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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 032 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 mars 2012

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde.
    Il s’agit de la 32e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous sommes le mardi 27 mars 2012.
    Le comité poursuit son examen du projet de loi C-293, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (plaignants quérulents).
    Vers la fin de la séance, nous avons prévu environ 10 minutes pour nous pencher sur les travaux du comité. Nous le ferons à huis clos.
    Durant la première heure et 40 minutes, nous sommes très heureux d’accueillir de nouveau M. Don Head, le commissaire du Service correctionnel du Canada. Nous entendrons également deux autres représentants du Service correctionnel Canada: Michael Côté, directeur général, Droits, recours et résolutions, et Shane Dalton, analyste par intérim, Recours pour les délinquants.
    Je vous invite, monsieur le commissaire, à faire votre exposé et nous expliquer le point de vue du SCC au sujet du projet de loi C-293. Ensuite, nous passerons aux questions des membres du comité.
    Encore une fois, nous vous souhaitons la bienvenue et vous remercions de venir témoigner aussi souvent devant notre comité. C’est un plaisir de vous revoir.
    Merci, monsieur le président. Étant donné la période de l’année, je me demandais si je ne devrais pas vous inclure comme personnes à charge dans ma déclaration de revenus. Je suis ici très souvent.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, bonjour. Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui pour parler du projet de loi C-293, qui modifierait la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à ce que le SCC puisse désigner les délinquants qui pourraient être considérés comme des plaignants quérulents et gérer le cas de ces délinquants.
    Je suis accompagné cet après-midi de M. Michael Côté, directeur général, Droits, recours et résolutions, et de M. Shane Dalton, analyste par intérim, Recours pour les délinquants.
    J'aimerais commencer par vous décrire la procédure actuelle de règlement des plaintes et des griefs des délinquants et vous faire part de certains faits et chiffres. J'analyserai ensuite brièvement les répercussions qu'aurait l'adoption du projet de loi C-293 sur le SCC.
    La procédure de règlement des plaintes et des griefs offre aux délinquants un recours lorsqu'ils sont insatisfaits d'une mesure ou d'une décision prises par un membre du personnel. La mise à la disposition des délinquants d'une procédure de règlement de plaintes et de griefs équitable, impartiale et rapide est prévue par la loi, et cette procédure offre également de nombreux avantages. Il encourage, entre autres, les délinquants à régler leurs problèmes de façon prosociale, contribue à leur autonomie et leur offre un autre moyen par lequel exprimer leurs préoccupations et obtenir la prise de mesures adéquates à l'égard de celles-ci. Il peut également être utilisé comme processus de suivi pour cerner les tendances liées à l'augmentation de la tension ou du mécontentement au sein de la population carcérale.
    Il s'agit d'un processus qui comporte quatre paliers. Les délinquants doivent d'abord soumettre une plainte à un gestionnaire correctionnel ou à leur équipe de gestion de cas, lesquels chercheront à régler le problème au palier le plus bas possible. Lorsque c’est impossible, le délinquant peut présenter un grief au premier palier. Ce grief sera réglé par le directeur de l'établissement. Tout grief qui ne peut être réglé à l’échelon de l'établissement est renvoyé à l'administration régionale, où c'est le sous-commissaire régional qui a le pouvoir de décision. Enfin, si le grief ne peut être réglé à l'échelon régional, il est renvoyé à l'administration centrale, où une analyse et un examen approfondis du grief sont effectués au sein du Secteur des politiques et de la recherche et soumis à la sous-commissaire principale, à laquelle je délègue normalement mon pouvoir de décision.
    Il est à noter que, si un délinquant n'est pas satisfait d'une décision peu importe le palier, il ou elle peut déposer un recours juridique, et ce, normalement devant la Cour fédérale.
    Au cours du dernier exercice, le SCC a reçu 28 858 plaintes et griefs. Au cours du présent exercice, en date du 26 février 2012, nous en avons reçu environ 26 717. Pendant le dernier exercice, 25 détenus ont soumis plus de 100 griefs chacun. Voilà les auteurs de griefs frivoles ou vexatoires qui sont visés par le projet de loi. Parmi ces 25 délinquants, il y en a quelques-uns qui expriment des centaines de griefs par année, soit plus d’un par jour.
    À titre d'explication, nous considérons qu'un grief frivole est une plainte sans fondement sérieux. Un grief vexatoire est un grief déposé pour faire du harcèlement, arriver aux propres fins du délinquant ou encore nuire au fonctionnement du système. Les deux types de griefs sont également dérangeants et font perdre des heures à mon personnel en analyse et en examen.
    En ce qui concerne le coût du processus, plus de 3,8 millions de dollars ont été consacrés aux salaires des analystes de grief, ainsi qu'aux coûts d'exploitation au cours du dernier exercice. Ce chiffre s’élève à plus de 5 millions de dollars pour le présent exercice. L'augmentation de coûts est attribuable aux investissements importants du SCC dans la procédure de règlement des griefs des délinquants dans le but d'accroître l'efficacité potentielle du programme et de fournir des ressources adéquates et appropriées.
    Plus précisément, le SCC a lancé récemment un projet pilote fondé sur une méthode substitutive de règlement des différends, projet qui s'assortit d'un financement d'environ un million de dollars. Une somme d’un million de dollars a également été prévue pour l'augmentation anticipée du nombre de griefs présentés par des délinquants et le règlement des griefs arriérés au deuxième et au troisième palier.
    Si le projet de loi C-293 est adopté, nous croyons qu'il sera beaucoup plus facile pour le SCC de désigner les délinquants en question et de gérer leur cas. La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition serait modifiée de façon à nous permettre de mettre au point une politique précise prévoyant un processus nécessaire pour désigner « plaignant quérulent » tout délinquant. Cette politique interne préciserait les étapes nécessaires pour déterminer qu'un délinquant est un plaignant quérulent et le désigner comme tel, y compris ce qu'il faudra faire pour l'aviser de la décision.
(1535)
    Le personnel des établissements, des administrations régionales et de l'administration centrale disposera de plus de temps pour s'occuper des cas des délinquants qui ne font pas mauvais usage du système et fera en sorte que les griefs de haute priorité seront traités en temps opportun. Les mesures qui seront prises limiteront la capacité des plaignants quérulents de monopoliser la procédure de règlement des griefs et leurs tentatives d'utilisation de ce système très légitime à des fins illégitimes.
    Comme le député qui parraine le projet de loi l'a fait remarquer, les modifications en question seront aussi, en fin de compte, bénéfiques pour les plaignants quérulents. L'acharnement à déposer des plaintes est contre-productif dans le cadre du processus correctionnel. Les délinquants concernés pourraient utiliser à meilleur escient leur temps en suivant leur plan correctionnel, ce qui leur permettrait de mieux se préparer à leur libération et rendrait les collectivités du Canada plus sûres.
    Monsieur le président, comme je l'ai déjà dit, la procédure de règlement des plaintes et des griefs est un élément important du système correctionnel fédéral. Il s'agit d'un système de freins et de contrepoids qui garantit que le SCC s'acquitte de sa mission et de son mandat dans le respect des droits fondamentaux des délinquants. Nous devons prendre au sérieux toute allégation selon laquelle le SCC aurait manqué à ses obligations à cet égard. Malheureusement, la mauvaise utilisation du système par un petit groupe de délinquants fait en sorte que des ressources et du temps précieux ne vont pas au règlement des cas des délinquants qui utilisent de bonne foi le système.
    Le projet de loi rend responsables les personnes qui, par leur comportement, perturbent l'application d'un mécanisme de recours qui fonctionne bien. Son adoption améliorerait l’utilisation du temps et des ressources. Cela constituerait également un renouvellement de l'engagement du SCC à offrir une procédure de règlement des plaintes et des griefs équitable, impartiale et rapide, comme la loi le prévoit.
    Merci encore une fois de m'avoir invité à témoigner devant votre comité. Je serai heureux de répondre aux questions que vous aimeriez nous poser.
    Merci beaucoup, monsieur le commissaire.
    Passons à la première série de questions.
    Monsieur Leef, vous avez sept minutes.
    Merci.
    Monsieur le commissaire, monsieur Dalton, monsieur Côté, merci de votre présence aujourd’hui.
    Nous avons entendu des témoignages au cours de l’étude du présent projet de loi. Certains s’inquiétaient des définitions de « frivole » et de « quérulent ». J’ai une brève question. J’ai lu votre explication à ce chapitre. Ces définitions vous satisfont-elles? Croyez-vous qu’elles vous permettront de déterminer ces types de plaintes et d’en réduire le nombre?
(1540)
    Oui. Les définitions nous satisfont. Nous nous en servons depuis plusieurs années déjà. Elles guident les décisions de nos gestionnaires dans les établissements. Elles guident nos analyses en lien avec la préparation de réponses. Le problème n’est pas vraiment les définitions, du moins, de notre point de vue. Nous croyons que les définitions sont claires. Par contre, il y a la catégorisation des plaintes et des griefs en fonction de ces définitions.
    D’accord.
    Au cours des précédentes séances, nous avons aussi parlé de ce que sont en fait des plaintes frivoles ou vexatoires. Nous avons entendu deux ou trois petits exemples. J’aimerais que vous nous donniez quelques exemples pour vraiment nous donner une idée d’une plainte frivole. Si vous aviez un exemple réel à nous donner, ce serait intéressant.
    Certainement. J’en ai quelques exemples.
    J’ai personnellement traité des plaintes et des griefs au cours de ma carrière. Je m’en suis occupé à titre de gestionnaire de première ligne dans un établissement, au deuxième palier à l’administration régionale et à l’administration centrale, lorsque j’occupais les fonctions de sous-commissaire principal. Voici des exemples de griefs frivoles.
    Un détenu se plaint de ne pas avoir accès à un médecin en temps opportun. Nous analysons la situation et nous déterminons qu’il aurait été possible de faire les choses autrement. Nous lui donnons un rendez-vous pour voir le médecin lors de sa prochaine visite dans l’établissement. Bref, le problème est réglé.
    Aux termes de la loi actuelle, même si des correctifs ont été apportés, ce délinquant peut tout de même présenter un grief pour se plaindre que le problème n’a pas été corrigé en temps opportun, selon nos dires. Il peut faire part de son grief aux autres paliers de la procédure de règlement des griefs. Ce type de grief ne sert strictement à rien, parce qu’il a été déterminé qu’une pénurie de personnel était la cause du problème et des mesures ont été prises. Cependant, le délinquant profite de la loi et de la politique pour continuer de faire valoir son point aux divers paliers de la procédure. Chaque palier doit y répondre.
    Dans votre rapport, vous avez déterminé qu’environ 25 détenus ont déposé un très grand nombre de plaintes. Certains ont évoqué que ces délinquants seraient des gens avec des problèmes de santé mentale ou des détenus sans éducation qui ne savent pas nécessairement comment lire, écrire et exprimer leurs pensées.
    Serait-ce juste de décrire ainsi ces 25 détenus qui, selon vous, sont des plaignants quérulents? Est-ce juste de dire qu’ils souffrent de problèmes de santé mentale ou qu’ils sont sous-éduqués à un point tel qu’ils ne comprennent pas ce qu’ils font?
    Non. Je ne crois pas que ce soit aussi simple. Y en a-t-il qui ont des problèmes de santé mentale? Oui, il y en a certains. Il y a aussi certains détenus très éduqués qui font partie de cette catégorie. Nous avons en fait établi un très bon profil concernant le type de personnes qui déposent de tels griefs.
    Je vais prendre quelques instants pour vous donner d’autres statistiques pertinentes. Même si ces 25 délinquants ont seulement déposé 5 215 des 28 000 griefs dont j’ai parlé, soit environ 18 p. 100 des plaintes et des griefs, ces détenus ont chacun déposé plus de 100 griefs. En ce qui concerne ceux qui ont déposé plus de 25 plaintes au cours de la même année, nous avons 136 détenus qui ont déposé 9 857 griefs, c’est-à-dire environ 34 p. 100 des griefs. Il s’agit de 136 détenus sur les 6 213 personnes qui ont déposé des griefs au cours de l’exercice financier. Donc, 2,2 p. 100 des délinquants ont déposé plus de 25 griefs par année, mais leurs griefs représentent 34 p. 100 de l’ensemble des plaintes et des griefs reçus.
(1545)
    Merci.
    Dans les conditions proposées dans le projet de loi — et je présume que vous avez pris connaissance de certains éléments du projet de loi —, il y en a quelques-unes qui imposent des obligations dont le commissaire doit s’acquitter, et je présume que cela peut être délégué dans une certaine mesure. L’article 91.3 du projet de loi dit :
Le délinquant désigné plaignant quérulent par le commissaire en vertu du paragraphe 91.1(2) peut demander un contrôle judiciaire de cette désignation.
    Vous évaluerez le statut du délinquant tous les six mois, et le commissaire doit respecter deux ou trois autres exigences, lorsqu’il fait cette désignation. Croyez-vous que l’application de l’une ou l’autre de ces exigences est trop dispendieuse? Pensez-vous que vous ou votre personnel aurez de la difficulté à vous acquitter des obligations proposées dans la mesure législative et ainsi continuer d’offrir une procédure juste?
    Monsieur le président, je suis très dévoué à mon travail, et je m’acquitterai de toutes les obligations que le Parlement jugera bon d’inclure dans la loi.
    En ce qui a trait au nombre, cela crée-t-il une charge de travail additionnelle? C’est le cas. Lorsqu’un élément est ajouté, cela alourdit la charge de travail. Toutefois, il y a des possibilités. Votre comité pourrait même examiner une proposition d’amendement pour m’autoriser à déléguer ce pouvoir, comme je peux actuellement le faire dans le cas du troisième palier. C’est une possibilité. Par contre, si le projet de loi demeure inchangé, je suis évidemment en mesure de gérer la procédure telle qu’elle est définie dans le projet de loi.
    Merci, monsieur Leef.

