Passer au contenu

JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    La séance est ouverte. C'est la 24e du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Elle est consacrée à l'étude du projet de loi C-26, Loi modifiant le Code criminel (arrestation par des citoyens et moyens de défense relativement aux biens et aux personnes)
    Aujourd'hui, deux témoins du ministère de la Justice viennent nous éclairer sur le projet de loi. D'autres fonctionnaires du ministère sont également présents. On pourra les questionner en cas de besoin. Accueillons Joanne Klineberg et Catherine Kane.
    Si vous avez une déclaration à faire, je vous en prie, allez-y.
    Je vous remercie de l'occasion que vous m'offrez de vous communiquer des renseignements supplémentaires sur quelques questions précises, soulevées par certains de vos témoins, au cours de ces dernières semaines.
    En ce qui concerne l'emploi des technologies et le pouvoir d'arrestation par le citoyen, des questions ont porté sur l'applicabilité de la notion de « trouver en train de commettre », c'est à dire de « prendre sur le fait » lorsque l'infraction est observée au moyen d'un appareil tel qu'une caméra de télévision en circuit fermé.
    Comme plusieurs témoins avant vous l'ont fait observer, les tribunaux s'efforcent d'interpréter cette notion avec beaucoup de souplesse. Par exemple, ils ont maintenu que la personne qui procédait à l'arrestation n'était pas tenue de constater la totalité du délit. Il lui suffit de constater ce qu'il faut pour avoir un motif raisonnable de croire qu'on commet un crime. Les tribunaux ont également maintenu que la personne qui procède à l'arrestation peut se fier à des déductions raisonnables découlant de ce qu'elle a constaté personnellement et qu'il n'est pas nécessaire qu'elle ait une connaissance personnelle de tous les facteurs qui l'amènent à conclure qu'un crime est en train de se commettre.
    En ce qui concerne plus précisément l'emploi de la technologie, il a effectivement été maintenu, dans certains arrêts, que la constatation de la commission d'un crime par la télévision en circuit fermé ou d'autres technologies équivaut à l'observer de près, ce qui répond à l'exigence de prendre son auteur sur le fait. Il ne semble donc pas nécessaire de mentionner explicitement la technologie dans les dispositions relatives à l'arrestation par un citoyen.
    En ce qui concerne la légitime défense, MM. Stewart et Russomanno se sont dit préoccupés par la nouvelle disposition selon laquelle, pour décider de l'acquittement de l'accusé, la proportionnalité entre la menace imminente et la réaction de défense serait l'un des facteurs dont on tiendrait compte. Actuellement, en revanche, cette proportionnalité est un critère nécessaire à l'acquittement.
    Pour nous, cette modification n'a rien d'inquiétant. En effet, les tribunaux n'appliquent pas l'exigence de proportionnalité au pied de la lettre. Vous avez entendu M. Stewart invoquer le principe selon lequel l'accusé n'a pas besoin d'être trop subtil dans le choix de ses moyens de défense.
    Les tribunaux reconnaissent que, dans le feu d'un affrontement physique, la personne qui se sent menacée s'effraie et s'inquiète. Dans ces circonstances, la loi ne s'attend pas à ce qu'elle mesure ni objectivement ni précisément la force seulement nécessaire, mais pas davantage, pour repousser l'attaque. Autrement dit, les tribunaux reconnaissent qu'on va trop loin en demandant à la personne qui se trouve mêlée à un affrontement violent de réagir proportionnellement à la menace. Cette exigence de proportionnalité de la common law est interprétée avec plus de souplesse que ne le sous-entend la définition de cette notion.
    En simplifiant le droit à la légitime défense, on a décidé d'éviter d'exiger rigoureusement la proportionnalité de la réaction, en partie parce que ce n'est pas une exigence rigoureuse du droit d'aujourd'hui. À la place, la mesure retenue de la force acceptable serait son caractère raisonnable. Ce critère est préférable, parce que, par définition, il est souple et il est un peu plus général. De plus, il englobe logiquement la proportionnalité.
    Dans un souci de plus grande clarté, la proportionnalité figure dans la liste des facteurs que le tribunal peut prendre en compte. Il est donc vraiment impossible qu'il en perde de vue l'importance.
    Selon la logique et dans les faits, une chose ne peut pas être à la fois exagérée et raisonnable. Par exemple, si j'abats quelqu'un qui menace de me casser un doigt, je réagis de façon tout à fait exagérée, et on ne peut pas concevoir que le tribunal ou le jury, dans ces circonstances, jugerait ma réaction raisonnable.
    M. Stewart a également affirmé, dans son témoignage, que la légitime défense devrait se limiter aux réactions à des agressions illégales. Il est certainement vrai que l'immense majorité des cas de légitime défense concerne la réaction à des agressions illégales. Ce sont précisément les situations qui exigent une réaction défensive. Il est naturel de supposer que ce devrait être une condition qui limite le droit à la légitime défense.
    Cependant, dans de rares circonstances, il peut arriver qu'on a le droit de se défendre contre une attaque pas nécessairement illégale. L'article 35 du Code criminel, l'un des quatre articles qui, aujourd'hui, portent sur la légitime défense, traite directement d'une telle situation, c'est-à-dire celle où l'instigateur de l'attaque doit se défendre en raison de la réaction de la personne attaquée. Je serai heureuse de fournir d'autres exemples de telles situations, si vous avez des questions supplémentaires à ce sujet.
    On a également supprimé la mention d'attaque illégale, qui présente beaucoup de difficultés pour le droit actuel. Cette notion complique inutilement les procès en insistant sur les débuts d'un affrontement. Quand on lui demande de déterminer qui, le premier, a attaqué l'autre, le jury doit déterminer quelles actions ont constitué la première attaque. À cette fin, il doit déterminer de quelle manière l'accusé percevait les intentions de son adversaire. Il est bien préférable de se concentrer sur les pensées et les actions de la personne qui se défendait au moment où elle a commis les actions dont on l'accuse.
    Il ne faut pas s'inquiéter de cette suppression, pour deux raisons. D'abord, le nouveau droit de la légitime défense exigerait explicitement que la force employée contre quelqu'un qui agit légalement doit viser à se défendre et il défendrait d'invoquer la légitime défense à moins qu'il ne soit avéré qu'on a vraiment agi en légitime défense et non à d'autres fins.
    Ensuite, on se rassure à la lecture du projet de paragraphe 34(3), qui porte sur les motifs les plus fréquemment invoqués pour la légitime défense contre quelqu'un qui agit légalement, c'est-à-dire contre l'action de la police comme au moment d'une arrestation. La nouvelle version de la loi dirait clairement que, contre une action de la police, on ne peut invoquer la légitime défense que si on croit que la police agit illégalement en employant, par exemple, une force excessive.
    Ma déclaration est terminée.
    Merci.
(1110)
    Merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    Je vous remercie, mesdames, d'être venues nous aider avant que nous passions à l'étude article par article, qui aura lieu jeudi. Entendre les divers témoins a été extrêmement intéressant. Ça a démontré que ce n'était pas évident. Concevoir ces textes n'a pas dû l'être non plus. Je serais surprise que quiconque s'oppose fondamentalement au résultat qu'on tente d'atteindre pour le projet de loi C-26.
    Compte tenu de ce qu'on a entendu, j'apprécie les commentaires que vous avez émis sur certaines notions qui étaient plus ou moins claires pour moi. J'ai dû en discuter un peu avec vous ce matin. Je vais mettre de côté ces questions parce que vous y avez déjà répondu.
    Étant donné les propos tenus par certains témoins, il me reste néanmoins quelques préoccupations à l'égard du projet de loi. Je ne suis pas encore certaine de la façon dont on pourra répondre à mes interrogations. Elles concernent surtout l'arrestation des citoyens et le fait qu'on ait ajouté une nouvelle dimension. Je suis consciente que c'est entièrement relié à un cas. Nous avons tous dit que le fait d'essayer de régler un problème juridique basé sur un cas précis pouvait créer des difficultés. Quoi qu'il en soit, l'un n'empêche pas l'autre.
     Il est question, évidemment, de la nécessité de procéder à l'arrestation dans un délai raisonnable. Comme avocate, ce genre de question me pose toujours un peu de difficulté. Je sais en effet que la détermination de ce qui est raisonnable est parfois ce qu'il y a de plus difficile à interpréter devant les tribunaux. C'est au coeur de la situation. Au sujet du délai raisonnable, des collègues autour de la table ont parlé de cas possibles. Or on sait que des questions de ce genre vont se poser devant les tribunaux.
    J'aimerais savoir si, à titre de spécialistes du ministère de la Justice, vous croyez qu'on aurait intérêt à se concentrer un peu plus sur le délai raisonnable, à prévoir à l'avance une limite maximale. Le fait d'établir un délai maximal de 48 heures serait-il avantageux? L'idée serait d'éviter que trois, quatre ou cinq jours plus tard, la remémoration soit déficiente.

