre des femmes immigrantes de Montréal, c'est le fait qu'aucun recours ne soit possible une fois que la demande est refusée. Si, à tout le moins, le dossier pouvait être rouvert par une autre entité dans le cas de circonstances spéciales, ça ne nous poserait aucun problème.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Chow.
    Merci.
    On a discuté de la possibilité qu'un groupe indépendant s'occupe de la désignation des pays sûrs. Nous ne voulons certainement pas que ce processus de réforme concernant les réfugiés s'enlise à cause de la partisanerie, et je ne pense pas que le ministre actuel le souhaite non plus. Si c'est le cas, alors il est certain que l'embauche d'une centaine de fonctionnaires devrait se faire de façon indépendante. Et si nous appuyons les pays sûrs — je ne le fais pas moi-même, mais on a discuté de la désignation des pays sûrs —, alors ce sont des groupes indépendants qui devraient recommander... Mais jusqu'ici, je ne suis pas parvenu à trouver — j'ai demandé l'avis de plusieurs —, quels groupes ou organismes de défense des droits de la personne, ou quel type de personne, en plus d'avoir les compétences, sont prêts à mettre leur réputation en jeu pour former un groupe? Ou, existe-t-il un groupe qui pourrait dire qu'il croit que tel pays est sûr? Existe-t-il de tels êtres humains ou organismes?
    Lorsque j'ai posé cette question à Amnistie Internationale, on m'a jeté un de ces regards. On ne m'a pas répondu oui, mais je crois que c'était très clair. Et le Conseil pour les réfugiés ne croyait pas non plus que c'était possible.
    Croyez-vous qu'il existe des organismes capables de fournir des critères clairs et objectifs pour participer à cela, devenir l'équipe consultative qui fera cette désignation?
(1940)
    C'est le genre de choses qui font sentir leurs effets plus tard, mais je ne peux honnêtement pas imaginer un organisme des droits de la personne ou un individu dévoué participer à un tel processus. Le principe de droit fondamental, c'est l'évaluation individuelle en fonction du mérite intrinsèque, donc dès qu'un organisme des droits de la personne participe à la désignation de pays entiers...
    Comme Human Rights Watch, ou un organisme comme celui-là?
    Exact. On espérerait que Human Rights Watch ne le fasse pas non plus, car, encore une fois, cela va à l'encontre du principe de base d'évaluation individuelle. Il faudrait que l'organisme soit convaincu qu'il existe un pays qui est sûr pour tous et qu'il soit en mesure de le savoir. Ce que je veux dire, c'est qu'en tant que militant des droits de la personne ou personne qui travaille pour ces droits, qui voudra participer à un programme qui refusera à certains groupes de personnes la protection ou l'accès à des recours? Je ne peux pas le concevoir. Je ne peux pas me l'imaginer.
    Ultimement, si ce projet de loi est adopté tel quel, c'est le ministre qui aurait à prendre cette décision.
    C'est exact. Encore une fois, nous pourrions recourir à diverses mesures pour tenter d'atténuer une partie des dommages. Peut-être pourriez-vous mettre au point des critères si précis et si rigoureux que bien peu de pays parviendraient à les satisfaire. Vous pourriez essayer de former un comité indépendant à cette fin. Mais le principe fondamental est que...
    Je ne voudrais pas faire partie d'un comité qui aurait l'intention de s'acquitter d'une telle tâche.
    Non, et je crois qu'il y aurait lieu de s'interroger sérieusement sur la crédibilité d'une organisation des droits de la personne qui serait prête à assumer ce rôle.
    Tout le monde a affirmé que le délai initial de huit jours était trop court. Est-ce que 28 ou 30 jours conviendraient?
    Le délai est acceptable; quant à savoir si un réfugié aura ainsi la possibilité de raconter son vécu, c'est une autre histoire. En quelque sorte, cela va à l'encontre de l'objectif visé. Supposons qu'au lieu de huit jours sans l'aide d'un conseiller juridique, on dispose de 28 jours et du droit de faire appel aux services d'un conseiller. Essentiellement, il y aura une mini audience. Sur le plan pratique, si le conseiller juridique doit être présent, et si la personne doit conserver le droit de faire valoir sa cause, ce qui est un droit humain fondamental, alors quelle est la différence entre cette mini audience dans un délai de 28 jours afin de préparer la demande, puis l'audience qui suivra 60, 120 ou 180 jours plus tard pour la prise d'une décision? Cela paraît être un dédoublement inutile.
    Êtes-vous en train de dire que nous devrions sauter les deux étapes et n'en avoir qu'une seule?
    Je ne suis pas un grand partisan du statu quo mais, généralement parlant, le délai de 28 jours pour remplir le FRP est approprié. Il faudrait donc maintenir les dispositions actuelles et mettre en place un processus, investir les ressources nécessaires et maintenir un effectif complet de décideurs pour pouvoir véritablement tenir des audiences plus rapidement. Prévoyons pour cela un délai de plus ou moins six mois, et la possibilité de posséder encore plus rapidement si un demandeur affirme avoir les preuves nécessaires et être prêt, ou encore la possibilité d'un ajournement si le demandeur attend encore des preuves. Accordons-leur une audience le plus rapidement possible, dès que la demande est prête à être traitée.
    En toute franchise, je crois que chez beaucoup de gens, il y a cette impression que les réfugiés arrivent ici, présentent une demande et s'en servent pour faire traîner les choses le plus longtemps possible. C'est faux. C'est peut-être le cas de certains, mais pas de la majorité.
    Un délai de quatre mois serait-il convenable? Je tente simplement de le raccourcir. Une personne arriverait au Canada et, dans les quatre mois, aurait une audience qui ferait ou non l'objet d'un appel, et voilà tout. Quatre mois seraient-ils suffisants?
    Encore une fois, je ne dirais pas qu'il convient de préciser des délais dans la loi. Il n'y en a pas actuellement, alors j'imagine que ce ne sera toujours pas le cas. Je pense que fixer le délai à quatre mois, avec la possibilité d'obtenir un ajournement si le demandeur, pour une bonne raison, n'est pas prêt, est sans doute faisable, avec une aide juridique adéquate, évidemment.
(1945)
    Pour ce qui est d'une politique de désignation des pays d'origine sûrs, on propose là-dedans que les demandeurs provenant de pays désignés aient accès aux mêmes choses qu'en ce moment — autrement dit, une audience complète devant la Section de la protection des réfugiés et une révision judiciaire à la Cour fédérale. Alors en quoi est-ce problématique ou injuste? J'aimerais simplement savoir.
    Il y a plusieurs éléments. Le fait que nous n'ayons pas de SAR en ce moment, huit ans après que sa mise en oeuvre ait été approuvée par le Parlement, est problématique. Cela a été un problème au cours des huit dernières années, mais c'était le cas avant même qu'il soit question de la SAR.
    L'absence d'instance d'appel demeure un problème. Le fait que ce projet de loi propose sa mise en place est en grande partie une excellente chose, mais de notre point de vue, il est injuste de se fonder sur une présomption de sûreté d'un pays pour justifier le refus d'un accès à un appel en bonne et due forme. Bien sûr, c'est injuste pour certaines raisons. Une combinaison de questions est en cause. Dans ce projet de loi figurent de multiples changements qui ont tous une incidence les uns sur les autres, particulièrement dans le contexte de l'entrevue dans les huit jours et du processus d'audience dans les 60 jours.
    En ce moment, cette entrevue a lieu devant un fonctionnaire, et nous ne savons pas du tout qui sera ce dernier. À l'heure actuelle, d'après le libellé du projet de loi, ainsi que M. Showler et d'autres personnes l'ont indiqué, il pourrait s'agir d'un agent d'examen des risques avant renvoi en poste actuellement, d'un agent d'exécution ou de n'importe qui d'autre. 
    Donc, si ce sont des fonctionnaires qui pourraient travailler ou qui travaillent déjà pour le ministre qui prendront cette décision initiale et trancheront à l'égard de personnes provenant de pays désignés par le ministre comme étant des pays sûrs, ces personnes sont celles-là même qui auront besoin d'interjeter appel devant quelqu'un qui est impartial et qui est préservé de l'influence du ministre, ou devant une personne nommée pour une durée déterminée par le gouverneur en conseil.
    À mon avis, on fait pratiquement les choses à l'envers. Encore une fois, c'est l'un des problèmes que pose cette proposition, selon nous.
    La proposition relative aux pays d'origine sûrs contient également une disposition visant à soustraire certains groupes d'un pays qui serait autrement désigné ou considéré comme un pays sûr. Croyez-vous que cette disposition supplémentaire soit nécessaire?
    Nous avons des réserves à l'égard de cette disposition, car nous n'avons aucune idée de sa signification. À l'heure actuelle, un pouvoir énorme est conféré au ministre pour ce qui est de désigner des parties de pays, des catégories de personnes et des pays particuliers, sans qu'on ait une quelconque idée des critères à cet égard. Lorsque la Refugee Lawyers' Association a commencé son travail d'information relativement à ce projet de loi, nous avons demandé à ce que le Parlement renvoie celui-ci en comité avant l'étape de la seconde lecture, afin qu'on procède à un examen véritablement attentif de ce que le ministre propose exactement. Nous ne savons toujours pas à quelles fins le ministre compte se servir de cette disposition. Quelles catégories de ressortissants étrangers seront touchées, et quels sont les critères qu'il compte appliquer en ce qui les concerne? Nous n'en avons aucune idée, alors il est très difficile de s'engager dans un débat. Il y a un vide en ce moment.
    En tant qu'avocat, je considère qu'un vide dans la loi est un problème très sérieux, car cela empêche les tribunaux d'en revoir les dispositions, et les parlementaires ne peuvent pas savoir exactement à quoi ils donnent force de loi. Ensuite, nous nous retrouvons avec une loi permettant au ministre faire tout ce qu'il veut. Je le répète, il s'agit d'un problème fondamental pour nous.
    Je vais céder le reste de mon temps à M. Calandra.
    Je dispose de combien de temps?
    De toute façon, je vais partager mon temps tout à l'heure.
    J'adore cela lorsque des avocats comparaissent devant le comité, car ils semblent toujours être si défavorables à tout ce qui pourrait limiter leur capacité de facturer des honoraires...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Paul Calandra:...et si désireux de permettre au processus de durer presque indéfiniment.
    Il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre, en tant que profane. Si vous rencontrez une personne dans les huit jours, écoutez pour la première fois son histoire et les raisons pour lesquelles elle est venue au Canada — en mettant tout cela par écrit à des fins de consultation ultérieure, si vous représentez cette personne —, pourquoi cela ne vous permettrait-il pas de vous préparer pour une audience qui aura lieu dans 60 jours? Non seulement cela vous aidera-t-il à vous préparer, car vous disposerez de renseignements initiaux auxquels vous vous fierez par la suite et à propos desquels vous pourrez poser des questions encore plus pertinentes lorsque vous rencontrerez vraiment la personne, mais il me semble également qu'après ces 60 jours, ces gens qui le méritent grandement auront la possibilité de poursuivre leur vie, au lieu d'être soumis à toutes sortes de tracasseries par les avocats et le gouvernement.
