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La séance est ouverte. Il s'agit de la 32
e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.
Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 8 octobre 2010, nous étudions aujourd'hui le projet de loi .
Notre témoin aujourd'hui est la députée Kelly Block, notre collègue et la marraine du projet de loi.
Mme Block aura 10 minutes, après quoi, si c'est nécessaire, nous demanderons à Glenn Gilmour, avocat de la Section de la politique en matière de droit pénal, de répondre aux questions des députés.
J'invite Kelly Block à présenter son projet de loi.
Vous avez 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis très heureuse de prendre la parole devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne pour appuyer le projet de loi , qui est identique à l'ancien projet de loi , que le Sénat a modifié, puis adopté le 10 juin 2009.
En octobre et en novembre, l'ancien projet de loi a été débattu à l'étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes. Il a été renvoyé à votre comité en novembre 2009, mais il est mort au Feuilleton en décembre.
Monsieur le président, permettez-moi de donner quelques renseignements généraux sur le projet de loi dans l'intérêt de tous mes distingués collègues.
Le projet de loi vise à inclure expressément les attentats suicides dans la définition que le Code criminel donne des activités terroristes.
Les attentats suicides sont une façon monstrueuse de créer un chaos indescriptible parce qu'ils témoignent d'un mépris total pour la vie humaine. Les dommages causés par un attentat suicide peuvent être immenses. Par exemple, les attentats du 11 septembre ont fait près de 3 000 victimes.
Il est également évident que les attentats suicides sont en train de devenir une tactique terroriste courante. Les attentats commis le 7 juillet 2005 à Londres; ceux de Mumbai, en Inde; les attentats à la bombe dans le métro de Moscou en mars dernier; les incidents récents au Daghestan et nombre d'autres en Afghanistan — tous ces attentats s'inscrivent dans une tendance mondiale qui consiste à terroriser les gens ordinaires.
La définition que le Code criminel donne des activités terroristes comprend déjà les attentats suicides, à juste titre. Cette définition se trouve au paragraphe 83.01(1) du Code criminel.
Le projet de loi vise à modifier l'article 83.01 du Code par adjonction, après le paragraphe 83.01(1.1), de ce qui suit:
(1.2) Il est entendu que l’attentat suicide est un acte visé aux alinéas a) ou b) de la définition de « activité terroriste » au paragraphe (1) s’il répond aux critères prévus à l’alinéa en cause.
Pour commencer, la première partie de la définition de « activité terroriste » inclut, en partie, les infractions criminelles visées par la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, qui est l'une des conventions adoptées par les Nations Unies en matière de contre-terrorisme.
En outre, la définition générale d'activité terroriste dans la seconde partie de la définition inclut toute activité terroriste qui cause intentionnellement des blessures graves ou la mort, ou qui met en danger la vie d'une personne. Par conséquent, on pourrait faire valoir qu'un attentat suicide commis à des fins terroristes est déjà visé par cette définition.
Une définition générale d'activité terroriste qui inclut les attentats suicides suffirait aux fins des poursuites, mais des criminalistes canadiens distingués ont déclaré devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles qu'inclure explicitement l'attentat suicide dans le Code criminel pourrait faciliter les poursuites et la condamnation des organisateurs, des instructeurs et des parrains de ces attentats.
Pour cette raison, monsieur le président, le projet de loi propose d'ajouter une disposition descriptive à la définition d'activité terroriste. L'avantage de cette disposition, c'est qu'elle informe clairement et fermement non seulement les Canadiens, mais aussi les gens de partout au monde que le Canada s'oppose aux attentats suicides comme tactiques terroristes compte tenu du mépris évident qu'ils témoignent pour la vie et la dignité humaines.
Monsieur le président, le projet de loi a été rédigé avec précision pour veiller à ce que la disposition descriptive soit conforme à la définition d'activité terroriste que contient déjà le Code et à ce qu'elle n'augmente pas accidentellement la portée du terme. On y précise expressément que l'attentat suicide ne constitue une activité terroriste que s'il répond aux critères précisés dans la définition de cette expression. Ainsi, il est clair que tout autre type d'attentat suicide n'ayant aucun lien avec une activité terroriste n'est pas visé par la définition.