[Traduction]

    Ce sont d'excellentes remarques. Nous savons bien que des témoins se sont dit préoccupés par la notion de « raisonnable ». Nous avons tenté de rendre évident le caractère « raisonnable dans les circonstances ». Si le comité envisageait d'ajouter un délai, il serait très difficile d'en déterminer le caractère raisonnable, également, parce que 24 ou 48 heures, par exemple, ce pourrait ne pas être raisonnable si on se trouve dans un endroit éloigné et ce serait excessif en milieu urbain où on peut contacter la police dans ce laps de temps.
    Nous avons bon espoir que les tribunaux interpréteront la notion de « raisonnable dans les circonstances » et que, dans ce cas, le droit la fixera très rapidement.
    Toute limite de temps comporte des avantages et des inconvénients par rapport au maintien de la notion de « raisonnable ». Comme vous l'avez observé, les tribunaux y ont tout le temps recours, dans divers contextes. Nous ne craignons pas qu'ils ne l'utilisent pas de façon appropriée dans ce contexte.
    Serait-il avantageux de préciser la distance à franchir pour arrêter quelqu'un?
(1115)

[Français]

    Peut-on imaginer, par exemple, qu'un employé d'une agence de sécurité appelle un collègue, lui envoie la photo qu'il a sur vidéo, parce qu'on l'a informé que la personne s'était déplacée? J'essaie de savoir s'il n'y aurait pas moyen de circonscrire un peu jusqu'où on peut procéder relativement à l'endroit.
    C'est aussi une idée très intéressante. Le problème que j'envisage est que l'article 494 dit que quelqu'un « peut arrêter sans mandat une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur ou concernant ce bien ». On peut donc appliquer cela, par exemple, à une situation où on vole un portefeuille dans un centre-ville. Comment détermine-t-on exactement à quel endroit l'infraction a été commise? Comment peut-on limiter l'application dans ce contexte? Si on parle seulement de vol à l'étalage, par exemple, ça a du sens, mais dans les autres contextes où la loi s'applique, j'ai du mal à voir comment cela fonctionnera.
    Le problème qui a souvent été soulevé porte sur la question des critères subjectifs et des critères objectifs. D'ailleurs, vous avez fait un bon exposé en réponse à certains des éléments. Vous avez aussi parlé de la notion de caractère raisonnable, par rapport à la perception de la personne elle-même. N'aurions-nous pas intérêt à préciser justement que c'est sa perception à elle, à ce moment-là? Dans d'autres circonstances, on parlera de caractère raisonnable pour dire qu'il s'agit d'une personne raisonnable qui vit cela. Comme vous l'avez dit,

[Traduction]

    c'est dans le feu de l'action. Il est très difficile de rester objectif dans ces circonstances.

[Français]

    Prenons en considération les trois éléments qui déterminent la légitime défense.
    Selon le premier, la personne croit, pour des motifs raisonnables, qu'elle est menacée et que la force doit être employée. Il s'agit là d'un élément à la fois objectif et subjectif. On débute par l'aspect subjectif, c'est-à-dire ce que pense la personne, et on termine par l'analyse objective, quand on se demande si c'était raisonnable.
    Le deuxième élément est seulement subjectif. On ne parle que de l'intention de la personne. On doit établir que l'intention était défensive, et que la personne n'a pas plutôt voulu continuer une infraction en cours.
    Le troisième élément est purement objectif, car on prend en considération les deux autres éléments pour déterminer le troisième. On doit établir quelles étaient les croyances raisonnables de la personne par rapport à la menace et quelle était l'intention subjective de la personne. On considère tout cela lorsqu'on détermine, en définitive, si la personne a agi de façon raisonnable.
    Certains de nos témoins nous ont dit qu'il y avait peut-être un déséquilibre entre les critères objectifs et les critères subjectifs. Il y a plus d'éléments objectifs que d'éléments subjectifs, alors qu'on est dans un domaine hautement explosif, au sens figuré.