[Français]

    Monsieur Chicoine, vous avez la parole et vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs, de venir comparaître pour partager vos observations relativement au projet de loi. J'ai plusieurs questions à vous poser qui vont nécessiter probablement une courte réponse.
    En vertu du paragraphe no 25 de la Directive des commissaires no 081, relativement aux plaintes et griefs des délinquants, le décideur, qui est la plupart du temps le directeur de prison, peut rejeter une plainte vexatoire. Cette directive permet également de rejeter complètement ou en partie une plainte, ce qui permet de ne rejeter que ce qui est vexatoire. Est-ce exact?

[Traduction]

    En vertu de nos présentes politiques, c’est possible, mais rien n’empêche le délinquant de transformer sa plainte en grief et de renvoyer son grief d’un palier à l’autre.

[Français]

    En vertu de cette même directive, le paragraphe no 29 permet également de désigner un plaignant comme auteur de griefs multiples, et le paragraphe no 34 permet d'accorder la priorité aux plaintes plus urgentes, face aux plaintes multiples. Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui. C’est actuellement ce que fait notre personnel.

[Français]

    C'est excellent.
     L'article 74 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition permet également de rejeter un grief vexatoire. Est-ce bien le cas?

[Traduction]

    C’est exact. De plus, comme je l’ai mentionné plus tôt, nous pouvons rejeter une plainte, mais cela n’empêche pas le détenu de présenter un grief.
    Même si le détenu voit sa plainte être rejetée par le gestionnaire, il peut être en désaccord avec la décision rendue et immédiatement présenter un grief au premier palier et se rendre jusqu’au troisième palier.

[Français]

    Selon la directive no 081, le paragraphe no 33 stipule aussi qu'une révision de la désignation doit se faire tous les six mois. C'est la même chose pour ce projet de loi. Est-ce bel et bien le cas?

[Traduction]

    En ce qui concerne la pratique actuelle? Ou faites-vous allusion à l’article du projet de loi?

[Français]

    Je parle des deux. Je pense que dans le projet de loi, on parle de six mois, et dans la directive, c'est également le cas.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Finalement, le seul nouvel aspect de ce projet de loi est que la désignation de plaignant quérulent serait faite par le commissaire. Le reste semble déjà inclus dans la législation et la réglementation ainsi que dans la directive no 081. Mon observation est-elle bel et bien exacte?

[Traduction]

    Non. Selon ce que je comprends du projet de loi, lorsqu’un délinquant est désigné plaignant quérulent, il n’est plus en mesure de faire valoir à un autre palier un grief qui aurait normalement été rejeté en vertu de notre présente politique, parce qu’il s’agit d’une plainte vexatoire. Actuellement, il peut le faire.
    Aux termes du projet de loi, ce ne serait plus possible. Si le délinquant est désigné plaignant quérulent, il ne peut plus faire entendre de griefs, à moins d’obtenir la permission de le faire ou d'obtenir un règlement d’une autre façon. C’est ainsi qu’est rédigé le projet de loi. Il y a donc une différence importante entre la politique actuelle et ce qui est proposé dans le projet de loi.
(1550)

[Français]

    Absolument, mais il pouvait quand même être écarté en étant désigné plaignant quérulent. Toutes ses plaintes pouvaient quand même être écartées par le directeur de la prison.
    C'est possible, oui.
     Ne vous sentiriez-vous pas plus à l'aise s'il y avait des critères décisionnels fixes? Le projet de loi n'indique aucunement le nombre de plaintes; on indique seulement qu'un plaignant pourrait être désigné plaignant quérulent, et il pourrait s'agir seulement d'une plainte ou deux.
     Ne vous sentiriez-vous pas plus à l'aise si vous étiez un peu plus encadré, moyennant des normes un peu plus strictes, pour désigner ce que serait un plaignant quérulent et, par exemple, le nombre de plaintes qu'il aurait dû présenter?

[Traduction]

    En fait, je serais réticent à l'idée d'imposer un nombre précis. Cela permettrait à certains détenus d'inonder le système jusqu'à ce qu'ils atteignent cette limite. À mon avis, ce ne serait pas pratique. Je pense qu'avec les types de définitions que nous utilisons... En plus, nous suivons de très près les critères que la Cour fédérale et les cours provinciales appliquent pour déterminer si un plaignant est quérulent. On devrait donc tenir compte de ces paramètres au lieu de se fier à un chiffre.

[Français]

     Le rapport Mullan soulignait des problèmes sur le plan du respect des délais contenus dans la directive no 081. Plusieurs plaintes pouvant être considérées comme quérulentes sont en fait des plaintes à répétition afin que le Service correctionnel du Canada réponde à ces plaintes dans le délai prescrit.
     Si le Service correctionnel du Canada respectait les délais, le problème ne serait-il pas réglé en partie? Le rapport recommandait même de raccourcir les délais afin d'accélérer le processus.

[Traduction]

    Non. C'est plus qu'une question de délai.
    Nous recevons des plaintes et des griefs vexatoires qui... Pour revenir à la définition que j'ai donnée dans mes observations préliminaires, il y a des délinquants qui présentent ce que nous considérons des plaintes vexatoires dans le but de harceler le personnel. Il n'est pas inhabituel que certains détenus présentent des griefs qui finissent par se retrouver au troisième palier et dans lesquels ils demandent qu'on congédie le directeur. Voilà l'objet de leur grief. Ou encore, ils affirment être harcelés par les membres du personnel qui font leur travail sur le terrain. Ils nomment tous les membres du personnel qui effectuent le quart de travail et formulent un grief contre chacun d'eux.
    C'est plus qu'une question de délai. Il s'agit de plaintes et de griefs qui visent un but précis et qui ciblent des membres du personnel.

[Français]

    N'y a-t-il pas lieu de dire qu'il aurait été mieux de proposer un projet de loi qui se serait attaqué plus globalement à la question de la gestion des plaintes? Je dis cela parce que dans le rapport Mullan, par exemple, on indique aussi qu'il y a trop de paliers et on laisse entendre que le deuxième palier est complètement inutile.
    Si on enlevait le deuxième palier pour donner plus d'autonomie à la prison et même la possibilité d'interjeter appel auprès du bureau du commissaire, le projet de loi ne serait-il pas été plus adéquat?