Permettez-moi de vous donner un exemple pour vous montrer toute l'attention qui a été attachée à la rédaction de la disposition descriptive.
D'une part, je crois que nous pouvons tous convenir que cette nouvelle disposition d'interprétation devrait viser tout kamikaze qui cible délibérément des civils innocents pour faire avancer ses objectifs terroristes et ceux qui l'aident dans ces efforts.
D'autre part, supposons qu'un homme souffrant de problèmes de santé mentale décide de fixer des explosifs à son corps et de se faire exploser au beau milieu d'un champ désert. Il s'agit bien d'un attentat suicide, mais l'auteur de cet acte n'a pas agi avec l'intention d'intimider le public pour des raisons politiques, religieuses ou idéologiques. Il n'avait pas non plus l'intention de blesser quiconque, sauf lui. En termes simples, dans cette situation, la personne n'a aucun lien avec le terrorisme. Cet acte ne serait pas considéré comme une activité terroriste selon la définition originale, ni selon la nouvelle disposition d'interprétation.
Le paragraphe 83.01(1.2) proposé du projet de loi permet d'apporter cette précision parce qu'il stiple clairement que les attentats suicides doivent répondre aux critères prévus aux alinéas a) ou b) de la définition d'activité terroriste. Autrement dit, ces actes doivent être liés au terrorisme.
Monsieur le président, j'ajouterai brièvement que le projet de loi entrerait en vigueur à la date fixée par le gouverneur en conseil plutôt que d'entrer en vigueur le jour de la sanction royale, afin de laisser au gouvernement tout le temps voulu pour informer les provinces de cette modification avant qu'elle n'entre en vigueur.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'historique de ce projet de loi est très long. Il a été présenté initialement le 28 septembre 2005 en tant que projet de loi S-43; il a été présenté de nouveau le 5 avril 2006 en tant que projet de loi S-206; il a encore été présenté le 17 octobre 2007 en tant que projet de loi S-210; puis il a été présenté une quatrième fois le 20 novembre 2008 en tant que projet de loi S-205. En adoptant le projet de loi une bonne fois pour toutes, le Canada ferait preuve de leadership international en étant probablement le premier pays à inclure l'attentat suicide dans sa définition législative d'activité terroriste.
Pour conclure, j'appuie le projet de loi parce qu'il vise un objectif louable: dénoncer explicitement la pratique odieuse des attentats suicides commis par des terroristes. Les modifications proposées dans le projet de loi à la définition d'activité terroriste n'enlèveraient au Canada aucun des outils nécessaires pour intenter des poursuites en cas d'attentat suicide terroriste, soit contre l'auteur lui-même de l'attentat s'il survit à son crime de même que les personnes qui ont participé directement ou par leurs conseils à la préparation de l'acte terroriste.
Merci beaucoup.
Madame Block, j'aimerais commencer par dire que je félicite le sénateur Jerry Grafstein, maintenant retraité, d'avoir présenté ce projet de loi et je vous remercie d'avoir pris la relève quand le sénateur Grafstein a pris sa retraite.
J'appuie de tout coeur ce projet de loi. Je crois que son objectif est louable, et vous avez raison de dire, tout comme le sénateur Grafstein, que le projet de loi conférera au Canada un rôle de chef de file.
Peut-être pour apaiser certaines des préoccupations exprimées par mon collègue M. Lee, j'aimerais simplement examiner l'alinéa du Code criminel que le projet de loi viendrait modifier.
Si on regarde le libellé immédiatement après la division 83.01(1)b)(ii)(E) du Code criminel, on lit ce qui suit:
Sont visés par la présente définition, relativement à un tel acte, le complot, la tentative, la menace, la complicité après le fait et l'encouragement à la perpétration
Et ça se poursuit.
Alors, je crois que les réserves de certaines personnes, et peut-être de certaines organisations — selon lesquelles le projet de loi n'a aucune raison d'être puisque, par définition, si l'auteur d'un attentat suicide réussit à s'enlever la vie, il n'y a personne contre qui intenter des poursuites — sont des arguments erronés parce que le projet de loi permettrait de s'attaquer à ceux qui prônent ce genre d'activité et à ceux qui s'engagent à le faciliter.
