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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 022 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 17 juin 2010

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Français]

    Bonjour à tous et bienvenue à la 22e séance du Comité permanent de la défense nationale.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons poursuivre notre étude sur le rôle des soldats canadiens dans les missions de paix internationales après 2011.

[Traduction]

    Nous avons le plaisir d'accueillir

[Français]

à titre personnel, Lewis MacKenzie, général à la retraite.
Je vous laisse la parole pour 5 à 10 minutes. Ensuite, les membres du comité auront le temps de vous poser quelques questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup. La parole est à vous.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Premièrement, je m'excuse car je ne parle pas bien le français.

[Traduction]

    Chaque fois que j'ai eu à suivre un cours, on m'a envoyé sur le théâtre d'une autre opération des Nations unies, loin d'Ottawa, ce qui n'était pas une mauvaise chose.
    Étant donné que c'est votre dernière journée ici avant de retourner dans vos circonscriptions, je vous remercie de votre présence. Les choses se passaient autrement lorsque j'allais à l'école. Pendant mes années au service de l'armée, on m'envoyait ici avec des points de discussion établis par le gouvernement; je suis heureux de pouvoir exprimer ma propre opinion ce matin sans craindre de recevoir demain matin un appel du CEMD ou du ministre.
    J'aimerais commencer par dire que j'estime que vous avez placé la charrue devant les boeufs. Vous ne vous êtes pas demandé quelle sera la politique étrangère qui dictera l'emploi de nos militaires après l'Afghanistan. Malheureusement, j'ai remarqué que votre comité n'est pas le seul à agir ainsi. C'est habituellement de cette manière que sont élaborées les politiques en matière de défense au Canada. Si vous faites des recherches à ce sujet, vous constaterez que dans le passé, les examens de la politique de défense ont toujours eu lieu avant les examens de la politique étrangère, ce qui est très étrange.
    On peut présumer que les questions qui m'ont été communiquées à propos des opérations de paix laissent entrevoir qu'elles seront une priorité pour les Forces canadiennes après l'Afghanistan. Si on en croit les sondages, les émissions-causeries et les lettres d'opinion publiées dans les journaux, ces mesures iraient de pair avec l'opinion publique dominante. Remarquez que cette opinion publique ignore que notre réputation auto-proclamée en tant que nation vouée au maintien de la paix est un des grands mythes de ce pays. Pour pouvoir être désigné ainsi, il faut certainement que le Canada ait fait du maintien de la paix une priorité en matière de politique étrangère, ce qui n'a jamais été le cas. Cette priorité s'inscrivait loin derrière la souveraineté, la défense de l'Amérique du Nord et les obligations découlant des coalitions et des alliances, dont celle avec l'OTAN coûtait le plus cher et nécessitait le plus d'effectifs. Pendant la guerre froide, nous n'avions qu'un petit nombre de troupes déployées sur le théâtre d'opérations de maintien de la paix, comparativement au très nombreux militaires des forces aérienne et terrestre postés en permanence sur le front central en Europe. Il m'a semblé que les gouvernements endossaient les uns après les autres un mythe de maintien de la paix parce qu'ils pouvaient le faire à bon marché et sabrer dans les budgets de défense tout en maintenant une certaine présence sur la scène internationale.
    Ce n'est qu'au début des années 1990, après la chute du mur de Berlin en 1989, que nous avons massivement déployé des troupes pour des opérations de paix. Nous avons envoyé de nombreux soldats en Bosnie, en Croatie, à Chypre, au Golan, au Cambodge et en Somalie. Trois de ces missions, à savoir la Bosnie, la Croatie et la Somalie, ont transformé les activités de maintien de la paix et se sont démarquées des 13 autres qui avaient eu lieu entre 1956 et 1990.
    La différence, passée inaperçue chez la plupart des gens du public, c'est que les missions de maintien de la paix menées après la guerre froide impliquent des situations de paix rompue par des factions et non par des pays. Les factions n'ont pas de drapeaux hissés devant l'édifice des Nations Unies à Manhattan. Elles n'y ont pas de délégations. Elles n'ont rien à cirer des Nations Unies, puisque les forces de maintien de la paix des Nations Unies, tenues de respecter des règles d'engagement des Nations Unies, ne peuvent en rien leur nuire.
    Je vous dis ces choses en tant que personne appelée par d'autres le Casque bleu le plus expérimenté du monde, non seulement en raison des neuf missions auxquelles j'ai participé, mais parce que j'ai détenu tous les grades pendant mon service pour les Nations Unies, de lieutenant à major-général, exception faite du grade de colonel. J'ai également commandé une mission des Nations Unies — pas seulement sa composante militaire — en Amérique centrale et j'ai établi et commandé une mission subsidiaire à Sarajevo, où je faisais directement rapport aux Nations Unies, du moins lorsque quelqu'un y décrochait le téléphone.
    Cela m'amène à la question de la capacité ou de l'incapacité des Nations Unies de diriger des opérations des Nations Unies dans le cadre desquelles le recours à la force meurtrière est autorisé, et de fournir les ressources nécessaires à cet égard. Il y a 18 ans, certains d'entre nous ont dit que les Nations Unies étaient incapables de diriger les missions d'après-guerre froide. Bien que nous ayons été fustigés ou, dans mon cas, réprimandé, pour l'avoir dit, mais nous avons été encouragés d'entendre le sous-secrétaire général des Nations Unies pour le maintien de la paix dire exactement la même chose quelques années plus tard.
    Confier par sous-traitance à un pays la responsabilité de diriger une mission pour le compte des Nations Unies peut se révéler un exercice fructueux, comme ce fut le cas pour les missions dirigées par les États-Unies en Somalie et par l'Australie au Timor-Leste.
    J'ai vu certains d'entre vous grimacer lorsque j'ai dit que les États-Unis avaient mené une mission couronnée de succès en Somalie. L'attaque dirigée par les États-Unis en décembre 1992 a été l'intervention la mieux réussie dans l'histoire des Nations Unies. La force, notamment composée de Canadiens, a complètement dominé la situation et établi des conditions de sécurité ayant permis d'acheminer l'aide humanitaire en toute sécurité. Ce n'est que six mois plus tard, lorsque les Nations Unies ont repris le contrôle de la mission — et j'étais sur place pour observer la passation des pouvoirs pour CTV — que le leadership de la mission s'est auto-détruit et que tous les participants à la mission ont quitté le pays la tête basse. En passant, et pour le compte rendu, le commandant de cette force d'intervention, le général Johnston des États-Unis, était prêt à comparaître à tout moment devant la commission d'enquête sur la Somalie pour dire que le Régiment aéroporté du Canada était la meilleure unité parmi sa force de 36 000 personnes. Il est regrettable qu'on ait mis fin aux travaux de cette commission avant qu'il n'ait la chance d'y comparaître.
(1110)
    À supposer que notre politique étrangère future continuera de prévoir la participation de militaires canadiens aux opérations menées par des alliances ou des coalitions, parfois avec le consentement de l'ONU, parfois sans, nous devons maintenir une force militaire souple et apte au combat. Nous ne devons plus jamais obliger nos militaires à se conformer à des règles d'engagement ridicules des Nations Unies, élaborées dans des bureaux du centre-ville de Manhattan.
    Si bénigne soit la mission, nous devons être prêts à affronter la pire des situations et non la meilleure; pourtant, l'ONU articule de fois en fois sa pensée autour de la situation optimale, étant donné que c'est celle qui coûte la moins cher. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
    Pendant que je commandais une mission à Sarajevo, je trouvais important de défendre l'aéroport contre les lourds chars d'assaut qui se trouvaient à quelque 400 ou 500 mètres. J'ai demandé aux Nations Unies la permission de m'approvisionner, auprès des Canadiens en service en Croatie, en TOW sous blindage, qui sont des systèmes de missiles filoguidés à poursuite optique, lancés par tubes. Nous avions adopté puis placé cette technologie sur le dessus des transports de troupes blindés. Les Nations Unies m'ont répondu que je pouvais m'approvisionner en lance-missiles mais pas en missiles. Bien entendu, j'ai fait fi de cette directive, j'y ai désobéi, et j'ai fait venir les missiles quand même.
    J'ai demandé des mortiers. Ils ont dit que je pouvais m'approvisionner auprès du contingent canadien, mais que je n'avais pas droit aux munitions brisantes, seulement aux projectiles éclairants afin, paraît-il, que je puisse voir les gens qui nous attaquaient une fois la noirceur installée. J'ai également fait fi de cette directive.
    Lorsque les Danois se sont joints à la mission et qu'ils ont dit qu'ils venaient équipés de chars Leopard, l'ONU a refusé. Les Néerlandais ont choisi de les apporter quand même et ont tiré à quelques reprises sur des gens qui faisaient feu sur eux. Plus personne ne leur a tiré dessus pendant leur période de service de six mois. Je n'ai pas besoin de vous rappeler ce qui s'est passé lorsque les Néerlandais sont entrés dans Srebrenica armés seulement de petits fusils.
    En terminant, je vais vous parler d'un dossier en faveur duquel je milite sans succès depuis 50 ans. De tous les pays du monde, le Canada est celui qui devrait voir à maintenir une capacité expéditionnaire amphibie. Nous nous vantons sans cesse de nos trois océans.
    Un millier de soldats à bord d'un navire spécialement construit, capable de se déployer à court préavis, contrairement à aujourd'hui; un de ces navires dans chaque océan... Ces navires coûtent moins cher qu'un destroyer ou qu'une frégate et n'ont pas besoin d'aussi gros équipages. Ne vous méprenez pas: le projet du navire de soutien interarmées actuellement en suspens ne répond pas à ces critères. Il n'y a pas suffisamment de place à bord du NSI pour accueillir des militaires équipés pour le combat.
    Une telle capacité serait inestimable, non seulement du point de vue des opérations d'intervention, mais du point de vue des missions humanitaires, comme celles qui ont eu lieu récemment à la suite des catastrophes naturelles en Haïti et dans l'océan Indien, sans oublier celle pour laquelle nous demeurons prêts à intervenir à tout moment sur la côte Ouest de notre propre pays; c'est tout aussi important.
    Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Espagne, l'Italie, la Hollande, l'Australie, la France et la Russie ne peuvent pas toutes se tromper; elles sont toutes en train de développer leurs forces amphibies. Malheureusement, nous n'avons pas cette capacité, un point c'est tout.
    Je serais heureux de discuter de cette question pendant les questions et réponses et je vous encourage à examiner pendant vos délibérations la possibilité d'ajouter cet outil précieux à nos capacités militaires.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup, général.
    Je cède maintenant la parole à M. Wilfert pendant sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Général MacKenzie, il fait bon vous revoir.
    Je suis certainement d'accord avec ce que vous avez dit d'entrée de jeu comme quoi nous devrions établir notre politique étrangère avant d'établir notre politique de défense. Bien entendu, nous devons déterminer quels sont nos intérêts vitaux pour pouvoir ensuite nous doter des capacités appropriées pour les défendre.
    Vous avez parlé du maintien de la paix et du mythe et, comme vous le savez, les mythes ont souvent beaucoup plus d'emprise que la réalité. Ce comité est bien entendu sous l'impression que les soldats canadiens participeront à des missions internationales de maintien de la paix après 2011 et, en fait, toute notre étude s'articule autour de ce principe. Nous sommes peut-être prisonniers de ce mythe, car nous continuons de penser que nous allons participer au maintien de la paix sous une forme ou sous une autre.
    J'imagine que ma première question pour vous est celle-ci. Certains diraient que le conflit en Afghanistan est caractéristique des conflits à venir. En d'autres mots, il s'agit à la fois de renforcer la paix et de tenter d'établir une paix. L'Afghanistan constitue peut-être alors le test. Tout comme il ne saisissait pas ce qui se passait en Somalie, le public canadien ne comprend pas qu'il y a, d'une part, le maintien traditionnel de la paix et, d'autre part, l'établissement de la paix.
    Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet et pouvez-vous nous dire où vous voyez le Canada dans l'avenir? J'aimerais ensuite vous parler des forces armées axées sur la marine.
(1115)
    On abuse de la terminologie. Les gens se sont acharnés à tenter de décrire quelles sont les opérations de maintien de la paix qui ne relèvent pas du chapitre 6 — le chapitre 6 étant caractérisé par trois descriptions ou critères. Premièrement, vous êtes invités à participer par toutes les parties au conflit. Deuxièmement, vous n'êtes que légèrement armés, à des fins d'autodéfense seulement. Troisièmement, il y a l'impartialité. Eh bien, ces critères ne s'appliquent assurément pas en Afghanistan.
    Les opérations qui relèvent du chapitre 7 sont différentes en ce sens que vous pouvez avoir recours à la force meurtrière pour en arriver à maîtriser la situation. Ces mesures sont appliquées, par exemple, au Congo. Les Américains refuseront à tout coup, et avec raison selon moi, de participer à une mission qui ne relève pas du chapitre 7.
    La lutte en Afghanistan en est une anti-insurrectionnelle. C'est une mission de combat. Les gens qui la désignent comme mission de paix sont malavisés de le faire et ils confondent les termes du glossaire à utiliser pour cette opération en particulier. Il n'y a pas de paix. On peut dire d'un insurrection qu'elle a été défaite lorsqu'elle n'a plus de répercussions sur votre vie au jour le jour. C'est comme la situation en Espagne ou en Colombie ou partout où les choses sont du moins suffisamment maîtrisées pour ne plus revêtir d'importance du point de vue des opérations quotidiennes.
    Je recommande vivement d'élaguer la terminologie. Si quelqu'un souhaite caractériser la mission en Afghanistan d'opération de paix, je m'inscrirais certainement en faux contre l'usage de ce terme.
    Toutefois, monsieur, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que c'est probablement vers quoi nous nous dirigeons après l'Afghanistan, au sein de coalitions de pays volontaires ou peu importe leur nom. Voilà ce à quoi nous devons nous préparer. Là où la situation diffère de celle des Nations Unies, c'est que nous n'entreprenons pas ces opérations en étant prêts à affronter la meilleure des situations, car les choses ne se passent jamais ainsi.
    Quelles sont, selon vous, les leçons que nous avons tirées ou qu'il faudrait tirer des Balkans et de l'Afghanistan?
    Selon moi, une des principales leçons est celle dont j'ai parlé à la fin, c'est-à-dire la capacité de déplacer ensemble des unités — des unités homogènes — jusqu'au théâtre des opérations. L'envoi d'une équipe d'éclaireurs ne pose pas problème, mais le fait d'avoir différents points de chute pour les effectifs et l'équipement, de tenter de tout coordonner, d'amener les uns jusqu'aux autres, toute l'idée voulant que... On dit dans l'armée qu'un soldat ne doit jamais se séparer de son sac à dos ni de ses raquettes; s'ils sont placés à bord d'un autre véhicule, ils ne finiront jamais par aboutir au même endroit que vous.
    Cette capacité est donc tout à fait à notre portée; il s'agit de la capacité expéditionnaire amphibie. Dans 93 p. 100 des opérations auxquelles nous avons participé au cours des 50 dernières années, il y avait un littoral ou, du moins, un endroit où décharger les navires pour ensuite transporter les choses ailleurs, comme ce serait le cas en Afghanistan.
    À mon avis, les Forces canadiennes ont su brillamment mettre en oeuvre ces leçons apprises. Nous n'avions pas auparavant de centre des opérations à partir duquel étaient contrôlées les opérations outre-mer, contrairement à aujourd'hui. Nous avons pris les devants, entraînant parfois les Affaires étrangères, les ONG, etc., dans notre sillage, afin que tous collaborent à l'application d'un concept relativement nouveau — qui ne l'est pas en réalité —, soit celui de l'intégration totale des personnes intéressées par la mission en cours, en les réunissant sous un même toit ici à Ottawa et également sur le terrain.
    En présumant que nous serons appelés à participer à de quelconques opérations futures de maintien de la paix — votre réponse sera peut-être influencée par votre propre expérience, ce qui est compréhensible —, croyez-vous que les Nations Unies joueront un rôle important dans les opérations de maintien de la paix ou, compte tenu de la nouvelle dynamique, croyez-vous que ce rôle sera, par exemple, celui de l'OTAN?
    Eh bien, chaque fois que je me retrouvais en difficulté dans une opération de l'ONU, je me disais toujours: « Mon Dieu, si c'était l'OTAN qui dirigeait cette opération, ça irait bien et j'aurais des ressources. » Et maintenant je me rends compte que l'OTAN est encore plus une organisation de débats que l'ONU. À l'ONU, il n'y a que cinq membres qui comptent, les cinq membres permanents. À l'OTAN, à combien sommes-nous rendus?
    Alors non, l'OTAN ne survivra peut-être même pas à l'heure du bilan quand tout sera terminé. À l'OTAN, les pays peuvent se porter volontaires à n'importe quel degré, c'est-à-dire selon divers niveaux — c'est ce que j'appelle maintenant l'alliance à choix multiples. Quand il y a une mission, un pays déclare: « Je vais faire ceci », et un autre: « Je vais faire un peu de cela ». Désolé, mais ce n'est pas de cette façon que ça doit se passer.
    Après mon commentaire déplacé mais exact — n'appelez pas à l'ONU après cinq heures ou la fin de semaine parce qu'il n'y a personne pour répondre au téléphone —, l'ONU a créé une salle de gestion de crise. Mais ce n'est pas un centre des opérations. Quand elle a voulu embaucher des officiers de partout dans le monde pour travailler à la salle de gestion de crise, tous les pays du tiers monde ont insisté pour que leurs officiers soient payés 150 $ américains par jour, entre autres, mais ça ne s'est pas fait parce que les officiers étaient embauchés grâce à des dons versés par des pays comme le Canada. En raison de cette controverse, la salle a été fermée, et le siège de l'ONU ne peut plus compter sur l'appui de ces officiers. Les choses se sont améliorées, mais l'ONU est toujours incapable de commander et de contrôler une mission sur le terrain au niveau opérationnel. Le cas du Congo en témoigne.
(1120)
    Cela reste à voir, mais l'ONU est toujours... Vous pourriez toujours...
    Il y a des études très intéressantes sur le sujet. L'étude Brahimi a donné lieu à toutes sortes de recommandations remarquables, mais malheureusement, aucune d'entre elles n'est réalisable.
    J'en ai encore plein d'autres, mais je vais m'arrêter.
    Merci.
    Merci. Je l'apprécie.

