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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 décembre 2012

[Enregistrement électronique]

(1600)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. En ce lundi 3 décembre 2012, je vous souhaite la bienvenue à la 63e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Le comité poursuit aujourd'hui son étude du projet de loi S-7, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur la protection de l'information.
    Nous recevons aujourd'hui Jeff Yaworski, directeur adjoint des opérations au Service canadien du renseignement de sécurité, de même que Monik Beauregard, directrice du Centre intégré d'évaluation du terrorisme. Je vous souhaite la bienvenue, et nous sommes heureux de vous revoir.
    Veuillez nous excuser de commencer la séance avec une demi-heure de retard, mais nous avons été retenus par des votes à la Chambre. Si vous êtes en mesure de rester 15 minutes de plus que prévu, mon objectif serait de tenir deux séances de 45 minutes. Vous aurez donc 45 minutes, après quoi nous accorderons autant de temps à l'Association du Barreau canadien et à la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. Si le comité est d'accord, c'est ainsi que nous procéderons.
    Nous vous invitons à présenter votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des membres du comité.
    Monsieur Yaworski.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, bonjour. Je suis heureux de prendre part aujourd'hui aux délibérations du comité sur des questions liées au projet de loi S-7, la Loi sur la lutte contre le terrorisme.
    M. Michel Coulombe, directeur adjoint des opérations du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, vous a présenté la semaine dernière des observations préliminaires détaillées sur le projet de loi. Étant donné que ses propos figurent au compte rendu et qu'ils sont toujours pertinents, je me contenterai de présenter de brèves observations.
    Comme M. Coulombe l'a déclaré devant le comité, puisque le SCRS n'a pas un mandat d'application de la loi, il n'aura pas directement recours aux dispositions du projet de loi. Cela dit, à titre de membre du vaste appareil de sécurité nationale, le SCRS est assurément favorable à tout mécanisme additionnel qui aidera ses partenaires chargés de l'application de la loi à mieux lutter contre le terrorisme. Lors de sa comparution la semaine dernière, M. Coulombe a brossé un panorama de la menace actuelle qui est visée par le projet de loi S-7. Monsieur le président, je résumerai donc brièvement les principaux points de son intervention.
    La plus grande menace pour le Canada et ses intérêts demeure le terrorisme, et plus particulièrement celui qui est associé à l'extrémisme islamiste sunnite. Bien que ces extrémistes forment un mouvement mondial vaste et diversifié, Al-Qaïda et ses groupes affiliés en sont le meilleur exemple à l'échelle internationale. Des événements récents en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont malheureusement offert de nouvelles possibilités à ces groupes.
    En ce qui concerne les menaces intérieures qui se profilent au Canada, le SCRS fait constamment enquête sur des centaines de personnes impliquées dans des activités liées au terrorisme qui menacent le Canada et ses alliés, y compris sur des Canadiens qui se rendent en zones de conflit à l'étranger, comme la Somalie, les régions tribales de l'Afghanistan et du Pakistan, la Syrie et le Yémen, pour s'adonner à des activités terroristes. Le fait que ces individus pourraient revenir au Canada après avoir adopté des opinions plus radicales et avoir acquis une formation et une expérience de combat témoigne du lien de plus en plus étroit qui relie la menace sur le territoire canadien et celle à l'étranger.
    Lors de ses observations préliminaires, M. Coulombe a communiqué au comité certaines conclusions d'une étude récente du SCRS qui portait sur la radicalisation au Canada. Il convient de noter que l'étude n'a mis au jour aucun modèle de radicalisation prévisible ou linéaire. Elle a toutefois révélé des facteurs de radicalisation communs, notamment un profond sentiment d'injustice face aux gouvernements, sociétés et modes de vie occidentaux, ainsi que la conviction que le monde musulman est attaqué et que le violent Jihad est le seul moyen de le défendre.
    Je vais m'arrêter ici, monsieur le président, et c'est avec plaisir que je répondrai aux questions des membres du comité.
    Merci beaucoup, monsieur Yaworski.
    Nous allons maintenant écouter Mme Beauregard.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis ravie que vous m'ayez invitée une seconde fois à comparaître afin de poursuivre les délibérations sur certaines questions liées au projet de loi S-7, la Loi sur la lutte contre le terrorisme. J'aurai ainsi une autre occasion d'aborder le rôle et le mandat du Centre intégré d'évaluation du terrorisme, ou CIET.
    Monsieur le président, ma déclaration préliminaire de la séance du 21 novembre figure au compte rendu. J'aimerais toutefois souligner certains éléments qui, à mon avis, valent la peine d'être répétés.
    Le CIET a été créé dans la foulée des événements du 11 septembre. L'organisme devait combler certaines lacunes institutionnelles du gouvernement canadien après que celui-ci ait pris conscience du besoin de renforcer la collaboration et d'intensifier l'échange de renseignements. D'après le rapport de la commission sur le 11 septembre, il semble que les États-Unis abondaient dans le même sens.

[Français]

    Tout comme le SCRS, le Centre intégré d'évaluation du terrorisme, ou CIET, n'est pas un organisme d'application de la loi. Je tiens à préciser que le CIET n'a pas de capacité indépendante de collecte de renseignements. Contrairement au SCRS, nous n'avons pas d'agents de renseignements sur le terrain.
     L'objectif fondamental du CIET est plutôt de fournir, en temps opportun, des évaluations exhaustives au sujet de la menace terroriste à tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada ainsi qu'à d'autres ordres de gouvernement, tous investis de responsabilités en matière de sécurité.
    Notre effectif est constitué d'analystes détachés de divers organismes gouvernementaux représentant ainsi un large éventail de compétences et de bases de connaissances.

[Traduction]

    Le CIET emploie différentes méthodes afin d'évaluer la menace et se base sur des renseignements et de l'information de diverses sources. J'aimerais simplement réaffirmer que la menace terroriste la plus sérieuse envers le Canada demeure l’extrémisme islamique violent. Plus particulièrement, Al-Qaïda et ses groupes affiliés sont encore la plus grande menace à ce chapitre. Cela dit, il ne faut pas oublier que des individus extrémistes violents peuvent provenir d'une multitude d'idéologies, de religions ou de groupes.
    J'ai terminé, monsieur le président.
    Je vous remercie infiniment tous les deux de votre témoignage. Nous allons maintenant commencer le premier tour. Souhaitons la bienvenue à Mme Kerry-Lynne Findlay.
(1605)
    Merci, monsieur le président. Je remercie nos deux témoins d'être avec nous.
    Dans votre exposé, monsieur Yaworski, vous avez affirmé que la plus grande menace pour le Canada et ses intérêts demeure le terrorisme, et plus particulièrement celui qui est associé à l'extrémisme islamique. Vous avez précisé qu'Al-Qaïda et ses groupes affiliés en sont le meilleur exemple à l'échelle internationale. Vous dites aussi que des événements récents en Afrique du Nord et au Moyen-Orient ont offert de nouvelles possibilités à ces groupes. Par conséquent, faut-il redonner vie aux dispositions dont nous sommes saisis? Et pourquoi, dans l'affirmative? Convenez-vous d'emblée qu'il s'agit d'une menace actuelle et constante?
    Il s'agit en effet d'une menace actuelle et constante. Al-Qaïda est dans le paysage depuis un moment déjà. Le commandement du groupe a subi quelques pertes, mais son message est de plus en plus présent en Occident, et surtout au Canada.
    Nous avons constaté une augmentation du nombre d'individus qui portent un intérêt à Al-Qaïda. Il y en a même qui se sont rendus dans certaines régions du Moyen-Orient afin de prendre part à ce qu'ils décrivent comme étant le Jihad ou une guerre contre l'Occident, ou encore contre les profanes. Il y a assurément plus d'individus qui partent afin de participer au Jihad. Je pense que le projet de loi a pour but de permettre aux autorités d'intercepter ces individus avant qu'ils n'arrivent à destination.
