Nous sommes le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration et nous sommes ici réunis le jeudi 13 mai 2010, pour notre 16e séance. L'ordre du jour prévoit que, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 29 avril 2010, nous examinions le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales.
Pendant la première heure aujourd'hui, nous allons nous entretenir avec des représentantes du Centre des femmes de Verdun, Annie Kouamy, intervenante communautaire, et Alein Ortégon, intervenante communautaire. Comparaît également, depuis Vancouver, Richard Kurland, avocat.
Bonjour à tous.
Mesdames les représentantes du Centre des femmes de Verdun, vous disposez à vous deux de 10 minutes. Vous pouvez commencer.
Bienvenue au comité.
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Merci, monsieur le président.
Le projet de loi nous inquiète pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'instauration d'une liste de pays sûrs crée deux catégories de réfugiés. Une telle liste discrimine les femmes car elle ne tient pas compte de leur condition féminine. De plus, cela entraverait l'accès à une audience équitable et indépendante et ne prendrait pas en compte l'instauration de lois dans des pays dits sûrs où la mentalité n'évolue pas aussi rapidement que la législation.
Le court délai pour avoir une audience ne permettrait pas aux femmes de réunir assez rapidement les preuves dont elles ont besoin pour avoir une audience équitable, d'autant plus que certaines d'entre elles parlent une langue qui n'est ni le français ni l'anglais. Aussi, certaines femmes arrivent ici dans un état psychologique lamentable et ont besoin d'un suivi psychologique afin d'entamer un processus de dévictimisation. Ce court délai exercerait donc une pression supplémentaire sur elles.
À notre sens, le projet de loi favoriserait une déshumanisation du processus de demande d'asile et ferait du Canada une sorte de complice de pays où l'on inflige des traitements injustes à des femmes, notamment des lesbiennes. Ces pays ont adopté certaines lois pour faire plaisir, d'une certaine façon, à la communauté internationale.
Je vais donner la parole à ma collègue, qui va vous dire les changements que souhaite le centre des femmes.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais, en gros, vous entretenir aujourd'hui de deux questions. Premièrement, je ne pense pas que le projet de loi aille suffisamment loin. Permettez que je m'explique. Notre système visant les réfugiés est axé sur leur protection. Une protection conférée par un État, pour être adéquate, doit inclure un examen de la question de savoir si la protection est aisément disponible et véritablement accessible lorsque le pays où il est allégué qu'il y a persécution appartient à un groupe d'États qui assure une mobilité rapide et facile à la personne concernée.
Voici ce que j'entends par là. Une personne appartenant à la communauté européenne peut se déplacer librement vers un autre pays membre de la communauté européenne. La pratique est telle que la personne atterrit dans un aéroport, comme Heathrow, et remplit un long formulaire afin d'être autorisée à entrer dans le pays et à y travailler légalement. Le problème avec notre loi est qu'aux fins de la protection de réfugiés, le critère est fondé sur la citoyenneté. Il nous faut aller au-delà de cela.
Pendant la Seconde Guerre mondiale et l'après-guerre, le concept de protection — de protection des réfugiés au sens de la Convention — n'englobait pas, car la chose n'existait pas à l'époque, le droit à une mobilité rapide et facile, droit qui existe aujourd'hui dans certaines régions d'Europe.
Les mêmes principes qui s'appliquent en matière de protection des réfugiés en droit international, dont le tiers pays sûr et la possibilité de refuge intérieur, devraient également s'appliquer aux membres d'États européens. Les citoyens de la Hongrie ou de la République tchèque n'ont pas à venir au Canada pour faire une demande fondée sur la crainte de persécution lorsque tout ce qu'il leur faut faire c'est se déplacer sur quelques centaines de kilomètres pour se rendre dans un pays membre, comme le Royaume-Uni, la France ou l'Allemagne.
Ce qu'il nous fait faire dans nos lois est reconnaître ce fait et revoir l'admissibilité au système canadien de détermination du statut de réfugié lorsqu'il y a un accès si facile au sanctuaire et à une zone libre de persécution. Voilà la première question.
Permettez que je vous entretienne de chiffres et de questions d'argent. Si ces changements étaient mis en oeuvre, ce remaniement du système éliminerait, au minimum, 100 demandes par mois. Lorsque vous commencez à faire les calculs, cela donne 2,5 millions de dollars par mois à raison de 25 000 $ par dossier, soit 25 millions de dollars environ sur une année. Sur cinq ans, cela se chiffrerait à près de 125 millions de dollars.