    Je me demande si les avocats seraient toujours du même avis si ce projet de loi contenait soudainement une disposition leur interdisant de facturer des honoraires après 25 ou 30 heures.
(1950)
    Nous avons droit à 16 heures rémunérées.
    Je me demande si vous trouveriez encore le processus trop court.
    Si vous me le permettez, j'aimerais souligner que lorsque notre travail est financé par l'aide juridique, nous avons droit à 16 heures de salaire.
    Une voix: C'est tout?
    M. Andrew Brouwer: C'est tout: 16 heures.
    Et lorsque vous ne recevez pas de financement de l'aide juridique?
    À vrai dire, c'est une combinaison de travail bénévole et de travail rémunéré selon ce que les gens peuvent nous donner à partir de leurs paiements mensuels.
    Pourquoi une collecte d'information dans un délai de huit jours ne vous permet-elle pas de monter le dossier de votre client?
    Cela faciliterait les choses. Si je ne me préoccupais pas de faire connaître la véritable histoire d'un demandeur, il est certain que ma pratique serait plus facile. Je pourrais entendre leur récit, leur poser seulement quelques questions, puis aller de l'avant.
    Donc, ce délai de huit jours change les choses.
    C'est toute l'information dont j'avais besoin. Je voulais simplement m'assurer que les huit jours vous permettaient de mieux préparer vos clients.
    Je n'ai pas beaucoup de temps, alors je cède la parole à M. Dykstra.
    Comme vous le savez, ce n'est pas ce que j'ai dit.
    C'est bien ce que vous venez d'affirmer.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je pense que nous devons permettre au témoin de clarifier sa réponse et sa véritable déclaration.
    Merci.
    Puis-je?
    Au sujet de ce rappel au Règlement, si vous me permettez de poursuivre, j'ai expressément demandé si les huit jours l'aideraient à préparer la cause de son client. Il m'a répondu oui. Ensuite, j'ai voulu céder la parole à M. Dykstra, pour qu'il puisse poser une question.
    Une voix: Ce n'est pas...
    M. Paul Calandra: Nous allons manquer de temps.
    Monsieur Brouwer, qu'avez-vous déclaré au juste?
    J'ai dit que, si je ne me souciais pas que mon client puisse faire connaître sa véritable histoire, cela me faciliterait la tâche, en effet. Je serai très heureux d'élaborer, si l'on m'en donne l'occasion.
    Je pense que ce point a été établi. Et je crois que messieurs Calandra et Karygiannis ont aussi fait valoir leur point.
    Maintenant, nous allons voir quels arguments M. Dykstra nous soumettra.
    J'ai une question pour MM. Sorrento et Ibrahim.
    L'un des objets de débat, ici, concerne les délais. Messieurs, vous avez acquis beaucoup d'expérience sur le terrain en écoutant et en représentant les réfugiés potentiels qui arrivent ici et qui demandent votre aide.
    Ibrahim, vous avez également dit qu'un délai de huit jours ne suffisait pas. Un certain nombre de personnes l'ont affirmé également. Qu'est-ce qui...
    Monsieur Dykstra...
    J'en ai pour une seconde, Sal.
    Au lieu de parler de jours, pourquoi ne pas parler de ce qu'il est nécessaire d'obtenir de vos clients pour pouvoir — comme M. Calandra l'a dit — vous préparer pour l'entrevue? Vous restez vraiment accroché à la question des jours, et j'aimerais tirer au clair quels éléments de preuve vous avez besoin de présenter.
    Monsieur Dykstra, pour votre gouverne, et aux fins du compte rendu, je souligne que lorsque le membre du comité a interrogé M. Abu-Zinid au sujet des huit jours, je puis vous dire que M. Abu-Zinid a parlé en son nom, car ce n'est pas la position du conseil d'administration de l'organisme que je représente. Je n'ai pas eu l'occasion de répondre. J'aurais dû intervenir à ce moment-là.
    Je tiens seulement à déclarer officiellement qu'à titre de représentant du conseil d'administration, je ne suis pas venu ici pour parler des délais, alors je n'ai aucune position à cet égard. Je vais laisser cela à d'autres personnes.
    Je ne parlerai pas du délai de huit jours au nom du conseil d'administration, si l'on n'y voit pas d'inconvénient. Cette remarque concerne le premier membre du comité qui a posé la question, et pas vous, M. Dykstra. Je ne voulais pas me prononcer sur le délai de huit jours lorsque le membre a posé la question au départ.
    Je vais maintenant vous donner une réponse au sujet du délai de huit jours. Je vais simplement consulter Ibrahim, monsieur Dykstra.
    Voulez-vous répondre à M. Dykstra à ce sujet?
    Oui. Je veux faire valoir que le cas de chaque réfugié est unique en soi, et que lorsqu'on a huit jours à consacrer à de telles questions, cela a une importance capitale, selon le cas du réfugié. Certains réfugiés qui sont ici sont prêts pour une rencontre avec un conseiller dans les huit jours. D'autres ont vécu des traumatismes et veulent se ressaisir avant d'avoir une entrevue avec un agent. On doit se rappeler que la majorité des réfugiés qui arrivent au Canada proviennent de pays en développement, et pour eux, le fait de discuter avec un agent est un problème en soi.
    Or, nous pressons ces personnes d'agir en huit jours. C'est pourquoi je dis que c'est un aspect essentiel dont il faut tenir compte.
    Merci beaucoup de votre intervention.
    Nous allons maintenant entendre M. Karygiannis. Vous avez deux minutes.
    Monsieur St-Cyr, vous avez deux minutes... Je suis navré, madame Thi Lac, vous avez deux minutes.
(1955)
    Monsieur Salvatore, d'après ce que j'ai compris, vous êtes à St. Catharines?
    À Toronto, monsieur.
    Ne représentez-vous pas le Folk Arts Council of St. Catharines Multicultural Centre?
    Oui, c'est le cas. Je suis navré; j'ai mal compris. Je pensais que vous me demandiez où j'habite maintenant. Nous sommes à St. Catharines, oui.
    Pourriez-vous nous dire combien de financement vous avez obtenu de CIC l'an dernier?
    Pour quel programme?
    Pour l'ensemble de vos programmes. Cela fait partie de votre budget et des revenus que vous déclarez, n'est ce pas, monsieur?
    C'est juste. Je ne puis vous préciser le montant exact, mais je peux vous donner un montant approximatif, car je n'ai pas ces données avec moi en ce moment. Je dirais que nous avons reçu environ 1,6 million de dollars pour l'ensemble de nos programmes.
    Si vous ne répondez pas correctement, monsieur, vous pourriez perdre cet argent. Est-ce la raison pour laquelle vous appuyez le délai de huit jours?
    Je suis navré, je ne comprends pas. Je suis désolé, monsieur.
    En clair, monsieur, si vous refusez d'appuyer la disposition relative aux huit jours, vous perdrez ce financement.
    Je n'ai pas d'autres questions.
    Monsieur Sorrento, si vous souhaitez répondre, il vous reste encore quelques secondes.
    Nous ferons tout ce que nous pourrons pour nous conformer aux règles. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour continuer de contenter nos bailleurs de fonds.

[Français]

    Je remercie ceux qui sont présents aujourd'hui par l'entremise de la téléconférence. Je remercie également les témoins qui se sont déplacés.
    J'ai entendu M. Calandra parler en termes peu élogieux du rôle et du travail de conseiller des avocats. J'aimerais connaître votre avis sur le fait que le ministre n'a pas inclus dans son projet de loi une réglementation portant sur lesdits conseillers en immigration.
    Selon une règle, une personne qui arrivera au Canada aura huit jours pour aller raconter son histoire et n'aura pas le droit d'en appeler de la décision. Si cette personne tombe par hasard sur un conseiller véreux ou sur un individu qui la conseille mal, elle n'aura pas le droit de déposer un appel. Huit jours, c'est très peu de temps quand on doit trouver qui est habilité à donner des conseils, qui est accrédité et qui ne l'est pas.
    Ne croyez-vous pas que le ministre aurait dû inclure dans ce projet de loi des balises relativement aux conseillers, aux consultants en immigration? On parle souvent des faux demandeurs, c'est-à-dire des demandeurs qui font de fausses demandes, mais on parle rarement du fait que ces personnes sont parfois mal conseillées par des consultants.

[Traduction]

    Qui répondra à cette question?
    Merci.
    C'est une grave lacune dans ce projet de loi, ou du moins dans la série d'annonces qu'on a faites à son sujet. Actuellement, il y a un sérieux problème en ce qui a trait au rôle des consultants, et je pense que c'est un fait reconnu par la plupart des parties. Ils ne sont pas réglementés adéquatement.
    Vous avez tout à fait raison. Avec cette entrevue dans un délai de huit jours, un conseiller juridique compétent, comme l'a dit M. Showler, ne peut intervenir et représenter quelqu'un à l'entrevue. Les gens seront à la merci de n'importe quel consultant prêt à le faire pour de l'argent.
    Cela dit, je suis certain que je ferai le bonheur de M. Calandra en disant que les avocats ne sont pas tous formidables. Il y a toutes sortes d'avocats, et je pense qu'il faut qu'il y ait...
    Je suis déjà au courant.
    ... une meilleure réglementation des conseillers juridiques, des consultants et des avocats; bref, de tous ceux qui représentent les réfugiés à toutes les étapes du processus.
    Puis-je poser une autre question?
    Je peux vous accorder quelques minutes.
    J'aurais simplement besoin d'une minute pour parler de l'évaluation des risques avant renvoi.
    En ce moment, seuls 2 ou 3 p. 100 des réfugiés ont droit à une ERAR de dernière minute. En ce moment, la règle prévoit qu'on ne pourra bénéficier de l'ERAR qu'au bout d'un an. Qu'est-ce que cela changera pour la majorité des demandeurs? Avec cette nouvelle loi, on a droit à l'ERAR, mais étant donné qu'il faut si longtemps avant de pouvoir en bénéficier, on peut encore faire l'objet d'un renvoi.
(2000)
    C'est juste.
    Quel est le côté négatif de cette disposition?
    De la restriction d'une année pour l'évaluation des risques avant renvoi?
    Oui, dans ce projet de loi.
    À l'heure actuelle, en vertu de l'article 7 de la Charte et conformément au droit international, et plus particulièrement à l'article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture, il est interdit d'expulser quiconque pourrait être exposé à la persécution ou à la torture. Il ressort clairement de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Suresh, comme de nombreux autres jugements rendus par des tribunaux internationaux et les Cours suprêmes d'autres pays, que nous ne pouvons pas déporter une personne lorsqu'il y a risque de torture.