    Permettez-moi d'approfondir un peu la question. Le SCRS a-t-il été informé de certains Canadiens qui auraient quitté le pays, ou tenté de le faire, à destination de régions comme l'Afghanistan, le Pakistan, le Yémen ou la Somalie afin de se joindre à des groupes terroristes ou de s'adonner à des activités terroristes?
    Nous savons qu'au moins 45 individus, et peut-être même jusqu'à 60, ont quitté le Canada à destination des pays que vous avez énumérés afin de recevoir un entraînement ou de commettre des actes terroristes.
    Croyez-vous que la hausse s'explique par une tentative de radicaliser certains individus ici même au Canada dans ce but précis?
    Je dirais que l'augmentation est bel et bien attribuable aux raisons que vous invoquez. Les occasions de radicalisation sont nombreuses. Il peut s'agir de chefs charismatiques qui s'affairent auprès de divers groupes au Canada, mais la hausse est plutôt attribuable aux avancées technologiques. Le Web s'est révélé un outil de recrutement et de radicalisation très utile au Canada et ailleurs. Il existe donc une véritable corrélation entre le développement technologique, plus particulièrement du Web, et le nombre croissant de Canadiens qui partent dans le but de s'adonner à ce genre d'activités.
    Je veux m'assurer de bien saisir: vous dites que la tendance est attribuable aux échanges entre Canadiens, mais aussi à ceux entre des Canadiens et des individus radicaux à l'étranger. Le Web leur permet de communiquer plus facilement qu'autrefois.
    Oui, je suis tout à fait d'accord avec cet énoncé. La radicalisation se produit à la fois au Canada, où nous pouvons essayer d'intervenir, et sur le Web, où des gens comme Anwar al-Awlaqi peuvent communiquer directement avec des Canadiens.
    D'ailleurs, Anwar al-Awlaqi est un ancien citoyen américain — aujourd'hui décédé — qui a souvent été publié dans le magazine d'Al-Qaïda Inspire. Ses discours se trouvent encore sur le Web et continuent de radicaliser une toute nouvelle génération. Même s'il n'est plus de ce monde, le message de haine de cet homme se perpétue.
    Autrement dit, son message de haine lui a survécu.
    La loi interdit naturellement de participer sciemment à une activité d'un groupe terroriste dans le but d'accroître la capacité de tout groupe terroriste de se livrer à une activité terroriste. Il pourrait s'agir de prendre part à un camp d'entraînement terroriste à titre de participant ou d'entraîneur. Il convient de souligner qu'en 2008, M. Khawaja a été trouvé coupable de subir un entraînement au Pakistan. Notre gouvernement a donc décidé de créer de nouvelles infractions pour ceux qui quittent le Canada dans le but de commettre une infraction de terrorisme.
    Appuyez-vous ces nouvelles infractions?
    Bien entendu.
    Et pourquoi donc?
(1610)
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, les autorités disposeront ainsi d'un nouvel outil pour mettre un frein aux activités terroristes. C'est pourquoi je les trouve essentielles.
    La stratégie antiterroriste du gouvernement canadien met l'accent sur la prévention. Je pense que le projet de loi a été conçu pour permettre aux autorités chargées de l'application des lois d'intercepter les individus avant qu'ils ne se rendent à l'étranger et de les empêcher de se livrer à ce que vous décrivez comme étant des activités terroristes, ou pour éviter qu'ils puissent s'entraîner, entre autres.
    Trouvez-vous raisonnable d'intervenir ou de perturber les activités plus tôt si un individu se déplace afin de participer à une activité terroriste ou qu'il souhaite y prendre part?
    Je suis tout à fait d'accord.
    Je crois toutefois qu'il existe une nuance entre prévention et perturbation. Par prévention, vous parlez peut-être des causes fondamentales de la radicalisation, mais il peut aussi s'agir d'empêcher un individu qui se présente à l'aéroport de se rendre dans ces pays afin de participer au Jihad.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de l'opposition officielle.
    Monsieur Scott, vous avez la parole sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins d'être avec nous.
    J'aimerais revenir sur un élément qui est ressorti du témoignage du représentant de la GRC. Il voyait clairement un rapport entre la création d'une nouvelle infraction en vertu des dispositions sur le départ du pays et le retour en vigueur des articles sur la détention préventive et sur l'engagement assorti de conditions.
    La seule façon de faire le lien, c'est par rapport à l'importance accordée à la prévention. Lors de l'audience sur l'engagement, il s'agit d'imposer des conditions pour empêcher l'individu de quitter le pays.
    Selon vous, ces pouvoirs interagiront-ils ainsi?
    Je pense que vous avez entendu les experts se prononcer là-dessus, monsieur Scott. J'ai lu le témoignage du commissaire Malizia à ce sujet, et je conviens qu'il est important d'interroger des individus qui, autrement, refuseraient peut-être de collaborer avec le gouvernement ou les autorités en ce qui concerne la possibilité d'une attaque ou d'un entraînement terroristes. Si j'ai bien compris, les autorités pourront ainsi interroger les individus et obtenir leur collaboration à cet égard.
    Bien.
    Vous percevez la situation sous un angle différent. Votre réponse aide à préciser le rapport possible de l'engagement assorti de conditions.
    L'investigation est l'une des dispositions qui sont de retour. Dans le but d'empêcher les individus en cause de quitter le pays, croyez-vous qu'il serait possible d'invoquer les dispositions sur l'investigation afin de convoquer des membres de la famille, des voisins ou des gens du milieu pour avoir une meilleure idée des plans de l'individu et accumuler une preuve suffisante dans l'objectif d'avoir recours à l'engagement assorti de conditions?
    Encore ici, je crois que vous feriez mieux de poser la question à des experts en justice et en application de la loi. Je peux seulement vous donner mon humble avis d'après ma lecture du projet de loi. Je n'ai pas l'impression que c'est le but. J'imagine que la disposition devrait être utilisée dans des situations extrêmement rares et dans des circonstances tout à fait particulières afin d'interroger un individu qui est au courant d'une activité liée à la menace.
    Bien, merci.
    Dans son témoignage devant le comité sénatorial, le directeur Fadden a souligné que le Canada n'a aucun système pour surveiller les sorties — je ne vais pas entrer dans les détails, car je sais que vous avez lu les témoignages et que vous savez que j'ai posé la question à deux ou trois occasions. M. Fadden a laissé entendre qu'il faudrait adopter des protocoles et qu'un système de surveillance des sorties était peut-être envisagé.
    Je me demande si vous pouvez nous aider. Savez-vous quoi que ce soit au sujet du système d'information préalable sur les voyageurs? Savez-vous si l'on envisage sérieusement d'accélérer la réception de l'information dans le système de façon à ce que les agents de l'ASFC puissent avertir la GRC et les aéroports bien avant le décollage, par exemple? Nous pourrions remplacer le système actuel, dans lequel l'information arrive après le décollage, par un autre qui permettrait de déterminer si un individu est à bord, et qui prévoirait un genre de système de surveillance des sorties. Est-ce sensé? Croyez-vous que cette solution est envisagée?
(1615)
    Malheureusement, je ne détiens pas cette information, monsieur Scott. Je peux cependant vous dire que, sur le plan du service, nous aimerions beaucoup avoir un système d'information sur les départs. Je pèse bien mes mots, car ne nous voulons pas contrôler les départs, mais plutôt avoir des renseignements sur les personnes qui ont quitté la pays. Actuellement — et je pense que vous avez entendu le témoignage de M. Leckey, de l'ASFC —, nous ne voyons que la moitié du tableau. Nous en entendons parler quand les personnes reviennent au Canada. Nous n'avons pas de détails sur les départs...
    ... sauf peut-être plus tard avec le nouveau système des États-Unis.
    Avec le nouveau système, oui, les États-Unis et le Canada pourraient échanger des renseignements de ce genre.
    Merci.
    Les dispositions concernant les audiences d'investigation, que je n'ai pas devant moi, sont appliquées lorsqu'un agent de la paix en fait la demande. M. Fadden nous a parlé de la nécessité d'établir des protocoles, ce qui est logique puisque le besoin sera effectivement là. Pensez-vous qu'il faudrait qu'il y ait un mécanisme de consultation entre les agents de la paix qui peuvent réclamer une audience d'investigation et les organismes de renseignements comme le SCRS?