[Français]

    Je vais donner la parole à M. Bachand.

[Traduction]

    Je parlerai en français, évidemment, monsieur le général.

[Français]

    Premièrement, c'est un honneur que de vous recevoir. Tout à l'heure, j'ai jeté un coup d'oeil à votre curriculum vitae. Vous êtes le seul Canadien, je crois, qui ait mérité la Croix du Service méritoire deux fois. Alors, c'est tout un exploit.
    J'ai écouté attentivement votre présentation. Vous nous avez parlé de sous-traitance. Vous avez dit que des pays avaient réussi à rendre une mission opérationnelle et gagnante parce que l'ONU a conclu une entente de sous-traitance avec eux. Cependant, il y a une nouveauté en ce qui concerne l'Afghanistan. L'ONU semble vouloir sous-traiter avec l'OTAN. Je suppose que vous avez lu le nouveau concept stratégique de l'OTAN. Je suis un de ceux qui croient que l'ONU a besoin d'une réforme importante parce qu'elle n'est pas capable d'exécuter des missions de façon correcte, présentement. Donc, elle doit conclure des ententes de sous-traitance soit avec des nations, soit avec l'OTAN.
    Croyez-vous que ce soit une bonne façon de faire et un gage d'avenir pour l'ONU?

[Traduction]

    Ce qui s'est passé en Afghanistan démontre la sottise d'une vaste alliance en pleine expansion qui n'avait aucune stratégie cohérente. Je veux dire par là qu'elle est maintenant devenue mature ou du moins qu'elle a évolué au point où ce sont maintenant les Américains qui mènent la barque. Il faut que quelqu'un soit aux commandes. Ça ne peut pas être un comité, et l'OTAN est un gros comité qui exige l'unanimité, pas seulement à Bruxelles, mais dans toute la chaîne de commandement. Il suffit qu'un pays s'objecte pour que l'OTAN doive faire marche arrière et essayer d'assouplir les directives.
    Il est à souhaiter que l'OTAN retrouvera ses capacités opérationnelles, grâce à toutes les études qui sont menées, dont une qui est réalisée par l'OTAN, à l'interne, et une à laquelle le Canada a contribué par l'entremise de l'Institut de la Conférence des associations de la défense et l'organisme analogue de Calgary; l'OTAN pourrait évoluer dans ce sens. Mais selon moi, si on veut avoir recours à la sous-traitance, il faut faire appel à un seul pays, car c'est lui qui sera aux commandes. Il ne faut pas établir un bureau central composé de représentants de 26 autres pays, qui ont tous leur propre façon de faire. Au fond, l'heure du test décisif est venue. Bien que l'OTAN soit sur la défensive à la suite des insuccès de ses premières années en Afghanistan, nous verrons maintenant si les Américains peuvent sauver les meubles, mais au moins il y a les Américains pour diriger la chaîne de commandement.

[Français]

    Pourriez-vous nous expliquer la façon de déterminer les règles d'engagement? Lorsque l'ONU demande à un pays de conclure une entente de sous-traitance ou demande à l'OTAN de le faire, est-ce que la question des règles d'engagement...
    Tout à l'heure, vous avez mentionné que vous aviez désobéi intentionnellement. D'ailleurs, je ne vous le reproche pas. Toutefois, se présenter avec des lance-missiles sans missiles ne me semble pas être une très bonne idée. C'est un bluff et si l'adversaire s'en rend compte, la situation risque de s'envenimer.
    Lorsque l'ONU conclut des ententes de sous-traitance avec l'OTAN ou d'autres pays, est-ce que ce sont ces derniers qui déterminent les règles d'engagement? Pour avoir parlé à plusieurs militaires sur plusieurs théâtres d'opérations ou de maintien de la paix, il me semble que ce soit un problème difficile qui soit laissé à chacune des nations qui intervient sur le théâtre d'opérations. On pourrait parler également des règles d'exception qu'on traduit en anglais par caveats.
    Pourriez-vous nous faire un petit exposé au sujet des règles d'engagement, nous dire qui les détermine? Est-ce que ce n'est pas une difficulté incroyable que de faire intervenir une trentaine de pays avec des caveats différents les uns des autres?
(1125)

[Traduction]