Si vous prenez le nombre de demandes émanant de la Hongrie pour 2010, le chiffre est près du double de cela. Cela correspond à près de 200 à 250 millions de dollars par an sur cette période. Ce sont là des économies qui pourraient être réalisées. Il n'y a aucune raison pour laquelle le contribuable canadien devrait assumer ces frais alors que les demandeurs de la Hongrie peuvent se rendre en Allemagne, en France et au Royaume-Uni, pays dans lesquels ils peuvent travailler légalement et en toute sécurité.
Cela m'amène à mon deuxième propos. Vous avez, j'en suis certain, entendu des témoignages au sujet des problèmes opérationnels entourant la livraison de trousses de réfugiés et le fait de devoir se préparer pour une audience dans les 60 jours. Je suis membre du Barreau du Québec depuis assez longtemps pour me appeler de l'ancien régime, qui reposait sur le minimum de fondement, qui était en place en 1989 lorsque je m'occupais de dossiers du genre. La réussite du processus accéléré repose sur la rémunération appropriée de cet élément indispensable qu'est l'avocat.
J'avoue que je suis ancien président national de la section immigration et citoyenneté de l'Association du Barreau canadien, et mon argument est donc à double tranchant. Le problème que je vois dans l'actuel cadre, à l'intérieur duquel une aide juridique est assurée par la province et l'argent provient du palier fédéral, est qu'il y a, pour dire les choses comme elles sont, un écrémage, du côté provincial, des fonds fédéraux, une fois la personne versée au régime provincial d'aide juridique.
Au bout du compte, ce serait plus payant de financer directement les avocats dans le contexte du système de détermination du statut de réfugié, un peu comme cela s'est fait en 1989, qu'en versant le même montant d'argent à la province dans le cadre des systèmes d'aide juridique provinciaux.
Si l'objectif réel est de livrer sur une promesse de résultat 60 à 90 jours après l'audition orale, il y aurait lieu d'examiner très attentivement la question de l'omission de la rémunération des avocats aux affaires des réfugiés. Les économies de 125 millions de dollars que procurerait le réaménagement du système pour rendre inadmissibles les demandes émanant de la Hongrie, par exemple, seraient plus que suffisantes pour compenser le financement fédéral direct des juristes spécialisés dans les affaires des réfugiés du Canada. L'administration serait une combinaison d'administrateurs opérationnels de la CISR, conjuguée aux intérêts régionaux des avocats aux affaires des réfugiés, en vue de la détermination d'une liste d'avocats disponibles et compétents.
Voilà l'essentiel des deux questions que je pensais pouvoir aborder dans le temps qui m'était imparti.
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Naturellement, une brillante question.
Je pense que la mise en oeuvre doit être faite correctement. S'il vous faut procéder par étapes, alors procédez par étapes. L'expérience montre que lorsque l'on se précipite vers la ligne d'arrivée, cela résulte en une structure insatisfaisante et des erreurs coûteuses, dont le risque de perte de vie et de renvoi du Canada. C'est trop cher payer. Prenez de petits pas, en procédant par étapes, pour que le tir soit le bon et instaurez de très solides mesures de transition entre l'ancien inventaire et le nouveau.
Ce qui m'inquiète, c'est la section d'appel des réfugiés. La chose est retardée depuis un petit peu trop longtemps. Serait-il possible, vu les ressources limitées, de monter les deux tours en même temps? Je n'en suis pas certain, mais je suis très sensible à la chose.
Passant maintenant à nos amis du Québec, je vais vous donner une liste de recommandations et d'amendements que je vais défendre, que le nouveau Parti démocratique va prôner, et voir si vous êtes favorables à la plupart d'entre eux:
Prévoir davantage de temps à l'étape initiale, c'est-à-dire plus que huit jours.
Supprimer la désignation de pays sûr.
Embaucher un personnel qualifié, en s'assurant de suivre un processus de recrutement ouvert et non partisan.
Autoriser les demandes pour motif humanitaire dans certains des cas les plus sérieux, comme par exemple ceux de violence conjugale, etc.
Veiller à ce que les provinces disposent de suffisamment de fonds pour l'aide juridique, afin que les demandeurs soient représentés comme il se doit. À l'heure actuelle, il faut parfois attendre longtemps pour obtenir une aide juridique, du fait de l'insuffisance du financement.
Veiller à ce que la mise en oeuvre ne soit pas si inégale que cela paralyse le système tout entier. La section d'appel n'est pas encore créée, ce qui n'est pas juste. Mais si l'on créait la section d'appel et que rien d'autre n'était prêt, cela ne fonctionnerait pas non plus. L'important est donc d'assurer une mise en oeuvre équilibrée.
Seriez-vous opposées à quelque élément que ce soit de ces recommandations ou amendements que j'aimerais proposer en ce qui concerne le projet de loi?