[Traduction]

    Dans le feu de l'action...

[Français]

    Je ne crois pas que ce soit le cas des trois éléments définissant la légitime défense. Quant aux facteurs pouvant être considérés par la cour, ils sont rédigés de manière objective. Toutefois, lorsqu'on considère ce qui est raisonnable dans les circonstances, il se peut que la cour ou le jury tienne compte aussi des réflexions subjectives de la personne.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Findlay.
    Merci. Merci à vous deux de nous apporter des éclaircissements.
    J'ai trouvé particulièrement intéressantes vos observations, madame Klineberg, sur la notion de « trouver en train de commettre », que certains témoins et, je pense, certains d'entre nous, trouvaient difficile à comprendre. Je n'ai pas la même réaction pour « raisonnabilité », parce que les tribunaux, quotidiennement, se servent de cette notion et, dans ce domaine, la jurisprudence est assez claire.
    Vous avez mentionné, en ce qui concerne la prise sur le fait, que la jurisprudence invoquait la croyance et la conclusion raisonnables. Je me demandais si vous pouviez nous expliquer en quoi elles diffèrent de la notion de motif raisonnable et probable, omniprésente en droit, mais absente du projet de loi, dans ces termes du moins.
(1120)
    C'est une excellente question. Je ne pense pas que ces notions diffèrent beaucoup. De fait, je pense qu'une grande partie de la jurisprudence concernant l'arrestation par un simple citoyen, quand il s'agit de notions centrales comme celles de prise sur le fait et de la nature des infractions, et ainsi de suite... pour rendre une décision concernant une arrestation par un citoyen, les tribunaux examinent la jurisprudence concernant l'arrestation par un agent de la paix. Autrement dit, lorsqu'il est question d'arrestation sans mandat, ce que, dans certaines circonstances, la police est également habilitée à faire, l'interprétation des éléments se ferait à peu près de la même façon. Il y aurait donc cohérence.
    Monsieur Scarpaleggia.
    Merci, monsieur le président. Je suis un nouveau venu dans ce comité; je prends la place de l'éminent Irwin Cotler, ce qui m'intimide d'autant plus que je ne suis pas avocat. Vous me pardonnerez donc de vous poser des questions peut-être simplistes.
    Je dois vous avouer que le sujet est fascinant, que vos propos ont été des plus intéressants, qu'ils étaient à la portée du profane. Je vous en félicite.
    Au sujet des croyances subjectives qu'a une personne sur le point d'être attaquée... Je crois que, d'après le projet de loi, si quelqu'un s'estime menacé et réagit il peut, en vertu de la loi, ne pas être reconnu coupable. Est-ce exact?
    Mme Joanne Klineberg: Oui.
    M. Francis Scarpaleggia: Cela me rappelle une affaire survenue à New York, à la fin des années 1970 ou 1980, quand, dans le métro, un homme qui se mêlait de ses affaires, assez nerveux, mais peut-être en avait-il le droit, dans les circonstances, s'est fait accoster par quatre ou cinq voyous, dans un wagon. À force d'intimidation, ils l'ont fait paniquer. Il était armé; il a tiré. En fait, j'ignore s'il en a tué, mais certains resteront paralysés pour le reste de leurs jours. Si je me rappelle bien, dans l'enquête qui a suivi, on a appris que quatre ou cinq de ces individus étaient des criminels qui avaient déjà été condamnés pour des crimes violents.
     Je ne me souviens pas si on a reconnu l'homme coupable d'avoir réagi de manière excessive ni de la conclusion du procès, mais je pense que vous connaissez bien cette affaire. Sous le régime d'une loi comme le projet de loi C-26, quel serait son sort?
    Je ne pense pas que nous puissions vraiment dire comment l'affaire se serait terminée.
    Je comprends.
    Cela dépendrait des éléments de preuve qui auraient pu être produits pendant le procès.
    Mais il est certain que si on devait appliquer ce qui est proposé dans la nouvelle loi concernant la légitime défense, en ce cas-ci, on se serait d'abord demandé s'il avait une perception raisonnable qu'il était sur le point d'être attaqué? Ce serait la première question. Donc ses croyances subjectives seraient évidemment l'élément le plus pertinent, et c'est par elles que nous commencerions.
    On se demanderait ensuite si une personne raisonnable, ayant les mêmes antécédents, aurait, dans la même situation, senti l'imminence d'une attaque.
    Le deuxième élément de la légitime défense serait de se demander s'il a agi pour se défendre plutôt qu'à d'autres fins? Cherchait-il à se venger ou simplement à se protéger? Ce serait la question pertinente.
    Le tribunal devrait alors se poser une troisième question: est-ce qu'une personne raisonnable dirait que la réaction qu'il a eue dans ces circonstances, étant donné toutes les autres choses que nous connaissons — étant donné ses croyances, ses frayeurs et tous les autres facteurs — était raisonnable? Heureusement, nous laissons la tâche d'en décider aux personnes qui entendent la preuve.
(1125)
    Tout simplement pour en savoir un peu davantage, est-ce que le fait que ces quatre individus qui le menaçaient et qu'il ne connaissait pas — peut-être qu'un sixième sens l'a averti qu'il s'agissait de criminels et, après coup, il a été confirmé qu'ils étaient extrêmement violents et qu'ils auraient très bien pu le blesser — ce qui serait révélé dans un procès, est-ce que ce fait l'avantagerait ou bien cela serait-il considéré comme non pertinent, parce que, sur le moment même, il ne connaissait pas ces individus?
    Il arrive certainement qu'on admet en preuve le passé violent d'un individu, quand cela rend plus que probable que, dans les circonstances, la perception de la personne qui allait être attaquée était raisonnable. L'admissibilité de ce type d'élément de preuve dépend un peu de la nature de l'affaire et de la pertinence de l'information pour la défense de l'accusé. Donc, sans contredit, il existe un mécanisme qui permet la production de ce genre d'éléments de preuve, mais cela dépendrait des faits qui se rapportent à l'affaire.