    Vous mettez le doigt sur un handicap très important.
    J'ai rédigé les règles d'engagement pour l'ONU pendant que je commandais la mission en Amérique centrale. C'était si ennuyant que je n'avais pas grand-chose d'autre à faire. La guerre était presque terminée, et les Contras avaient été démobilisés.
    J'ai recommandé la cessation de la mission. Ça n'a pas été accepté parce que beaucoup de civils choisissaient d'en faire une carrière. Par conséquent, quand la mission a été interrompue, elle s'est simplement déplacée au Salvador. Elle s'appelle UNOSAL.
    Les règles du chapitre 6 étaient faciles à rédiger — vous savez, 30 cartouches de munitions, ne transportez jamais une arme chargée, soyez neutre, soyez impartial. Il était très rare qu'on se faisait tirer dessus. C'était généralement un jeune soldat étourdi qui voulait s'attaquer à un observateur ou à un soldat de l'ONU.
    Aujourd'hui, c'est beaucoup plus compliqué, et les pays refusent maintenant de laisser le siège social de New York déterminer les règles d'engagement. Chaque pays a ses avocats, ses militaires et ses spécialistes de la politique étrangère qui se réunissent et écrivent les règles d'engagement, et sincèrement, ils parviennent rarement à suivre le rythme, parce que la situation sur le terrain change énormément. C'est à ce moment que les commandants méritent leur salaire, car ils doivent adapter les règles à la situation. C'est effectivement un problème majeur.
    Personne, je dis bien personne, n'a déterminé de règles d'engagement pendant la Seconde Guerre mondiale. Il fallait en tuer le plus possible, s'en débarrasser et s'emparer du territoire. Aujourd'hui, ce serait politiquement incorrect de déterminer ou d'énoncer une telle règle d'engagement.
    C'est très frustrant pour les soldats, et ça le deviendra encore davantage, j'imagine, parce que plus aucun pays ne se soumettra désormais à des règles d'engagement de l'ONU ou de l'OTAN, selon moi.
    Qu'en est-il des caveats? Parlez-nous des caveats. N'est-ce pas un cauchemar sur les théâtres d'opération de...?
    Oui, mais c'est le fruit de la démocratie en action. Quand les Canadiens se sont déplacés vers le sud à partir de Kaboul jusqu'à Kandahar pendant la période des Fêtes de 2005 — j'y étais, justement —, les Britanniques et les Néerlandais devaient venir les rejoindre à Kandahar peu après, tout comme le quartier général de l'OTAN. En raison de gouvernements minoritaires et de la démocratie en action, les parlements britannique et néerlandais ont débattu pendant six mois. Puis ils sont arrivés, mais c'était la démocratie en action.
    Je pourrais vous donner des exemples encore pires. J'ai aidé les Japonais à se préparer à leur première mission à l'étranger, et la Diète japonaise a passé quatre mois à débattre pour décider s'ils seraient autorisés à apporter une mitrailleuse ou deux. Non mais, se perdre à ce point dans les détails... Mais c'est comme ça que ça se passe aujourd'hui.
    C'est un problème important. Nous devons faire en sorte de fournir à nos troupes les règles d'engagement les plus souples possible — et non des règles précises —, selon la situation.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Merci, monsieur le général.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Harris.
    Merci, monsieur le président, et bienvenue, général MacKenzie.
    Vous semblez croire que le Canada ne devrait pas prendre part aux missions de maintien de la paix de l'ONU, et pourtant, le représentant permanent du Canada à l'ONU nous dit que 15 missions de maintien de la paix sont actuellement en cours et que 120 000 hommes et femmes de 116 pays y participent, ainsi qu'un contingent de 85 000 soldats. Voulez-vous dire qu'ils sont tous en train de perdre leur temps et que le Canada ne devrait absolument pas s'en mêler?
    Je veux dire qu'ils ne sont pas en position d'influencer réellement la situation dans la plupart des missions.
    Prenons l'exemple du Congo. Il y a actuellement 7 armées étrangères et 11 factions qui combattent au Congo. Si nous y envoyions un groupe tactique de 1 200 ou 1 400 membres, ils ne seraient qu'une goutte d'eau dans l'océan. La plupart du temps, ça leur prendrait des jours pour parcourir 10 ou 15 kilomètres en raison du manque d'infrastructures.
    La très grande majorité, c'est terriblement choquant mais c'est la vérité... J'ai commandé des soldats du Nigeria, du Pakistan et du Bangladesh. Ce sont d'excellents soldats. Leur pays reçoit pour chacun 150 $ par mois, qui sont versés dans les coffres de l'État. Ils sont une source de revenus pour ces pays. Ces soldats sont donc nettement sous-payés — et j'en ai vécu les conséquences. Ils se tournent vers le marché noir, le trafic des femmes, la prostitution, et j'en passe. Tout ça est annoncé et raconté publiquement dans les médias. C'est un vrai cauchemar pour un commandant. À l'heure actuelle, grâce aux effectifs très nombreux, on a peut-être réussi à neutraliser une partie de la capitale du Congo. Voilà donc le genre de belles réussites que raconte l'ONU.
    Il y a des endroits où les factions veulent de l'aide pour rétablir la paix. L'exemple parfait, et probablement le plus récent, est celui de l'Érythrée et de l'Éthiopie. C'était une mission de maintien de la paix traditionnelle au titre du chapitre 6. « Nous sommes fatigués de combattre. Venez s'il vous plaît vous interposer entre nos deux armées le long d'une frontière commune, et donnez-nous la chance de prendre un moment de répit. »
    Oui, nous pouvons participer à ces missions. Mais la question est: quelle sera notre influence? Mais ce n'est pas seulement ça, car on ne nous demande pas des soldats; on nous demande de la logistique, des communications, des mesures juridiques. Quand nous envoyons ces gens à l'étranger, nous ne pouvons pas les former ici, parce que nous avons besoin de nos bataillons des services.
(1130)
    J'imagine que tout dépend de la quantité de ressources dont on dispose.
    Notre ambassadeur à l'ONU a également dit que l'ONU avait entrepris un processus de réforme du système d'appui sur le terrain, qui vise à assurer un déploiement plus rapide et un meilleur soutien aux missions. Cela semble toucher certains des points qui vous préoccupent au sujet des opérations, entre autres. Ça semble fournir des réponses à certaines de vos questions.
    Il y a eu des changements dans la structure de l'ONU, et le Canada y a pris part dans une certaine mesure. On élabore actuellement la doctrine de la « responsabilité de protéger ». Il y a également l'initiative Nouvel horizon de l'ONU. Les deux sont révélatrices des changements apportés et auxquels on travaille.
    À votre avis, le Canada peut-il jouer un rôle favorable dans l'amélioration des capacités de l'ONU, que ce soit par l'élaboration d'une doctrine, par notre expérience de maintien de la paix ou par notre contribution aux règles d'engagement et à leur réforme afin de les rendre souples et adaptables aux situations où elles doivent s'appliquer? Le Canada peut-il être un intervenant important à l'ONU et contribuer à sa façon à l'amélioration de la situation?
    Personnellement, je ne crois pas, parce que l'ONU est la somme de ses parties. Je le sais pour l'avoir entendu plusieurs fois. Le fait est qu'il y a cinq membres permanents au Conseil de sécurité qui dictent l'emploi des ressources au sein des Nations Unies. En 1945, ces cinq membres sont restés au Conseil de sécurité pour éviter qu'ils se battent les uns contre les autres, et non pour prendre des décisions brillantes et unanimes. Comme vous le savez, les décisions doivent être prises à l'unanimité, même si des recommandations ont été formulées pour exiger deux vétos plutôt qu'un parmi les cinq membres permanents. C'est l'organisme de contrôle. L'assemblée générale débloque ensuite les fonds. La bureaucratie de l'ONU se retrouve toujours devant un dilemme: recevoir des directives sans disposer des ressources nécessaires.
    Les enclaves de sécurité en Bosnie sont un parfait exemple. Lorsque j'ai comparu comme témoin devant le comité du Congrès américain, on m'a demandé: « Général MacKenzie, combien faut-il de troupes pour défendre les enclaves de sécurité en Bosnie? » J'ai répondu « 125 000 ». « Pourquoi autant? » « Eh bien, comme une pierre lancée dans un lac calme, l'effet d'entraînement représente les tirs d'artillerie. Vous avancez de 30 milles, ils reculent de 30 milles. Il faut avancer 30 milles de plus pour faire cesser les tirs d'artillerie et réussir à pacifier tout le pays. »
    Le général Briquemont, qui était l'un de mes disciples à Sarajevo, a déclaré: « Je suis d'accord avec le général MacKenzie; j'essaierais avec 70 000. » Boutros Boutros-Ghali, le secrétaire général, est comparu devant le Conseil de sécurité et a plaidé pour 27 500. Le Conseil de sécurité en a approuvé 12 500 et six mois plus tard, il en est arrivé 2 000. Ils sont donc revenus et ont réécrit le mandat afin d'indiquer que l'ONU ne défendrait pas les enclaves de sécurité mais que, par sa présence, elle découragerait les attaques contre les enclaves de sécurité, ce qui a eu pour résultat Screbenica.
    Qui est responsable de Srebenica? L'ONU l'est à plus de 50 p. 100. Ça n'a pas changé. L'administration de l'ONU a les mains liées par le manque de ressources des pays donateurs, le Canada y compris, et le processus décisionnel de Neandertal des cinq membres permanents. Auparavant, il était interdit que les cinq membres permanents effectuent des opérations dans le cadre du mandat de l'ONU. Seuls les Britanniques étaient l'exception, comptant deux bases souveraines à Chypre: Akrotiri et Dhekelia. Mais maintenant ils participent aux opérations, ils ont donc encore plus d'intérêt et d'influence au sein du processus décisionnel et du Conseil de sécurité par rapport aux lieux des missions.
(1135)
    Vos commentaires m'intéressaient au sujet des navires de soutien interarmées et de la nécessité d'une capacité d'expédition amphibie. Vous ne croyez pas que les C-17 peuvent dédoubler les efforts dont vous avez besoin. Pourquoi faut-il que toutes les troupes soient sur un navire? Est-ce l'idée d'avoir tout à portée de la main, et les C-17 ne peuvent pas jouer ce rôle?
    Les C-17 sont incroyablement utiles. Il nous en faut plus. Mais on ne transporte pas une unité de combat munie d'équipement lourd par voie aérienne, mais par voie maritime. On la garde ensemble. On transporte son premier contingent. On transporte une compagnie d'infanterie. Croyez-moi, c'est cent fois mieux que c'était avant. Il est possible de transporter des équipes comme l'EICC.
    Dans ma déclaration préliminaire, je n'ai pas parlé d'une des leçons que nous avons tirées: nos unités sont beaucoup trop petites. Même si vous diminuez le nombre d'unités, augmentez leur taille. Nous envoyons ce que nous appelons des groupements tactiques. Il s'agit en fait de groupes-bataillons. Nous envoyons les groupements tactiques en Afghanistan. Il faut un an pour qu'ils soient prêts, parce qu'aucune unité n'est assez grosse pour y aller seule. Il lui faut une compagnie de 200 soldats provenant d'un autre bataillon. Il lui faut un grand nombre de réservistes — que Dieu les bénisse —, nous n'y arriverions pas sans eux. Il lui faut toute sorte de choses pour créer une unité, et ensuite il faut l'organiser.
