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Je déclare la séance ouverte. Soyez les bienvenus à la 33
e réunion du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, en ce mardi 2 novembre 2010.
Vous avez en main l'ordre du jour. Nous nous pencherons aujourd'hui sur un certain nombre de points.
D'abord, nous entamerons notre étude du projet de loi , qui porte sur la disposition de la dernière chance.
Ensuite, nous passerons à l'examen du projet de loi .
Vous avez également devant vous le rapport du comité de direction. Nous nous sommes réunis plus tôt aujourd'hui, et le greffier a eu la gentillesse de préparer le rapport.
J'aimerais demander à ceux d'entre vous qui assistaient à la réunion, soit M. Comartin, M. Ménard et M. Murphy, si ce rapport reflète...
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Très bien. Je vais mettre la question aux voix.
(La motion est adoptée.)
Le président: Le quatrième rapport est adopté.
Revenons maintenant au projet de loi . Nous accueillons aujourd'hui le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l'honorable Rob Nicholson. Soyez le bienvenu, monsieur le ministre.
Le ministre est accompagné de Mme Catherine Kane, directrice générale et avocate générale principale, et de John Giokas, avocat, tous deux de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice.
Monsieur le ministre, vous savez comment nous procédons. Vous disposez de 10 minutes pour nous présenter votre exposé sur le projet de loi , après quoi nous entamerons une série de questions.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de pouvoir rencontrer une fois de plus les membres de ce comité pour discuter de lois renforçant la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves.
[Traduction]
J'ai comparu devant votre comité il y a un peu plus d'un an pour discuter de ces modifications. À l'époque, elles ont été proposées dans ce qui était le projet de loi . Depuis, cet ensemble de dispositions visant à modifier le Code criminel a été présenté à nouveau à l'autre endroit sous une forme pratiquement identique dans le projet de loi S-6, déposé en juin 2010. Le Sénat l'a adopté tel quel et maintenant, c'est vous qui en êtes saisi.
Permettez-moi de commencer par résumer l'état actuel du droit en ce qui concerne le meurtre. L'article 745 du Code criminel prévoit que les condamnations pour meurtre au premier et au deuxième degrés sont assorties de peines obligatoires d'emprisonnement à perpétuité et de périodes obligatoires d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Pour un meurtre au premier degré, cette période est de 25 ans. Elle est aussi fixée à 25 ans dans le cas des personnes reconnues coupables de meurtre au deuxième degré qui ont déjà été reconnues coupables de meurtre au premier ou au deuxième degré en vertu du droit national, ou de meurtre intentionnel en vertu de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. Pour tous les autres meurtres au deuxième degré, un délinquant doit purger une peine minimale de dix ans d'emprisonnement. Toutefois, un juge peut augmenter cette période à un maximum de 25 ans, en fonction de la personnalité du délinquant, de la nature ou des circonstances du crime et de toute recommandation que le jury pourrait formuler.
La période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle établie par le juge fait partie de la sentence prononcée à l'audience publique. Étant donné que le meurtre constitue un crime grave, je pense que les Canadiens conviendraient qu'il est raisonnable d'imposer une période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pouvant aller jusqu'à 25 ans. J'estime que cette période pourrait et devrait être plus longue, surtout pour les auteurs de meurtres multiples. Comme vous le savez, c'est une autre question sur laquelle notre gouvernement s'est penché dans le projet de loi , une mesure législative que vous aurez très bientôt à examiner.
La disposition dite de la dernière chance et ses dispositions connexes se situent au coeur du débat d'aujourd'hui. Elle permet à un meurtrier de demander une libération conditionnelle anticipée dès qu'il a purgé 15 ans de sa peine, malgré ce que prévoit le Code criminel à l'article 745 et peu importe si un juge a imposé une période d'emprisonnement plus longue. Nous estimons que c'est inacceptable. Nous avons été élus sur la promesse de restreindre l'admissibilité à la disposition de la dernière chance pour les délinquants déjà incarcérés et de l'éliminer complètement pour les délinquants futurs. Le projet de loi S-6, dont vous êtes saisi, nous permettra d'honorer ces deux promesses.