    Est-ce qu'on discuterait du profil psychologique de l'accusé pendant le procès? Par exemple, s'il s'agissait d'une personne reconnue comme très timide qui, peut-être, suivait une thérapie contre cette timidité, cela ne changerait rien au fait qu'il était entouré de personnes qui avaient déjà été condamnées pour viol, etc. Est-ce que le tribunal s'intéresserait à cet aspect de sa personnalité?
    Vous touchez là un des aspects les plus intéressants et les plus difficiles de la légitime défense, c'est-à-dire le degré dans lequel les particularités de l'accusé peuvent être attribuées à la personne raisonnable, quand il s'agit de déterminer le caractère raisonnable de ses actions.
    Beaucoup de particularités de l'accusé peuvent être attribuées à la personne raisonnable, mais il y a une limite. Si nous attribuons toutes ses particularités à la personne raisonnable, nous ne pouvons plus évoquer le critère de la personne raisonnable parce que nous venons de faire de la personne raisonnable notre accusé.
    Les tribunaux doivent continuellement essayer de déterminer l'endroit où passe cette limite. Il est certain que si quelqu'un, pendant son enfance, avait subi des agressions ou si elle avait été victimisée à répétition et si ces antécédents avaient modifié à un certain point son approche ou sa perception des situations, voilà des facteurs qu'on pourrait attribuer à la personne raisonnable. On pourrait donc juger mieux et plus équitablement ses actions et perceptions.
    Voilà qui est intéressant.
    Nous avons pris amplement plus que le temps qui nous était alloué.
    Monsieur Jean.
    Merci, madame Klineberg. C'était un excellent exposé et une bonne réponse aux témoignages que vous avez entendus.
    Je dois vous dire que je suis d'accord avec vous en ce qui concerne la position du ministère, de ne pas prescrire un délai raisonnable et d'autres éléments qu'on trouve partout. En effet, je pense que certains juges possèdent des années d'expérience dans l'interprétation des lois et que de nombreux tribunaux, partout dans le monde, s'appuient sur des siècles de jurisprudence, une jurisprudence solide.
    En outre, je suis bien content de la confirmation concernant la technologie et l'emploi de technologies. Je pense que c'est bon et qu'il est bon pour le comité de l'entendre.
    Je m'intéresse à une déclaration que vous avez faite, selon laquelle la proportionnalité n'est pas appliquée à la lettre par les tribunaux. J'aimerais en savoir plus, si vous pouvez, s'il vous plaît, m'informer.
    Selon le dictionnaire, la proportionnalité se définit comme un rapport direct et limité entre deux éléments distincts. Ces derniers doivent être proportionnels l'un par rapport à l'autre, sans qu'il y ait cinq ou dix degrés en plus ou en moins. Ainsi, les tribunaux ont stipulé que la proportionnalité entre la menace qu'on essaie d'éviter et le tort que l'on cause constitue, à l'évidence, un principe directeur. On ne veut pas permettre aux gens de tirer sur d'autres simplement parce qu'ils risquent une fracture du doigt.
    Il ne fait donc aucun doute que c'est extrêmement important. Je me référerai ici à une décision de la Chambre des lords appelée Palmer, un arrêt datant du début des années 1970 qui a fait jurisprudence dans le domaine du common law à cet égard. C'est presque une erreur de droit pour la cour de ne pas indiquer au jury d'appliquer le principe de proportionnalité, pas de façon rigide, mais en faisant preuve de souplesse et de tolérance.
    Autrement dit, si une personne craint pour sa vie et, dans l'affolement, cause plus de tort qu'il ne serait absolument nécessaire, il faut tout de même chercher à voir si elle a agi raisonnablement parce qu'elle avait peur, que la situation était extrêmement tendue et qu'elle était en état de crise. Il faudrait donner au jury cette latitude, sans lui demander de déterminer quelle aurait été exactement la force proportionnelle à la menace, sans plus. Les membres du jury doivent examiner la situation avec bien plus de générosité que ne pouvait en avoir l'accusé.
(1130)
    Palmer n'a-t-il pas également parlé de l'escalade de violence entre les parties?
    Oui.
    Pourriez-vous confirmer ce que la cour à indiqué à ce sujet?
    Vous m'aideriez en étant un peu plus précis.
    Il a été dit que quand les parties sont sous le coup de l'émotion au cours d'une altercation, c'est la perception qu'a celui qui se défend de ce qui est raisonnable dans les circonstances qui provoque l'escalade. Bref, les parties peuvent perdre les pédales, mais le jury devrait également en tenir compte.
    En effet.
    Malgré ce que peut en penser l'opposition, je crois être fort raisonnable, comme tout le monde ici présent l'est certainement. Mais ce qui est difficile pour les tribunaux, c'est de déterminer ce qui est raisonnable dans les circonstances en fonction des informations dont ils disposent.
    Dans le cas de M. Scarpaleggia, l'affaire était particulièrement intéressante parce que l'accusé n'avait pas compris qui étaient les parties. Son sixième sens ne lui a été d'aucun secours.
    Je vous demanderais enfin si vous prévoyez qu'il faudra modifier d'autres lois en dehors du Code criminel, particulièrement les lois provinciales régissant les saisies et d'autres questions semblables. Le ministère s'attend-t-il à ce que les provinces doivent apporter des modifications à leurs...
    Il faudra en parler avec nos collègues provinciaux et territoriaux. Nous les rencontrons très régulièrement et les tenons informés de la progression du projet de loi à la Chambre. Ce sera à eux de déterminer s'il convient d'harmoniser les lois provinciales.
    Pour l'heure, toutefois, nous ne pensons pas que ce sera nécessaire. Habituellement, nos collègues provinciaux attendent que le projet de loi soit sur le point de recevoir la sanction royale avant de voir s'il faut modifier leurs lois.
    Comme nous l'avons souligné précédemment, nous allons aussi préparer des documents d'information afin d'expliquer ces changements aux divers intéressés. Cette démarche poussera peut-être les provinces et d'autres parties concernées à voir s'il convient d'apporter des changements aux lois provinciales.
    Merci beaucoup.
    Je n'ai plus de question, monsieur le président.
    Merci.
    Monsieur Jacob.