    Vous n'avez pas encore d'unité à ce stade. Il vous faut un groupe de personnes faisant preuve de leadership. Elles doivent apprendre à se connaître. Elles doivent se faire confiance. Elles doivent tirer des leçons de l'Afghanistan. Ça prend un an. Ensuite, vous les envoyez sur le terrain pendant six mois. Elles reviennent, et plusieurs d'entre elles seront recyclées et y retourneront assez tôt.
    Les unités ne sont pas suffisamment grosses. On a 1 100 soldats formés pour vivre sur un navire et préparés à être déployés à partir de chaque côte. Le processus décisionnel est ralenti dans le bâtiment là-bas. Pourquoi? À l'heure actuelle, quand le gouvernement du Canada décide d'envoyer des troupes quelque part, le CEMD déclare: « Eh bien, il faut affréter un navire, et le moins cher disponible se trouve dans l'océan Indien, il arrivera donc ici dans environ trois mois. Nos forces seront là dans environ quatre mois. »
    Après le 11 septembre, quand sommes-nous arrivés? C'était en mars de l'année suivante. Nous n'avons pas la capacité stratégique. Nous avons les C-17 qui sont absolument essentiels pour le déploiement rapide du groupe de reconnaissance. Le transport d'une unité devrait se faire par bateau. Autre chose, lorsque les C-17 atterrissent, il leur faut la permission. Ils doivent obtenir l'autorisation d'atterrir en sol étranger. Lorsqu'un navire arrive dans des eaux internationales, il jette l'ancre au large de la côte ouest de l'Afrique ou ailleurs. Il peut attendre là jusqu'à ce que le Parlement prenne sa décision et lorsqu'il donne son aval, les unités peuvent être là en trois heures, pas en quatre mois.
    Merci, général. Il ne reste plus beaucoup de temps maintenant.
    Nous entendrons M. Hawn pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, général MacKenzie, d'être devant nous aujourd'hui, comme toujours.
    Avant de répondre à ma question, concernant l'utilisation du terme « opérations de paix », je vais parler en mon nom, mais nous avons eu de la difficulté à trouver le nom de cette étude. Certains voulaient l'appeler l'étude des opérations de « maintien de la paix », et certains de nous ont dit non, « opérations de paix », pour signifier que tout ce que font les Forces canadiennes chaque jour, où qu'elles soient, est fait dans l'optique de la paix. Pour moi, personnellement, c'est la raison pour laquelle le nom « opérations de paix » a été choisi. En plus, si nous l'avions appelée « opérations de guerre », ce nom n'aurait probablement pas été accepté.
    Oui. Je suis allé à l'école de « guerre » de l'armée américaine. Nous n'aurions jamais un nom de ce genre au Canada.
    Vous avez entre autres parlé de la sous-traitance de l'ONU. La question est simple: vers qui se tournerait l'ONU si elle ne se tournait pas vers un sous-traitant, qu'il s'agisse d'une organisation comme l'OTAN ou d'un pays? Vous avez également mentionné qu'il était mieux de sous-traiter à un seul pays. Je dirais qu'il y a un nombre restreint de pays qui pourraient accomplir ce genre de missions — évidemment les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne et plusieurs autres, mais ce nombre est relativement petit. Je crois que la sous-traitance à d'autres partenaires serait compromise. Est-ce votre avis?
(1140)
    Oui. Je fais référence au commandement et au contrôle. Par exemple, l'Australie a fait plus avec moins que ce que nous avons, mais elle était en sous-traitance pour le Timor-Oriental, après le massacre du personnel civil de l'ONU en raison de l'insuffisance des forces de sécurité.
    Mais il est vraiment question de la chaîne de commandement, le commandement au sommet. J'apprécie que le Royaume-Uni, par exemple, à Sierra Leone, ait pris l'initiative de se rendre là-bas avec le SAS, qu'il ait réglé la question et qu'il ait remis le dossier entre les mains de l'ONU. Je parle donc du niveau de commandement au sommet, parce que je n'ai pas besoin de vous dire que lorsque vous réunissez 30 personnes, provenant de différents pays, dans un centre opérationnel et leur dites de gérer le centre, il faut un an pour que le tout fonctionne.
    Selon moi, l'une des plus grandes difficultés avec laquelle nous sommes aux prises aujourd'hui dans toutes ces opérations ne concerne pas les soldats sur le terrain, mais les personnes ici. Que ce soient les journalistes, les politiciens, les citoyens...
    Le centre de gravité.
    Oui. Prenons la Somalie par exemple. Les Canadiens sont surpris d'apprendre que notre mission en Somalie a été une réussite. En fait, il n'y a eu qu'une anicroche, et cela a fait toute une histoire, pas l'histoire de la mission en entier.
    Prenons encore la Somalie comme exemple, et peut-être l'Afghanistan, que devons-nous améliorer, pour ne pas contrôler la perception de la population mais pour communiquer l'information afin que les gens puissent se faire une opinion en entendant l'histoire complète, pas seulement les histoires déformées par les médias?
    Je crois en effet qu'il s'agit d'une question que se posent beaucoup de personnes dans cette capitale.
    Je tiens d'abord à dire que les ordres viennent d'en haut. Il faut que les plus hauts dirigeants du pays expliquent à la population. Je déteste le terme « populaire », mais je me réjouis du mouvement populaire le long de l'Autoroute des héros. Et cela ne signifiait pas grand chose pour nous jusqu'à ce que d'autres pays commencent à faire des documentaires à ce sujet et nous disent à quel point nous avons bien fait, et maintenant les États-Unis font la même chose et le Royaume-Uni d'une certaine manière. Ce sont des réactions de la population, ce qui est tout simplement fantastique. La mission n'est pas prise en compte et l'accent est mis sur les troupes, c'est fantastique.
    Mais en ce qui concerne la façon de faire, ayant consacré du temps aux médias, je crois que s'ils mènent, ils mènent. Ma principale préoccupation en Afghanistan, c'est que lorsqu'un soldat est tué, il meurt sur le terrain, il meurt encore à la cérémonie d'adieu, il meurt à nouveau à Trenton, il meurt sur l'Autoroute des héros, et il meurt lorsqu'il est mis en terre, et le seul moment où nous pouvons voir le leadership des Forces canadiennes, c'est à ces stations de chemin de croix. La population associe donc notre leadership à la mort, et je crois que c'est malheureux.
    Je n'ai pas répondu à votre question, mais je crois vraiment qu'il faut un peu plus d'ouverture. Vous et moi savons que les meilleurs ambassadeurs de l'armée auprès des médias sont les caporaux, les sergents et les jeunes lieutenants et capitaines, et on ne les entend pas souvent.
    Je suis entièrement d'accord.
    Que ce soit en Somalie ou en Afghanistan, comment mettons-nous en pratique les leçons tirées de ces missions dans l'avenir de, disons, la mission de l'Afghanistan comme mission de paix, ou appelez-la comme vous voulez? Quelle est la prochaine étape dans cette opération de paix en particulier?
    Ils font un très bon travail. Dans mes visites, je suis vraiment satisfait de voir à quel point ils appliquent les leçons qu’ils apprennent. À mon époque, durant mes trois périodes de service à Chypre — où j’ai eu droit la plupart du temps à des congés prolongés —, on ne demandait même pas conseil à l’unité précédente. S’il nous arrivait de demander des conseils, ils provenaient le plus souvent d’un document rédigé quatre années auparavant par des prédécesseurs. C’était vraiment rétrograde. Aujourd’hui, tout cela est relayé en l’espace de quelques heures.
    Quand une leçon est apprise en Afghanistan, nos gens à Kingston l’analysent et la renvoient presque tout de suite sous forme d’orientation, de conseils ou autres. Ils ont fait un excellent travail.
    Parmi les leçons apprises sous un angle plus global, je soulignerais la taille des unités. On ne demande jamais à un bataillon de 500 hommes de prendre part à l’une de ces opérations à l’étranger. C’est toujours plus ou moins un groupement tactique équilibré, comme on dit de nos jours, de 1 000 ou 1 100 soldats environ. Quand j’ai été nommé à un commandement, les bataillons étaient formés de 1 100 militaires, mais nous avons constamment réduit leurs effectifs.
    Notre armée est minuscule. Je parle ici uniquement de l’armée. On dit que ses effectifs sont d’un peu plus de 20 000 personnes, mais il ne s’agit pas de 20 000 soldats qu’on puisse déployer sur le terrain. Je sais que les gens sont lassés de l’entendre, mais je le répète constamment: si on faisait entrer toutes nos troupes dans le Maple Leaf Gardens et qu’on leur donnait ordre de s’asseoir, il resterait des sièges vides. Je suis chef honoraire de la police de Toronto, et il se trouve que Toronto compte 2 000 policiers de plus qu’il n’y a de fantassins dans l’armée canadienne. Les nombres sont minuscules, mais ils font un travail absolument magnifique.
(1145)
    Au vu de ces chiffres minuscules, et pour en revenir une fois encore à l’Afghanistan, quel devrait être l’avenir de notre mission, selon vous? Si je pose la question, c’est que de toute évidence notre mission dans ce pays se poursuit et qu’il y a des doutes sur la forme qu’elle doit revêtir. Je me fonde sur ce que j’ai déjà dit concernant la perception de la population, sur la difficulté de la conscientiser et sur ce qui est nécessaire sur place.
    J’ai peut-être tort, mais on peut dire du moins que je suis cohérent, parce que je répète depuis trois ans qu’à l’échéance de 2011, il nous sera impossible de laisser le groupement tactique en place. Nous avons absolument épuisé notre armée et nous n'avons tout simplement pas le personnel nécessaire pour continuer ces rotations — la quatrième, cinquième et sixième pour bien des gens.
    Par contre, nous disposons d’un excellent cadre de chefs d’opérations militaires habiles, à tous les niveaux — depuis le sous-officier jusqu’à l’adjudant, et de l’officier au commandant. Le rôle de formation s’impose tout naturellement, surtout si l’on sait que l’OTAN n’a que 50 p. 100 des formateurs qu’elle recherche, qu’il lui en faudrait des milliers de plus. Pour répondre aussi à la notion, répandue chez les Canadiens, que l’armée en Afghanistan est entourée de risques intenses, je peux dire que beaucoup d’entre nous ici présents se sont promenés dans le secteur d'entraînement sans gilet pare-éclats ni casque. C’est sans le moindre doute le lieu le plus sûr en Afghanistan, parce qu’il faudrait être vraiment fou pour s’attaquer à un emplacement aussi bien choisi.
    J’espère et je prie donc que nous enverrons un cadre important de formateurs — mais pas l’Équipe de liaison et de mentorat opérationnel, qui susciterait des controverses sans fin à la Chambre, parce que cette équipe part en patrouille, en vue de s’occuper de la haute technologie, avec les troupes afghanes qui luttent contre le Taliban. Mais personne au monde ne peut nous égaler dans la formation individuelle, la formation de soldats, de sous-officiers et d’officiers, et la formation collective de combat en groupes de 30 ou 100 soldats, ou de 600 soldats dans le cas d’un bataillon.
