J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir invité à prendre la parole.
Je suis directeur du forum des réfugiés de l'Université d'Ottawa, lequel a mené, ces dernières années, moult recherches non seulement sur le système canadien de demande de statut de réfugié, mais également sur d'autres systèmes d'accueil, particulièrement dans les autres pays industrialisés. Je serais ravi de répondre aux questions que vous pourriez avoir à ce sujet.
Je tiens à préciser que je parlerai non seulement en ma qualité d'universitaire, mais également à titre d'ancien avocat spécialisé en droit des réfugiés, ancien membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et ancien président de la commission. J'essaierai d'intégrer ces différents points de vue à mes observations et aux réponses que je vous donnerai.
Quand il est question d'avoir un système équilibré, qui soit rapide et équitable, tous les système d'accueil du monde sont supposés l'être. Ce sont là deux mots de code. Le mot « rapide », qui englobe également la notion d'efficacité, ne se limite pas à la prise de décisions rapide.
De même, le qualificatif « équitable » ne s'applique pas qu'à la procédure. Il faut aussi que les décisions soient un juste reflet de la loi et des faits en l'espèce. Ces décisions doivent en outre être judicieuses, prises par des décideurs compétents en fonction de bonnes informations sur le pays concerné.
On a souvent l'impression que « rapide » et « équitable » sont contradictoires. Or, ce n'est, selon moi, pas nécessairement toujours le cas. On peut d'ailleurs constater que quand les décideurs sont bien formés et compétents, ils rendent non seulement des décisions plus justes, mais ils le font plus rapidement et plus efficacement, ce qui évite d'engorger le système d'appel. Ainsi, la prise de décisions équitables et éclairées peut se traduire par une amélioration de l'efficacité.
Je tiens à faire remarquer que votre tâche n'est pas facile, car vous examinez une loi-cadre. Ainsi, une bonne partie de l'information et des détails importants figurent dans le règlement d'application, dans les règles de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié ou même dans la politique d'embauche de la CISR. Cette situation vous complique la tâche, car vous examinez un projet de loi avant même d'avoir vu toutes les pièces du casse-tête.
Je ne traiterai que de trois parties du projet de loi. Je dirai d'entrée de jeu que j'ai appuyé publiquement cette mesure lors de son dépôt initial. Ce soutien, bien que sous réserve, n'en était pas moins sincère. Cette mesure, qui était une excellente première démarche, serait désastreuse en dernière étape. Le projet de loi doit donc faire l'objet d'amendements, et je vous en proposerai quatre.
Tout d'abord, il n'y a tout simplement pas assez de temps au début du processus pour procéder aux entrevues de triage en huit jours et entendre la première audition dans un délai de 60 jours. Concrètement, la plupart des demandeurs ne seront pas défendus lors de l'entrevue de triage: c'est impossible. On ne peut offrir d'aide juridique à cette étape. Les avocats qui se chargent du triage n'auront pas tous les faits en main.
Quant aux conseillers, ils ne disposeront pas de suffisamment de temps pour préparer leurs dossiers et pour réunir la preuve nécessaire dans un délai de 60 jours. Dans le pire des cas, la brièveté même des délais poussera les immigrants entre les griffes de consultants sans scrupule qui sont plus proches des communautés ethniques et qui, disons-le franchement, n'ont pas besoin de temps de préparation, puisqu'ils se bornent à se pointer le bout du nez.
Soit dit en passant, ce n'est pas là un commentaire désinvolte. C'est malheureusement ce qui se passe bien trop souvent.
À l'évidence, le ministre et la CIRS devraient accorder un délai plus long, par exemple 30 jours pour l'entrevue et 90 jours supplémentaires pour l'audience, pour un total de 120 jours.
L'autre question à laquelle je m'intéresserai est celle du pouvoir d'embauche des décideurs de la fonction publique, qui devrait figurer dans la loi. L'aspect le plus crucial du système d'accueil des réfugiés est la compétence et la capacité des décideurs de première instance. Si ces décideurs font fausse route, la section d'appel va se retrouvée débordée. Le système perdra de son efficacité parce qu'un trop grand nombre de demandeurs reviendront à la charge, exactement comme cela se passe au Royaume-Uni, ou qu'on prendra des décisions malavisées.
Quoi qu'il en soit, je propose d'ajouter des dispositions à ce sujet au projet de loi. Si vous le souhaitez, je peux vous donner des exemples où l'on voit que le pouvoir d'embauche relève du président. Si cette information ne figure pas dans le projet de loi, c'est en fait la Commission de la fonction publique qui est habilitée à nommer le président ou plusieurs autres fonctionnaires. Il n'y a aucune raison pour laquelle le projet de loi ne donnerait pas cette information.
Je peux également vous donner un exemple où le projet de loi indique que le processus d'embauche doit être ouvert, et ce, pour d'excellentes raisons. Je peux, à votre demande, vous fournir ces exemples.
J'aimerais également aborder la question de notre fameuse liste des pays d'origine sûrs, ou POS. Si vous décidez d'éliminer cette liste, c'est parfait. Mais si vous décidez de la maintenir, il est très important d'en assurer la rigueur juridique et en particulier d'adopter des critères clairs pour évaluer les POS et de mettre sur pied un comité consultatif chargé de recommander des pays potentiels au ministre. Il est crucial que des experts externes des droits de la personnes fassent partie de ce comité pour en assurer l'objectivité. Il serait pertinent d'ajouter une disposition de réexamen ainsi que le mot « équitable » dans la mesure législative.
Enfin, comme vous le savez, les demandes pour motifs d'ordre humanitaire constituent un aspect complètement distinct des demandes de statut de réfugié. La distinction est totale. Je crois qu'il faut assouplir un peu cette interdiction absolue. Dans certaines occasions, il devrait être possible de présenter des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire. Je ferai référence à deux situations. M. Waldman parlera peut-être d'autres cas.
Je considère tout d'abord que quand un demandeur du statut de réfugié retire sa demande avant l'audition — nous sommes donc à l'étape initiale du système —, il devrait être autorisé à retirer cette demande et à faire une demande de résidence pour des motifs d'ordre humanitaire au Canada. Il est plus facile, moins cher et plus rapide de prendre des décisions concernant des demandes pour des motifs d'ordre humanitaire que d'obliger les demandeurs à se soumettre au long processus de demande d'asile. Il n'y a aucune raison de ne pas permettre pareille démarche. Certains demandeurs, une fois au pays, constatent qu'il est en fait préférable pour eux de présenter une demande pour motifs d'ordre humanitaire.
Dans le même ordre d'idées, le projet de loi contient une disposition des plus étranges, selon laquelle on ne peut, dans une demande pour motifs d'ordre humanitaire, faire référence à toute forme de dommage, aussi appelés facteurs, aux termes des articles 96 ou 97. Autrement dit, quiconque craint certains facteurs qui ont une incidence sur sa vie ou des formes très graves de dommages physiques, ce que nous considérerions comme de la persécution, ne peut en faire mention dans sa demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Bien franchement, c'est ridicule. Mais pire encore, cette disposition ne rend pas compte de la situation du droit des réfugiés au Canada actuellement. Il existe fréquemment des chevauchements importants entre les types de dommages discriminatoires suscitant une demande pour des motifs d'ordre humanitaire et la définition de persécution au sens strict. Ces aspects se recoupent beaucoup et ne sont pas différents l'un de l'autre. Il serait aberrant de proposer à quelqu'un de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire pour lui interdire ensuite de faire état des sévices dont il a été l'objet. C'est vraiment insensé.
Je m'en tiendrai là pour l'instant. Le projet de loi comprend d'autres lacunes, et si vous m'interrogez à ce sujet, je vous répondrai avec plaisir. Je sais que le temps nous est compté; je n'en dirai donc pas davantage.
Merci.
:
D'accord, et merci de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
Je dirai tout d'abord que je suis d'accord avec le mémoire présenté par la Refugee Lawyers Association. Comme il y a énormément à dire au sujet du présent projet de loi, je me contenterai d'aborder quelques aspects sans chercher à tout couvrir.
Je conviens avec M. Showler que l'étape de la prise de décision constitue l'élément le plus important du système. Il est crucial que des décisions de haute qualité soient prises dès le départ afin d'assurer l'intégrité du système, l'équité des décisions et l'efficacité, car les décideurs qualifiés et avisés tendent à être généralement plus efficaces.