J'aimerais parler brièvement du contexte dans lequel ces modifications au Code criminel ont été proposées. Je crois qu'il est nécessaire de préciser comment et pourquoi ce projet de loi a été rédigé et quels objectifs il vise. Dès que l'on a commencé à recevoir les premières demandes, à la fin des années 1980, le régime de la dernière chance a été une source d'inquiétude pour les Canadiens. Ce processus les trouble et les inquiète, car il semble permettre aux meurtriers de contourner la sentence qui leur a été imposée au tribunal à la suite d'un procès public et équitable. Les Canadiens considèrent cela comme un affront au principe de l'adéquation de la peine et du crime et ils soutiennent que les condamnés à perpétuité devraient purger la peine initialement prévue.
Bien des gens considèrent le régime de la dernière chance comme une échappatoire pour les condamnés à perpétuité qui peut nuire à la protection de la société, parce que le système se montre clément envers les meurtriers, qui doivent être sévèrement punis pour leurs crimes. Chose plus grave encore, des victimes m'ont parlé du traumatisme supplémentaire causé à leurs familles et à leurs proches. Elles redoutent constamment que le tueur qui leur a arraché leur proche puisse un jour présenter une demande de libération conditionnelle en vertu du régime de la dernière chance. Ce processus de révision oblige les victimes à se remémorer encore et encore les détails des crimes horribles qu'elles ont subis.
Nous voulons épargner à ces victimes l'angoisse d'assister aux audiences d'admissibilité à la libération conditionnelle. Nous croyons que le système judiciaire ne doit pas faire passer les droits des individus avant ceux des victimes et des Canadiens respectueux des lois. Les mesures proposées dans le projet de loi S-6 répondent directement à ces inquiétudes et visent à atteindre trois objectifs.
Premièrement, il faut rétablir le principe de l'adéquation de la peine et du crime en s'assurant que la sentence prononcée à l'audience publique pour une personne reconnue coupable de meurtre correspond à la peine qu'elle va purger. Deuxièmement, il faut que les personnes reconnues coupables des crimes les plus graves restent en prison durant une période plus longue et proportionnée à la gravité des crimes qu'elles ont commis. Troisièmement, on doit s'assurer que les familles et les proches des victimes de meurtre ne sont pas eux-mêmes victimisés à cause de la décision d'un meurtrier condamné de présenter une demande de libération anticipée qui les oblige à revivre la douleur d'avoir perdu un être cher.
Voilà des objectifs raisonnables et bienveillants dont les membres du comité tiendront compte, je l'espère, lorsqu'ils se pencheront sur le projet de loi S-6, car cette mesure législative exclura à l'avenir tous les meurtriers du régime de la dernière chance. Ainsi, tous ceux qui ont commis ces crimes après l'adoption du projet de loi S-6 ne pourront plus demander à profiter d'une admissibilité plus rapide à la libération conditionnelle que celle fixée par le juge au moment du prononcé de la sentence.
Pour ceux qui ont actuellement le droit de présenter une demande en vertu de la disposition de la dernière chance, le projet de loi S-6 permettra de resserrer la procédure de présentation des demandes afin d'éliminer celles qui sont peu susceptibles d'être accueillies et d'imposer des restrictions quant au moment et à la fréquence des demandes. Cette nouvelle procédure s'appliquera aux personnes qui auront commis des infractions avant la date d'entrée en vigueur des mesures. Cela signifie que ceux qui purgent déjà une peine d'emprisonnement à perpétuité, ceux qui ont été condamnés, mais qui n'ont pas encore reçu leur sentence, et ceux qui sont accusés d'un meurtre commis avant la date d'entrée en vigueur et qui sont par la suite condamnés, seront tous assujettis à cette nouvelle procédure plus stricte.