    Merci infiniment.
    Merci, général.
    Je passe la parole à M. Wilfert. Je crois que vous allez partager votre temps de parole.
    Je vais partager le temps accordé au Parti libéral avec M. Trudeau.
    Général MacKenzie, par votre entremise, monsieur le président, pour en revenir à votre argument précédent au sujet de la politique étrangère et de la défense, quels sont selon vous, en quelques mots, nos intérêts nationaux et stratégiques après 2011? Vu le rythme incroyable de l’activité des Forces canadiennes, que devrions-nous faire désormais, à votre avis?
    Prédire l’avenir est toujours périlleux, j’en suis conscient, mais il est certain que nous devrions commencer par faire un virage important vers l’ouest, vers la zone du Pacifique, le Sud-Est asiatique, et ainsi de suite. Les retombées économiques en vaudront la peine pour le Canada. Nous voulons aussi maintenir une bonne relation fonctionnelle avec les États-Unis. Il est étonnant de voir l’effet incroyable exercé par la très faible contribution globale que nous apportons aux forces armées américaines.
    Grâce à une invitation de Colin Powell, j’ai donné pendant 13 ans un cours de guerre interarmées pour officiers supérieurs à Montgomery, en Alabama, destiné à leurs généraux à deux et trois étoiles. Quand je mentionnais l’importance de nos effectifs, les généraux ne disaient rien et attendaient, sûrs que c’était une plaisanterie. Ils n’en revenaient pas. Ils me disaient ensuite qu’on voit les Canadiens partout. Je leur répondais que oui, mais en assez petit nombre. Et ils répétaient que les Canadiens sont malgré tout omniprésents. Ces généraux avaient 800 000 hommes et se plaignaient de la pénurie de ressources.
    Si le gouvernement décide que nous devons prendre part à une coalition — que ce soit l’ONU, l’OTAN ou une coalition de partenaires pour une même cause, laquelle me plaît parce qu’elle est constituée pour régler une crise et qu'il y a un changement à régler —, nous devons pouvoir réagir avec toute la flexibilité voulue. Pour cela, il nous faut des unités de la marine, des forces aériennes et de l’armée suffisamment larges pour qu’on n’ait pas à les combiner pendant un temps en une troupe hétéroclite avant qu’elle se transforme en une unité de combat. Si nous avons cela, et nous sommes bien près de l’avoir, et si nous ne permettons pas que nos forces s’atrophient — nous avons la mauvaise habitude de laisser nos forces s’atrophier à la suite d’un engagement opérationnel —, nous continuerons à apporter une contribution valable.
    Je ne dirai rien au sujet du Moyen-Orient, parce que la situation y est tellement explosive que nous devons simplement nous mettre en attente d’une coalition de partenaires pour une même cause, puis décider au cas par cas d'y participer ou non.
(1150)
    Très brièvement, pensez-vous que notre comité devrait prendre l’Australie pour modèle, en termes d’intérêt régional, et que nous devrions consacrer tous nos... à ce domaine, plutôt que d’essayer d'intervenir partout à la fois?
    On ne m’avait pas averti que cette question serait posée, mais la réponse est oui; l’Australie s’est très bien débrouillée, surtout sur le plan des amphibies. Elle a commandé des navires.
    Merci.
    Merci d’être parmi nous, général. J’ai apprécié vos propos sur le mythe du maintien de la paix. Nous avons tendance à nous définir par ce mythe, alors qu’en réalité, le Canada a gagné sa forte réputation internationale dans les tranchées de la Première Guerre mondiale et sur les plages de débarquement de la Deuxième Guerre mondiale, parce qu’il a su aller bien au-delà de sa capacité nominale.
    Pour l’avenir, il est certain que l’expression Meilleure petite armée au monde correspond à nos sentiments. Nous devrons automatiquement choisir les régions où nous pourrons intervenir et le type d’intervention nécessaire. Pour cela, il est indispensable de disposer de la capacité optimale, flexible, létale et fonctionnelle voulue pour réagir aux différentes difficultés qui se présentent.
    Quelles activités actuelles devrons-nous retrancher pour créer les trois stations ou forces amphibies que vous envisagez? Des échanges et des concessions sont toujours nécessaires. Si nous nous concentrons sur cet aspect, qu’est-ce que nous devrons cesser de faire — quelles capacités, s'il y a lieu, faudra-t-il retirer de notre arsenal?
    Excellente question. Nous n’avons rien à retrancher, parce que les troupes sont déjà là. Elles sont déjà dans l’intérieur des terres. Le coût d’un navire d’assaut est très raisonnable, outre que nous avons une marine — y compris des sous-marins, espérons-le — qui peut l’escorter. Les Américains, les Espagnols et les Italiens concluent des contrats de location avec Maersk, la plus importante société de navires porte-conteneurs au monde. Maersk fournit un navire, avec un équipage qui signe une renonciation, si l’on veut, l’autorisant à aller dans un théâtre d’opérations. Le navire est configuré de manière à transporter du matériel et des troupes. Les marines américains ont aussi conclu un contrat avec Maersk. Toutefois, des navires d’assaut sont actuellement en chantier pour répondre à des commandes des Australiens, avec des variantes pour la France et les États-Unis. L’avantage de ces navires, c’est qu’ils sont moins coûteux qu’un destroyer ou une frégate, et que leur équipage est plus réduit. Nous planifions le remplacement de nos navires. Nous pourrions améliorer nos capacités dans les limites du même budget, et avec la même limite de personnel, si nous procédions ainsi.
    C’est le bon côté de la chose.
    Merci beaucoup. Merci.
    Je donne la parole à M. Braid.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Et merci à vous, général, à la fois pour votre présence parmi nous et pour vos contributions.
    Général, si vous étiez appelé à conseiller le gouvernement du Canada, quels facteurs devrait-il prendre en compte dans sa décision de participer ou non à une opération de maintien de la paix?
    C’est une très bonne question, parce qu’en effet tous les pays ont des critères, tout comme l’ONU: date de fin déterminable, bonnes chances de réussite, plan de sortie, critères de réussite, intérêt national, etc. Aucun de ces critères n’est pris en compte, et ne l’a jamais été dans le passé. On ne les applique jamais.
    Ils existent en grande partie à cause des médias qui couvrent l’événement en question. L’absence des médias au Rwanda et leur présence dans les Balkans fournissent de bons exemples de leurs priorités.
    Je pourrais donc facilement énumérer des critères, comme je viens de le faire. Mais personne n’y prêtera attention.
    La situation est la même à l’ONU. Dans le rapport que j’ai mentionné, Brahimi parlait de budget suffisant, de règles d’engagement claires, d’un mandat bien compris et susceptible d’être appliqué, et ainsi de suite. Tout cela n’est jamais appliqué. Ce n’est que pure théorie.
    L’échec de ce système a été une bénédiction pour moi. Quand j’avais besoin de troupes pour sécuriser l’aéroport de Sarajevo — notre force était constituée de soldats de 32 pays —, le seul pays qui a répondu dans les 12 heures à ma demande téléphonique d’un bataillon — et le fait que je sois Canadien n’y était pour rien — a été le Canada. On m’a dit bien sûr, pensez-vous que cela fonctionnera? C’était le seul critère, Dieu merci.
(1155)
    Merci.
    Les questions et réponses de ce matin ont toutes fait référence aux intérêts nationaux du Canada. À votre avis, quels sont nos intérêts nationaux ou stratégiques, dans le contexte des opérations de maintien de la paix?
    Dans les régions du monde d’importance cruciale pour le Canada, par exemple le Moyen-Orient, notre intérêt est une stabilité accrue. Et bien entendu la non-prolifération, qui ne lui cède pas en importance, c’est-à-dire la menace nucléaire et le risque de prolifération. Je n’ai pas grande crainte que les terroristes créent une arme atomique, sauf peut-être une bombe sale, mais je crains les pays dont le but est peut-être d’anéantir tous les autres et qui agissent en toute impunité. Cela me gêne un tout petit peu.
    Général, vos préoccupations et vos réserves à l’endroit de l’ONU sont bien connues. Vous exprimez aujourd’hui des réserves à l’endroit de l’OTAN. Je me demande donc vers quelles institutions multilatérales nous devons nous tourner pour obtenir de l’aide. Même si les opérations de maintien de la paix sont données à contrat, il faut qu’une entité quelconque assure la coordination et la sous-traitance. Quel est donc l’organisme multilatéral le mieux placé pour faire office de coordonnateur et de sous-traitant? Comment le processus fonctionne-t-il?
    Deux choses peuvent arriver après le bilan de l'OTAN. Soit l'OTAN survit et change...
    L'une des recommandations du Canada est la suivante: que les décisions au plus haut niveau politique à Bruxelles soient prises à l'unanimité. Ce que nous ferons, où nous irons, tout doit être unanime. Puis, pour les niveaux inférieurs, ceux qui sont plus près du terrain, c'est la majorité qui doit l'emporter. Il s'agit d'un changement tout à fait simple mais qui restructurerait totalement la chaîne de commandement de l'OTAN et la rendrait plus efficace. C'est facile à dire mais difficile à imposer.
    Dans une province comme Kandahar, les directives du commandant ne peuvent être remises en cause par tout le monde.
    C'est une des solutions: l'OTAN devra alors activement écouter ce que les pays comme le nôtre ont à dire, et plus particulièrement ce que l'étude de Madeleine Albright suggère quant à la restructuration de l'OTAN. De cette façon, l'OTAN se modifiera de lui-même et, on le souhaite, cessera de prendre de l'expansion.
    Après la débâcle en Géorgie, pouvez-vous imaginer que quelqu'un ait confiance en l'OTAN pour venir les secourir, même le Canada? Ils ne pouvaient même pas s'y rendre. Pendant qu'ils combattaient une insurrection relativement mineure en Afghanistan, nous devions faire face à des Soviétiques qui s'introduisaient dans un pays qui aurait pu être un pays de l'OTAN. Pensez-vous que nous aurions attaqué la Russie à cause de cela? Allons, soyons sérieux.
    Ou, l'OTAN échoue. Il se désintègre à cause de l'Union européenne qui resserre ses liens et qui revient en force. Mais bon, ils ont aussi leurs problèmes. L'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ne sont pas toujours d'accord sur la façon de fonctionner. Si cela ne réussit pas, vous allez alors reconnaître ces noms: je verrai quelque chose comme une coalition de pays volontaires: les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et bizarrement un certain nombre des pays satellites nouvellement libérés de l'ancienne Union soviétique qui ont pris beaucoup d'espace en Afghanistan. C'est ce que j'anticipe.
    Merci beaucoup.
    Je donne la parole à M. Bachand.