[Traduction]

    Merci, monsieur Chicoine.
    Cela fait partie d'une question plus vaste; cela va plus loin. Il faut examiner ces types de plaintes et de griefs séparément de ceux qui sont légitimes.
    Merci.
    Nous allons passer à M. Rathgeber; vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins.
    Monsieur Head, il y a deux termes dans le projet de loi que nous utilisons de manière quelque peu interchangeable; il s'agit des termes « plainte » et « grief ». Nous les avons utilisés presque comme des synonymes durant les séances du comité, mais je doute qu'ils le soient sur le plan juridique.
    Votre service fait-il une distinction entre une plainte et un grief?
    Oui, tout à fait.
    Pour nous, une plainte représente le début d'une discussion concernant un problème. Idéalement, lorsqu'un délinquant se plaint de quelque chose, nous voulons que la question soit réglée au palier le plus bas possible de l'organisation, c'est-à-dire par le membre du personnel de première ligne ou le gestionnaire de première ligne. Si on ne parvient pas à la résoudre ou si le détenu n'est pas satisfait de la réponse, il peut alors présenter un grief, qui est assorti de certains délais très précis.
(1555)
    Est-ce que cela donne droit à une audience?
    Cela déclenche un processus plus officiel en ce qui concerne la documentation, les lignes directrices fixant les délais, la catégorisation de la question...
    Faut-il présenter les plaintes ou les griefs sous une forme particulière, ou peut-on tout simplement écrire quelque chose sur un bout de papier et le remettre à un des agents pour que cela constitue une plainte?
    Il y a des formulaires précis, mais nous avons clairement indiqué qu'au bout du compte, le détenu peut essentiellement présenter sa plainte sur un bout de papier s'il n'a pas accès au formulaire pour une raison quelconque ou s'il n'y a pas assez de copies. Le processus sera mis en branle, peu importe si la plainte est faite sur un document officiel préparé à cet effet ou sur un bout de papier.
    En droit, plus exactement en droit du travail, le terme « grief » a une définition très précise sur le plan de la réponse qu'il déclenche. Je vous ai posé la question il y a quelques instants, et vous aviez commencé à y répondre, mais je vous ai ensuite demandé des précisions sur les formulaires. Un grief présenté de manière officielle donne-t-il droit à une sorte d'audience?
    Cela donne au détenu le droit de présenter son cas. Il a quelques occasions de le faire aux paliers inférieurs; lorsqu'il formule un grief, il peut demander que l'affaire soit renvoyée à un comité d'examen des griefs des détenus ou à un comité externe d'examen au premier palier. Un grief y donnerait également droit.
    Si un grief est formulé contre un agent particulier de Service correctionnel Canada, celui-ci a-t-il le droit d'assister à l'audience et de se représenter?
    Il n'y a pas d'audience officielle, comme le genre qui se déroule dans une salle de conférence, mais le responsable de l'enquête solliciterait la perspective des membres du personnel qui sont nommés.
    Selon les statistiques, vous avez 28 800 plaintes et griefs. Seriez-vous en mesure de répartir ce chiffre entre le nombre de plaintes et le nombre de griefs?
    Oui.
    Avez-vous cette information sous la main?
    Il me semble que le grief est quelque chose qu'on prend un peu plus au sérieux du point de vue de la réponse.
    Oui.
    Nous prenons tous les cas très au sérieux et nous essayons d'encourager les détenus à travailler avec les surveillants et les gestionnaires de première ligne pour régler une plainte afin qu'elle ne devienne pas un grief officiel. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons mis en oeuvre le projet pilote fondé sur la méthode substitutive de règlement des différents.
    Jusqu'à présent, 71 p. 100 des cas sont soumis à l'étape de la plainte. Ensuite, on passe au premier palier. Environ 11,6 p. 100 des plaintes se rendent à cet échelon...
    Pardon, j'ai manqué ce bout. Pour formuler un grief, faut-il d'abord le présenter comme une plainte?
    C'est ça.
    D'accord.
    Tenez-vous des statistiques sur le nombre de plaintes et de griefs qui ont gain de cause? J'entends par là que le plaignant reçoit une réponse en sa faveur et que la commission prend une mesure pour remédier à la situation faisant l'objet de la plainte ou du grief. Compilez-vous ce genre de statistiques?
    Oui.
    Nous avons des statistiques pour tous les paliers, mais je vais vous donner un exemple du troisième palier, qui est le mien ou celui de mon délégué, à savoir le sous-commissaire principal.
    Au troisième palier, 32 p. 100 des griefs sont soit maintenus, soit maintenus en partie. En fait, la plupart sont maintenus en partie. Ils le sont d'habitude parce que les délais aux paliers inférieurs n'ont pas été respectés et que le détenu en a fait un des objets de son grief. On finit donc par confirmer le fait que le plaignant a reçu une réponse tardive.
    Toutefois, 55 p. 100 des cas qui se rendent au troisième palier sont rejetés, et quelque 20 p. 100 sont rejetés pour diverses raisons.
(1600)
    Comment ce système et celui du bureau de M. Howard Sapers, l'enquêteur correctionnel, se recoupent-ils ou interagissent-ils? J'ai toujours cru que c'était à lui d'enquêter sur les plaintes portant sur le service.
    Au fond, il peut enquêter sur n'importe quel dossier qu'il veut. Il lui arrive parfois de recevoir des plaintes directement des détenus si ceux-ci décident de ne pas passer par notre système de plaintes ou de griefs.
    C'est pourquoi lorsqu'on essaie de comparer les chiffres dans son rapport annuel avec nos statistiques, il n'y a jamais de concordance. Il s'occupe des plaintes reçues; en vertu de la loi, par contre, mon personnel et moi sommes chargés de répondre aux griefs des délinquants. Lui, il est chargé de répondre aux plaintes qui sont directement envoyées à son bureau.
    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Il vous reste 30 secondes.
    M. Brent Rathgeber: Merci beaucoup.
    Le président: Nous passons maintenant à M. Scarpaleggia; vous avez sept minutes.
    Encore une fois, bienvenue, monsieur le commissaire et chers invités.
    Y a-t-il, en plus, un comité externe d'examen?
    Aux termes du règlement, il est possible de renvoyer un grief à un comité d'examen des griefs des détenus. À l'heure actuelle, on en trouve seulement six dans nos 54 établissements. Pour ce qui est d'un comité externe d'examen, qui est parfois composé des membres du comité consultatif de citoyens, il n'y en a que neuf dans les 54 établissements partout au pays.
    Les détenus ne demandent pas que leur grief soit renvoyé au comité d'examen des griefs des détenus ou au comité externe d'examen.
    C'est donc au détenu de décider s'il veut soumettre sa plainte à un comité d'examen des détenus ou à un comité externe — est-ce exact?
    En grande partie, oui.
    Parlons maintenant des 25 détenus qui ont déposé 100 plaintes ou plus. Est-ce que...
    Ce chiffre comprend les plaintes et les griefs.
    Cela comprend les griefs aussi?
    Selon vous, quel pourcentage d'entre eux sont peut-être des détenus souffrant de détresse psychologique ou de maladie mentale qui ne font pas cela pour le plaisir, si on peut dire?
    En ce qui concerne le groupe des 25 détenus en question, rien dans leurs dossiers ne laisse entendre qu'ils souffrent de graves problèmes de santé mentale.
    Ces détenus n'avaient donc aucun problème de santé mentale?
    Non. Il y a peut-être quelques problèmes mineurs de santé mentale, mais ceux-ci ne se manifestent pas comme des cas de maladie mentale aiguë.
    D'accord.
    Compte tenu du grand nombre de plaintes ou de griefs déposés par chacun de ces 25 détenus, leur contenu aurait-il tendance à être semblable d'une personne à l'autre?
    Après tout, combien de plaintes peut-il y avoir? Se plaint-on de choses comme « Mon repas a été servi trop en retard » ou « Mon repas est trop froid »? Quelqu'un a mentionné une possibilité à laquelle je n'avais pas pensé: un détenu qui ne reçoit pas à temps ses médicaments — par exemple, de l'insuline.
    J'ai l'impression que la gamme des plaintes et des griefs éventuels doit être assez limitée.
    En fait, vous seriez surpris d'apprendre les choses dont les gens peuvent se plaindre.
    Si je ne me trompe pas, un membre de votre comité avait donné l'exemple de quelqu'un qui s'était plaint que sa crème glacée était trop froide. C'était là une vraie plainte. Il y a eu des cas où des détenus se sont plaints que leur oeuf était trop petit.
    Vous savez, c'est fou ce à quoi on peut penser quand on se tourne les pouces 24 heures par jour.
    C'est donc très varié d'un plaignant à l'autre.
    Oui, et encore une fois, je ne veux pas banaliser l'ensemble des plaintes et des griefs, parce que certains d'entre eux sont légitimes. Bien entendu, ces cas ne nous laissent jamais indifférents, et c'est pourquoi nous mettons en priorité ou examinons de toute urgence les questions concernant le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité.
    Comment feriez-vous pour enquêter sur une plainte comme « on m'a servi un oeuf trop petit »?
    Mis à part la production des oeufs, nous examinerions le menu du jour. Nous tiendrions compte de la quantité d'oeufs qui ont été produits, sans perdre de vue que leur grosseur varie. De ce fait, il serait fort possible que le plaignant se soit retrouvé avec un oeuf un peu plus petit que celui de M. Côté ou de M. Dalton, ses voisins de table. Au bout du compte, ce serait peut-être une question de chance. Ces plaintes sont parfois faciles à régler puisqu'il s'agit de dire qu’on n’y peut pas grand-chose. Toutefois, à cause du libellé actuel de la loi, quand on répond au détenu qu’on n’y peut rien, que le repas a quand même rempli les exigences diététiques, etc., si celui-ci est insatisfait de la réponse, il peut du coup présenter un grief au deuxième palier.
(1605)
    Est-ce qu'une plainte de ce genre pourrait se rendre jusqu'à votre palier?
    Oui. J'ai déjà fourni des réponses à des plaintes portant sur des questions comme des oeufs trop petits ou des crèmes glacées trop froides.
    Mais je suppose qu'avant de passer à votre palier, le plaignant aurait déjà reçu une réponse officielle.
    Après la décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement de griefs, le détenu peut décider de soumettre sa cause à une révision judiciaire à la Cour fédérale. Voilà pourquoi nous suivons les mêmes démarches, comme s'il s'agissait d'une question de vie, de liberté et de sécurité.
    Combien de plaintes ou de griefs finissent par faire l'objet d'une révision à la Cour fédérale?
    Au cours des cinq dernières années, il y en a eu environ 160. Depuis trois ans, la moyenne est de 17 cas par année. La plupart d'entre eux sont rejetés ou tranchés par un jugement en faveur de la Couronne. Très peu de ces plaignants ont gain de cause à la Cour fédérale.
    Une plainte soit-disant frivole pourrait-elle se rendre jusqu'à la Cour fédérale?
    Oui, c'est fort possible.