Même si ce projet de loi est présenté comme une mesure qui permettra de réformer le système de détermination du statut de réfugié, je doute qu'il couvre l'ensemble du problème du processus de nomination. Nous continuerons d'appliquer le processus actuel de nominations effectuées par le gouverneur en conseil dans ce qui sera la section d'appel des réfugiés, et le processus de nomination des décideurs de premier niveau n'est pas vraiment expliqué de manière transparente pour que le Parlement puisse le comprendre pour l'instant. Si, comme le veut la rumeur, la commission finit par superviser certains processus d'embauche au sein de la fonction publique, il n'existe aucun critère minimal concernant les qualifications des personnes embauchées. Il est bien facile de prétendre posséder des qualifications si personne ne s'assure que le candidat fera bel et bien un décideur compétent.
À mon avis, le Parlement devrait s'occuper de la mise sur pied d'un comité vraiment autonome chargé de faire des vérifications sérieuses sur les personnes nommées. Ce processus devrait s'appliquer à tous les échelons du tribunal. En Ontario, la cour de justice dispose d'un processus respecté, dans le cadre duquel le comité est constitué de personnes vraiment indépendantes du gouvernement. Le nombre de sélections présentées au gouvernement et au ministre est si restreint qu'il y a moins de possibilités que maintenant de ne pas nommer les meilleurs candidats.
En ce qui concerne le processus proposé, le premier aspect sera une entrevue menée par la commission. Même si ce processus doit durer huit jours, je doute que la commission soit en mesure de respecter ce délai. Nous avons déjà rencontré ce type de problème. Si les choses se déroulent vraiment rapidement, alors, comme l'a indiqué M. Showler, le traitement pourrait donner lieu à de graves injustices.
Le désir d'encadrer les propos des demandeurs et de leur faire faire leur première déclaration à un agent lors de l'audition est, à mon avis, problématique. Cette approche empêchera les gens, particulièrement les plus vulnérables, de divulguer tous les renseignements. Je m'inquiète des répercussions de cette mesure sur les personnes à mesure qu'elle progresse dans le système d'accueil des réfugiés.
Le processus d'appel ne permet pas aux gens de prouver qu'ils disent la vérité d'entrée de jeu, ce qui constitue une restriction considérable. Seules certaines preuves peuvent être présentées. Il faut essentiellement adopter la même mesure que prévoit actuellement le modèle d'examen des risques avant renvoi. Or, les gens ont souvent dit la vérité, mais si on juge qu'ils auraient pu être mieux avisés ou aurait pu penser à présenter la preuve avant, ils ne peuvent soumettre cette preuve. Je considère que le processus d'appel devrait permettre à la commission de savoir la vérité.
Au chapitre de l'aide juridique, le gouvernement et les provinces ont pour l'instant une entente de partage des coûts, qui est essentiellement un compromis intervenu pour assurer la prestation continue de ce service aux demandeurs du statut de réfugié.
L'an dernier, en Ontario, environ la moitié du financement de l'aide juridique est venue du gouvernement fédéral. Aide Juridique Ontario s'inquiète des répercussions financières du . Aujourd'hui même, des représentants de cet organisme m'ont dit qu'ils étaient en train d'évaluer les coûts que le projet de loi pourrait avoir pour eux et qu'ils s'attendaient à une augmentation de 50 p. 100 par rapport aux chiffres de l'an dernier.
L'entente de partage des coûts doit prendre fin en mars 2011. Ce nouveau système entraînera de toute évidence de nouveaux coûts. En outre, l'ASFC et le processus d'appel se verront affecter beaucoup plus de ressources, ce qui obligera la partie adverse à obtenir une meilleure défense. Je crains que la mesure législative n'assure pas un bon équilibre des forces en présence, et ne permette pas aux provinces de recevoir un financement adéquat ou ne les encourage pas à continuer d'offrir un soutien financier pour l'aide juridique. La conclusion d'une entente pluriannuelle favoriserait une meilleure stabilité des plans d'aide juridique provinciaux.
Je m'en tiendrai là et vous invite à me poser des questions.
Comme M. Showler, j'ai appuyé publiquement, sous certaines réserves, le projet de loi quand il a été déposé, le considérant comme un bon départ. Cela dit, je conviens avec M. Showler que si le projet de loi sous sa forme actuelle n'est pas amendé, il créera de graves problèmes. Il suscitera certainement des contestations en vertu de la Charte et sera voué à l'échec. Voilà pourquoi je considère que les travaux du comité sont essentiels: au final, nous souhaitons tous que le système de détermination du statut de réfugié soit équitable et efficace.
Certains, comme moi, sont déjà passés par là. Sachez que j'étais présent en 1976, quand la Loi sur l'immigration a été édictée, puis en 1989, quand la CIRS a été créée, et au milieu des années 1980, quand la procédure a été modifiée substantiellement. J'étais également là en 2002, quand cette procédure a encore changé, et me voici de nouveau ici aujourd'hui.
Nous avons suivi le dossier. Au fil des ans, nous avons entendu les fonctionnaires promettre que ce serait la solution. Et chaque fois, nous avons vu leur proposition faire chou blanc, parce qu'ils ont en grande partie ignoré l'avis des experts.
Mon premier point, au sujet duquel je suis en parfait accord avec M. Showler est qu'il est essentiel de nommer des décideurs de premier niveau compétents. Avec les années, nous avons observé deux pratiques: l'une consiste à ne pas nommer des décideurs compétents parce que le processus de nomination a été insatisfaisant, et l'autre revient à sous-financer le processus.
Pour qu'un processus de détermination soit efficace, il est primordial que le système doit permettre la nomination de décideurs compétents. Je conviens avec M. Showler que ces décideurs devraient être nommés par le président ou en vertu de son pouvoir. En outre, le gouvernement doit s'engager fermement à fournir aux titulaires nommés des ressources adéquates pour assurer le quorum nécessaire pour prendre le nombre nécessaires de décisions.
La deuxième question qui entre en jeu en ce qui concerne les propositions est celle des délais. Je suis entièrement d'accord avec M.T Showler et les autres témoins quand ils affirment que ces délais sont complètement irréalistes. Certains ont laissé entendre que le processus d'entrevue de huit jours ne sert qu'à réunir des renseignements et que l'information ne serait pas utilisée contre quelqu'un. C'est totalement faux. Dans n'importe quelle procédure au cours de laquelle on recueille de l'information, les renseignements peuvent être utilisés dans l'audition subséquente pour miner la crédibilité du témoin et faire ressortir des incohérences ou des omissions. C'est pourquoi les demandeurs du statut de réfugié doivent absolument obtenir des services d'aide juridique avant la tenue de l'entrevue. La période de huit jours est donc complètement irréaliste.
La période de 60 jours du processus d'audition l'est encore plus. L'établissement, dans le règlement d'application et non dans la loi, d'un délai qui ne sera pas respecté met en péril la primauté du droit. Nous en avons déjà un exemple. À l'heure actuelle, la LISR exige qu'un juge de la cour fédérale traite le contrôle judiciaire d'un dossier d'immigration dans un délai de trois mois suivant la date de l'autorisation. Or, comme il y a trop d'auditions prévues à Toronto et que le temps manque, la cour fédérale a l'habitude d'examiner ces demandes, de les mettre de côté par manque de temps et de rendre l'ordonnance des mois après la prise de décision. On donne ainsi l'impression de se conformer à la loi, alors que tout le monde sait que ce n'est pas le cas. Le fait que des juges ne respectent pas la loi parce que c'est physiquement impossible mine la confiance accordée à la primauté du droit. Le problème ne vient pas des tribunaux, mais de la loi, qui exige que les juges prennent des décisions dans des délais impossibles à respecter, compte tenu des ressources dont disposent les tribunaux. Les délais sont donc complètement irréalistes.
La question suivante est bien sûr celle de la liste des pays d'origines sûrs, aussi appelés POS. Je suis certain que d'autres ont traité de cette question; je serai donc bref. Je considère cette liste superflue. Si le système est adéquatement financé aux deux niveaux, il permettra le traitement rapide des dossiers. À mon avis, il est inutile et injuste de dresser une liste pour créer des catégories de demandeurs, ceux qui ont droit à un appel et ceux qui ne l'ont pas.
Cela dit, si vous insistez pour créer une liste, je suis d'accord avec toutes les recommandations formulées par les intervenants précédents en ce qui concerne les types de prescriptions qu'il faudrait intégrer au projet de loi.
J'aimerais effleurer brièvement le dernier point, celui qui me préoccupe le plus, je crois, qui concerne les restrictions relatives au processus de demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Cet aspect s'inscrit dans la tradition humanitaire du Canada depuis des lustres. En fait, dans l'affaire Jimenez-Perez, la Cour suprême a, en 1984, confirmé le fait que les agents d'immigration sont tenus par la loi de considérer les demandes présentées pour des motifs d'ordre humanitaire. J'ai connu des milliers de personnes qui ont eu la vie sauve parce qu'elles avaient pu présenter et faire accepter une telle demande. C'est l'un des aspects qui sont demeurés constants au fil des ans dans le processus d'immigration et qui cadrent avec notre tradition humanitaire.