[Français]

    Monsieur Bachand, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Monsieur MacKenzie, vous semblez donner beaucoup d'importance — ou parlons d'une plus grande facilité d'opération — à une coalition de volontaires, un peu comme ce qu'ont fait les Américains en Irak.
     Convenez-vous du fait que seule l'ONU peut accorder une légalité et une légitimité internationales actuellement? Si une coalition de volontaires n'a pas l'aval de l'ONU, qu'elle n'ait pas été légalisée et légitimée par l'ONU, même si on constate que cette dernière est un peu sclérosée, n'est-il pas risqué que l'opinion internationale rejette cette coalition?
(1200)

[Traduction]

    Je ne veux pas paraître désinvolte, mais cela n'a aucune importance. L'OTAN a décidé, et je n'étais pas d'accord, de bombarder une nation souveraine, la Serbie et le Kosovo, sans l'accord des Nations Unies. Ce n'est qu'après qu'ils ont brandi une résolution selon laquelle les observateurs militaires de la communauté européenne devaient être défendus par les airs. C'était leur justification, qui était infondée. Presque tous les avocats qui se sont penchés sur cette justification ont dit qu'elle était infondée. Il n'y a eu aucune protestation. Il aurait dû y avoir un tollé, j'en aurais fait partie, mais il n'y en a pas eu.
    Je ne crois pas que cela ait beaucoup d'importance. Les grandes puissances du monde décideront de ce qu'elles vont faire. Si elles peuvent avoir l'aval des Nations Unies, comme George Bush père l'a eu pour la première guerre en Irak, eh bien, tant mieux pour elles, mais si elles n'ont pas l'appui des Nations Unies, elles iront de l'avant de toute façon. C'est ce qu'elles auraient fait.

[Français]

    À ce moment-là, peut-on s'interroger sur l'utilité de l'ONU? Considérez-vous que l'ONU, comme l'a dit M. Hillier, est un corps en décomposition?

