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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 021 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 juin 2010

[Enregistrement électronique]

(1110)

[Français]

    Bonjour à tous et bienvenue à notre 21e séance du Comité permanent de la défense nationale. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude sur le rôle des soldats canadiens dans les missions de paix internationales après 2011.

[Traduction]

    Nous avons l'honneur de recevoir trois témoins aujourd'hui. Nous allons commencer avec M. Hampson, qui est

[Français]

professeur chancelier et directeur au Norman Paterson School of International Affairs, de l'Université Carleton.
Bienvenue.
    Aussi, nous accueillons M. Ernie Regehr, cofondateur de Project Ploughshares; professeur agrégé adjoint, Peace and Conflict Studies au Collège universitaire Conrad Grebel, de l'Université de Waterloo; associé, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale. De même, nous recevons M. Paul Samson, directeur général, Direction des politiques stratégiques à l'Agence canadienne de développement international.
    Merci, messieurs. Je vais vous donner chacun de cinq à sept minutes pour faire votre présentation.

[Traduction]

    Ensuite, les membres auront le temps de vous poser quelques questions.
    Vous avez la parole, monsieur Hampson.
    Merci, monsieur le président, ainsi que les membres du Comité permanent de la défense nationale. Je suis heureux d'avoir la chance de témoigner devant vous.
    Dans ma déclaration, j'aimerais répondre à trois questions qui m'ont été présentées. La première concerne la nature changeante du contexte international dans lequel les Forces canadiennes devront intervenir à l'avenir, la deuxième traite du rôle des Nations Unies au sein de l'OTAN dans ses futures opérations de paix, et la troisième concerne le rôle du Canada dans ce type d'opérations.
    Premièrement, les Forces canadiennes devront faire face à un contexte international de plus en plus complexe au sein duquel il y aura un large éventail de menaces et de défis à la sécurité. Un grand nombre de ces menaces viennent de l'intérieur de sociétés et d'États, et comme nous en avons été témoins, elles ont tendance à s'étendre au-delà des frontières et dans l'environnement voisin. Elles sont souvent sujettes à une dynamique régionale malsaine. Pour compliquer les choses, les menaces à la sécurité d'aujourd'hui proviennent de différents facteurs: la piraterie, le trafic de stupéfiants, la criminalité transnationale, la prolifération nucléaire et le terrorisme.
    Le Center for International Development and Conflict Management de l'Université Maryland près de Washington, surveille les tendances globales en matière de conflit armé. Ils ont noté qu'il y a eu une baisse constante du nombre de conflits déclarés tout de suite après la guerre froide, mais cette tendance s'inverse depuis les quatre ou cinq dernières années. Il y a une recrudescence des conflits armés et de la violence dans de nombreux pays. De plus, un grand nombre des accords de paix qui ont été conclus dans les années 1980 et 1990 pour mettre un terme aux conflits sectaires ont échoué. Depuis 1982, le nombre d'attaques terroristes impliquant des morts, des blessés graves ou d'importants dommages matériaux est aussi constamment en hausse.
    Un grand nombre de pays continuent de souffrir d'instabilité chronique. La troisième vague de démocratie a vu l'émergence de régimes démocratiquement élus, populistes et autoritaires en Amérique latine, en Asie et au Moyen-Orient. Ces régimes pratiquent clairement l'intolérance et dans certains cas présentent une menace directe pour leurs voisins. C'est ce que nous voyons au Venezuela avec les écarts de conduite imprévisibles de son chef, Hugo Chávez. C'est le cas aussi de pays comme l'Iran, où non seulement le chef est imprévisible, mais le pays développe ses capacités nucléaires.
    L'index annuel des États faillis, élaboré par le Fund for Peace et le magazine Foreign Policy, dénombre quelque 60 pays qui sont sur le seuil d'un effondrement politique et économique. Le fait que tant de pays sont sujets aux conflits internes et à une désintégration sociale démontre qu'il y a un grand potentiel d'instabilité dans le système international. Cependant, le monde d'aujourd'hui n'est pas plat, comme aimerait nous le faire croire le chroniqueur Thomas Friedman du New York Times, c'est un terrain inégal. Certaines parties du monde sont beaucoup plus instables que d'autres. Les sous-systèmes régionaux les plus difficiles dans cette ère de mondialisation sont constitués de pays de l'Afrique subsaharienne et en majorité musulmans. Ces pays s'étendent du Maroc au Sénégal et de la Malaisie à l'ouest à l'Indonésie à l'est. L'Afrique subsaharienne est l'une des régions les plus touchées par les conflits sur la planète, et de nombreux pays musulmans sont victimes d'une augmentation des conflits armés et de la violence au cours des dernières années. Les États pivots qui sont relativement stables en Afrique et dans le monde musulman, tels que l'Égypte, le Nigeria et l'Afrique du Sud font face également à des pressions politiques à la hausse en raison de leur économie anémique, de l'augmentation des divisions internes et de leur incapacité à offrir un avenir économique viable à la majorité de leurs citoyens. Donc, si l'on se projette dans l'avenir, le monde sera marqué par une instabilité constante et peut-être même croissante.
(1115)
    Ma deuxième question est la suivante: quel est le rôle des Nations Unies et de l'OTAN dans l'évolution de l'ordre mondial? Les principaux organismes internationaux chargés de la sécurité, comme l'ONU et le l'OTAN, cherchent des stratégies viables sur le plan politique et cohérentes sur le plan doctrinal. Leur recherche de réponses a donné naissance à des expressions familières destinées à susciter une volonté politique d'agir: États défaillants, sécurité commune, éléments incontrôlables, stabilisation et reconstruction d'après-conflits, responsabilité de protéger, prévention des génocides et guerre contre le terrorisme. Dans un monde où les menaces à la sécurité internationale peuvent être mondiales, transnationales ou locales, et parfois à tous les niveaux, on n'a peu d'espoir de créer un nouveau consensus mondial sur les pouvoirs dont notre institution devrait être responsable pour gérer ces menaces. Par exemple, en raison de l'attention accordée à l'Irak et à l'Afghanistan par les principales puissances mondiales, de nombreux autres conflits dans le monde, comme nous le savons, ont été oubliés — Mindanao aux Philippines, le Sahara-Occidental dans l'Afrique subsaharienne — ou simplement exclus d'une intervention internationale.
    La prolifération du nombre d'entités mondiales, régionales et sous-régionales depuis la « deuxième » guerre froide, a également semé la confusion sur le partage des rôles entre les différentes institutions, ce qui a donné lieu à un partage inégal du fardeau, comme nous le savons tous. Certains pays comme le Canada assument peut-être plus que leur juste part du fardeau en matière de sécurité.
    La hiérarchie institutionnelle traditionnelle entre les institutions et les organisations régionales et les Nations Unies, comme le prévoit la Charte de l'ONU, évolue également. Elle est devenue plus stable, à cause de l'érosion des hiérarchies politiques traditionnelles, et plus profondément interreliée.
    Le choix des situations dans lesquelles intervient la communauté internationale ne semble pas seulement tenir au hasard, mais aussi au fait qu'il y a toujours deux poids deux mesures au niveau moral et juridique, y compris les quelques rares cas, voire aucun, où l'intervention a été motivée entre autres par la responsabilité de protéger la doctrine ou d'autres préceptes et normes en matière de sécurité humaine.
    La volonté politique de s'engager davantage diffère d'une région à l'autre. Certaines régions comme les Caraïbes, l'Afrique et l'Asie centrale, acceptent les initiatives de renforcement des capacités provenant de puissants intervenants mondiaux, comme les Nations Unies. Mais nous sommes conscients que d'autres régions — l'Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient, par exemple — font preuve de résistance ou d'ambivalence à l'égard de cette perspective, et de nombreux États demeurent inquiets au sujet des intrusions dans leur souveraineté.
    La coopération pour la sécurité dans le monde d'aujourd'hui se fonde de plus en plus sur des exemples de consensus restreint. Lorsqu'il y a coopération, c'est généralement parce que plusieurs pays veulent établir le programme et assumer une plus grande part des coûts économiques et politiques de la coopération. Dans certains cas, l'ONU et l'OTAN ne seront pas toujours au centre des opérations de sécurité et de gestion des conflits dans le monde.
    Ma troisième question est celle-ci. Quel est censé être le futur rôle des Forces canadiennes? Selon moi, les Forces canadiennes devront de plus en plus s'adapter à une série complexe de rôles différents en matière de sécurité, où elles devront faire différentes choses de concert avec un ensemble de plus en plus varié d'organisations et d'intervenants internationaux et régionaux. La gestion collective des conflits décrit un phénomène nouveau dans les relations internationales dans lesquelles les pays, les organisations internationales régionales et sous-régionales, les institutions non officielles ou les intervenants du secteur privé travaillent ensemble pour s'attaquer aux menaces potentielles ou réelles en matière de sécurité.
    Ces projets de gestion collective des conflits visent à contrôler, à diminuer ou à faire cesser la violence par des opérations militaires menées conjointement sans utiliser de moyens cinétiques mais plutôt la diplomatie concertée, le maintien de la paix, la médiation et la prévention des conflits. On pourrait dire qu'il y a plus que trois dimensions. Le document que j'ai remis au greffier contient plusieurs exemples de projets de ce genre, et mon préféré, un projet récent auquel les forces navales canadiennes ont participé: l'effort déployé pour contrer l'augmentation des attaques de pirates dans le golfe d'Aden et l'océan Indien au large de la Corne de l'Afrique, où se déroulent des opérations conjointes ponctuelles, impliquant l'OTAN, l'Union européenne et les forces maritimes de la coalition, et où le secteur privé joue un rôle parallèle important, surtout les entreprises qui transitent dans ces eaux et les intervenants de la région.
(1120)
    Ce que cela signifie, très rapidement, pour terminer mon intervention...
    Monsieur Hampson, il vous reste une minute pour conclure.
    J'en suis à la fin de mon intervention.
    Ce que cela signifie dans l'avenir, c'est l'augmentation du nombre d'intervenants et d'institutions dans la gestion des conflits et les opérations de sécurité. Les difficultés entourant la coordination efficace vont augmenter de façon exponentielle. Comme il y aura de plus en plus d'intervenants, il sera de plus en plus difficile d'orchestrer ce qui sera certainement un processus ponctuel. Il sera difficile d'assurer une cohérence et de veiller à ce que les différents intervenants en matière de sécurité, dont nos propres forces armées, ne travaillent pas à contre-courant. La gestion multipartite des conflits, ou gestion collective des conflits — GCC — est une réalité grandissante de l'ère actuelle. Elle ne nécessite pas seulement des forces colossales mais une forme spéciale de leadership — militaire, diplomatique — et d'importantes compétences en développement qui vont poser des problèmes uniques au Canada. Il serait également juste de préciser que les accords de gestion des conflits et de la sécurité seront de plus en plus déterminés en fonction de la tâche et de la situation, constitués de mandats ou de règles moins officiels et élaborés spontanément pour répondre aux besoins et défendre les intérêts des parties en cause.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Regehr.
    Je remercie le comité de son invitation.
    J'ai fourni au comité un document qui a été distribué ce matin. J'aimerais faire valoir trois autres points.
    Il est évident que le rôle des Forces canadiennes à l'extérieur de l'Amérique du Nord après 2011 sera influencé par l'expérience en Afghanistan. Lorsque le premier ministre a déclaré sur la chaîne CNN en mars 2009: « Mon propre jugement, très franchement, c'est que nous ne battrons jamais cette insurrection », nous devrions comprendre qu'il ne décrivait pas seulement une réalité propre à l'Afghanistan, mais bien une réalité plus vaste.
    Les conflits humains complexes ne se prêtent pas uniquement à des solutions militaires. C'est l'avis du Conseil de sécurité de l'ONU énoncé dans sa plus récente résolution sur l'Afghanistan.
    L'accent mis sur les approches multidimensionnelles pangouvernementales par des témoins qui ont comparu devant ce comité plus tôt désigne la même réalité. En général, les conflits armés nationaux ou entre États prennent fin grâce à des négociations et à des règlements politiques de haut niveau, termes utilisés par le général McChrystal dans son rapport de 2009.
    Si on réussi à gagner les luttes anti-insurrectionnelles par des négociations politiques, des opérations de soutien de la paix devraient alors être entreprises dès le début. C'est un point que le ministère des Affaires étrangères a fait valoir en établissant les facteurs à considérer pour décider de participer à une opération de maintien de la paix; il déclare considérer si « l'opération de maintien de la paix a lieu dans le contexte d'un processus visant le règlement politique du conflit ».
    En février 2010, la réunion du Conseil de sécurité portant sur le maintien de la paix a souligné qu'un « processus de paix avancé est un facteur important pour réussir la transition d'une opération de maintien de la paix à d'autres configurations de la présence des Nations Unies ». Mais un tel processus ne peut pas être laissé de façon crédible à un gouvernement national ou hôte seul. Il faut une diplomatie internationale qui s'attaque au conflit et à la recherche de solutions politiques dans un contexte local, national ou régional.
    Même si le Canada doit faire partie des futures opérations de paix, il faut comprendre que rien ne garantit que d'autres efforts seront plus faciles ou plus efficaces que l'a été l'intervention en Afghanistan jusqu'ici. Après tout, les opérations de paix sont par définition réalisées dans des circonstances extraordinairement difficiles; même après la signature des accords de paix, la gouvernance de l'État demeure dangereusement fragile, les économies sont dévastées, les forces de sécurité sont gravement compromises et les allégeances politiques sont complexes et effritées.
    Rappelez-vous en 2002, lorsque la Force internationale d'assistance à la sécurité a été créée en Afghanistan grâce aux accords de paix de Bonn, nos forces prenaient part à une mission d'assistance à la sécurité reposant sur le consentement des parties en cause et soutenue par un accord de paix. En 2003, la FIAS cherchait de plus en plus à accroître l'autorité du gouvernement dans le pays — un aspect qui ressort des opérations menées de nos jours. Durant cette période, il fallait limiter les dégâts dans le cadre d'une opération de maintien de la paix colossale. Mais le consentement au niveau stratégique du début de la FIAS s'est érodé, et en 2005, il n'existait pratiquement plus. La FIAS est devenue une mission d'imposition de la paix dans presque tout le pays, mais sans un processus visant un règlement politique à long terme.
    En d'autres mots, les opérations de soutien de la paix donnent des résultats imprévus, sans garantie. Les leçons tirées de notre expérience peuvent augmenter nos chances de réussir.
    Bref, pour terminer, étant donné que le Canada ne fait face à aucune difficulté militaire imminente ou prévisible par rapport à sa souveraineté, à son intégrité territoriale ou à son ordre interne, il dispose d'une marge de manoeuvre considérable pour trouver les meilleurs moyens de résoudre les problèmes de sécurité au-delà de ses frontières. En d'autres termes, puisque le Canada n'a pas besoin de maintenir un niveau élevé de forces militaires pour sa sécurité intérieure, il doit principalement se doter d'une capacité militaire pour assurer la paix et la sécurité à l'échelle internationale.
(1125)
    Nous avons le choix. Nous pouvons à l'avenir, choisir les moyens les plus efficaces pour déployer nos ressources à l'étranger afin de répondre aux menaces de sécurité contemporaines. Le Canada est en excellente position pour offrir ce type de contribution multidimensionnelle à la paix et à la sécurité internationale qui, comme un certain nombre de témoins l'ont dit devant ce comité, est essentiel.
    Merci.
    Merci.
    Nous donnons la parole maintenant à M. Samson.