Le présent projet de loi compromettra sérieusement ou, dans certains cas, éliminera le droit de présenter une demande pour des motifs d'ordre humanitaire. Dans sa forme actuelle, il interdit complètement aux personnes qui ont fait une demande de statut de réfugié de soumettre une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, et ce, pour une période d'un an. Cette interdiction n'a pas de raison d'être. Les tribunaux n'ont de cesse de répéter que le fait d'avoir ou non présenté une demande pour des motifs d'ordre humanitaire n'a aucune incidence sur le droit d'une personne de demeurer au Canada. Il est possible de demander un sursis, mais ces mesures sont rarement accordées, et le nombre de demandes de sursis est de toute façon relativement peu élevé.
L'élimination de ce droit a toutefois de graves répercussions. Et je terminerai en vous donnant un exemple. La semaine dernière, j'étais à la cour d'appel fédérale au sujet d'une affaire qui pourrait vous intéresser, car elle concerne l'interprétation de la convention. L'avocat du gouvernement a adopté une position vraiment extrême, affirmant que la convention devrait être interprétée d'une certaine façon. L'un des juges de la cour d'appel a répondu que si c'était le cas, des gens pourraient se voir refuser le statut de réfugié, alors qu'ils pourraient être en danger. Il a ensuite demandé quel pourrait être leur recours. Et qu'a répondu l'avocat? Comme tous ses confrères, il a affirmé qu'il y a toujours un recours, et qu'en l'espèce, ce serait une demande pour des motifs d'ordre humanitaire, car c'est la solution de dernier recours.
Ce ne sont pas mes paroles, mais celles de l'avocat du gouvernement. Le juge de la cour fédérale a répondu que si le projet de loi examiné par le Parlement était adopté, ce recours disparaîtrait. Sachez que si le projet de loi est adopté, vous nous obligerez à contester la légalité de cette restriction en vertu de la charte, parce que bien des demandeurs auront des dossiers sérieux, mais ne pourront les présenter dans le cadre du processus juridique.
C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant. Merci.
:
Je veux juste parler des nominations aux cours de première instance.
Le 20 octobre dernier, la Commission de la fonction publique a effectué une vérification. D'après les résultats, plus de la moitié des nominations de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'étaient pas basées sur le mérite ni sur les valeurs directrices, à savoir l'équité, la transparence, l'accessibilité et la représentativité. Environ 61 p. 100 des nominations — soit 33 nominations sur 54 — n'étaient pas fondées sur le mérite. Plus de la moitié des nominations reposaient sur des considérations partisanes et le traitement préférentiel. Tels sont les résultats de la vérification menée par la Commission de la fonction publique.
Ça m'inquiète beaucoup. J'ai demandé des explications au président de la commission, et il a réfuté l'idée que les nominations n'étaient pas basées sur le mérite; selon ses dires, on ne pouvait tout simplement pas montrer le mérite. Alors, on a probablement embaucher des gens sans suivre un processus clair ou bien précis. J'ignore comment on les a embauchés.
C'est là un grave problème, puisque ces gens qui sont nommés par le président de la commission.
Pour revenir à votre premier point, monsieur Showler, et je m'adresserai peut-être ensuite à M. Waldman, d'après vous, quelles mesures doit-on prendre et quelle recommandation doit-on formuler clairement pour que les candidats retenus soient des gens ayant le mérite, c'est-à-dire qu'ils soient embauchés en fonction de leurs compétences et non pas pour des raisons partisanes?
Ce n'est pas forcément une question d'allégeance politique, qu'il s'agisse de conservateurs ou de libéraux. Toutefois, c'est ce qui semble avoir été la pratique pendant plusieurs années. Je ne suis pas en train de jeter la pierre à un parti ou à un autre. C'est le système qui semble faire défaut.
:
C'est la Section de la protection des réfugiés. Nous parlons des décideurs chargés des cas de réfugiés.
La première moitié du processus de nomination actuel est une procédure de sélection très compliquée qui comprend un examen destiné à cerner six qualités chez les commissaires. Ces derniers passent par un processus très subtil, ce qui signifie qu'ils sont dotés d'un bon nombre de ces compétences.
Cette démarche est cruciale, mais malheureusement le système actuel est de nature hybride. Tout ce que donne l'évaluation, c'est une recommandation au gouvernement. Il ne s'agit pas d'un classement des candidats. On ne qualifie pas leurs compétences de supérieures, moyennes ou faibles. Soit que le candidat est recommandé, soit qu'il ne l'est pas. Pour le reste, c'est dans le domaine politique, pour ainsi dire.
La commission dispose déjà des compétences nécessaires pour analyser le poste. Elle est capable de faire une évaluation basée sur le mérite.
Comme je l'ai dit, ce qui est essentiel pour cette évaluation, c'est le bassin des candidats: au lieu de se limiter à la commission ou à la fonction publique, le processus doit être ouvert au public.
J'aimerais commencer en disant que le Centre des femmes immigrantes de Montréal applaudit les efforts du présent gouvernement pour modifier le processus de détermination du statut de réfugié. Nous comprenons ses raisons de vouloir rendre le régime de l'asile plus efficace.
Je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'un taux de rejet de près de 58 p. 100 parmi les demandeurs d'asile au cours des deux dernières années est un gaspillage, et qu'un délai d'attente moyen de 19 mois avant la première audition est inacceptable. Par conséquent, il est indispensable d'encourager l'adoption d'un système qui permet d'augmenter le taux d'acceptation des réfugiés au Canada, tout en réduisant de manière considérable les délais.
Toutefois, nous sommes d'avis que cette réforme ne devrait pas se faire aux dépens de l'équité. Plus précisément, elle ne doit pas favoriser ce que certaines personnes pourraient appeler des réfugiés authentiques — comme ceux qui se trouvent actuellement dans des camps de l'ONU, par exemple — par rapport à des demandeurs d'asile qui peuvent sembler plus suspects ou opportunistes.
Nous ne devrions pas favoriser des réfugiés à l'étranger simplement en nous fondant sur une perception que leur demande peut être traitée plus facilement et qu'ils peuvent plus facilement démontrer que leur crainte d'être persécutés est bien fondée. Si nous sacrifiions la vie de demandeurs d'asile, qui autrement deviendraient des réfugiés acceptés, en faisant en sorte qu'il soit plus difficile pour eux de se faire entendre, cela pourrait s'avérer plus économique, mais le coût resterait tout de même trop élevé.
Après une étude attentive du projet de loi , nous constatons que certaines des modifications proposées nuiraient particulièrement aux demandeurs d'asile victimes d'une persécution fondée sur le sexe.
J'aimerais exprimer mes préoccupations au sujet des deux modifications suivantes proposées: le paragraphe 11(2), remplaçant le paragraphe 100(4), et le paragraphe proposé 161(1), rendant une entrevue préliminaire obligatoire dans les huit jours suivant le moment où la demande est déférée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, suivie d'une audition ultérieure au plus tard 60 jours après cette entrevue. L'autre est l'article 12, ajoutant un nouveau paragraphe 109(1) pour désigner les pays d'origine. Leurs citoyens ne seraient pas admissibles à un appel devant la SAR.
[Français]
Des femmes peuvent subir, dans leur pays d'origine, des violences spécifiques liées au fait qu'elles sont des femmes, et ce, malgré une apparence de démocratie dans ces pays. La violence conjugale, la traite des femmes et des jeunes filles, la mutilation sexuelle, des rites de veuvage dégradants, le mariage forcé, des crimes d'honneur, l'orientation sexuelle et le maintien des femmes à l'état de mineures en sont quelques exemples.
Une obligation pour ces femmes de se soumettre à des restrictions temporelles, en ce qui a trait à une entrevue dans les 8 premiers jours suivant le dépôt de la demande d'asile et à une première audience dans les 60 jours suivant cette entrevue, ainsi que proposé au paragraphe 11(2) du projet de loi, risque de causer de sérieuses contraintes étant donné le contexte de l'expérience de ces femmes.
Comme certains députés du Parlement l'ont déjà soulevé, pour une femme qui a, par exemple, été victime de violence sexuelle commise par des figures d'autorité et pour qui, dans son pays d'origine, il est impossible de même parler de cette réalité, il se trouvera beaucoup plus difficile de franchement parler de son expérience à un fonctionnaire, d'autant plus qu'elle risque de ne pas avoir assez de temps pour se procurer de bons conseils juridiques.
Nous comprenons que, si le fonctionnaire en question juge que la demanderesse a besoin de plus de temps pour se préparer psychologiquement à l'entrevue et à l'audience, il y aurait possibilité de prolonger les délais. Par contre, comment s'assurer que ce fonctionnaire pourra effectivement en venir à cette conclusion si la femme en question n'a personne pour défendre cette position? Pouvons-nous compter sur le fait que le fonctionnaire pourrait lire dans ses pensées? Nous croyons que non.