[Traduction]

    Ce qu'il y a d'ironique avec les Nations Unies, c'est que tout ce qui a été ajouté depuis 1945 — le UNHCR, l'UNICEF, l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé... je ne sais pas si vous vous rappelez que le maire Lastman de Toronto ne connaissait pas l'OMS. Qui sont ces gens de l'OMS qui traitent de la crise du SRAS?
    De toute façon, ce que je voulais dire c'est qu'ils sont brillants. Bien sûr, les gens qui travaillent pour les droits de la personne ont certaines difficultés parce que la Libye occupe la présidence, mais au bout du compte, toutes ces institutions — Dieu sait que j'ai beaucoup travaillé avec l'UNICEF et l'UNHCR — sont extraordinaires et font de l'excellent travail. Ils sont la raison d'être des Nations Unies, qui avaient comme objectif de nous éviter les affres d'une troisième guerre mondiale, ce qu'ils ont réussi je crois. Nous n'avons pas eu de troisième guerre mondiale, Dieu merci.
    Pendant la guerre froide, leur capacité de gérer des situations à Chypre et au Moyen-Orient, qui étaient à l'époque assez bénignes, était tout à fait adéquate. C'est l'après-guerre froide, où on voit surgir des factions partout dans le monde, des factions internes qui s'entre-déchirent.
    Michael Ignatieff l'explique mieux que quiconque dans son livre Blood and Belonging. Une fois que l'on a retiré le ciment qui tenait ces deux groupes ensemble — l'Union soviétique et l'OTAN menés par les États-Unis —, une fois que ce ciment a disparu avec le démantèlement de l'Union soviétique, toutes les tensions ethniques, religieuses, territoriales et historiques ont explosé. En Yougoslavie, la situation a été de loin la pire parce qu'il y avait des dissensions ethniques et religieuses.
    C'est donc que les Nations Unies jouent un rôle très utile. Elles ont de sérieux problèmes en ce qui concerne leurs responsabilités en matière de sécurité, mais c'est parce qu'elles ont les mains liées par les cinq membres permanents. Vous êtes probablement au courant que les ambassadeurs du Japon, de l'Inde et du Brésil qui, selon moi, sont des pays qui se qualifient amplement pour le titre de membre permanent, ont voyagé à travers le monde pendant un an pour solliciter le soutien de leur candidature à la permanence. Le rapport, qui a été publié il y a environ un an et demi, a déclaré que la question était compliquée mais qu'on allait sûrement reconsidérer la question dans 15 ans. Je n'ai jamais vu ça de ma vie: dans 15 ans.
    Ces cinq membres permanents ont une emprise bien solide, non seulement parce qu'ils ont le droit de veto sur les questions de sécurité, mais parce que, très peu le savent, ils ont également le veto des procédures au sein du conseil de sécurité, ce qui signifie l'admission des nouveaux membres. Il n'en faut qu'un pour rejeter une candidature et c'est ce qu'ils font chaque fois.

[Français]

    Cela nous amène sur le chemin de la réforme de l'ONU. Le fait qu'un seul pays ayant un statut de membre permanent au Conseil de sécurité puisse exercer son droit de veto et bloquer complètement le processus me semble un sujet que l'ONU devrait étudier.
    Croyez-vous qu'il soit possible de réformer l'ONU?

[Traduction]

    L'Association canadienne pour les Nations Unies a déjà fait des recommandations à ce sujet il y a cinq ou six ans. C'est bien connu. Un certain nombre d'autres États ont fait les mêmes recommandations, vous avez tout à fait raison, il devrait y avoir des réformes, mais les cinq membres permanents sont un obstacle presque insurmontable. C'est là le problème.
    Merci beaucoup, général.
    Nous donnons la parole à M. Boughen pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je vais partager mon temps avec M. Payne.
    J'aimerais moi aussi souhaiter la bienvenue au général, et le remercier de passer une partie de sa journée avec nous pour nous faire part de ses réflexions. J'ai beaucoup apprécié votre franchise dans vos premières déclarations.
    Vous avez parlé du nombre de troupes dont nous avions besoin, et du fait que nous en manquions. Quel serait selon vous un chiffre idéal en termes de forces aériennes, de forces navales et de forces terrestres? J'ajoute comme question, quelles sont les exigences en matière d'équipement nécessaire? Vous avez dit que nous manquions d'équipement. Avez-vous des suggestions quant à la question de l'enrôlement des troupes... et concernant l'équipement?
(1205)
    Je dois être réaliste. Lorsque j'ai pris une retraite anticipée quelques années plus tôt, en 1993, nous étions environ 85 000. C'est alors qu'a débuté la décennie de noirceur et qu'on a commencé à racheter les gens.
    Dans l'idéal, je souhaiterais qu'on soit probablement environ 100 000, mais 85 000 me satisferaient pleinement. L'armée se diviserait alors en unité assez grande pour être déployée avec très peu d'augmentation. Nos forces navales ont une réputation qui dépasse de loin leurs ressources, parce qu'elles sont capables de commander et de piloter des navires étrangers. Les militaires étrangers, notamment les Américains, nous font confiance. Nous possédons des commandants expérimentés dans ce secteur. Les forces aériennes ont la réputation d'avoir des habiletés extraordinaires, et maintenant nous en sommes à réduire les heures de vol, à garder les aéronefs au sol, etc.
    J'imagine que mon moment était probablement très bien choisi, parce que je vous dirais de revenir à la façon dont les choses fonctionnaient et à ce que nous faisions à l'époque avec moins de moyens. Nous avions un vaste contingent d'armée de terre et de l'air en Europe, et ces militaires devaient nous revenir. Malheureusement quelque part au milieu de l'Atlantique ils se sont évaporés et tout d'un coup nous avons perdu ces postes. C'est après que l'on a commencé à réduire les effectifs.
    Je sais aussi que chacun d'entre vous aimerait posséder ce que les militaires souhaitent avoir, mais le fait est que cela prend tellement de temps, presque 10 ans, au Canada pour passer de l'étape où on dessine les plans à l'étape où l'on conduit ou pilote la machinerie. Ce dont les militaires ont réellement besoin sont des équipements que l'on peut acheter sur le champ. D'une certaine façon, nous sommes indemnisés ici au Canada pour cette question, mais nous devons être en mesure d'acheter directement, ce que nous avons été en mesure de faire en Afghanistan avec les pièces d'artillerie, les véhicules, etc. Nous avions un besoin et pouf il était comblé. Si nous devrions nous tourner vers le Canada pour remplacer ces pièces, elles seraient arrivées dans 10 ans.
    Les Travaux publics et le MDN ont un réel problème à régler. Et je sais qu'il y a eu des milliers d'études de faites, mais si je pouvais accélérer le processus de procuration avec une baguette magique, ce serait une de mes priorités.
    D'accord.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Payne.
    Combien de temps est-ce que j'ai?
    Vous avez deux minutes.
    D'accord.
    Merci, général, d'être venu. J'ai été heureux de discuter avec vous plus tôt. Merci encore pour les services rendus à votre pays. C'est un rôle important et je crois que beaucoup d'entre nous vous en sommes reconnaissants.
    Mes collègues ont posé quelques questions, et j'aimerais faire un suivi.
    Vous avez parlé du nombre de personnes à temps plein dans les Forces canadiennes. Qu'en est-il des réserves?
    On s'en prendra toujours aux réserves lorsqu'il manquera d'argent. On s'en est pris à eux pendant toute leur existence. En fait ils ont été malmenés, c'est ce qu'on pourrait dire. Justement récemment, si l'on veut rendre la chose encore plus dramatique, un autobus plein de réservistes était parti pour suivre un cours lorsqu'ils ont reçu un téléphone leur disant de retourner à la maison. Le cours avait été annulé tout simplement parce qu'il n'y avait pas de fonds pour ce cours.
    Malgré tout cela, ils continuent d'endurer, et ils sont au meilleur de leur capacité opérationnelle. Ils ont un grand nombre de volontaires qui comblent des postes très importants. J'ai eu le plaisir de rencontrer 30 réservistes, tous des unités d'infanterie de l'Ontario, lors d'une de mes visites en Afghanistan. Ils faisaient partie du peloton escorte de convoi. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est le poste le plus dangereux là-bas. J'ai demandé à tous ceux qui avaient été victimes d'engins explosifs improvisés de lever la main. Toutes les mains se sont levées. Ensuite j'ai demandé ceux qui en avaient été victimes à deux reprises. La plupart des mains se sont levées. Trois attaques? La moitié des mains se sont levées. Lorsque je me suis rendu à demander si certains avaient subi sept attaques, une personne a levé la main; ce garçon avait la moitié du visage brûlée. Il avait tout son équipement. C'est lui qui avait neutralisé un kamikaze deux jours plus tôt, une boule de feu est passée par-dessus le véhicule et a brûlé son visage. Je lui ai demandé combien de missions d'escorte il avait effectuées. Il a répondu « Trente-huit, monsieur, mais si vous attendez encore cinq minutes ce sera trente-neuf. » Ce sont des soldats extraordinaires.
    Leurs capacités sont très grandes, mais ils n'obtiennent toujours pas le soutien nécessaire en matière de financement. Ce que je veux dire c'est qu'ils ont besoin des véhicules qu'ils verront outre-mer. Ils ont besoin d'avoir des armes et tout leur attirail. Que Dieu les bénisse.
    Nous sommes probablement une des seules nations au monde dont les forces régulières sont plus importantes que les forces de réserve.
(1210)
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, général MacKenzie, pour votre présence et pour l'appui soutenu que vous manifestez à l'égard de vos compagnons d'arme. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.
    Monsieur, nous avons posé cette question à plusieurs reprises. Que faites-vous dans une situation comme celle que connaît la RDC, où il y a une catastrophe humanitaire massive? Quelles mesures proposeriez-vous pour empêcher que cela ne se produise? Compte tenu de ce qui s'est passé en Sierra Leone, lorsque les Britanniques sont arrivés avec 830 soldats, quand conviendrait-il de prendre ces mesures, qui devrait les prendre et selon quelles modalités?
    Merci.
    Oui, le Congo est tout simplement... Le problème, c'est que les pays et toutes ces factions dont je vous ai parlé se disputent quelque chose qui se trouve tout juste sous la surface de la Terre: les ressources naturelles. Voilà le problème.
    Pour que la communauté internationale puisse assurer un certain niveau de sécurité, il va falloir établir des frontières à l'intérieur du pays et envoyer les gens dans un secteur qu'on peut protéger si la situation devient aussi grave. Le problème, c'est que l'ONU ne le ferait jamais, parce qu'elle devrait se battre pour entrer. Les régions où il y a des diamants, de l'or et toutes ces ressources sont si nombreuses que vous finiriez par y aller et être l'une des autres factions. Dans un pays de la taille du Québec, de l'Ontario ou de l'Europe, l'ONU ne pourrait jamais constituer des troupes en nombre suffisant.
    La situation était différente au Darfour. Vous et moi en avons parlé. Je ne nous voyais pas y aller et battre le gouvernement de Khartoum; mais je nous voyais y aller pour protéger les femmes et les enfants dans les camps de réfugiés et flanquer à la porte les « terror »... ou peu importe qui ils étaient, les méchants.
    De même, au Tchad, là où non pas les personnes déplacées mais les réfugiés bénéficiaient d'une protection, c'est quelque chose que l'ONU pourrait faire.
    Je peux peut-être poser une question sur le rôle du Canada pour ce qui est d'utiliser des forces régionales ou sous-régionales. Nous avons toujours la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest de même que l'Union européenne. Pensez-vous que le Canada pourrait jouer un rôle?
    Vous avez soulevé un point intéressant en parlant de l'écart — qui, à mon avis, existe en Afghanistan et dans bien d'autres endroits — entre le plan militaire et le plan politique souvent mal fait et inadéquat qu'il semble traîner de la patte et arriver trop tard.
    Je pense que le Canada a fait beaucoup de progrès — c'est parce qu'il avait beaucoup de progrès à faire — en assurant la coordination des activités des organismes ici pendant une guerre qui se déroule à l'étranger. Il nous a fallu bien du temps, mais il va sans dire que la situation s'est beaucoup améliorée.
    Quant à l'utilisation de forces régionales, je dois dire que le potentiel existe à l'échelle mondiale dans certains cas — je me souviens d'avoir écrit sur le sujet il y a 20 ans. En Afrique, c'est particulièrement difficile à cause de la tension qui règne entre les pays qui contribuent aux forces de cette chaîne de commandement commune. Bizarrement, certains pays pourraient apporter une contribution importante sur le plan du commandement et du contrôle en offrant des conseils, comme c'est le cas du Canada, qui est en quelque sorte reconnu pour sa neutralité et jouit d'une réputation assez bonne à l'échelle internationale.
    Comme vous le savez, c'est exactement ce que font actuellement 35 ou 37 de nos officiers au Congo et dans le Sud du Soudan, en jouant un rôle inestimable dans les opérations du quartier général de l'organisation.
    Est-ce que l'idée du sherpa est toujours valide, ou y a-t-il une possibilité d'avoir des sherpas — on pourrait recourir aux services, disons, des Gurkhas, qui sont sans emploi actuellement mais qui sont de bons soldats — pour constituer une brigade d'intervention rapide à des fins non seulement militaires, mais aussi humanitaires?
    Oui, mais ces cinq membres du Conseil de sécurité doivent accepter de le faire. C'est toujours la difficulté, obtenir l'autorisation de lancer cette force et puis d'en assumer les coûts. Normalement...
    Vous savez, deux jours après que nous sommes arrivés au sein de la FORPRONU, on nous a dit que le budget était réduit de 25 p. 100. Nous n'avions même pas encore reçu d'argent, mais on nous en enlevait déjà.
    Alors l'argent constitue un problème, mais je dis que le processus décisionnel au sein du Conseil de sécurité constitue un problème encore plus grand. Je veux dire, vous voyez ce qui s'est passé au Darfour; mon Dieu, nous nous sommes croisé les bras pendant huit ans.
    Je me demandais si vous pouviez en fait transformer ces opérations qui sont de nature militaire par rapport à celles que l'on qualifie d'humanitaires, et si des opérations humanitaires pouvaient être autorisées par l'effectif complet du Conseil de sécurité. Il n'y aurait aucun droit de véto; ce serait donc une majorité des deux tiers, et aucun droit de véto ne s'appliquerait aux opérations humanitaires par rapport aux opérations militaires.
    Est-ce que cela...?
(1215)
    Oui; ils vont jouer avec les mots comme nous jouons avec l'expression « opérations de paix ». Vous avez tout à fait raison; ce serait un moyen de le faire en douce, peut-être, mais il faudrait ensuite trouver des pays disposés à contribuer.
    J'ai toujours été un peu critique à l'égard d'une armée permanente pour les Nations Unies, une armée d'intervention rapide. Cela ne fonctionnerait jamais. Pourquoi? Tout d'abord, le Conseil de sécurité ne permettrait jamais au secrétaire général d'avoir sa propre armée. Deuxièmement, elle ne serait rapide qu'une seule fois. Elle irait en mission, et il n'y aurait personne pour la remplacer, alors elle resterait là.
    Cela semble bien beau sur papier, mais cela ne fonctionnera pas.