    J'imagine qu'une audience d'investigation pourrait compromettre de bien des façons une opération de renseignement ou une opération qu'on vient tout juste d'entreprendre. Pensez-vous que les agents de la paix, sachant que beaucoup de ces terroristes quittent le pays, vont devoir vérifier auprès des organismes de renseignements avant de réclamer une audience d'investigation?
    Je pense que ce ne serait pas aussi catégorique que cela. J'estime cependant que ce serait la chose sensée à faire dans la plupart des cas. Nous travaillons de près avec nos collègues de la GRC, qui ont le pouvoir de faire appliquer la loi en question. Nous nous consultons souvent et à différents sujets, notamment à propos des enquêtes que nous pourrions mener en parallèle chacun de notre côté.
    L'harmonisation de notre travail, si je peux m'exprimer ainsi, est un volet important de nos communications. Vous avez raison de dire que certaines circonstances nous obligeraient à consulter nos collègues des forces de l'ordre, et vice versa.
    Je veux m'assurer d'aborder certains points pour lesquels vous aurez sans doute les mêmes commentaires que M. Fadden. Au sujet de la liste d'interdiction de vol, voici ce qu'il nous a dit:
D'après le programme actuel de listes d'interdiction de vol, il faut présenter un risque pour l'aviation... J'ai cru comprendre que des fonctionnaires préparaient un ensemble de propositions à soumettre au ministre pour essayer de rendre la liste un peu plus subtile, mais je ne sais pas où ils en sont dans ce projet.
    Il est de toute évidence au courant de quelque chose. Pouvez-vous nous en dire plus au sujet des solutions envisagées? Qu'a-t-il voulu dire par « un peu plus subtile »?
    Vous allez devoir demander à M. Fadden à quoi il faisait référence exactement.
    Nous l'avons invité à venir témoigner devant le comité, mais il n'est malheureusement pas ici.
    J'ai bien peur d'être votre seule ressource pour le moment.
    Dans ce contexte, j'imagine que c'est au gouvernement de déterminer s'il y a moyen de revoir la liste d'interdiction de vol, mieux connue comme la « liste de personnes précisées ».
    Nous allons adapter nos propres protocoles opérationnels en conséquence de ce que décidera le gouvernement pour les questions comme celle-là.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Scott.
    La parole revient à Mme Bergen. Je vous en prie.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Merci aux deux témoins d'être ici aujourd'hui.
    J'aimerais qu'on précise une chose en rapport avec la question de M. Scott, et si vous avez des commentaires à formuler à ce sujet, ils seront les bienvenus.
    Pour ce qui est de la stratégie à l'égard des entrées et des sorties et de l'entente que nous avons avec les États-Unis dans le cadre du plan d'action « Par-delà la frontière », il est très important de préciser qu'il s'agit d'une mesure distincte. Il s'agit d'échanger de l'information, pas de recueillir de nouvelles données. L'objectif est d'échanger des renseignements avec nos homologues américains. Pour le moment, la mesure n'est appliquée que dans quatre postes frontaliers terrestres. Ce n'est pas le cas lorsque les gens prennent l'avion vers d'autres pays. Quand quelqu'un quitte le Canada, nous en informons les États-Unis, qui deviennent le point d'entrée, et le contraire est aussi vrai; quand quelqu'un arrive au Canada, cela devient le point de sortie des États-Unis.
    Est-ce ainsi que vous voyez les choses? L'ai-je bien expliqué?
(1620)
    C'est exactement de cette façon que je l'ai compris. J'ai lu le témoignage de M. Leckey, de l'ASFC, et c'est justement comme cela qu'il l'a expliqué. Nos renseignements sur les départs deviennent leurs renseignements sur les arrivées, et vice versa. Si j'ai bien compris, il s'agit d'un projet pilote pour le moment. La mesure n'est pas appliquée à la grandeur des postes frontaliers.
    C'est exact.
    Quand on parle d'audience d'investigation ou d'engagement assorti de conditions, il faut savoir que des mesures de protection sont prévues dans la loi et les dispositions en question. Il faut premièrement obtenir l'autorisation du procureur général, ou d'un procureur général provincial, et c'est l'une des principales mesures prévues. Il y en a d'autres également. Je me demandais si ces mesures étaient suffisantes, selon vous, pour protéger la vie privée, les droits juridiques et les droits fondamentaux de chacun?
    Je ne suis probablement pas le mieux placé pour répondre à cette question. Comme je le disais, n'étant pas moi-même un agent de la paix, je n'aurais pas à faire appliquer directement les dispositions de la loi selon leur formulation actuelle.
    Encore là, je sais que des représentants du ministère de la Justice sont venus témoigner devant vous. Je crois qu'ils ont parlé des faiblesses potentielles qu'ils entrevoyaient à cet égard. Je dois m'en remettre à ce qu'ils vous ont dit à ce sujet.
    C'est bien. Merci.
    Permettez-moi de soulever un point que vous serez sans doute plus enclin à commenter. Pouvez-vous nous parler des dangers associés au laissez-faire des Canadiens, particulièrement celui des législateurs, qui se plaisent à croire que nous n'avons pas été la cible d'attaques récemment? C'est un peu comme s'il n'y avait plus rien à faire dans le dossier du terrorisme parce que nous sommes tous en relative sécurité? Est-il risqué de tomber dans la complaisance et de ne pas prendre les menaces suffisamment au sérieux? Avez-vous vu des signes de cela au Canada?
    C'est une très bonne question. C'est un travail difficile. Nous sommes parfois victimes de notre propre réussite. Je vous renvoie simplement au cas des 18 de Toronto. Ces gens appartenaient à un groupe extrémiste qui planifiait une importante attaque terroriste au Canada.
    Le Canada n'est pas à l'abri des menaces terroristes. Al-Qaïda a fait savoir que le Canada était une cible potentielle. Le monde dans lequel on vit n'est pas nécessairement tout beau, tout chaud. Je ne veux pas vous servir des arguments simplistes, et je n'ai pas non plus l'intention d'essayer de vous apprendre des choses que vous savez déjà. Vous soulevez cependant un bon point. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu d'attaque terroriste en sol canadien au cours des dernières années qu'il ne faut pas être vigilant. Nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour veiller à la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. C'est un élément fondamental du mandat du service.
    Une des dispositions de la loi porte sur l'engagement assorti de conditions. Madame Beauregard, comme vous travaillez dans le domaine de l'évaluation du terrorisme, vous pourrez sans doute nous éclairer, et vous aussi, monsieur Yaworski.
    Certaines des personnes qui aident ou encouragent les activités terroristes ne travaillent pas directement avec les terroristes. Elles ne savent pas nécessairement non plus à quoi contribuent concrètement les gestes qu'elles posent. Elles savent que cela va aider la cause, qu'il s'agisse d'acheter quelque chose, de recueillir des fonds ou d'établir des contacts, mais elles ne savent peut-être pas exactement à quoi va mener le travail qu'on leur demande de faire. Et pourtant, en fin de compte, elles contribuent à une activité terroriste.
    Ai-je raison? Si oui, pourriez-vous nous dire pourquoi il est important d'imposer certaines conditions à ces personnes pour qu'elles mettent fin à des activités qui ne seraient pas nécessairement considérées comme des activités illégales pour l'ensemble du monde? Qu'il s'agisse d'être présent sur Internet, de faire des appels ou de recueillir de l'argent pour une cause, ce ne sont pas les activités en tant que telles qui posent problème, ce sont les conséquences qu'elles entraînent.
    Je précise d'abord que le CEIT est en faveur des dispositions du projet de loi S-7. Cela dit, notre organisation a pour mandat d'évaluer les menaces terroristes. Elle ne recueille aucune information. Ce sont les forces de l'ordre qui seront appelées à faire appliquer les dispositions. Nous leur ferions évidemment part de nos propres évaluations. Si nous avions des renseignements à transmettre aux forces de l'ordre, nous le ferions, mais la décision finale leur reviendrait à elles.