C'est pour cette raison que nous suggérons fortement aux auteurs du projet de loi, premièrement, de clarifier l'utilité d'une telle entrevue avant de procéder à son instauration, plus précisément en ce qui a trait à la fiche de renseignements personnels qui, selon nous, remplit déjà la fonction qu'une telle entrevue pourrait avoir.
Deuxièmement, si les justifications s'avèrent être bien fondées, nous insistons sur le fait que le laps de temps accordé soit suffisant pour pouvoir obtenir l'aide d'un conseiller juridique.
Finalement, la création d'une liste de pays désignés pourrait causer, selon nous, une discrimination envers les femmes. Une liste de ces pays désignés, dont certaines femmes demandant l'asile seraient originaires, aurait pour conséquence de leur enlever l'accès à un appel ou à une audience équitable et indépendante qui tiendrait pleinement compte des injustices commises en raison de leur sexe.
Une possible solution à ce problème serait de clairement établir dans les règlements de rigoureux critères de sélection de pays désignés, qui prendraient en considération la situation des femmes dans ces pays.
Par contre, afin d'assurer que notre système de détermination des réfugiés est équitable pour tous, nous demandons que le paragraphe 109(1) soit abrogé. Cela ne veut pas dire que nous ne sommes pas sensibles au problème des pays qui génèrent un haut pourcentage de refus d'asile, mais que nous croyons plutôt que le temps nécessaire doit être pris pour proposer une solution de rechange qui ne causerait pas de préjudice à un groupe donné.
Les femmes demandeuses d'asile n'ont souvent pas d'autre possibilité que de quitter leur pays et de demander une protection au port d'entrée. Nous revendiquons le statut de réfugié pour les femmes persécutées, parce qu'elles sont des femmes et que nous sommes contre la double violence d'un système de traitement des demandes qui serait discriminatoire à l'endroit des femmes. Cela serait, selon nous, en violation de la Charte canadienne des droits et libertés et en violation de la Convention de Genève.
Les femmes qui font une demande fondée sur le sexe et les personnes qui font une demande sur la base de l'orientation ou de l'identité sexuelles seront les grandes victimes de ce projet de loi...
:
Merci de cette occasion de parler de certaines des préoccupations de la Refugee Lawyers Association of Ontario.
Nous sommes une association bénévole regroupant environ 200 avocats spécialisés dans les demandes d'asile qui pratiquent exclusivement ou principalement dans le domaine du droit des réfugiés. À ce titre, nous avons un certain nombre de préoccupations très sérieuses concernant ce projet de loi. Nous les avons décrites dans notre mémoire qui compte environ 35 pages. J'ignore s'il a été distribué. Nous l'avons remis à M. Chaplin la semaine dernière.
Le président: Nous allons finir par le recevoir.
M. Andrew Brouwer: Excellent.
Étant donné le temps limité à notre disposition, j'ai décidé de concentrer mes observations aujourd'hui sur la question très précise de l'entrevue initiale dans les huit jours, en particulier parce que je crois que cette question ne sera pas beaucoup traitée par certains des autres défenseurs ou dans la discussion portant sur certaines autres questions, dont les demandes pour des motifs d'ordre humanitaire et la liste des pays d'origine sûrs, qui constituent également une grande préoccupation pour nous. Mais espérons que nous pourrons parler de ces questions durant notre discussion.
Comme vous le savez, le gouvernement propose de remplacer la déclaration par écrit actuelle, le formulaire de renseignements personnels, ou FRP — qui est rédigé avec l'aide, normalement, d'un conseiller juridique dans un délai de 28 jours — par une entrevue devant un fonctionnaire de la CISR huit jours après que la demande a été déférée par l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC.
D'après ce que je crois comprendre, le conseiller juridique sera exclu. Qu'il soit ou non exclu activement par la loi ou le règlement, à toutes fins pratiques, il sera exclu, parce que, comme d'autres l'ont déjà dit, trouver un avocat, établir une relation avec ce dernier, obtenir de l'aide juridique et ensuite, comparaître devant la CISR dans un délai de huit jours, cela ne se fera pas — et je parle par expérience.
À notre avis, l'entrevue dans un délai de huit jours n'est ni réalisable — et je vais expliquer pourquoi — ni juste; par ailleurs, j'ajouterais qu'elle n'est pas compatible avec la Charte.
À l'heure actuelle, les demandeurs de statut de réfugié décrivent dans le FRP le bien-fondé de leur demande et donnent des détails sur leurs antécédents, leur famille, leur emploi et les endroits où ils ont vécu au cours des 10 dernières années. Selon notre expérience, le processus consistant à remplir la partie narrative de leur demande de statut de réfugié, c'est-à-dire, le FRP, est une tâche très difficile qui exige que l'on soit très minutieux. Il s'agit vraiment d'amener une personne à se confier pour expliquer ce qui, parfois, constitue les expériences les plus éprouvantes de leur vie.
Habituellement, pour rédiger un FRP décent, vous devez établir une relation de confiance avec votre client. D'après mon expérience, nous avons deux ou trois rencontres, parfois quatre, avec le client au cours de cette période de 28 jours pour établir cette relation, pour lui expliquer que ce qu'il nous dit restera entre les quatre murs de la pièce et que ce qu'il dit à la commission ne sera pas su dans son pays d'origine, et pour l'amener à nous faire suffisamment confiance pour nous parler de certaines des expériences taboues qu'il a parfois vécues.
En vertu de ce projet de loi, le processus d'établissement de cette relation et de description détaillée de la situation sera appliqué par un fonctionnaire huit jours après l'arrivée du réfugié. À notre avis, étant donné le genre d'information qui doit être communiquée à ce moment-là, ce n'est tout simplement pas pratique. Vous ne pouvez pas raisonnablement vous attendre à ce qu'un réfugié, qui vient tout juste d'arriver, ayant vécu certaines des expériences les plus traumatisantes que l'on puisse imaginer, comparaisse devant un fonctionnaire d'un autre gouvernement, dans une autre langue, dans un pays étranger, et qu'il parle, avec un tant soi peu de détails, de ce qu'il vient tout juste de vivre. Je dis cela à la fois à cause de la difficulté de parler de ces questions et à cause de la perception erronée de beaucoup de gens qui pensent que lorsque vous parlez à un gouvernement, n'importe quel gouvernement, à propos de ce qui vous est arrivé dans votre pays, votre gouvernement ou des gens dans votre pays pourraient le savoir.
À notre avis, au moins deux possibilités peuvent se présenter si nous allons de l'avant avec cette idée de remplacer le FRP par cette entrevue dans un délai de huit jours. Premièrement, si nous avons affaire à un fonctionnaire responsable de la CISR, ce dernier se rendra compte qu'il ne peut obtenir l'histoire complète du réfugié en une seule rencontre et il y aura un ajournement de l'audition, puis un autre, alors qu'il essaiera d'établir graduellement ce lien de confiance comme doit normalement le faire le conseiller juridique.
À mon avis, ce que nous verrons très rapidement, c'est un arriéré de demandes dès cette première étape. Alors, plutôt que d'avoir un processus raisonnablement efficace de 28 jours, nous aurons un arriéré qui s'accumulera devant ce fonctionnaire initial — ce qui aura pour effet, en fin de compte, de ralentir le processus plutôt que de l'accélérer, comme le souhaitait le ministre.
L'autre possibilité, évidemment, c'est que nous avons des fonctionnaires de la CISR qui n'ont pas tous le même degré de formation et d'engagement pour consacrer le temps nécessaire à noter toute l'histoire du demandeur, et ce que nous allons obtenir, c'est une entrevue superficielle ou une entrevue teintée d'agressivité où seule une partie de l'information au sujet de la demande de statut de réfugié sera effectivement présentée. Et c'est cette information qui sera présentée à l'audience visant à étudier la demande de statut de réfugié. Si entre-temps, la personne a retenu les services d'un conseiller juridique et a établi une relation de confiance avec ce dernier et a raconté son histoire, elle se présentera finalement à l'audience pour raconter toute son histoire. Les contradictions entre l'information peu étoffée présentée au cours de cette première entrevue et l'information détaillée donnée au cours de l'audience, avec l'aide d'un conseiller juridique, seront utilisées contre cette personne. On jugera qu'elle a monté son histoire de toutes pièces ou qu'elle a menti et sa demande sera rejetée pour ce motif.
À notre avis, ni l'une ni l'autre de ces possibilités, ou bien l'arriéré ou bien le coup monté pour provoquer un rejet, ne constitue une manière acceptable de régler la question des demandes de statut de réfugié.