Voilà pourquoi vous avez mon appui complet.
Merci.
Je crois que, de toute évidence, le libellé français n'est pas le même que l'anglais parce que l'attentat suicide... Si l'expression « attentat suicide » correspond à « suicide attack », alors il s'agit assurément d'une expression plus large que l'expression « suicide bombing » dans la version anglaise.
Toutefois, à ma connaissance, quand on interprète des textes, diverses règles d'interprétation obligatoires entrent en jeu. Une de ces règles stipulent qu'en droit pénal, on doit généralement opter pour l'interprétation qui est la plus favorable pour l'accusé, en raison de l'impact possible sur celui-ci.
Je présume qu'au moment d'interpréter ces dispositions, les tribunaux tiendraient compte à la fois de l'anglais et du français et conclueraient peut-être qu'une attaque suicidaire, dans ce contexte particulier, ou du moins l'expression « attentat suicide », devrait être interprétée de la même façon qu'un attentat terroriste à la bombe.
Toutefois, j'admets qu'il y a une différence entre les deux expressions, selon moi.
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Ayant travaillé en tant que criminaliste, je connais évidemment la règle de droit. L'accusé doit bénéficier de l'interprétation la plus favorable. Maintenant, en tant que législateur, je pense que lorsqu'on parle d'attentats suicides, la définition doit être plus large que celle de
suicide bombings, compte tenu que l'attentat suicide le plus important à avoir eu lieu sur cette planète n'était pas un attentat commis à l'aide d'une bombe. M. Lee a donné l'exemple d'autres attentats suicides qui pourraient être commis de la même façon.
Je vous en donne un autre au hasard: un terroriste s'introduit dans un autobus rempli de touristes qui gravit une montagne, se précipite sur le chauffeur et donne un coup de volant lors d'un virage pour que l'autobus s'écrase avec tous ses passagers. Ça m'apparaît un acte aussi grave que celui consistant à placer une bombe sous un autobus sur la voie publique.
Je vous aurais très bien compris si vous m'aviez dit que les attentats suicides étaient déjà couverts par la loi. S'ils le sont déjà, c'est donc que la loi couvre les attentats suicides commis à l'aide d'une bombe. Quand je lis aussi bien la version française que la version anglaise, je tiens pour acquis que l'intention de la personne ayant conçu la loi est de s'assurer que ces attentats suicides soient bien couverts. On peut très bien penser qu'il n'est pas nécessaire de les couvrir parce que l'auteur d'un attentat suicide se donne lui-même la punition qu'il mérite, mais le fait est qu'on pense à tout ce qu'il y a autour de cet attentat: la préparation, la personne qui fournit des conseils, etc. Compte tenu de cela, je veux que ça s'applique à tous les attentats suicides et non pas uniquement à ceux commis à l'aide d'une bombe.
Je sais bien que ce projet de loi va être renvoyé au Sénat. Ce n'est pas une mauvaise idée que les gens du Sénat constatent que ceux de la Chambre des communes ont parfois des idées plus intelligentes que les leurs... Parfois.
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Très brièvement, comme on l'a déjà mentionné, je crois que le projet de loi visait surtout à mettre l'accent sur l'attentat suicide et à faire en sorte, au cas où il y aurait un manque de clarté, que l'attentat suicide soit inclus dans la définition d'« activité terroriste ».
Il va de soi, monsieur Ménard, qu'il est juste de dire que d'autres formes d'attaque suicidaire tomberaient sous le coup de la définition générale d'« activité terroriste », même si elles ne font pas partie de cette disposition, à cause de la définition générale d'activité terroriste.
Donc, pour les besoins du présent projet de loi, qui porte explicitement sur l'attentat suicide, je crois que la façon dont le texte anglais est rédigé est convenable, parce que tel était l'objectif du projet de loi.
Quant à la question de savoir si, dans une situation particulière, on est en présence d'un attentat suicide ou non, je suppose qu'il y aura toujours des cas factuels où on risque de ne pas s'entendre sur la question de savoir si un cas constitue un attentat suicide ou une autre forme d'attaque terroriste.
Quoi qu'il en soit, la définition générale d'« activité terroriste » l'engloberait quand même.