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Je ne parle pas de moi, mais plutôt du Centre des femmes de Verdun. Il souhaite qu'il y ait un accès équitable et indépendant et que les fonctionnaires qui seront en charge d'accueillir ces femmes et de faire passer ces audiences soient des personnes indépendantes qui ne subissent pas l'influence de qui que ce soit.
La deuxième chose, comme vous le dites, serait de donner suffisamment de moyens à des personnes qualifiées, c'est-à-dire des personnes qui auront une bonne connaissance de la situation de la personne qui se trouve en face d'eux. Il faut commencer par savoir ce qui se passe réellement dans son pays et en connaître la situation sociopolitique si on veut pouvoir aider cette personne de façon efficace. Il faut que ces personnes aient accès à l'aide juridique dans un délai raisonnable si on veut permettre à ces femmes et à ces hommes demandeurs d'asile de raconter, comme ma collègue le disait, leur histoire en toute tranquillité, sans pression psychologique, et leur permettre de faire une demande correcte d'asile au Canada.
Je vais laisser ma collègue ajouter quelque chose.
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Le Ghana, où il est illégal d'être gai ou lesbienne, serait un exemple. Le pays figure pourtant sur la liste des pays sûrs de l'Angleterre.
J'aimerais revenir à M. Kurland.
Un rapport a été publié en octobre dernier. Il s'agit en vérité une vérification effectuée par la Commission de la fonction publique. Les auteurs du rapport ont constaté que la moitié des nominations à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'étaient pas faites selon le mérite ou les principes directeurs de l'équité, de la transparence, de l'accès et de la représentativité; que 61 p. 100 d'entre elles était le fait de considérations partisanes et de « traitement préférentiel » — ce ne sont pas mes mots, mais ceux des auteurs de la vérification —, ce qui est un sérieux problème.
Si le projet de loi est adopté, il s'agira d'embaucher plus de 100 agents. Ces agents seront, je suppose, embauchés par la Commission de la fonction publique par l'intermédiaire du président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Je devine que ce sera le cas, mais je ne suis pas sûre à 100 p. 100. Si tel est le cas, comment veiller à ce que le recrutement de ces personnes se fasse d'une manière juste, transparente, ouverte et entièrement fondée sur le mérite, et non pas les relations?
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Il importe de faire une distinction entre le faux revendicateur — qui veut abuser de la générosité canadienne — et la personne qui ne correspond pas tout à fait à la définition. Il peut y avoir des demandeurs de bonne foi qui ne satisfont tout simplement pas le critère de persécution, du fait de leurs circonstances personnelles. Cependant, lorsqu'il y a un important afflux de demandes de certains pays à l'intérieur desquels les événements sur le terrain ne tendent pas à conclure à une persécution individualisée, alors la sonnette d'alarme est déclenchée, et lorsque je vois arriver quelques centaines de demandes par mois d'un pays membre de la CEE, je me pose des questions.
Dans mon cas personnel, j'allais à l'étage inférieur. Notre bureau est situé au neuvième étage d'un immeuble à Vancouver. Le consulat de la Grande-Bretagne est installé au huitième étage. Je lui ai demandé quelles étaient ses statistiques en matière de refus de ressortissants de la Hongrie ou de la République tchèque arrivant en Angleterre et remplissant un formulaire leur permettant de travailler librement au Royaume-Uni. Quel est, ai-je demandé, votre taux de rejet? L'employée m'a répondu que les demandeurs doivent remplir ces formulaires pour payer des impôts et que, oui, ils peuvent demeurer au Royaume-Uni. Voilà le groupe sur lequel je me concentre. De manière générale, quel que soit le système — soins de santé, statut de réfugié — vous allez avoir un certain niveau d'abus, mais quand jette-t-on toutes les pommes du fait qu'il y en ait une de pourrie? Nous n'en sommes pas là, de manière générale, mais je pense, au vu de la situation hongroise, que nous avons un problème.
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Merci, monsieur le président.
Je vais, si vous permettez, poser une ou deux questions aux personnes qui sont ici dans la salle avec nous.
Merci encore d'être venues.
J'aimerais revenir au délai original de huit jours, qui est en place. Pensez-vous que huit jours suffisent pour quelqu'un qui arrive ici, fuyant quelque situation? Est-ce suffisamment de temps pour que la personne rassemble tous les faits pertinents? Devrait-on prévoir quelque chose comme 60 jours pour la demande initiale? Si la personne n'a pas toute sa documentation, devrait-on lui accorder davantage de temps pour la réunir? Pensez-vous que 60 jours suffisent en ce qui concerne la deuxième audience, ou bien faudrait-il accorder quatre mois? Quels sont vos sentiments en la matière?
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Merci, monsieur Tilson.