Alors, de notre perspective, cette entrevue initiale devrait être éliminée. Elle est inappropriée. Il pourrait y avoir d'autres façons, si la commission veut réaliser une entrevue avec le demandeur, pour obtenir certains renseignements de base — c'est correct, mais pas en ce qui concerne le bien-fondé de la demande.
Très brièvement, je vais simplement effleurer trois autres problèmes, si vous le permettez. J'ai deux phrases sur chacun de ces problèmes.
Premièrement, la liste des pays d'origine sûrs. Je demanderais simplement au comité de ne pas se laisser endormir par l'idée de critères objectifs dans la loi. Notre association est d'avis que le fait de simplement mettre en oeuvre certains critères sur la signification du mot « sûrs » ne protégera pas cette loi des contestations en matière d'égalité et fondées sur la Charte que nous allons intenter, non plus que cela forcera essentiellement le ministre à recourir à des critères clairs.
Deuxièmement, la question des restrictions touchant les motifs d'ordre humanitaire. D'autres en ont parlé. J'espère que nous aurons des questions sur ce sujet. Encore une fois, éliminer ce qui a été un aspect fondamental de la loi canadienne sur l'immigration pendant des décennies n'est pas approprié.
Et enfin, en ce qui concerne les restrictions touchant l'ERAR, éliminer l'accès à une évaluation des risques avant renvoi pendant un an après un refus définitif de la commission n'est pas conforme à la Charte ni au droit international. Si cette mesure était adoptée, ce ne serait pas pour bien longtemps.
Merci.
:
Je n'y manquerai pas, monsieur, merci.
Cet exposé se concentrera sur les contributions positives du projet de loi C-11 modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur les Cours fédérales en ce qui concerne l'immigration. Cet exposé ne prétend pas répondre à tous les aspects du projet de loi ou les entériner. D'autres dispositions ou éléments déterminants seront laissés à la discrétion de nos décideurs politiques, des spécialistes du droit, des commentateurs spécialisés et des intervenants qui ont une compréhension beaucoup plus approfondie des détails du projet de loi.
Il est généralement admis que le régime de l'asile du Canada est trop lent. Il faut parfois de nombreuses années pour régler une demande et le temps moyen nécessaire est d'environ 18 mois pour une première décision de la CISR en raison de l'arriéré. De nombreux demandeurs déboutés attendent des années qu'on s'occupe de leur cas. Les retards nuisent aux demandes authentiques et les fausses demandes nuisent encore davantage à ce processus. L'accent doit être placé sur l'obligation de protéger les personnes qui cherchent à fuir la violence et la persécution. Cela devrait se faire d'une manière rapide, honnête et mesurée, mais réfléchie.
Le régime actuel demande beaucoup trop de temps. Le nouveau projet de loi fournit une audition beaucoup plus rapide. Il est important que les demandeurs de statut de réfugié se voient accorder ce statut le plus rapidement possible, si la CISR juge que tel est le cas. Plus l'audition de fait rapidement, moins il y a de chances qu'il y ait de fausses demandes et plus tôt les demandeurs peuvent s'installer au Canada. Moins il y a de gens qui présentent de fausses demandes, moins il y a de chances que le système devienne embourbé ou qu'il y ait des arriérés. C'est un autre aspect positif du projet de loi proposé.
Les autres avantages comprennent l'accès à un système dans lequel les réfugiés ont l'occasion de parler de leur situation. De nombreux pays ne permettent pas cela. L'accès réduit le nombre de gens qui choisissent de vivre dans la clandestinité et qui demeurent illégalement au Canada. Il y a un encouragement pour les réfugiés à demander le statut de réfugié pour qu'ils soient connus des autorités. Le gouvernement peut identifier facilement les demandeurs et cela peut réduire la tentation de passer à la clandestinité.
Les décisions de première instance de la CISR constituent une autre force du projet de loi. Ces gens ont accès à de bonnes ressources concernant l'information sur les autres pays, ont des procédures minutieuses, et les réfugiés obtiennent une occasion entière et équitable de raconter leur histoire. Si une demande est acceptée, le réfugié concerné obtient alors le statut de résident permanent. D'autres pays ne permettent pas aux réfugiés d'acquérir la pleine citoyenneté même lorsque leur demande a été acceptée. Une fois que le statut de résident permanent a été accordé, les personnes peuvent s'enraciner et le Canada devient leur pays.
Le nouveau régime de l'asile proposé comprendrait une section d'appel des réfugiés au sein de la CISR. Le processus d'appel permettrait que l'on présente de nouvelles données si ces dernières n'étaient pas disponibles au moment de l'entrevue initiale avec la CISR. Tous les demandeurs déboutés, y compris ceux qui viennent de pays d'origine sûrs désignés, continueraient d'avoir la possibilité de demander à la Cour fédérale d'examiner une décision défavorable. La possibilité de présenter de nouvelles données qui n'étaient pas disponibles au moment de l'entrevue initiale offre une possibilité accrue de défendre sa cause.
Rendre des décisions en matière de statut de réfugié est une tâche incroyablement difficile. Pour relever ce défi, un régime réformé doit être fondé sur les trois piliers suivants: une bonne première décision, un mécanisme d'appel fiable et le renvoi sans délai des demandeurs déboutés.
Nos recommandations sont les suivantes: que la CISR nomme au tribunal du personnel bien formé, compétent et expérimenté pour rendre des premières décisions solides; que la CISR entreprenne un examen régulier des pays qui sont considérés comme des pays sûrs; que l'ASFC renvoie les demandeurs déboutés en temps opportun; et enfin, que la CISR ait le pouvoir discrétionnaire de prolonger les délais dans des circonstances exceptionnelles.
Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité.
:
Oui, je le peux, merci.
Il y a un certain nombre d'années, le Conseil canadien pour les réfugiés, Amnistie Internationale, le Conseil canadien des Églises et M. Untel ont contesté l'Entente sur les tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis devant la Cour fédérale. Comme vous le savez, et comme M. Coderre le sait, la loi actuelle stipule clairement qu'on peut désigner un pays comme sûr seulement si... Eh bien, le ministre peut désigner un pays qui se conforme à l'article 33 de la Convention sur les réfugiés, à l'article 3 de la Convention contre la torture, et pour en arriver à cette position, le ministre doit tenir compte de son bagage en matière de droits humains, du système d'octroi de l'asile, etc.
Nous avons donc eu recours aux tribunaux et recueilli beaucoup de renseignements, en particulier sur le système d'octroi de l'asile des États-Unis. Bien entendu, le système américain d'octroi de l'asile est généralement acceptable maintenant, mais fait-il en sorte que ce pays respecte toujours complètement ses obligations en droit international? Ce n'était certainement pas le cas sous la présidence de M. Bush.
Nous avons contesté cette affaire devant la Cour fédérale. La Cour fédérale a clairement et catégoriquement statué que les États-Unis ne se conforment pas à l'article 3 de la Convention contre la torture, ni à l'article 33 de la Convention sur les réfugiés. Donc, en vertu de ces deux critères de la loi, la Cour a statué que c'était une erreur; la désignation n'était pas convenable, car le ministre avait dit qu'elle était conforme, alors qu'en fait, ce n'était pas le cas.
L'affaire s'est ensuite rendue en Cour d'appel, qui a statué très clairement qu'essentiellement, la cour n'a pas le rôle d'évaluer la décision du ministre concernant l'application du critère de désignation.
C'est ce qui nous inquiète. On peut inclure dans cette loi des critères qui semblent très convenables sur la définition d'un pays sûr ou non sûr. Cela paraîtra bien. Le Parlement adoptera cette loi et nous finirons par désigner des pays pour des raisons politiques, pour toutes sortes de raisons, et aucun examen n'aura lieu.
:
Il y a plusieurs éléments. Le fait que nous n'ayons pas de SAR en ce moment, huit ans après que sa mise en oeuvre ait été approuvée par le Parlement, est problématique. Cela a été un problème au cours des huit dernières années, mais c'était le cas avant même qu'il soit question de la SAR.
L'absence d'instance d'appel demeure un problème. Le fait que ce projet de loi propose sa mise en place est en grande partie une excellente chose, mais de notre point de vue, il est injuste de se fonder sur une présomption de sûreté d'un pays pour justifier le refus d'un accès à un appel en bonne et due forme. Bien sûr, c'est injuste pour certaines raisons. Une combinaison de questions est en cause. Dans ce projet de loi figurent de multiples changements qui ont tous une incidence les uns sur les autres, particulièrement dans le contexte de l'entrevue dans les huit jours et du processus d'audience dans les 60 jours.
En ce moment, cette entrevue a lieu devant un fonctionnaire, et nous ne savons pas du tout qui sera ce dernier. À l'heure actuelle, d'après le libellé du projet de loi, ainsi que M. Showler et d'autres personnes l'ont indiqué, il pourrait s'agir d'un agent d'examen des risques avant renvoi en poste actuellement, d'un agent d'exécution ou de n'importe qui d'autre.