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Monsieur le président, je vais partager le temps qui m'est alloué avec mon collègue M. Norlock.
Premièrement, madame Block, je peux vous féliciter, car ce n'est pas toujours facile pour un député de mener à bien un projet de loi de quelque nature qu'il soit. D'abord, c'est long et, bien des fois, entre les sessions parlementaires, un projet de loi, même s'il est bon, meurt au Feuilleton, comme on dit. Dans ce cas-ci, il a repris vie. J'ai vérifié les différents titres et les différents projets de loi soumis avant celui-ci, et on a toujours utilisé le terme « suicide bombings ». On n'a jamais utilisé autre chose que ce terme.
Ensuite, j'aimerais aussi féliciter le sénateur, avec qui j'ai beaucoup voyagé dans le cadre des activités de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. C'est vraiment un grand monsieur qui a combattu, je pense, au sein de tous les regroupements auxquels il pouvait se joindre pour justement empêcher que des terroristes, soit pour une question de religion, soit pour une question nationale, soit pour une question politique, puissent déposer des bombes, etc. Je pense que c'était le but de sa loi, c'était vraiment ce qui était recherché.
Cela étant dit, au nom de mes collègues, je vous confirme notre appui. Je vais laisser la parole à mon collègue M. Norlock.
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Merci beaucoup, cher collègue.
Ma question s'adresse à M. Gilmour, je présume. Selon moi, il ne fait aucun doute que la mesure est nécessaire. Il est évident que nous allons l'appuyer. Ma question est simple; elle porte sur le problème de libellé dont nous discutions.
Il me semble que ce problème ne compromet ni l'efficacité ni l'objet du projet de loi; il crée simplement une question d'interprétation que le tribunal saisi de l'affaire serait en mesure de régler. On reviendrait simplement à l'objet du projet de loi; s'il s'agissait d'un attentat suicide, on retournerait à la loi existante, ou s'il s'agissait d'une bombe — à mon sens, une bombe est un dispositif explosif, dans les termes les plus simples —, le tribunal serait en mesure de traiter la question.
Ai-je raison de dire cela, ou la mesure législative même serait-elle compromise si on interjetait appel en vertu de la disposition en question?
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À mon avis, ce n'est pas une lacune fatale, si c'est ce qui vous inquiète. Je pense qu'il s'agit d'une question d'interprétation et que les tribunaux trancheraient, comme ils l'ont fait par le passé dans les cas où il y avait des différences entre les libellés français et anglais.
Je le répète, les tribunaux ont recours à des règles d'interprétation diverses, dont celle que j'ai expliquée — probablement très mal — à M. Ménard, selon laquelle les tribunaux tentent d'éliminer des interprétations dans les affaires de droit pénal. Si une interprétation est moins favorable à l'accusé qu'une autre, de façon générale, les tribunaux tentent de choisir la plus favorable.
Pour ce qui est de savoir exactement comment cette règle serait appliquée dans ce cas-ci, je pense qu'il est juste de dire que les tribunaux se demanderaient probablement si l'expression française, « attentat suicide », doit être interprétée à la lumière du terme anglais, « suicide bombing ». Bien sûr, ce n'est là qu'une conjecture de ma part.
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Je n'ai pas besoin d'en parler beaucoup. Je pense que j'ai déjà fait valoir la plupart de mes arguments à la suite des questions qui ont été posées.
Cependant, une chose est certaine. Je vous dirais avec respect que s'il y a une chose qu'on ne doit pas faire et que je n'accepte pas que l'on fasse, c'est de laisser passer deux versions contradictoires en disant que les tribunaux se débrouilleront avec cela plus tard.
Je vous ferais remarquer d'ailleurs que, les tribunaux devant se débrouiller avec cela plus tard, ils n'accordent généralement pas l'interprétation la plus favorable à l'accusé. C'est une règle de la Cour suprême qui fait jurisprudence maintenant, une règle de la plus haute Cour du pays, de toujours accorder l'interprétation la plus favorable à l'accusé.