J'aimerais vous décrire brièvement la façon dont deux des trois étapes de la procédure actuelle seraient modifiées. À la première étape du processus actuel, un requérant doit convaincre un juge de la province où a été prononcée sa condamnation qu'il existe « une possibilité réelle que la demande soit accueillie ». Le tribunal définit ce seuil comme étant « relativement peu exigeant ».
En vertu du projet de loi S-6, un requérant devrait prouver qu'il existe une probabilité marquée que sa demande soit accueillie. Cette exigence beaucoup plus rigoureuse permettrait d'éliminer d'emblée les demandes déficientes. Elle imposerait également de nouvelles contraintes de temps. À l'heure actuelle, la période minimale d'attente imposée à un requérant pour présenter une nouvelle demande à un juge est de deux ans après le refus initial. En vertu de ce projet de loi, un requérant devrait attendre au moins cinq ans. En portant l'attente à cinq ans, le projet de loi fera en sorte que les familles sauront avec plus de certitude le moment où aura lieu l'audience et limitera le nombre de demandes qui peuvent être présentées, ce qui permettra de diminuer le traumatisme que ces audiences occasionnent aux victimes.
Actuellement, un requérant peut recourir au régime de la dernière chance à n'importe quel moment après avoir purgé 15 ans de sa peine. Le projet de loi S-6 permettra de changer cela en établissant une période de 90 jours pour la présentation des demandes. En bref, les requérants devront présenter leur demande dans les trois mois suivant la date d'admissibilité, sans quoi ils devront attendre cinq ans de plus et disposeront ensuite d'une autre période de trois mois pour présenter leur demande. Cette modification fera en sorte que les familles des victimes n'auront plus à vivre constamment dans la crainte, sans trop savoir quand un meurtrier ravivera leur souffrance en présentant une demande de libération conditionnelle anticipée.
Lorsque quelqu'un réussit à franchir la deuxième étape de la demande, il peut ensuite s'adresser directement à la Commission des libérations conditionnelles pour obtenir une libération conditionnelle anticipée. Le projet de loi S-6 ne change pas cela. Chers collègues, je veux être clair: le projet de loi S-6 ne vise pas le processus normal de demande de libération conditionnelle. Rien dans ce projet de loi n'empêche les meurtriers condamnés de se réadapter ou de demander une libération conditionnelle dans des conditions normales une fois que la période durant laquelle ils n'y ont pas droit est expirée. Le projet de loi prévoit simplement que les délinquants purgeront la totalité de leur peine, pour les raisons que j'ai mentionnées.
Comme je l'ai déjà dit à maintes reprises, le gouvernement est déterminé à rétablir l'équilibre dans le système de justice pénale du Canada en défendant les intérêts des citoyens respectueux des lois et en veillant à ce que les familles et les proches des victimes ne soient pas eux-mêmes transformés en victimes par le système de justice.
Monsieur le président, il s'agit d'une réforme équitable, équilibrée et raisonnable d'un domaine controversé du droit, et j'exhorte tous les membres du comité à appuyer ce projet de loi et à accélérer son adoption. Merci beaucoup.
J'aimerais vous poser une question à propos du délai.
Bien sûr, nous entendrons des témoins, mais dans les transcriptions des audiences du comité sénatorial, j'ai constaté que certains témoins ont parlé du délai de 90 jours, surtout dans le cas de la première demande présentée. Si le projet de loi est adopté, la disposition concernant la présentation d'une demande dans les 90 jours après l'entrée en vigueur du projet de loi S-6... Il pourrait être difficile pour certains prisonniers de respecter ce délai; pas en raison du fait qu'ils font traîner les choses, mais simplement parce qu'ils doivent présenter la demande dans la province où a été commis le crime et qu'ils peuvent être incarcérés dans une province éloignée.
Le gouvernement serait-il prêt à faire preuve d'une certaine ouverture afin de prolonger le délai dans ces circonstances, ou au moins de donner au juge un pouvoir discrétionnaire pour entendre les motifs qui justifieraient de prolonger le délai, si le prisonnier est incapable de respecter le délai de 90 jours?
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J'espère que vous y croyez aussi, monsieur Ménard.