Donc, si ce sont des fonctionnaires qui pourraient travailler ou qui travaillent déjà pour le ministre qui prendront cette décision initiale et trancheront à l'égard de personnes provenant de pays désignés par le ministre comme étant des pays sûrs, ces personnes sont celles-là même qui auront besoin d'interjeter appel devant quelqu'un qui est impartial et qui est préservé de l'influence du ministre, ou devant une personne nommée pour une durée déterminée par le gouverneur en conseil.
À mon avis, on fait pratiquement les choses à l'envers. Encore une fois, c'est l'un des problèmes que pose cette proposition, selon nous.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation. Mon nom est Catherine Dagenais, je suis avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec. Le Barreau du Québec compte un peu plus de 23 000 membres. Il a pour principal mandat la protection du public. Il s'assure de l'exécution de ce mandat en veillant, notamment, à assurer la primauté du droit, à maintenir la séparation des pouvoirs, à promouvoir l'égalité de tous devant la loi et à protéger l'équilibre souvent précaire entre les droits des citoyens et les pouvoirs de l'État.
À titre d'avocate au Service de recherche et législation du Barreau du Québec, je coordonne notamment les travaux du Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec, qui est composé d'une dizaine de praticiens en droit de l'immigration et de la citoyenneté. Le comité analyse diverses questions relatives à l'immigration et a reçu le mandat d'examiner le projet de loi .
Je suis accompagnée aujourd'hui de Me France Houle, membre du Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec. Me Houle a été admise au Barreau du Québec en 1989. Elle est professeure à la Faculté de droit de l'Université de Montréal où elle enseigne le droit administratif et le droit de l'immigration.
Les commentaires du Barreau du Québec portent aujourd'hui sur le projet de loi . J'exposerai brièvement la position du Barreau Québec qui a été élaborée dans notre lettre datée du 7 mai. Ma collègue pourra ajouter tout élément pertinent et répondre à vos questions.
Le Barreau du Québec se réjouit de l'effort important qui est fait pour tenter de trouver un équilibre entre une plus grande rapidité de traitement et un traitement équitable des réfugiés. Il se réjouit de la mise en place d'un mécanisme d'appel pour les réfugiés. Le Barreau du Québec réclamait déjà depuis un certain temps un véritable mécanisme d'appel. Cette Section d’appel des réfugiés aura pour avantage de développer une expertise et un corpus jurisprudentiel. Cependant, certains éléments doivent être revus afin d'éviter que des effets néfastes se produisent à l'égard d'une population vulnérable.
Le Barreau du Québec est particulièrement préoccupé par certains délais proposés dans ce projet de loi. Le Barreau du Québec propose donc quatre semaines au lieu de huit jours en ce qui concerne le processus de collecte de renseignements. Il propose également un délai de quatre mois avant la première audition à la section de protection des réfugiés. Il faut laisser du temps aux réfugiés pour trouver des avocats compétents, pour obtenir la preuve de leur pays d'origine et pour faire les démarches auprès de l'aide juridique.
Par ailleurs, un avocat compétent s'occupant du dossier va faciliter le déroulement de ce dossier. Ces avocats ont besoin d'un certain temps pour préparer, bien conseiller et représenter leurs clients. Il faut donc une préparation adéquate dès le début. De plus, si la première audition comporte des lacunes, l'ensemble du système risque de dérailler. Il faut donc utiliser judicieusement les ressources de la CISR, évitant de multiples remises.
Selon le projet de loi, les décisions en première instance seraient prises par des fonctionnaires. Le Barreau du Québec est d'avis que les postes devraient être offerts à tous, autant aux membres du public qu'aux gens travaillant dans les différents ministères. Par ailleurs, il faut s'assurer de l'indépendance et de l'impartialité des décideurs de première ligne proposés.
Une autre grande préoccupation du Barreau du Québec a trait aux pays d'origine désignés et à la possibilité que le ministre désigne les pays dont les ressortissants n'auraient pas accès à l'appel. Le critère rattaché au pays est choquant sur les plans de l'accès à la justice et de l'égalité de tous devant la loi. Le Barreau du Québec est contre ce double régime d'appel.
Par ailleurs, si cette solution doit être considérée, il faut à tout le moins s'assurer qu'il y a des garanties et qu'il y ait un processus juste et transparent pour désigner ces pays. Il faut que le comité compte des experts indépendants ayant une expertise considérable en droits de la personne et en droit humanitaire, ainsi que des représentants du public.
De plus, et ce point est important, il y aurait lieu de faire préciser clairement dans la mesure législative, et non par décret ou par règlement, quels sont les critères permettant d'encadrer le processus de désignation des pays sûrs. Ces critères devraient faire aussi l'objet de commentaires.
En ce qui a trait au mécanisme d'appel, le Barreau du Québec note que les nominations à la Section d’appel des réfugiés seraient faites par le Cabinet. Le Barreau du Québec réitère qu'il faut éviter toute nomination politique et insister sur la compétence pour que la réforme proposée fonctionne. Il suggère, dans sa lettre, un processus de nomination que nous vous invitons à considérer. J'inviterais Me Houle à parler maintenant du processus suggéré.
:
Au niveau fédéral, il n'existe pas de processus de sélection et de recrutement des membres des tribunaux administratifs. Aucune réforme n'a été faite en ce sens au sein du gouvernement fédéral. Il y en a eu une au Québec, aux termes de la Loi sur la justice administrative, en 1996. Il y a déjà 15 ans qu'un processus de sélection et de recrutement des membres existe au Québec pour les quatre grands tribunaux administratifs, soit le TAQ, la Régie du logement, la Commission des relations du travail et la Commission des lésions professionnelles. Chacun de ces tribunaux est aussi important en ce qui a trait au nombre de commissaires nommés qu'au nombre d'affaires entendues par ces organismes.
Ce qu'il est important de considérer, c'est que la justice administrative est maintenant aussi importante, sinon plus, que la justice civile et la justice criminelle en ce qui a trait au nombre de cas réglés chaque année. Très certainement, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada tombe dans cette catégorie de tribunaux administratifs, qui sont de nature purement juridictionnelle. Dans cette catégorie de véritables tribunaux administratifs, la Cour suprême du Canada a fortement évolué quant à sa jurisprudence, qui porte sur la garantie d'indépendance de ces organismes. Un des points sur lequel la cour insiste, notamment dans les affaires Ell et Bell, c'est justement le recrutement et la sélection des membres. La cour n'a pas encore prononcé de décision claire à ce sujet, mais il y a des tendances, et il faudra éventuellement que le gouvernement fédéral en prenne note, notamment parce que dans l'affaire Bell, il s'agissait d'un tribunal administratif fédéral qui était en cause.
La procédure que nous proposons est essentiellement celle qui existe aux termes de la Loi sur la justice administrative.
Il faudrait donc d'abord un avis public d'appel aux candidatures pour énoncer les qualités et les compétences requises des candidats.
Ensuite, il faudrait former un comité — incluant un membre du gouvernement, le président de la CISR et un avocat du Barreau, préférablement celui de la province où le candidat serait nommé — qui serait chargé d'étudier les dossiers des candidats et sélectionner les dossiers pour l'entrevue.
À la suite du processus d'entrevue, le comité serait appelé à dresser une liste de noms de personnes aptes à être nommées commissaires au sein de la CISR, et le Cabinet devrait choisir les personnes qui seraient nommées commissaires au sein de cette liste. Il ne serait plus question d'être éliminé de la liste; il faudrait y rester.
Finalement, les mandats devraient être fixes. Il faudrait cesser de limiter les mandats en droit fédéral à une durée de cinq ans renouvelable. Si le mandat du membre n'est pas renouvelé au terme des cinq ans, il faudrait lui dire pourquoi, et il faudrait lui donner la chance de faire valoir son point de vue sur les raisons pour lesquelles on ne renouvelle pas son mandat.
Voilà, grosso modo, la procédure que nous proposons.
Je vais laisser la parole.
:
Merci. Je m'appelle Geraldine Sadoway et je suis accompagnée de Rathika Vasavithasan.
Je suis avocate à l'emploi de Parkdale Community Legal Services. Notre clinique a produit au fil des 40 dernières années à Toronto quelques-uns des plus grands noms en matière de droit de l'immigration et de statut des réfugiés. Je vous dirais notamment que James Hathaway a été l'un des étudiants à notre emploi.
Rathika est elle-même étudiante en droit, mais avait travaillé auparavant auprès de communautés d'immigrants. Elle représente en outre la communauté tamoule qui a été déplacée. Sa famille a participé au programme de réfugiés sélectionnés par le gouvernement et elle fait partie d'une communauté dont bien des membres viennent au Canada pour revendiquer le statut de réfugié.