Personnellement, je pense que si cette disposition est importante, elle doit viser toutes formes d'attentats suicides, parce que les pires attentats suicides que nous ayons connus n'étaient pas nécessairement exécutés avec des bombes. C'est certain que quand un avion éclate, on peut dire que c'est parce qu'il transportait un explosif. Cependant, je ne suis pas sûr que tout le monde serait d'accord pour dire que, s'il y a des plans pour lancer un avion sur un édifice, l'avion a été transformé en bombe. Cependant, l'autre exemple que je vous ai donné est aussi terrible. Si on décide de faire tomber volontairement un autobus rempli de passagers dans un ravin, en intervenant rapidement auprès du chauffeur, on a des résultats aussi terribles.
Par ailleurs, si on n'a pas besoin de plus de sûreté, alors on n'en a pas besoin. C'est aussi simple que cela. C'est déjà un acte terroriste prévu par la loi. Donc, si cette loi comble un certain besoin, je pense que ce besoin couvrira toutes les formes d'attentats suicides et non pas uniquement les attentats suicides commis à l'aide de matières explosives, de bombes.
C'est la raison pour laquelle j'ai présenté cet amendement qui — je vous le dis en passant — m'a été suggéré par le Barreau du Québec. À l'origine, c'est le Barreau qui a attiré notre attention sur cet aspect. Les gens du Barreau disaient aussi, si je me souviens bien, qu'à leur avis, le terme « attentat suicide » leur paraissait plus proche de la volonté exprimée du législateur de combler... C'est pour cette raison que je présente cet amendement, ainsi que le suivant. Je pense bien qu'ils devraient subir le même sort, c'est-à-dire qu'ils seront adoptés ou rejetés tous les deux.
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La règle d'interprétation voulant que l'interprétation la plus étroite soit utilisée pour l'accusé semble être juste; par conséquent, il s'agit vraiment d'un projet de loi sur les « attentats suicides à la bombe » visant à modifier le Code criminel.
Toutefois, je vis et je respire cette mentalité bilingue et cet éthos à Moncton, au Nouveau-Brunswick. C'est la capitale du bilinguisme, non? Et je ne peux tout simplement pas imaginer...
Habituellement, la règle d'interprétation des lois est utilisée lorsque le Parlement possède involontairement deux versions qui sont différentes. Il ne l'a pas fait exprès. Nous sommes presque en train de dire que nous faisons cela délibérément: nous allons avoir attentats suicides à la bombe dans un cas et attaques suicides dans l'autre, sachant, par conséquent, que les tribunaux vont l'interpréter comme des attentats suicides à la bombe.
C'est presque comme si on faisait délibérément de la mauvaise rédaction, alors, une partie de moi-même dit que nous ne pouvons pas faire cela. Par ailleurs, ce que nous avons entendu de votre part, et ce que je crois, c'est que la solution nécessaire pour corriger toute ambiguïté dans l'article existant est de préciser attentats suicides à la bombe. Nous avons un gouvernement conservateur qui donne également son appui à un amendement qui est étroit et précis, de manière presque chirurgicale — bravo.
Alors, je suis quelque peu déchiré face à cet amendement. Mais nous devons rédiger la loi dans les deux langues d'une manière qui, à ma connaissance, fait en sorte que les deux versions concordent l'une avec l'autre.
Pour cette raison, je crois que je vais appuyer l'amendement de M. Ménard. Ce n'est pas contre l'idée que nous faisons quelque chose de bien pour combattre l'idée des attaques ou des attentats suicides à la bombe; c'est une interprétation qui est effectivement plus vaste. M. Ménard soulève la question de savoir si cette question est traitée par l'article tel qu'il existe; je suppose que nous ne faisons aucun mal, et, du moins, son amendement a le mérite de nous faire adopter deux versions qui concordent l'une avec l'autre, que je sache.
Voilà quelle est ma position sur l'amendement.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Moi aussi, je suis d'avis que les versions françaises et anglaises devraient concorder; toutefois, si c'est ce que nous voulons faire, je suis d'avis que nous devrions le faire d'une manière qui respecte l'intention de ce projet de loi. En d'autres mots, s'il y a — je ne veux pas l'appeler une erreur de traduction —, une incohérence dans la traduction française de « suicide bombings », alors, à mon point de vue, la bonne solution serait de corriger ou de modifier la version française pour qu'elle soit cohérente avec l'intention du projet de loi, qui est de traiter de l'attentat suicide à la bombe.