Ma question est pour M. Kurland. Je regarde mon bureau. Comme l'a dit M. Young, les personnes qui ont vu leur demande rejetée viennent nous voir en dernier recours. Nous n'aimons pas voir cela. Nous aimerions voir en place un système juste, efficient et rapide. Nous aimerions tous voir apporter certains changements.
Pourriez-vous résumer les changements dont vous pensez, personnellement, que nous devrions les apporter au projet de loi, afin que nous ne nous trouvions pas confrontés à la situation que je viens d'évoquer et afin que le processus d'accueil de réfugiés soit juste, ouvert, transparent et efficient?
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Les huit jours sont un bon outil. Sauf tout le respect que je vous dois, je n'adhère pas à l'hypothèse du revendicateur vulnérable, ignorant et craintif que l'on doit tenir par la main. Je conviens que ce qu'il nous faut c'est assurer la formation du côté arrivage des demandes. Il nous faut les délais de huit jours et de 60 jours. Si, pour des raisons opérationnelles, la considération financière pour que les délais de huit et de 60 jours soient faisables n'est pas concluante, alors il nous faudra repousser ces délais de huit et de 60 jours.
L'autre aspect est de veiller à ce que les renseignements fournis au tribunal soient aussi transparents que possible. L'un des défauts du système de détermination du statut de réfugié du Canada à ces débuts était son opacité. Dans les coulisses, les juges dans les affaires de réfugiés — les membres de la commission — utilisaient des renseignements qui n'étaient pas à la disposition des avocats. C'est l'enquête parlementaire menée par le professeur Hathaway en 1993 qui a fait ressortir cela. Il s'agit là d'un garde-fou.
À l'autre bout du système, il nous faut une application uniforme de lignes directrices transparentes quant au traitement du demandeur post-refus. Il y a, par ailleurs, quelque chose de très important qui fait défaut. Je veux parler du refus de l'accès au système d'accueil des services d'immigration provinciaux. Ce qui manque, c'est un libellé stipulant que vous ne pouvez pas être candidat d'une province si vous êtes un revendicateur de statut de réfugié débouté. Cela doit être inscrit dans la loi, sans quoi, comme je le disais, vous continuez de truffer le chemin de bonbons distribués par l'État.
Voilà les éléments essentiels, et, de manière générale, il vous faut consentir des ressources suffisantes à l'ASFC pour assurer un rapide système de renvoi à la fin du processus. Tout le reste échoue si vous continuez de récompenser les séjours indûment prolongés du fait du flou entourant le revendicateur débouté.
Je vais poursuivre avec vous, monsieur Kurland.
Lors de votre présentation, vous avez parlé du concept de l'Union européenne. En effet, on dit que les gens peuvent transiter d'un endroit à l'autre. Vous disiez, avec raison, que la Convention relative au statut des réfugiés avait été élaborée à une époque où cette union n'existait même pas et que le principe territorial contenu dans la convention est celui d'un pays. Vous voudriez changer cela. Je veux bien, mais le Canada est tout de même signataire de la convention. Si je comprends bien vos propositions, le Canada devrait aller de l'avant avant même de modifier la convention. Ne devrait-on pas finalement respecter cette dernière?
Vous venez tout juste de dire que nous ne devrions pas obliger les revendicateurs à attendre plus de deux ans du fait des difficultés que cela leur impose; or, vous aimeriez voir modifier le régime, qui prévoit à l'heure actuelle un délai de moins de 28 jours à partir du contact initial, pour porter cette période à six mois. Vous voulez donc prolonger les délais et aggraver encore les choses pour le revendicateur.
J'ai beaucoup de difficulté à comprendre comment vous pouvez dire, d'un côté, que le système devrait être beaucoup plus rapide, et, de l'autre, que vous aimeriez ajouter cinq mois au processus décisionnel.
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Eh bien, j'ai examiné la grille salariale proposée pour ces nouveaux membres de la commission ou fonctionnaires, et le niveau est élevé. La qualité du décideur est élevée. L'enregistrement de l'audience tenue après huit jours donnerait, au contraire d'une transcription, une bonne idée de la compréhension par le revendicateur de la nature et de la qualité des questions.
Ce qui intervient le huitième jour ne serait pas une audience; on poserait tout simplement des questions. Si vous financez la préparation tôt dans le processus, alors, en échange, vous économiserez beaucoup de temps et de ressources au fil du déroulement du processus. Il vous faut investir dans les avocats.
Mon propos est que, que les délais soient de huit jours, de six mois ou de six ans, nous parlons ici de sentiments. Les revendicateurs veulent se sentir bien avant de se livrer à l'avocat...? D'après mon expérience, les femmes d'Afrique et de Chine avec lesquelles j'ai traité étaient... Je ne dirais pas qu'elles étaient des survivantes endurcies, mais elles auraient fait honte à certains membres de ma famille du fait de la situation qu'elles avaient quitté et de leur confiance et de leur estime de soi leur ayant permis de contourner tous les contrôles de sécurité internationaux pour arriver en sol canadien.