    Qui financerait ce genre de cas pour le compte du plaignant?
    Ce serait nous. Je dois payer les avocats du ministère de la Justice pour défendre ces cas. Il faut d'abord déterminer si nous allons nous y opposer ou procéder à une médiation, selon le cas.
    Le processus de règlement des plaintes a fait l'objet d'un examen interne en 2009. Pourquoi y a-t-il eu un examen externe par la suite?
    C'était, en partie, en réponse aux questions que le Bureau de l’enquêteur correctionnel avait soulevées pour déterminer si notre examen interne était biaisé ou non. J'ai accepté sans aucune hésitation qu'on procède à un examen externe de notre processus. Celui que nous avions mené à l'interne avait une portée étroite. Nous avons donc demandé que l'examen externe soit plus général afin de déterminer s'il y a lieu d'apporter des changements importants au système pour en accroître l'efficacité.
    A-t-on proposé d'importants changements systémiques? La vérification externe de 2010 était-elle conforme à la vérification interne de 2009?
    En grande partie, oui. La vérification a mis en évidence certaines questions en matière de procédure. Pour ce qui est de l'examen externe, son auteur, le professeur Mullan, a porté à notre attention certains points, notamment ce que nous faisons actuellement dans le cadre du projet pilote...
    Pensez-vous que la médiation pourrait fonctionner?
    Oui, surtout aux premières étapes, d'après ce que nous observons. À l'heure actuelle, 10 établissements ont recours à des mécanismes substitutifs de règlement des différends. Depuis novembre, environ 34 p. 100 des cas ont été réglés de cette façon. Il y a donc de quoi être heureux.
    Merci.
    Nous revenons maintenant aux députés de l'opposition. Monsieur Garrison, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins et M. Head en particulier, qui a comparu devant nous à maintes reprises. Vos témoignages nous sont toujours très utiles.
    Je pense que je vais tomber dans le même piège dont j’ai parlé au sujet du projet de loi, c’est-à-dire qu’il peut détourner notre attention du rôle important que peut jouer un système de plaintes dans un système carcéral bien géré. J’ai déjà dit à quel point il aide à mettre les problèmes en évidence dans les institutions. Il contribue à réduire la pression en offrant la possibilité de faire des griefs et permet de régler les problèmes. En nous concentrant sur ce petit groupe, nous tendons à oublier les avantages. Cela dit, je vais moi-même le faire.
    Il y a quelque chose que j'ai trouvé intéressant. Vous avez dit avoir un profil au sujet des 25, je crois, et aussi des 136, j'imagine, qui sont les plus prolifiques. Avez-vous évalué les causes, et avez-vous trouvé des solutions ou des programmes pour les régler?
    Nous avons examiné chacun des cas. Nous avons déterminé des facteurs, qui varient majoritairement en fonction de chaque individu. Je vais vous donner un exemple.
    C'est un cas que nous avons eu il y a plusieurs années. Un individu qui purgeait une très longue peine avait participé à bon nombre de programmes, avait du temps, et a décidé de le passer à préparer deux ou trois griefs par jour. Nous n'avions pas beaucoup de programmes à lui offrir. Il nous a fallu trouver d'autres façons de l'occuper. Lorsque nous l'avons fait, il a trouvé des choses qu'il n'aimait pas sur la façon dont ces journées étaient remplies, et il a commencé à faire des plaintes et des griefs sur ces activités.
    Nous savons que pour certaines personnes, inonder le système avec ce type de griefs est devenu leur raison d'être. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose. Quelques-uns de ces individus étaient relativement actifs, instruits et ont fait un effort concerté pour inonder le système. Le projet de loi proposé, ou un projet de loi semblable, nous aidera à nous occuper de ces cas.
    À mon avis, ce que vous avez dit tout à l'heure est tout à fait juste: la grande majorité des plaintes faites par des délinquants sont légitimes. La plupart sont traitées à l'étape de la plainte, soit en donnant plus de renseignements aux délinquants ou en corrigeant une situation, ou en trouvant la bonne voie pour régler le problème. Cela nous indique s'il y a des problèmes dans une institution. Toutefois, si nous passons notre temps à nous occuper de cette très petite partie des gens qui inondent le système en présentant un nombre important de griefs mal fondés et vexatoires, nous ne sommes pas en mesure de servir la grande majorité des délinquants qui ont peut-être des plaintes justifiées.
(1610)
    Concernant les délinquants qui présentent un grand nombre de plaintes, y a-t-il un mélange de plaintes graves et de plaintes mal fondées et vexatoires? Sont-elles toutes mal fondées et vexatoires?
    Il arrive parfois que certaines plaintes soient justifiées, mais elles ne suscitent pas des préoccupations pour la vie, la liberté ou la sécurité des gens. Elles concernent habituellement une procédure qui n'a pas été suivie ou le dossier, mais parfois quelque chose finit par être maintenu, ou maintenu en partie, et cela va au-delà d'un délai qui n'est pas respecté.
    Si l'on a recours à un type de système comme celui que le projet de loi propose, qui ne comprend pas de seuil, pensez-vous qu'on risque de nuire au système de plaintes? En d'autres termes, les gens dont les plaintes sont légitimes pourraient être réticents à les présenter par crainte d'être désignés comme plaignants quérulents.
    Non. Encore une fois, la grande majorité des délinquants qui présentent des plaintes le font moins de 10 fois par année. Je pense que la moyenne au pays est entre quatre plaintes et quatre plaintes et demie par an.
    Compte tenu du milieu dans lesquels ils se trouvent, qui est très discipliné et contrôlé, présenter quatre fois par année un grief sur la façon dont une personne a géré une situation ne semble pas inhabituel. Je ne crois pas que cela changera quoi que ce soit pour la grande majorité des délinquants. Selon nous, le projet de loi cible les 25 à 136 délinquants qui en présentent plus de deux par mois.
    Une fois que ces 25 à 136 délinquants seront désignés, que leur arrivera-t-il? Ne vont-ils pas simplement trouver d'autres méthodes pour perturber le système, si, selon ce que vous semblez dire, cela est le but premier?
    C'est une bonne question. Selon la forme que prendra le projet de loi et les processus en place, ils pourront encore avoir la possibilité de soulever des problèmes. Il reste encore à déterminer la façon de les examiner ou la fréquence à laquelle ils seront examinés.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Madame Hoeppner.
    Je remercie beaucoup les trois témoins de leur présence.
    En vous écoutant, je suis consternée, et je pense que c'est le cas pour bon nombre de Canadiens également, à tort ou à raison, car nous avons un processus par lequel les criminels condamnés peuvent perturber le système en se plaignant que leurs oeufs sont trop petits ou que leur crème glacée est trop froide, et le dossier peut se rendre jusqu'à vous, monsieur Head, et peut-être devant le tribunal.
    Lorsque nous avons des gens au pays... Qu'il s'agisse des soins de santé, de l'éducation, de l'alimentation ou du logement, nous connaissons les problèmes auxquels les citoyens respectueux des lois font face. Et le fait de savoir que nous avons un système en place... Monsieur Head, vous êtes beaucoup plus patient que moi à cet égard, et c'est donc bien que vous fassiez ce travail.
    Je me demande si vous pouvez me dire de quelle façon les agents de première ligne réagissent lorsqu'ils doivent s'occuper de ce type de... Et soyons clairs, nous ne parlons pas seulement d'une plainte vexatoire ici. Le projet de loi porte sur les individus qui font un nombre élevé de plaintes ou de griefs vexatoires. Pourriez-vous nous dire ce que pensent les agents de première ligne sur la possibilité qu'ont les détenus de le faire, ainsi que du projet de loi?
(1615)
    Merci. C'est vraiment une bonne question.
    J'ai déjà dit maintes fois au comité à quel point je suis fier des membres de mon personnel, qui fait preuve de professionnalisme, jour après jour.
    C'est difficile pour eux, qu'il s'agisse des agents correctionnels, des agents de libération conditionnelle, des agents d'exécution de programmes, des infirmières, et d'autres membres du personnel qui sont parfois la cible du nombre élevé de griefs vexatoires et mal fondés. La situation est très difficile, car pour la grande majorité des enquêtes concernant ces plaintes et ces griefs... Les employés font leur travail et le font bien, et ils continuent à faire preuve de professionnalisme. Toutefois, lorsque des individus continuent à présenter des griefs contre eux...
    Compte tenu de l'expérience que vous avez acquise dans votre ancienne profession, vous pouvez vous imaginer ce que ce serait si deux ou trois citoyens présentaient constamment des griefs sur la façon dont vous avez interagi avec eux. À un moment donné, on se pose des questions. Est-ce que je fais du bon travail? Est-ce que c'est le travail que je veux faire? Est-ce le milieu dans lequel je veux travailler, un milieu où les gens peuvent s'en tirer en faisant ce type de plaintes? Et il n'y a vraiment aucun recours pour les plaintes mal fondées ou vexatoires.
    Êtes-vous en train de dire que les agents correctionnels qui sont visés par les plaintes vexatoires n'ont vraiment aucun moyen de se défendre, ni même de rétablir leur réputation?
    Sans nommer personne, pouvez-vous nous donner un exemple d'une plainte vexatoire qui a déjà été présentée contre un agent correctionnel? Cet agent a-t-il été en mesure de se défendre et de s'en sortir la tête haute, ou est-ce démoralisant à bien des égards?
    Je vais utiliser un exemple d'un établissement à sécurité maximale. Un bon exemple, c'est lorsqu'un détenu écoute la radio et monte le son. Il le fait pour toutes sortes de raisons. Cette situation engendre des problèmes de sécurité. L'employé demande alors au délinquant de baisser le son. Il refuse. L'employé le lui ordonne. Il refuse, et il peut ensuite être accusé d'avoir refusé d'obéir à un ordre.
    Le détenu peut ensuite présenter une plainte, un grief. Dans ce cas, le grief est normalement rejeté; on suppose que l'agent a interagi de façon appropriée avec le détenu. Toutefois, si cela ne plaît pas au détenu, il peut présenter un grief au deuxième palier et ensuite au troisième palier, et chaque fois, nous demandons à l'employé d'expliquer pourquoi il a fait le travail qu'il était censé faire.
    Vous pouvez imaginer que si un délinquant attend que l'employé commence son quart de travail et qu'il surveille ses moindres gestes et présente une plainte, suivi d'un grief, c'est vraiment démoralisant pour l'employé — en sachant que l'agent est sur les lieux pour assurer la sécurité des détenus et de ses collègues et, au bout du compte, des Canadiens, le délinquant présente une plainte ou un grief sur toutes les mesures prises. Après un certain temps, cela devient démoralisant.
    Merci beaucoup.
    Madame Morin.