J'estime que la réadaptation est un important volet du système de justice pénale du Canada. Lorsque vous connaîtrez les différents programmes et initiatives que nous avons mis en oeuvre, j'espère que vous vous rangerez à mon avis.
De fait, l'un des arguments posés pour l'élimination du crédit de deux jours par journée passée en détention préventive... Vous vous souvenez avoir entendu dire, lors du débat sur l'adéquation de la peine et du crime, que les prévenus installés dans des centres de détention provinciaux ne bénéficiaient pas du même genre de mesures de réadaptation... Vous savez tout ce qu'ont fait mes collègues pour changer cela, pour que les prévenus puissent avoir accès au même genre de traitement que ce qui est offert dans les établissements fédéraux. Alors, oui, j'ai foi dans la réadaptation.
Vous parlez de divergences d'opinion. J'espère que ce n'est pas sur ce point-ci.
Mais autre chose, à propos du jury. C'est un jury de la même collectivité, si les choses vont jusque-là, qui devra prendre la décision. Ce sont la même communauté et des juges de la même région qui devront déterminer si le détenu pourra faire une demande de libération anticipée, parce que, bien sûr, ils n'obtiennent pas tous gain de cause devant la Commission des libérations conditionnelles.
De fait, nous avons reçu des documents de M. Head — dont le comité n'a pas entendu parler la dernière fois parce que l'un de nos collègues les avait gardés et il n'en a jamais été question devant le comité — qui démontrent que sur les 144 détenus auxquels des jurys ont accordé le droit de faire une demande de libération conditionnelle, seulement 134 ont obtenu gain de cause.
Mais c'est le jury qui en décide.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci à vous et à vos fonctionnaires d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais dire d'entrée de jeu que, depuis de nombreuses années dans ma collectivité, les gens me disent ne pas comprendre pourquoi les criminels, surtout ceux qui commettent les crimes les plus odieux, ne purgent pas les peines que les tribunaux leur imposent. Monsieur, à mon avis, les gens doivent comprendre et avoir confiance en notre système de justice pénale. Une façon d'y arriver, c'est de leur montrer que les criminels purgent bel et bien les peines que les tribunaux leur imposent. Je tiens donc à vous remercier d'avoir présenté ce projet de loi.
Cela dit, vous avez mentionné les familles, les proches et les amis des victimes. Je me demande si vous pourriez nous expliquer ce qu'ils vous ont dit à propos du processus actuel de l'admissibilité à la libération conditionnelle.
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Bonjour, monsieur le ministre.
Ma question est assez simple. En ce qui concerne le projet de loi que vous voulez que nous adoptions rapidement — il s'agit d'un bon projet de loi, je l'ai déjà lu antérieurement —, je vais vous expliquer un cas que nous avons eu au Québec. J'aimerais que vous me disiez quelle est la différence.
En 1987, un certain Denis Lortie a tué trois collègues du Parti québécois. Il voulait même tuer René Lévesque. Il a tué trois personnes et en a blessé sept. Le juge et le jury l'ont condamné à la prison à perpétuité. En 1995, soit exactement huit ans plus tard, il était libre, complètement libre. Il travaille même dans un dépanneur à Cantley, dans l'Outaouais. Trois personnes ont été tuées, sept sont handicapées à vie. Il a été condamné à la prison à perpétuité.
Que va apporter le nouveau projet de loi ainsi que celui dont vous avez parlé, le projet de loi ? Pourriez-vous m'expliquer? C'est vraiment grave. Cet homme a tué trois personnes, il voulait même tuer des membres du Parti québécois. De plus, aujourd'hui, il est libre. Qu'est-ce qui va changer conformément au nouveau projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur le ministre, d’être ici aujourd’hui pour parler de ce projet de loi important.
Parfois, lorsque j’écoute les opposants aux projets de loi comme celui-ci, j’ai l’impression qu’ils ne comprennent tout simplement pas que nous essayons de nous mettre davantage à la place des victimes que par le passé.