[Français]

    Dans ma déclaration, je parlerai brièvement du contexte international de l'engagement de l'ACDI dans les États fragiles et touchés par les conflits, et de l'approche pangouvernementale globale que nous adoptons.

[Traduction]

    Le premier point porte sur le contexte international, et beaucoup a été dit à ce sujet, je serai donc bref. Le contexte international actuel peut être caractérisé par des problèmes d'une fréquence, d'une complexité et d'une interdépendance croissante qui déclencheront des crises humanitaires à multiples facettes. Parmi les facteurs qui contribueront à cette situation, notons les effets continus des crises alimentaires, énergétiques et économiques, les effets des changements climatiques et de la dégradation environnementale ainsi que la persistance des conflits civils qui compromettent la sécurité et la primauté du droit.
    L'interaction de ces facteurs fait de l'atteinte des objectifs du millénaire pour le développement d'ici 2015 un véritable défi.
    Nous avons inclus une liste des objectifs du millénaire pour le développement en annexe à la déclaration pour les membres du comité.

[Français]

    À titre d'agence de développement, nous collaborons avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales de tout acabit. Manifestement, ces partenariats sont au coeur de nos opérations. De nos jours, les interventions en réponse aux urgences humanitaires complexes, souvent dans le contexte des opérations de paix et de stabilité, exigent plus de partenariats avec diverses organisations. Cet ensemble de partenariats humanitaires principaux continue d'oeuvrer pour préserver un espace humanitaire neutre au sein des opérations de paix.
(1130)

[Traduction]

    Le deuxième point concerne l'engagement de l'ACDI.
    L'ACDI oeuvre dans un nombre restreint d'États fragiles et touchés par les conflits. À l'exercice financier 2008-2009, l'aide que l'ACDI avait consentie à l'Afghanistan, à Haïti, au Soudan à la Cisjordanie et à la Bande de Gaza s'élevait à plus de 545 millions de dollars, dont le quart, soit 135 millions de dollars, était consacré à une aide humanitaire d'urgence.
    L'aide humanitaire de l'ACDI permet de sauver des vies et d'atténuer la souffrance. Cette aide est offerte selon les besoins qui sont signalés, et elle est guidée par des principes d'humanité, de neutralité, d'impartialité et d'indépendance. Le Canada répond de façon constante, généreuse et fiable aux appels humanitaires et aux organismes de coordination associés, notamment le Fonds central d'intervention d'urgence des Nations Unies.
    De concert avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, l'ACDI a contribué à l'évolution des normes et des principes internationaux qui devraient guider toutes les opérations dans les États fragiles, incluant les opérations militaires. Nous aimerions attirer l'attention des membres du comité sur les principes et bonnes pratiques d'action humanitaire de l'OCDE et sur les autres normes que nous sommes heureux de transmettre au comité aujourd'hui.