[Français]

    Bonjour. Ma question s'adresse à Mme Klineberg ou à Mme Kane.
    Dans le mémoire que nous a soumis le Barreau du Québec lors de son témoignage, des éléments importants à propos de l'arrestation par des citoyens me sautent aux yeux. On y dit ceci:
De plus, le fait que l’arrestation par un citoyen doit se produire « dans un délai raisonnable » de la commission de l’infraction alléguée, recèle un potentiel d’abus de pouvoir. En effet, toute arrestation comprend des éléments d’imprévisibilité qui découlent de l’usage de la force [...]
    On donne des exemples et on dit que dans bien des cas, bien que les policiers aient une solide formation et soient très compétents en la matière, les choses peuvent tourner mal lors d'une arrestation, et ce, même lorsque les personnes interpellées ne sont pas criminalisées.
    J'aimerais savoir si vous avez envisagé de minimiser les risques en cas d'arrestation par un citoyen. Ça demeure un pouvoir important. Il s'agit ici de demeurer conforme à la loi et de respecter les droits de la personne visée.
(1135)

[Traduction]

    Merci de me poser la question.
    Je crois que vous faites une comparaison, peut-être entre les agents de police, qui sont fort bien entraînés, et les gardes de sécurité privés, qui sont parfois appelés à arrêter des citoyens. Or, on ne peut pas nécessairement s'attendre à ce que ces derniers sachent en quoi consistent ces arrestations.
    Comme je l'ai indiqué, nous allons publier des documents d'information afin de faire comprendre aux citoyens que cette démarche n'a pas pour but de les encourager à se faire l'instrument de la justice. Leur premier recourt devrait toujours être la police.
    À mon avis, il n'y a pas lieu de craindre que les employés des compagnies de sécurité privées ne soient pas bien entraînés. Au cours de nos réunions, quand nous avons examiné les diverses options de réforme de la loi, et pendant leurs témoignages devant le comité, ils ont certainement indiqué que c'était quelque chose qu'ils devaient très fréquemment être appelés à faire.
    Il s'agit d'organisations très spécialisées et bien entraînées. Comme un grand nombre d'entreprises recourent aux services de gardes de sécurité privés, elles ne veulent pas que ces derniers recourent à la violence. Il n'y a pas que le Code criminel qui permet de surveiller et de réglementer ces activités.
    Je ne crois pas qu'il y ait lieu de craindre que la réforme fera augmenter les cas d'abus. En fait, parce que la loi aura changé et que le public sera mieux informé, nous espérons que ce sera le contraire. Les règles seront plus strictes afin d'éviter des abus potentiels.

[Français]

    Au sujet de l'arrestation effectuée par un citoyen ou, dans le cas d'une entreprise plus importante, par une agence de sécurité, le Barreau du Québec a posé certaines questions. Que fera-t-il de la personne arrêtée? Où l'emmènera-il? Comment s'assurera-t-il des droits constitutionnels de la personne faisant l'objet de l'arrestation? Qu'arrivera-t-il en cas d'arrestation illégale? Le citoyen jouira-t-il d'une immunité civile ou criminelle?

[Traduction]

     Pour vous dire comment les choses se passeraient dans un grand magasin, les gardes de sécurité pourraient surprendre quelqu'un en train de voler de la marchandise, que ce soit grâce aux caméras en circuit fermé ou à un agent de sécurité. Ils arrêteraient le voleur à sa sortie du magasin et le détiendraient, mais ils seraient tenus de le remettre à la police aussitôt que possible.
    Selon ce qu'on nous a indiqué, les gardes téléphonent alors habituellement au service de police pour l'informer qu'ils détiennent quelqu'un. Parfois, en cas d'infraction mineure, les agents de police leur donnent un numéro au téléphone. Ils notent les informations et les coordonnées de la personne et la relâchent immédiatement. Elle recevra par la suite un avis ou un mandat de comparution à la maison.
    Le voleur ne serait donc pas jeté en prison ou détenu pendant longtemps. Sinon, la police interviendrait et emmènerait la personne si elle fait du grabuge ou risque de constituer une menace pour ceux qui l'entourent.
    Est-ce que cela répond bien à votre question?

[Français]

    En partie.
    Supposons qu'une arrestation s'avère illégale. Le citoyen va-t-il être poursuivi si l'individu arrêté trouve qu'il s'agit pratiquement de séquestration? Va-t-il pouvoir intenter une poursuite contre l'agence de sécurité privée?

[Traduction]