En votre qualité d’avocat et d’étudiant du droit, vous savez, bien sûr, que, sur le plan historique, notre système de justice pénale a vu le jour il y a plus de 1 000 ans, lorsque la Couronne a commencé à intervenir afin d’empêcher les victimes de se venger et de faire justice elles-mêmes. À la place, les peines imposées par la Couronne leur donnaient le sentiment que justice avait été rendue.
Je ne peux m’imaginer ce qu’une victime qui a perdu un être cher aux mains d’un meurtrier peut ressentir lorsqu’elle apprend, après être allée au tribunal et avoir entendu la Couronne, le juge et tous les autres dire que la peine est de 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle, que, oups, nous plaisantions: la peine est en fait de 15 ans sans possibilité de libération conditionnelle. Selon moi, cette découverte doit équivaloir à un coup de pied au ventre. Je ne peux m’imaginer à quel point cela doit sembler injuste et trompeur aux yeux des victimes, et comme elles doivent se sentir trahies. À mon sens, le bienfait principal du projet de loi, c’est qu’il empêchera qu'une telle chose se produise.
Je sais que la mesure législative ne sera pas applicable rétroactivement. En vertu du projet de loi, certains criminels bénéficieront toujours de la disposition de la dernière chance parce qu’ils ont commis leur crime avant que le projet de loi soit présenté.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les améliorations apportées au système pour les victimes, même dans les cas où les crimes ont été perpétrés avant que le projet de loi soit déposé?
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Je pense qu’un des grands avantages de la mesure, c’est qu’elle donne aux victimes de la certitude. Plutôt que d’avoir une situation dans le cadre de laquelle les 15 ans... c’est sur ce point que M. Lemay et moi sommes d’accord. Croyez-moi, ces personnes sont très bien préparées. Elles sont au courant de ce qui se passe et elles savent quand leur dossier pourrait être présenté.
Or, la demande n’a pas à être faite à 15 ans. On peut attendre à 15 ans et demi, soit 6 mois plus tard, ou bien à 9 mois, ou encore à 16 ans. Il n’y a aucune condition à aucun moment donné. Donc oui, elles doivent continuer à être prêtes en tout temps.
Ce que le projet de loi accomplira, c’est qu’il dira, écoutez, vous avez 15 ans... Je parlais à un de mes collègues là-bas. Les gens ont 15 ans pour se préparer, pour se reprendre en main, après quoi ils ont un créneau de trois mois pour présenter leur demande. S’ils ratent cette occasion, s’ils décident que leur cas ne devrait pas être considéré par les tribunaux, s’ils voient eux-mêmes qu’ils n’ont pas été réadaptés ou qu’ils représentent un danger pour le public, ou s’ils décident, pour quelque raison que ce soit, de ne pas présenter de demande, ils auront tout de même la possibilité de le faire lors du 20e anniversaire de leur crime. À ce moment-là, ils auront encore une fois trois mois pour agir.
La mesure procure donc de la certitude. Je le répète, je pense qu’elle sera bien reçue par les victimes. Je vous remercie de vos observations.
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Merci, monsieur le président. Merci aux témoins d'être ici aujourd'hui.
J'appuie certainement le projet de loi, mais j'ai deux ou trois questions d'ordre technique; j'espère que vous saurez y répondre.
J'ai de la difficulté à comprendre comment la mesure législative et la Loi sur le transfèrement international des délinquants interagissent. Lorsque mon collègue, M. Comartin, interrogeait le ministre, il a nommé de nombreux pays dans lesquels la période moyenne d'incarcération pour ce que les Canadiens appellent le meurtre au premier degré est plus courte qu'ici — et certainement moins longue que 15 ans. Je vois qu'en Nouvelle-Zélande, elle est de 11 ans; en Écosse, de 11,2 ans; en Suède, de 12 ans; et la liste est longue.
Qu'arriverait-il si quelqu'un, un Canadien, présentait une demande pour purger sa peine au Canada après avoir été reconnu coupable de ce que nous appellerions un meurtre au premier degré dans un territoire étranger où la peine minimale est moins longue que celle prévue par le Code criminel canadien, et que cette demande était accueillie?
