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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 033 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 avril 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. Bienvenue à la 33e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous sommes le mardi 3 avril 2012.
    Nos témoins se trouvent à Kingston, en Ontario, et témoigneront par vidéoconférence. Je vous présente Jay Pyke, directeur du Pénitencier de Kingston; et Melinda MacCrimmon, coordonnatrice de griefs au Pénitencier de Kingston.
    Bienvenue aux témoins. Nous sommes heureux de vous accueillir par vidéoconférence.
    Un peu plus tard, à 16 h 30, nous poursuivrons la séance à huis clos et nous nous pencherons sur notre ébauche de rapport concernant la drogue et l’alcool en milieu carcéral.
    Je ne suis pas certain si l’un d’entre vous a déjà témoigné devant un comité. Nous sommes heureux de vous accueillir. Nous avons hâte d’entendre ce que vous avez à dire au sujet du projet de loi C-293. Vous avez la parole. Si vous avez le temps de répondre à quelques questions par la suite, nous vous en serions très reconnaissants. Bienvenue au comité.
    Bonjour tout le monde. Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je suis Jay Pyke, directeur du Pénitencier de Kingston. Je suis accompagné de Melinda MacCrimmon, qui a beaucoup d'expertise en tant que coordonnatrice des griefs au Pénitencier de Kingston.
    J'aimerais d'abord vous parler brièvement du Pénitencier de Kingston dans le but de vous donner une idée de la vie institutionnelle et traiter de certaines difficultés auxquelles nous sommes confrontés en ce qui a trait à la procédure de règlement des griefs des délinquants.
    Actuellement, environ 390 détenus sont placés au Pénitencier de Kingston. Il s'agit d'un établissement à sécurité maximale qui accueille des délinquants présentant des risques, ayant des besoins élevés et purgeant des peines variant de deux ans à la perpétuité. Les détenus du Pénitencier de Kingston ont commis une vaste gamme d'infractions, et la majorité des délinquants ont des antécédents de violence, des problèmes importants de santé physique et mentale, des problèmes de toxicomanie, des troubles du comportement ou une combinaison de ces facteurs.
    Au Pénitencier de Kingston, le personnel, moi y compris, est déterminé à offrir des services de haut niveau aux délinquants en ce qui a trait à la sécurité des détenus, ainsi qu'aux programmes et aux services visant à réduire le risque de récidive. Étant donné le profil des délinquants du Pénitencier de Kingston, il est évident qu’une procédure de règlement des griefs équitable, rapide, accessible et sans conséquence négative est essentielle. Nous reconnaissons que la procédure de règlement doit être conforme aux valeurs de notre société démocratique. Pour le SCC, ce processus offre un mécanisme permettant de mettre nos décisions à l'épreuve et de veiller à ce qu’elles soient prises dans le respect de la dignité de tous et de toutes, tout en reconnaissant que notre priorité est d'assurer la sécurité du personnel, des délinquants et de la société.
    Je sais que vous avez déjà parlé à notre commissaire, à notre directeur général des Droits, des recours et des résolutions, ainsi qu'à un analyste principal des Recours des délinquants de l'administration centrale au sujet du projet de loi C-293.
    Selon mon point de vue, la procédure de règlement des plaintes et des griefs du SCC comprend quatre principaux avantages. Tout d'abord, elle offre aux délinquants un recours lorsqu'ils estiment avoir été traités injustement ou d'une manière contraire à la loi ou à la politique. Ensuite, elle contribue à rendre les établissements plus sûrs en permettant de repérer et de régler les problèmes rapidement. De plus, elle contribue à la responsabilisation des délinquants en les poussant à régler leurs problèmes par l’entremise de moyens appropriés. Enfin, la procédure fait en sorte que les décisions touchant les délinquants respectent la primauté du droit.
    Comme vous le savez probablement, la procédure compte quatre paliers. Les deux premiers paliers, soit la plainte officielle et le premier palier de grief, se déroulent au sein de l'établissement même. La plainte est traitée par le superviseur immédiat de la personne dont les gestes ou les décisions sont contestés. Le directeur de l'établissement traite les griefs au premier palier de la procédure de règlement.
    Monsieur le président, je me concentrerai aujourd'hui sur le premier palier de la procédure.
    Au Pénitencier de Kingston, au cours de l'exercice 2011-2012, les détenus ont déposé au total 501 plaintes et griefs. De ces 501 plaintes, 86, soit 17 p. 100 des griefs, ont été présentées par trois délinquants.
    Les griefs présentés par ces trois personnes sont généralement longs et complexes et concernent de nombreux sujets ou problèmes. Par conséquent, le nombre de problèmes dont il est question dans les griefs est plus élevé que ce que laisse entendre le 17 p. 100, étant donné que cela nécessite plusieurs éléments de réponses.
    Des 86 griefs déposés par ces trois personnes, deux ont été acceptés. Trois l’ont été en partie, parce que la réponse n'avait pas été donnée dans les délais prescrits. Les 81 autres griefs ont été rejetés parce qu'ils étaient injustifiés.
    Comme vous pouvez l’imaginer, de telles plaintes grugent les différentes ressources de l'établissement. Tout d'abord, elles exercent des pressions sur les coordonnateurs des griefs des détenus, qui doivent enregistrer le grief, l’attribuer à quelqu’un, vérifier le respect des échéances, inscrire les données et fournir une réponse.
    Concernant les trois délinquants mentionnés plus tôt, les coordonnateurs des griefs ont souvent eu la fastidieuse tâche de vérifier les chevauchements avec les demandes et les réponses précédentes. Les copies de demandes semblables sont ensuite placées dans le dossier transmis aux enquêteurs pour qu’ils n’aient pas à enquêter de nouveau sur une question qui a déjà été traitée.
    Ensuite, des pressions sont exercées sur les enquêteurs, qui sont généralement des cadres intermédiaires, soit principalement des gestionnaires correctionnels ou des gestionnaires, Évaluations et interventions. Chaque plainte doit être examinée, le détenu doit être rencontré et une réponse écrite doit être remise au détenu.
    Il est remarquable qu'un seul délinquant puisse exercer des pressions aussi importantes sur la procédure, étant donné le temps qu’il faut pour examiner des griefs complexes. Lorsque les gestionnaires qui enquêtent sont dépassés par le volume de plaintes et de griefs, il leur faut plus de temps pour fournir une réponse écrite adéquate au détenu.
(1535)
    En plus d’augmenter le temps de réponse, de telles plaintes entraînent souvent beaucoup de frustration au sein des employés qui doivent continuer de traiter des plaintes qui ne sont clairement pas fondées. Cela signifie que le personnel est moins en mesure de se concentrer sur l’examen et la résolution des plaintes fondées.
    Au cours du dernier exercice, l'une des trois personnes mentionnées plus tôt a présenté 35 plaintes, dont 22 qui portent sur des accusations de harcèlement de la part du personnel. La quantité de plaintes a entraîné la création d'un comité externe d'examen. Ce comité d'examen, convoqué à ma demande, était composé de trois personnes, soit une personne de la section des recours des délinquants de l'administration centrale, une personne de la section des recours des délinquants de l'administration régionale, et un gestionnaire intermédiaire d'un autre établissement en Ontario.