    C'est possible; nous ne pouvons déterminer avec certitude si c'est la mauvaise personne qui a été arrêtée. La situation est évidemment embarrassante et pourrait avoir d'autres conséquences. La personne pourrait vouloir intenter des recours civils. Voilà pourquoi nous avons ajouté le principe de période « raisonnable » dans le cas de l'arrestation par des citoyens. Plus de temps s'écoule entre le moment où la personne a été « trouvée en train de commettre une infraction » et son arrestation, plus il risque d'y avoir erreur sur la personne.
    Il faut donc juger ce qui est raisonnable et déterminer si le fait de laisser s'écouler un délai raisonnable après le moment où la personne est « trouvée en train de commette une infraction » pose un risque. Le propriétaire de magasin moyen pourrait se montrer moins réticent à arrêter quelqu'un après une journée qu'un garde de sécurité privé, qui pourrait être plus certain d'avoir identifié la bonne personne.
    Nous ne mettons pas fin aux recours civils; la personne visée peut entreprendre des démarches civiles si elle y a droit.
(1140)
    Merci.
    M. Wilks s'est joint au groupe à titre d'invité. J'aurais simplement besoin du consentement de tous. S'il n'y a pas d'objection, il pourra poser des questions.
    Des voix: D'accord.
    Le président: D'accord, M. Wilks.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de m'autoriser à poser des questions.
    Merci de comparaître aujourd'hui.
    Vous avez fait allusion à quelque chose quand vous parliez du recours à la force excessive par la police. Si je me fie à mes 20 ans d'expérience comme agent de police, je peux vous affirmer que la police n'emploie habituellement pas une telle force, mais que cela peut se produire à l'occasion. Mais voici où je veux en venir. Vous avez laissé entendre que si un agent de police arrête quelqu'un et que cette personne considère qu'il s'agit d'une intervention excessive, elle pourrait croire que l'agent emploie une force excessive et pourrait résister à son arrestation.
    J'espère qu'il n'est pas question de dire que cette personne commet un acte criminel en résistant à son arrestation. Ce que la plupart des agents de police — ou moi, en l'occurence — feront en pareille situation, c'est passer aux choses sérieuses: si la personne résiste, on augmente légèrement la pression.
    À mon époque, la police ne disposait pas de pistolets Taser ou de poivre de cayenne; on affrontait directement la personne et voyait ce qui se passait.
    Des voix: Oh, oh!
    M. David Wilks: Et je n'ai pas perdu trop souvent.
    Le fait est que si nous nous apprêtons à encourager les gens à résister à leur arrestation parce qu'ils considèrent que c'est immérité, quelqu'un pourrait se trouver en danger immédiat.
    Monsieur Wilks, il n'est question que de l'arrestation par des citoyens.
    Mais le sujet a été abordé quand...
    Je le sais bien, mais le projet de loi ne porte que sur l'arrestation par des citoyens.
    Je comprends.
    Selon moi, rien dans le projet de loi ne vise à encourager les gens à résister aux activités d'exécution de la loi. Toutefois, la loi stipule déjà que quiconque a un motif raisonnable de se croire attaqué — y compris si un agent de la paix recourt à une force excessive ou passe à l'attaque au lieu d'employer la force nécessaire dans les circonstances pour effectuer l'arrestation —, peut invoquer la légitime défense.
    Nous ne voulons que maintenir cet aspect de la loi, qui disparaîtra de son emplacement actuel en raison des autres modifications apportées aux dispositions sur la légitime défense. Nous ne faisons que reformuler légèrement ce que stipule actuellement la loi au sujet de la légitime défense en pareil cas. Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la loi à cet égard, et c'est quelque chose que les Canadiens devraient envisager de faire. Cela ne ferait certainement pas partie de nos documents d'information publique.
    Merci beaucoup.
    Vous avez la parole, madame Borg.

[Français]

    Je vous remercie de votre présence.
     Vous avez déjà répondu à la plupart de mes questions. Par contre, on a entendu plusieurs témoins dire que les agents de sécurité et les citoyens n'étaient pas assujettis à la Charte. Dans ce cas, comment peut-on s'assurer de respecter les droits constitutionnels de la personne qui est arrêtée? J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus, si possible.
    Voulez-vous parler des citoyens ou des compagnies de sécurité?
    Oui, je parle de ceux qui effectuent l'arrestation.
    On ne peut pas déterminer quelle sera l'application de la Charte dans un cas particulier. C'est à la cour de le faire. En général, les compagnies qui offrent des services de sécurité sont régies par les provinces et elles sont assujetties à des codes de conduite. Elles sont responsables de respecter la loi provinciale qui les régit. Elles sont responsables de respecter les droits des Canadiens en général. Comme on l'a déjà dit, il y a des recours civils, ou même réglementaires, ou même criminels, si leur conduite va au-delà de ce qui est raisonnable dans les circonstances. Je ne sais pas ce qu'on peut faire de plus.
(1145)
    Cela répond à ma question, merci.
    Ma deuxième question porte sur le syndrome de la femme battue. Un témoin a souligné que les éléments subjectifs contenus dans le paragraphe 34(2) devraient tenir compte des conditions des femmes abusées et de leur capacité à utiliser ces dispositions de défense légitime en cour. Je voulais connaître vos commentaires sur ce sujet. Selon vous, faudrait-il élargir cela?
    C'était une de nos préoccupations quand nous avons préparé ce projet de loi. Nous sommes bien conscients qu'il est vraiment nécessaire de sauvegarder tout ce qu'on a gagné grâce à la jurisprudence face à ce type de situation. Dans la liste de facteurs, à l'alinéa 34(2)f) qu'on veut ajouter, on mentionne « la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident ». Avec cette liste de facteurs, on essaie de refléter ce qui a été établi par la jurisprudence. Je pense que ce qui est décrit là laisse la loi comme elle est maintenant.
    Si on met plus d'éléments dans la loi, ça peut causer des problèmes, car il y a toujours le risque qu'on dise quelque chose qui ne soit pas exactement correct ou quelque chose qui deviendra plus rigide que ce que demande le droit commun.
    Je pense que ce qu'on a écrit reflète la loi et la jurisprudence, particulièrement dans le cas des femmes battues. Cela laisse le soin à la cour de faire comme elle le fait maintenant, et même encore plus, si c'est ce qu'elle veut. On n'empêche rien et rien n'est enlevé à la loi actuelle.
    J'ai une troisième question à poser.
    Plusieurs témoins se sont dits inquiets du fait qu'on permettrait à une personne d'en arrêter une autre dans un délai raisonnable. Vous avez déjà précisé que l'inclusion d'une durée spécifique de 24 ou 48 heures, par exemple, ne serait pas une bonne idée. Est-ce qu'il serait bon d'inclure dans cet article des mots comme « à la première occasion », de façon à restreindre un peu le délai raisonnable?
    Je pense que l'intention est d'allonger le délai quand il n'est pas possible de procéder à l'arrestation au moment où le crime est commis.
    Le fait qu'on suive quelqu'un pendant une semaine pour s'assurer qu'il s'agit vraiment de la bonne personne ne serait pas permis, selon vous?
    Non.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Findlay.
    Merci. En ce qui concerne le projet de loi, ce problème se pose quand il s'agit d'informer les personnes mises en état d'arrestation de leurs droits constitutionnels. D'après ce que je comprends, la loi stipule actuellement que la personne doit être remise aux services de police le plus tôt possible, dans un délai raisonnable dans les circonstances. Je ne crois pas que le projet de loi change quoi que ce soit à cet égard, mais peut-être pourriez-vous nous le confirmer?
    De plus, ai-je raison de dire que dès que cette personne est remise aux services de police, elle doit être informée de ses droits?
(1150)
    C'est exact. Nous ne modifions que le paragraphe 494(2) du code, sans toucher au paragraphe 494(3), qui exige que la personne soit livrée à un agent de la paix. Cette dernière disposition restera donc dans la loi. Toute personne autre qu'un agent de la paix qui arrête quelqu'un sans mandat doit aussitôt remettre l'individu à un agent de la paix. Par « aussitôt », on entend « dès que possible ».
    Dans le scénario que j'ai évoqué précédemment en répondant à M. Jacob, si celui qui a effectué l'arrestation appelle la police pour dire qu'il a arrêté quelqu'un pour vol, l'agent de la paix demandera qu'on relâche cette personne et lui enverra un avis de comparution, ou il prendra l'affaire en main. La personne serait alors informée des dispositions, des mesures de protection et des avis qui s'appliquent, comme c'est le cas quand un agent de la paix effectue une arrestation.
    Ce n’est donc pas au citoyen qui effectue l’arrestation de savoir comment informer l’intéressé de ses droits constitutionnels, mais aux agents de la paix, qui sont formés à cette fin et qui seraient appelés en renfort aussitôt que possible.
    En effet.
    Merci.
    Madame Boivin.