(1625)
    Je veux simplement que vous éclairiez nos lanternes.
    Si des gens s'adonnent à des activités qui contribuent au terrorisme, il faut mettre un stop à ces activités. Ils ne vont pas nécessairement faire exploser des bombes ou tuer quelqu'un, mais ils y contribuent quand même par les activités qu'ils mènent. Pouvez-vous nous donner des exemples du travail que vous faites?
    Je ne peux pas vous donner d'exemples du travail que nous faisons au CEIT. Pour des raisons de sécurité nationale, je ne peux pas vous donner de tels exemples. Je suis désolée.
    Je pourrais peut-être répondre à la question, mais sans vous donner d'exemple concret, parce que nous n'avons pas cette liberté.
    Je pense que vous faites allusion à l'achat d'un cellulaire jetable pour le remettre à quelqu'un qui arrive au Canada dans le but de l'aider avec ses plans obscurs; ou encore, comme vous l'avez dit, à la collecte de fonds pour une oeuvre charitable viable et utile en apparence, mais en en détournant une partie à d'autres fins.
    Dans des cas comme ceux-là, je pense qu'il faut être très prudent quand il s'agit de déterminer si les collectes de fonds de cette nature sont assujetties à la loi. Pour ce qui est de l'achat d'un téléphone cellulaire ou d'un geste semblable, où il y a un lien direct à établir avec une enquête en cours, il y a peut-être lieu pour les autorités d'interroger cette personne pour savoir si elle s'est adonnée à ces activités en toute connaissance de cause, ou si elle est plutôt une simple spectatrice innocente. Cela ne signifie pas qu'il y aurait un mandat d'arrêt. Le but est davantage de recueillir des renseignements supplémentaires pour aider l'enquête.
    Merci beaucoup pour cette intervention.
    La parole est à M. Scarpaleggia. Je vous en prie.
    Nous savons tous qu'aucune audience d'investigation n'a encore eu lieu. On l'a répété maintes et maintes fois. Vu le désabusement de plus en plus généralisé à l'égard des gouvernements occidentaux, et de notre gouvernement — je ne parle pas du parti au pouvoir, mais de l'État lui-même —, pouvez-vous affirmer avec assez de certitude qu'on va un jour avoir recours aux audiences d'investigation? Si c'est la tendance observée dans certaines parties du monde, on pourrait s'attendre à devoir recourir à des audiences d'investigation un moment donné. Êtes-vous aussi de cet avis? Même si nous n'avons pas encore eu à le faire, diriez-vous qu'il est fort probable qu'on le fasse un jour?
    Je crois que c'est certainement une conclusion logique.
    D'accord.
    Nous n'avons pas beaucoup parlé d'une partie du projet de loi en particulier, du moins, je ne le pense pas. Elle propose des changements à la Loi sur la preuve au Canada. Connaissez-vous cette partie? Si j'ai bien compris, on va rendre publiques davantage d'informations recueillies aux fins d'une audience. Avez-vous pris connaissance de cette partie du projet de loi?
    Oui.
    Jusqu'à présent, on maintenait que ces informations devaient demeurer confidentielles dans l'intérêt du public, ou parce qu'elles auraient pu causer préjudice aux relations internationales, à la défense nationale ou à la sécurité nationale. Je pense que la Cour fédérale a trouvé cette approche un peu trop restrictive. Le projet de loi modifie une partie de la Loi sur la preuve au Canada pour introduire une présomption de transparence accrue.
    Je me demandais si vous aviez étudié cette partie du projet de loi, parce que je ne suis pas certain de bien les comprendre. Par exemple, il est question du risque de divulgation, que des organisations comme la vôtre sont plus vulnérables à cet égard. J'aimerais que vous nous expliquiez ce que cela signifie exactement.
    Pour répondre à votre question, je dirais d'abord que lorsque le SCRS a été créé, je ne crois pas qu'on avait envisagé la possibilité que des renseignements classifiés puissent être divulgués dans une tribune libre. C'est aujourd'hui une réalité avec laquelle nous devons composer. Parallèlement, les tribunaux fédéraux qui traitent généralement des renseignements de nature publique ont du mal à travailler avec des renseignements classifiés. Mais le mandat même d'un organisme de renseignement est de traiter avec des renseignements classifiés. Il a été difficile pour nous de nous adapter à la nouvelle réalité, mais nous l'avons fait. Pour certaines de nos enquêtes antiterroristes, nous avons travaillé avec la GRC pour trouver des façons de transposer les renseignements, proprement dits, en éléments de preuve. Nous l'avons fait, mais cela n'a pas été facile.
    Si je ne me trompe pas, monsieur Scarpaleggia, je pense que les dispositions dont vous parlez permettent de tenir certaines audiences à huis clos et d'autres, la majorité en fait, en public. Pour nous, cela signifie que nous pouvons divulguer davantage de renseignements classifiés si c'est dans un environnement sécurisé. Si c'est dans une tribune libre, c'est très difficile pour nous, parce que nous devons nous assurer de protéger les sources du service, et surtout leur identité.
    Nous devons souvent protéger les renseignements qui nous sont transmis par des services secrets alliés. Ils transmettent ces renseignements au Canada avec la présomption qu'ils vont demeurer secrets. Les renseignements que nous recevons de nos alliés, de nos sources humaines, nous aident à protéger les intérêts des Canadiens et des Canadiennes, alors c'est une bonne chose pour nous de pouvoir présenter ces renseignements dans un environnement sécurisé.
(1630)
    J'essaie de comprendre le processus. Une audience d'enquête serait évidemment menée à huis clos, n'est-ce pas? Je présume qu'on ne la rendrait pas publique. Est-ce exact? Une audience d'enquête est toujours menée à huis clos; il faudra seulement, à un certain moment, divulguer publiquement les renseignements obtenus. Est-ce que j'ai bien compris?
    Je pense qu'il y a deux options à cet égard, mais il vaudrait peut-être mieux poser la question aux fonctionnaires du ministère de la Justice.
    D'accord.
    Vous avez donc été forcés de changer votre façon de procéder en raison des critères actuels plus élevés en matière de transparence. Vous avez dit que vous aviez eu à présenter des renseignements secrets en éléments de preuve. Pourriez-vous préciser?
    Je pense que cela concerne la divulgation. Nous pouvons certainement divulguer des renseignements aux forces de l'ordre. Nous pouvons leur donner des pistes d'enquêtes. Toutefois, les choses deviennent compliquées lorsque nous tentons de protéger l'identité de nos sources humaines. Il est évident qu'au cours d'une enquête menée contre le terrorisme dans laquelle nous avons recours à des sources humaines, la vie de ces personnes est menacée si nous les identifions publiquement. De plus, selon l'organisme que nous avons ciblé, nous voulons faire appel à ces personnes régulièrement, et pas seulement dans un cas particulier.
    Nous avons changé notre façon de faire en ce qui concerne les pistes que nous fournissons à la GRC. Nous essayons de les rendre aussi détaillées que possible, mais en présumant que la GRC mènera sa propre enquête, nous menons une enquête parallèle à huis clos.
    Essentiellement, vous leur montrez la voie à suivre.
    C'est exact.
    Sans divulguer l'identité de vos sources et sans révéler ce que vous avez entendu, vous trouvez votre réponse et menez votre propre enquête.
    C'est à peu près cela. Évidemment, à certaines occasions, nous avons fourni à la GRC une source humaine qu'elle a transformée en agent du gouvernement, pour des raisons judiciaires, mais ces cas sont rares. Nous préférons que la GRC lance son propre processus d'enquête.
     Merci beaucoup, monsieur Scarpaleggia.
    Nous allons maintenant redonner la parole à M. Scott.
    Merci, monsieur le président.
    Vous avez cinq minutes.
    Merci.
    Madame Beauregard, j'aimerais que vous confirmiez qu'en ce moment, l'ACSTA ne fait pas partie du CIET. Est-ce exact?
    En effet, elle n'en fait pas partie.