Ce ne sont pas des guimauves qui atterrissent au Canada; ce sont des êtres humains incroyables et courageux. Lorsque je m'entretenais avec elles, elles savaient ce qui leur était arrivé. Elles n'ont pas besoin d'un avocat pour leur dire ce qu'est la loi en matière de réfugiés et ce qu'il faut pour être accepté; elles me racontaient tout simplement leur histoire.
Excusez-moi, monsieur le président, je me suis un petit peu emporté.
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Mesdames et messieurs, nous allons entamer notre deuxième heure. Nous avons deux invités aujourd'hui, deux témoins qui comparaissent directement de Niagara-on-the-Lake.
Représentant la ville de Niagara Falls, nous avons M. Ted Salci, son maire, et M. Peter Partington, qui est le président de la Région du Niagara.
Si vous le souhaitez, vous pouvez tous deux faire un exposé liminaire, ou bien nous pouvons passer directement aux questions. Chacun d'entre vous peut disposer de 10 minutes, si vous le souhaitez. C'est long, mais nous vous accordons ce temps.
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Monsieur le président, je vais peut-être prendre juste deux ou trois minutes pour parler, d'abord, du processus actuel, qui, bien sûr, peut prendre jusqu'à deux ans avant d'aboutir, ce qui se répercute forcément sur la faculté des demandeurs d'asile et de leur famille à fixer des objectifs et plans à long terme; il faut attendre aussi six mois un permis de travail, ce qui entraîne certainement une dépendance accrue par rapport au programme Ontario au travail.
Le programme Ontario au travail est administré par la Région du Niagara et le programme donne naissance à un stéréotype négatif des immigrants, perçus comme un fardeau pour le contribuable.
Dans la région, nous sommes en faveur du projet de loi . Nous voyons qu'il vise à mettre en place un mécanisme plus simple et plus rapide. En tout cas, le filtrage initial sera assuré par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à Toronto dans un délai de huit jours après l'arrivée, et toute la procédure doit être bouclée en l'espace de six mois. Nous considérons donc cela comme un progrès.
Nous apprécions la contribution que les immigrants apportent à la Région du Niagara. Le poste frontalier de Peace Bridge accueille 600 demandeurs d'asile chaque mois. Environ 13 p. 100 d'entre eux restent à Niagara, et les autres partent dans d'autres municipalités.
Nous pensons que le projet de loi va certainement faciliter l'établissement aux demandeurs d'asile, aux réfugiés véritables, et bien sûr il aidera la Région du Niagara car il permettra de réduire dans une certaine mesure le nombre des lits dans notre centre d'accueil. À l'heure actuelle, 15 p. 100 des lits sont occupés par des demandeurs d'asile. En outre, il allégera quelque peu le fardeau pesant sur nos contribuables par le biais des prestations sociales d'Ontario au travail. Mais par-dessus tout, je pense que c'est une bonne mesure pour les demandeurs d'asile.
Voilà mes commentaires.
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Bon après-midi, monsieur le président et membres du comité.
Je vais commencer par dire qu'une réforme audacieuse du système des réfugiés est nécessaire, comme nous le constatons chaque jour dans notre collectivité. Je peux vous dire que nous-mêmes et les bureaux locaux de nos députés fédéraux sommes souvent sollicités pour aider des demandeurs d'asile avec les formalités d'immigration, car c'est une procédure longue et lourde. Et certains demandeurs abusent du système de manière flagrante.
Étant une localité frontalière, nous voyons des gens tenter d'entrer dans notre pays pour travailler, vivre dans notre régime démocratique et, pour la plupart, devenir des citoyens canadiens vivant dans nos villes. Nous voyons aussi de première main les vigoureux efforts déployés par l'Agence des services frontaliers du Canada pour protéger et patrouiller notre frontière, car beaucoup de clandestins cherchent à passer au Canada pour profiter de nos programmes sociaux.
En tant que maire, et m'inscrivant dans l'optique d'une localité frontalière, je peux vous dire que nous sommes tributaires de la facilité de mouvement à l'entrée et à la sortie de notre pays. Nous réalisons combien il est important de donner accès à notre pays pour développer nos collectivités, accueillir les entreprises et les touristes, et appuyer notre population.
Nous avons certes conscience du caractère délicat de ce sujet. Nous connaissons le rôle crucial que jouent les immigrants dans le développement de nos collectivités.