    L'ERAR permet d'effectuer un dernier examen pour s'assurer que le Canada ne commet pas une erreur en expulsant une personne qui pourrait être persécutée et torturée. Si nous imposons des restrictions à cet égard, le Canada va extrader des gens dans de telles situations. Nous parlons bien sûr d'un nombre de cas peu considérable.
    Nous avons notamment proposé d'abandonner tout simplement le processus actuel d'ERAR. Comme vous l'avez indiqué, on n'accepte qu'un faible pourcentage des dossiers. Si nous pouvions compter sur une véritable expertise au sein de la CISR et de la SAR en tant qu'instances décisionnelles indépendantes, nous pourrions leur accorder la pleine autorité de procéder à des évaluations des risques en permettant aux gens de réactiver leur demande s'ils sont en mesure d'établir que de nouveaux éléments de preuve sont apparus ou que leur situation a changé au cours de l'année en question.
    Parfait.
    Si je résume vos propos, peu vous importe si cette partie du projet de loi supprime l'évaluation des risques avant renvoi ou la restriction d'une année, pour autant que la Section d'appel des réfugiés puisse, si le pays d'origine se retrouve tout à coup en guerre civile ou dans une situation semblable, prendre en compte ces nouveaux éléments de telle sorte que la personne ne soit pas expulsée.
    Oui, pourvu que nous puissions nous assurer que la SAR dispose bien de toutes les compétences voulues pour rouvrir le dossier, notamment quand un changement est survenu dans les circonstances personnelles du demandeur.
    Et c'est ce que permet actuellement ce projet de loi?
    Absolument pas. Nous allons à l'encontre de la Charte. Des gens vont être déportés et torturés.
    Auriez-vous des recommandations à nous faire quant aux améliorations que nous pourrions apporter pour donner ce pouvoir à la Section d'appel, de telle sorte que si une montée de violence survient dans un pays, il y aurait un dernier recours...
    Merci beaucoup, madame Chow.
    Il s'agit essentiellement de voir à ce que l'on prenne en compte l'évolution de la situation.
    Mais je dois donner la parole à Mme Wong, qui dispose de deux minutes.
    Je veux simplement clarifier une chose. Nous avons reçu la semaine dernière le président de la CISR qui nous a indiqué que le ministre n'avait pas le pouvoir de sélectionner les membres de cette section. Ils sont choisis par le président de la CISR lui-même, de concert avec les fonctionnaires.
    La CISR a aussi la possibilité de reporter l'entrevue si le revendicateur semble vulnérable ou traumatisé.
    J'aurais une question pour Mme Taylor.
    Saviez-vous que l'on a établi en Angleterre une liste des pays désignés? Toutefois, les femmes du Ghana ont été désignées comme sous-population pouvant être admissible au statut de réfugié, mais ce n'est pas le cas des hommes de ce pays. Croyez-vous que cette disposition répondrait à vos préoccupations à ce sujet?
    Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, dans l'intérêt des femmes demandant le statut de réfugié, si l'on devait adopter la désignation des pays d'origine, il faudrait porter une attention toute spéciale aux pays qui éprouvent des problèmes, surtout au chapitre de la discrimination sexuelle. C'est uniquement dans l'intérêt des femmes. Nous serions entièrement d'accord avec une telle démarche.
    Il ne fait aucun doute que nous voulons tous nous assurer que les femmes de toute la planète sont protégées contre toutes les formes de violence ou de mauvais traitements.
    Il y a aussi la question des délais qui nous préoccupe dans le cas des femmes. Elles doivent attendre 18 mois pour simplement savoir si elles peuvent rester au Canada. C'est l'état actuel des choses. Y voyez-vous vraiment un problème?
    Je ne crois pas que cela soit juste, mais je répète que si nous décidons d'accélérer le processus de détermination, nous devons nous assurer de le faire de manière équitable.
    Merci beaucoup, madame Taylor.
    Merci également à M. Brouwer, et à Mme Wong, ainsi qu'à M. Sorrento de St. Catharines et à M. Abu-Zinid. Un grand merci pour votre contribution.
    Comme vous le savez, nous demandons l'aide d'intervenants qui ont beaucoup à nous apprendre et nous en profitons pleinement. Ainsi, comme notre comité a beaucoup à gagner à entendre des témoignages comme les vôtres, j'ai obtenu le consentement unanime des membres du comité pour désigner comme périodes de séance, sans égard au plan de travail déjà établi, le mardi 25 mai, de 18 heures à 21 heures; le jeudi 27 mai, de 15 h 30 à 17 h 30, puis de 18 heures à 21 heures; et le lundi 31 mai, de 18 heures à 21 heures. Je vous prie d'en prendre bonne note.
    C'est le seul point sur lequel nous nous sommes entendus, mais je n'en dirai pas davantage, car ce serait manquer de respect envers le prochain groupe de témoins qui est déjà arrivé.
    Merci beaucoup.
(2005)
    Devons-nous proposer d'autres témoins?
    Oui, vous pouvez le faire. Chaque parti devrait proposer le plus tôt possible de nouveaux témoins pour permettre à notre greffier et à notre personnel de prendre les dispositions nécessaires en fonction de l'horaire établi.
    Merci beaucoup.
    Nous allons interrompre nos travaux pendant deux minutes.
(2005)

(2010)
    Nous allons reprendre nos travaux. Bienvenue à tous.
    Comme vous le savez, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 29 avril 2010, le comité reprend l'étude du projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les cours fédérales. J'invite tous les membres du comité à bien vouloir prendre place.
    Oui, monsieur Coderre.
    J'invoque le Règlement. Je regarde derrière M. Greene et je suis choqué de voir un chandail des Flames. Je suis de Montréal et Mike Cammalleri joue maintenant pour notre équipe.
    Est-ce que vous avez un problème? Voulez-vous en parler maintenant, ou est-ce que ça va aller?
    Je veux que vous sachiez que j'ai toujours été un partisan du Canadien et que je me réjouis de pouvoir continuer à les encourager.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Greene, pour faire plaisir à M. Coderre, il faudra que vous présentiez votre exposé debout.
    Des voix: Oh, oh!
    Pour cacher ce logo.
    Il est 20 h 15 et je crois que tout le monde est un peu...
    Nous accueillons maintenant du Barreau du Québec, Catherine Dagenais, Service de recherche et législation; et France Houle, avocate. Nous entendrons ensuite les représentants de Parkdale Community Legal Services, Geraldine Sadoway et Rathika Vasavithasan; et nous accueillons aussi Michael Greene.
    Oui, monsieur Dykstra.
    Je voulais seulement une précision. Nous commençons avec 15 minutes de retard. Est-ce qu'on va s'arrêter à 21 heures? Est-ce qu'on va rogner un peu sur le temps de parole de chacun?
    Non, non, absolument pas. Nous allons poursuivre jusqu'à 21 h 15. Est-ce que cela convient à tout le monde? À nos témoins également?
    Des voix: D'accord.
    Les témoins: D'accord.
(2015)
    C'est bien. Je voulais en avoir le coeur net.
    Commençons avec Catherine Dagenais et France Houle.

[Français]

    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation. Mon nom est Catherine Dagenais, je suis avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec. Le Barreau du Québec compte un peu plus de 23 000 membres. Il a pour principal mandat la protection du public. Il s'assure de l'exécution de ce mandat en veillant, notamment, à assurer la primauté du droit, à maintenir la séparation des pouvoirs, à promouvoir l'égalité de tous devant la loi et à protéger l'équilibre souvent précaire entre les droits des citoyens et les pouvoirs de l'État.
    À titre d'avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec, je coordonne notamment les travaux du Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec, qui est composé d'une dizaine de praticiens en droit de l'immigration et de la citoyenneté. Le comité analyse diverses questions relatives à l'immigration et a reçu le mandat d'examiner le projet de loi C-11.
    Je suis accompagnée aujourd'hui de Me France Houle, membre du Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec. Me Houle a été admise au Barreau du Québec en 1989. Elle est professeure à la Faculté de droit de l'Université de Montréal où elle enseigne le droit administratif et le droit de l'immigration.
     Les commentaires du Barreau du Québec portent aujourd'hui sur le projet de loi C-11. J'exposerai brièvement la position du Barreau Québec qui a été élaborée dans notre lettre datée du 7 mai. Ma collègue pourra ajouter tout élément pertinent et répondre à vos questions.
    Le Barreau du Québec se réjouit de l'effort important qui est fait pour tenter de trouver un équilibre entre une plus grande rapidité de traitement et un traitement équitable des réfugiés. Il se réjouit de la mise en place d'un mécanisme d'appel pour les réfugiés. Le Barreau du Québec réclamait déjà depuis un certain temps un véritable mécanisme d'appel. Cette Section d’appel des réfugiés aura pour avantage de développer une expertise et un corpus jurisprudentiel. Cependant, certains éléments doivent être revus afin d'éviter que des effets néfastes se produisent à l'égard d'une population vulnérable.
    Le Barreau du Québec est particulièrement préoccupé par certains délais proposés dans ce projet de loi. Le Barreau du Québec propose donc quatre semaines au lieu de huit jours en ce qui concerne le processus de collecte de renseignements. Il propose également un délai de quatre mois avant la première audition à la section de protection des réfugiés. Il faut laisser du temps aux réfugiés pour trouver des avocats compétents, pour obtenir la preuve de leur pays d'origine et pour faire les démarches auprès de l'aide juridique.
    Par ailleurs, un avocat compétent s'occupant du dossier va faciliter le déroulement de ce dossier. Ces avocats ont besoin d'un certain temps pour préparer, bien conseiller et représenter leurs clients. Il faut donc une préparation adéquate dès le début. De plus, si la première audition comporte des lacunes, l'ensemble du système risque de dérailler. Il faut donc utiliser judicieusement les ressources de la CISR, évitant de multiples remises.
    Selon le projet de loi, les décisions en première instance seraient prises par des fonctionnaires. Le Barreau du Québec est d'avis que les postes devraient être offerts à tous, autant aux membres du public qu'aux gens travaillant dans les différents ministères. Par ailleurs, il faut s'assurer de l'indépendance et de l'impartialité des décideurs de première ligne proposés.
     Une autre grande préoccupation du Barreau du Québec a trait aux pays d'origine désignés et à la possibilité que le ministre désigne les pays dont les ressortissants n'auraient pas accès à l'appel. Le critère rattaché au pays est choquant sur les plans de l'accès à la justice et de l'égalité de tous devant la loi. Le Barreau du Québec est contre ce double régime d'appel.