[Français]

    Au lendemain du séisme qui a frappé Haïti en janvier, le Canada a rapidement organisé une conférence ministérielle préparatoire à Montréal où les participants ont convenu d'adopter des principes de prise en charge par les Haïtiens, de coordination, de durabilité, d'efficacité, d'inclusion et de responsabilisation qui s'harmonisent avec les normes de l'OCDE et d'autres normes internationales. Conscient du leadership du gouvernement d'Haïti dans l'établissement d'une orientation stratégique pour la reconstruction et le développement à plus long terme du pays, le Canada s'efforce aujourd'hui d'aligner sa programmation relative sur le Plan d'action pour le relèvement et le développement d'Haïti. Ce plan propose des actions concrètes pour les 18 prochains mois pour la reconstruction d'Haïti, tout en mettant en place des conditions pour s'attaquer aux causes structurelles du sous-développement d'Haïti.

[Traduction]

    Troisièmement, je veux vous entretenir d'une approche pangouvernementale globale.
    En ce qui a trait aux origines de l'approche pangouvernementale, l'ACDI perçoit l'engagement du Canada dans la crise humanitaire et politique de l'ancienne Yougoslavie au début des années 1990 comme étant très important. Nous avons beaucoup appris sur l'importance capitale de pouvoir compter sur des institutions nationales responsables et compétentes capables de garantir la sécurité des citoyens et de favoriser le développement social, politique et économique.
    En Afghanistan, l'ACDI travaille au sein du groupe de travail du gouvernement du Canada responsable d'intégrer l'intervention du Canada pour le plus grand programme d'aide humanitaire et de développement que nous ayons entrepris. Nous apprenons que, pour contribuer à la création d'un État viable, il faut obtenir à l'échelle internationale un degré de coordination très avancé et un engagement indéfectible à renforcer les relations entre le gouvernement et les citoyens. Nous apprenons que l'espoir d'un avenir meilleur passe par des résultats vastes, tangibles et visibles sur le terrain.
    Du point de vue opérationnel, des mécanismes similaires existent pour coordonner nos programmes dans d'autres États fragiles et touchés par les conflits.

[Français]

    Au Soudan, l'aide de l'ACDI est centrée sur la sécurité alimentaire, les enfants, les jeunes et la gouvernance. Cette aide s'inscrit dans l'effort pangouvernemental que le Canada déploie pour réduire la vulnérabilité, sauver des vies et établir la stabilité plus à long terme. L'approche globale consiste à réagir de manière plus coordonnée et stratégique au contexte du Soudan qui évolue très rapidement.
    En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, l'ACDI concentre sa programmation sur la réforme du secteur judiciaire, le développement du secteur privé et l'aide humanitaire. Nous y avons appris l'importance de placer l'édification de l'État au coeur du programme de développement et de former une synergie entre les ministres du gouvernement du Canada.

[Traduction]

    À la lumière de ces expériences et des leçons retenues énoncées dans des études publiées par les Nations Unies, l'OCDE et d'autres organisations internationales, nous privilégions les résultats stratégiques qui permettent d'améliorer les capacités locales de prestation de services de base, augmentent les activités légitimes du secteur privé, traitent les conflits au moyen du dialogue et de négociations politiques et solidifient les fonctions de base de l'État. De plus, l'importance accordée à l'égalité entre les sexes est toujours considérée comme étant fondamentale.
    Enfin, j'aimerais souligner l'importance de la planification civilo-militaire continue, de la coordination ainsi que de l'analyse et de l'évaluation partagée du contexte local pour des opérations futures de consolidation et de maintien de la paix intégrées. Dans le but d'améliorer l'interopérabilité, il faudrait mieux comprendre et intégrer les capacités des ministères à déployer des missions conjointes, peut-être au moyen de formation réciproque ou de cheminement de carrière qui offre une plus grande exposition à plusieurs ministères qui participent à ce genre d'opérations.
(1135)

[Français]