À mes yeux, ce serait aggraver l'erreur que de modifier la version anglaise pour la remplacer par quelque chose qui, très clairement, n'était pas l'intention du projet de loi ni de son rédacteur. Je vais m'opposer à l'amendement de M. Ménard, mais je serais favorable à une solution quelconque qui permettrait de régler le problème d'une façon appropriée.
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Monsieur le président, je suis d'accord avec M. Woodworth.
Il me semble que le problème, si on peut supposer... Lorsque M. Murphy occupait le fauteuil, il a supposé que si le sénateur Grafstein était l'auteur du projet de loi initial, ce dernier a vraisemblablement été rédigé en anglais. Je pense que c'est une hypothèse raisonnable.
Alors, le problème, ce n'est pas la traduction anglaise; le problème, c'est la traduction française de l'intention initiale du sénateur Grafstein. Je me demande alors si ce n'est pas la version française qui devrait être modifiée. Je comprends que le segment de phrase « les attentats suicides à la bombe » pourrait refléter plus exactement la version anglaise.
Je suis d'accord avec M. Woodworth pour dire que c'est là la manière appropriée de résoudre cette divergence.
Je vais voter contre la motion de M. Ménard à moins qu'il m'autorise à présenter un amendement favorable à sa motion pour modifier la version française.
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Eh bien, je pense qu'en anglais, certainement, l'expression « attaque suicide » a une portée plus étendue qu'« attentat suicide à la bombe ». Nous discutions pour savoir si, oui ou non, l'attaque du 11 septembre était effectivement une attaque suicide à la bombe et si elle tomberait dans la catégorie des attaques suicides à la bombe. Du fait qu'il y a eu une explosion comme résultat, j'ai bien peur que l'on pourrait défendre l'argument qu'il s'agissait d'un attentat perpétré à l'aide d'une bombe — bien qu'il ne s'agissait pas précisément d'une bombe au sens où il y avait une minuterie fixée à cette dernière.
Je pense que cela dépend de la politique que le Parlement entend suivre. Prenez l'exemple de l'auteur d'une attaque suicide qui n'utilise pas une bombe suicide, mais des armes à feu, avec l'intention de tuer autant de gens qu'il peut le faire, sans se faire sauter lui-même, mais plutôt en se faisant tuer par quelqu'un d'autre au cours de l'attaque. Voilà un cas d'attaque suicide qui ne fait pas intervenir une bombe suicide.
Toutefois, je crois que l'intention derrière ce projet de loi était de se concentrer sur l'attentat suicide à la bombe. Si mes souvenirs sont exacts, je pense qu'un des organismes, par exemple... Je pense que l'expression « attentat suicide à la bombe » était l'expression qui était fréquemment utilisée dans ce projet de loi, initialement, et dans les discussions portant sur ce dernier; alors, je serais enclin à essayer de me concentrer sur l'aspect attentat suicide à la bombe de ce projet de loi. Peut-être ai-je tort, mais il est certain que je crois comprendre que l'intention était de se concentrer sur l'attentat suicide à la bombe comme le mal qu'on voulait particulièrement dénoncer.
Je m'arrête là-dessus.
J'ai l'impression que Mme Block était la marraine de ce projet de loi à la Chambre, alors, nous pouvons regarder le compte-rendu des délibérations de la Chambre des communes. Nous n'avons pas vraiment besoin de chercher à savoir quelle était l'intention du sénateur Grafstein.
Pour la gouverne de mes collègues, j'aimerais lire, aux fins du compte rendu, un extrait du hansard dans lequel Mme Block prend la parole pour présenter ce projet de loi. Je dois supposer qu'il s'agissait de la première ou de la deuxième lecture. Elle a dit ce qui suit:
Permettez-moi d'expliquer le contenu de la mesure législative pour le bénéfice de tous les députés.
Le projet de loi vise à inclure expressément les attentats suicides dans la définition de l'expression « activité terroriste » renfermée dans le Code criminel.
Les attentats suicides sont une façon monstrueuse de créer un chaos indescriptible parce qu'ils témoignent d'un mépris total pour la vie humaine.