    Par ailleurs, si cette solution doit être considérée, il faut à tout le moins s'assurer qu'il y a des garanties et qu'il y ait un processus juste et transparent pour désigner ces pays. Il faut que le comité compte des experts indépendants ayant une expertise considérable en droits de la personne et en droit humanitaire, ainsi que des représentants du public.
    De plus, et ce point est important, il y aurait lieu de faire préciser clairement dans la mesure législative, et non par décret ou par règlement, quels sont les critères permettant d'encadrer le processus de désignation des pays sûrs. Ces critères devraient faire aussi l'objet de commentaires.
    En ce qui a trait au mécanisme d'appel, le Barreau du Québec note que les nominations à la Section d’appel des réfugiés seraient faites par le Cabinet. Le Barreau du Québec réitère qu'il faut éviter toute nomination politique et insister sur la compétence pour que la réforme proposée fonctionne. Il suggère, dans sa lettre, un processus de nomination que nous vous invitons à considérer. J'inviterais Me Houle à parler maintenant du processus suggéré.
    Au niveau fédéral, il n'existe pas de processus de sélection et de recrutement des membres des tribunaux administratifs. Aucune réforme n'a été faite en ce sens au sein du gouvernement fédéral. Il y en a eu une au Québec, aux termes de la Loi sur la justice administrative, en 1996. Il y a déjà 15 ans qu'un processus de sélection et de recrutement des membres existe au Québec pour les quatre grands tribunaux administratifs, soit le TAQ, la Régie du logement, la Commission des relations du travail et la Commission des lésions professionnelles. Chacun de ces tribunaux est aussi important en ce qui a trait au nombre de commissaires nommés qu'au nombre d'affaires entendues par ces organismes.
    Ce qu'il est important de considérer, c'est que la justice administrative est maintenant aussi importante, sinon plus, que la justice civile et la justice criminelle en ce qui a trait au nombre de cas réglés chaque année. Très certainement, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada tombe dans cette catégorie de tribunaux administratifs, qui sont de nature purement juridictionnelle. Dans cette catégorie de véritables tribunaux administratifs, la Cour suprême du Canada a fortement évolué quant à sa jurisprudence, qui porte sur la garantie d'indépendance de ces organismes. Un des points sur lequel la cour insiste, notamment dans les affaires Ell et Bell, c'est justement le recrutement et la sélection des membres. La cour n'a pas encore prononcé de décision claire à ce sujet, mais il y a des tendances, et il faudra éventuellement que le gouvernement fédéral en prenne note, notamment parce que dans l'affaire Bell, il s'agissait d'un tribunal administratif fédéral qui était en cause.
    La procédure que nous proposons est essentiellement celle qui existe aux termes de la Loi sur la justice administrative.
    Il faudrait donc d'abord un avis public d'appel aux candidatures pour énoncer les qualités et les compétences requises des candidats.
    Ensuite, il faudrait former un comité — incluant un membre du gouvernement, le président de la CISR et un avocat du Barreau, préférablement celui de la province où le candidat serait nommé — qui serait chargé d'étudier les dossiers des candidats et sélectionner les dossiers pour l'entrevue.
    À la suite du processus d'entrevue, le comité serait appelé à dresser une liste de noms de personnes aptes à être nommées commissaires au sein de la CISR, et le Cabinet devrait choisir les personnes qui seraient nommées commissaires au sein de cette liste. Il ne serait plus question d'être éliminé de la liste; il faudrait y rester.
    Finalement, les mandats devraient être fixes. Il faudrait cesser de limiter les mandats en droit fédéral à une durée de cinq ans renouvelable. Si le mandat du membre n'est pas renouvelé au terme des cinq ans, il faudrait lui dire pourquoi, et il faudrait lui donner la chance de faire valoir son point de vue sur les raisons pour lesquelles on ne renouvelle pas son mandat.
    Voilà, grosso modo, la procédure que nous proposons.
    Je vais laisser la parole.
(2020)
    Je veux seulement terminer avec les demandes pour considérations humanitaires, parce que c'est un point important.
    L'interdiction d'un an visant les demandes fondées sur des motifs humanitaires est une préoccupation du Barreau. Le Barreau souhaite rappeler que les motifs humanitaires existent pour pallier des situations non prévues par la loi. On est d'avis que la demande pour considérations humanitaires est un recours nécessaire pour examiner les questions de droits humains, dont l'intérêt supérieur de l'enfant et les risques potentiels pour les personnes. Le Barreau du Québec se réjouit du projet de loi, et insiste pour qu'il y ait des modifications importantes.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Nous allons maintenant nous rendre à Toronto, par la magie de la vidéoconférence. Nous allons entendre les représentantes de Parkdale Community Legal Services: Geraldine Sadoway et Rathika Vasavithasan.
    Bienvenue à toutes les deux.
    Merci. Je m'appelle Geraldine Sadoway et je suis accompagnée de Rathika Vasavithasan.
    Je suis avocate à l'emploi de Parkdale Community Legal Services. Notre clinique a produit au fil des 40 dernières années à Toronto quelques-uns des plus grands noms en matière de droit de l'immigration et de statut des réfugiés. Je vous dirais notamment que James Hathaway a été l'un des étudiants à notre emploi.
    Rathika est elle-même étudiante en droit, mais avait travaillé auparavant auprès de communautés d'immigrants. Elle représente en outre la communauté tamoule qui a été déplacée. Sa famille a participé au programme de réfugiés sélectionnés par le gouvernement et elle fait partie d'une communauté dont bien des membres viennent au Canada pour revendiquer le statut de réfugié.
    Je représente le groupe de Parkdale, mais aussi les nombreux travailleurs des cliniques juridiques communautaires de l'Ontario et d'autres régions du pays qui s'emploient à aider les immigrants et les réfugiés parmi les plus vulnérables qui sont passés à travers les mailles du filet de notre système. Nous travaillons avec des gens qui souffrent souvent de traumatismes très importants; des gens qui ont des problèmes de santé mentale, des femmes, des enfants, des aînés; et des gens qui ont survécu à la torture et à d'autres formes de sévices aussi terribles que traumatisantes.
    Les étudiants en droit qui participent à notre programme nous arrivent souvent, comme Rathika, armés d'une très riche expérience de travail auprès des réfugiés et des immigrants.
    Nous intervenons aujourd'hui au sujet des modifications proposées à l'article 25 de la loi qui traite des considérations d'ordre humanitaire. Il s'agit des nouveaux paragraphes 25(1.1), 25(1.2) et 25(1.3) qui sont proposés. Nous croyons qu'on devrait simplement les retirer du projet de loi. Ces nouvelles dispositions sur les considérations d'ordre humanitaire auront des répercussions énormes sur les communautés que nous desservons.
    D'après ce qu'on y propose, une personne devra choisir entre une revendication du statut de réfugié et une demande pour des motifs humanitaires. Autrement dit, si vous revendiquez le statut de réfugié, vous ne pouvez pas déposer de demande pour considérations humanitaires tant que votre revendication n'est pas réglée, et en cas de rejet, pendant toute l'année qui suit.
    En outre, le paragraphe 25(1.3) proposé du projet de loi C-11 prévoit que si vous réussissez à présenter une demande pour considérations humanitaires un an après le rejet de votre revendication de statut de réfugié, vous ne pouvez invoquer aucun des risques soulevés aux fins de votre revendication du statut de réfugié pour étayer votre nouvelle demande. De plus, cette disposition empêche d'invoquer quelques difficultés ou facteurs de risque que ce soit au titre d'une demande pour considérations humanitaires si ces facteurs auraient pu servir de fondement à une revendication du statut de réfugié.
    Il faut remonter au moins aux années 1950 pour retrouver une contrainte de cette importance par rapport au pouvoir ministériel. Je me souviens d'avoir étudié la loi à cette époque, mais au fil des versions qui se sont succédé depuis, le ministre a toujours eu la possibilité de prendre en compte les motifs humanitaires. Voilà cependant que l'on veut maintenant exclure les facteurs qui auraient pu servir de base à une revendication du statut de réfugié.
    D'abord et avant tout, les modifications proposées ne permettent aucun gain d'efficience, car les demandes pour considérations humanitaires sont actuellement examinées dans le cadre d'un processus distinct. Elles sont traitées par les agents d'immigration, plutôt que par la Commission du statut de réfugié. La demande est présentée sur papier, et non pas en personne. Et le traitement d'une telle demande ne peut pas empêcher le renvoi de la personne. Il n'y a donc aucun avantage. On ne gagne rien en mettant à l'écart ce processus de demande pour considérations humanitaires.
    Si vous avez une demande pour considérations humanitaires en cours de traitement et qu'on vous refuse le statut de réfugié, vous pouvez tout de même être expulsé du Canada. Je le sais pour avoir eu à composer avec de tels dossiers en ma qualité d'avocate.
(2025)
    On peut bloquer un renvoi uniquement si l'agent d'immigration accepte de le reporter ou si un juge de la Cour fédérale reconnaît que la personne expulsée subirait des torts irréparables. Nous avons aussi traité des cas de cet ordre.
    Nous nous retrouvons à créer une situation extrêmement pénible pour la personne venue au Canada afin de fuir un problème dans son pays d'origine. Il devient très difficile de conseiller ces gens.
    Je vais demander à Rathika de présenter à la caméra un petit diagramme de Venn que nous avons préparé. Vous pouvez y voir une grande zone grise entre ce qui constitue une crainte fondée de persécution, le critère pour l'octroi du statut de réfugié, et ce qui ne satisfait pas à ce critère rigoureux, mais place tout de même la personne dans une situation extrêmement pénible. Le statut de réfugié procure donc une bien meilleure protection grâce au principe du non-refoulement. On ne peut renvoyer la personne dans le pays où elle craint d'être persécutée.
    Les réfugiés admis et les membres de leur famille ont droit à des exemptions relativement à des conditions qui les rendraient par ailleurs inadmissibles, notamment sur le plan financier et médical. Mais les facteurs qui guident la détermination du statut de réfugié ne sont pas parfaitement tranchés. Ce n'est pas tout blanc ou tout noir; il ne suffit pas simplement de décider si vous êtes un réfugié ou non. Il y a des décisions difficiles à prendre et de nombreux cas se retrouvent dans cette zone grise dont je vous parlais.
    Certains éléments peuvent mener à une décision favorable par l'un des membres de la commission, mais ne seront pas déterminants pour un de ses collègues, ce qui n'empêche pas de les considérer pour des motifs humanitaires. Nous avons vu de nombreux cas semblables. J'ai inclus dans notre mémoire des exemples de cas où la commission a déclaré à l'audience que la personne était effectivement victime de discrimination très grave et qu'elle avait eu à vivre une situation épouvantable, sans que cela ne soit suffisant pour lui accorder le statut de réfugié, mais que tous ces éléments pourraient facilement être mis en valeur dans le cadre d'une considération pour motifs humanitaires. Dans ces différents dossiers, nous avons présenté une demande pour considérations humanitaires après le rejet de la revendication, en citant l'opinion formulée par la commission.