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Si la peine minimale est inférieure à celle prévue par le Code criminel, on suit le Code criminel.
Or, nous parlons ici d'une peine d'emprisonnement à perpétuité, qui compte deux parties: d'abord, la peine d'emprisonnement à perpétuité en tant que telle, et ensuite, la période de libération conditionnelle et d'admissibilité.
Sous sa forme actuelle, la Loi sur le transfèrement international des délinquants permet aux délinquants transférés de demander une libération conditionnelle après 15 ans. Ils n'ont pas à suivre le processus de la dernière chance, car en vertu de ce processus, la demande doit être faite dans le territoire où le meurtre a été perpétré. Dans le cas d'une infraction commise à l'étranger ou de quelqu'un qui a été reconnu coupable d'un crime à l'étranger, cette condition est impossible à satisfaire.
Ainsi, la Loi sur le transfèrement international des délinquants leur donne une chance et leur permet de s'adresser directement à la commission des libérations conditionnelles. Or, si le projet de loi est adopté, les 15 ans deviendront 25 ans; ils purgeront donc 25 ans avant d'être admissibles à la libération conditionnelle, plutôt que les 15 ans actuellement prévus par la Loi sur le transfèrement international des délinquants.
Je veux revenir sur bon nombre des questions auxquelles nos témoins du ministère ont dû répondre aujourd’hui. Bien sûr, on a beaucoup mis l’accent sur le récidivisme, sur ce que l’accusé... Dites-le-moi si j’ai tort, mais le ministre a été plutôt précis à ce sujet.
Cela n’a rien à voir avec l’accusé. Cela concerne la revictimisation des familles, des proches et, dans bien des cas, de la collectivité et du quartier dans lesquels les meurtres ont été perpétrés. Je pense qu’il est nécessaire de mentionner que la personne ou les personnes décédées ne bénéficient pas d’une « dernière chance ». Elles n’ont pas la chance de tromper la mort et de partager la vie de leurs êtres chers, ou de s’épanouir grâce aux soins de leur communauté. Elles sont mortes. On leur a ôté la vie à leur corps défendant.
C’est bien de soutenir l’homme ou la femme qui leur ont fait cela. Ce projet de loi n’empêche pas le rachat des gens qui se rendent compte des gestes terribles qu’ils ont posés. Corrigez-moi si j’ai tort. Si, pendant leur séjour en prison, ils ont participé à tous les programmes qui les aidaient à grandir, ils ont toujours l’occasion de transformer leur vie à l’extérieur de la prison, et non à l’intérieur d’un cercueil. Pourriez-vous confirmer que le projet de loi ne les empêchera pas de le faire?
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Je suis désolé. J’ai oublié à propos des interprètes.
De toute manière, permettez-moi de résumer en disant qu’il doit prononcer un long énoncé juridique, et ce que j’aimerais que nous fassions avant d’en avoir terminé avec ce projet, c’est nous rappeler de deux choses. Premièrement, nous ne parlons pas des familles des victimes, parce que ce sont des victimes elles-mêmes. Elles ont perdu un être cher aux mains d’un meurtrier, et elles sont écrasées de chagrin. Ces gens sont bouleversés, et ce ne sont pas des avocats.
Je soutiens que demander au juge de prononcer deux affirmations contradictoires devant eux n’est pas une façon convenable de leur faire savoir que l’accusé ne reçoit pas une peine de 25 ans sans possibilité de libération conditionnelle.
Quoi qu’il en soit, j’aimerais également vous demander si la disposition de la dernière chance réduit les problèmes que les gardiens de prison doivent affronter. Je me demande si vous ou votre ministère avez des statistiques ou des données indiquant que le nombre de blessures ou de décès infligés aux gardiens de prison par des détenus qui bénéficient d’une dernière chance d’être mis en liberté conditionnelle diffère de celui infligé par des détenus qui n’en bénéficient pas.