    Je vous remercie et je répondrai à vos questions avec plaisir.
    Merci beaucoup, monsieur Samson.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Martin, pour sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, messieurs Hampson, Regehr et Samson d'être ici aujourd'hui.
    Bien que nous ayons la responsabilité de protéger, je suis d'avis que nous n'avons aucune obligation d'agir en cas de conflit. Nous possédons un cadre juridique, mais malheureusement aucun mécanisme d'exécution.
    J'aimerais savoir d'abord qu'est-ce que nous pouvons faire pour prévenir les conflits mortels. Je sais que vous êtes tous des experts en la matière. Est-ce que la Brigade d'intervention rapide des forces en attente est morte dans l'oeuf? Si oui, comment pourrions-nous la réhabiliter, le cas échéant? Si non, comment pouvons-nous nous assurer d'avoir une brigade fonctionnelle qui peut être introduite dans une région lorsque nous savons qu'un conflit est latent?
    Je peux commencer. Ce que je sais, concernant la BIRFA, c'est qu'elle s'est avérée une mesure inefficace.
    Je suis d'accord avec le fait qu'il faut avoir sur pied une sorte de force d'intervention prête à être déployée, mais je ne suis pas certain jusqu'à quel point cela peut résoudre le problème d'obligation. Dans la résolution des Nations Unies, les États ont accepté la responsabilité d'agir en vertu du chapitre 6 et ont déclaré être prêts à intervenir en vertu du chapitre 7. Cependant, certains commentaires ont été émis concernant l'inéquité de notre réponse dans les différentes parties du monde, et cela nous éloigne de beaucoup de l'obligation.
    Je crois que le seul élément qui nous reste est l'intérêt national, mais l'intérêt national ne peut être un guide viable pour orienter notre réponse à un conflit. Il faut un certain leadership politique qui puisse indiquer quels sont les intérêts réels du Canada dans une contribution constructive à un conflit interne, peu importe où il se produit à l'international.
    Je fais une différence entre une brigade d'intervention rapide en attente et des contributions ad hoc dont nous avons été témoins jusqu'à présent pour prévenir des conflits.
    Pour rajouter aux commentaires de M. Regehr, je crois qu'il faut d'abord reconnaître qu'un mécanisme du type BIRFA, au sein de Nations Unies, fera toujours face à des obstacles comme à chaque fois que nous tentons de faire intervenir le Conseil de sécurité pour prévenir un conflit.
    La prévention de conflit est le sujet de discussions aux Nations Unies depuis le début des années 1990, et il faut admettre que les progrès sont très modestes.
    Deuxièmement, je crois que nous devons également reconnaître qu'en ce qui concerne les intervenants, et cet élément est décrit plus clairement dans mon document qui sera distribué aux membres du comité, nous pouvons observer que, de plus en plus, ce sont les organisations sous-régionales ou régionales qui sont les premières sur place. C'est justement le cas en Afrique subsaharienne.
    La volonté d'agir et la capacité politique sont beaucoup plus importantes du côté de l'Union africaine et des organisations sous-régionales, comme la CEDEAO. En fait, il est souvent arrivé, par exemple au Libéria, au Darfour et au Soudan, que des organisations régionales envoient des troupes pour après conclure une entente avec les Nations Unies: les Nations Unies donnent leur bénédiction à la mission et d'un autre côté les intervenants internationaux fournissent des services de logistique et de soutien.
    Pour en revenir à la notion de prévention de conflit, je crois que nous devons privilégier la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales pour renforcer leur capacité en cette matière. Le dialogue est toujours ouvert à ce sujet entre les Nations Unies et l'UA. C'est un dialogue intermittent. La volonté était beaucoup plus forte sous le règne de l'ancien secrétaire général qu'en ce moment. Je suis d'avis par contre que nous pouvons faire beaucoup plus en termes de reconnaissance de la réalité changeante, c'est-à-dire que les organisations régionales constituent la plupart du temps la première ligne de défense lorsqu'il s'agit de mobiliser des forces pour des missions de paix.
(1140)
    Vous êtes un expert, ce qui introduit très bien ma prochaine question. Il s'agit des leçons qui ont été tirées de la CEDEAO dans l'Afrique de l'Ouest, de l'expérience de la MONUC en RDC, et dans deux autres régions. Est-ce que vous pensez que l'Union africaine est en mesure d'agir comme vous l'avez dit dans l'Afrique subsaharienne? Est-ce que des leçons ont été tirées des échecs de la MONUC en RDC, des réussites de la CEDEAO en Afrique de l'Ouest ainsi que de l'exemple étrange de la Grande-Bretagne qui a parachuté 862 troupes au Sierra Leone pour stopper une situation horrible. Parmi les différentes options, quelle serait la voie, selon vous, pour aller de l'avant, en tenant compte du fait que chaque conflit est unique.
    Je vais répondre très brièvement, et ensuite d'autres membres du comité pourraient commenter.
    Au sein de l'Union africaine, qui est en constante évolution, il existe une unité de prévention des conflits. Je crois que l'on peut dire que des groupes, comme le Centre Pearson pour le maintien de la paix, ont beaucoup travaillé à améliorer la formation, à élaborer et à promouvoir une plus grande connaissance en matière de prévention des conflits au sein de l'Union africaine. Il est évident qu'on peut encore faire plus pour appuyer ces efforts. De plus, dans le domaine de la diplomatie, comme il a été mentionné, il faut appuyer les chefs régionaux qui sont souvent les premiers médiateurs et négociateurs à investir ce type de situation et à tenter de prévenir l'escalade de violence. La majorité des discussions concernant la prévention des conflits prévoit le déploiement de forces. Mais cela ne suffit pas. Il faut également renforcer le rôle de la diplomatie. Un exemple qui me vient en tête est le cas du Rwanda, qui a commencé avec le classique et remarquable échec de la diplomatie pour finir avec les forces du maintien de la paix des Nations Unies, laissées à elles-mêmes pour régler le problème.
    Je pense aux trois D, plus d'emphase sur la diplomatie préventive, la médiation, les négociations et ce type d'intervention...
    Merci beaucoup.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Je voudrais d'abord souhaiter la bienvenue à ceux qui ont fait une très bonne présentation et qui nous ont fourni une documentation tout de même assez imposante sur laquelle nous allons devoir nous pencher.
     En ce moment, ma préoccupation concerne toute la question de l'ONU et de l'OTAN. N'êtes-vous pas d'accord pour dire qu'il faudrait absolument procéder à une réforme importante de l'ONU? J'ai l'impression que cette organisation a eu du mérite. On sait dans quelles circonstances elle a été créée. On voulait remplacer le son des armes par la diplomatie. Mais depuis plusieurs années, à cause de la complexité des conflits, j'estime que l'ONU n'a plus ce qu'il faut pour réagir adéquatement. C'est à ce sujet que j'aimerais entendre vos commentaires.
    Pour ce qui est des théâtres d'opérations comme l'Afghanistan, je demande souvent aux gens de l'ONU ou au représentant du Secrétaire général, qui se trouve sur le théâtre d'opérations, si c'est lui ou le général McChrystal qui mène. Il ne semble pas y avoir de coordination, et l'ONU paraît très faible. Quand il y a des problèmes, le Conseil de sécurité compose avec les diverses tendances des nations présentes autour de la table. Il est difficile d'en arriver à une entente et à un consensus. Que pensez-vous de l'idée de procéder à une réforme importante de l'ONU?
    Monsieur Samson, je pourrais vous poser des questions sur la reddition de comptes de l'ACDI, qui me semble très déficiente en ce moment. Vous êtes allé en Afghanistan, mais demandez-vous à des gens de vous rendre des comptes? J'ai vu des gens qui construisaient des routes vendre de la pierre à 90 $ la tonne alors qu'ils la vendaient normalement 10 $ la tonne. Ils disaient que les forces internationales allaient payer. C'est l'ACDI qui va payer, et on va lui demander le prix fort. Pourquoi?
    La question sur l'importante réforme de l'ONU s'adresse à MM. Hampson et Regehr.
(1145)
    Merci, monsieur.
     Je vais commencer par la deuxième question. Je pense que la reddition de comptes est clairement fondamentale, surtout dans des pays fragiles et en conflit, comme vous l'avez mentionné. On a toutes sortes de contrôles en ce sens. Comme je l'ai mentionné, on travaille souvent avec des partenaires. Par exemple, l'aide alimentaire est gérée par une autre organisation, qui met aussi en oeuvre des contrôles et des vérifications très stricts. Dès qu'un problème se présente, on réagit immédiatement. On est donc convaincus que le système fonctionne efficacement. Quoi qu'il en soit, il est vrai que dans un État très fragile, les choses sont d'une plus grande intensité et plus difficiles.

[Traduction]

    Merci.
    Je suis d'accord avec l'idée que les Nations Unies doivent être plus efficaces. Je ne sais pas si cela implique une réforme. Je ne suis pas certain que vous utilisez le terme réforme dans son sens strict d'une réforme institutionnelle, ce qui est une solution souvent essayée et qui a souvent échoué. Cependant, l'efficacité est essentielle, parce que les Nations Unies demeurent l'entité la plus légitime pour les opérations internationales collectives.
    Une des choses dont nous devons tenir compte au Canada et dans les autres pays de l'ouest est la propension que nous avons eu à nous retirer de la participation active aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Nous devons nous réimpliquer. Il peut y avoir une certaine partition du travail — certains pays peuvent fournir des troupes au sol à des coûts moins dispendieux que pour les pays de l'ouest — mais il faut également envoyer nos propres troupes pour démontrer qu'il s'agit d'une activité commune dans laquelle tous les pays ont des intérêts.
    Si nous continuons à nous retirer des opérations collectives internationales menées par les Nations Unies, nous minons l'institution et cherchons implicitement une autre solution. Toutefois, c'est cette institution centrale qui doit être renforcée, ce qui implique un nouvel engagement de notre part.
    J'aimerais seulement rajouter qu'il existe une quantité de recherches empiriques qui démontrent que quand il s'agissait d'opérations de maintien de la paix complexes, si l'on revient à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les Nations Unies avaient un dossier de réussite beaucoup plus impressionnant que tout autre institution ou acteur international. Certaines agences spécialisées des Nations Unies possèdent une riche expérience. Rappelez-vous le Mozambique, l'El Salvador, la Namibie et le Cambodge: toutes des opérations des Nations Unies qui ont relativement bien réussi. Si nous devions réécrire l'histoire des efforts de consolidation de la paix en Afghanistan, beaucoup de gens sont d'avis, tout comme moi, que les résultats auraient été beaucoup plus significatifs et positifs si ces efforts avaient été chapeautés par les Nations Unies au lieu de l'OTAN.

[Français]

     Il me reste du temps, monsieur le président?
(1150)
    Vous avez encore une minute.
    Vous parliez justement de l'OTAN. N'avez-vous pas l'impression qu'en Afghanistan, l'ONU semble vouloir faire de la sous-traitance avec l'OTAN, ce qui force un peu les pays de l'OTAN à s'impliquer dans des conflits qu'ils aimeraient éviter. Pour l'Afghanistan, c'est une autre histoire. Je pense que le Canada a dit, dans le cadre de l'ONU, qu'il était d'accord pour y aller. On a vu arriver les Américains, les Canadiens, les Britanniques, puis l'OTAN, qui a pris la relève.
    À votre avis, s'agit-il d'une tendance lourde, qui va se perpétuer au cours des années à venir?

[Traduction]