    La commission n'a pas pouvoir décisionnel relativement à une demande présentée pour des considérations humanitaires. Elle ne peut pas simplement déclarer que faute de pouvoir accorder le statut de réfugié, elle va accepter la personne pour des motifs humanitaires. Mais l'agent d'immigration peut examiner les conclusions de la commission, constater que le requérant a été jugé crédible et accepter sa demande. Voilà que nous allons tout simplement éliminer cette possibilité. Nous allons établir que toutes ces personnes qui ont d'excellents éléments à faire valoir pour des motifs humanitaires devront simplement quitter le pays si on ne fait pas droit à leur revendication du statut de réfugié. Il ne sera plus possible de fonder la demande pour considérations humanitaires sur les éléments favorables relevés par la commission dans son étude du dossier.
(2030)
    Je vais devoir vous demander de conclure. Nous en sommes déjà à huit minutes.
    D'accord.
    Le délai d'une année peut également mettre la vie de certaines personnes en péril, car il peut se produire des changements pouvant constituer des motifs humanitaires, lesquels ne pourront plus être soulevés une fois la demande de statut de réfugié refusée.
    Nous avons eu l'exemple d'une femme qui a été plongée dans le coma. Elle était atteinte du diabète de type 1. Elle devait être expulsée vers l'Angola avec ses filles. Sa revendication a été rejetée. Selon ses médecins, elle n'aurait pas survécu trois semaines sans des injections quotidiennes d'insuline. Son dossier était facilement défendable pour des motifs humanitaires. Après le rejet de sa revendication du statut de réfugié, elle a été acceptée pour considérations humanitaires. Ses filles et elle-même sont maintenant des immigrantes reçues. Le nouveau régime proposé ne permettrait pas de telles choses.
    Merci beaucoup, madame Sadoway. Vous pourrez nous en dire davantage au cours de la période de questions et réponses.
    Merci.
    Nous passons maintenant à M. Michael Greene, qui nous parle depuis Calgary — ce qui explique le chandail. Nous vous écoutons.
    Ce qui explique effectivement le chandail. Je suis à Calgary et je suppose qu'il y a des gens de l'Ouest chez vous qui aimeraient bien encourager les Canucks ce soir, alors nous allons essayer de ne pas nous éterniser.
    Je m'appelle Michael Greene. Je suis avocat praticien en immigration à Calgary. J'exerce le droit depuis 1984 et le droit de l'immigration depuis 1987. Je travaille au sein d'une firme qui se consacre exclusivement au droit de l'immigration. Je ne m'occupe plus de cas de réfugiés — ce sont d'autres avocats de ma firme qui s'en chargent — mais j'ai appris à connaître ce système depuis ses tout débuts en 1989.
    Je suis membre actif de l'Association du Barreau canadien depuis 20 ans. J'en était le président national à l'époque où la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été élaborée, ce qui fait que j'en connais pas mal sur le processus législatif et son fonctionnement. J'ai en outre comparu à plusieurs reprises devant différents comités, dont celui-ci.
    On m'a demandé de vous faire part de mes points de vue à titre personnel, et c'est ce que je vais faire. Je ne représente donc aucune organisation, bien que mes préoccupations rejoignent celles exprimées devant vous par de nombreux groupes et individus.
    Le fonctionnement du système m'inquiète tout particulièrement. Je crois qu'il mine la confiance de la population envers l'ensemble des lois et des processus en matière d'immigration et de détermination du statut de réfugié. Les retards sont une véritable plaie. La lenteur du processus attire les demandeurs non légitimes qui réussissent parfois à prolonger leur séjour de plusieurs années, comme nous le savons tous. Pour leur part, les personnes présentant une demande à juste titre voient souvent leur situation déjà difficile se compliquer encore davantage du fait des retards dans le processus.
    Le volume élevé de demandes en provenance de certains pays, surtout quand les cas sont jugés moins probants que d'autres, entraîne l'imposition de visas. En fait, c'est ce qui arrive toutes les fois où le nombre de demandes est important. Cela rend la situation difficile pour certains pays, comme nous avons pu le constater avec le Mexique. C'est difficile également pour l'Union européenne. Il y a assurément des problèmes qui surviennent lorsque nous avons recours à la méthode des visas pour endiguer l'influx de demandes de détermination du statut de réfugié.
    Compte tenu de toutes ces préoccupations, les mesures proposées pour accélérer le processus sont certes les bienvenues. Je suis persuadé que la plupart des Canadiens appuient le ministre dans son intention déclarée de rationaliser le système ou de faire en sorte que nous puissions reconnaître les réfugiés légitimes et dissuader les gens qui présentent des demandes non fondées.
    Cela étant dit, je m'interroge beaucoup au sujet des solutions proposées. J'aimerais d'abord revenir sur le fait que bon nombre des mesures pouvant être prises pour accélérer le processus sortent du cadre législatif. Certaines de ces solutions ont été proposées dans le contexte de ce projet de loi et d'autres pourraient y être ajoutées. Une grande partie des retards dans le système sont attribuables aux ressources limitées à la disposition de CIC et de la CISR. Les ressources du ministère sont vraiment mises à rude épreuve. On n'arrive pas à traiter toutes les demandes pour considérations humanitaires et c'est la même chose pour les dossiers d'évaluation des risques avant renvoi. Dans ce dernier cas, il faut souvent attendre 18 mois ou même davantage avant même que l'évaluation ne puisse s'amorcer. Il faut ensuite beaucoup de temps avant qu'une décision ne soit rendue. Ce n'est pas que le traitement de la demande soit si long; c'est simplement qu'elle se retrouve coincée dans une file d'attente.
    Il en va de même des dossiers d'expulsion. Au fil des ans, je me suis fait des amis parmi les gens qui s'occupent de ces dossiers. Je sais qu'ils sont soumis à beaucoup de stress, car ils doivent établir des priorités et ne sont pas en mesure de s'acquitter de toutes les tâches qui leur incombent. Il arrive que ces dossiers d'expulsion traînent pendant des mois, voire des années, parce que des criminels sont en cause ou qu'il y a des priorités plus urgentes, entre autres raisons. Il serait donc formidable que l'on puisse injecter davantage de ressources dans le système, comme le ministre l'a proposé. Il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour ce faire.
    Il faut aussi dire que notre commission pourrait travailler de façon plus efficace. Pendant le mandat de Jean-Guy Fleury à la présidence, les délais de traitement pour les revendications du statut de réfugié ont été réduits à six mois grâce à de nouvelles procédures et à un effort concerté de la part de tous. Il a fallu que chacun se retrousse les manches et mette les bouchées doubles. Le système fonctionnait alors vraiment bien. Malheureusement, certaines nominations n'ont pas été renouvelées et de nouveaux titulaires n'ont pas été nommés à ces postes. Comme le volume des demandes demeurait élevé, les choses ont commencé à échapper à la maîtrise des responsables.
    La plupart des retards pourraient être éliminés si on s'assurait simplement de doter notre commission des ressources suffisantes et de faire la même chose pour les agences qui interviennent dans ces dossiers.
    Je ne vous ai pas dit que j'enseigne le droit de l'immigration à la Faculté de droit ici à Calgary. Nous parlons beaucoup des processus et de leur fonctionnement. Nous traitons également des garanties et des procédures de recours qui sont accessibles dans certains cas.
    Relativement à ce qui est proposé ici, je suis tout à fait favorable au processus de détermination en deux étapes que l'on veut instaurer. Il y a longtemps que l'on réclame un tel processus. Il n'y a pas vraiment de filet de sécurité efficace actuellement en cas de mauvaise décision, ce qui ne manque pas d'arriver, car l'erreur est humaine. Il arrive que des gens ne soient pas bien représentés. Différentes choses peuvent se produire. J'estime que le processus en deux étapes va considérablement rehausser la qualité des décisions prises.
(2035)
    Je suis en faveur des propositions du Barreau du Québec concernant les nominations politiques et non politiques, qui ont été un problème récurrent depuis la création de la CISR en 1989. On a fait de mauvaises nominations et on a pris de mauvaises décisions. Cela n'a aucune utilité; la qualité pourrait être améliorée.
    Le système à deux vitesses justifierait les restrictions dans l'ERAR, qui a été un processus d'appel très insatisfaisant. Avec un taux de succès d'environ 2 p. 100, l'ERAR est un immense gaspillage d'argent. Les fonds seraient bien mieux investis dans la SAR, où le processus d'appel est plus efficace. Je pense que le système à deux vitesses nous permettrait de justifier la décision de restreindre l'accès à l'ERAR. Par contre, je ne vois pas pourquoi on refuserait les motifs d'ordre humanitaire, ce dont je parlerai plus tard.
    L'idée de déterminer le temps de traitement des dossiers par une mesure législative est séduisante. De cette manière, peu importe le parti au pouvoir, le gouvernement doterait la commission des ressources adéquates pour s'en tenir aux délais prescrits. Le problème — et j'en viens à mes principales préoccupations concernant le projet de loi —, c'est que les délais proposés ne sont simplement pas réalistes. Les délais de huit et de soixante jours... Il est impossible de travailler dans ce contexte. Par exemple, les responsables de l'aide juridique prennent tellement de temps à nommer un conseiller que ces délais seraient pour ainsi dire écoulés avant qu'il rencontre le client.
    En droit civil et pénal, il serait impensable — absolument inacceptable — que le gouvernement impose un délai de 60 jours pour qu'une cause soit entendue. Néanmoins, on propose de le faire pour les gens menacés de torture, de persécution et peut-être même de mort. Même si les délais déterminés sont une bonne idée, ils doivent être modifiés. À mon avis, ils ne sont pas raisonnables. Tous les avocats du domaine à qui j'ai parlé l'ont dit. Même mon associé, un avocat qui a une grande expérience dans le domaine, dit qu'il ne voudrait pas pratiquer en pareilles circonstances, parce que cela ne serait qu'une apparence de justice.
    On est aussi préoccupés par la liste du ministre. Comme plusieurs groupes ont en déjà parlé, je ne vais pas trop insister, mais il y a danger de politiser le processus.
    Le ministre actuel a de bonnes intentions. Cela dit, c'était la même chose pour la ministre en poste lorsque la LIPR a été sanctionnée. Concernant deux ou trois dispositions, notamment celle sur le déni du droit d'appel aux personnes condamnées pour un crime, la ministre avait dit de ne pas s'en faire, car elle exercerait son pouvoir discrétionnaire pour qu'on prenne de bonnes décisions et qu'on laisse les gens rester ici lorsque leur situation le justifie. Quoi qu'il en soit, elle n'est pas restée ministre très longtemps. On a pu constater que toute une série de ministres n'ont pas vraiment exercé ce pouvoir.