[Français]

    Tout d'abord, je voudrais remercier M. Head de se présenter de nouveau à notre comité.
     Je vous remercie, on apprécie vos témoignages. Je voulais avoir une confirmation de votre part. Comme le projet de loi C-10 aura finalement force de loi, la population carcérale va probablement augmenter considérablement. On sait qu'il y aura plus de problèmes de gestion des plaintes puisqu'il y aura plus de personnes dans les prisons. Pouvez-vous confirmer cela?
(1620)

[Traduction]

    J'ai témoigné devant tellement de comités dernièrement que je ne me souviens pas de ce que j'ai dit à chaque comité.
    Nos projections de population de 2008 ne se sont pas réalisées. L'augmentation de notre population est beaucoup moins importante qu'auparavant. Il y a eu une augmentation, mais c'est loin de nos projections d'il y a quatre ans.

[Français]

    Ne craignez-vous pas qu'en empêchant les détenus de se plaindre, il pourrait peut-être y avoir une augmentation de la violence à l'intérieur des prisons, qui serait aggravée par l'augmentation de la population carcérale?

[Traduction]

    Cela ne m'inquiète pas outre mesure. D'après la façon dont le projet de loi le propose et d'après ce que je lis, et tout dépend du nombre, entre 25 et 136 détenus pourraient être désignés plaignants quérulents, ce qui représente au plus deux détenus par institution.
    Quant aux préoccupations que vous soulevez, je ne suis pas inquiet outre mesure. Une fois que nous aurons désigné ces personnes, de toute évidence, le personnel devra continuer à travailler avec elles. Il faut aussi comprendre pourquoi elles le font. Nous voulons que nos employés continuent à y travailler plutôt que de s'occuper de plaintes mal fondées et vexatoires.

[Français]

    La prison de Donnacona, au Québec, serait apparemment un modèle pour les autres prisons en matière de gestion de plaintes. Il existe là-bas un processus informel de gestion des plaintes. Selon le rapport Mullan, 45 p. 100 des griefs seraient réglés par un processus un peu plus informel, soit avec des comités de détenus ou grâce à une collaboration.
    Pourquoi le Service correctionnel ne pourrait-il pas adopter cette approche, en utilisant la directive no 081 qui existe déjà?

[Traduction]

    Nous le faisons. C'est pourquoi nous avons mis en oeuvre un projet pilote dans 10 institutions — le mécanisme substitutif de règlement des différends. Concernant les plaintes légitimes en général, nous croyons que le mécanisme substitutif, un processus informel de règlement, nous permettra de régler la grande majorité des plaintes.
    Comme M. Côté l'a dit un peu plus tôt, environ 71 p. 100 de tous les cas sont réglés à l'étape de la plainte. C'est bien. Nous voulons continuer à les régler au plus bas palier possible. Si la plainte passe du premier palier, au deuxième et au troisième, cela peut engendrer un plus gros problème. Nous voulons les régler au palier inférieur. L'objectif de notre projet pilote est de miser sur ce que vous venez justement de soulever.

[Français]

    Me reste-t-il du temps de parole, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

     N'auriez-vous pas préféré un projet de loi plus global s'attaquant à l'ensemble des plaintes dans le milieu carcéral? Cela ne vous aurait-il pas davantage aidé, dans le milieu?

[Traduction]

    À mon avis, c'est l'un des problèmes principaux. Si nous sommes en mesure de régler la question des griefs mal fondés et vexatoires, je crois qu'il y a d'autres processus en place pour régler les griefs normaux qui ne sont pas présentés à répétition. Nous pouvons les gérer. Toutefois, puisque nous consacrons beaucoup de temps et d'énergie à régler les griefs vexatoires et mal fondés, nous ne pouvons pas régler les autres.
    Je dois dire que je suis ravi de l'orientation du projet de loi, car il est axé sur un problème précis. S'il était plus global, il ne nous permettrait pas de régler les problèmes fondamentaux qui existent dans notre système.
    Merci beaucoup.
    Nous retournons du côté du gouvernement, et c'est au tour de Mme Young.
    Madame Young, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie beaucoup de votre présence. Les renseignements que vous nous avez donnés au cours de votre exposé sont excellents.
    Vous venez de dire que quelque chose pousse les gens à présenter des plaintes vexatoires. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    De plus, le paragraphe 91.1(6) du projet de loi de Mme James indique ce qui suit: « Le directeur du pénitencier veille à ce que soit établi un plan en vue d'aider le délinquant désigné plaignant quérulent à rompre le cycle des plaintes et des griefs de premier palier ». Premièrement, que savez-vous, ou quelles recherches avez-vous faites sur la façon de gérer cela et les raisons de le faire? Deuxièmement, avez-vous une idée de la façon dont vous allez mettre des processus en place pour régler les plaintes vexatoires? Troisièmement, si c'est le cas, cela mènera-t-il à la création d'un autre système que vous devrez mettre en oeuvre, gérer, etc.?
(1625)
    C'est une très bonne question.
    Si le projet de loi n'était pas aussi normatif, il y aurait des façons de régler la question des plaintes frivoles et vexatoires, ce qui nous pose problème. À mon avis, l'intention générale du projet de loi est très bonne. Cependant, en raison de la façon dont il est rédigé, nous devons y réfléchir et instaurer des processus qui nous permettront de régler la question autrement.
    Pour répondre à votre première question, les raisons pour lesquelles les détenus présentent ces plaintes reposent sur des problèmes fondamentaux qui, habituellement, n'ont rien à voir avec ce qu'ils écrivent, mais avec le fait qu'ils ne savent pas quoi faire de leur temps. C'est notre responsabilité. Nous devons les inciter à participer davantage aux programmes ou aux activités.
    Mais dans le cadre du système actuel, je n'ai aucun outil pour m'aider à les persuader à choisir cette voie alors qu'ils peuvent se contenter de continuer à écrire à ce sujet. Ils peuvent ensuite déposer une plainte contre le personnel disant qu'on les harcèle pour qu'ils s'inscrivent à des programmes. Ensuite, je dois traiter la plainte, en fonction des trois paliers de la procédure de règlement des plaintes.
    Une des choses que le projet de loi me permet de faire est de donner cette désignation à certains détenus, bien qu'ils doivent satisfaire au critère de persévérance et ne pas participer qu'une seule fois. Ensuite, nous pouvons nous occuper de ce qui doit être fait, c'est-à-dire de les amener à se concentrer sur les choses essentielles, de façon à ce qu'ils puissent être des citoyens respectueux des lois lorsqu'ils retourneront dans la collectivité.
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Oui. Il vous reste deux minutes.
    Ce que vous dites — et je déduis peut-être cela de vos propos ou de quelque chose du genre — c'est qu'en réalité, le projet de loi vous donne un outil qui vous permet de briser le cycle des plaintes vexatoires qui obsède manifestement certains détenus.
    Ce que je retiens de vos propos, c'est que vous êtes alors plongé dans un cycle de plaintes successives, parce qu'ils présenteront une plainte au sujet de la plainte précédente qui elle-même portait sur une plainte antérieure. Ceci vous donne donc un outil que vous pouvez utiliser pour enrayer ce cycle et, nous l'espérons, pour leur accorder l'attention et l'aide dont ils ont besoin.
    Tout à fait. Vous m'avez bien compris. En ce moment, en vertu de la loi, de la réglementation et de notre politique actuelles, nous pouvons considérer qu'une chose constitue une plainte frivole et vexatoire, mais le délinquant peut être en désaccord et décider ensuite de présenter un grief. En vertu du plan proposé, j'ai un outil qui me permet de mettre fin à ce processus et de commencer ensuite à travailler avec le délinquant d'une autre façon.
    Autrement dit, plutôt que d'avoir un processus de plaintes négatif et incontrôlable duquel les gens sont incapables de se sortir parce qu'ils ne font que le perpétuer, vous aurez un outil efficace qui vous permettra de les libérer de ce cercle vicieux et de les aider à consacrer leur temps en prison à des choses plus positives.
    J'aurais une autre brève question si j'en ai le temps, monsieur le président...
    Soyez très brève, je vous prie.
    ... et elle porte sur le coût de toutes ces plaintes.
    Vous avez dit que cette année, le coût était d'environ 5 millions de dollars. De toute évidence, il faut tout de même avoir un système pour les plaintes légitimes. Personne ne parle d'éliminer cela. Donc, si on soustrait les plaintes vexatoires, quel est le pourcentage, par rapport au total de 5 millions? À votre avis, quel pourcentage de ce montant pourrait être économisé et utilisé à d'autres fins?
    Grosso modo, par rapport aux 25 personnes qui déposent plus de 100 plaintes par année, si on suit le processus défini dans le projet de loi, je dirais que c'est entre 250 000 et 500 000 $ par année, seulement pour ces 25 personnes.
(1630)
    Merci.

[Français]

    Madame Boivin, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Je remercie les témoins. C'est absolument fascinant. Je ne prétends pas être une spécialiste dans le domaine, et je suis ici en remplacement d'un de mes collègues, mais j'ai quelques questions qui me viennent à l'esprit.
     J'ai pratiqué comme avocate dans le domaine du droit du travail, surtout en matière de conventions collectives et d'arbitrage de griefs. Le gros dilemme est toujours de savoir quel processus est le plus fonctionnel, le plus efficace et le plus juste pour les parties en cause. J'ai toujours été une tenante des processus les plus directs. Il y a les premier, deuxième, troisième et quatrième paliers: à un moment donné, on ne finit plus de ne plus en finir et on tourne souvent en rond, et ainsi de suite.
    Je sais que mon collègue M. Chicoine a posé cette question, mais je ne suis pas convaincue que j'aie bien entendu votre réponse à ce sujet: ne serait-il pas mieux de diminuer le nombre de paliers pour être plus efficace? Dès lors, vous seriez moins embourbé dans toutes les plaintes que vous recevez.

[Traduction]

    Non. Encore une fois, par souci de clarté — et je vous prie de m'excuser de ne pas avoir été plus précis —, je pense qu'à l'avenir nous aurons davantage l'occasion de chercher des façons d'être plus efficaces et efficients. Cela pourrait inclure la possibilité d'éliminer certains niveaux, mais cela doit se faire en conformité avec plusieurs autres mesures législatives, dont celle-ci.
    Donc, un n'exclut pas l'autre...