    Pouvez-vous donner une réponse courte?
    Comme réponse courte, je pourrais probablement dire « non ». Je crois qu'il y a des divisons importantes au sein de l'OTAN; c'est ce que nous voyons en ce moment. Certains appuient ce principe et d'autres pas. Je crois que s'il y a un après-Afghanistan, les membres de l'OTAN ne seront pas très chauds à l'idée d'engager des opérations hors zones.
    Merci.
    Monsieur Harris, pour sept minutes.
    Merci beaucoup. Comme d'habitude, avec des témoins éminents et des présentations aussi détaillées, c'est difficile de tout couvrir dans un court laps de temps. J'étais intéressé, monsieur Hampson, par votre analyse concernant la solution de rechange au processus afghan, avec ou sans l'aide de l'OTAN. Peut-être que ce point figure dans votre document et qu'il y a des détails là-dessus.
    Monsieur Regehr, le projet Ploughshares, comme vous l'avez mentionné dans votre document, visait à l'origine le désarmement et remettait en question le commerce international des armes. Heureusement pour les soldats canadiens et les autres, les armes utilisées en Afghanistan sont, pour la plupart, peu évoluées.
    Vous intéressez-vous à certains sujets particuliers — mis à part le désarmement nucléaire, qui est un dossier en soi, selon moi — en ce qui a trait au commerce international des armes? Votre organisation s'occupe-t-elle de dossiers actifs à cet effet? Et pouvez-vous nous en parler?
    Merci.
    Le commerce international des armes est un sujet à propos duquel les nouvelles sont plutôt positives, pour ce qui est de l'attention internationale qu'on y consacre. Comme vous le savez, des négociations ont lieu en ce moment sous l'égide de l'ONU, concernant un traité sur le commerce des armes, lequel permettrait d'établir des limites. Je crois que la préoccupation majeure est que dans les régions de conflit, il est actuellement impossible d'établir des limites claires concernant l'acheminement et la circulation d'armes légères. En Afghanistan, les groupes de l'ancienne alliance du Nord s'emploient à refaire leur arsenal, alors le réarmement est très actif à cet endroit, ce qui s'ajoute aux grandes préoccupations entourant le retrait des forces internationales et ce que cela signifierait. Je viens tout juste de parler avec un collègue du fait que dans le sud du Soudan, certains groupes de la milice participent activement au réarmement. Je crois que dans le contexte de ces urgences complexes, il est extrêmement difficile d'établir des limites relatives au réarmement par ceux qui aiment encore à penser qu'ils sont la position de repli si le processus politique ne donnait pas de bons résultats.
    Je m'adresse à vous, messieurs Regehr et Hampson. Nous nous concentrons, bien entendu, sur le rôle que jouerait le Canada à l'échelle internationale et, je l'espère, sur le fait qu'il endosse de nouveau le processus de l'ONU.
    Est-ce que l'un de vous deux pourrait nous préciser quelle expertise ou quels attributs le Canada pourrait appliquer au processus international de maintien de la paix en matière d'établissement des capacités, peut-être à l'aide de l'ONU, mais aussi pour ce qui est du type de contribution potentiellement unique du Canada?
    Je sais que nous avons un type particulier d'opération de combat en Afghanistan — inhabituel pour le Canada et controversé — dans le cadre de missions internationales, mais est-ce là votre vision de notre participation dans l'avenir? Ou bien croyez-vous que le Canada pourrait jouer un rôle plus conforme à son type de contribution habituelle, qui permet de reconnaître que nous vivons dans un monde différent de celui d'il y a 25 ou 30 ans?
(1155)
    Nous pouvons manifestement faire beaucoup de choses. La faisabilité d'une grande partie de ces choses est rattachée à l'intérêt ou à la volonté politique.
    J'ai donné un bref exemple de l'utilisation que nous faisons de certains navires lors d'opérations conjointes dans le golfe d'Aden et dans l'océan Indien pour s'attaquer au problème de la piraterie. Ce problème ne sera pas éliminé. Il prendra sans doute de l'ampleur, en particulier si plus d'États échouent dans le sous-continent africain, mais aussi dans d'autres régions du monde.
    Je crois aussi que le Canada possède une riche expérience dans le domaine des opérations multinationales. D'accord, nous n'avons pas de police combinée 3-D, mais notre situation est probablement plus clémente que celle d'autres pays sur ce point.
    Pour ce qui est de l'avenir — et j'ai insisté là-dessus dans mes remarques —, la gestion de la sécurité internationale sera de plus en plus un match improvisé, une partie spéciale rattachée à une combinaison d'organisations infrarégionales, régionales et peut-être internationales et de coalitions d'acteurs étatiques. Il y a d'énormes problèmes de coordination et de leadership dans ces situations. Encore une fois, étant donné notre feuille de route, je crois qu'il est évident que nous avons de l'expérience dans la préparation de ce type d'opérations multinationales et la participation à ces opérations.
    Pour ce qui est d'envoyer des troupes sur le terrain pour des opérations traditionnelles de maintien de la paix, je crois que nous avons fait beaucoup de chemin depuis le temps où cette philosophie avait cours. C'est en partie parce que les environnements dans lesquels nous allons et nous irons sont des États non viables où les conflits sociaux, confessionnels et ethniques franchissent les frontières si la situation se détériore. Cela nécessite des interventions musclées.
    Dans certaines régions du monde, les acteurs régionaux — des organisations régionales — enverront des troupes sur le terrain. C'est certainement la tendance en Afrique subsaharienne. Mais lorsque l'Union africaine ou la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest le fait, ça ne veut pas dire qu'elles n'ont pas besoin d'un appui et d'un soutien logistique plutôt sophistiqués — et c'est quelque chose, encore une fois, que nous pouvons faire.
    Je veux aussi insister sur le fait qu'il y a de multiples menaces et défis en matière de sécurité. C'est très difficile de faire des prévisions. Ça devient très difficile d'affecter des ressources peu abondantes pour remplacer l'équipement de nos forces armées. Je crois que cela justifie la nécessité d'une approche diversifiée et de ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Dans notre monde d'aujourd'hui, et compte tenu du type d'instabilités auxquelles nous sommes confrontés, cela signifie qu'il ne faut pas être profondément attaché à ce que je pourrais appeler un point de vue arriéré relativement aux opérations internationales de maintien de la paix.
    Merci beaucoup.
    Je vais donner la parole à M. Hawn.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci à tous pour votre présence.
    J'ai trois questions je crois; j'espère que je pourrai toutes les poser.
    Avant tout, monsieur Hampson, vous avez dit que l'ONU utilisait l'OTAN et d'autres organisations. Vous avez parlé des divisions à l'échelle internationale au sein de l'OTAN, lesquelles sont évidentes. J'ajouterais qu'il y a également des divisions importantes au sein de l'ONU.
    Vous avez parlé du succès des opérations de l'ONU. Dans quelle mesure ce succès est-il attribuable au fait que l'ONU se tourne vers d'autres organisations pour réaliser son mandat? Elle se tourne vers l'OTAN, en tant qu'organisation, ou vers les pays membres de l'OTAN. Vers quelle autre organisation l'ONU se tourne-t-elle? L'ONU n'a absolument pas la capacité d'agir, à moins de se tourner vers l'OTAN ou d'autres organisations ou groupes de pays.
(1200)
    Le fait est que l'ONU ne se limite pas au Conseil de sécurité ou à l'Assemblée générale. Beaucoup d'organismes spécialisés interviennent, par exemple, dans la supervision de processus électoraux, la planification du développement, les secours et l'aide humanitaires, la relocalisation des réfugiés, le contrôle et la gestion des drogues ainsi que la répression du trafic des drogues. L'expertise de l'ONU est riche, ce qui lui permet d'agir, et avec succès.
    Notre défi consiste très franchement à saisir cela et à reconnaître qu'il y a des précédents et que nous gagnerions à investir dans un groupe d'institutions et à travailler avec elles.
    L'OTAN n'est pas rattachée à ce que j'appellerais les activités d'édification de l'État, de reconstruction et de consolidation de la paix. C'est une organisation de défense collective, qui joue maintenant un rôle d'intervenant dans le domaine de la sécurité, et elle joue bien ce rôle, pourvu qu'elle s'en tienne à cette mission. Mais le problème, dans un pays comme l'Afghanistan, c'est que la mission a changé; elle a évolué. En ce moment, la mission n'est pas très claire. On a demandé à nos forces armées toutes sortes de choses, et on a fait pareil avec l'OTAN qui, pour être franc, n'a pas le mandat ni la capacité nécessaires.
    Si je peux me permettre, j'ajouterais qu'on m'a dit, on l'a aussi dit à d'autres, que l'outil le plus efficace que nous avons en Afghanistan est le caporal canadien qui donne la main et qui parle à l'aîné d'un village. Je dirais que les troupes canadiennes, surtout, mais aussi les troupes américaines et britanniques, sont en mesure d'effectuer le développement et l'établissement des capacités. Manifestement, dans des endroits comme l'Afghanistan, elles le font dans un environnement où il est difficile d'assurer la sécurité. Si on reconnaît le bon travail que les troupes font dans certaines organisations de l'ONU, ça prend un certain nombre de soldats qui sont en mesure de parler et de sourire aux gens et de leur demander ce qu'ils peuvent faire pour contribuer à l'établissement des capacités locales.
    Êtes-vous en accord ou en désaccord avec cela?
    Je ne suis pas en désaccord avec votre façon de définir l'enjeu en ce qui a trait aux défis généraux de reconstruction sociale, économique et politique rattachée à des régions, à des fonctions et à des responsabilités. En tout respect, nos Forces canadiennes sont très efficaces dans la gestion de la sécurité de façon générale, mais pour revenir à ce que j'ai dit plus tôt, ce n'est pas un choix. Nous devrons de plus en plus envisager de nous tourner vers des organisations régionales et internationales et les organes spécialisés de l'ONU pour les missions dans ces environnements très complexes.
    Oui, je suis d'accord avec cela, ce n'est pas un choix. Et les Forces canadiennes à elles seules font un bon travail sur ces deux plans.
    Monsieur Regehr, le général Vance a dit récemment que les insurrections n'étaient pas vaincues, qu'elles se dissolvent, avec le temps, je suppose, parce qu'elles réussissent à réconcilier le gouvernement et le peuple. Et c'est de plus en plus clair que ce que nous essayons de faire en Afghanistan, c'est de réconcilier le gouvernement et le peuple. Mais le type d'opérations a changé: au début, les opérations étaient purement et manifestement axées sur le mouvement, alors que maintenant, elles visent à créer et à former le gouvernement, pour ne mentionner que cet exemple.