    Je n'aime pas qu'on donne autant de pouvoir aux ministres et je crois qu'il devrait y avoir des critères si on établit une liste. On devrait également examiner attentivement les conséquences. À mon avis, l'effet serait bien plus positif dans le cas des demandes de gens provenant de pays sûrs et il entraînerait un processus vraiment plus rapide. Cela découragerait ceux qui présentent une demande non fondée. Ces personnes sauraient qu'on les renverrait assez vite, qu'elles ne pourraient pas s'éterniser ici et abuser du système.
    En revanche, je m'oppose fortement à la restriction de l'accès aux contrepoids qui existent dans le processus d'appel pour motifs d'ordre humanitaire. Ces motifs — je ne suis pas le premier à le dire — sont essentiels au fonctionnement du système. Souvent, nous devons composer avec des règles arbitraires ou rigides et contraignantes pour déterminer dans quelle catégorie tombe la personne concernée. Ce sont les motifs d'ordre humanitaire qui permettent aux gens qui ont de bonnes raisons de présenter une demande de rester ici, même s'ils ne répondent pas tout à fait aux exigeants critères d'acceptation. Cette particularité majeure de notre système existe depuis que je m'intéresse au domaine — voire même depuis plus longtemps, je crois. N'oublions pas que j'enseigne l'histoire de l'immigration. Je serais très déçu qu'on minimise ici ces motifs, qui sont une partie fondamentale de notre système.
    Il est tentant de...
(2040)
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Greene.
    Vous aurez l'occasion de donner plus de détails durant la période de questions et réponses.
    Chaque membre dispose de sept minutes. Commençons par un ancien ministre, M. Coderre.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais commencer par poser une très courte question. Je sais que c'est parfois difficile de ne pas répondre par oui ou non, mais vous verrez où je m'en vais.
    Ma question s'adresse à Me Dagenais et à Me Houle. Dans sa forme actuelle, avez-vous l'impression que ce projet de loi ne passerait pas le test des tribunaux, en ce qui concerne la Charte canadienne des droits et libertés? Oui ou non?
    Il y a des problèmes importants, concernant l'article 7 et la protection de la justice fondamentale. C'est clair qu'il y a des problèmes sur cet aspect. Est-ce que ça passerait le test des tribunaux ou non? C'est une autre question. Cela dit, des problèmes peuvent certainement être soulevés.
    Maintenant, souvent, on va comparer ce système avec celui de l'Australie, par exemple. Cependant, il ne faut pas oublier qu'en Australie, il n'y a pas de Charte canadienne des droits et liberté. Ça fait une grosse différence.
(2045)

[Traduction]

    Monsieur Greene, croyez-vous que le projet de loi dans sa version actuelle serait accepté par les tribunaux?
    Monsieur, je partage les préoccupations de l'Association du Barreau. J'ai lu le résumé dans lequel les gens de l'association expriment leurs grandes préoccupations. Selon eux, si le projet de loi était adopté, il entraînerait à tout le moins un grand nombre de procès. À la lumière de la décision Singh, qui a mené à la création du système actuel, on est en droit de se demander si le projet de loi satisferait aux critères de cette décision. On invoquerait la charte des droits.
    Madame Sadoway.
    Je suis d'accord. Je pense que la charte serait invoquée systématiquement.

[Français]

    On a négocié une entente de tiers pays sûrs, dans le cadre d'un processus sous le régime des Nations Unies. Maintenant, on parle de pays désignés, ce qui est totalement autre chose. N'avez-vous pas l'impression que le fait de parler maintenant de pays désignés vient enlever la valeur même du système d'immigration et de réfugiés, en ce sens que chaque cas est spécifique?
    Je m'adresse à Me Houle et Me Dagenais.
    On parle maintenant de désignation du pays d'origine, plutôt que de pays d'origine sûrs. C'est quand même là une indication et ça laisse beaucoup de discrétion. Il fallait déjà réformer le libellé proprement dit.
    Personnellement, je suis totalement contre l'idée de pays d'origine. D'affirmer d'emblée que tout est correct dans tel pays, quand on sait pertinemment que, chaque cas étant spécifique, il y a des réalités de violence sexuelle ou envers les homosexuels dans certains pays... Il y a une foule d'exemples comme ça. Voilà donc pourquoi c'est important que chaque cas soit spécifique.
    C'est le problème, en fait.
    Par pays d'origine, on ne spécifie pas de quoi on parle au juste. La loi, en elle-même, pose des problèmes d'arbitraire. De plus, les critères seront posés dans les règlements, alors que, depuis 20 ans, il y a une politique législative, notamment au gouvernement fédéral, faisant en sorte que les critères enlevant des droits à des personnes sont dans la loi et non pas dans les règlements.
    Par ailleurs, j'aimerais seulement prendre deux secondes pour dire que le processus de formation d'un règlement en droit canadien fait en sorte que, maintenant, il y a un peu de consultation possible, notamment par la directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation. Toutefois, dès qu'il y a une modification à un règlement, la consultation devient de moins en moins importante.
     Donc, finalement, le gouvernement pourrait faire un beau règlement pour plaire à tout le monde, au départ, et, petit à petit, enlever des éléments importants du règlement. Cela pose problème. Seulement sur le plan de la politique législative, les critères devraient être dans la loi; et le processus, dans les règlements.
    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Parlons un peu de justice administrative. Pour vous, il n'y avait pas de système avant. Quand on nommait des commissaires, il y avait des examens. C'était ouvert à tout le monde. Une liste était faite à partir de ceux qui réussissaient l'examen et il y avait une nomination par le gouverneur en conseil. Pensez-vous qu'on devrait aller beaucoup plus loin que ça?
    [Note de la rédaction: inaudible] la loi, maintenant. Là, c'est purement administratif. Donc, le gouvernement peut changer ça, selon son bon vouloir, du jour au lendemain. D'ailleurs, c'est ce qu'on a vu, à partir du passage de M. Fleury à l'actuel président de la CISR, dont je ne me souviens plus du nom.
    Cependant, vous êtes favorable à ce qu'on ait, par exemple, des fonctionnaires en première instance, comme des super agents qui auraient cette formation, et qu'il y ait par la suite la Commission de l'immigration et du statut de réfugié comme deuxième instance, ce qui serait l'instance d'appel. Vous êtes favorable à ça.
    Ce que je comprends, c'est que les fonctionnaires font partie de la commission, ce qui est la première instance au sein de la commission. Ensuite, il y a un appel, toujours au sein de la commission.
    Toutefois, les processus de nomination des fonctionnaires en première instance et à la section d'appel sont différents. Les fonctionnaires sont nommés selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et les membres de la section d'appel le sont par le Cabinet. Donc, la procédure que je proposais plus tôt s'appliquerait à la section d'appel. Pour ce qui est des fonctionnaires, ils sont nommés selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
    Je pense qu'il y a un problème. Le professeur Peter Showler, ancien président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, a beaucoup étudié cette question et il a peut-être raison là-dessus.
    Ne pensez-vous pas qu'il faudrait un modèle hybride, ou unique, à cause de l'importance de ce genre d'encadrement? Ce devrait peut-être être à part, mais soumis à la loi. Il faudrait un processus de nomination, avec avis public, mais qui serait vraiment à part. Si on passait par la Commission de la fonction publique, ça ne garantirait pas nécessairement, à tous points de vue, que ces personnes seraient nécessairement les meilleures.
(2050)
    Sur le plan structurel, on veut former une créature un peu bizarre. À ma connaissance, mis à part la section de l'immigration, il n'existe pas beaucoup de modèles comme celui-là. On nomme des fonctionnaires qu'on dit être indépendants et impartiaux, mais ce sont tout de même des fonctionnaires. Ils font donc quand même partie de la machine bureaucratique, puisqu'ils sont nommés et sont là pour servir le gouvernement. C'est ce que veut dire être un fonctionnaire. Il y a donc un problème sur ce plan. Le statut de ces personnes n'est pas clair. Ça fonctionne à la section de l'immigration, dans la mesure où ces fonctionnaires travaillent sur des questions de détention, en majorité. Le lien entre le gouvernement et la détention est important. Quand il est question des réfugiés, un problème important se pose, parce que toute la question de la justice, de l'équité se pose en termes forts en vertu de l'arrêt Singh.
     Monsieur St-Cyr, vous avez la parole.
    Je vous remercie de votre présence. Cela me fait plaisir d'avoir eu la chance d'entendre un peu de français en fin de soirée. Ça me tient réveillé et en forme.
    Vous avez parlé de l'aspect réglementaire de la désignation. Vous pouvez peut-être nous guider relativement à l'article 12, qui introduit le nouvel article 109.1. Celui-ci se lit comme suit:
109.1 (1) Le ministre peut désigner par arrêté, pour l’application du paragraphe (3), tout ou partie d’un pays, ou toute catégorie de ses ressortissants, qui, selon lui, satisfait aux critères prévus par les règlements.
    Par la suite, — et c'est là que je voudrais que vous nous éclairiez —, il est écrit:
(2) Les arrêtés ne sont pas des textes réglementaires au sens de la Loi sur les textes réglementaires, mais sont publiés dans la Gazette du Canada.
    Pouvez-vous éclairer le comité sur ce que veut dire cet article?
    Oui, ça veut dire que les textes ne sont pas soumis au processus réglementaire prévu par la Loi sur les textes réglementaires. Il n'y a donc pas de projet de règlement qui va passer par la question de la consultation. La consultation est prévue par directive. Néanmoins, ça fait maintenant partie du processus réglementaire. Ensuite, il y a des publications dans la Gazette du Canada.
     Il y a donc un processus qui doit être suivi en vertu de la Loi sur les textes réglementaires qui ne s'appliquera pas pour ces arrêtés. Le gouvernement peut tout simplement désigner un pays sans qu'il y ait aucune procédure à suivre à proprement parler, sinon que de soumettre les noms au Cabinet pour approbation, c'est tout.
    On pourrait donc faire un peu comme lors de l'imposition de visas en plein été, comme ça. Le Parlement ne siège pas, on se réunit une fin de semaine, on fait adopter ça et il n'y a pas de mesure supplémentaire.
    C'est exact.
    C'est bien.
    Lors de votre présentation, vous avez aussi parlé longuement de la question de la nomination des commissaires. Vous nous avez proposé un modèle, si j'ai bien compris, qui était calqué sur ce qui se fait dans les tribunaux administratifs au Québec. On parle de trois membres, un représentant du gouvernement, un représentant de la Commission, dans ce cas-ci, et un avocat de la province touchée. C'est comme cela dans les tribunaux administratifs du Québec.