    Parmi les 22 plaintes portant sur des accusations de harcèlement de la part du personnel faites par ce délinquant, le comité a été chargé d’examiner huit griefs. Dans chaque cas, le comité d'examen externe a conclu que les allégations de harcèlement n'étaient pas fondées, et qu'elles étaient de nature frivole ou vexatoire. Cela signifie que l’établissement a pris des mesures et a investi des ressources pour répondre à une personne qui présente systématiquement des plaintes et des griefs qui ne sont tout simplement pas fondés.
    Il est également important de noter que, dans les cas des trois principaux plaignants du Pénitencier de Kingston, plusieurs plaintes sont passées au premier palier. Le directeur de l’établissement a donc dû répondre au détenu, et ce, même si les gestionnaires de première ligne ont fourni des réponses claires, comme je l’ai expliqué plus tôt.
    Selon mon expérience, il semblerait que certains délinquants soient déterminés à faire passer leur plainte à tous les paliers de la procédure, peu importe la décision ou les motifs qui ont été fournis au palier inférieur. En plus d’exercer des pressions sur les ressources de l’ensemble de l’organisme, il y a aussi des conséquences additionnelles au sein de l'établissement. Par exemple, en raison de nombreux griefs et plaintes frivoles, la procédure de règlement des plaintes et des griefs est ralentie à l'échelle locale, ce qui entraîne des conséquences négatives sur les détenus qui n'abusent pas de la procédure et qui méritent et attendent une réponse dans les délais prescrits.
    Idéalement, le système de règlement des plaintes et des griefs constitue un important moyen de contrôle pour les responsables d'établissement, puisqu'il permet au directeur de veiller à ce que l'établissement et les employés se conforment aux principes de notre mission et aux lois et aux politiques pertinentes qui fournissent aux délinquants un important mécanisme de recours. Le SCC s’engage à leur offrir un système de recours équitable, rapide et accessible.
    Sur cette note, je vous remercie. Nous serons bien entendu heureux de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur le directeur.
    Passons à la première série de questions. Monsieur Leef, vous avez la parole, s’il vous plaît.
    Merci, monsieur le président. Merci beaucoup aux témoins de leur exposé et de leur présence.
    Avez-vous eu le temps de prendre connaissance du contenu du projet de loi?
    Oui.
    Auriez-vous un bref commentaire général sur le projet de loi? Pourriez-vous également nous dire à quel point, selon vous, les dispositions proposées nuiront à la présente procédure de règlement des griefs ou la compléteront?
    À mon avis, les principes du projet de loi sont excellents, parce qu’ils correspondent aux défis auxquels nous sommes confrontés et dont je viens de parler.
    Pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question? Désolé.
    J’aimerais savoir si vous croyez que la mesure législative nuira à la présente procédure de règlement des griefs ou s’il la complétera.
    Bien honnêtement, je crois qu’elle la complétera. Le projet de loi ne va pas trop loin. Je ne crois pas qu’il aura un grand effet dans l’ensemble. Cependant, je crois que cela nous aidera à départager plus efficacement les plaintes légitimes de celles qui ne le sont peut-être pas.
    Honnêtement, il est question ici que d’un petit groupe de détenus dans l’ensemble, dans les établissements ou sur la scène nationale. Je crois toutefois qu’il s’agit d’un outil qui n’existe actuellement pas et dont l’absence se fait considérablement sentir dans certains établissements au pays. Je peux vous dire que j’en ressens les effets au sein de mon établissement. Bref, je crois que c’est complémentaire.
    En ce qui concerne les obstacles... encore une fois, d’après ce que j’ai lu, je ne vois pas comment le projet de loi peut devenir un obstacle en ce qui a trait aux défis auxquels nous sommes actuellement confrontés.
(1540)
    Dans le projet de loi, il y a des moyens pour briser le cycle des plaintes. Le projet de loi aborde les plaintes multiples, frivoles ou vexatoires. Est-ce que la mesure législative proposée réduira ce comportement? Croyez-vous que le projet de loi permettra à votre personnel de mettre l’accent sur les plaintes légitimes de la population carcérale et de les traiter efficacement?
    Je crois que la mesure législative aidera à diminuer les pressions exercées sur la procédure de règlement. Est-ce qu’elle restreindra la capacité des détenus de faire des plaintes frivoles ou vexatoires? Selon moi, ce serait un moyen d’y arriver. Comment y parvenir par l’entremise du projet de loi? Quel est le coeur du problème, mis à part un besoin de congestionner le système? Aucune politique n’a été élaborée à ce sujet. Nous nous servons de certaines mesures pour isoler les détenus qui ont de la difficulté à s’intégrer à la population carcérale. Nous avons des stratégies d’intervention basées sur la motivation durant lesquelles des conseillers travaillent avec de tels délinquants et leur proposent des moyens d’exprimer leurs problèmes et de meubler leur temps. Ce processus motive parfois les détenus à participer aux programmes offerts. C’est peut-être systémique, parce que les besoins criminogènes ou les facteurs dynamiques n’ont pas encore été abordés. À mon avis, le projet de loi nous aiderait à diminuer le nombre de cas et nous donnerait l’occasion d’adopter une approche individuelle pour essayer de corriger le comportement.
    En ce qui concerne les réponses aux détenus au sein du Pénitencier de Kingston, elles sont la plupart du temps retardées en partie, parce que nous n’avons qu’un certain nombre d’enquêteurs. Si nous recevons beaucoup de plaintes frivoles ou vexatoires, cela réduit la capacité des gestionnaires de régler les problèmes au palier inférieur, et c’est notre objectif pour ce qui est de la procédure de règlement des plaintes. Selon moi, nous pourrions éviter d’en transférer beaucoup à la procédure de règlement des griefs, si nous ne traitions que les plaintes légitimes.
    Les changements concernant un règlement ou une politique modifient parfois le comportement des détenus, parce qu’ils comprennent que leurs choix comportementaux entraîneront maintenant des conséquences. Si le projet de loi est adopté, je présume qu’il faudra sensibiliser les détenus aux nouvelles conséquences des plaintes frivoles, multiples ou non fondées. Croyez-vous que l’adoption de la présente mesure législative aurait un effet positif immédiat dans votre établissement?
(1545)
    Je pense que oui, pour la plupart des détenus. Toutefois, on parle d'un petit pourcentage de détenus. Les plaignants ayant reçu des réponses tardives risquent d'interpréter une telle nouvelle de manière positive. Ils sauraient que l'établissement aurait à démontrer qu'il a répondu rapidement. D'habitude, c'est ainsi que les détenus interprètent une telle mesure. Ils finissent par découvrir ce qui se passe réellement. Alors, je pense que si nous faisions preuve de rapidité dès le début, ce serait bien accueilli.
    Je ne peux parler que de mon établissement, mais les détenus qui présentent des plaintes de nature vexatoire ou frivole ne sont généralement pas bien reçus auprès de la population carcérale de mon pénitencier. Leurs problèmes ne sont pas nécessairement conformes à la procédure de règlement des plaintes et griefs. Souvent, ils se tiennent à l'écart de la population carcérale.
    Alors, oui, je pense que la majorité des détenus trouveraient cela avantageux, comparativement à une petite minorité qui présente des plaintes vexatoires ou frivoles.
    Merci beaucoup, monsieur Leef et monsieur Pyke.

[Français]

    Monsieur Chicoine, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous de venir témoigner devant le comité. Dans votre exposé, vous avez identifié trois personnes à l'origine de la majorité des griefs déposés dans votre établissement.
     De quel type de personnes s'agit-il? S'agit-il de personnes qui auraient un problème de santé mentale, ou l'une de ces trois personnes agirait-elle pour d'autres délinquants, déposerait-elle des griefs en leur nom?

[Traduction]

    Merci.
    Non. À vrai dire, deux d'entre eux sont très procéduriers. Ils n'ont pas des capacités inférieures à la moyenne; ils se trouvent dans la moyenne, et je dirais que l'un d'entre eux a probablement des capacités légèrement au-dessus de la moyenne. Ils n'agissent pas pour le compte d'un autre détenu. Ils se servent vraiment de la procédure pour signaler ou cibler certains membres du personnel — bref, dénoncer des problèmes les concernant, qu'il s'agisse de déroger à une règle ou d'assurer le respect des politiques et de la routine.
    J'ai examiné les cas de notre site et je peux affirmer sans conteste que ces détenus n'ont pas des capacités inférieures. Il m'arrive plus souvent d'entendre parler de nos détenus ayant des capacités inférieures par l'entremise de demandes d'autres détenus ou ce qu'on appelle des « cerfs-volants » — c'est-à-dire une note écrite sur un bout de papier à l'intention du gestionnaire ou du directeur. Ils y inscrivent leurs préoccupations, et nous prenons les mesures qui s'imposent, sans passer par la procédure.
    Quant aux trois détenus au Pénitencier de Kingston, ce sont tout de même des gens ayant des capacités normales. Ils agissent habituellement de leur propre chef; ils n'agissent pas de concert avec d'autres détenus. La population carcérale en général — du moins, au Pénitencier de Kingston — n'appuie pas d'habitude ce genre de détenus.

[Français]

    Merci.
    Dans le projet de loi C-293, on indique que, lorsque le commissaire s'apprête à désigner cette personne comme plaignant quérulent, il doit d'abord l'aviser qu'il est sur le point de le désigner comme tel. Ensuite, si la personne continue, il doit lui signifier une deuxième fois qu'il est dorénavant plaignant quérulent et il doit motiver sa décision.
    Le projet de loi prévoit aussi que le délinquant pourra, dans certaines conditions, continuer à déposer des griefs ou qu'il pourra demander un contrôle judiciaire. Comme vous l'avez dit, ce genre de personne va utiliser tous les recours à sa disposition. Il me semble que cela fasse beaucoup de paperasse, beaucoup d'échanges d'information, etc. Je n'ai pas l'impression que cela va désengorger tellement le processus de règlement de griefs.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je ne peux me prononcer que sur la procédure parce que je ne dispose pas de processus opérationnel pour l'instant. Il n'y a pas de directive de la part du commissaire pour me donner une idée de quoi aura l'air le processus. J'ai manifestement examiné la situation selon le même angle que vous venez de proposer.
    Nous aurions ainsi le moyen de séparer ces détenus des autres qui soumettent des plaintes légitimes et d'essayer de travailler avec eux, à tout le moins. J'ai parlé des stratégies d'intervention basée sur la motivation pour éradiquer le problème à la source de l'ensemble des plaintes et griefs. À l'heure actuelle, il n'y a pas de processus pour s'attaquer aux causes profondes de ce qui est réellement en jeu et de ce qui motive ces agissements. Ces détenus continuent tout simplement à présenter des plaintes.
    Autre répercussion importante: cette mesure nous permettra de les empêcher de passer aux paliers suivants de la procédure de règlement des griefs. Dans le système actuel, ils peuvent porter un grief. En effet, si je les désigne auteurs de griefs multiples, ils peuvent formuler un grief. Par conséquent, cette politique nous aidera à les empêcher de passer à une procédure de règlement des griefs, au-delà du palier de l'établissement local.
    Tout détenu peut demander une révision judiciaire s'il le choisit. Toutefois, je crois vraiment que le processus a un certain mérite, d'après mon expérience.
    J'espère que cela répond à votre question.
(1550)

[Français]

    Le décideur — vous, en l'occurrence — peut déjà rejeter une plainte vexatoire. Avez-vous déjà appliqué cette directive? Vous êtes-vous déjà servi de ce pouvoir pour rejeter certaines plaintes?

[Traduction]

    Je l'ai fait, mais à de rares occasions. Désigner quelqu'un plaignant quérulent exige beaucoup de travail. Je dois, tout d'abord, répondre à la plainte ou au grief, puis justifier pourquoi j'ai qualifié la plainte de frivole ou vexatoire et présenter mes arguments.
    Une fois de plus, le problème avec le processus actuel, c'est que les plaignants vont porter un grief au prochain palier, s'ils n'acceptent pas ce que j'ordonne en tant que directeur ou s'ils ne sont pas d'accord avec moi; par conséquent, ils s'adressent au sous-commissaire régional pour voir ce qu'il a à dire. S'ils n'aiment pas la réponse, ils vont monter plus haut.
    C'est, selon moi, le plus gros problème: le fait qu'ils puissent faire cela. Pour vous dire franchement, c'est une tâche un peu ardue que de s'asseoir avec autant de... Je le répète: avoir 500 détenus, ce n'est pas rien, surtout pour un établissement où il y a beaucoup d'autres opérations simultanées. S'asseoir avec ces gens et essayer de suivre à la lettre la politique actuelle... Je trouve que c'est plutôt long et je ne suis pas sûr si on s'attaque au coeur du problème qu'ils essaient de soulever.
    Après tout, ils veulent une réponse. C'est ce qui les motive la plupart du temps. Ils veulent une réponse de la part des cadres et ils finissent par l'obtenir. Et maintenant, ils en reçoivent davantage parce que je dois fournir plus d'explications.
    Ce n'est pas justifié, mais tout ce qui compte pour beaucoup d'entre eux — et c'est mon opinion —, c'est d'obtenir une réponse de ma part. Ils sollicitent ma réponse.
    Merci, monsieur Chicoine.
    Nous passons maintenant à Mme Hoeppner qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens, moi aussi, à remercier le directeur, ainsi que Mme MacCrimmon, d'être venus ici pour nous faire part de ces renseignements.
    Pour les Canadiens qui nous écoutent, je crois qu'il est évident qu'à l'époque où la procédure de règlement des plaintes a été mise sur pied, on avait les meilleures intentions du monde et on l'a fait de bonne foi, en espérant qu'elle sera utilisée pour les bonnes raisons. Vous avez dit pourquoi vous êtes reconnaissant d'avoir une procédure de règlement des plaintes et comment cela vous aide à faire votre travail et à favoriser la responsabilisation des détenus. Je pense que nous en sommes tous conscients, mais d'après certaines de vos observations, en plus des autres témoignages que nous nous avons entendus...
    À mon avis, tout Canadien ayant du bon sens trouve que ces changements sont une évidence. Il est vraiment difficile de croire que... Je sais que notre travail consiste à faire un examen complet des projets de loi pour en dégager les répercussions et déterminer s'il y a des conséquences imprévues, mais quand on voit la simplicité du projet de loi et ce qu'il vise, on se rend compte qu'il est tout à fait sensé. Je n'arrive pas à imaginer la frustration que vous et les agents correctionnels devez ressentir lorsque vous avez affaire à certaines de ces plaintes. Quand j'entends parler de détenus...
    Je suis désolée, monsieur, mais il y a 390 détenus dans l'établissement que vous dirigez, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Il y a donc 390 criminels condamnés qui, bien entendu, ne savent pas comment agir dans le respect des lois canadiennes et qui sont à l'origine de 501 plaintes. Le niveau de frustration doit être très, très difficile.
    Certains députés de l'opposition ont fait valoir que si un détenu était désigné plaignant quérulent, il pourrait y avoir un risque qu'un de vos agents correctionnels profite de la situation et peut-être — je ne suis pas sûre, j'ignore sur quoi repose l'hypothèse — faire du tort au détenu puisque celui-ci ne pourrait plus se plaindre...
(1555)
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Personne de ce côté-ci n'a jamais dit quelque chose de ce genre.
    Le président: Très bien...
    M. Randall Garrison: Nous pouvons nous exprimer nous-mêmes, et je serais reconnaissant si la députée...
    Le président: D'accord. Eh bien...
    Je pourrais trouver la citation, mais en tout cas, c'est quelque chose qu'on a laissé entendre.
    Monsieur le président, je pense qu'on a soulevé la question de savoir quelles étaient les mesures de protection au cas où quelqu'un se trouvait les mains liées...
    Le président: Ceci ne sera pas compté dans votre temps de parole, madame Hoeppner.
    M. Francis Scarpaleggia: Oui, monsieur le président, c'est votre décision.
    Je pense qu'il s'agissait d'une question de bonne foi. On voulait savoir quelles étaient les mesures de protection au cas où quelqu'un était désigné plaignant quérulent et que 99,9 p. 100 du temps...
    D'accord. Je crois avoir compris là où vous voulez en venir.
    Je pense que la question a été soulevée, mais on n'a peut-être pas parlé directement de conséquences. La question a bel et bien été soulevée, mais pour autant que vous sachiez, vous et Mme Hoeppner, qu'on n'a pas insinué que c'est exactement ce qui se passerait... On s'est demandé si une telle éventualité pourrait se produire.
    Monsieur le président, merci beaucoup, mais je... J'ai assisté à chacune de nos réunions.
    Eh bien, si vous avez la citation, alors lisez-la, mais....
    Oui, je l'ai. C'était M. Scarpaleggia...
    Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
    Mme Candice Hoeppner: Oui. Il a dit...
    C'était une hypothèse...
    C'est à mon tour de poser des questions.
    Et je pense qu'on devrait lui laisser parler. Je...
    C'était donc une hypothèse?
    Mme Candice Hoeppner: Oui, et Francis peut...
    Le président: Merci. J'en prends bonne note.
    Merci beaucoup.
    Je peux vous lire la citation. Il a dit ceci:
Qu'arrive-t-il si une personne n'a pas agi de bonne foi, comme vous le dites, et qu'elle est considérée comme étant un plaignant quérulent et si, quelques jours plus tard, un gardien fait quelque chose? Sachant que la personne a été désignée comme telle et qu'elle a désormais les mains liées, un gardien décide de profiter de la situation et de dire au contrevenant ses quatre vérités.
    Et je...
     Alors, la question est de savoir ce qui se produit dans un tel cas?
    Exactement. Ma question pour le directeur, si on me permet de poursuivre...
    Oui, j'ai remis le chronomètre à zéro.
    Merci beaucoup.
    Comment réagiriez-vous devant une telle situation? On parle ici d'agents correctionnels qui ont prouvé non seulement qu'ils obéissent aux lois du pays et qu'ils contribuent en tant que citoyens, mais aussi que leur profession reflète la plus grande intégrité et qu'ils exercent leurs fonctions dans un tel esprit.
    Y a-t-il lieu de craindre une telle éventualité? Vous pourriez peut-être en parler dans le contexte du processus d'examen, qui survient tous les six mois. Je me demande ce que vous pensez de l'échéance de six mois.
    Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet? Merci.
    Merci de reconnaître ce point. Je suis fier des membres de mon personnel. J'ai à coeur les valeurs de la fonction publique qu'ils respectent tous les jours.
    Je suppose que ce serait là ma première réponse. En tant que directeur, j'aime croire que nous suivons les valeurs de la fonction publique, en essence, en principe et en pratique. Cela dit, je sais qu'il s'agit ici de situations hypothétiques. J'ai très bien compris cela, d'après ce que je viens d'entendre. Dans l'hypothèse où il y aurait un acte répréhensible... D'après mon expérience — ayant moi-même été agent correctionnel, j'ai travaillé sur le terrain et j'ai surveillé ce groupe —, il n'y a jamais d'agent correctionnel qui travaille seul, surtout dans une unité résidentielle. On y trouve toujours au moins deux agents. Il faut toujours au moins un autre agent qui surveille le vestibule de l'unité. Il y a donc généralement trois personnes qui sont en contact avec les détenus — dans le contexte d'un établissement à sécurité maximale, comme c'est le cas du pénitencier où je travaille.
    Pour ce qui est des recours, en plus de la procédure de règlement des plaintes, il y a le gestionnaire correctionnel qui est chargé de surveiller les unités résidentielles auxquelles il est affecté. Si un détenu devait être confronté à une telle situation, il pourrait notamment s'adresser au gestionnaire correctionnel, qui se trouve dans l'unité tous les jours, pour l'informer qu'il y a eu une altercation ou un problème.
    Par ailleurs, le détenu a également accès à un agent correctionnel ou à un agent de libération conditionnelle qui fait également partie de l'équipe de gestion de cas. Il pourrait donc également s'adresser à un membre de l'équipe de gestion de cas pour lui faire part de ses préoccupations.
    En dernier ressort, les détenus peuvent donner un coup de téléphone. Ils peuvent appeler le Bureau de l'enquêteur correctionnel. Son rôle d'ombudsman ne relève pas du SCC, un point c'est tout. Le Bureau de l'enquêteur correctionnel pourrait certes enquêter, lui aussi, sur une plainte de cette nature.
    Voilà ce qui me vient à l'esprit pour le moment, mais je pense qu'on prévoit plusieurs recours ou freins et contrepoids. Il y a certainement eu des allégations d'actes répréhensibles, qui ont fait l'objet d'enquêtes internes d'établissement des faits et qui ont parfois abouti à des mesures disciplinaires. Encore une fois, ces gens seraient désignés ainsi en raison de la nature frivole de leurs plaintes. Le processus consisterait donc à déterminer si une telle désignation est justifiée. Ce serait notre point de départ.
(1600)
    Merci.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste en fait une minute et demie.
    Merci beaucoup.
    Puis-je faire une observation? Je sais que le projet de loi contient une disposition en vertu de laquelle la désignation serait évaluée tous les six mois. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet. Le délai est-il trop court? Qu'en pensez-vous?
    En fait, je n'ai rien à reprocher au délai de six mois. Je pense que cela nous donne un autre mécanisme de freins et contrepoids. Ainsi, nous pouvons déterminer si les mesures que nous avons essayé de prendre pour ces gens ont eu des effets et si elles ont donné de bons résultats. Cela nous empêche de perdre la trace des progrès réalisés. C'est donc un autre mécanisme de freins et contrepoids.
    Il s'agit d'un recours limité, si vous voulez; autrement dit, on évite que les détenus passent au prochain palier du système. À vrai dire, je pense que cela nous aide à faire preuve d'honnêteté et à prêter attention aux mesures que nous avons prises aux termes de la loi.
    Le projet de loi fait mention d'un plan visant les plaignants quérulents. La dame qui a présenté le projet de loi s'inquiète de l'expression. Le commissaire aussi.
    Est-ce que cela vous inquiéterait par rapport au plan correctionnel? Est-ce qu'on pourrait mal l'interpréter et lui donner une portée plus large que celle qui était prévue?
    Oui, je pense qu'il faut certainement rendre cette mesure opérationnelle au niveau des établissements. Et je suis désolé d'utiliser sans cesse l'expression « rendre opérationnel », mais je veux certainement dire par là que, aux termes d'une directive du commissaire, nous devrions connaître le plan et ses paramètres. Nous utilisons beaucoup le plan dans notre système, qu'il s'agisse d'un plan correctionnel ou autre. Je pense que cela pourrait fonctionner de concert avec le plan correctionnel, mais que ce serait distinct par rapport à ce que nous avons formulé.
    Je le répète, il s'agit pour l'instant d'un concept. Nous n'avons pas discuté de sa concrétisation; je ne peux donc pas en parler avec précision, mais à mon avis, je crois que cela fonctionnerait.
    Merci beaucoup, monsieur Pyke, et merci beaucoup, madame Hoeppner.
    Nous passons maintenant à M. Scarpaleggia, qui a sept minutes.
    Merci beaucoup.
    Et merci d'être venu témoigner, monsieur Pyke.
    Histoire de remettre les pendules à l'heure, nous croyons que les agents correctionnels font preuve de la plus haute intégrité, qu'ils adhèrent aux valeurs de la fonction publique et que ce sont généralement des personnes honnêtes. Lorsque j'ai posé la question lors d'une précédente séance, je ne voulais pas dire qu'un agent commettrait un acte de violence physique. Je me demandais plutôt s'il serait possible, qu'en l'absence de freins ou de contrepoids suffisants, un sentiment de rancoeur personnelle pourrait se développer, ce qui, comme vous le savez, peut arriver dans les relations humaines.
    Mais depuis, vous nous avez fourni une information importante, à savoir qu'il y a effectivement des freins et des contrepoids efficaces. Par exemple, nous ne savions pas que les agents correctionnels étaient accompagnés par des collègues dans l'exercice de leurs fonctions, etc.
    Justement, le commissaire en chef a mentionné ce point la semaine dernière, mais sous un angle légèrement différent. Mais si, aux termes du projet de loi, quelqu'un était désigné plaignant quérulent et qu'en fait il avait une plainte urgente et légitime, ce qui peut arriver, quelle soupape de sécurité permettrait de savoir qu'une plainte légitime, relevant de la vie, de la liberté et de la sécurité, serait effectivement portée à votre attention? Ne nous méprenons pas, nous ne voulons pas voir les ressources du directeur, de l'établissement ou du ministère monopolisées par des plaintes qui ne sont pas légitimes.
    Aux termes du projet de loi dans sa forme actuelle, y a-t-il une mesure de vérification qui permettrait de s'assurer qu'après 100 plaintes faites par des plaignants quérulents, la 101e est effectivement grave et touche à la vie, à la liberté et à la sécurité… Y a-t-il des sauvegardes qui permettraient que cette plainte soit portée à votre attention et que l'on y donne suite?
(1605)
    Merci.
    Une fois encore, ce sont des hypothèses, car je ne sais pas ce que serait réellement la situation. Certes, je comprends le principe selon lequel toutes les plaintes présentées seraient entendues, dans le cadre du plan. Et je regrette de parler de ce plan de façon ambiguë, car je ne sais pas à quoi il ressemblerait.
    Mais ce que j'en sais, c'est qu'il serait encore possible de faire une plainte, sauf qu'on ne pourrait plus la faire selon le processus de griefs à moins qu'on ne la considère justifiée. Ainsi, vous parler de la façon dont on examinerait la 101e plainte pour déterminer si elle est… Je ne peux que parler du processus qui pourrait être mis en place lorsqu'il est démontré que la plainte est justifiée. Mais quelle en serait la justification? Elle proviendrait peut-être du bureau de l'enquêteur correctionnel qui aurait été saisi d'une préoccupation ou d'une plainte d'un tiers et qui m'aurait appelé pour m'en informer ou pour me dire qu'elle est justifiée.
    Je ne peux que parler de ce que je connais, de ce que j'ai vu et de ce que je comprends. Et ce que je comprends, c'est que les plaintes seraient toujours examinées. Vous dire la façon dont nous déterminerions, sans aucune équivoque, que la plainte n'est pas justifiée… Ce serait la question que je poserais à l'enquêteur en tant que chef de l'établissement. Comment déterminons-nous que la plainte n'est pas justifiée? Est-ce parce qu'elle vise toujours le même employé? Il faudrait que je vois alors les résultats du rapport d'enquête.
    Je ne puis donc vous en parler de façon précise et je le regrette. Je ne sais tout simplement pas en quoi cette mesure consisterait au plan opérationnel.
    En quoi le projet de loi vous fait-il gagner du temps? Vous dites que vous vous occupez encore des plaintes, mais qu'elles ne sont pas transmises à un niveau supérieur, ce qui fait gagner du temps à quelqu'un, je suppose. Mais comment gagnez-vous du temps si vous continuez à vous occuper des plaintes ?
    Pour vous le dire bien franchement et du point de vue du directeur, parce que je m'occupe du premier palier de la procédure de règlement des griefs. C'est donc un gain de temps considérable pour mon service, qui n'aurait plus à s'occuper des autres procédures du premier palier.
    Le plan serait un élément essentiel pour limiter le déroulement du processus, les arguments valables que le détenu aurait à faire valoir ou la justification étayant la plainte.
    Je suppose que cela me faciliterait la tâche, puisque la plainte ne dépasserait pas le premier palier qui relève de moi. Pour être tout à fait franc, il y a des plaintes de premier palier qui sont légitimes, mais qui ne sont pas traitées à temps en raison des autres plaintes non fondées qui passent par les divers paliers du processus de griefs.
    Je pense donc qu'au premier palier des griefs — celui dont je m'occupe —, ce serait utile. Je ne peux pas parler de la nature du plan ou de ses avantages tant qu'il ne sera pas déployé, s'il l'est jamais. Encore une fois, je n'ai pas suffisamment d'informations.
    C'est ça, vous ne le savez pas encore.
    Vous avez pour l'instant le pouvoir de désigner quelqu'un comme auteur de plaintes à répétition. Quels pouvoirs avez-vous en la matière?
    Ce que j'ai compris à ce sujet est que si quelqu'un est désigné auteur de plaintes à répétition, vous ne pouvez pas ne pas tenir compte de sa plainte, mais vous pouvez en quelque sorte la mettre de côté si vous jugez que vous n'avez pas les ressources pour vous en occuper en temps opportun. Est-ce que c'est vrai? Comment cela fonctionne-t-il?
    Oui, c'est…
    Avez-vous eu recours à ce processus?
    Je n'y ai pas eu recours moi-même, mais l'équipe de gestion dont j'ai fait partie s'en est servi pour les auteurs de griefs multiples.
    En ce qui me concerne, je crois effectivement qu'on peut limiter ces griefs à deux par mois. C'est un critère quantitatif, de nature statistique. On ne tient pas compte de la nature du grief ou de la plainte, mais seulement de leur nombre.
    Vous savez, je ne crois pas que la politique actuelle règle quoi que ce soit. Tout ce qu'elle fait… Je dis essentiellement aux détenus: « Vous pouvez continuer à présenter 10 griefs par mois. Je ne donnerai suite qu'à deux. Mais j'ai le devoir de répondre à tous les griefs présentés à temps; tout ce que je fais, c'est de fixer un calendrier selon lequel vous n'aurez que deux réponses »…
    M. Francis Scarpaleggia: C'est la charge de travail qui fait la loi, n'est-ce pas?
    M. Jay Pyke: Oui.
    Merci, monsieur Scarpaleggia. Votre temps de parole est largement dépassé.

[Français]

    Madame Morin, vous disposez de cinq minutes.
(1610)
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord remercier nos témoins d'être avec nous cet après-midi.
    Ma première question porte sur les plaignants dans les prisons. Pouvez-vous confirmer que certains d'entres eux ont des problèmes de santé mentale?

[Traduction]

    Oui, dans mon établissement, 50 p. 100 et plus de la population ont régulièrement recours aux services de santé mentale et ont fait l'objet d'un diagnostic en la matière.
    En fait, certains des griefs et des plaintes que je reçois proviennent d'un groupe de gens qui souffrent de maladie mentale.

[Français]

     Pouvez-vous également confirmer que les plaignants quérulents peuvent être des personnes qui pourraient possiblement avoir un problème de santé mentale, bref, des personnes qui auraient besoin d'aide? Cela pourrait-il en être ainsi?

[Traduction]

    Cela pourrait être le cas si nous prenions connaissance de la nature de la plainte et que nous l'examinions. Mais je peux dire que cela ne s'applique pas aux trois détenus actuels du pénitencier de Kingston auxquels nous faisons allusion. Vous savez, si nous recevions une plainte ou un grief qui semble sortir de l'ordinaire, cela nous enverrait certainement un signal…
    En tant que directeur, je peux vous dire que je reçois souvent de la part des détenus des demandes qui signalent sans aucun doute l'existence d'un problème. En l'occurrence, le détenu est dirigé vers le service de psychologie.
    Mais, selon mon expérience d'environ 13 ans dans ce pénitencier, je peux vous dire avec certitude que cela ne fait pas partie d'un mécanisme. Évidemment, nous ne fermerions pas les yeux si le grief ou la plainte laissait supposer un problème de ce genre, mais, d'après ce que j'ai pu constater, cela n'arrive pas tous les jours.
    Madame Morin.

[Français]

    Dans ce projet de loi, on parle justement d'un plan pour corriger la situation des délinquants qui sont des plaignants quérulents.
     En tant que directeur d'une institution, pourriez-vous possiblement concevoir un programme de ce genre pour votre pénitencier? Auriez-vous pu y penser?

[Traduction]

    Merci.
    Encore une fois, même si l'élaboration d'une politique nationale n'est pas de mon ressort, j'y ai certainement réfléchi. Je parle depuis longtemps — et je continuerai de le faire — de stratégies d'intervention fondées sur la motivation et de programmes correctionnels qui tiennent compte des aptitudes à la pensée cognitive et du règlement de problèmes. Le plan correctionnel pourrait donc comporter des réponses à ces besoins dynamiques. Nous l'espérons en tout cas et, au bout de six mois, nous pourrions en constater la portée positive et dire: « D'accord, puisque vous avez respecté vos engagements, nous sommes absolument prêts à réexaminer le plan de bonne foi. »
    Je le répète, je ne parle absolument pas au nom du commissaire ou des responsables de la politique à l'administration centrale, mais j'ai réfléchi à la question. Je pense que nous pourrions certainement utiliser des mécanismes qui s'avéreraient très utiles.

[Français]

    Je ne poserai pas de question hypothétique; je vais plutôt parler d'une situation qui pourrait peut-être se produire.
    Admettons que la population carcérale augmente. Ce genre de projet de loi, qui empêcherait certains détenus de se plaindre, ne créerait-il pas certaines situations de violence? Les détenus ne pouvant se plaindre, ils utiliseraient alors d'autres moyens.
    Croyez-vous que cela pourrait nuire, par exemple, à l'atmosphère dans votre établissement ou dans d'autres établissements?

[Traduction]

    Votre commentaire est pertinent.
    Pour vous le dire franchement, je pense que le projet de loi serait utile, car si la population de détenus augmente, la probabilité qu'il y ait parmi eux des plaignants quérulents ou des auteurs de griefs non fondés est faible au plan statistique, d'après ce que nous savons de cette population. Sans le projet de loi, les tensions pourraient s'aggraver si les délais prennent toujours autant de temps à respecter et que la population augmente. Par exemple, si un détenu présente en moyenne quatre plaintes par an, les plaintes non fondées et vexatoires engorgeront le système. Si nous n'avons pas à nous en occuper, nous serons davantage en mesure de respecter les délais prévus par la loi pour les nouveaux détenus. Autrement dit, il devrait y avoir moins de signes précurseurs de problèmes. Les détenus n'ayant pas de nouvelles de la direction, leur plainte n'en aura que moins de poids. D'après mon expérience, j'y vois plutôt un avantage. S'agissant de la violence dans les établissements, nous avons toute une gamme de mesures de vérification et autres liées à ces indicateurs.
    J'espère que j'ai répondu à votre question.
(1615)
    Merci, madame Morin.
    Merci, monsieur Pyke.
    Nous revenons à M. Leef.
    Allez-y, je vous prie, monsieur Leef.
    Merci.
    Monsieur, dans votre rapport, vous avez mentionné que beaucoup de plaintes entraînent une grande frustration chez les employés qui doivent continuer de traiter les plaintes qui ne sont pas justifiées. J'aimerais parler des employés qui font l'objet d'une plainte. Observe-t-on un effet quelconque sur les employés qui font l'objet de ces plaintes frivoles? Ont-ils un plus haut niveau de stress et de frustration?
    Tout à fait. Si vous le permettez, je parlerai des huit plaintes de harcèlement déposées par un détenu et pour lesquelles j'ai demandé l'intervention d'un comité externe d'examen. Les plaintes créent beaucoup d'anxiété chez les gens. Ils voient arriver du personnel de l'administration centrale, de l'administration régionale et d'un autre établissement; leur réaction immédiate est de se demander ce qu'ils ont fait de mal.
    Après l'examen, j'ai parlé à ces personnes pour leur expliquer que c'est une question de transparence. Je peux vous dire que tout genre d'examen s'accompagne d'anxiété et que n'importe lequel d'entre nous en souffrirait si nous avions le sentiment de faire notre travail et qu'un comité externe d'examen viendrait soudainement chercher la bête noire, en quelque sorte, ou tout examiner.
    Donc, oui, cela entraîne du stress, c'est certain.
    De toute évidence, cela a parfois tendance à créer de l'animosité entre les détenus et le personnel en cause. Cela nuit au moral. Vraiment, cela a un effet sur le moral de ces gens; certains sont plus touchés que d'autres. Certains l'acceptent très bien et disent qu'on peut sans problème leur poser des questions. D'autres se sentent personnellement visés. Ils ont l'impression qu'il s'agit d'un processus dans le cadre duquel ils pourraient faire l'objet, à leur avis, de ce qui est un examen ou d'une supervision injuste, alors qu'ils ne font que leur travail.
    D'après ce que j'ai constaté personnellement et les conversations que j'ai eues avec ces personnes, je peux vous dire que cela peut certainement avoir un effet sur le moral et une incidence sur leurs décisions et leur travail quotidien.
    En fonction de votre expérience — à votre connaissance — cela entraîne-t-il une augmentation des absences pour raisons de stress ou de maladie, notamment? Dans une certaine mesure, cela pourrait-il causer une certaine baisse de la motivation des employés qui travaillent directement auprès du détenu qui a déposé une plainte et peut-être même par rapport à l'ensemble de la population carcérale?
    En conséquence, cela entraînerait-il une hausse des coûts pour l'établissement, tant au chapitre des ressources humaines que des ressources financières?
    C'est une excellente question.
    Je n'ai pas de statistiques précises pour appuyer ce que je m'apprête à dire. Je suis désolé.
    Une personne qui est touchée et qui ressent un stress plus élevé utilise-t-elle ses congés? Ces personnes utilisent-elles leurs congés de maladie ou note-t-on une augmentation à ce chapitre? Oui. Elles peuvent certainement le faire. Je ne peux parler qu'en mon nom, à titre personnel. Si je me sens stressé, si j'ai l'impression que le climat de travail est légèrement empoisonné, ai-je plus tendance à demander de l'aide ou à prendre congé? Sans aucun doute.
    L'autre chose, c'est que nous avons un programme d'aide aux employés. C'est confidentiel; donc, je ne sais pas combien d'employés du service y ont recours. Je n'ai pas accès à ces renseignements. Ce serait une partie importante. À mon avis, ce serait sans doute une ressource qu'on utilise, mais je ne connais pas les détails.
    D'accord.
    Vous avez parlé longuement de la procédure de règlement des griefs. Quand on entend qu'il y a 500 griefs, cela représente une moyenne de plus d'un par jour. Pouvez-vous nous en donner un bref aperçu?
    Je suppose que chaque grief ne s'accompagne pas seulement d'une seule feuille de papier. Pouvez-vous nous donner un aperçu de l'épaisseur que peuvent avoir ces dossiers, étant donné les enquêtes en profondeur qui sont nécessaires? Affirmer qu'il y a un grief par jour est une chose, mais pouvez-vous nous donner une idée de l'ampleur que peuvent prendre ces griefs pour vous et votre personnel?
(1620)
    D'accord. Honnêtement, c'est souvent Melinda qui prépare les documents, et je sais qu'elle a probablement hâte de prendre la parole. Cependant, je dirais que certains dossiers peuvent être incroyablement épais. Le problème, c'est que nous devons inclure les enquêtes précédentes parce que souvent, on essaie de présenter un nouveau grief ou une nouvelle plainte par rapport à un problème similaire. En fait, nous incluons les enquêtes précédentes dans le dossier pour éviter d'enquêter de nouveau sur une question qui a déjà été traitée.