Je représente le groupe de Parkdale, mais aussi les nombreux travailleurs des cliniques juridiques communautaires de l'Ontario et d'autres régions du pays qui s'emploient à aider les immigrants et les réfugiés parmi les plus vulnérables qui sont passés à travers les mailles du filet de notre système. Nous travaillons avec des gens qui souffrent souvent de traumatismes très importants; des gens qui ont des problèmes de santé mentale, des femmes, des enfants, des aînés; et des gens qui ont survécu à la torture et à d'autres formes de sévices aussi terribles que traumatisantes.
Les étudiants en droit qui participent à notre programme nous arrivent souvent, comme Rathika, armés d'une très riche expérience de travail auprès des réfugiés et des immigrants.
Nous intervenons aujourd'hui au sujet des modifications proposées à l'article 25 de la loi qui traite des considérations d'ordre humanitaire. Il s'agit des nouveaux paragraphes 25(1.1), 25(1.2) et 25(1.3) qui sont proposés. Nous croyons qu'on devrait simplement les retirer du projet de loi. Ces nouvelles dispositions sur les considérations d'ordre humanitaire auront des répercussions énormes sur les communautés que nous desservons.
D'après ce qu'on y propose, une personne devra choisir entre une revendication du statut de réfugié et une demande pour des motifs humanitaires. Autrement dit, si vous revendiquez le statut de réfugié, vous ne pouvez pas déposer de demande pour considérations humanitaires tant que votre revendication n'est pas réglée, et en cas de rejet, pendant toute l'année qui suit.
En outre, le paragraphe 25(1.3) proposé du projet de loi prévoit que si vous réussissez à présenter une demande pour considérations humanitaires un an après le rejet de votre revendication de statut de réfugié, vous ne pouvez invoquer aucun des risques soulevés aux fins de votre revendication du statut de réfugié pour étayer votre nouvelle demande. De plus, cette disposition empêche d'invoquer quelques difficultés ou facteurs de risque que ce soit au titre d'une demande pour considérations humanitaires si ces facteurs auraient pu servir de fondement à une revendication du statut de réfugié.
Il faut remonter au moins aux années 1950 pour retrouver une contrainte de cette importance par rapport au pouvoir ministériel. Je me souviens d'avoir étudié la loi à cette époque, mais au fil des versions qui se sont succédé depuis, le ministre a toujours eu la possibilité de prendre en compte les motifs humanitaires. Voilà cependant que l'on veut maintenant exclure les facteurs qui auraient pu servir de base à une revendication du statut de réfugié.
D'abord et avant tout, les modifications proposées ne permettent aucun gain d'efficience, car les demandes pour considérations humanitaires sont actuellement examinées dans le cadre d'un processus distinct. Elles sont traitées par les agents d'immigration, plutôt que par la Commission du statut de réfugié. La demande est présentée sur papier, et non pas en personne. Et le traitement d'une telle demande ne peut pas empêcher le renvoi de la personne. Il n'y a donc aucun avantage. On ne gagne rien en mettant à l'écart ce processus de demande pour considérations humanitaires.
Si vous avez une demande pour considérations humanitaires en cours de traitement et qu'on vous refuse le statut de réfugié, vous pouvez tout de même être expulsé du Canada. Je le sais pour avoir eu à composer avec de tels dossiers en ma qualité d'avocate.
On peut bloquer un renvoi uniquement si l'agent d'immigration accepte de le reporter ou si un juge de la Cour fédérale reconnaît que la personne expulsée subirait des torts irréparables. Nous avons aussi traité des cas de cet ordre.
Nous nous retrouvons à créer une situation extrêmement pénible pour la personne venue au Canada afin de fuir un problème dans son pays d'origine. Il devient très difficile de conseiller ces gens.
Je vais demander à Rathika de présenter à la caméra un petit diagramme de Venn que nous avons préparé. Vous pouvez y voir une grande zone grise entre ce qui constitue une crainte fondée de persécution, le critère pour l'octroi du statut de réfugié, et ce qui ne satisfait pas à ce critère rigoureux, mais place tout de même la personne dans une situation extrêmement pénible. Le statut de réfugié procure donc une bien meilleure protection grâce au principe du non-refoulement. On ne peut renvoyer la personne dans le pays où elle craint d'être persécutée.
Les réfugiés admis et les membres de leur famille ont droit à des exemptions relativement à des conditions qui les rendraient par ailleurs inadmissibles, notamment sur le plan financier et médical. Mais les facteurs qui guident la détermination du statut de réfugié ne sont pas parfaitement tranchés. Ce n'est pas tout blanc ou tout noir; il ne suffit pas simplement de décider si vous êtes un réfugié ou non. Il y a des décisions difficiles à prendre et de nombreux cas se retrouvent dans cette zone grise dont je vous parlais.
Certains éléments peuvent mener à une décision favorable par l'un des membres de la commission, mais ne seront pas déterminants pour un de ses collègues, ce qui n'empêche pas de les considérer pour des motifs humanitaires. Nous avons vu de nombreux cas semblables. J'ai inclus dans notre mémoire des exemples de cas où la commission a déclaré à l'audience que la personne était effectivement victime de discrimination très grave et qu'elle avait eu à vivre une situation épouvantable, sans que cela ne soit suffisant pour lui accorder le statut de réfugié, mais que tous ces éléments pourraient facilement être mis en valeur dans le cadre d'une considération pour motifs humanitaires. Dans ces différents dossiers, nous avons présenté une demande pour considérations humanitaires après le rejet de la revendication, en citant l'opinion formulée par la commission.
La commission n'a pas pouvoir décisionnel relativement à une demande présentée pour des considérations humanitaires. Elle ne peut pas simplement déclarer que faute de pouvoir accorder le statut de réfugié, elle va accepter la personne pour des motifs humanitaires. Mais l'agent d'immigration peut examiner les conclusions de la commission, constater que le requérant a été jugé crédible et accepter sa demande. Voilà que nous allons tout simplement éliminer cette possibilité. Nous allons établir que toutes ces personnes qui ont d'excellents éléments à faire valoir pour des motifs humanitaires devront simplement quitter le pays si on ne fait pas droit à leur revendication du statut de réfugié. Il ne sera plus possible de fonder la demande pour considérations humanitaires sur les éléments favorables relevés par la commission dans son étude du dossier.
:
Ce qui explique effectivement le chandail. Je suis à Calgary et je suppose qu'il y a des gens de l'Ouest chez vous qui aimeraient bien encourager les Canucks ce soir, alors nous allons essayer de ne pas nous éterniser.
Je m'appelle Michael Greene. Je suis avocat praticien en immigration à Calgary. J'exerce le droit depuis 1984 et le droit de l'immigration depuis 1987. Je travaille au sein d'une firme qui se consacre exclusivement au droit de l'immigration. Je ne m'occupe plus de cas de réfugiés — ce sont d'autres avocats de ma firme qui s'en chargent — mais j'ai appris à connaître ce système depuis ses tout débuts en 1989.
Je suis membre actif de l'Association du Barreau canadien depuis 20 ans. J'en était le président national à l'époque où la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été élaborée, ce qui fait que j'en connais pas mal sur le processus législatif et son fonctionnement. J'ai en outre comparu à plusieurs reprises devant différents comités, dont celui-ci.
On m'a demandé de vous faire part de mes points de vue à titre personnel, et c'est ce que je vais faire. Je ne représente donc aucune organisation, bien que mes préoccupations rejoignent celles exprimées devant vous par de nombreux groupes et individus.
Le fonctionnement du système m'inquiète tout particulièrement. Je crois qu'il mine la confiance de la population envers l'ensemble des lois et des processus en matière d'immigration et de détermination du statut de réfugié. Les retards sont une véritable plaie. La lenteur du processus attire les demandeurs non légitimes qui réussissent parfois à prolonger leur séjour de plusieurs années, comme nous le savons tous. Pour leur part, les personnes présentant une demande à juste titre voient souvent leur situation déjà difficile se compliquer encore davantage du fait des retards dans le processus.
Le volume élevé de demandes en provenance de certains pays, surtout quand les cas sont jugés moins probants que d'autres, entraîne l'imposition de visas. En fait, c'est ce qui arrive toutes les fois où le nombre de demandes est important. Cela rend la situation difficile pour certains pays, comme nous avons pu le constater avec le Mexique. C'est difficile également pour l'Union européenne. Il y a assurément des problèmes qui surviennent lorsque nous avons recours à la méthode des visas pour endiguer l'influx de demandes de détermination du statut de réfugié.
Compte tenu de toutes ces préoccupations, les mesures proposées pour accélérer le processus sont certes les bienvenues. Je suis persuadé que la plupart des Canadiens appuient le ministre dans son intention déclarée de rationaliser le système ou de faire en sorte que nous puissions reconnaître les réfugiés légitimes et dissuader les gens qui présentent des demandes non fondées.