     Est-ce aussi cette méthode qui est utilisée dans les tribunaux supérieurs, qui font présentement l'objet des discussions, comme la Commission Bastarache, ou s'agit-il d'un autre mécanisme?
    Ce sont deux mécanismes distincts, mais ils se ressemblent beaucoup. La Commission Bastarache, notamment, étudie le mode de nomination des juges de la Cour du Québec. Ce processus ressemble beaucoup au processus de nomination des membres du TAQ, le Tribunal administratif du Québec, qui est aussi sous la lorgnette du juge Bastarache. Oui, les processus se ressemblent beaucoup.
    Finalement, ce processus ne va pas nécessairement rassurer beaucoup la population. En effet, tant qu'un politicien quelque part fait une nomination, il y a toujours une crainte, ou une possibilité de partisanerie. Enfin, je ne vous ferai pas vous prononcer là-dessus.
    Non, mais je tiens à dire quelque chose. Ce qui est important, c'est la compétence des personnes. Cela dit, éviter toute question politique est proprement impossible.
    Il y a là une question d'éducation du public qui doit se faire. C'est le gouvernement qui décide qui va être nommé et, dans le choix..., si on dit choix, c'est qu'il y a une, deux ou trois personnes possibles. Le critère qui sera utilisé à la fin de la course pour déterminer qui doit être choisi devrait être la compétence d'abord et avant tout.
(2055)
    J'aimerais proposer aussi qu'au moins 50 p. 100 des commissaires soient des avocats membres d'un Barreau depuis au moins 10 ans.
    Tout ça touche la partie des commissaires.
    En ce qui concerne les fonctionnaires qui vont être à la première instance, plus tôt aujourd'hui, on a suggéré qu'il y ait un mode de nomination qui ressemble un peu à celui qu'utilise le Directeur général des élections pour nommer les directeurs du scrutin. Il peut donc aller directement dans le grand public, en court-circuitant un peu la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, pour vraiment aller chercher les personnes qu'il juge les plus appropriées.
    Que pensez-vous de cette proposition?
    C'est une possibilité, mais ce mode de nomination existe uniquement pour les organismes qu'on appelle de surveillance des activités d'administration, comme le vérificateur général, le directeur général des élections, la commissaire à la protection de la vie privée, etc.
    On octroie une indépendance à ce niveau, ce qui permet d'aller chercher les personnes les plus compétentes possibles. Cela réglera-t-il véritablement le problème de nomination des fonctionnaires ou veut-on avoir des personnes qui seront nommées quand même par le Cabinet pour un mandat qui sera renouvelable? Ce sont des options, mais en fait, le problème...
    C'est dans l'hypothèse où on garde les fonctionnaires en première instance. Comment les sélectionne-t-on? Actuellement, la loi dit juste qu'on va y aller en fonction de la Loi sur la fonction publique. Si on ne veut pas ça, il faudra soit s'inspirer de quelque chose qui existe ou le faire au complet.
    Que suggérez-vous? De quoi devrait-on s'inspirer? Comment fait-on ça, à titre de comité?
    C'est une option, en effet, d'aller chercher ce modèle. Mais ça implique aussi probablement toute une restructuration des budgets, la façon dont on organise les budgets. Je ne peux pas me prononcer, mais c'est certainement une façon. Quelles sont les implications de ça sur le plan budgétaire? Je ne le sais pas.
    Par ailleurs, concernant les pays désignés, je pense que vous êtes plutôt défavorable à ce principe. Plus tôt aujourd'hui, on a suggéré, en abandonnant le concept de pays désignés, qu'à tout le moins, on permette à l'Agence des services frontaliers du Canada d'identifier un certain nombre de cas qu'elle juge plus douteux et qu'elle demande à la CISR de traiter en priorité, plus rapidement, ces dossiers. Donc, on passerait quand même toutes les étapes, on les ferait toutes, mais peut-être sans respecter le principe du premier arrivé premier servi. Ça nous permettrait de répondre à des situations éventuellement problématiques où il y a en provenance d'une région un nombre de cas importants qui semblent problématiques.
    Pensez-vous que ça pourrait être une voie qui permettrait...
    Merci, monsieur St-Cyr.
    Non, parce que la CISR est un tribunal indépendant. Donc, si on dit une autre agence gouvernementale... L'Agence des services frontaliers du Canada est une agence gouvernementale qui fait partie du gouvernement central. De dire à la CISR comment elle doit se comporter dans des cas particuliers, ça ne fonctionne plus. La CISR ne serait alors plus indépendante.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur St-Cyr.
    Madame Chow.
    J'ai une question pour les gens du cabinet d'avocats Parkdale. Nous avons parlé de l'importance qu'ont les motifs d'ordre humanitaire. La mesure législative proposée amènerait les gens à passer soit par le processus des réfugiés, dans lequel on refuserait les motifs d'ordre humanitaire... À leur arrivée au pays, bien des gens ne savent pas... Disons que des personnes arrivent du Mexique ou d'un autre pays et qu'ils ont été victimes d'abus ou de violence familiale. Pouvez-vous dire pourquoi il y a parfois du flou dans le processus et pourquoi on devrait vraiment tenir compte des motifs d'ordre humanitaire, alors qu'on déporte encore des personnes dont la demande est en traitement pour de tels motifs? Cela n'a absolument rien à voir avec l'arriéré. Pourquoi les considérations humanitaires sont-elles importantes?
    Tout simplement parce que la situation des réfugiés comporte des zones grises. On laisse entendre que les personnes à qui on refuse le statut de réfugié sont en quelque sorte des tricheurs, des menteurs ou des fraudeurs. Ce n'est pas le cas. En fait, bien des gens qui ne reçoivent pas le statut ont de très bons motifs. Ils ont beaucoup souffert et ils ont de très bonnes raisons de devenir réfugiés. Un membre de la commission pourrait dire qu'une personne doit obtenir le statut de réfugié compte tenu de toutes ses souffrances. Toutefois, un autre pourrait rétorquer qu'elle ne répond pas au critère de la crainte fondée, mais elle y aurait satisfait dans la version qui a longtemps prévalu pour les cas qui comportent des raisons humanitaires. Selon cette version, renvoyer quelqu'un dans son pays amènerait l'intéressé ou son enfant à subir un préjudice excessif.
    Le ministre pénalise les personnes qui revendiquent le statut de réfugié quand il invalide les motifs de préjudice et de risque excessif et dit qu'il faut attendre un an avant de pouvoir remplir une demande après avoir essuyé un refus. En effet, il précise que la personne à qui on a refusé le statut de réfugié ne peut même pas invoquer des motifs d'ordre humanitaire.
    Nous avons travaillé à quantité de demandes qui tombent bel et bien dans la catégorie des motifs d'ordre humanitaire, même si elles sont été refusées.
(2100)
    Vous avez réussi à convaincre...
    Oui, 90 p. 100 des demandes de statut de réfugié refusées dont le cabinet s'est occupé ces 13 dernières années ont finalement été acceptées, ce qui...
    Quel est le contexte de ces revendications?
    En fait, les revendications ne sont pas si nombreuses — j'aimerais vous montrer un autre graphique à ce sujet. On ne parle pas d'une grande quantité de demandes. Voici les plus récentes données sur les demandes pour des considérations humanitaires. Voyez-vous le plus petit diagramme à secteurs, en vert?
    Nous n'aurons pas le temps de regarder ces données. J'ai seulement quelques minutes. Au lieu de montrer un graphique que nous ne pouvons pas voir, pourriez-vous...?
    Bien entendu. Cette information se trouve dans les documents écrits.
    En 2008, 4,3 p. 100 des demandes de tous nos grands programmes d'immigration ont été acceptées en se fondant sur des motifs d'ordre humanitaire, ce qui est très peu.
    Je n'ai que quelques minutes.
    Pour le peu de temps qu'il me reste, pouvez-vous dire pourquoi on ne peut pas, en vertu de l'article 96, semble-t-il, décrire les sévices qu'on a subis si on présente une demande pour des raisons d'ordre humanitaire. L'objet de cet article est étrange parce qu'on devrait pouvoir invoquer des motifs d'ordre humanitaire si on a été victime d'abus, de violence familiale, de torture en raison d'un mariage arrangé notamment. L'article en question dit qu'on ne peut pas prendre ces motifs en considération. J'imagine que c'est un problème.
    En effet.
    Des 3 p. 100 de demandes acceptées, pouvez-vous juste nous donner un exemple concret? Décrivez-nous les événements. Qui sont ceux que nous pourrions finir par exclure?
    D'accord, je vais vous donner un exemple.
    La commission trouvait qu'une Rom de Hongrie était tout à fait honnête. Elle avait été battue à maintes reprises par des skinheads, ce qui est horrible. Elle avait été voir la police, mais elle n'avait jamais reçu de protection. Elle est finalement venue au Canada.
    La commission estimait qu'elle disait la vérité, qu'elle avait vécu une expérience terrible et qu'elle ne devait pas retourner en Hongrie. Cependant, un membre de la commission lui a dit que sa demande était très crédible, qu'elle semblait en effet craindre de subir une importante discrimination en retournant dans son pays, mais qu'elle ne pouvait être acceptée à titre de réfugiée en danger de persécution. Un autre membre de la commission aurait peut-être pris une décision différente, mais ce responsable a dit que la discrimination que cette personne subissait n'était pas suffisante pour être considérée comme de la persécution, même si la demande de statut de réfugié était crédible.
    Voilà une revendication dont nous nous sommes occupés. Cette personne faisait des merveilles pour sa communauté. Elle a notamment mis sur pied le centre des Roms de Hongrie, à Toronto.
    A-t-on accepté...?
    Sa demande a été acceptée pour des motifs d'ordre humanitaire. Cette femme est maintenant résidente permanente.
(2105)
    Je vous remercie.
    Monsieur Greene, êtes-vous d'accord avec l'avocate de l'aide juridique au cabinet Parkdale?
    Ce qui me préoccupe, c'est qu'on regarde souvent l'ensemble des circonstances pour les demandes qui comportent des raisons d'ordre humanitaire. On examine le risque de préjudice. Les gens s'entendent maintenant pour dire que les demandes de statut de réfugié pour des motifs d'ordre humanitaire sont fondées là-dessus. Les responsables sont tenus de considérer ce risque. Le préjudice doit être excessif et injustifié si la personne retournait dans son pays.
    Les responsables se penchent aussi sur la situation du demandeur au Canada et la solidité de ses liens familiaux. Ils prennent en considération ce que la personne fait pour la collectivité, si elle crée de l'emploi, etc. On étudie l'ensemble des circonstances.
    Si on dit aux chargés de l'examen des demandes de ne pas considérer l'élément de préjudice ou de risque, on leur laisse beaucoup moins de marge de manoeuvre. Je crois que ce serait là une décision irréaliste, arbitraire et inutile.