Je vois les modifications introduites par le projet de loi comme un pas dans la bonne direction. Afin de faciliter les choses aux nouveaux arrivants et resserrer les règles pour ceux qui cherchent actuellement à profiter, nous devons accélérer la procédure pour que ceux à qui le statut de réfugié va être octroyé puissent organiser leur vie au Canada. Nous devons séparer le bon grain de l'ivraie et renvoyer dans leur pays rapidement et efficacement ceux qui ont des intentions malhonnêtes. Ce remaniement de la loi est certes impératif. Il est une occasion d'améliorer le système. Le résultat sera qu'il deviendra rapidement plus équitable pour ceux qui demandent l'asile, car leur requête sera examinée rapidement. Et il sera plus juste pour les autres Canadiens qui paient les programmes de soutien social dont dépendent les réfugiés sans revenu.
Le projet de loi propose de réduire le délai de règlement d'une demande d'asile, du début de la procédure jusqu'à la fin. Cela se traduira par un énorme allongement du fardeau pesant sur nos contribuables. Au lieu qu'il faille en moyenne quatre ans et demi pour expulser de notre pays un demandeur d'asile débouté, avec la loi remaniée la demande sera traitée en moins d'un an. Cela se traduit, bien sûr, par des économies substantielles.
Le renvoi rapide des demandeurs déboutés découragera les faux réfugiés d'exploiter le système de l'asile pour contourner la file d'attente à l'immigration. Cela signifie que les candidats déboutés ne profiteront pas de nos programmes sociaux plus longtemps que nécessaire, ce qui dissuadera par voie de conséquence les faux réfugiés.
Il importe de considérer les économies qui en résulteraient. On estime que chaque demande d'asile refusée coûte actuellement aux contribuables quelque 50 000 $ en services sociaux et frais de santé. Avec un traitement plus rapide des dossiers, ce coût serait réduit à environ 29 000 $. L'économie pour nos contribuables serait certainement substantielle.
Cela permettra aussi de traiter plus rapidement les demandes d'asile valides afin que ces réfugiés véritables puissent construire leur vie dans notre pays. Ils pourront s'installer, prendre des emplois durables et commencer beaucoup plus rapidement à contribuer concrètement à notre société.
Je suis en faveur de la procédure plus rapide telle que les demandeurs auront leur premier entretien dans les huit jours après leur arrivée dans notre pays. En vertu de la loi modifiée, la première audience interviendra 60 jours après l'entretien. C'est certainement un changement positif. C'est une nette amélioration par rapport à l'attente moyenne de 19 mois avant que les demandes soient entendues par la CISR. Ce qui est très important, c'est que les personnes qui ont besoin d'aide et de protection vont l'obtenir plus vite.
Actuellement, le Royaume-Uni, l'Irlande, la France, l'Allemagne, la Grèce, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse, le Danemark et d'autres pays appliquent une politique de « tiers pays sûr ». En adoptant un système similaire, nous ferons économiser du temps et de l'argent aux contribuables. Nous accordons également un recours en appel aux demandeurs venant de pays non sûrs. L'établissement d'un recours en appel permettra aux demandeurs de pays non sûrs de présenter de nouveaux éléments d'information. Tous les demandeurs d'asile admissibles, y compris ceux venant de pays sûrs, continueront bien sûr d'avoir droit à une audience de la Section de la protection des réfugiés.
Avec l'engagement de porter le chiffre cible annuel de réfugiés à 2 500 personnes, la nouvelle loi permettra au gouvernement d'aider davantage de réfugiés à s'établir au Canada.
Un autre avantage est que le gouvernement pourra porter à 54 millions de dollars les crédits du programme d'aide à la réinstallation, soit la première augmentation depuis plus de 10 ans.
En fin de compte, à mon sens, ce projet de loi répond à un besoin. Il aidera ceux dont le dossier est en instance aujourd'hui. Il aidera ceux qui ont besoin de notre protection à l'obtenir plus rapidement et plus efficacement. Et il aidera à éliminer ceux qui abusent du système et à les renvoyer dans leurs pays, sans qu'ils deviennent le lourd fardeau pour nos contribuables qu'ils sont aujourd'hui.
Merci beaucoup.
Je sais que la Fédération canadienne des municipalités se réunit prochainement, en juin, je crois. Je sais que les villes et les municipalités de tout le Canada ont demandé au gouvernement fédéral de les aider avec les programmes d'enseignement de l'anglais langue seconde, les programmes d'établissement et d'adaptation des immigrants, qu'ils soient réfugiés ou non, et avec une aide au logement, par exemple, car les nouveaux venus, pendant leur six ou 12 premiers mois, ont besoin de s'installer et ont besoin de services et de soutien. Je constate que beaucoup de municipalités disent que l'immigration est une bonne chose pour nos villes grandes et petites, mais l'assiette de la taxe foncière ne suffit pas pour aider ces gens à s'établir, qu'ils soient réfugiés ou non ou immigrants reçus. Constatez-vous la même chose que ce que je décris dans les autres villes, grandes et petites, à travers le Canada?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins de leur présence. Je sais que vous êtes tous deux occupés et le fait que nous ayons une participation et du niveau régional et du niveau municipal à nos travaux témoigne bien du fait que nous cherchons des témoins très divers concernant ce projet de loi. Je vous remercie donc tous deux d'avoir pris le temps de nous rencontrer.