    Quel est, selon vous, le rôle à long terme du Canada en Afghanistan en ce qui a trait à la création et à la formation du gouvernement, à l'établissement des capacités, et ainsi de suite? D'après vous, quel rôle les Forces canadiennes devraient-elles jouer dans les opérations de paix à long terme après la fin de la mission en Afghanistan?
(1205)
    Si je peux me permettre un commentaire sur le premier point, au sujet de l'insurrection qui se résorbe, je dois dire que le processus est plutôt lent en Afghanistan. L'une des difficultés qui se pose dans ce pays est que l'insurrection ne se résorbera pas au moyen d'un appel général à la population. Il s'agit d'une insurrection qui a une base politique, c'est une organisation politique, et en fait, c'est une constellation d'organisations. L'une des leçons à retenir à mon avis est qu'il faut aller chercher leur concours.
    On a appris de nos expériences que plus les forces insurrectionnelles sont impliquées au niveau diplomatique, plus elles modifient leurs exigences et plus elles quittent la marginalité pour s'intégrer au courant dominant. Quand les diplomates sont entrés en contact avec la RENAMO au Mozambique, pour prendre l'exemple d'un conflit ancien, les forces insurrectionnelles étaient animées d'une haine extrême et c'est ainsi qu'on les percevait. Son action ne s'appuyait sur aucun programme politique qui aurait pu racheter son image. Et pourtant, on est parvenu à avoir leur concours, elles se sont présentées à des élections qu'elles n'ont pas gagnées mais dont elles ont accepté les résultats.
    Naturellement, il n'y a pas deux situations pareilles. Mais je crois que cette situation confirme ce qui a été dit, y compris par le général McChrystal, au sujet d'un règlement au plus haut niveau. Il n'est pas question ici d'un caporal qui conclut une entente avec un aîné de village, mais de leaders qui négocient des règlements politiques de haut niveau. C'est là, à mon avis, l'un des aspects sur lesquels nous avons échoué en Afghanistan.
    Quand on envisagera, dans l'avenir, d'engager le Canada sur d'autres théâtres, voilà un des aspects fondamentaux qu'il nous faudra comprendre. Nous ne participons pas à des opérations qui sont d'abord militaires ou de consolidation de la paix; nous prenons part à un effort tous azimuts sur le front gouvernemental. Comme a dit le ministère des Affaires étrangères, il ne faut pas nous engager dans un processus de prévention de conflit ou d'intervention proprement dite sans l'engagement très clair d'une participation politique de haut niveau de nos diplomates au processus.
    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Pendant les 17 années ou presque de ma présence en ces lieux, nous avons, je crois, éprouvé collectivement un énorme sentiment de frustration face à la question de la prévention des conflits. On se demande parfois si on a tiré quelque leçon que ce soit du Rwanda.
    Nous en sommes toujours à nous demander comment passer de l'approche ponctuelle dont vous avez parlé, monsieur Hampson, à une approche dans laquelle diplomatie, développement et défense seraient organisés et coordonnés.
    L'une de mes questions est la suivante. Croyez-vous que le Canada ait un rôle à jouer ou y a-t-il au Canada une volonté de mettre sur pied, côté diplomatie, une équipe d'intervention rapide en matière de développement au niveau régional ou sous-régional? Cette volonté existe-t-elle et le Canada doit-il jouer un rôle dans la poursuite de cet objectif?
    Je pense que l'expression « intervention rapide en matière de développement » est une contradiction dans les termes en ce sens que le développement se fait habituellement dans le long terme...
    Je voulais dire diplomatique.
    Ah bon, diplomatique. D'accord.
    Le Canada a pratiqué abondamment la diplomatie, tant de façon ponctuelle que de façon individuelle. Le général John de Chastelain a, à titre personnel, par exemple, joué un rôle d'une importance capitale dans le processus de paix en Irlande du Nord, qui se poursuit toujours. Son action a largement débordé son mandat, le désarmement, le problème lancinant de ce conflit.
    Nous avons également pratiqué la diplomatie de gestion de frontière dans le cadre du processus de Dubai entre l'Afghanistan et le Pakistan, en travaillant très doucement en coulisses. On peut penser à d'autres Canadiens qui, dans le passé, ont rempli les fonctions de représentants spéciaux des Nations Unies dans diverses zones de conflit, où ils ont joué un important rôle de médiation ou de prévention de conflit.
(1210)
    Ça, ce serait néanmoins de la diplomatie sous-régionale, par exemple la CEDEAO ou l'Union africaine. Elles ont leur propre activité sous-régionale...
    Elles ont également leurs propres joueurs ou leurs propres mécanismes et capacités institutionnels, mais elles ont souvent besoin d'aide. Elles demandent l'aide de l'extérieur et il est parfois impossible de trouver une personne, au niveau régional, qui puisse jouer un rôle de médiateur indépendant et impartial. En matière de prévention des conflits, il faut recourir à la diplomatie musclée mais il faut également faire appel aux habiletés de médiation et de négociation.
    Nous nous débrouillons à merveille en tant que négociateurs commerciaux, en tant que médiateurs au sein de l'OMC, et je crois que nous pourrions faire beaucoup mieux en matière de diplomatie si la volonté existait.
    Que faudrait-il faire pour renforcer le rôle des Affaires étrangères dans la poursuite de cet objectif?
    Il faut y consacrer des ressources. Il faut mettre sur pied au sein du ministère des unités reconnues de médiation et de prévention des conflits. Jusqu'ici, nous nous en sommes tenus à cet égard à une façon de procéder très ponctuelle, marquée par l'improvisation et le manque de ressources.
    Faudrait-il constituer d'avance une base de données qui permettrait de trouver les personnes qui présentent la combinaison requise d'habiletés linguistiques et culturelles?
    Absolument, et plus qu'une simple base de données; il faudrait répertorier les capacités à l'intérieur du gouvernement fédéral, dans les gouvernements provinciaux et même au niveau municipal, parce que souvent, dans les situations très complexes auxquelles on a affaire, comme le problème de gestion des frontières avec lesquels nous sommes aux prises en Afghanistan et au Pakistan, les parties elles-mêmes sont à la recherche, entre autres, de meilleurs mécanismes et outils de gestion des douanes et des frontières.
    Nous avons en abondance ce genre d'expertise au Canada.
    Utilisez-vous la diaspora qui vit au Canada?
    Les diasporas peuvent être une arme à deux tranchants. Vous vous rappellerez peut-être que le Canada s'est vu demander d'être le médiateur de choix dans le conflit sri-lankais à la fin des années 1990. L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas répondu à l'appel est que le gouvernement de l'époque était d'avis qu'une implication de sa part créerait un trop grand risque de tensions intérieures, même si nous étions alors le plus important donneur d'aide au développement au Sri Lanka, ce qui est d'ailleurs la raison pour laquelle ce pays s'était tourné vers nous.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Braid pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président et merci à tous nos témoins pour leur présence ici.
    Aujourd'hui, nous avons reçu une telle moisson d'information et les témoignages présentés étaient d'un tel calibre qu'il est difficile de savoir par où commencer. Donc, merci.
    Monsieur Regehr, merci beaucoup d'être venu de Waterloo, le centre de l'innovation au Canada.
    Monsieur le président, lui, d'où est-ce qu'il vient?
    Des voix: Oh, oh!
    Je vous remercie également pour vos 30 années et plus de contribution fort avisée à des dossiers touchant la paix et la sécurité dans le monde.
    Monsieur Regehr, vous avez dit au cours de votre exposé qu'il faudrait trouver moyen d'ajouter aux opérations de la paix une composante de négociation politique ou de règlement politique. Pourriez-vous développer davantage votre pensée à ce sujet et expliquer comment on pourrait créer ou construire ce genre de capacité?
    La réponse réside en partie dans le leadership politique. Il faut une certaine dose d'audace pour se mêler de conflits dans lesquels les intérêts immédiats du Canada ne sont pas évidents. Notre intérêt est de nature générale.
    Les Norvégiens l'ont fait. Ils se sont impliqués. On peut se demander pourquoi les Norvégiens se sont impliqués dans certains des endroits où ils l'ont fait.
    Je pense donc qu'il faut comprendre qu'il doit y avoir un solide leadership en haut lieu pour s'engager dans un processus diplomatique susceptible de devenir une activité à grande visibilité.
    Le plus souvent, il faut être un catalyseur plutôt qu'un acteur jouant un rôle direct dans la médiation, par exemple dans les conflits subsahariens comme celui du Zimbabwe.
    La Somalie n'est guère en situation de prévention de conflit, mais on n'y voit pas la moindre tentative crédible de recourir à la diplomatie pour résoudre le conflit qui y perdure. Il y a au Canada une vaste diaspora somalienne, ce qui favorise l'éclosion de certains des problèmes dont Fen a parlé. Mais si on voit son rôle comme étant un rôle de catalyseur et de facilitateur cherchant à susciter l'implication des acteurs régionaux, des représentants des diverses communautés somaliennes, et à favoriser la mise sur pied de tables de discussion auxquelles les parties viendraient s'asseoir, on a le genre d'éléments qu'il faut pour ce faire.
    Naturellement, Fen a détaillé quelque peu les activités que nous pourrions entreprendre en réunissant un certain nombre de compétences.
(1215)
    Merci.
    Je passe à une vitesse supérieure pour ma deuxième question.
    Monsieur Regehr, dans quelles situations ou scénarios verriez-vous les Forces canadiennes et les ONG travailler en partenariat, main dans la main, sur le terrain, dans le contexte d'une opération de paix?
    Je crois que l'important, c'est de faire la distinction entre la coordination et l'intégration. Dans le contexte d'une approche pangouvernementale, il est certainement essentiel que les ONG, les militaires et les diplomates travaillent tous de concert pour atteindre un objectif stratégique commun, un objectif national. Je crois donc qu'il est très important que les activités des ONG soient coordonnées avec celles des organisations gouvernementales et de la communauté internationale.
    Il faut cependant faire une distinction entre la coordination et l'intégration de ces activités. Je ne crois pas qu'il serait souhaitable que, sur le terrain, les ONG participent directement aux activités des organisations gouvernementales, et vice versa. Une telle situation crée de la confusion, ou semble indiquer que les activités de développement s'inscrivent en fait dans le cadre de la guerre ou des interventions militaires. Comme les ONG l'ont signalé à de nombreuses reprises, cela cause un problème. M. Samson l'a dit quand il a parlé des dossiers touchant à la fois les civils et les militaires. Il souhaiterait peut-être en dire davantage à ce sujet.
    Je crois que c'est de cette manière que je présenterais les choses: il faut coordonner les efforts en vue d'atteindre un objectif commun, et non intégrer les rôles des uns et des autres.
    Merci beaucoup.
    Je dois donner la parole à M. Bachand.