[Français]

    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Je vais maintenant donner la parole à Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président, et, par votre entremise, je remercie notre témoin.
    Vous avez parlé du temps qu'il fallait pour l'approvisionnement. Il arrive de temps en temps que, pour des achats importants, le gouvernement fasse affaire avec un fournisseur unique pour accélérer le processus.
    Compte tenu de l'interopérabilité avec nos alliés, qu'est-ce que cela change pour les soldats sur le terrain d'avoir de l'équipement qui aurait été acheté au moyen d'un processus d'achat auprès d'un fournisseur unique par rapport aux autres processus d'appel d'offres?
    C'est le dernier de leurs soucis quand ils en parlent, si jamais ils en parlent. C'est plus rapide. Remarquez, le processus devrait être plus rapide. Puis il y a toujours des demandes qui retardent encore plus le processus. Je ne suis pas certain que, dans une course contre la montre, l'attribution d'un contrat à fournisseur unique soit en fait plus rapide. Parfois ce l'est, parfois ce ne l'est pas. Mais pour les soldats, c'est le dernier de leurs soucis, pourvu que l'équipement qu'ils reçoivent soit de bonne qualité. On ne demande pas le meilleur équipement au monde. C'est vraiment lent.
    Mais c'est de l'équipement de bonne qualité, comme celui qui a été acheté en Afghanistan. En fait, nous avons acheté certains articles qui ne fonctionnaient pas terriblement bien, et ils ont été remplacés. Je parle de certains véhicules à roues.
    Il a été suggéré que le Canada ait de nouveau son propre processus d'approvisionnement au sein du ministère de la Défense. D'après votre expérience, cela permettrait-il d'accélérer le processus?
    Eh bien, je n'ai pas établi de record Guinness. J'ai passé un an seulement à Ottawa pendant toute ma carrière, et c'était dans le monde du personnel. Je ne suis pas spécialiste, mais je sais très bien que, quand je dirigeais le personnel d'officiers en 1985, nous recevions un nombre phénoménal de demandes pour que du personnel au niveau de capitaine ou de major s'occupe de ces projets, gère ces projets. Quand on achetait un char d'assaut, il y avait un colonel, un sergent-major et un caporal. Aujourd'hui, on pourrait remplir une salle de cinéma avec les personnes qui font partie de l'équipe des approvisionnements.
    Alors oui, cela serait souhaitable, mais cette solution comporte des coûts relatifs au personnel. Une foule de personnes qui devraient être sur le terrain vont assurer une permanence dans les bureaux ici, à Ottawa.
    Vous avez parlé plus tôt de la mission en Somalie, et on a entendu l'opposition murmurer qu'il faudrait peut-être réexaminer cette zone d'opérations. Pouvez-vous nous dire pourquoi l'enquête sur la somalie a été écourtée et quel aurait pu être le dénouement?
    Eh bien, je pense que, de façon générale, on reconnaît que l'enquête se rapprochait des limites de la ville d'Ottawa. Elle ne portait plus sur la Somalie. On s'intéressait à ce qui s'était produit dans certains immeubles ici et là, et c'est la raison pour laquelle l'enquête a été interrompue. Elle durait depuis un bon bout de temps, cela ne fait aucun doute. Mais ce qui était frustrant pour moi... J'ai même été pris dans une situation lorsque j'ai témoigné. J'ai commencé à parler du général Johnston, en faisant allusion à la « meilleure force là-bas ». Le général Zinni, qui était connu partout dans le monde à l'époque, disait la même chose à propos des Canadiens. On m'a empêché de continuer — on m'avait averti que cela se produirait — et on m'a dit: « Général MacKenzie, cela sera permis à la quatrième phase de l'enquête sur la Somalie, quand nous serons rendus aux bonnes nouvelles, à la fin. » Nous ne sommes jamais arrivés aux bonnes nouvelles.
    Si nous pouvions revenir sur l'ensemble de votre carrière militaire et en relever la leçon la plus importante que vous avez tirée, que diriez-vous aux Canadiens?
    Bonté divine, c'est... Je dirais qu'il faut des unités de grande taille, oui, des unités de taille adéquate dans chacun des trois environnements. Et aussi, des unités munies de leur équipement, mais des bataillons et des régiments de taille adéquate, des escadrons dans les Forces aériennes et des navires en mer adéquatement dotés et équipés.
    Pendant ma carrière, j'ai vu une réduction. Je suis heureux de constater maintenant que la situation s'améliore dans certains secteurs depuis que j'ai pris ma retraite.
(1220)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Wilfert.
    Monsieur le président, j'aimerais demander une explication, par votre entremise, à Mme Gallant. Comme je sais qu'il ne s'agissait pas de notre parti, quel parti a suggéré de réexaminer la question de la Somalie?
    C'était dans le cadre d'une discussion qui a eu lieu dans cette salle.
    Eh bien, ce n'était pas nous. Je voulais simplement le signaler.
    Je ne me souviens pas, monsieur Wilfert.
    D'accord. Ce n'était pas le Parti libéral du Canada.
    Nous voulons simplement que cela figure dans le compte rendu. Je veux que vous le sachiez.

[Français]

    Merci beaucoup, général.

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous ce matin, et je vous souhaite un bel été.

[Français]

    Cela termine les travaux de la 22e séance du comité.
    La séance est levée.
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