Cela étant dit, je m'interroge beaucoup au sujet des solutions proposées. J'aimerais d'abord revenir sur le fait que bon nombre des mesures pouvant être prises pour accélérer le processus sortent du cadre législatif. Certaines de ces solutions ont été proposées dans le contexte de ce projet de loi et d'autres pourraient y être ajoutées. Une grande partie des retards dans le système sont attribuables aux ressources limitées à la disposition de CIC et de la CISR. Les ressources du ministère sont vraiment mises à rude épreuve. On n'arrive pas à traiter toutes les demandes pour considérations humanitaires et c'est la même chose pour les dossiers d'évaluation des risques avant renvoi. Dans ce dernier cas, il faut souvent attendre 18 mois ou même davantage avant même que l'évaluation ne puisse s'amorcer. Il faut ensuite beaucoup de temps avant qu'une décision ne soit rendue. Ce n'est pas que le traitement de la demande soit si long; c'est simplement qu'elle se retrouve coincée dans une file d'attente.
Il en va de même des dossiers d'expulsion. Au fil des ans, je me suis fait des amis parmi les gens qui s'occupent de ces dossiers. Je sais qu'ils sont soumis à beaucoup de stress, car ils doivent établir des priorités et ne sont pas en mesure de s'acquitter de toutes les tâches qui leur incombent. Il arrive que ces dossiers d'expulsion traînent pendant des mois, voire des années, parce que des criminels sont en cause ou qu'il y a des priorités plus urgentes, entre autres raisons. Il serait donc formidable que l'on puisse injecter davantage de ressources dans le système, comme le ministre l'a proposé. Il n'est pas nécessaire de modifier la loi pour ce faire.
Il faut aussi dire que notre commission pourrait travailler de façon plus efficace. Pendant le mandat de Jean-Guy Fleury à la présidence, les délais de traitement pour les revendications du statut de réfugié ont été réduits à six mois grâce à de nouvelles procédures et à un effort concerté de la part de tous. Il a fallu que chacun se retrousse les manches et mette les bouchées doubles. Le système fonctionnait alors vraiment bien. Malheureusement, certaines nominations n'ont pas été renouvelées et de nouveaux titulaires n'ont pas été nommés à ces postes. Comme le volume des demandes demeurait élevé, les choses ont commencé à échapper à la maîtrise des responsables.
La plupart des retards pourraient être éliminés si on s'assurait simplement de doter notre commission des ressources suffisantes et de faire la même chose pour les agences qui interviennent dans ces dossiers.
Je ne vous ai pas dit que j'enseigne le droit de l'immigration à la Faculté de droit ici à Calgary. Nous parlons beaucoup des processus et de leur fonctionnement. Nous traitons également des garanties et des procédures de recours qui sont accessibles dans certains cas.
Relativement à ce qui est proposé ici, je suis tout à fait favorable au processus de détermination en deux étapes que l'on veut instaurer. Il y a longtemps que l'on réclame un tel processus. Il n'y a pas vraiment de filet de sécurité efficace actuellement en cas de mauvaise décision, ce qui ne manque pas d'arriver, car l'erreur est humaine. Il arrive que des gens ne soient pas bien représentés. Différentes choses peuvent se produire. J'estime que le processus en deux étapes va considérablement rehausser la qualité des décisions prises.
Je suis en faveur des propositions du Barreau du Québec concernant les nominations politiques et non politiques, qui ont été un problème récurrent depuis la création de la CISR en 1989. On a fait de mauvaises nominations et on a pris de mauvaises décisions. Cela n'a aucune utilité; la qualité pourrait être améliorée.
Le système à deux vitesses justifierait les restrictions dans l'ERAR, qui a été un processus d'appel très insatisfaisant. Avec un taux de succès d'environ 2 p. 100, l'ERAR est un immense gaspillage d'argent. Les fonds seraient bien mieux investis dans la SAR, où le processus d'appel est plus efficace. Je pense que le système à deux vitesses nous permettrait de justifier la décision de restreindre l'accès à l'ERAR. Par contre, je ne vois pas pourquoi on refuserait les motifs d'ordre humanitaire, ce dont je parlerai plus tard.
L'idée de déterminer le temps de traitement des dossiers par une mesure législative est séduisante. De cette manière, peu importe le parti au pouvoir, le gouvernement doterait la commission des ressources adéquates pour s'en tenir aux délais prescrits. Le problème — et j'en viens à mes principales préoccupations concernant le projet de loi —, c'est que les délais proposés ne sont simplement pas réalistes. Les délais de huit et de soixante jours... Il est impossible de travailler dans ce contexte. Par exemple, les responsables de l'aide juridique prennent tellement de temps à nommer un conseiller que ces délais seraient pour ainsi dire écoulés avant qu'il rencontre le client.
En droit civil et pénal, il serait impensable — absolument inacceptable — que le gouvernement impose un délai de 60 jours pour qu'une cause soit entendue. Néanmoins, on propose de le faire pour les gens menacés de torture, de persécution et peut-être même de mort. Même si les délais déterminés sont une bonne idée, ils doivent être modifiés. À mon avis, ils ne sont pas raisonnables. Tous les avocats du domaine à qui j'ai parlé l'ont dit. Même mon associé, un avocat qui a une grande expérience dans le domaine, dit qu'il ne voudrait pas pratiquer en pareilles circonstances, parce que cela ne serait qu'une apparence de justice.
On est aussi préoccupés par la liste du ministre. Comme plusieurs groupes ont en déjà parlé, je ne vais pas trop insister, mais il y a danger de politiser le processus.
Le ministre actuel a de bonnes intentions. Cela dit, c'était la même chose pour la ministre en poste lorsque la LIPR a été sanctionnée. Concernant deux ou trois dispositions, notamment celle sur le déni du droit d'appel aux personnes condamnées pour un crime, la ministre avait dit de ne pas s'en faire, car elle exercerait son pouvoir discrétionnaire pour qu'on prenne de bonnes décisions et qu'on laisse les gens rester ici lorsque leur situation le justifie. Quoi qu'il en soit, elle n'est pas restée ministre très longtemps. On a pu constater que toute une série de ministres n'ont pas vraiment exercé ce pouvoir.
Je n'aime pas qu'on donne autant de pouvoir aux ministres et je crois qu'il devrait y avoir des critères si on établit une liste. On devrait également examiner attentivement les conséquences. À mon avis, l'effet serait bien plus positif dans le cas des demandes de gens provenant de pays sûrs et il entraînerait un processus vraiment plus rapide. Cela découragerait ceux qui présentent une demande non fondée. Ces personnes sauraient qu'on les renverrait assez vite, qu'elles ne pourraient pas s'éterniser ici et abuser du système.
En revanche, je m'oppose fortement à la restriction de l'accès aux contrepoids qui existent dans le processus d'appel pour motifs d'ordre humanitaire. Ces motifs — je ne suis pas le premier à le dire — sont essentiels au fonctionnement du système. Souvent, nous devons composer avec des règles arbitraires ou rigides et contraignantes pour déterminer dans quelle catégorie tombe la personne concernée. Ce sont les motifs d'ordre humanitaire qui permettent aux gens qui ont de bonnes raisons de présenter une demande de rester ici, même s'ils ne répondent pas tout à fait aux exigeants critères d'acceptation. Cette particularité majeure de notre système existe depuis que je m'intéresse au domaine — voire même depuis plus longtemps, je crois. N'oublions pas que j'enseigne l'histoire de l'immigration. Je serais très déçu qu'on minimise ici ces motifs, qui sont une partie fondamentale de notre système.
Il est tentant de...
:
C'est le problème, en fait.
Par pays d'origine, on ne spécifie pas de quoi on parle au juste. La loi, en elle-même, pose des problèmes d'arbitraire. De plus, les critères seront posés dans les règlements, alors que, depuis 20 ans, il y a une politique législative, notamment au gouvernement fédéral, faisant en sorte que les critères enlevant des droits à des personnes sont dans la loi et non pas dans les règlements.
Par ailleurs, j'aimerais seulement prendre deux secondes pour dire que le processus de formation d'un règlement en droit canadien fait en sorte que, maintenant, il y a un peu de consultation possible, notamment par la directive du Cabinet sur la rationalisation de la réglementation. Toutefois, dès qu'il y a une modification à un règlement, la consultation devient de moins en moins importante.
Donc, finalement, le gouvernement pourrait faire un beau règlement pour plaire à tout le monde, au départ, et, petit à petit, enlever des éléments importants du règlement. Cela pose problème. Seulement sur le plan de la politique législative, les critères devraient être dans la loi; et le processus, dans les règlements.