[Français]

    Exactement, oui.

[Traduction]

    ... cela pourrait toujours se faire. Parce qu'à mon avis, il semble qu'il s'agit d'un processus assez lourd en ce moment, surtout quand on considère le genre de grief ou de plainte que vous recevez parfois. J'espère vraiment que vous n'aurez pas quatre paliers pour quelqu'un qui veut de la crème glacée. Il y aurait vraiment de quoi s'arracher les cheveux.
    Cela dit, lorsqu'on lit la loi — ce qui est toujours intéressant — et qu'on regarde le paragraphe 91.1(2)

[Français]

proposé, on remarque qu'on y dit ceci:
Le commissaire peut désigner plaignant quérulent tout délinquant qui, à son avis, a présenté un nombre élevé de plaintes ou griefs vexatoires, mal fondés ou entachés de mauvaise foi.
    D'abord, je suis portée à vous poser la question suivante: à votre avis — car vous qui êtes le commissaire —, comment allez-vous y prendre? Un nombre élevé de plaintes correspondrait à combien de plaintes? On mentionne les termes «  vexatoires, mal fondés ou entachés de mauvaise foi ».
    Or je reviens encore une fois à mon expérience d'avocate en droit du travail. Quand on se retrouvait, en matière d'évocation, à tenter de parler de concepts de comportements « vexatoires, mal fondés et entachés de mauvaise foi »... S'il y a quelque chose de difficile à prouver dans la vie, c'est bien la mauvaise foi vu qu'on présume toujours de la bonne foi des gens.
    J'essaie de voir comment ce genre de nouveaux pouvoirs va pouvoir vous être utile et si vous n'allez pas être plutôt embourbé, en vertu de l'article 91.3 proposé, lorsque vous retrouverez aux prises avec des tonnes de demandes de contrôle judiciaire sur des décisions que vous allez prendre.
    Est-on est en train de changer un système et de le rendre pire au moyen d'un autre système? C'est un peu ce qui me vient à l'esprit quand je lis ce type de texte de loi.

[Traduction]

    Ce sont de très bonnes questions. J'ai deux ou trois réponses.
    Je vais d'abord m'occuper de vos dernières questions. Pour ce qui est d'alourdir le processus, étant donné qu'il s'agit d'une décision très importante que l'on prend par rapport à quelqu'un qui est sous la responsabilité de l'État, ce que je constate au sein de mon organisme — que cela relève de moi ou que je sois en mesure de la déléguer au sous-commissaire principal —, c'est qu'il s'agit du niveau adéquat pour ce genre de désignations.
    Encore une fois, en fonction des chiffres actuels, je dirais qu'il y a entre 25 personnes et un peu plus de 100 personnes par année que l'on pourrait considérer comme répondant à ces critères, et je pense que cela justifie un examen aux échelons supérieurs de l'organisme, étant donné que ces gens sont sous la responsabilité de l'État.
    Pour ce qui est de la capacité de faire la distinction, j'imagine qu'en fonction de votre expérience en droit du travail, vous serez en mesure de savoir si une partie fait preuve de mauvaise foi. Cela devient si évident. J'ai maintenant plus de 34 ans d'expérience dans le domaine des services correctionnel et beaucoup de cadres supérieurs comptent autant d'années aussi. C'est une des choses que l'on sait intuitivement. En fin de compte, nous devrons justifier nos décisions parce qu'elles pourraient faire l'objet d'une révision judiciaire. Sachant qu'ils pourraient faire l'objet d'une révision judiciaire, ces gens devront être bien documentés; nous avons beaucoup d'expérience dans ce domaine, c'est-à-dire par rapport aux concepts du devoir d'agir équitablement et de la primauté du droit. Donc, je suis certain que nous pourrons faire la distinction entre une plainte frivole et vexatoire et — à défaut d'un meilleur terme — un « bon » grief.
(1635)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant retourner du côté du gouvernement. La parole est à M. Leef.
    Merci, monsieur le président.
    Examinons la mesure législative de nouveau. Cela s’inscrit en quelque sorte dans la même veine que les questions de Mme Young.
    Au paragraphe 91.1(3) proposé, on lit: « Lorsqu’il envisage de désigner un délinquant plaignant quérulent, le commissaire », puis il y a deux ou trois paragraphes. Dans l’un d’entre eux, on lit : « donne au délinquant l’occasion d’apporter la preuve du contraire », et aussi de « suggérer un plan de rechange ou d’autres moyens de remédier à la situation ». Cela m’indique que si vous imposez cette désignation au délinquant, il faut au moins lui donner l’occasion de suggérer un plan de rechange ou d’autres moyens de remédier à la situation.
    À votre avis, cela pourrait-il éliminer l’étape suivante qui consiste à devoir s’assurer qu’un plan est mis en oeuvre pour aider le délinquant, que l’on retrouve dans le paragraphe 91.1(6) proposé, dont vous avez parlé? Cela pourrait créer des conditions coûteuses ou une planification minutieuse afin de décider de la marche à suivre. Si on permet aux délinquants de proposer un plan de rechange, fort probablement avec l’aide d’un gestionnaire de cas ou d’un agent de première ligne, pensez-vous que c’est une possibilité, de sorte que vous n’auriez pas à invoquer ce paragraphe?
    C’est tout à fait possible, étant donné la façon dont c’est prévu à cet endroit. Cela rend possible le fait qu’un délinquant suggère une approche visant à remédier à la situation que nous pourrions juger plus appropriée, beaucoup plus acceptable qu’un processus de plainte et de grief. Cela deviendrait en quelque sorte — faute d’un meilleur terme, encore une fois — le contrat comportemental entre l’établissement ou l’équipe de gestion de cas et le détenu par rapport aux problèmes qu’il pourrait avoir.
    Considéreriez-vous cela comme une possible recommandation initiale ou peut-être une politique particulière? Lorsque vous passez par toutes les étapes et que vous voyez quelqu’un qui est considéré comme un plaignant quérulent ou frivole, cela pourrait être quelque chose que vous pourriez proposer d’entrée de jeu, dès le début, au gestionnaire de cas, par exemple. Vous diriez: « Je dois offrir au détenu l’occasion d’apporter la preuve du contraire ou de suggérer un plan de rechange, et je vous encourage fortement à travailler avec cette personne dès maintenant pour mettre en oeuvre ce plan de rechange, pour moi, afin d’éviter d’avoir recours aux mesures prévues au paragraphe 91.1(6) ».
    Encore une fois, c’est une approche possible. Peu importe si le projet de loi va de l’avant ou si on y apporte des amendements ou non, ce que nous ferions, notamment, c’est que pendant l’orientation offerte à tous les détenus qui entrent dans le système, nous insisterions sur le recours adéquat au système de plaintes et de griefs, sur ce qui pourrait se produire s’ils déposent une série de plaintes vexatoires et sur ce qu’ils devraient faire en cas de problème. Ainsi, ils pourraient travailler avec le personnel de première ligne et les équipes de gestion de cas afin d’éviter de se retrouver dans une situation où on les désigne plaignants vexatoires.
    J’aimerais maintenant revenir au sujet que Mme Hoeppner a abordé dans ses questions, c’est-à-dire les effets sur le personnel de première ligne.
    Pour ce qui est des plaintes vexatoires au sujet du personnel, avez-vous vu des plaintes qui ne seraient pas seulement malhonnêtes à l’endroit du personnel, mais qui seraient aussi menaçantes, vulgaires et entachées de mauvaise foi? On pourrait arriver à un point où les allégations erronées pourraient même aller jusqu’à être des allégations criminelles qui s’avèrent frivoles, vexatoires et entachées de mauvaise foi. Si oui, quelles répercussions avez-vous observées chez votre personnel de première ligne?
(1640)
    Nous avons régulièrement vu des plaintes de cette nature, venant de certains plaignants qui déposent des plaintes à répétition ou des plaintes multiples. Le langage qu’ils utilisent, les choses qu’ils suggèrent aux gens de se faire à eux-mêmes sont totalement inappropriées et ne correspondent absolument pas au genre d’attitude et de comportement que nous attendons d’eux s’ils veulent changer. Il s’agit d’attitudes ou de comportements qui les ont menés en prison. Donc, c’est un problème. Encore une fois, en fin de compte, un délinquant peut déposer ce genre de plainte ou de grief. Nous pouvons enquêter. Nous pouvons conclure que la plainte est absolument sans fondement. Nous pouvons rédiger une lettre sévère.
    Comment peut se sentir un membre du personnel? Vous avez été soumis à un examen tout en sachant que ce n’était pas fondé. Vous avez été traité de façon très irrespectueuse et, en fin de compte, il n’y a pas de conséquences importantes. Dans sa forme actuelle, le système permet au délinquant de recommencer le processus dès demain et de déposer une autre plainte et un autre grief.
    Merci, monsieur Leef.
    Madame Hoeppner.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Head, j’aimerais revenir au paragraphe 91.1(6) proposé du projet de loi. Lorsque Mme James a témoigné, elle a indiqué que lorsqu’elle parlait du point selon lequel le « directeur du pénitencier veille à ce que soit établi un plan en vue d’aider », notamment, l’intention n’était pas d’avoir un important et coûteux document. En fait, elle était préoccupée — et je crois qu’il y a des gardiens qui ont exprimé des réserves — que l’utilisation du terme « plan » pouvait mener à ce genre de conclusion parce qu’on parle de plans correctionnels, etc.
    Pourriez-vous, je vous prie, faire des commentaires à ce sujet et nous dire si vous avez quelque préoccupation que ce soit par rapport au libellé du projet de loi? Les directeurs de pénitenciers ont-ils des préoccupations à cet égard?
    Je vous remercie de la question. C’est une de nos préoccupations. Cela se rapporte au commentaire que j’ai fait plus tôt.
    Encore une fois, je trouve que l’intention du projet de loi est tout à fait juste; il nous sera très utile. La nature normative du libellé pourrait, à mon avis, nous poser problème. Quant à la formulation entourant la création d’un « plan », ce qui me préoccupe par rapport à cela, à l’avenir, qu’il s’agisse d’un plan distinct ou qu’il fasse partie d’un plan correctionnel, c’est que ce sera un de ces cas où si le délinquant a le droit à ce moment-là de demander un examen judiciaire sur la question de la désignation, nous savons que les tribunaux examineront la loi.
    Ils vont prendre la loi au pied de la lettre. S’ils voient le mot « plan », ils vont en chercher un; donc, cela nous préoccupe parce qu’il s’agit en quelque sorte d’une étape procédurale que nous devrons mettre en place, alors que nous ne l’avons pas actuellement.
    D’accord. Je vous remercie.
    Vous avez aussi parlé d’analystes des griefs.
    Monsieur Dalton, je suppose que vous êtes un analyste des griefs. Est-ce exact?
    Très brièvement — il me reste probablement environ trois minutes seulement —, pourriez-vous nous dire en quoi consiste votre travail, au quotidien? Quel est votre rôle dans le processus de griefs? Parlez-nous de ce qui est important, de ce qui fonctionne et des choses avec lesquelles vous devez composer dans le cas des griefs frivoles ou vexatoires.
    La plupart du temps, les analystes comme moi reçoivent un dossier plus ou moins volumineux selon le sujet. Certains sont très courts, d'autres très longs. La première chose que nous faisons est de prendre connaissance de tout son contenu et du sujet dont il traite, et nous déterminons de quelles politiques il relève et les enjeux opérationnels qu'il présente.
    Ces derniers temps, j'ai surtout donné suite à des griefs de gens qui ont tendance à en présenter beaucoup. Essentiellement, le processus reste le même. Nous examinons le problème tel que le détenu le présenterait. Nous examinons ce que nous sommes censés faire par rapport aux politiques et nous comparons les deux. Si les plaintes concernent des enjeux opérationnels, nous les examinons par rapport à nos politiques et vérifions que les politiques sont respectées. Nous répondons ensuite à la plainte en vérifiant que tout concorde.
    Est-ce que vous examinez en fait toutes les plaintes, ou seulement celles qui… Si la plainte est traitée au plus bas échelon, vous n'en prendrez pas connaissance, n'est-ce pas?
    Non, la plainte devrait être transmise aux divers échelons. Comme je m'en occupe au troisième palier, elle me parviendrait, selon sa nature… Selon leur nature, certaines plaintes peuvent être directement présentées aux paliers supérieurs, mais celles qui sont les plus courantes seraient présentées au premier palier, puis au second et finalement au troisième, et c'est là que nous interviendrions.
(1645)
    Voudriez-vous nous en donner deux exemples; d'une qui serait légitime et d'une autre qui s'inscrirait dans une série de démarches contrariantes afin que nous puissions savoir de quoi il s'agit et à quoi vous avez affaire?
    Les plaintes légitimes concernent n'importe quel sujet imaginable, de… Il s'agit essentiellement de demandes d'explication. Dans bien des cas, ce ne sont pas les mesures elles-mêmes qui sont inappropriées, ce sont les détenus qui n'en comprennent pas les raisons. La plupart du temps, nos réponses consistent donc à expliquer la nature des politiques et les raisons des mesures prises par les employés de première ligne. Une plainte légitime peut donc porter sur n'importe quoi.
    Quant aux plaintes vexatoires ou aux plaintes qui ne sont pas faites de bonne foi, le commissaire en a cité un grand nombre. Celles que j'examine tournent toujours autour du même sujet. Ce sont des sujets pour lesquels il n'y a pas… On les reconnaît souvent à la demande qui est faite; la plupart du temps, ce sont des demandes pour lesquelles il n'y a aucun recours.
    Par exemple, on peut pas expliquer pourquoi la glace est si froide, sinon que parce que c'est un aliment congelé.
    La plainte pourrait même ne pas être que « La glace est froide »; cela pourrait être n'importe quoi et même: « C'est de la glace et je n'aime pas ça ». Rien ne peut les empêcher de se plaindre de n'importe quoi. Ainsi, tout ce que vous pouvez imaginer peut tomber dans cette catégorie.
    Merci, madame Hoeppner, et merci, monsieur Dalton.
    Vous avez de nouveau la parole, monsieur Chicoine.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Quelque chose me vient à l'esprit, une possibilité. Disons que le projet de loi ait force de loi et qu'un plaignant soit désigné comme étant quérulent. J'imagine que certains plaignants peuvent parfois être considérés comme détestables par le personnel car, ils se plaignent à répétition.
    N'y aurait-il pas justement un danger qu'un de ces plaignants soit quelque peu maltraité, sachant très bien qu'il ne pourra pas se plaindre? Ce ne serait pas la majorité, ce serait sûrement une infime minorité qui agirait ainsi, mais n'y aurait-il pas une danger qu'un certain membre du personnel se venge un peu et maltraite le plaignant, sachant très bien qu'il ne pourra pas se plaindre?