    Est-ce qu'on envisage de faire appel à sa participation, surtout parce que nous parlons tellement des enjeux liés au départ en ce qui concerne l'infraction de quitter le pays?
    C'est un bon point, mais ce n'est pas envisagé en ce moment.
    D'accord, merci.
     J'aimerais avoir vos commentaires, et surtout ceux de M. Yaworski, sur la question de la surveillance.
    Je pense que vous savez que le juge O'Connor a formulé quelques recommandations, par l'entremise de la commission Arar, sur la nécessité d'avoir plus de mécanismes de surveillance intégrés, surtout en raison de la nature de la coopération.
    Le projet de loi nous donne un aperçu du milieu de coopération dans lequel vous et vos collègues vivez. Le projet de loi à l'étude ne prévoit aucun mécanisme de surveillance de ce genre, et on ne mentionne rien à ce sujet dans les autres projets de loi qui nous ont été présentés.
    En ce qui concerne les dispositions qu'on ressuscite pour les éliminer graduellement, pourrions-nous proposer qu'un rapport complet soit présenté au Parlement sur la situation du système relativement aux recommandations de la commission Arar et qu'on explique pourquoi, si c'est le cas, le système n'a toujours pas mis en oeuvre ces recommandations? Que pensez-vous de cette condition à l'élimination graduelle?
(1635)
    Eh bien, j'aimerais vous rappeler que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité a connaissance de toutes les activités du Service canadien du renseignement de sécurité.
    Le comité peut connaître les activités dans lesquelles vous êtes engagés, mais pas nécessairement d'autres organismes?
    Exactement.
    Je ne veux pas commenter les exigences des autres organismes en matière de surveillance. Ce n'est certainement pas dans mon champ d'expertise, et je ne crois pas qu'il soit approprié que nous commentions cela. Toutefois, je veux préciser que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité est au courant de toutes nos activités passées et futures. Si on modifie la loi, le comité aurait évidemment accès à tous les renseignements liés à notre participation dans ce dossier.
    Dois-je comprendre, d'après votre réponse, que selon vous, la perte du poste d'inspecteur général, qui a pour rôle de conseiller directement le ministre, n'est pas une perte du tout, car le CSARS peut faire tout le nécessaire?
    Je crois que les fonctions spécialisées de l'inspecteur général ont été attribuées au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. En même temps, le gouvernement a réussi à économiser un million de dollars de l'argent des contribuables. Je pense que dans l'ensemble, il s'agit d'une très bonne chose. En ce qui nous concerne, le chevauchement a été éliminé.
    D'accord, merci.
    Vous avez parlé de l'exemple des téléphones. Je fais seulement des associations. Aujourd'hui, j'ai lu la section affaires du Globe and Mail ou du National Post, et on parlait d'une entreprise appelée Roam Mobility, qui vient d'introduire les téléphones jetables sur le marché américain. Cette entreprise n'est pas aussi active au Canada, car elle n'a pas réussi à conclure des ententes avec les entreprises de télécommunication du pays. À votre avis, les téléphones jetables représentent-ils un problème grave dans notre monde actuel?
    Je ne connais pas très bien les téléphones jetables, monsieur Scott, mais je peux vous dire que la technologie change tous les jours, et c'est très difficile de se tenir à jour.
    Nos cibles ont accès à la technologie. Dans certains cas, elles utilisent une technologie de pointe à laquelle nous n'avons même pas accès. Nous tentons d'améliorer notre capacité d'intercepter la technologie en général dans certaines situations, mais je ne suis pas renseigné sur ce cas en particulier.
    J'aimerais préciser qu'à mon avis, l'utilisation de moyens de communication jetables existe depuis longtemps. Si c'est la nature de ce téléphone, nous aurons des problèmes à intercepter cette technologie. Ce ne sera pas plus facile pour les forces de l'ordre.
    Oui, mais ces téléphones ne sont pas seulement jetables; ils sont non retraçables.
    Cela nous causerait sans aucun doute des difficultés.
    Il vous reste 40 secondes.
    Que ce soit par la voie de la recherche et de l'évaluation ou par la voie des opérations, connaissez-vous les mesures de contrôle utilisées au RU pour empêcher les gens de quitter le pays, c'est-à-dire leur enlever leur passeport et leur interdire de quitter le pays?
    Je sais que le système britannique ressemble au nôtre à bien des égards, et qu'il en diffère aussi à bien d'autres égards. Je ne connais pas ces mesures en particulier.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Mme Bergen et à M. Leef.
    Merci. Je vais commencer, et s'il me reste du temps, M. Leef l'utilisera.
    Madame Beauregard, pourriez-vous décrire les activités de votre organisme et le type de renseignements que vous traitez, et nous dire comment vous évaluez une menace?
    Merci de me donner l'occasion de parler de mon organisme.
    Nous sommes essentiellement un service d'analyse. Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous ne recueillons aucun renseignement, mais tous nos partenaires gouvernementaux nous envoient des renseignements. Au bout du compte, la valeur de notre travail dépend directement de celle des renseignements qui nous sont communiqués.
    Nous avons 13 partenaires gouvernementaux et ils nous envoient tous des renseignements. Nos alliés nous en envoient également. Le rôle des analystes, au bout du compte, est d'examiner tous les renseignements que nous avons reçus — tous les renseignements liés aux menaces terroristes — et de les trier pour évaluer leur crédibilité et leur fiabilité. Nous jugeons ensuite les menaces potentielles envers le Canada, que ce soit ici ou à l'étranger. C'est l'essentiel de notre travail.
(1640)
    Au départ, dans un autre ministère, on a examiné les renseignements reçus et on a déterminé qu'ils étaient liés au terrorisme et qu'on allait vous les communiquer. Comme vous l'avez dit, vous vous attendez à ce que ces renseignements soient exacts et complets.
    Nous sommes encore plus privilégiés, car il n'est pas nécessaire de nous envoyer ces renseignements. En effet, les banques de données sont situées au CIET.
    Oh, je vois, vous ne collectez pas de renseignements, mais d'une certaine façon, vous les regroupez et vous les évaluez.
    C'est exact. Nous les regroupons. C'est le beau côté de la nature intégrée du CIET: nous avons un accès direct à tous les renseignements qui sont créés par d'autres.
     Dans ce cas, vous pourriez probablement commenter la prochaine question que j'allais poser à M. Yaworski, et qui concerne la radicalisation des jeunes qui mène à la violence. Vous pourriez examiner le même type de renseignements et vous en servir pour effectuer des évaluations.
    Je ne sais pas depuis combien de temps vous travaillez dans ce domaine, mais selon votre expérience, avez-vous remarqué une augmentation de ce phénomène, même dans les 5 à 10 dernières années, chez les jeunes qui sont nés et élevés au Canada? Leurs parents sont des Canadiens de première génération, mais ils sont nés ici et c'est leur pays, et pourtant, on parvient à les radicaliser. Selon vous, quelles sont les causes principales?
    C'est la question à cent dollars; si seulement nous le savions.
    Pourriez-vous commenter le changement, s'il y a eu un changement?
    Comme mon collègue l'a souligné dans son exposé, le SCRS a mené une étude majeure sur la radicalisation qui s'effectue ici au Canada, et il a conclu qu'il n'existait pas de facteurs explicatifs particuliers en ce qui concerne les groupes du Canada.
    Nous avons observé une augmentation. Ce qui nous préoccupe surtout, c'est le désir de certains jeunes de voyager à l'étranger pour se joindre au jihad. Ce qui nous inquiète, c'est non seulement leurs voyages à l'extérieur du Canada pour se joindre au jihad et possiblement participer à des activités liées au terrorisme, mais aussi leur retour au pays, s'ils décident de revenir. Par exemple, que feront-ils une fois revenus au Canada? L'aura que leur confère leur statut de combattant étranger contribuera-t-elle à faire d'eux des catalyseurs de la radicalisation, ici au Canada? Ce sont des questions qui nous préoccupent vraiment beaucoup.
    En ce qui concerne la trajectoire particulière de la radicalisation, nous poursuivons notre étude, car nous n'avons trouvé aucune direction particulière à ce phénomène.