Ailleurs, elle a affirmé ce qui suit:
Inclure explicitement l'attentat suicide dans la définition servirait également à dénoncer cette horrible pratique et à faire savoir à la population que l'attentat suicide est un acte répugnant compte tenu des valeurs canadiennes.
Et enfin, ailleurs également, elle a dit ce qui suit:
Pour ces raisons, j'affirme qu'il y a des avantages à mentionner explicitement l'attentat suicide dans la définition d'« activité terroriste ». Cependant, ce faisant, il importe de ne pas atténuer la définition d'activité terroriste. Heureusement, le projet de loi a été rédigé avec précision afin d'éviter cela.
Il est clair que, si j'ai raison de dire que Mme Block était la marraine de ce projet de loi à la Chambre, elle a indiqué clairement dans le hansard son intention à l'égard de ce projet de loi, et, dans un sens, elle a fait une mise en garde implicite selon laquelle le projet de loi a été rédigé avec précision de manière à s'assurer qu'il n'influe pas défavorablement sur la définition actuelle d'« activité terroriste ».
Pour cette raison, je conseille fortement à mes collègues de conserver l'intention qui a été exprimée à la Chambre au moment où Mme Block a pris la parole pour présenter ce projet de loi, et d'éviter toute proposition, comme celle qui est contenue dans l'amendement de M. Ménard, pour élargir la portée du projet de loi au-delà d'« attentat à la bombe ».
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Le comité cherche vraiment à aller trop vite. Nous sommes vraiment à côté du sujet ici.
Le Code criminel, dans l'article 83.01 existant, compte une définition très exhaustive d'« activité terroriste ». Il y a 11 paragraphes dans l'article 83.01, et je vais me contenter de vous en lire un seul. Si je comprends bien mes amis d'en face, il y a certaines inquiétudes que l'attaque du 11 septembre, d'une façon quelconque, ne soit pas comprise dans ce projet de loi, et je pense qu'ils ont raison, mais ce qui leur échappe, c'est que cette question est déjà traitée dans l'article 83.01 du Code criminel.
Une des définitions d'« activité terroriste » se trouve à l'alinéa 83.01(1)a)(ii):
les infractions visées au paragraphe 7(2) et mettant en œuvre la Convention pour la répression d’actes illicites dirigés contre la sécurité de l’aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971,
Si mes collègues d'en face ont de la difficulté à comprendre que nous essayons de nous assurer qu'« activité terroriste » comprend les attentats suicide à la bombe, c'est ce que vise à faire cet amendement. Il ne s'agit pas de la définition complète d'« activité terroriste »; cela vient s'ajouter aux 11 paragraphes que compte déjà l'article 83.01.
C'est pour ces raisons, et pour les raisons décrites par M. Woodworth, que nous devons voter contre l'amendement proposé par M. Ménard. S'il y a des préoccupations au sujet de la divergence entre les versions française et anglaise, le comité devrait accepter ma solution et modifier la version française pour la rendre plus étroite.
Merci.
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Monsieur le président, compte tenu que le problème est un problème de fond, il faut considérer de quelle manière la personne a conçu son projet de loi. Par exemple, prenons M. Grafstein , il a conçu ce projet de loi en anglais et a utilisé le terme «
suicide bombings ». Il sait ce qu'il veut.
Lorsqu'on lit la traduction française, on remarque qu'on utilise le terme dont a parlé M. Ménard, soit « attentat suicide », et on voudrait que ce terme soit utilisé partout. Est-ce que le fait de rétablir une traduction... Comme M. Murphy le disait plus tôt, en parlant d'une province bilingue... Supposons qu'on découvre ce que j'appelle une « coquille », que le mot « bombes » ait été mal traduit. À ce moment-là, ne serait-il pas mieux de vérifier si on est obligés, en effet, de refaire tout le chemin? Je n'ai pas compris.
Le seul fait que l'on ait un problème de traduction ne veut pas dire que l'on doive remonter vers le Sénat. C'est un problème de traduction; ce n'est pas nécessairement un problème de fond. C'est ce qui est important. Supposons qu'il y ait acceptation de la version de M. Ménard, je pense que l'on devrait se tourner du côté de M. Brent, un de mes collègues, pour ajouter « attentats suicides à la bombe ». Ce serait peut-être un amendement, quant à la position de mon collègue.