[Français]

    Merci.
    Je ne suis pas certaine d'avoir bien saisi ce que vous avez dit en réponse à la question de ma collègue. Serait-il inapproprié de modifier l'article pour qu'il se lise ainsi: « il procède à l'arrestation à la première occasion, dans un délai raisonnable »? À mon avis, ça pourrait être une bonne façon de tenir compte des exemples qu'on nous a soumis et qui étaient tout à fait valables. Comme citadins, nous avons parfois tendance à oublier que dans un milieu rural, la police n'est pas très proche. Le délai raisonnable peut donc varier d'un endroit à l'autre.
     J'ai compris les arguments que vous avez fait valoir en réponse aux questions que je vous ai posées plus tôt. Il reste qu'il pourrait toujours s'agir d'un délai raisonnable sans que ce soit pour autant la première occasion. Je ne sais pas si vous me suivez. Dans un tel contexte, je pense que ça ne devrait pas se faire de cette façon. Normalement, ça se fait sur le coup, mais dans le cas présent, on prolonge ce laps de temps. Selon moi, les gens se rendent compte que ça peut être nécessaire dans certains cas. Ce n'est pas un problème. Par contre, il serait prudent et raisonnable de la part du législateur de prévoir que ce soit à la première occasion. Il ne s'agit pas ici d'un billet gratuit qu'on offre.
    Je pense que l'idée est de permettre un délai dans les cas où il n'est pas possible de procéder à l'arrestation sur-le-champ. Dans ces conditions, je ne vois pas en quoi ce serait désavantageux. Ce n'est pas à vous de déterminer le moment de l'arrestation. Il faut agir quand c'est possible, le plus tôt possible.
    Il n'y a donc pas de problème. Je ne pense pas que cela soit contraire à l'intention actuelle ou que cela modifie ce qu'on essaie de faire. Ce serait même peut-être un peu plus précis.
    Peut-être un peu. Quoi qu'il en soit, nous avons bon espoir que les cours interpréteront cela comme signifiant « le plus tôt possible », comme dans d'autres domaines où quelqu'un doit faire quelque chose dans un délai raisonnable. Il est fort possible que même si on n'ajoute rien, les cours interprètent cela de cette façon.
    Si on fait adopter cet amendement, cela ne modifiera pas l'objectif initial du projet de loi tel qu'il a été présenté. Cela ne lui enlèvera rien. C'était ce que je voulais savoir. Cela n'impose pas un fardeau additionnel. Vous pensez que les tribunaux interpréteraient cela de cette façon, mais en ajoutant notre amendement, on élimine toute équivoque. Ce sera une chose de moins sur laquelle les tribunaux devront trancher. Je vous remercie de cette précision.

[Traduction]

    Pardonnez-moi, mais si on envisage d'ajouter « à la première occasion », c’est presque comme si on revenait à la loi actuelle, qui comprend le passage « trouvé en train de commettre une infraction ». Nous donnons...
(1155)
    Pas s'il est également question de délai raisonnable...
    C’est un message presque ambivalent, car si nous disons « raisonnable », nous voulons accorder aux tribunaux, si l’affaire se rend jusque-là, l’occasion d’examiner ce qui était raisonnable dans les circonstances de l’arrestation d'une personne trouvée en train de commettre...
    Évidemment, si les agents ne l’arrêtent pas le lendemain ou les jours suivants même s’ils en avaient l’occasion, ce délai pourrait ne pas être jugé raisonnable. Toutefois, si nous ajoutons les expressions « à la première occasion » et « raisonnable », nous engendrerons la confusion, car d’aucuns se demanderont si tout ce qui est raisonnable, c'est la première occasion. Dans d’autres cas, il se pourrait...
    Je vois ce que vous voulez dire.
    ... qu'une occasion se présente, mais que les agents ne puissent la saisir parce qu’il y a un risque ou qu'ils ne pourront effectuer l’arrestation. Ils doivent donc laisser passer cette occasion et espérer qu’il s’en présentera une autre.
    Ils effectuent l'arrestation à la première occasion, dans un délai raisonnable, et c'est tout. Si on lit le reste de la disposition, je ne crois pas que c'est le sens qui s'en dégage. Si vous lisez le libellé comme je considère qu'il devrait l'être, on procède à l'arrestation à la première occasion, dans un délai raisonnable, et la suite se lit comme suit:
un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction et il croit, pour des motifs raisonnables, que l’arrestation par un agent de la paix n’est pas possible dans les circonstances.
Ce passage suit l'alinéa a) et concerne, de toute évidence, un autre type de situation.
    La disposition aurait un effet restrictif, en faisant comprendre que s'il est impossible d'agir immédiatement, la nouvelle mesure législative accordera un laps de temps plus long. On dispose donc d'une plus longue période dans une autre situation, tant qu'on agit dans un délai raisonnable, à la première occasion.
     Il ne s'agit pas d'aller chercher l'aide de collègues parce qu'on hésite à agir seul. Il faut qu'on ait l'intention d'agir.
     Dans les documents que vous préparerez à l'intention de ceux que la nouvelle loi pourrait intéresser, insistez encore sur le fait que nous ne voulons pas donner carte blanche aux citoyens et les encourager à effectuer des arrestations. En outre, si l'arrestation n'a pas lieu immédiatement après l'infraction, il faut agir dans un délai raisonnable, à la première occasion. Ce n'est pas le moment de tergiverser et d'attendre à plus tard.
    Voilà où je voulais en venir en disant cela.
    Il n'y a pas de commentaire? Mais c'est parfait. Je suis donc très convaincante. J'en suis fort aise.
    Des voix: Oh, oh!