[Français]

     J'aimerais poursuivre le débat sur la coordination. L'exemple typique est celui de l'Afghanistan d'où sont revenus certains membres du comité il y a deux semaines.
    J'estime qu'à l'heure actuelle, la coordination en Afghanistan est complètement désarticulée. Elle est même cauchemardesque. Si les choses vont si mal en Afghanistan, c'est justement à cause de cela. Imaginez: l'ONU a demandé à l'OTAN d'intervenir. Un représentant du Secrétaire général de l'ONU est présent en Afghanistan, mais il y a également l'OTAN et tous ses pays membres, qui comptent 150 000 soldats. Lorsque je demande si c'est le général McChrystal ou le représentant du Secrétaire général de l'ONU qui dirige, on a beaucoup de difficulté à me répondre.
    Le général McChrystal est quelqu'un de brillant. Il est à la tête de 150 000 soldats. C'est toute une force de frappe, et celle-ci est multidisciplinaire. En fait, cette force peut faire à peu près n'importe quoi. Il y a également 48 pays qui ont tous des intérêts nationaux différents. Les diplomates des ambassades et leur entourage poursuivent un intérêt national qui peut diverger complètement de celui de l'ambassade d'à côté.
    Parmi ces 48 nations, des gens qui font du développement peuvent avoir au sujet de leur activité une philosophie complètement différente de celle du voisin. Il y a aussi la défense, qui comprend des troupes sur le terrain. Celles-ci ont toutes des règles d'exception. Pour pousser encore plus loin le cauchemar, des centaines d'ONG ne veulent être liées ni aux soldats ni à des intérêts nationaux qu'elles n'approuvent pas.
    Êtes-vous d'accord pour dire que ce qui se passe en Afghanistan est la recette parfaite pour manquer notre coup? Je crois que ça peut se produire sur divers théâtres d'opérations. Il nous faudrait une ligne directrice et savoir qui donne les ordres. J'ai toujours pensé que l'autorité civile dirigeait le secteur militaire. Selon moi, c'est l'ONU qui devrait prendre l'initiative de réunir les gens autour d'une table pour intégrer le plan d'action. Actuellement, ce n'est pas le cas.
     Existe-t-il une solution pour se sortir de ce cauchemar? Sinon, allons-nous le laisser continuer jusqu'à ce que mort s'ensuive?
(1220)
    Je vais répondre à cette question en soulignant le progrès qu'on a fait dans le domaine du développement, compte tenu de certaines déclarations de principes, entre autres la Déclaration de Paris sur l'efficacité de l'aide. Ça met précisément en évidence la question de la coordination, dans le domaine du développement, entre les bailleurs de fonds, notamment.
    Toutefois, je pense que cette leçon est plus vaste, comme vous l'avez expliqué. Il y a une demande, une nécessité de coordination plus fondamentale encore. Je crois que du progrès est accompli dans ce domaine, mais, comme vous l'avez dit, ça reste très difficile à cause du nombre de participants. Ce travail est encore en développement.
    Je vais maintenant céder la parole...
    Monsieur le président, est-ce que mes cinq minutes sont écoulées?