    Oui, et j'aimerais seulement insister sur les commentaires de Monik.
    La radicalisation est une affaire très personnelle. Les moyens employés pour radicaliser une personne ne fonctionneront pas nécessairement sur une autre personne. Dans certains cas, il suffit d'un lien personnel avec une autre personne, et dans d'autres cas, c'est la pression exercée par le groupe. Mais nous avons constaté que cette tendance est certainement à la hausse.
    Comme je l'ai indiqué lors de l'une de vos questions précédentes, je crois, il ne faut pas oublier le rôle joué par Internet, qui permet de recruter des membres et de romancer le jihad, si l'on peut dire, dans certains cas. Je suis certain qu'un grand nombre de ces jeunes Canadiens sont extrêmement surpris par la réalité de la situation dans laquelle ils se retrouvent une fois recrutés.
    Je dirais qu'Internet est l'une des causes principales, mais comme Monik l'a laissé entendre, le processus de radicalisation n'est pas le même pour tout le monde.
    Merci beaucoup. Nous allons revenir à l'opposition officielle.
    Monsieur Scott ou monsieur Garrison.
    Je me rends compte que le temps est limité; je poserai donc une seule question, et mon collègue, M. Garrison, pourra ajouter quelque chose ensuite.
    Mme Bergen a fait du bon travail pour vous faire reconnaître que vous pourriez être victime de votre propre succès. D'après ce que vous avez dit, et nous avons déjà entendu cela — et c'est tout à fait compréhensible —, les dispositions ressuscitées sont des outils utiles. Toutefois, nous n'avons entendu aucun témoignage... et on nous démontre que cela ne prouve pas que ces deux mécanismes soient absolument nécessaires.
    Je peux comprendre pourquoi ces outils seraient utiles. Il se pourrait qu'à un moment donné, un autre outil soit utile, mais pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, il est nécessaire en ce moment?
(1645)
    Je dirais que les chiffres parlent d'eux-mêmes.
    Plus tôt, j'ai dit que de 45 à 60 Canadiens sont actuellement à l'étranger et participent à des activités liées au terrorisme. Le Canada a une obligation envers la communauté internationale et les citoyens canadiens. Nous devons contrôler ces individus. Nous devons décourager ce type d'activités. Le fait que des Canadiens participent à des activités liées au terrorisme, que ce soit au pays ou à l'étranger, est un problème dont nous devons nous occuper, et je crois que le projet de loi nous permet de le faire.
    Merci beaucoup.
    Notre temps est écoulé. Nous avions hâte de vous entendre aujourd'hui. Tous les partis craignaient de ne pas pouvoir entendre vos témoignages en raison des votes, mais nous vous remercions d'être venus et de nous avoir attendus.
    Nous allons suspendre la séance pendant un moment pour permettre aux nouveaux témoins de s'installer.
    Merci.
    Nous poursuivons les travaux de la 63e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, et notre étude du projet de loi S-7, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur la protection de l’information.
    Nous entendrons les témoignages de Paul Calarco, membre de la Section nationale de droit pénal de l'Association du Barreau canadien, et de Marilou Reeve, avocate. Bienvenue.
    Nous entendrons aussi Denis Barrette, porte-parole de la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles.
    Nous remercions les témoins d'avoir accepté de nous aider dans notre étude du projet de loi S-7. D'après ce que je comprends, chaque groupe a un bref exposé. Nous nous excusons du retard. Nous allons poursuivre la réunion jusqu'à 17 h 30, et nous allons conclure pour aujourd'hui. Nous avons dû participer à quelques votes à la Chambre des communes, et cela a réduit le temps dont dispose notre comité.
    Sans plus attendre, je vous souhaite la bienvenue. Nous allons d'abord entendre Marilou Reeve, de l'Association du Barreau canadien.
    Madame Reeve.
    Je vais faire une petite introduction.
    Bonjour, monsieur le président et honorables députés. Au nom de l'Association du Barreau canadien, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le comité aujourd'hui.
    L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente environ 37 000 juristes de partout au Canada. Les objectifs principaux de l'association sont l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est en tenant compte de ces objectifs que nous nous adressons à vous aujourd'hui.
    Le mémoire écrit de l'ABC, que vous avez tous reçu, a été préparé par des membres de la Section nationale de droit pénal. Les membres de cette section sont des spécialistes du droit pénal, et ce sont notamment des procureurs et des avocats de la défense d'un peu partout au Canada.
    Je vais maintenant vous présenter notre porte-parole, M. Paul Calarco.
    M. Calarco apporte un point de vue personnel à la séance d'aujourd'hui, car il a été avocat de la défense et procureur. C'est un avocat de la défense qui pratique à Toronto, mais il a également été procureur adjoint de la Couronne à temps partiel pour l'Ontario et agent permanent du procureur général du Canada pendant six ans, où il s'occupait des affaires de drogues devant les cours provinciales et supérieures.
    Avant de donner la parole à M. Calarco, j'aimerais préciser que l'ABC a commenté la réponse législative du Canada envers le terrorisme pour la première fois en 2001. Depuis ce temps, les membres de l'ABC ont profité des occasions d'écrire des mémoires sur les diverses initiatives antiterrorisme et des sujets connexes.
    Merci de votre attention.
(1650)
    Merci, madame Reeve.
    Monsieur Calarco, vous avez la parole.
    Je tiens à remercier le comité de me donner l’occasion de présenter le point de vue de l’Association du Barreau canadien sur cette mesure législative très importante.
    Il ne fait aucun doute que pour protéger la société, il est essentiel de prévenir les actes terroriste. Pour cela, il faut des lois efficaces, mais aussi des lois qui respectent nos traditions juridiques. Malheureusement, ce projet de loi n'atteint pas ces deux objectifs.
    Je vais d’abord parler de l’efficacité de cette mesure. Je soulignerai trois points concernant les modifications proposées au Code criminel.
    Premièrement, on a déjà eu recours aux investigations visant à recueillir des renseignements. C'était dans le cadre de l’affaire d’Air India. Même si l’on a confirmé la constitutionnalité des dispositions correspondantes qui sont maintenant caduques, rien ne prouve que ces investigations ont été efficaces pour détecter ou prévenir un acte terroriste ou utiles dans le cadre de la poursuite. Après analyse, on ne peut pas s’attendre à ce que les dispositions proposées dans ce projet de loi soient plus efficaces.
    Croit-on vraiment qu’un individu qui refuse de coopérer avec les enquêteurs et qui souhaite protéger ceux qui s’apprêtent à commettre un acte terroriste se mettra soudainement à coopérer et à révéler des renseignements utiles dans le cadre d’une de ces investigations? C’est très peu probable. Il est plus probable qu’il garde le silence ou qu’il mente. D’une façon ou d’une autre, l’investigation ne mènera à rien.
    De plus, l’individu visé par l’investigation saura qu’il est considéré comme une personne d’intérêt et apprendra ce que les autorités savent sur les activités terroristes potentielles. S’il est un des participants à ces activités terroristes, l’individu pourra alors transmettre ces renseignements à ses complices, ce qui leur permettra de modifier leurs plans afin d’éviter d’être repérés.
    Il serait préférable de laisser des spécialistes bien formés et disposant des fonds nécessaires effectuer des enquêtes aux fins de la lutte contre le terrorisme. La prévention de la criminalité passe par l’écoute électronique, la surveillance, l'utilisation d’informateurs, les enquêtes et autres techniques policières habituelles. Ce projet de loi n’offre rien de tel.
    Deuxièmement, les nouvelles infractions proposées, soit tenter de quitter le Canada dans le but de commettre un acte terroriste ou héberger une personne ayant commis un tel acte, sont déjà couverts par le Code criminel: complot visant à commettre une infraction, tenter de commettre une infraction, participer à la commission d’une infraction et complicité après le fait. Ce projet de loi n’ajoute rien à ces dispositions.