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Quant à votre intervention concernant l'avis dont le juge donne lecture aux termes de l'article 745.01, je dirais que cela fait beaucoup de choses à absorber pour une victime. Comme certains membres du comité s'en souviendront peut-être, ces amendements ont été inclus dans un projet de loi datant de 1999, qui contenait d'ailleurs beaucoup de changements visant les victimes. Parmi ceux-ci, le meilleur moyen, à l'époque, de répondre à certaines préoccupations relatives à la disposition de la dernière chance, c'était de s'assurer que même si ce n'était pas un moyen très officiel de donner avis, c'était au moins une façon de signifier les choses de manière formelle et, pour la victime, d'avoir accès à de l'information selon laquelle le détenu pouvait présenter une demande après 15 ans.
À l'époque, on avait aussi proposé d'autres amendements afin que les victimes aient leur mot à dire à ce moment-là, lors des audiences de la dernière chance et, bien sûr, à l'étape des demandes de libération conditionnelle, en admettant qu'on se rende jusque-là.
Pour ce qui est des programmes, nous avons fait d'autres changements pour que les victimes puissent obtenir de l'aide financière lorsqu'elles doivent voyager pour assister à des audiences de la dernière chance ou concernant des demandes de libération conditionnelle. Au fil des ans, il y a eu beaucoup d'améliorations, de sorte que les victimes sont épaulées dans ces démarches. Il s'est agi d'un processus évolutif destiné à donner aux victimes l'aide dont elles ont besoin pour passer au travers de ces audiences difficiles. Même si cela semble boiteux, c'est une première étape tout à fait nécessaire pour commencer à réaliser des progrès dans le soutien aux victimes.
Nous pouvons probablement faire mieux, et c'est d'ailleurs ce que nous faisons au travers de la documentation que nous fournissons aux victimes actuellement.
Je tenais à remercier nos témoins, M. Giokas et Mme Kane, pour le temps qu'ils nous ont consacré cet après-midi.
Nous allons maintenant examiner un autre projet de loi, le
Plutôt que de suspendre la séance, je vais vous demander de vous concentrer sur le projet de loi , article par article.
Je tiens à rappeler à tout le monde que nous avons prévu de recevoir une délégation de la Namibie, pendant une heure, après cette séance. Je demanderais à ceux qui le peuvent de rester. Ce sera une bonne occasion d'échanger des informations sur nos systèmes de justice relatifs et respectifs.
Comment voulez-vous procéder? Nous avons le projet de loi devant les yeux.
Monsieur Comartin.
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Merci, monsieur le président, et je suis ravi d'être des vôtres aujourd'hui.
Pour ce qui est des définitions, si vous regardez la Loi canadienne sur les droits de la personne, vous remarquerez que la plupart des motifs de distinction illicite n'y sont pas définis, et c'est intentionnel. Le but est d'adapter ces définitions en fonction des usages courants et de la jurisprudence d'autres pays. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de définitions dans ce projet de loi d'initiative parlementaire.
Je tiens toutefois à préciser, si cela peut intéresser M. Lee et d'autres, qu'il existe plusieurs définitions d'identité sexuelle et d'expression sexuelle. Celle que j'utilise le plus souvent dit que l'identité sexuelle renvoie à l'idée qu'une personne se fait d'elle-même en tant qu'homme ou femme ou les deux ou aucun des deux, en fonction du sexe à la naissance. Les Principes de Jogjakarta, qui constituent un document international, un document des Nations Unies bien connu des milieux de défense des droits de la personne, définissent l'identité de genres comme faisant référence:
à l'expérience intime et personnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu'elle corresponde ou non au sexe assigné à la naissance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modification de l'apparence ou des fonctions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d'autres expressions du genre, y compris l'habillement, le discours et les manières de se conduire.
La définition que j'utilise généralement pour l'expression sexuelle est celle qui renvoie à la façon dont une personne communique son identité sexuelle aux autres, que ce soit de manière plus ou moins affirmée, en changeant de comportement, de tenue vestimentaire, de discours ou de façon de se conduire.