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Galant.
    Merci, monsieur le président.
    Est-ce que les témoins pourraient nous dire combien d'années ou combien de mois ils ont passé dans des zones de conflit?
    J'ai passé pas mal de temps dans les zones de conflit de l'Afrique de l'Ouest, au Soudan, ainsi qu'en Éthiopie, à la frontière de l'Érythrée. Je suis allé en Afghanistan à trois reprises, et en Ouganda. Mais j'ai bien peur que le fait d'être familier avec ces endroits ne fasse de personne un spécialiste en la matière.
    L'ex-représentant spécial adjoint en Afghanistan, qui a passé six ans là-bas, a récemment affirmé ce qui suit devant un comité sénatorial:
Les talibans ne veulent pas la paix. Il ne veulent pas leur part du gâteau. Ce qu'ils veulent, c'est faire sauter le gâteau.
    M. Regehr a déclaré que tous les conflits pouvaient être réglés par voie diplomatique. Pouvez-vous nous dire comment nous pouvons négocier avec des interlocuteurs qui sont dans une telle disposition d'esprit?
    Je n'ai pas voulu dire que tous les conflits pouvaient être résolus par la négociation; j'ai voulu dire que c'est toujours ainsi qu'on les règle. C'est de cette manière que les conflits se terminent. Cela ne signifie pas que les activités militaires n'ont pas une énorme incidence sur la manière dont les négociations se déroulent et sur toutes sortes d'autres choses. Voilà une première chose; c'est ainsi que ça se passe.
    Ensuite, il faut également tenir compte du fait que l'adversaire est toujours considéré comme le seul interlocuteur avec qui il est impossible de négocier. On pourrait négocier avec un autre, mais avec lui, ce n'est pas possible.
    J'ai donné l'exemple du Mozambique, qui est un cas extrême. Le cas de l'Armée de résistance du Seigneur, en Ouganda, est similaire. On a affaire, dans ces pays, à des gens sans foi ni loi, qui ne veulent pas négocier, mais nous avons tout de même engagé des pourparlers avec eux.
     Ce que je vais dire est peut-être subjectif mais, en Afghanistan, j'ai rencontré des gens qui, sans se définir eux-mêmes comme des talibans, appuient très fermement ces derniers. Ils croient qu'ils peuvent négocier durement, mais ils sont également conscients qu'ils ne pourront pas envahir Kaboul et renverser le gouvernement. Ils sont donc conscients qu'ils devront négocier.
    Je crois que ce qui se passe en Afghanistan n'est pas si différent que cela de ce qui se passe n'importe où ailleurs. En dernier ressort, on en viendra au processus de négociation.
(1225)
    Je trouve que c'est une question fort intéressante et j'aimerais y donner une réponse d'universitaire.
    Au cours des 25 dernières années, 40 p. 100 des conflits civils et régionaux ont pris fin à la suite d'un processus de négociation. Les autres conflits se sont poursuivis — ceux que l'on qualifie d'insolubles — ou ils ont pris fin parce qu'un des deux adversaires a vaincu l'autre. Le problème, c'est que, du point de vue politique, la résolution de conflits par la négociation n'entraîne pas les situations les plus stables. Cela représente un immense défi.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous observons qu'il y a un taux de récidive élevé pour certains accords de paix négociés dans les années 1980 et 1990. Cela représente un immense défi, pour revenir à ce que disait M. Martin au sujet de la prévention des conflits. Une partie du défi que pose la prévention consiste à empêcher que se ravivent ces conflits, qui ont pris fin grâce à un processus de paix négocié.
    Merci beaucoup.
    La parole est à M. Payne.
    Merci, monsieur le président.
    Il y a une question qui m'intéresse beaucoup et qui est liée à celle qu'a posée ma collègue, Mme Galant. Quand je lis des articles ou que je regarde les nouvelles, un des problèmes que je constate, en particulier en Afghanistan — mais cela se produit probablement aussi à d'autres endroits —, c'est que les talibans tuent les leurs. Il est très difficile pour moi de comprendre comment nous pourrions réellement négocier avec eux, puisqu'ils semblent tuer leurs propres civils sans remords. J'ai un peu de difficulté à me figurer comment nous pourrions faire cela.
    Vous pouvez considérer que c'est une sous-question, qui fait suite à celle de ma collègue.
    Dans bien des cas, les interlocuteurs avec lesquels on doit négocier — et les résolutions négociées, comme je l'ai mentionné, ne sont pas un phénomène récent — sont des gens qui ont du sang sur les mains. C'est un fait qu'il faut accepter. Ce ne sont habituellement pas des enfants de choeur et, dans certains cas, ils formeront le prochain gouvernement. C'est ce qui s'est produit en Amérique centrale et en Afrique subsaharienne, dans le cas de certains conflits qui ont fait l'objet de négociations. Nous ne devons donc pas avoir peur de négocier.
    La véritable question est de savoir ce qui incite des belligérants à entamer des pourparlers. Cela se produit quand les coûts d'un règlement politique semblent inférieurs à ceux de la poursuite des combats. À mon sens, le problème, dans le cas des talibans, c'est qu'ils forment un groupe aux contours flous, qui se subdivise en diverses factions et au sein duquel les intérêts sont divers. Ils ne sont pas tous aussi zélés les uns que les autres, et il est vrai que nombre d'entre eux pourraient être récupérés par le président Karzai ou par d'autres, mais certains demeureront fidèles à leur cause. Donc, la véritable question est de savoir ce que pourraient obtenir ceux qui ont réellement l'intention de mener ce combat, s'ils savent que l'OTAN et que des pays comme le Canada préparent leur sortie et qu'ils se disent qu'ils ont seulement à attendre assez longtemps pour pouvoir tenter d'atteindre leurs objectifs par l'insurrection et les armes, étant donné la faiblesse d'Hamid Karzai. Qu'est-ce qui pourrait les inciter, dans un processus de négociation, à modifier leurs perspectives politiques fondamentales?
(1230)
    Merci. Cela nous amène à ma prochaine question.
    Mais j'aimerais d'abord m'adresser à M. Samson. Quand vous nous avez parlé de l'ACDI, vous avez mentionné le montant des fonds alloués par le Canada, soit 545 millions de dollars, et vous nous avez dit qu'une partie de ce montant avait été envoyé en Afghanistan et à Haïti. Pouvez-vous nous parler de certains projets qui ont été mis en oeuvre ainsi que des succès obtenus?
    Certainement. Je vous remercie beaucoup pour la question.
    Parlez-vous de l'Afghanistan particulier?
    Oui; et d'Haïti.
    Les derniers chiffres définitifs, si je puis m'exprimer ainsi, sont ceux de 2008-2009; ils ont légèrement augmenté depuis. Les fonds alloués à l'Afghanistan totalisaient 226 millions de dollars. À Haïti, le montant se chiffrait à 158 millions de dollars avant le tremblement de terre. Ce montant serait bien entendu plus élevé aujourd'hui.
    En Afghanistan, 46 millions de dollars sont allés au secteur de la santé, où nous avons obtenu des succès assez évidents. Des résultats très concrets ont été obtenus relativement à l'éradication de la poliomyélite et dans d'autres domaines. Des fonds ont également été attribués à l'enseignement scolaire de base, et 32 millions de dollars ont été consacrés à l'aide d'urgence, qui prend diverses formes, comme l'aide alimentaire, l'aide au logement, etc. Il s'agit d'aide à très court terme, dont les résultats peuvent être constatés rapidement.
    En ce qui concerne la paix et la sécurité, nos principaux sujets aujourd'hui, près de 27 millions de dollars ont été alloués à l'Afghanistan. Cela nous ramène à certaines questions qui ont été abordées aujourd'hui relativement à la création d'un type d'environnement... On a également accordé une grande importance au développement du secteur privé, et des résultats très concrets ont été obtenus dans le domaine de la microfinance.
    La situation est passablement identique à Haïti: nous avons consacré 158 millions de dollars, comme je l'ai dit, au développement du secteur privé, à la santé, à la gouvernance démocratique, à l'aide d'urgence et à la formation scolaire de base. C'est une répartition assez vaste, mais ce sont des domaines où l'on obtient des résultats très concrets assez rapidement. L'objectif est d'obtenir des résultats durables. C'est essentiel. Il est essentiel que l'aide fournie apporte des bénéfices sur une période s'étendant au-delà de dix ans.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hampson, j'aimerais poursuivre sur ce que vous venez de dire au sujet des pays qui, comme le Canada, préparent leur sortie. Selon vous, qu'est-ce que le Canada devrait faire en Afghanistan, et pendant combien de temps?
    Eh bien! cette décision a déjà été prise, et c'est le premier ministre qui nous en a informés. Il nous a dit que nous nous apprêtions à quitter l'Afghanistan.
    Oui, mais j'aimerais connaître votre point de vue sur la question.
    À mon avis, si nous souhaitons que notre intervention soit couronnée de succès, dans un contexte de contre-insurrection, le Canada et les autres pays concernés devraient être disposés à rester là-bas plus longtemps qu'ils ne sont prêts à le faire.
     Merci.
    Vous nous avez dit que, dans le passé, il y a souvent eu résurgence des conflits après que des accords de paix ont été négociés. Selon vous, comment cela s'explique-t-il? Est-ce parce que nous n'avons pas été assez fermes pendant ces négociations? Avons-nous fait des concessions trop importantes à des gens qui ont prétendu qu'ils se conduiraient convenablement, mais qui ne se sont pas conduits si bien que ça? Avons-nous été naïfs pendant la négociation de certains accords?
    Il y a un peu de tout ça, et d'autres raisons encore. Certains accords étaient mal conçus. Ils manquaient de rigueur sur le plan politique. C'est un problème qui s'est posé dans le cas d'un certain nombre d'accords — de pas mal d'accords, en fait.
    Il y a également eu des cas où l'application des accords négociés nécessitait une aide au développement considérable, un soutien externe important, etc., mais le soutien fourni n'a pas été à la hauteur des promesses, parce que de nouveaux conflits ont surgi et que l'attention des donateurs internationaux a été détournée. Il y a également eu des cas de mauvaise gouvernance. Par exemple, des rebelles qu'on avait incités à se joindre à une coalition politique ou à former leur propre parti se sont détournés de ces options en raison de la corruption exercée par les élites politiques.
    Parfois, c'est le pays visé par l'accord qui échoue. Ces pays sont souvent des pays très pauvres, entourés de voisins hostiles. Il arrive que des accords de paix soient conclus dans certains pays, mais que les pays voisins soient instables. Or, l'instabilité a tendance à traverser les frontières, et elle peut compromettre les processus de paix très fragiles qui ont été amorcés.
(1235)
    Dans quelle mesure le fait que les pays occidentaux ont la mémoire courte pose-t-il problème? Vous avez dit que des priorités apparaissent, qu'on commence à s'en occuper, puis qu'on les oublie. Pouvez-vous nous donner des exemples d'endroits où nous croyions avoir mis des choses en place, et où il y a ensuite eu des problèmes parce que nous avons cessé de nous préoccuper de la situation, pour des motifs politiques ou pour quelque raison que ce soit?
    Dans l'hémisphère Ouest, un certain nombre de processus de paix ont eu lieu en Amérique centrale dans les années 1990. Nous y avons contribué de manière importante, que ce soit directement, ou indirectement, grâce au soutien que nous avons apporté à l'ONU ou à l'OEA. Il y a actuellement une résurgence de l'instabilité dans certains pays d'Amérique centrale, et des gouvernements sont menacés en raison du climat de violence qui règne dans leur pays.
    Le même phénomène s'observe dans certaines parties de l'Afrique subsaharienne. Je crois qu'on peut également dire que, même dans un pays comme le Cambodge, il y a des problèmes qui persistent, malgré les milliards qui ont été consacrés au processus de paix dans ce pays.
    Merci beaucoup.
    Je tiens à remercier tous nos témoins d'avoir été présents ce matin.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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