[Français]

    Mme Françoise Boivin: Auriez-vous objection à ce qu'on ajoute quelque chose? Cela changerait-il quelque chose de fondamental, selon vous, si on ajoutait du texte?
    Présentement, le projet de loi propose d'ajouter l'alinéa 34(2)f) qui se lit comme suit:
f) la nature, la durée et l’historique des rapports entre les parties en cause, notamment tout emploi ou toute menace d’emploi de la force avant l’incident, ainsi que la nature de cette force ou de cette menace;
    Que diriez-vous si on ajoutait le sous-alinéa 34(2)f)(i) qui parlerait de « la capacité de la personne de mesurer des degrés de force dans les circonstances »?
    Cela touche au problème que je mentionnais un peu plus tôt, c'est-à-dire la question de déterminer quelles sont les caractéristiques attribuables à une personne qui agit de façon raisonnable. Il est possible que la raison pour laquelle une personne a du mal à mesurer la force soit déraisonnable. Il peut s'agir de racisme ou d'autre chose.
    Les mots que vous proposez sont un peu d'ordre général. Ça peut inclure des éléments qui ne seront pas inclus aujourd'hui, mais ça peut aussi inclure d'autres éléments. Ça dépend un peu de la raison pour laquelle la personne n'a pas la capacité de bien mesurer la force.
(1200)
    Cela ne devrait-il pas être considéré, justement? Pensez-vous qu'insérer ce genre de disposition serait utile ou que cela compliquerait les choses?
    Je pense que ça occasionnerait plus de questions que de réponses. C'est déjà quelque chose que les tribunaux comprennent bien, lorsque c'est pertinent. Dans plusieurs cas, ce n'est pas du tout pertinent de toute façon. Dans le cas d'un facteur comme celui-là, on devrait vraiment considérer les mots utilisés. Il y a vraiment un risque dans ce cas.
    J'ai une dernière question. Je voudrais continuer à parler de ce que j'avais soulevé en premier lieu avec vous, c'est-à-dire le caractère raisonnable et la distinction entre ce qui est subjectif et ce qui est objectif. N'aurions-nous pas intérêt à préciser, quand on parle de caractère raisonnable, que c'est du point de vue de la personne qui a utilisé la force? Cela créerait-il un problème? Cela en réglerait-il un? Pourrions-nous bien cerner le message, ce qui est déjà souvent fait par les tribunaux? Les tribunaux font toujours des reproches aux législateurs: c'est flou et ils ont un fardeau. On leur reproche de créer le droit, mais, pour une fois, nous leur dirions comment regarder cela.
    En général, c'est comme ça que les tribunaux abordent cette question. Ils tiennent compte des perceptions de l'accusé, mais quand ces perceptions sont raisonnables.
    Je pense que ça ne changerait pas la façon dont c'est interprété ou appliqué.
    Toutefois, ça ne changerait pas ce que le législateur essaie de faire par le projet de loi C-26.
    Ça ne le ferait pas non plus.
    C'est bien, merci.

[Traduction]

     Il n’y a plus personne sur la liste, et je crois, madame Boivin, que nous avons tous amplement dépassé notre temps. Ainsi, si vos questions ont trouvé réponse...

[Français]

    J'aimerais poser une autre question.
     Le Barreau du Québec termine son mémoire en soulignant que le paragraphe 494(2) du Code criminel devrait demeurer intact. Dans son mémoire, on peut lire ce qui suit:
Nous croyons qu’une approche fondée sur la protection de la sécurité des personnes, tant celle du délinquant que celle du justicier victime d’un vol ou d’un méfait, est de loin préférable à une approche qui risque de mettre en péril la sécurité des individus.
    J'aimerais connaître votre avis sur l'opinion du Barreau du Québec relativement au paragraphe 494(2) du Code criminel.

[Traduction]

    Nous nous intéressons toujours au point de vue des divers Barreaux, mais le Barreau est d'avis qu'il ne faudrait pas du tout modifier la loi. Lors de sa comparution devant un comité et de diverses interventions, le ministre a clairement indiqué que le gouvernement considère que la loi devrait être modernisée et que les dispositions régissant l’arrestation par des citoyens sont trop restrictives en ce qui concerne les amendes. Le projet de loi ne serait pas soumis à l’examen de la Chambre ou de votre comité si le gouvernement partageait l’avis du Barreau. Ainsi, comme à d’autres occasions, la loi évoluera. Les dispositions relatives à l’arrestation par des citoyens n’ont pas changé depuis un certain nombre d’années, et il est temps qu’on les assouplisse un peu.
     Merci.
     Nous allons mettre un terme à ce volet de la séance. Je tiens à remercier les témoins. Je sais également gré à l’opposition d’avoir permis à M. Wilks d'intervenir.
    Pour que tous sachent où l’on en est, nous effectuerons jeudi l’examen article par article du projet de loi C-26. Nous aurons reçu le rapport sur le crime organisé; donc, si le temps nous le permet, ce qui est probable, nous pouvons essayer...
    Oh, le greffier m’indique que vous l’aurez dès que nous serons tous de retour. Il a la nouvelle version en main.
    Monsieur Goguen.
     J’ai une question à poser au greffier. Les amendements ont été surlignés; nous serons donc manifestement capables de voir rapidement les changements, n’est-ce pas?
    Le greffier du comité : Oui.
(1205)
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU