SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 24 avril 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bon après-midi, chers collègues, et bienvenue au Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous sommes mardi, le 24 avril 2012.
Nous reprenons nos travaux après un congé de deux semaines. Je vous souhaite la bienvenue à tous. Il est bon de voir que vous êtes tous ici même s'il y a eu des changements à l'ordre du jour et à l'heure des votes.
Nous poursuivons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-293, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (plaignants quérulents).
À notre réunion d'aujourd'hui, nous allons entendre le Bureau de l'enquêteur correctionnel. Nous recevons M. Ivan Zinger, directeur exécutif et avocat général, et Howard Sapers, enquêteur correctionnel.
Nous avons hâte d'entendre vos observations sur ce projet de loi. Bien que nous débutions un peu en retard, j'espère que nous allons pouvoir continuer un peu plus tard que 16 h 30. À cause du changement à l'ordre du jour et à l'horaire, nous allons probablement lever la séance à ce moment-là, si cela vous convient.
Très bien, merci.
Monsieur Sapers, nous aimerions bien entendre votre déclaration préliminaire, si vous en avez une.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Comme toujours, c'est un plaisir de comparaître devant vous et vos collègues du comité. Je veux tous vous remercier de me donner l'occasion de parler du projet de loi C-293.
Le directeur exécutif et l'avocat général de mon bureau, M. Zinger, est ici également. M. Zinger parlera brièvement du rôle de mon bureau et de ce que nous faisons dans le cas de délinquants qui présentent des plaintes multiples.
Je parlerai ensuite de l'importance d'une procédure interne de règlement de grief qui est accessible, juste et expéditive. Enfin, je ferai quelques observations sur le système actuel de règlement des griefs du Service correctionnel du Canada et je présenterai des suggestions pour le modifier.
Cela dit, je donne la parole à M. Zinger.
[Français]
Chaque année, notre bureau reçoit environ 6 000 plaintes des délinquants. En 2010-2011, les 18 enquêteurs de notre bureau ont passé plus de 370 jours dans les pénitenciers fédéraux et ont interrogé plus de 2 100 délinquants. Lors du dernier exercice, le bureau a reçu plus de 20 000 appels sur notre ligne 1-800 et a mené plus de 1 200 examens de recours à la force.
Le bureau peut mener des enquêtes sur les plaintes des délinquants sous responsabilité fédérale de son propre gré, peu importe si les délinquants ont présenté des plaintes semblables dans le cadre du système de règlement de plaintes et de griefs du Service correctionnel du Canada. S'il estime que c'est judicieux, notre bureau peut demander aux délinquants d'épuiser tous les recours qu'offre la procédure interne de règlement de griefs avant d'examiner leurs plaintes. Lorsque le plaignant soulève une question importante ou de nature prioritaire, comme un transfèrement imposé ou un placement en isolement préventif, le bureau mène généralement une enquête, même si le délinquant a déjà déposé un grief sur la même question auprès du Service correctionnel. Si la plainte est fondée, le bureau recommande au Service correctionnel des mesures pour régler le problème de manière juste et rapide.
Le bureau a les mêmes clients que le Service correctionnel du Canada. Il reçoit aussi un grand nombre de plaintes des quelques auteurs de griefs multiples que le projet de loi qualifierait de plaignants quérulents. Bien que le bureau ait plus de marge de manoeuvre que le Service correctionnel dans ses rapports avec les auteurs de griefs multiples, il a pour politique de répondre à toutes les plaintes, peu importe leur source. D'après notre expérience, même les auteurs de griefs multiples présentent des plaintes légitimes. Toujours d'après notre expérience, les plaintes frivoles, vexatoires, non fondées ou entachées de mauvaise foi sont faciles à repérer et, par conséquent, n'exigent pas de suivi intensif.
Notre expérience montre qu'un grand nombre d'auteurs de griefs multiples exhibent des symptômes associés à des troubles de santé mentale, comme la paranoïa, le narcissisme ou des comportements obsessifs compulsifs. En fait, leurs troubles de santé mentale sont peut-être en partie responsables de leurs comportements délinquants. Les auteurs de griefs multiples peuvent être instables, épineux, obsessifs ou compulsifs quant aux détails ou paranoïaques à l'endroit des personnes en situation d'autorité.
Les mesures proposées pour les désigner comme plaignants quérulents et tenter de les empêcher de se plaindre ne donneront probablement pas les résultats escomptés, car elles ne règlent pas le problème de santé mentale ou de dysfonctionnement de la personnalité à l'origine du comportement. S'ils ne peuvent pas utiliser la procédure interne de règlement de griefs, ces délinquants pourraient tout simplement changer de point de mire et inonder, par exemple, les directeurs de pénitencier avec de la documentation pour établir le bien-fondé de leurs nouvelles plaintes ou contester leur désignation en tant que plaignants quérulents en exigeant un contrôle judiciaire ou, encore, présenter des plaintes à des organes quasi judiciaires comme notre bureau.
[Traduction]
Merci, monsieur Zinger.
Je m'interroge depuis longtemps sur la capacité du SCC d'offrir une procédure de règlement accessible, juste et expéditive des griefs, conformément à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En fait, le bureau a été créé en 1973 et chaque année depuis, il soulève des dysfonctionnements de la procédure interne de règlement des griefs.
Il ne faut pas oublier que le bureau a été créé à la suite d'une émeute sanglante et mortelle au pénitencier de Kingston en 1971. La commission d'enquête formée pour examiner cet incident en 1971 a déterminé que l'absence d'un système crédible de règlement des plaintes des détenus était l'un des principaux facteurs ayant mené à cette terrible confrontation.
Dans mon rapport annuel de 2007-2008, j'ai présenté en détail les inquiétudes de longue date du bureau au sujet du système interne de règlement des griefs du Service correctionnel du Canada. Permettez-moi maintenant de vous résumer ces inquiétudes, vu l'obligation, prévue par la loi, pour le Service correctionnel d'offrir une procédure de règlement accessible, juste et expéditive des griefs des délinquants.
Au fil des ans, mon bureau a étudié de nombreuses plaintes concernant l'accès à la procédure interne de règlement des plaintes et des griefs et a également enquêté sur la question. La marche à suivre pour recueillir les plaintes et les griefs dans les boîtes sous clé et donner suite aux griefs prioritaires, comme ceux concernant les placements en isolement, varie et manque d'uniformité.
Un des exemples les plus tragiques est celui d'Ashley Smith. Même si le Service correctionnel du Canada avait rejeté ses sept plaintes concernant ses conditions d'incarcération, Ashley a tenté une dernière fois avant sa mort d'améliorer son sort en déposant une plainte dans une enveloppe cachetée dans la boîte désignée à cet effet de son unité à l'établissement Grand Valley. Inexplicablement, le Service correctionnel n'a ouvert l'enveloppe contenant cette plainte jugée hautement prioritaire que seulement deux mois après la mort d'Ashley.
Mon bureau a émis de manière persistante des réserves quant à la capacité de la procédure de règlement des griefs du Service correctionnel de donner lieu systématiquement à des décisions justes. Les retards excessifs accusés pour répondre aux délinquants peuvent entraîner des conséquences injustes, même si la décision était au fond correcte. Par exemple, le délinquant en isolement qui doit attendre six mois pour qu'on en arrive à la conclusion que le placement est injustifié ne sera pas très soulagé par cette décision alors qu'il a dû endurer ces conditions pendant tout ce temps.
Comme je l'ai mentionné, Ashley Smith a déposé sept plaintes durant son incarcération à l'établissement Nova. Mon rapport d'enquête final, intitulé Une mort évitable, montre que ces sept plaintes ont été désignées à tort des plaintes ordinaires plutôt que de haute priorité.
J'ai terminé mon rapport d'enquête sur la mort évitable d'Ashley Smith, en déclarant:
S'il y avait eu un processus interne juste, efficace et souple, permettant de répondre en temps opportun aux plaintes, il aurait été possible d'améliorer considérablement les conditions de détention excessivement restrictives et déshumanisantes imposées à Mme Smith.
Selon moi, les plaintes de cette détenue ont été rejetées sans bonne raison.
Environ 30 p. 100 des plaintes des détenus sont accueillies au deuxième ou au troisième palier, soit au palier régional ou national, infirmant ainsi la décision prise localement ou par l'établissement à savoir que la plainte n'était pas fondée. Ce pourcentage étonnamment élevé s'explique peut-être par le refus de certains directeurs d'établissement de donner gain de cause aux détenus en établissement. Les directeurs préfèrent peut-être que leurs décisions soient renversées par les autorités régionales ou nationales que de rendre des décisions qui déplairont à leur personnel.
Au fil des ans, Service correctionnel du Canada a considérablement prolongé les délais de réponses aux plaintes des détenus, rendant pratiquement le système inefficace et inopérant. La procédure actuelle a été mise en place en réponse au Rapport à la Chambre du Sous-comité sur le régime d'institutions pénitentiaires au Canada de 1977.
Au début, le Service correctionnel avait 10 jours ouvrables pour répondre aux plaintes à chacun des paliers: 40 jours entre le dépôt de la plainte et la réponse écrite. À la fin des années 1990, le SCC a prolongé de 5 à 15 jours le délai de réponse pour les plaintes prioritaires, et de 15 à 25 jours le délai dans les autres cas. Plus récemment, pour tenter d'éviter de constamment manquer à sa propre politique, le SCC a prolongé à nouveau le délai d'examen des plaintes au troisième palier, le palier national, en le faisant passer de 25 à 80 jours dans le cas des plaintes non prioritaires, et de 15 à 60 jours dans le cas de plaintes prioritaires.
Ce qui signifie que de nos jours, il peut se passer plus de 150 jours ouvrables, ou sept mois, entre le dépôt d'une plainte non prioritaire et le règlement au troisième palier, ce qui ne comprend pas les prolongements officiels. Plus important encore, le traitement des plaintes hautement prioritaires dépasse maintenant 100 jours, soit près de cinq mois. Le plus troublant, c'est que la politique prévoit que les jours supplémentaires résultant d'un prolongement officiel ne sont pas comptés. Dans l'effet, une plainte non prioritaire peut prendre un an à faire son chemin tarabiscoté d'un palier à l'autre compte tenu des prolongements. Cette pratique n'est ni efficace, ni sécuritaire.
Par la suite de mon enquête sur l'affaire Ashley Smith, j'ai recommandé que le Service correctionnel ordonne immédiatement un examen externe de ses opérations et politiques touchant le règlement des griefs des délinquants. Le SCC a finalement accepté ma recommandation et a demandé à M. David Mullan, un professeur de l'Université Queen's, de mener cet examen indépendant et spécialisé.
Dans son rapport exhaustif rendu en 2010, M. Mullan a présenté 65 recommandations pour redresser le système de règlement des griefs du SCC. Bien qu'il s'agissait d'un excellent rapport, seulement quelques-unes des recommandations ont été mises en place à ce jour, notamment un projet pilote de médiation, de la formation et quelques mesures administratives de peu d'importance.
Il importe de noter que M. Mullan s'est également penché sur la question des auteurs de griefs multiples. Ses recommandations à ce sujet se limitaient toutes à des changements aux politiques et aux pratiques opérationnelles. Il n'a nullement — nullement — recommandé de changement à la loi. En fait, M. Mullan a seulement soulevé une question nécessitant l'intervention du Parlement, soit l'élimination du deuxième palier, le palier régional, pour écourter le processus de règlement des plaintes des détenus.
Les préoccupations touchant la gestion par le SCC de la procédure de règlement des plaintes des détenus sont loin de se limiter aux auteurs de griefs multiples. En réalité, je crois que ce projet de loi détourne l'attention des problèmes très concrets auxquels fait face le SCC. Le projet de loi C-293 envoie le mauvais message, parce qu'il banalise les plaintes des détenus et minimise la responsabilité du SCC.
Les problèmes soulevés par les détenus offrent un moyen de juger du professionnalisme et du caractère humanitaire de nos services correctionnels. Les plaintes qui peuvent sembler non fondées à première vue peuvent s'avérer significatives lorsqu'on les examine. Ce qui peut paraître banal aux yeux de la plupart des gens peut être sérieux pour les détenus en raison de la nature de la vie en prison.
Nous ne devrions pas songer à des mesures qui réduiraient la responsabilité du SCC d'offrir une procédure de règlement des griefs juste et expéditive.
Les députés ne doivent pas oublier qu'il existe déjà des mécanismes internes pour les auteurs de plaintes vexatoires ou non fondées. C'est aller de main lourde selon moi que d'utiliser la loi lorsque des politiques sont déjà en place.
D'après moi, le projet de loi C-293 ne réglera pas les problèmes qu'il cherche à éliminer et ne fera qu'alourdir, plutôt qu'alléger le fardeau administratif du service correctionnel. Les nouvelles mesures législatives n'empêcheront pas les plaintes vexatoires. Il sera plus efficace et moins coûteux à long terme de mettre en place de bonnes pratiques, une bonne gestion et de bien appliquer la politique actuelle du SCC.
Les griefs et le respect des politiques sont au coeur des activités de mon bureau. Au cours des 5 dernières années, nous avons reçu plus de 25 000 plaintes de détenus et mené plus de 10 000 enquêtes. Nous faisons affaire avec des auteurs de plaintes multiples, tout comme le SCC. Nous gérons leurs cas dans les limites des cadres législatifs et stratégiques existants.
J'invite le comité à mettre de côté le projet de loi et à examiner l'ensemble du système de règlement des griefs du SCC. Mes recommandations passées et celles de M. Mullan pourraient éclairer la voix en vue d'apporter des changements à la loi pour régler les véritables problèmes auxquels fait face le Service correctionnel. Dans cette optique, le comité pourrait examiner la possibilité d'apporter des changements législatifs aux points suivants: les délais raisonnables; l'obligation de recourir à des médiateurs, des rencontres mensuelles obligatoires avec les agents de libération conditionnelle du SCC; et l'élimination du deuxième palier, ou palier régional, du traitement des plaintes.
Ces propositions sont beaucoup plus susceptibles de simplifier le processus actuel et d'améliorer la responsabilisation que de limiter l'accès de quelques auteurs de griefs multiples. Dans un contexte où les cas de recours à la force, de violences par les détenus, de blessures subies par les détenus, d'automutilation, de double occupation des cellules, de placements en isolement et d'isolement cellulaire se multiplient, il est important de rappeler au Parlement qu'il est facile de faire fi des préoccupations des détenus, mais qu'il n'est peut-être pas judicieux de le faire, si l'on se fie au passé.
Je vous remercie encore une fois de votre invitation. Merci de votre attention. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci beaucoup, monsieur Sapers.
Nous allons passer à la première série de questions.
Nous débutons par Mme Hoeppner, s'il vous plaît, pour sept minutes.
Merci beaucoup MM. Sapers et Zinger. Merci d'être ici.
Je n'ai que quelques questions brèves.
Monsieur Sapers, savez-vous combien de plaintes sont déposées auprès du SCC chaque année? Connaissez-vous ce chiffre?
Nous avons reçu, comme je l'ai mentionné, 20 000 appels à notre numéro 1-800. Nous avons fait l'équivalent de centaines de jours d'entrevue. Nous avons probablement mené 1 300 enquêtes complètes, et 900 autres sur l'utilisation de la force.
Je suis certaine que vous connaissez très bien le processus d'examen des plaintes du SCC. Pourriez-vous expliquer au comité les différences entre ce processus et celui de votre bureau en ce qui concerne le traitement des plaintes?
Pourriez-vous débuter par le SCC?
La loi qui a créé mon bureau, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la même loi qui a créé le service correctionnel du Canada, me permet de décider comment je traite les plaintes. Alors j'ai plus de flexibilité, comme nous l'avons déjà dit.
Le Service correctionnel du Canada a mis en place, dans la pratique, un système à quatre paliers. Cependant, le Service correctionnel n'a jamais utilisé toutes les options disponibles pour gérer les plaintes des détenus.
Je vais vous donner deux exemples. Si un détenu se plaint auprès d'un gestionnaire correctionnel à l'institution même, on peut traiter cette plainte de façon informelle. Le directeur d'établissement peut la renvoyer à un comité externe. Le directeur a également la capacité de créer un comité de détenus pour l'institution. L'administrateur correctionnel possède un certain pouvoir discrétionnaire afin de gérer de façon informelle la situation, et bien sûr, nous savons suite à l'examen de M. Mullan, qu'il serait possible d'utiliser plus largement la médiation comme processus informel de résolution de conflits.
Au contraire, nous voyons que plusieurs plaintes ne sont pas traitées avant qu'elles aient dépassé les délais prévus. Cela mène ensuite à une deuxième plainte, à propos de l'absence de réponse, qui est ensuite traitée par le palier suivant. Habituellement, ce traitement au palier suivant ne se fera pas de façon expéditive, ce qui amène encore moins de satisfaction et plus de plaintes, produisant alors des arriérés au troisième palier.
C'est cette tendance habituelle de ne pas traiter les problèmes au palier le plus bas, immédiatement, qui rend le problème bien pire dans la réalité.
Je ne veux pas mettre des mots dans votre bouche, mais il me semble que vous dites au comité que la raison pour laquelle le SCC traite directement des plaintes frivoles ou vexatoires qu'il reçoit à son palier est fondamentalement... Vous blâmez le SCC et la façon dont il gère les plaintes.
Eh bien, si vous regardez n'importe lequel des rapports de mon bureau, depuis 1973, vous verrez que nous avons fait des observations sur la capacité ou l'incapacité du SCC de respecter son obligation légale d'avoir un processus juste et expéditif de traitement des plaintes. Ce système est dysfonctionnel pour plusieurs raisons.
Même les plaignants multiples peuvent avoir de multiples griefs légitimes. Les griefs qui sont peut-être frivoles ou vexatoires peuvent être traités dans le cadre stratégique existant. Nous en recevons également.
Vous avez dit que vous avez plus de latitude. Je pense que c'est le mot que vous avez utilisé. Vous pouvez traiter les plaintes frivoles et vexatoires d'une façon différente du SCC.
Nous avons entendu l'exemple du « Ma crème glacée est trop froide ». Je me demande si vous pourriez décrire comment le SCC, alors qu'il se voit imposer des obligations légales de suivre un certain processus avec une telle plainte... Comment vous ou le SCC traiterait une telle plainte?
Vous savez, il y a des problèmes lorsque l'on prend des exemples comme « Ma crème glacée est trop froide » ou « Mon ampoule est trop chaude », parce que je peux vous dire que nous traitons des plaintes sur la froideur de la crème glacée ou la chaleur des ampoules également.
Si on vous sert votre repas à travers une fente dans la porte de votre cellule, et que vous avez un bâtonnet pour manger votre crème glacée, ce qui constitue une gâterie dans ces institutions...
... et vous ne pouvez pas la manger parce qu'elle est trop dure, cela peut mener à une plainte, tout comme cela peut mener à une plainte d'être assis sur le lit du haut d'une cellule conçue pour une personne, et que votre tête ne soit qu'à quelques pouces d'une ampoule que vous ne contrôlez pas, et que vous ne pouvez allumer et éteindre. Vous pourriez vous plaindre, pendant un après-midi de juillet, que votre ampoule est trop chaude. Alors, il est très trompeur de prendre ces choses hors contexte.
Nous recevons ces plaintes. Nous les examinons dans leur contexte et nous décidons comment procéder. Un gestionnaire correctionnel ou un directeur d'établissement pourrait faire la même chose.
Si j'étais directeur d'établissement ayant affaire aux détenus qui déposent des plaintes multiples et frivoles, je pense que je ferais en sorte qu'il y ait un processus de médiation et un comité de détenus en activité. J'utiliserais ce processus et je lui permettrais de faire ce qu'il devrait faire, c'est-à-dire, franchement, de diminuer autant que possible le nombre de ces plaintes dans le système officiel.
Ce que nous avons entendu, non seulement des directeurs d'établissement, mais du commissaire, c'est que le processus ne permet pas ce type de souplesse. Je pense que vous avez même cité le rapport de M. Mullan. Il a parlé du problème des utilisateurs fréquents — il les appelle les utilisateurs fréquents:
Pour certains de ces plaignants fréquents, l'objectif semble n'être rien d'autre que d'entraver le système et même de le bloquer complètement.
Alors, nous ne parlons pas du contexte que vous avez décrit, les gens qui ont vraiment une ampoule trop brillante ou qui ne peuvent vraiment pas manger leur crème glacée, ce qui pourrait constituer une plainte légitime. Ils parlent de ceux qui n'essaient que d'entraver le système et le bloquer complètement:
Le temps et l'énergie dépensés sur cette activité met également en péril la capacité de ces délinquants de se conformer à leur plan correctionnel et, d'une façon plus générale, de composer avec leur situation.
J'ajouterais qu'il me semble que cela également laisse moins de temps pour les plaintes légitimes.
Je pense que ce que nous disons c'est qu'il y a un problème. Le rapport Mullan reconnaît qu'il y a un problème. Nous parlons de cas extrêmes. Nous ne parlons pas de ceux qui croient vraiment que leur crème glacée est trop froide et qu'ils voudraient que quelqu'un fasse quelque chose à ce sujet, ou qui croient vraiment que leur ampoule est trop brillante.
Je comprends ce que vous dites. Nous ne voulons pas prendre ces choses hors contexte. Je pense qu'en même temps, nous voulons donner des outils au SCC. Il semble que vous ayez ces outils.
Monsieur Zinger, dans votre témoignage, vous avez dit que votre bureau « a plus de marge de manoeuvre que le SCC dans ses rapports avec les auteurs de griefs multiples ». Nous aimerions offrir au SCC cette même capacité.
Merci beaucoup, madame Hoeppner.
Nous allons maintenant passer à l'opposition, à M. Garrison.
Monsieur Garrison, félicitations pour votre nomination récente ici.
Merci beaucoup.
Peut-être que M. Sapers aimerait répondre à la question qu'on vient de lui poser. Je vais lui donner une partie de mon temps pour le faire.
Oui, j'aimerais bien y répondre. Nous reconnaissons qu'il y a des plaintes multiples dont le traitement prend beaucoup de temps. Il y a aussi les auteurs de plaintes futiles. Nous en recevons, comme je l'ai indiqué. À mon avis, et c'est ce que montre mon expérience, le SCC a déjà les outils nécessaires pour s'en occuper.
Si vous lisez la suite du rapport Mullan, vous verrez que les comités de détenus sont sous-utilisés, de même que les comités externes et la médiation. Les systèmes engendrent manifestement de la frustration. À cause de la façon dont le service gère le système, certains détenus multiplient les plaintes parce que leurs plaintes initiales ne sont pas réglées; ils n'obtiennent aucune réponse. Ce qu'il faut se demander, ce n'est pas s'il y a des plaintes futiles ni si certains détenus essaient de miner et d'embourber le système. Ce n'est pas la vraie question. Ce qu'il faut se demander, c'est comment le service répond à leurs plaintes.
À l'heure actuelle, les lois, les règlements et les politiques en vigueur permettent au SCC de traiter ces plaintes sans créer de fardeau législatif, ce qui compliquerait les choses à mon avis. Cela va créer un palier de plus et augmenter les coûts. Cela générerait des révisions judiciaires et les directeurs d'établissement n'auraient plus la latitude de désigner les détenus quérulents ou les auteurs de plaintes futiles ou vexatoires, en justifiant cette décision.
Cela ne va pas résoudre le problème. Le détenu qui multiplie ses plaintes parce qu'il a un problème de santé mentale ou une personnalité compulsive ne va pas cesser de le faire si on change la Loi sur le service correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC).
Merci, monsieur Sapers pour votre réponse.
Je me réjouis de vous avoir entendu dire que le système interne de règlement des plaintes et des griefs est juste, accessible et expéditif. Les députés de mon parti et moi-même avons essayé de faire comprendre que c'est là une des choses qui contribue au bon fonctionnement du système correctionnel. Cela facilite la réinsertion sociale et atténue les tensions à l'intérieur des établissements carcéraux. Un tel système a beaucoup d'aspects positifs. Nous estimons, tout comme vous, que ce projet de loi fait fausse route en mettant l'accent sur les quelques détenus quérulents.
Avez-vous étudié le cas de détenus qui ont multiplié les plaintes auprès de vous ou de votre organisation? Comment réagissez-vous aux détenus quérulents qui présentent des plaintes que vous jugez futiles ou vexatoires? Que faites-vous dans leur cas?
Nous avons plus de latitude et de pouvoir discrétionnaire. Nous pouvons simplement refuser de recevoir la plainte et la rejeter immédiatement, mais nous ne le faisons pas. Nous répondons à toutes les plaintes.
Nous recevons effectivement un grand nombre de plaintes de ce genre provenant d'un petit nombre de détenus quérulents, mais il nous est assez facile de les traiter. S'il s'agit de plaintes futiles, vexatoires ou faites de mauvaise foi, nous y répondons immédiatement. Tout ce qui est différent dans le cas du service, c'est qu'en vertu de la réglementation en vigueur, si le délinquant est mécontent de la réponse qu'on lui donne, il peut porter l'affaire au niveau suivant, et continuer à le faire jusqu'au niveau du commissaire.
Cela ne demande pas beaucoup de temps non plus pour le service. Il se contente de réitérer sa décision antérieure, en indiquant que la plainte est sans fondement. Cela ne demande pas beaucoup de travail. Il faut que le dossier suive la filière, mais cela n'est pas très lourd du point de vue administratif. Je crois que c'est la seule différence.
Ce qui est important pour nous, c'est de veiller à ce que tout soit en place au niveau de l'établissement pour qu'on puisse répondre aux griefs légitimes de façon juste et appropriée, et dans un délai raisonnable. Comme l'a dit M. Mullan, tous vos efforts doivent être axés sur l'établissement. Avec l'aide de médiateurs, de coordonnateurs de griefs et de commis au règlement des griefs, de même que des comités de détenus et des comités d'examen externe, le service a tout ce qu'il faut pour régler beaucoup plus de plaintes au niveau de l'établissement.
Merci beaucoup.
On a parlé du rapport Mullan et de ses recommandations. Sans vous demander de faire des suppositions sur les motivations de quiconque, pourquoi n'y a-t-on pas donné suite? Y a-t-il des obstacles à la mise en oeuvre de ces recommandations?
Je vous répondrais simplement que non. Il y a 65 recommandations. Leur mise en oeuvre suppose qu'il faut faire certaines choses, il y a des problèmes de délais, mais pas d'obstacle particulier qui empêche de mettre en oeuvre ces recommandations.
Elles ne nécessitent pas de changement législatif ni l'affectation d'importantes nouvelles ressources?
Sur le plan législatif, le seul changement recommandé est d'éliminer le deuxième palier, c'est-à-dire le palier régional, et cela ne me pose aucun problème.
Revenons au projet de loi dont nous sommes saisis. Je m'inquiète des conséquences peut-être imprévues que pourrait avoir ce projet de loi. Vous en avez déjà évoqué une. Vous avez dit que dans bien des cas, vous exigez que les détenus aient épuisé toutes les mesures prévues par la procédure interne de règlement des griefs avant d'examiner leurs plaintes à fond.
Si ce projet de loi est adopté, et qu'un détenu est déclaré plaignant quérulent, il devra par conséquent répondre à des critères plus rigoureux. Estimeriez-vous alors qu'il a épuisé tout le processus interne et que sa plainte doit vous être transmise d'office?
Très franchement, il faudrait en juger après avoir examiné chaque dossier. S'il s'agit d'un détenu quérulent, on en arrivera peut-être à... En fait, je l'ai fait deux fois. J'ai écrit au détenu pour l'aviser que nous n'accepterions désormais que des plaintes par écrit de sa part, ou nous avons négocié une solution avec ces détenus. Je dois dire que les employés de la réception des plaintes sont tout à fait brillants à cet égard. Ils négocient de la façon suivante en disant aux détenus: « Je vous demanderais de n'appeler que le premier lundi du mois et je vous accorderai du temps ce jour-là. »
Il y a une façon de gérer ces plaignants, mais il faut le faire après avoir examiné chaque cas.
Bien entendu, ce projet de loi créerait une toute nouvelle catégorie de plaignants, dont les plaintes seraient désignées comme futiles ou vexatoires. Il faudrait également gérer ces cas-là.
M. Randall Garrison: Alors il y a...
Le président: Rapidement, je vous prie.
Merci, monsieur le président.
Vous avez dit que votre bureau a une certaine marge de manoeuvre ce qui, à mon avis, le distingue nettement du Service correctionnel du Canada.
Quand j'étais surintendant adjoint d'un établissement correctionnel du Yukon, j'ai travaillé étroitement avec des bureaux d'inspection et des normes. Je crois qu'ils répondent eux aussi à chaque plainte qu'ils reçoivent. Cependant, je peux voir ces réponses et dans beaucoup de cas elles se limitaient à un texte d'une ligne: « Nous avons bien reçu votre plainte. Nous la jugeons sans fondement. Merci beaucoup. » Ou encore, dans d'autres cas: « Nous avons déterminé que vous n'êtes pas passé par le processus interne à votre disposition au centre correctionnel. » Un point c'est tout. Affaire classée.
Alors quand je vous entends dire que tout ce qui distingue votre processus, votre rôle et votre capacité de répondre aux plaintes de ceux des agents de première ligne... Je crois que presque tous les agents correctionnels de première ligne du pays contesteraient votre affirmation selon laquelle il s'agit là de la seule différence. Je pourrais vous signaler plusieurs différences au chapitre de la procédure de règlement des plaintes et des griefs, notamment le fait que les agents de première ligne, les directeurs et les sous-directeurs d'établissement doivent côtoyer les détenus tous les jours.
La situation est fort différente lorsqu'on doit régler une plainte et traiter directement avec le détenu ou avec l'ensemble des détenus ou si vous êtes à l'extérieur et que vous n'avez qu'à envoyer une lettre disant « Nous jugeons votre plainte futile et nous n'y répondrons pas ». Vous comprendrez sans peine que les relations sont tout à fait différentes entre le personnel de première ligne et le détenu qui reçoit une lettre laconique que vous, l'agent de correction, lui avez adressée et une lettre laconique provenant d'un organisme de surveillance à l'extérieur du centre correctionnel.
Passons à autre chose. Le commissaire a déclaré que les détenus qui déposent des plaintes multiples, et des plaintes vexatoires et futiles — tout cela à la fois — sont « instruits » et « hautement fonctionnels » et qu'ils ont fait un « effort concerté pour inonder le système ». Monsieur Sapers, pensez-vous que cette déclaration est fondée?
J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au début, parce que je ne suis pas sûr d'avoir pleinement compris.
Il y a beaucoup de différence entre ce que fait mon bureau et ce que fait un agent des normes et pratiques internes. Il y a aussi beaucoup de différence entre ce que font mes employés et ce que fait un agent correctionnel de première ligne. Les employés du Service correctionnel doivent répondre aux exigences et remplir les obligations prévues par la législation, et mon personnel doit également satisfaire à des exigences prévues par la loi.
Je ne comprends donc pas très bien où vous voulez en venir, mais je vous dirai ceci. Mes employés sont également des intervenants de première ligne qui passent des journées dans les établissements à rencontrer des détenus et des employés, et qui ont des milliers de contacts directs avec les détenus. C'est mal connaître le travail de mon bureau de laisser entendre que nous nous contentons d'examiner le dossier avant d'écrire une lettre d'une page ou d'une phrase. Ce n'est pas ainsi que nous fonctionnons. C'est peut-être ainsi que les choses se passaient dans le passé...
C'est peut-être le processus que vous connaissiez, mais ce n'est pas la façon dont nous travaillons.
Et nous ne pourrions pas trouver de réponse de ce genre dans votre bureau? Nous ne trouverions pas de réponse tenant en une seule ligne?
Nous avons eu 20 000 contacts avec des détenus. On pourrait peut-être en trouver une, mais ce n'est certainement pas notre pratique habituelle et ce ne serait pas la réponse standard. Je crois que vous avez tort de prétendre que mes employés ne sont pas des intervenants de première ligne et qu'ils n'ont pas l'expérience ou la responsabilité.
Par ailleurs, beaucoup des auteurs de plaintes multiples auxquelles nous devons répondre sont effectivement intelligents. Je pense entre autres au cas d'un détenu qui avait une longue formation universitaire et dont les articles avaient été publiés. Cela ne change cependant rien au fait qu'il avait une maladie mentale. L'un n'exclut pas l'autre.
D'accord, mais la façon dont il a décrit les détenus très précis dont il s'agit — un très petit nombre de détenus quérulents qui sont à l'origine d'une multitude de plaintes vexatoires et futiles, est claire. Il a dit qu'il s'agissait de personnes instruites, hautement fonctionnelles qui s'efforçaient délibérément d'inonder le système. Pensez-vous que sa déclaration soit juste?
Je ne sais pas à quels détenus il faisait allusion. Il y a probablement une trentaine de personnes dans le système qui pourraient correspondre à ce profil, compte tenu du nombre et de la nature de leurs plaintes. Comme le Service correctionnel n'a pas produit de profil psychologique de ses détenus, je ne vois pas sur quoi on peut se baser pour tirer des conclusions au sujet de cette trentaine de personnes.
Pensez-vous que le commissaire a raison de dire qu'un petit nombre de détenus abusent de la procédure et utilisent du temps et des ressources précieuses qui devraient être consacrés aux détenus qui recourent au système pour des motifs légitimes?
Je crois qu'il y a un petit nombre des détenus qui engorgent le système. J'ai conseillé au commissaire de régler ces cas par des mesures administratives, de manière à pouvoir traiter de façon plus expéditive les plaintes légitimes.
Le commissaire estime également que cela libérerait du temps et les ressources et réitérerait l'engagement du Service correctionnel du Canada à appliquer une procédure de règlement des plaintes et des griefs juste, impartiale et expéditive, telle que prévue par la loi. C'est ce qu'il a dit au sujet de ce projet de loi. Êtes-vous d'accord?
De toute évidence, le commissaire et moi-même avons des avis divergents sur la nécessité d'opérer un changement législatif pour y arriver. Je crois que c'est déjà implicite dans la loi actuelle.
Monsieur Zinger, vous avez dit quelque chose et excusez-moi si ce n'est pas vous mais M. Sapers qui l'a dit. Vous souvenez-vous avoir dit que...
... si ce projet de loi était adopté, les directeurs pourraient rendre des décisions essentiellement pour apaiser leur personnel et, sachant que leur décision serait infirmée? Connaissez-vous des cas de directeur qui à l'heure actuelle rendent des décisions pour calmer leurs employés et se simplifier la vie?
Oui, c'est moi qui l'ai dit et c'est ce que je crois. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre de plaintes jugées fondées au troisième palier, ou au palier national, après avoir été rejetées au niveau régional. Lorsqu'une plainte suit toute la filière, on constate que c'est au niveau de l'administration centrale qu'on applique le plus rigoureusement la politique à son règlement.
Merci, monsieur le président.
Soyez les bienvenus, monsieur Sapers et monsieur Zinger. Je suis heureux de vous revoir. Vous nous en apprenez beaucoup au sujet du processus parce qu'il semble très complexe et qu'il est difficile de bien le saisir.
Si j'ai bien compris, vous avez l'avantage, d'abord et avant tout... L'avantage que vous avez, c'est de pouvoir consacrer tout votre temps au règlement des plaintes, alors que ceux qui s'occupent des plaintes dans les établissements correctionnels ont d'autres fonctions et ce n'est pas l'essentiel de leur rôle. En fait, cela les ennuie probablement d'avoir à le faire et ils ont peut-être tendance à rejeter la plainte pour s'en débarrasser, quitte à ce qu'elle soit renvoyée à un palier supérieur, pour pouvoir continuer leur travail de gérer l'établissement. Je crois que c'est un élément. Croyez-vous que c'est là une des différences?
Je crois que c'est une description assez juste de la situation. Quant à nous, c'est l'essentiel de notre rôle. Pour les agents correctionnels, les fonctions principales peuvent être autre chose, par exemple la sécurité.
Très bien. Mais ils ne mettent probablement pas autant de coeur que vous.
Vous êtes tous les deux je crois très dévoués à la protection de...
Une voix: J'invoque le Règlement, vous n'avez aucune idée de ce qui leur tient à coeur.
M. Francis Scarpaleggia: J'ai bien dit « probablement », tout simplement parce que ce n'est pas l'essentiel de leur rôle.
Vous avez également un autre avantage, à mon avis, après avoir pris connaissance d'une plainte, si vous déterminez qu'elle est vexatoire et non fondée, vous pouvez en faire abstraction. Ai-je raison?
La loi permet de le faire. Dans ces cas, nous communiquons habituellement avec le détenu pour lui dire que nous n'allons pas donner suite à sa plainte.
Oui — tandis que la personne à l'établissement correctionnel n'a pas cette possibilité. Elle doit s'occuper du dossier, peu importe le temps que cela prend et si le détenu n'est pas satisfait, il peut interjeter appel et ainsi de suite.
En gros, ce projet de loi semble permettre au personnel des établissements correctionnels de faire ce que vous pouvez faire, c'est-à-dire de ne pas donner suite à une plainte vexatoire. Il se peut que vous soyez plus à même de juger du caractère vexatoire ou non d'une plainte parce que c'est ce que vous faites à plein temps, mais ce projet de loi semble essentiellement donner un peu plus de souplesse au système.
Toutefois, un détenu quérulent peut présenter de temps à autre une plainte légitime. Les gens qui s'occupent des plaintes à l'intérieur de l'établissement n'ont peut-être pas la formation nécessaire ou la capacité de départager les plaintes vexatoires des plaintes portant sur une véritable menace à la vie, à la liberté et à la sécurité d'une personne.
Je sais que ce projet de loi permettrait encore au détenu quérulent d'être entendu relativement à une affaire sérieuse, mais pensez-vous que toutes les institutions du Canada pourraient rendre des décisions judicieuses et uniformes dans de tels cas?
Je vais essayer de répondre à votre question, mais je devrais faire un petit détour. Je vais en venir rapidement à l'objet de votre question.
Il n'y a pas vraiment de parallèle entre ce qui se passe à l'intérieur d'un établissement carcéral et à l'extérieur. La relation entre les détenus et leurs gardiens se caractérise par une négociation constante. Par ailleurs, la capacité du personnel d'entretenir des relations harmonieuses avec les détenus varie selon les établissements et les époques.
Les détenus essaient de pousser les limites et de mettre les règles à l'épreuve, tandis que le personnel s'efforce d'utiliser son pouvoir de façon légale et appropriée, mais tout ne se passe pas toujours comme il est censé se passer sur papier. Ainsi, lorsqu'un détenu porte plainte, sa plainte est souvent rejetée au premier palier et l'affaire s'arrête là. Les plaintes ne sont pas toutes transmises au deuxième et au troisième paliers.
Il peut y avoir des plaintes au sujet d'un gardien, à qui on reproche par exemple de la discrimination, du harcèlement, des abus, ou le recours à la force. Dans ces cas-là, il faut qu'une personne différente examine la plainte. Très souvent, en pareil cas, ces plaintes sont rejetées au premier palier, sont transmises au deuxième palier et peuvent se retrouver entre les mains du commissaire.
Dans ces cas-là, ce n'est pas que le détenu refuse d'accepter la réponse qu'on lui donne. La plainte porte sur des incidents survenus dans le contexte d'un rapport de force lequel, comme je l'ai dit, donne lieu à des négociations constantes. Ces négociations portent souvent sur ce que l'on considère ou ne considère pas comme un grief légitime à un moment donné.
Mais dans ce contexte, croyez-vous que si ce projet de loi était en vigueur...? Vous avez donné l'exemple du cas d'Ashley Smith, dont les plaintes légitimes n'ont pas été traitées correctement.
Si un détenu est désigné comme détenu quérulent, croyez-vous que la personne chargée de recevoir des plaintes dans son établissement et de les juger, sera capable de faire la distinction entre les plaintes vexatoires caractéristiques de ce détenu et une plainte portant sur une véritable menace à sa vie, à sa liberté et à sa sécurité?
Je crains qu'en touchant à la loi de quelque façon que ce soit pour réduire les responsabilités du Service correctionnel afin de traiter les plaintes de façon légitime, nous ne causions du tort à la primauté du droit dans nos établissements correctionnels. Il est très important que les plaintes soient considérées dès le départ comme étant légitimes, jusqu'à ce qu'elles soient réfutées. On ne doit pas présumer dès le début qu'on est en face d'un plaignant frivole ou quérulent, même si cette personne a déjà déposé de nombreuses plaintes.
Vous avez indiqué que le système dans sa forme actuelle prévoit une certaine souplesse. Parlez-vous de l'idée de nommer des médiateurs et des coordonnateurs qui pourraient essentiellement aborder les détenus comme vous le faites, c'est-à-dire en négociant un peu? Si chaque établissement dispose d'un coordonnateur et d'un médiateur, on aurait peut-être de meilleures interactions, et de meilleurs critères. Est-ce que c'est ce que vous dites?
À l'heure actuelle, certaines possibilités de règlement informel des conflits ne sont pas utilisées, ou sont sous-utilisées.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie MM. Sapers et Zinger d'être venus témoigner aujourd'hui. L'échange d'aujourd'hui est grandement apprécié.
J'ai plusieurs questions. Je suis nouvelle dans le dossier puisque j'ai commencé hier. J'ai lu le rapport Mullan et entendu votre présentation et je suis très curieuse à propos de plusieurs choses.
Monsieur Zinger, dans votre présentation, vous avez mentionné que les auteurs de griefs multiples sont parfois des gens qui ont des problèmes de santé mentale. Selon vous, quels seraient les meilleurs moyens de venir en aide à ces plaignants, étant donné que le projet de loi C-293 vise ceux qui font des griefs multiples? Avez-vous des pistes de solution à proposer?
Je crois que oui. On n'a peut-être pas assez insisté sur le fait qu'il est parfois difficile et frustrant d'essayer de résoudre les problèmes de gens qui déposent de nombreux griefs et plaintes. C'est aussi frustrant pour le Service correctionnel que pour nous. On ne veut certainement pas sous-estimer ce problème. Par contre, cela fait partie de notre travail. On constate que beaucoup des personnes qui déposent des dizaines voire des centaines de griefs ont des problèmes de santé mentale. Je ne dis pas qu'ils sont psychotiques, schizophrènes ou quoi que ce soit. On parle souvent de troubles de la personnalité. La simple désignation ne va pas mettre fin à leur compulsion à essayer de déposer des plaintes et d'obtenir des réponses à leurs multiples questions, qu'elles soient légitimes ou non.
Il est certain que pour nous, la mise en place de coordonnateurs de griefs et de médiateurs peut jouer un rôle très important dans la gestion des individus qui déposent autant de plaintes. Dans les services de santé mentale, on pourrait consacrer plus d'efforts pour mieux encadrer ces gens, afin de tenter de tempérer ou de négocier le genre, la fréquence et la nature des plaintes. Il y a plusieurs choses au sein du service qui pourraient être mises en place pour régler ce problème.
Vous avez fait mention de la médiation, qui serait peut-être intéressante dans le cas de ce genre de plaignants. Dans le rapport Mullan, on mentionne qu'une seule prison utilise un médiateur à l'interne; je crois que c'est celle de Donnacona. Dans les 65 recommandations de ce rapport, on laissait entendre que la présence d'un médiateur serait intéressante pour régler les plaintes. Pensez-vous qu'un médiateur par pénitencier pourrait faciliter le règlement et le traitement de ce genre de plaintes?
Une des recommandations que le service a acceptées concerne justement les médiateurs. Un projet pilote a été développé dans 10 établissements dans tout le pays. Ils ont financé la mise en place d'un médiateur, d'un coordonnateur et d'un commis aux griefs. Nous recommandons que dans tous les pénitenciers du pays, sans exception, on fasse autant d'efforts et que le même genre d'équipe soit mis en place.
Certainement, le Service correctionnel du Canada est très encouragé par les résultats préliminaires et compte faire une évaluation du projet pilote, probablement au cours de la prochaine année.
Cela a fait diminuer le nombre de plaintes et accéléré l'administration des plaintes. Ce sont les résultats préliminaires.
[Traduction]
Merci beaucoup madame Lefebvre.
Revenons maintenant à Mme Hoeppner et M. Leef, qui vont partager leur temps de parole.
Merci beaucoup. J'essaierai d'être brève.
Tout d'abord, je pense que M. Leef a en fait expliqué la différence, ce que vous avez ensuite fait aussi.
Dans les prisons, comme vous le dites, je pense, on parle du détenu et du gardien, par opposition à votre travail, qui consiste à être l'ombudsman. Votre travail consiste à recevoir des plaintes. Les gardiens et les agents dans les prisons, de différentes façons, s'assurent que les détenus restent en sécurité et ils participent au processus de leur réadaptation. Ces gens jouent à l'évidence un rôle entièrement différent du vôtre, et je pense que c'est ce que M. Leef essayait d'expliquer.
À ce sujet, je veux être certaine de bien comprendre; selon vous, il est approprié que vous ayez la capacité de recevoir une plainte et de simplement décider si elle est vexatoire, si elle n'est pas valide et que vous allez écrire une lettre, qu'il s'agisse d'une seule ligne ou de plusieurs lignes. Vous écrivez une lettre disant que la plainte n'est pas valide et que vous n'irez pas plus loin, alors que les agents du SCC, selon vous — et ici aussi, il existe des divergences d'opinions sur le processus que les agents du SCC nous ont dit être obligés de suivre — ont d'autres options. Vous dites que vous pensez qu'on devrait pouvoir recourir à la médiation et à différentes mesures, plutôt que de simplement pouvoir dire à un détenu: « Il s'agit d'une plainte invalide et vexatoire. »
Vous êtes en mesure de le faire, mais le SCC ne devrait pas pouvoir le faire. En même temps, ce sont les agents qui traitent avec ces détenus quotidiennement. Je pense qu'on ne peut même pas dire que ce que vous faites se compare à ce qu'un gardien fait. Ai-je bien compris? Dites-vous que les agents ne devraient pas avoir les mêmes capacités que vous?
Je pense que vous avez tout à fait compris. Les agents du SCC ne devraient pas pouvoir rejeter les plaintes des détenus. Le SCC doit faire preuve de responsabilité lorsqu'il traite les plaintes des détenus
Le travail du SCC ne consiste pas à allonger les sanctions imposées par les tribunaux. Il s'agit plutôt d'administrer une sentence conformément à la règle de la primauté du droit.
Les employés du SCC détiennent l'autorité ultime sur la vie de milliers d'hommes et de femmes en détention. Il ne fait aucun doute qu'on veut autant de redditions de comptes que possible dans ce type de situation. Pourquoi voudrions-nous moins de redditions de comptes dans une situation où quelqu'un a le contrôle absolu et l'autorité absolue sur la vie de quelqu'un d'autre et peut même utiliser une force létale? Ainsi, tout à fait, il existe des différences législatives, et je pense que ces différences existent pour une raison.
Ma capacité de rejeter une plainte découle du rôle de l'ombudsman et assure mon indépendance et ma discrétion. Nous ne parlons pas de responsabilité en ce qui concerne le traitement des plaintes. Nous parlons de responsabilité en ce qui concerne le fait d'agir conformément à la règle de la primauté du droit. Le SCC a un mandat législatif différent de celui de mon bureau, de celui du service des libérations conditionnelles et des services policiers; en vertu de ce mandat, le SCC soit rendre des comptes.
Mais c'est le mandat et la loi — tout comme dans le cas de votre poste et des paramètres entourant votre travail — qui assurent la responsabilité.
J'ai l'impression que nous perdons de vue l'objectif du projet de loi, qui est en fait de permettre au commissaire de déterminer les gens qui sont des plaignants frivoles et quérulents, et c'est tout. Je pense que tout le monde est d'accord avec la fonction de surveillance et les fonctions des employés correctionnels, des gardes, ainsi que de la règle de la primauté du droit.
Vous avez piqué ma curiosité lorsque vous avez parlé du nombre de plaintes maintenues au troisième palier. Nous reconnaissons qu'il y a probablement des problèmes concernant le processus de plainte lui-même. Mais ne pourrait-on pas assurer la sécurité, la surveillance, la protection et l'équité complète et supplémentaire du processus en transférant ces éléments au niveau du commissaire, plutôt qu'au niveau du directeur d'établissement? Si on donne aux directeurs d'établissement, ou des niveaux hiérarchiques inférieurs, la possibilité de déterminer si les plaintes sont frivoles ou vexatoires, je comprendrai les préoccupations dont vous avez parlé.
Ne pensez-vous pas qu'attribuer ces responsabilités directement au commissaire serait une mesure positive?
La réponse courte est oui, dans ce contexte. Le problème concerne la prémisse; c'est-à-dire que je pense qu'il s'agit d'un processus inapproprié. Si on doit le faire, le commissaire doit-il s'en charger? Bien sûr. La question réelle qu'il faut se poser est la suivante: faut-il vraiment le faire? Selon moi, la réponse est non.
À l'évidence, le commissaire et vous n'êtes pas d'accord à ce sujet. Cela me rappelle un commentaire que j'ai entendu. Je n'ai pas les statistiques exactes en main, mais je pense que du point de vue économique, c'est convainquant. J'ai entendu dire que deux Canadiens sur trois étaient atteints d'un problème de santé mentale, et que si vos copains ont l'air normal, c'est probablement vous qui êtes atteint.
Ce que je veux dire, c'est que nous partons du principe que les détenus peuvent avoir des problèmes de santé mentale. Nous savons que ce type de problème est plus fréquent chez la population carcérale, mais ça ne signifie pas qu'ils ne comprennent pas ce qu'est une plainte frivole ou vexatoire. Ça ne signifie pas que les détenus ne peuvent pas fonctionner ni comprendre, et que lorsqu'ils déposent des plaintes concernant le harcèlement sexuel ou les agressions sexuelles ou qu'ils font des commentaires nuisibles et humiliants contre le personnel, ils ne comprennent pas bien ce qu'ils font. Il se peut très bien qu'ils aient des problèmes de santé mentale, mais ils peuvent aussi comprendre très bien ce qu'ils font. Je pense que c'est important de mettre ces faits en lumière, de protéger les employés, et de faire cesser ces agissements.
Si vous ou votre personnel faites l'objet de plaintes frivoles, vexatoires et horribles de cette nature — seulement pour que quelqu'un puisse obtenir satisfaction personnelle en encombrant le système ou en s'en prenant à vous — vous voudrez sans doute un certain contrôle.
Merci monsieur Leef. Malheureusement, nous n'avons pas le temps d'écouter la réponse.
[Français]
Monsieur Rousseau, vous disposez de cinq minutes.
Merci beaucoup.
Parlons du projet de loi. On dit que le commissaire aura maintenant le pouvoir discrétionnaire de déterminer si un plaignant est quérulent ou non. Ne croyez-vous pas que ce pouvoir discrétionnaire fera en sorte de catégoriser et de stigmatiser certains types de détenus? Le système permettra-il d'autres recours aux détenus catégorisés?
Le Service correctionnel du Canada a déjà une procédure pour désigner une personne quérulente. Un processus de priorisation des plaintes existe déjà. À présent, on parle d'inclure cette procédure dans un projet de loi plutôt qu'elle ne fasse partie que de la politique de Service correctionnel du Canada.
Une chose est difficile. Quand un détenu est désigné quérulent par le commissaire, il peut quand même déposer de nouvelles plaintes. Ces plaintes doivent de toute façon faire l'objet d'une évaluation quant à leur bien-fondé par le décideur, qui est souvent le directeur de la prison.
Tout cela va entraîner du travail, d'autant plus que la loi indique que le délinquant désigné quérulent doit déposer de la documentation pour démontrer le mérite de sa plainte. On peut donc prévoir que parmi ces délinquants, certains vont continuer à déposer des plaintes et à faire appel. Il peuvent aussi faire appel de la révision judiciaire, ce qui est beaucoup plus coûteux à administrer pour le Service correctionnel du Canada, parce qu'il doit payer les avocats.
Excusez-moi, monsieur Zinger. J'ai une question qui s'adresse peut-être davantage à M. Sapers.
Le système n'est-il pas justement trop engorgé et fastidieux? Je fais du droit du travail et l'exercice relatif aux griefs exige des réponses très rapides dans le milieu de travail afin de régler les problèmes. S'il y a plus de 20 000 plaintes par année dans le milieu carcéral, c'est un problème qui doit être abordé. N'y a-t-il pas moyen de désengorger ce milieu en tentant plutôt d'assouplir les procédures et de les rendre plus malléables?
Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est pour cela qu'il faut essayer de maximiser la résolution informelle au niveau de l'établissement en donnant au Service correctionnel du Canada les outils dont il a besoin pour maximiser cette solution.
Si une plainte est vraiment frivole et vexatoire, on doit y répondre. Cela prend un certain temps et fait partie du travail du Service correctionnel du Canada. Si la plainte se rend plus loin dans le processus, elle peut être résolue très rapidement. Si elle fait l'objet d'une révision judiciaire, les cours de justice ne seront certainement pas aptes à répondre à ce genre de choses. Je suis tout à fait d'accord. Il faut résoudre les plaintes au plus bas niveau de la façon la plus informelle possible.
Nous avons aussi indiqué au Service correctionnel du Canada qu'il doit capitaliser sur l'information qu'il a sur toutes les plaintes. S'il y a 28 000 plaintes par année, on doit essayer de voir s'il n'y a pas des problèmes systémiques et essayer de les résoudre. Par exemple, s'il y a une quinzaine ou une vingtaine de plaintes au sujet du manque d'accès à un dentiste, il faut essayer de régler le problème plutôt que de recevoir 15 ou 20 plaintes et de les régler une par une. Il faut essayer de résoudre les problèmes de façon systémique.
Vous avez aussi parlé des problèmes de santé mentale. J'imagine que l'alcoolisme et la toxicomanie doivent aussi causer certains problèmes. Le problème majeur en milieu carcéral n'est-il pas qu'on ne s'attaque pas au véritable problème, qui est la santé mentale des prisonniers et leur réhabilitation?
[Traduction]
[Français]
Le Service correctionnel du Canada a établi qu'environ 35 p. 100 des gens admis dans un pénitencier souffrent de problèmes de santé mentale et requièrent des suivis psychologiques ou psychiatriques. Vous avez tout à fait raison de dire que c'est probablement un des problèmes les plus graves auxquels fait face le Service correctionnel en ce moment.
[Traduction]
Merci.
J'aimerais vous remercier pour votre présence. Avant que nous nous quittions, j'aimerais que l'enquêteur correctionnel m'aide à comprendre un peu mieux la façon dont le processus fonctionne .
Selon notre commissaire, l'an dernier, le SCC a reçu 28 858 plaintes et griefs. Ces plaintes et ces griefs qui ont été déposés au SCC vous sont-ils transmis, ou existe-t-il une autre façon pour les délinquants d'outrepasser le SCC, étant donné que vous défendez leurs droits et que vous recevez leurs plaintes? Existe-t-il une façon de vous transmettre ces plaintes, monsieur Sapers?
Notre bureau est celui d'un ombudsman, pas un bureau du dernier recours. Ainsi, en réalité, un détenu peut déposer un grief au moyen du processus de grief du Service correctionnel du Canada. Celui-ci peut communiquer avec mon bureau. Il peut communiquer avec le Commissariat aux langues officielles ou la Commission canadienne des droits de la personne. Il peut communiquer avec le collège des médecins et chirurgiens s'il s'agit d'une plainte liée aux soins de santé. Chacun de ces bureaux de résolution des plaintes et chacun de ces processus a ses propres protocoles et ses propres façons de procéder.
Chez nous, nous recevons la plainte. Nous examinons ses mérites. Nous déterminons si nous devons procéder à une enquête. Nous réalisons l'enquête. Nous formulons une conclusion. Si la plainte est fondée, nous faisons une recommandation afin d'apporter un changement.
Dans ses notes, il dit également ce qui suit:
Pendant le dernier exercice, 25 détenus ont soumis plus de 100 griefs chacun. Voilà les auteurs de griefs frivoles ou vexatoires qui sont visés par le projet de loi. Parmi ce groupe de 25 détenus, il y en a quelques-uns qui expriment des centaines de griefs par année, soit plus d'un par jour.
Ainsi, ces personnes déposent constamment des griefs. Même si certains de ces griefs ne passent pas par le système même que nous avons actuellement, pourraient-ils tout de même être transmis à votre bureau?
Ils pourraient tout de même être transmis à mon bureau. En fait, si nous nous mettions ensemble, le commissaire et moi pourrions probablement nommer ces 25 personnes, parce que nos deux bureaux les connaissent bien. L'un des problèmes, par contre, réside dans le fait qu'il règne une certaine confusion quant aux étiquettes utilisées, parce qu'une personne peut être frivole, peut déposer des plaintes multiples et être vexatoire. Une personne peut même se voir attribuer les trois qualificatifs, mais ils ne sont pas synonymes, de sorte qu'un plaignant multiple peut déposer de nombreuses plaintes légitimes. Un plaignant quérulent peut n'avoir déposé qu'une plainte, mais celle-ci peut être vexatoire.
Y a-t-il eu des cas, donc...? Disons que le projet de loi est adopté et que ces mêmes plaintes se rendent à votre bureau, de quelle façon pourriez-vous les examiner pour comprendre qu'elles se trouvent probablement sur la liste de plaintes vexatoires, et pourriez-vous tout de même défendre les plaignants devant la SCC?
C'est possible.
Il est possible que nous recevions la plainte d'une personne à qui on a attribué un tel qualificatif. La correspondance et les communications entre un détenu et mon bureau sont confidentielles, de sorte qu'un détenu qui aurait été désigné en vertu de ce système législatif pourrait tout de même communiquer avec mon bureau.
Merci beaucoup.
Ces personnes pourraient tout de même exprimer leurs griefs, mais le SCC, qui se préoccupe peut-être du temps et des efforts requis pour régler ces griefs déposés par des plaignants multiples pourrait dire: « Nous ne voulons pas entendre les griefs. Cela devient simplement un peu ridicule .» Cette possibilité existe toujours.
Merci beaucoup. C'est ce que je voulais savoir. J'avais besoin de le comprendre.
J'apprécie beaucoup votre présence et merci aux membres du comité.
Sur ce, la séance est levée.
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