[Traduction]

    Non, votre commentaire est pertinent. De la façon dont le projet de loi est rédigé, il faut examiner les pour et les contre pour déterminer si la question soulevée par le détenu concerne la vie, la liberté ou la sécurité, et si l'on doit y donner suite.
    Mais même dans ce régime et si ce genre de situation survient, le détenu a toujours la possibilité d'appeler le Bureau de l'enquêteur correctionnel, qui peut donner suite à la plainte.

[Français]

    Je donne l'exemple d'un détenu qui se plaint des patates qui sont trop petites: on pourrait ne lui donner que deux ou trois petites patates, dans ce cas. C'est de ce genre d'affaire qu'il s'agit. Je pourrais donner un autre exemple: un détenu maltraité recevrait des claques derrière la tête.
    N'y a-t-il pas un danger qu'il ait peu de recours? Je vois peut-être un certain danger de ce côté, sans que ce soit évidemment un danger de mort. C'est l'habitude de se plaindre de trucs qu'on exagère: le détenu se plaignait, c'était peut-être plus ou moins fondé, dorénavant, il ne pourra pas se plaindre, mais on va lui donner des raisons de le faire.

[Traduction]

    Non, là encore, je suis convaincu que grâce au système de freins et de contrepoids, même comme le prévoit le projet de loi, les questions de vie, de liberté ou de sécurité seraient prises en compte, et le détenu pourra toujours faire une plainte au Bureau de l'enquêteur correctionnel. Là encore, s'il s'agissait d'une grave question de liberté, le détenu pourrait immédiatement demander un recours judiciaire.
    Pour être honnête, cela m'est vraiment égal qu'ils se plaignent de la taille des pommes de terre, tant qu'ils sont convenablement nourris et même que les prescriptions religieuses en matière d'alimentation sont respectées. Si aujourd'hui votre pomme de terre est plus petite que celle de M. Côté ou de M. Dalton, c'est malheureusement le hasard qui veut cela ou la louche…
(1650)

[Français]

    Je veux revenir sur une réponse que vous avez donnée à M. Scarpaleggia. Vous avez mentionné que 44 p. 100 des plaintes avaient été résolues depuis novembre, après la mise en application d'une des recommandations de M. Mullan.
    Quelle était cette recommandation et dans quelles circonstances a-t-elle été mise en application? Je veux que vous reveniez là-dessus parce que je trouve cela intéressant.

[Traduction]

    Nous avons mis en oeuvre le projet pilote sur les modes alternatifs de règlement des conflits dans 10 établissements et nous y avons suivi le nombre des plaintes déposées. Dans l'ensemble, 34 p. 100 des plaintes traitées dans le cadre du projet pilote — selon une approche faisant appel à une médiation locale et informelle — ont été réglées. Les autres plaintes, soit les 66 p. 100 restantes, ont été réglées par d'autres moyens, selon le processus habituel. Nous trouvons encourageant que 34 p. 100 des plaintes aient été réglées selon le mode alternatif.
    Le projet n'en est qu'à ses débuts et devrait durer 18 mois. Nous en sommes maintenant au cinquième mois.

[Français]

    Le résultat semble encourageant.

[Traduction]