    Troisièmement, l’imposition d’un engagement afin d’éviter la perpétration d'un acte terroriste n’est rien d’autre qu’un engagement à ne pas troubler l’ordre public. Il est illusoire de croire qu’un individu qui veut à tout prix commettre un crime aussi terrible changera d’idée si un juge provincial lui impose un engagement à ne pas troubler l’ordre public sous peine de perdre la caution qu’il a versée. C’est le point qu’a fait valoir M. Coulombe, le représentant du SCRS, lors de son témoignage du 21 novembre 2012. Selon lui, les sanctions pénales ne dissuaderont pas les individus qui veulent à tout prix commettre un acte terroriste. Croit-on vraiment pouvoir y arriver avec un engagement à ne pas troubler l’ordre public?
    De plus, le concept des investigations visant à recueillir des renseignements va à l’encontre de notre tradition juridique selon laquelle personne n’est tenu de fournir des preuves contre un autre individu, sauf devant un tribunal où l’accusé peut se défendre dans le cadre d’une audience juste et publique. Il ne faudra pas prendre cette tradition à la légère.
    Les normes proposées dans ce projet de loi ne sont assez rigoureuses. Elles permettent le recours à ces investigations, même si les renseignements que l’on pourrait obtenir auront peu de valeur, si les chances d’obtenir des renseignements sont minces, si l’investigation ne repose que sur le soupçon d’un seul agent de la paix. On ne peut pas compromettre nos traditions juridiques avec de telles normes.
    En outre, il serait nécessaire de mettre en place un mécanisme intégral et indépendant pour surveiller l’application d’une telle loi. Ce projet de loi respecte, dans une certaine mesure, le principe de l’audience publique énoncé par le juge en chef Lutfy dans l’affaire Toronto Star Newspapers Ltd. c. Canada. C’est un point positif. Toutefois, les recommandations formulées par les comités de la Chambre des communes et du Sénat n’ont pas été mises en oeuvre. Elles devraient faire l’objet d’un nouvel examen.
    En terminant, il faudrait adopter des mesures pour s’assurer que les renseignements conservés en vertu de la Loi sur la protection de l’information sont ceux qui risquent vraiment de mettre en danger notre sécurité et nos relations internationales, notamment.
(1655)
    Cette loi propose des normes objectives. Le gouvernement, peu importe sa couleur, ne peut pas l’utiliser pour cacher des renseignements qui pourraient lui nuire sur le plan politique.
    Je remercie les membres du comité. Je serai heureux maintenant de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Calarco.
    Monsieur Barrette, vous avez la parole.

[Français]

    Bonjour. Je suis accompagné de M. Roch Tassé, coordonnateur de la CSILC, un organisme dont je suis porte-parole.
    Je vous remercie de me recevoir. Je me présente. Je suis Denis Barrette, membre de la Ligue des droits et libertés. Je représente la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles. Les documents liés à la présentation, dans les deux langues officielles, vous ont été distribués.
    Certaines dispositions du projet de loi S-7 introduisent une nouvelle infraction relative à la tentative de quitter le Canada dans le but de commettre une infraction de terrorisme. Ce délit est déjà interdit et prohibé par le Code criminel, notamment par les articles 7, 21 et 24.
    Nous aborderons surtout les deux dispositions qui avaient été abandonnées en 2007 à cause des clauses de temporarisation, c'est-à-dire l'investigation judiciaire et les arrestations préventives dans un but de surveillance physique et judiciaire des individus. Ce sont les articles 83.28 et 83.3 du Code criminel. Pour nous, et nous l'avons déjà dit devant des comités, ces deux dispositions sont dangereuses et trompeuses.
    Les débats du Parlement sur cette question doivent s'appuyer sur un examen rationnel et éclairé de la Loi antiterroriste, une loi adoptée avec empressement après les événements de septembre 2001. Il est essentiel de rappeler que les deux dispositions discutées ici reposent sur une définition très large de l'activité terroriste et de la participation à une activité terroriste. Elles permettent d'arrêter préventivement et de forcer à témoigner des personnes qui participent à des activités de contestation et de dissidence qui n'ont rien à voir avec ce qu'on entend normalement par terrorisme.
    Une définition si large encourage le profilage d'individus que l'on qualifie de « sujets d'intérêt », à partir de critères religieux, politiques ou idéologiques. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies montrait, en novembre 2005 dans son rapport sur le Canada, sa vive préoccupation relative à la portée trop large de la définition d'activité terroriste dans la Loi antiterroriste. Le comité écrivait ceci:
L'État partie devrait adopter une définition plus précise des infractions de terrorisme de façon à ne pas cibler des individus pour des motifs politiques, religieux ou idéologiques, dans le cadre des mesures de prévention, d'enquête et de détention.
    Aujourd'hui, en 2012, quelle est donc la véritable nécessité objective de ces deux dispositions?
     Depuis leur adoption en 2001 jusqu'à leur abrogation en 2007, le seul cas d'application est relié à la triste affaire d'Air India et l'on sait par quel fiasco policier et judiciaire toute cette affaire s'est conclue, y compris l'utilisation inutile de l'investigation judiciaire.
    Entre 2007 et aujourd'hui, des enquêtes policières ont réussi à démanteler des complots terroristes sans avoir à utiliser une des dispositions discutées ici. D'ailleurs, même depuis 2001, soit depuis 11 ans, si l'on répertorie chacune des enquêtes sur le terrorisme ayant mené à des accusations, aucune d'entre elles n'aura nécessité l'utilisation de ces dispositions, qu'il s'agisse de l'affaire Khawaja, des 18 personnes arrêtés à Toronto ou encore du groupe des quatre en Ontario.
    La première disposition oblige une personne à comparaître devant un juge et à témoigner lorsque celui-ci a des motifs raisonnables de croire qu'elle possède des informations concernant un acte terroriste qui a été commis ou qui va être commis. Le refus de coopérer peut entraîner l'arrestation et l'emprisonnement pour une période d'un an.
     Cette disposition introduit la notion d'une justice inquisitoire en droit criminel canadien. Ceci change le paradigme entre l'État, la police, la magistrature et les citoyens. On sait que, au Canada, comme dans tous les pays de common law, lorsqu'on parle de droit criminel, on parle de justice accusatoire, contrairement à la France, par exemple, où l'on évolue dans un processus inquisitoire. Il est à craindre que cette nouveauté se trouve introduite et appliquée dans un futur rapproché à d'autres types de crimes et, à moyen terme, affecte des principes de justice fondamentale comme la présomption d'innocence.
    Nous sommes aussi d'avis que l'investigation judiciaire aura comme conséquence la déconsidération de l'indépendance de la magistrature et, par là même, du système de justice canadien.
    Avec le concept d'investigation judiciaire, on évacue tout le concept des débats contradictoires. Je vous invite à lire attentivement la dissidence des juges Fish et LeBel dans le débat sur l'article 83.28 du Code criminel. Les deux juges concluent leur jugement de cette façon:
(1700)
La mise en oeuvre de l’article 83.28, qui entraîne cette perception de non-séparation des pouvoirs, risque dès lors d’entraîner la perte de la confiance du public dans le système de justice canadien. Les tensions et les craintes que suscite la montée du terrorisme ne justifient pas cette association. Il importe que le droit criminel soit appliqué fermement et que les mesures d’enquête et de répression nécessaires soient mises en oeuvre, mais dans le respect des valeurs essentielles de notre régime politique. La préservation de l’indépendance institutionnelle des tribunaux demeure l’une de celles-ci.
    Si cette disposition entre en vigueur, il est à prévoir que la Cour suprême devra à nouveau se pencher sur la constitutionnalité de l'article 83.28, notamment, comme l'écrivaient les juges LeBel et Binnie, parce que ce sera l'occasion de plusieurs abus et irrégularités.
    Finalement, nous soulignons qu'un peu partout dans ces deux dispositions, on renforce encore le critère du soupçon comme justification de rétorsion contre le citoyen.