Monsieur Partington, vous nous avez indiqué qu'il en coûte au moins 1 million de dollars aux contribuables régionaux pour financer les programmes qui aident ceux qui passent la frontière à Buffalo, à Niagara Falls ou à Lewiston. Nous trouvons des façons de les aider et nous assumons cette responsabilité au moyen des taxes foncières municipales et régionales.
L'une des choses qui m'ont intéressé dans vos propos, c'est qu'il n'y a pas que les gouvernements fédéral et provinciaux auxquels notre système de réfugiés impose une pression financière considérable. Les municipalités elles aussi encourent des coûts — surtout les municipalités et régions frontalières — dans tout le pays. J'aimerais donc juste connaître vos pensées ou commentaires sur la responsabilité financière que vous assumez. Est-ce une responsabilité qui vous est imposée par le gouvernement provincial ou fédéral, ou bien est-ce simplement quelque chose que Niagara prend en charge, étant donné sa situation sur la frontière?
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Eh bien, dans certains cas, comme je l'ai mentionné, monsieur Dykstra, notamment lors de la crise que nous avons connue il y a quelques années, nous avons réagi instinctivement. Nous pensions que c'était notre devoir. Nous avons d'abord dépensé l'argent nécessaire, bien au-delà du coût normal. Et nous nous sommes adressés aux gouvernements provincial et fédéral après coup. Mais nos contribuables ont répondu présents en premier, et nous sommes heureux de l'avoir fait.
Lorsqu'on parle de coût, comme je l'ai indiqué, nous l'assumons fièrement. Nous réalisons la valeur des immigrants, qu'ils arrivent à titre d'immigrants reçus ou de demandeurs d'asile, qui s'établissent à Niagara. Et il me semble, avec ce projet de loi — et nous avons effectué une estimation rapide — que dans la mesure où le nombre de jours avant la première entrevue serait ramené d'une moyenne de 14 ou 15 à huit, cela produirait probablement une économie très modeste, d'environ 22 000 $, pour la région. Pour ce qui est de l'économie au niveau des services sociaux fournis par l'intermédiaire d'Ontario au travail, elle se situerait probablement autour de 125 000 $ à 150 000 $.
Mais je tiens à souligner que ce n'est pas le coût qui importe, mais que c'est plutôt la certitude donnée à ceux qui demandent le statut de résident permanent du Canada. Cela leur facilitera infiniment le démarrage dans un pays nouveau, leur permettra d'avancer, de préserver leur dignité et de subvenir à leurs besoins comme il se doit. Donc, même si je parle des économies qui pourraient résulter, l'essentiel est d'aider les immigrants, en l'occurrence les réfugiés, bien mieux que ne le fait le système actuel.
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J'aimerais orienter la partie suivante de la conversation sur l'un des enjeux avec lesquels nous nous débattons ici et qui motive le projet de loi que nous étudions. Selon la perspective fédérale, nous voulons faire ce que vous faites à Niagara, c'est-à-dire aider davantage les réfugiés.
Nous devons aider davantage les vrais réfugiés, par opposition à tous ceux qui revendiquent le statut, parce que nous avons un système qui leur permet de le faire, comme le prouvent les problèmes que nous avons avec les ressortissants de certains pays.
Il me semble que dans la Région du Niagara, la région de Peel et la région de Windsor, il s'agit de faire en sorte, selon votre perspective, que les fonds que vous dépensez et dépensez bien volontiers, le soient de manière responsable, en veillant à ce qu'ils aillent à ceux qui en ont réellement besoin.
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Monsieur Dykstra, j'aimerais intervenir, si vous voulez bien.
En ma qualité de maire, cela arrive souvent que des réfugiés se présentent à mon bureau. Dans leur pays, bien sûr, le maire a des pouvoirs différents. Ils viennent à mon bureau et sont très impatients de voir leur dossier réglé. Ils ne savent pas trop quoi faire. Ils ont en règle générale un emploi et veulent pouvoir organiser leur vie.
Je pense que si nous pouvions accélérer le processus pour permettre à ces gens de s'établir, de s'installer et d'être productifs, cela aiderait tout le monde. Cela les retirerait de nos listes d'assistés sociaux, supprimant par la même occasion les coûts que cela engendre, et les aiderait à devenir des résidents et des citoyens canadiens productifs.