    Oui, certainement.
    À ce stade-ci, nous n'avons pas suffisamment de données pour dire que cela aura des répercussions sur les griefs que nous jugeons non fondés et vexatoires. Nous pensons de toute façon que cela ne changera probablement rien, au moins pour le noyau central des 25 détenus qui font ces griefs. Pour les autres, cela permettra de prendre des décisions beaucoup plus rapidement et c'est là vraiment notre but.
    Pour en revenir à l'une des questions précédentes, c'est comme tout, même pour le droit du travail. Toucher à un simple détail peut entraîner toute une série de problèmes. Nous préférons que tous les éléments s'assemblent. Ce que vous avez proposé, c'est-à-dire de réduire le nombre de paliers, ce pourrait être une solution, mais si vous faites cela sans tenir compte des trois ou quatre autres éléments, on pourrait finir par multiplier les processus, ce qui prendrait plus de temps, d'énergie et d'argent.
    Nous cherchons une solution de continuité qui servirait tant pour ce que l'on appelle les griefs légitimes que pour ceux qui tombent dans la catégorie des griefs non fondés et vexatoires.
    Merci beaucoup.
    Nous revenons maintenant à MM. Rathgeber et Aspin, qui se partagent le temps de parole.
    Merci, monsieur le président.
    J'ai une question supplémentaire. Je me demande si vous connaissez l'existence de ce qu'on appelle « l'avocat cellulaire » ou de gens qui préparent des griefs au nom d'autres détenus. Avez-vous connaissance d'un tel phénomène?
    Oui, ce sont des avocats de prison. Il y en a. Certains prétendent avoir des connaissances, mais ne sont pas réellement utiles. D'autres ont suivi une certaine formation et montrent aux détenus comment présenter une plainte ou un grief de façon légitime.
    Est-ce qu'ils contribuent au problème de ceux que l'on a désigné comme plaignants quérulents? Est-ce que certains d'entre eux comptent sur l'avis d'autres détenus qui, soucieux d'avancer ou de créer des perturbations, se chargent d'affaires qui n'ont aucun fondement? Est-ce qu'ils font partie du problème?
    Il peut y en avoir, mais la plupart de ceux que nous connaissons agissent en leur propre nom.
    Le projet de loi ne traite que des plaignants; il ne fait aucune allusion à ceux qui agissent pour le compte d'autres plaignants. Mais vous n'y voyez pas de problème…
    Non, il y en a très peu qui se mêlent de ce genre de choses, mais les 25 dont nous parlons agissent de leur propre gré.
    Je crois comprendre que M. Aspin a une question.
    Monsieur Head, vous avez mentionné que pour votre effectif, 3,8 millions de dollars étaient consacrés aux salaires des analystes des griefs, et cette année ce budget a dépassé les 5 millions de dollars. Vous dites par ailleurs que si le projet de loi C-293 était adopté, il serait à votre avis beaucoup plus facile pour le SCC d'identifier et de gérer ces délinquants. Avez-vous une estimation des économies que l'on pourrait faire?
    Pour les 25 dont nous parlons aujourd'hui, nous estimons les économies d'un quart à un demi-million de dollars.
(1655)
    Il ne s'agit donc que d'une partie?
    Oui.
    Sur un total de combien?
    Nous n'avons pas encore établi tous les coûts. Si nous essayons de faire une projection des coûts alors que se poursuit le processus de mode alternatif de règlement des conflits et que nous réalisons des économies, le chiffre définitif pourrait être différent de celui que je vous donne aujourd'hui. Nous concentrons nos efforts sur les 25 détenus qui présentent plus de 100 griefs par an et nous sommes en mesure de dire que nous ne pensons pas que le mode alternatif de règlement des conflits va avoir des répercussions sur eux. Ainsi, les économies pourraient être d'un quart à un demi-million de dollars.
    Est-ce que le mode alternatif de règlement des conflits remédie en partie aux difficultés que l'on éprouve dans ce domaine?
    Oui, en partie. Il est censé simplifier le système global des griefs. Nous voulons des réponses plus rapides et en temps opportun. Nous voulons trouver des solutions aux paliers les plus bas possibles par rapport à la situation actuelle où les griefs remontent jusqu'au deuxième et troisième palier. Pour ces 25 plaignants que nous appelons purs et durs, je ne crois pas que le mode alternatif de règlement des conflits aura quelque effet que ce soit.
    Merci, monsieur Aspin.
    Nous passons maintenant à M. Scarpaleggia.
    Les 25 qui semblent être au coeur du problème doivent être très en colère.
    Je ne dirais pas nécessairement qu'ils sont en colère. Ce sont des gens qui s'ennuient et qui se sont engagés dans ce qu'ils font, sans être nécessairement violents.
    Vous saviez où je voulais en venir.
    Pourquoi êtes-vous contre la proposition de M. Mullan sur ceux qui font des griefs multiples? Il laissait entendre que si vous êtes désigné comme un auteur de griefs multiples, vous auriez à vous limiter à un certain nombre de griefs ou de plaintes. En d'autres termes, vous auriez quelque chose qui ressemble à un budget des plaintes. Et nous savons que l'obligation de suivre un budget suscite la responsabilité. Pourquoi donc écartez-vous l'idée d'un plafond?
    En partie à cause des tâches d'administration que cela comporte. Nous aurions à tenir une comptabilité du nombre de griefs par détenu.
    Les chiffres que je vous ai donnés tout au long de l'après-midi proviennent de notre système. Nous avons dû mettre en place d'importants systèmes de codage pour pouvoir les établir. Si nous y intégrons une autre série de chiffres et quel qu'en soit le nombre, mettons 50 ou 25 griefs par an, mes employés seraient liés par la comptabilité des griefs. Qu'arrive-t-il lorsque vous arrivez au 25e et que le 26e relève de l'article sur la vie, la liberté et la sécurité? Vous revenez au processus habituel, ce qui aboutit à un fardeau administratif.
    Je ne comprends vraiment pas où est le problème. Ce n'est qu'une colonne de plus dans le chiffrier.
    Ainsi, vous dites que si quelqu'un est désigné plaignant quérulent, cela ne l'empêchera pas de déposer une plainte légitime liée à la vie, à la sécurité et à quelque chose d'autre. Comment vous assurez-vous que ce ne sera pas le cas, qu'en quelque sorte on ne l'empêchera pas de faire une plainte légitime? Comment le processus fonctionne-t-il? Y a-t-il certaine définition de la vie, de la liberté et de la sécurité?
    Oui, on a établi au fil des ans une très bonne jurisprudence sur les grandes catégories de griefs et sur le devoir d'agir équitablement. Par exemple et de mémoire, il y a un important enjeu de liberté associé à la ségrégation. Si cela porte à conséquence, il va falloir l'examiner; nous devrons examiner la situation.
    Ce que nous avons tout d'abord envisagé en l'occurrence pour ceux qui sont considérés comme des plaignants quérulents — et je le répète, ils sont relativement peu nombreux dans le pays —, c'est de tout simplement surveiller la nature des plaintes au lieu de passer par tout le processus d'enquête et ses divers paliers.
(1700)
    S'ils ont été désignés plaignants quérulents, on les empêche essentiellement de faire appel. Comment peuvent-ils donc en appeler du fait que leur plainte liée à la liberté, à la vie et à la sécurité n'a pas été évaluée de façon efficace ou n'a pas fait l'objet de suivi, si on les en empêche? Qu'arrive-t-il s'ils se trouvent dans un établissement ou la gestion est déficiente, etc.? Cela pourrait arriver n'importe où. Dans ce cas, ils sont coincés, n'est-ce pas?
    Là encore, nous devons établir le détail des modes de signalement au directeur de l'établissement où sont détenus les gens qui se trouvent dans de pareilles situations.
    Cela n'a donc pas encore été fait, c'est bien ce que je voulais dire.
    Non, mais l'un des mécanismes de protection que j'ai déjà mentionné et auquel peut recourir le détenu est de téléphoner immédiatement au Bureau de l'enquêteur correctionnel.
    C'est un fait.
    Très rapidement.
    Par ailleurs, M. Mullan a dit qu'il fallait renforcer considérablement la formation suivie par les agents correctionnels. En outre et aux termes de la vérification de 2009, la définition de « plaignant quérulent » n'est pas suffisamment claire. Avez-vous des commentaires sur ces deux points?
    En fait, je vais céder la parole à M. Côté qui n'a rien dit de l'après-midi. Je vais le laisser commenter à ce sujet.
    Pour ce qui est de la formation, nous nous y sommes penchés. Nous avons demandé aux services d'apprentissage et de perfectionnement d'élaborer un programme complet destiné aux agents correctionnels en envisageant la possibilité de les former au processus de griefs.
    Et qu'en est-il de la définition de « plaignant quérulent »? Le président en a lu la définition l'autre jour et elle me semblait assez complète, mais cela a soulevé un problème.
    Eh bien, dans le cadre de la formation, nous passerons en revue tous les processus et toutes les définitions de ces termes.
    L'un des outils que M. Côté et ses collaborateurs ont mis au point avec le service d'apprentissage et de perfectionnement est, faute d'une meilleure expression, le portail de la gestion de l'apprentissage où l'on trouve de l'information sur les processus à suivre, les définitions, les calendriers. Ainsi, les employés de première ligne ont plus facilement accès à ces informations. Là encore, nous avons directement donné suite aux recommandations de M. Mullan.
    Merci.
    Je ne pense pas…
    Mme Candice Hoeppner: J'ai juste une petite question.
    Le président: D'accord, mais très brièvement.
    Je voulais simplement répondre à M. Scarpaleggia qui craint que quiconque désigné plaignant quérulent ne puisse plus faire d'autres plaintes.
    Je pense que l'article 91.2 du projet de loi est très clair à ce sujet, et je cite:
Le délinquant désigné plaignant quérulent présente, pour chaque nouvelle plainte ou grief,
    … ce qui signifie qu'il est tout à fait autorisé à…
présenter au directeur du pénitencier les documents additionnels exigés par celui-ci afin d'étayer le bien-fondé de son recours.
    Cela suppose tout simplement une démarche supplémentaire à faire. Il pourrait donc encore pouvoir faire des plaintes même après avoir été désigné plaignant quérulent, n'est-ce pas?
    C'est désormais un problème de définition, car si nous les considérons comme des plaignants quérulents pour mettre fin à cette situation, les autoriser à continuer ne fait que perpétuer le système.
    Là encore, il s'agit, je crois, d'un élément des normes qui nous sont imposées et qui nous empêchent d'atteindre le but recherché.
    Parfait, merci.
    Merci de cet éclaircissement.
    J'ai juste une brève question à poser, même si on l'a déjà peut-être traitée.
    Je pense que vous comprenez tous l'esprit du projet de loi. La personne qui l'a rédigé est présente et le gouvernement a reconnu que les plaintes vexatoires présentent un problème dans le contexte correctionnel. Par ailleurs, on craint vraiment que le fait de désigner soudainement des gens comme auteurs de plaintes vexatoires leur impose d'autres contraintes.
    Est-ce que vous craignez les conséquences de ce projet de loi? Pourrions-nous faire quelque chose pour l'améliorer?
    D'après ce que je sais, le gouvernement a affirmé lors d'un débat qu'un amendement serait proposé qui vous autoriserait à déléguer quelqu'un d'autre. Cela ne signifiera certainement pas que plusieurs personnes puissent le faire, mais si l'amendement devait être adopté, on mandaterait peut-être une seule personne pour s'occuper de toutes les plaintes vexatoires. Est-ce en raison du délai, ou d'autre chose?
(1705)
    Si ce type d'amendement était proposé, ce serait essentiellement une mesure habilitante; j'aurais donc à décider en temps voulu de déléguer ou non ce pouvoir.
    Cette mesure est de toute façon utile puisqu'elle nous permet en fait de bien penser à la situation et de déterminer le nombre de personnes concernées. Peut-être qu'au début, je ne déléguerais pas ce pouvoir et me chargerais moi-même du dossier. Mais avec le temps et après avoir accumulé des données sur la gestion de ces cas, je pourrais déléguer ce pouvoir à une personne dans chaque région; ce pourrait être un sous-commissaire régional, qui est au niveau de sous-ministre adjoint. Ce type d'amendement serait donc utile.
    Je proposerais aussi au comité de prendre un peu de recul par rapport à la nature normative du projet de loi proposé. Je le répète, dans son esprit, le projet de loi va nous aider énormément, mais de par sa nature normative — qui se reflète dans le texte que nous avons en main aujourd'hui —, il va nous causer des problèmes administratifs.
    Je pense que le comité a déjà envisagé certains concepts qui nous permettraient de maintenir l'esprit de la loi et de régler le grave problème que nous avons en atténuant son caractère normatif.
    On pourrait aussi envisager des mesures qui seraient précisées dans un règlement plutôt que dans la loi, celle-ci conservant le principe essentiel qui nous permettrait de régler le problème.
    Parfait, merci beaucoup.
    Puisqu'il n'y a pas d'autre question, nous allons nous arrêter et passer directement aux travaux du comité.
    Comme les travaux se dérouleront à huis clos, chaque député a le droit d'être accompagné d'un collaborateur, s'il le souhaite.
    Merci encore, monsieur le commissaire.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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