    Je suis favorable à ce qu'essaie de faire le ministre. On essaie d'empêcher les gens de présenter une demande sans cesse. Actuellement, il est possible de se voir refuser une demande fondée sur le risque et de la présenter à trois autres organes. Bien souvent, les gens ont plus d'une raison de présenter une demande. Je ne crois pas qu'on devrait limiter la complexité des dossiers.
    Effectivement. De toute façon, cela ne réduit pas vraiment le délai.
    Je vous remercie.
    Passons à M. Young.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Greene, merci de vos remarques sur les temps d'attente. Plusieurs témoins nous ont dit que les délais n'étaient pas raisonnables. Nous avons maintenant une bonne idée de la situation, je crois.
    J'ai une question à vous poser. Sachant qu'on a mis en place une nouvelle Section d'appel des réfugiés et que l'accès à la Cour fédérale est maintenu, croyez-vous qu'il est raisonnable de restreindre l'accès à d'autres mécanismes de recours pour allouer une brève période au cours de laquelle il est possible d'expulser un revendicateur dont la demande a été rejetée?
    Comme je l'ai dit plus tôt, je crois qu'avoir en place un mécanisme efficace de deuxième instance, comme la Section d'appel des réfugiés, permet de dissiper les inquiétudes que l'on pouvait avoir. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'examen des risques avant renvoi (ERAR) existe. Il est censé permettre d'attraper les erreurs qui ont pu être commises au premier niveau, et un outil est offert à cette fin.
    Je suis contre l'idée d'abolir les demandes pour motifs humanitaires pour les raisons qu'a invoquées mon collègue. Il faut se rappeler que les demandes pour motifs humanitaires ne permettent pas de reporter le renvoi. Il est possible de présenter une demande de séjour, mais rien ne garantit qu'elle sera acceptée, et le taux d'acceptation n'est pas très élevé en fait.
    Je ne vois pas de problème à restreindre l'accès à l'ERAR, et je sais que bon nombre de mes collègues ne s'y opposeraient pas non plus, mais je pense que l'existence de la SAR est justifiée. À mon avis, il ne faut pas toucher aux demandes pour motifs humanitaires. Il ne faudrait pas restreindre l'accès à ce mécanisme.
    Merci.
    Pouvez-vous nous dire, je vous prie, comment les mesures proposées pourraient améliorer le régime actuel de l'asile?
    Le régime actuel de l'asile prévoit une seule détermination. Il s'agit de croiser les doigts en souhaitant que le représentant de la Commission s'est levé du bon pied ce matin-là. J'aimerais pouvoir dire qu'ils sont tous extrêmement compétents, mais ce n'est franchement pas le cas.
    Par la suite, si la demande a été rejetée, le revendicateur peut errer dans le système pendant des années avant d'être finalement accepté. On sait que la plupart de ces demandes seront rejetées. Beaucoup de ces personnes le savent, mais elles tentent tout de même leur chance. Elles ne peuvent rendre visite à leur famille. Elles mènent une existence incertaine. Parfois, elles réussissent à avoir ce qu'elles veulent, mais pas toujours.
    Ce n'est pas un régime très efficace, car il peut parfois attirer des demandes peu méritoires. La façon dont notre régime fonctionne en ce moment peut poser certains problèmes.
    Merci.
    Pouvez-vous m'en dire plus à ce sujet? Comment ces réformes vont-elles permettre de décourager les cas flagrants d'abus?
    J'aimerais revenir sur ce que j'ai dit plus tôt, car je ne voudrais pas trop insister sur la question. Les réformes vont contribuer à mettre en place un système qui dispose des ressources adéquates, et c'est d'ailleurs ce qui faisait défaut à notre processus.
    Pour des raisons économiques évidentes, de nombreux secteurs ont subi des compressions. L'ASFC et CIC disposent de trop peu de ressources. Je pense que si on s'efforce de conserver les ressources d'exécution et les processus de détermination, le système s'en portera mieux.
    Je le répète, je ne suis pas contre l'imposition de délais, à condition qu'ils soient raisonnables. Le terme « raisonnable » ne figure pas dans la proposition. Je pense que si vous pouviez obtenir cela, les choses iraient mieux.
    Qu'en est-il de la politique sur les pays d'origine sûrs? Est-ce qu'elle aiderait à prévenir les abus?
    Dans sa forme actuelle, elle est carrément inquiétante selon moi. Je suis désolé.
    Nous n'avons pas un mot à dire sur la liste, à savoir quels pays vont y figurer ou non, et nous ne savons pas s'il s'agira d'un processus politique. N'importe quel gouvernement pourrait prendre ces décisions. Qui sait avec quoi nous allons nous retrouver? Je n'aime pas beaucoup cette idée.
(2110)
    Avez-vous des améliorations à nous suggérer?
    Ce que je proposerais, c'est que s'il faut utiliser une liste de pays d'origine sûrs, je l'utiliserais pour traiter en priorité les demandes provenant de ces pays, en raison des doutes qui y sont rattachés. Une telle liste ne devrait pas servir à priver tous les citoyens de ces pays de leurs droits d'appel. Ma suggestion ne fera sans doute pas l'unanimité, mais je pense que ce serait un moyen d'atténuer les conséquences associées au fait d'être citoyen d'un pays listé. Mais la proposition actuelle, qui ne prévoit aucune mesure de protection entourant la façon dont on détermine les pays qui devront figurer sur cette liste, s'avère très problématique. Ce n'est pas une proposition sécuritaire.
    Quelqu'un d'autre veut poser une question?
    Madame Wong.
    Comme je l'ai dit au groupe de témoins précédent, je crois qu'en ce qui a trait la liste des pays d'origine sûrs en Angleterre, certaines régions, ou certaines populations peuvent en toute légitimité réclamer le statut de réfugié. Par exemple, pour ce qui est du Ghana, les femmes peuvent réclamer le statut de réfugié, mais pas les hommes.
    Pensez-vous que cette solution pourrait remédier à une partie du problème?
    À qui s'adresse cette question?
    À vous, monsieur Greene. Je vous en prie.
    En fait, ce genre de problème doit être réglé par la façon dont la réglementation est formulée. Ce qui est problématique ici, et Mme Houle en a parlé, c'est que vous avez une disposition qui priverait des gens de leurs droits, sans être régie par une loi, il s'agirait plutôt d'un processus ministériel. C'est ce qui pose problème.
    J'imagine qu'avec certaines mesures de protection, si des restrictions appropriées étaient établies pour encadrer la façon dont on décide des pays à inscrire sur la liste ou pour guider les processus de détermination, oui, ce pourrait être une solution. Car il est en effet possible que les populations homosexuelles d'un pays autrement sûr soient des populations à risque, par exemple.
    C'est une question à laquelle il faut réfléchir longuement. Je ne pense pas qu'il faille reléguer le tout à la réglementation, honnêtement. Je crois que votre comité devrait se pencher sur le type de restrictions à imposer. Si on décide d'adopter une liste de pays d'origine sûrs, il faut se demander quelles restrictions nous pouvons établir pour éviter que des décisions politiques ou arbitraires ne soient prises dans le cadre de ce processus.
    J'aimerais poser une question au groupe Parkdale. Nous avons beaucoup parlé ce soir de la question des pays d'origine sûrs. Je ne suis pas sûr d'avoir compris si, selon vous, la demande d'un réfugié potentiel serait automatiquement refusée dès le départ s'il provenait d'un pays sûr.
    Vous parlez d'une demande du statut de réfugié ou d'une demande pour des motifs humanitaires? À ce qu'il paraît, rien n'empêche un citoyen d'un pays sûr de présenter une demande pour des motifs humanitaires. Ces demandes s'appuient sur toutes sortes de situations qui n'ont rien à voir avec...
    Je parle précisément de la demande originale présentée par un réfugié potentiel. Selon les dispositions de la nouvelle loi, pensez-vous que les demandes pourraient être automatiquement rejetées si...
    S'il s'agit d'une demande du statut de réfugié, oui, elle serait rejetée si le revendicateur provient d'un pays qu'on juge sûr, et il n'aurait pas accès au processus de demande pour des motifs humanitaires.
    Pourquoi dites-vous cela? La grande idée derrière tout cela, c'est que tout le monde sans exception ait la possibilité de présenter une demande, peu importe le pays d'origine, initialement, de façon à ce que les revendicateurs puissent être entendus.
    C'est la procédure actuelle.
    Vous avez cité quelques excellents exemples d'exceptions à la règle, alors j'essaie tout simplement de comprendre. Vous pensez qu'il pourrait y avoir des exceptions dans certaines régions, mais vous êtes persuadée qu'aucun revendicateur provenant d'un pays sûr ne pourrait voir sa demande initiale du statut de réfugié acceptée?
    Je ne serais pas du toute prête à dire cela. Premièrement, je ne sais pas quels pays vont figurer sur la liste des pays sûrs. Personne ne le sait. Je sais, par exemple, que si le Mexique devait être parmi du nombre, beaucoup de gens devraient pouvoir obtenir le statut de réfugié en raison de la situation actuelle en matière de droits de la personne...
(2115)
    Désolé de vous interrompre, mais pouvez-vous nous dire sur quoi vous vous basiez pour dire que la politique sur les pays d'origine sûrs n'était pas une bonne idée?
     J'ai de grandes réserves à l'égard de cette politique, car nous ne savons pas qui va prendre ces décisions, ni quels critères serviront à prendre ces décisions.
    Nous devons donc définir les critères de sélection et déterminer qui devrait...
    Il n'y a pas que cela. Cette politique va totalement à l'encontre du grand principe derrière la convention des Nations Unies sur la protection des réfugiés. Nous sommes censés faire cette détermination au cas par cas, selon l'expérience de la personne concernée. Même des gens en provenance de pays très développés ont vécu des choses qui justifieraient qu'on leur accorde le statut de réfugié. La politique s'oppose donc totalement à ce grand principe.
    Vous reconnaissez ainsi que c'est possible, mais que ce n'est tout simplement pas pratique.
    Je ne crois pas que ce soit pratique. Je ne pense pas non plus que cela va permettre d'accélérer les processus ni de désengorger le système, parce que ce sera certainement difficile à appliquer. On viendrait politiser à l'extrême le processus de traitement des cas de réfugié. Je ne comprends pas pourquoi un gouvernement, quel qu'il soit, voudrait prendre ce genre de décisions, quand on essaie d'établir de bonnes relations commerciales avec la Chine. Vous savez quoi? La Chine...
    D'accord, merci. Je comprends. Vous n'êtes pas en faveur de notre proposition. Merci.
    Au nom du comité, je tiens à remercier nos témoins. Vous nous avez certainement donné matière à réflexion. Il est évident que certains points ressortent de nos audiences, et nous allons accorder à ces questions toute l'attention qu'elles méritent. Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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