Lors de ma première intervention, j'ai essayé de démontrer qu'en voulant accélérer les choses, on risque parfois d'obtenir l'effet inverse. Je souscris à l'objectif du gouvernement de procéder et de traiter les cas plus rapidement. Je pense que c'est aussi ce que vous souhaitez. Toutefois, en voulant sauter des étapes, cela risque selon moi d'être encore plus long. C'est pourquoi je disais que si on force la tenue d'une audience et que les gens ne sont pas prêts, on sera obligé tout simplement de reporter l'audience et on ne gagnera pas beaucoup de temps.
Je voulais porter un autre exemple à votre attention et avoir votre opinion à ce sujet. La loi établit deux canaux vraiment distincts, celui de la demande du statut de réfugié et celui de la demande de séjour pour motifs humanitaires. On ne permet pas aux gens de passer de l'un à l'autre. On comprend que l'intention derrière cela est de forcer les gens à faire un choix et de ne pas multiplier les recours.
Cela dit, il me semble que cela pourrait avoir des effets pervers. Par exemple, on ne permet pas à une personne, qui a présenté une demande du statut de réfugié et qui s'est aperçue en cours route que ce n'est probablement pas la bonne démarche pour elle, de changer sa demande pour une demande de séjour pour motifs humanitaires. En effet, la loi l'interdit. Elle prévoit que si on a entrepris une demande du statut de réfugié, on ne peut en aucun cas faire une demande pour motifs humanitaires et on doit rester dans ce silo jusqu'à la fin.
Ne croyez-vous pas que cette situation très sévère risque d'avoir des effets pernicieux? Ces gens, après consultation, pourraient se rendre compte avant l'audience qu'un consultant véreux avait suggéré de faire une demande du statut de réfugié, mais que ce n'était pas la bonne procédure. On va pousser ces personne à persister dans l'erreur, parce que le système n'a simplement pas de flexibilité.
Monsieur le Maire Salci, l'une des choses que vous avez mentionnées, et que j'ai trouvées intéressantes, est qu'un grand nombre des témoins qui viennent s'entretenir avec nous du projet de loi — qu'ils soient ou non en faveur, et certains y sont bien sûr opposés, mais il y en a qui souhaitent qu'on y apporte des changements pour faire avancer les choses — parlent de leur expérience relative traitant et travaillant avec des réfugiés dans le cadre de leurs responsabilités.
Vous avez mentionné qu'il y en a un certain nombre qui se présentent à votre bureau pour s'asseoir avec vous. Pourriez-vous nous expliquer davantage ce qu'ils vous demandent et, par ailleurs, ce que vous avez pu faire pour leur obtenir quelque aide, sur un plan très pratique, dans la région?
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Merci beaucoup de la question, monsieur Dykstra.
La plupart des cas concernent le temps qu'il faut pour que ces personnes voient leurs dossiers examinés. En ce qui me concerne, ils me demandent de faciliter ou de les aider à faciliter l'accélération du processus. C'est surtout de cela que j'entends parler.
Il se présente à mon bureau des personnes qui ont des emplois, qui entretiennent des relations, qui veulent pouvoir mener leur vie dans ce nouveau pays et aller de l'avant. Tout ce que je peux faire, en règle générale, c'est les renvoyer au bureau du député fédéral. Il arrive souvent qu'ils demandent des lettres de référence. Ma perception d'eux est très positive. Ils contribuent à notre société. La plupart du temps, ils travaillent comme bénévoles. Je me souviens de plusieurs situations dans lesquelles nous avions des personnes qui étaient engagées dans des groupes confessionnels ou qui travaillaient comme bénévoles au sein de différents comités dans la ville. Ce sont des personnes qui se sont très bien intégrées et qui sont très positives. En général, elles sont bien instruites. Je pense que leurs intentions sont bonnes. Elles veulent s'établir dans notre pays et qu'on traite leur dossier en temps opportun.
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Merci, monsieur le président.
Si je comprends bien, vous dites que ces familles qui arrivent ici en tant que réfugiés sont très productives. Mais certaines familles ont participé à un programme de prêts aux immigrants, en vertu duquel une aide gouvernementale est accordée pour payer les frais de transport, d'examens médicaux et d'autres coûts liés à l'établissement initial. Des études récentes montrent que ces familles affichent un risque élevé de sombrer dans le sans-abrisme ou l'instabilité familiale.
J'ai eu des discussions avec les conseillers municipaux dans ma ville, et ils sont en faveur de ne pas imposer ce fardeau à ces familles de réfugiés, car le Canada est le seul pays qui offre un tel programme. Auriez-vous quelque suggestion pour le gouvernement fédéral pour ce qui est de l'élimination ou du remaniement de programmes du genre?