    L'autre chose, c'est que dans certains cas, les gens déposent trois griefs dans un seul dossier. Un des griefs pourrait porter sur le rendement du personnel; un autre, sur les soins de santé et un troisième, sur l'admission et la libération. Ils sont tous dans le même dossier. Le coordonnateur doit séparer chacune des questions du dossier et créer un dossier distinct pour chacun des griefs. Donc, c'est très...
    Nous passons maintenant à M. Sandhu, pour cinq minutes.
    Merci d'être avec nous, monsieur Pyke.
    J'ai hâte d'aller vous rencontrer en personne à un moment donné.
    M. Jay Pyke: Excellent.
    M. Jasbir Sandhu: Aux fins du compte rendu, l'opposition officielle considère que le SCC devrait traiter et régler les plaintes qui sont vraiment fondées.
    Monsieur Pyke, quels sont les critères utilisés pour déterminer qu'une plainte est fondée?
    Eh bien, en toute franchise, c'est le but initial de l'enquête. Lorsqu'un grief est déposé, si cela concerne les soins de santé, par exemple, et qu'il est indiqué qu'on a demandé une consultation avec un médecin et qu'on n'a pas été en mesure d'en obtenir une dans les 30 jours ou quelque chose du genre… Dans notre enquête, nous irions au Service de santé et nous nous informerions auprès du personnel infirmier ou du chef des services de santé pour savoir si cette personne a été rencontrée ou si elle a un rendez-vous.
    Souvent, on découvre que la personne a rencontré le médecin ou a un rendez-vous. La clinique est... Certains de ces délinquants sont détenus depuis assez longtemps. À titre de citoyen canadien, il faut reconnaître que parfois, on n'obtient pas tout ce qu'on veut immédiatement. La clinique n'est ouverte que certains jours. Donc, pour ce qui est du délai, la plainte est fondée. Cependant, le problème réel, c'est qu'on ne lui a pas fourni les bons renseignements par rapport aux délais ou à ce que cela fait intervenir.
    Malheureusement, les plaintes frivoles ou vexatoires sont décelées seulement après enquête et après qu'on ait déterminé sans équivoque qu'elles n'étaient pas fondées. Un exemple sur l'augmentation du nombre de plaintes de harcèlement. En ma qualité de directeur, c'est très préoccupant; j'ai soudainement une série de plaintes de harcèlement déposées contre le personnel par un seul détenu.
    On peut faire l'objet d'un examen externe. Tous les cas sont étudiés de façon indépendante par des gens qui ne sont pas connus au sein de l'établissement et qui ne connaissent aucunement la culture institutionnelle. La réponse, c'est qu'outre le fait que le détenu s'est fait dire, à l'heure du couvre-feu, de raccrocher le téléphone et qu'il a été invité à se rendre en cellule, notamment, la plainte n'était pas fondée.
    Je ne sais pas si cela répond à votre question.
    Monsieur le directeur, je vais vous arrêter ici parce que j'ai des questions complémentaires et que je n'ai que cinq minutes.
    Conviendriez-vous que si après enquête, on constate qu'un grief est fondé ou non...
    Non, je crois que le but d'enquête est de déterminer, à ce moment-là, si c'est fondé ou non. C'est ainsi que nous déterminons la marche à suivre: le grief est-il fondé?
    M. Jasbir Sandhu: Exactement.
    M. Jay Pyke: Si c'est fondé, nous allons l'accepter ou l'accepter en partie. S'il ne l'est pas...
    Exactement. Donc, vous consacrez beaucoup de temps à enquêter pour savoir si un grief est fondé ou non.
    Ma question complémentaire serait la suivante. S'il faut beaucoup de ressources pour déterminer si une plainte est fondée et que ce sont celles sur lesquelles on devrait faire enquête — les plaintes fondées —, diriez-vous que...?
    Dans votre exposé, vous avez dit que le processus d'enquête sur les plaintes frivoles et toutes ces choses exerce une grande pression sur votre personnel, mais en fait, l'enquête aurait lieu avant qu'on ait déterminé la nature de la plainte ou que beaucoup de ressources sont déjà dépensées avant qu'on détermine si une plainte est fondée ou non.
    Diriez-vous que vous manquez de ressources, que vous avez moins de ressources pour accomplir votre travail, pour déterminer si ces plaintes sont fondées ou non?
    En réalité, je... Vous savez, c'est à l'enquête initiale qu'on consacre les ressources. Au début, on traite toutes les plaintes comme si elles étaient fondées. Ce que l'on constate, c'est qu'après de nombreuses enquêtes — j'en ai mentionné trois d'entre elles dans mon exposé —, et souvent des dizaines d'enquêtes ou plus, dans certains cas, les plaintes ne sont pas fondées.
    Donc, je pense que la façon dont on étudie ces cas — c'est-à-dire l'ajout de la responsabilité additionnelle qui consiste à faire la preuve du bien-fondé de la plainte avant qu'une enquête ne soit entreprise — est un élément clé de cette partie de la politique proposée.
(1625)
    Donc, les ressources sont déjà dépensées.
    Dans votre document, vous avez aussi indiqué ceci:
Il est également important de noter que, dans les cas des trois principaux plaignants du Pénitencier de Kingston, plusieurs plaintes sont passées au premier palier...
    Pouvez-vous nous dire combien?
    Non; je suis désolé. Je peux sans doute fournir ces renseignements au comité. Je sais que nous avons très peu de temps. Je n'ai pas ce chiffre sous les yeux, mais je peux certainement le fournir au comité.
    Combien de temps vous faut-il pour étudier une plainte? Parle-t-on d'heures, de minutes...?
    Cela dépend de la nature de la plainte. Dès qu'elle est déposée dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, je reçois un document sur le travail qui a été fait jusqu'à ce point. Selon ce qui est indiqué dans la plainte au moment de passer à l'étape suivante, cela peut sans doute entraîner...
    Encore une fois, je citerai l'exemple de l'enquête indépendante: telle était ma réponse aux préoccupations.
    Merci beaucoup.
    Je constate que le temps est écoulé. Merci d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui. Nous vous remercions d'avoir été avec nous tous les deux pour répondre à nos questions et d'avoir présenté un mémoire au comité.
    M. Jay Pyke: Merci.
    Le président: Mesdames et messieurs les députés, la sonnerie pourrait se faire entendre. Ce n'est pas tout à fait certain, mais c'est possible. Donc, nous voulons passer à la prochaine partie de la réunion le plus vite possible.
    Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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