    Quant à la disposition relative aux craintes qu'une personne commette un acte terroriste, il semble que l'on ait oublié l'existence de l'actuel paragraphe 810.01 (1) du Code criminel, qui est libellé comme suit:
    
Quiconque a des motifs raisonnables de craindre qu’une personne commettra une infraction prévue à l’article 423.1, une infraction d’organisation criminelle ou une infraction de terrorisme peut, avec le consentement du procureur général, déposer une dénonciation devant un juge d’une cour provinciale.
    Cette disposition permet actuellement d'imposer des conditions très lourdes à quelqu'un de qui l'on craint qu'il participe à une activité terroriste.
    Par ailleurs, la disposition du projet de loi S-7 deviendra aussi un moyen indirect de ficher des innocents par l'entremise de la Loi sur l'identification des criminels, qui inclut spécifiquement l'article 83.3 du Code criminel comme motif de prise d'empreintes.
    Plus spécifiquement, je vous souligne quelques problèmes. Dans l'enquête relative aux mauvais traitements subis par Almalki, Elmaati et Nureddin, le juge Iacobucci a écrit que l'insouciance de la GRC quant à l'utilisation des renseignements extorqués par la torture était troublante. Encore là, qui dit renseignements recueillis sous la torture, dit aussi renseignements peu fiables, douteux et dangereux.
    Rappelons la nécessité de mécanismes de surveillance des activités de l'État en matière de sécurité nationale, tels que recommandés par la commission Arar, en 2006. Six ans plus tard, nous attendons toujours. L'absence de mécanismes indépendants et efficaces en matière de sécurité nationale ne peut qu'accroître la dangerosité de l'application de ces deux dispositions.
    Finalement, nous tenons à souligner que ces deux dispositions deviendront un outil inquiétant d'intimidation, même si elles ne sont pas appliquées directement dans le système judiciaire. Par exemple — et ce n'est pas de la fiction —, un agent de la GRC ou du SCRS pourrait très bien intimer à un individu réticent à répondre à ses questions que, s'il ne collabore pas, il pourrait être détenu puis devoir faire face au tribunal. Tout comme à l'époque du maccarthysme, la crainte de voir sa réputation ternie dans un tel processus et d'être détenu 72 heures puis amené devant un juge pour répondre à des questions téléguidées par la police serait un procédé redoutable de dénonciation.
    Mais qui dit dénonciation sous la contrainte, sans le caractère libre et volontaire imposé par notre droit criminel, dit aussi dénonciation peu fiable, biaisée et fallacieuse. Tous les avocats connaissent le peu de fiabilité d'un témoin réticent. De plus, ces dispositions pourront être hautement préjudiciables et leur impact ne sera pas banal, même si les individus concernés ne sont pas traînés devant un tribunal. Leur utilisation aura un effet d'étiquetage et de marquage sur des individus qui, pourtant, ne seront jamais accusés.
    On sait, depuis l'enquête Arar et l'enquête du juge Iacobucci, qu'une simple enquête peut encourager la torture, détruire la vie, la réputation, la carrière et l'avenir d'une personne qui est innocente et qui n'est même pas accusée. On sait que ces dispositions pourraient prêter à une utilisation qui, pour nous, est abusive. Je pense au cas d'Air India.
    D'après nous, les Canadiens seront mieux servis et protégés en ayant recours aux dispositions usuelles du Code criminel. L'utilisation de pouvoirs arbitraires et de rabaissement du niveau de preuves ne peut pas remplacer le travail du policier fait selon les règles de l'art. Au contraire, ces pouvoirs ouvrent la porte au déni de justice et à la probabilité marquée d'entacher la réputation d'individus innocents, comme Maher Arar.
(1705)
    Nous en appelons donc à une véritable analyse rationnelle de ces dispositions. Il s'agit de votre responsabilité de parlementaires. D'une part, ces dispositions ne sont pas nécessaires ou même véritablement utiles. D'autre part, il est fort probable qu'elles visent ultimement des innocents, qu'elles résultent en des violations des droits et libertés et qu'elles finissent par déconsidérer l'administration de la justice. Nous avons tout à gagner en se privant de mesures répressives qui ne sont pas nécessaires et tout à perdre en les adoptant.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Barrette.
    Monsieur Leef, vous avez la parole pour sept minutes.
    Merci aux témoins d’avoir accepté notre invitation.
    À la première page de votre mémoire, vous dites que l’ABC ne croit pas que le projet de loi S-7 apporterait véritablement de nouveaux outils pour lutter contre les infractions terroristes. Ce n’est certainement pas ce que nous ont dit les organismes d’application de la loi ou les groupes de recherche de renseignements. Je trouve intéressant, en tant que député nouvellement élu, de voir que les témoins qui participent directement à l’application de la loi et à la recherche de renseignements disent que ce projet de loi leur serait utile, alors que ceux qui ne participent pas directement à ce genre d’activités disent qu’il ne serait pas utile pour eux.
    Vous me corrigerez, le moment venu, si j’ai tort, mais vous semblez voir ce projet de loi comme le seul outil disponible pour lutter contre le terrorisme. Je crois plutôt que ce n'est qu'un outil parmi d'autres au sein d’un réseau intégré d’application de la loi et de recherche de renseignements. Je peux comprendre votre opinion négative de cette mesure si vous croyez qu’il s’agit de l'unique outil offert pour lutter contre ce que d’autres témoins considèrent comme étant la plus grande menace à la sécurité du pays.
    Si je ne m’abuse, vous avez dit que rien ne prouvait que les investigations visant à recueillir des renseignements avaient été efficaces, tout en soulignant qu’elles n’avaient été utilisées qu’une ou deux fois. En raison de cette utilisation limitée, il est facile de comprendre que l'on ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour juger de leur efficacité ou de leur inefficacité.
    Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous lorsque vous affirmez que des individus refuseraient de participer à ces investigations et qu’ils se contenteraient de mentir ou que les engagements ne constitueraient pas un élément dissuasif. On pourrait dire la même chose concernant les dispositions du Code criminel et les audiences judiciaires. Pourquoi imposer des engagements? Pourquoi obliger ou assigner un individu à comparaître? Il pourrait tout aussi bien mentir dans ces contextes en ne considérant que ses intérêts personnels.
    Vous conviendrez sûrement que ces investigations permettent aux gens de raconter leur version des faits, de défendre leurs convictions et de faire valoir publiquement leurs valeurs et de communiquer leurs expériences. Ce n’est pas simplement une occasion pour eux de sauver leur peau. Si ce que vous dites correspondait à la réalité, cela jetterait une ombre épaisse sur notre système judiciaire, pas seulement en ce qui concerne ce projet de loi.
    M. Barrette dit qu’il faut adopter une approche lucide et rationnelle de cette question. Cela sous-entend que ce projet de loi a été rédigé par des gens irrationnels et un peu fous. Je ne crois pas que ce soit le cas.
    Beaucoup de témoins en 2012 ont dit qu’il fallait adopter une mesure législative comme celle-ci, qu’il ne fallait pas attendre que l’on commette un autre acte terroriste avant d’agir. Nous tentons de créer un système de collecte de renseignements à l'intention des autorités policières afin de les aider à prévenir les activités criminelles, et je crois qu'il s'agit d'une approche raisonnable et responsable.
    Une chose sur laquelle je suis d’accord avec vous, c’est que ces pouvoirs limités doivent être accompagnés d’un mécanisme de surveillance rigoureux et indépendant. Je crois que la magistrature pourrait se charger de cette surveillance. Comme l’a souligné M. Calarco, on a tendance à rester accrocher à l’idée selon laquelle l'agent de la paix est le seul maître à bord. Le processus de collecte de renseignements est beaucoup plus complexe que cela. On donne l’impression aux Canadiens qu’un policier peut en tout temps intercepter quelqu’un, mener une enquête sur-le-champ et imposer un engagement. Ces investigations et le processus d'échange de renseignements sont beaucoup plus complexes ça. Tout ne repose pas sur les épaules d’un seul policier.
    Ça m’encourage vraiment. Revenons brièvement sur le mécanisme de surveillance juste et indépendant auquel vous avez fait référence.
(1710)
    Selon le projet de loi, les autorités doivent d’abord obtenir l'autorisation du procureur général du Canada ou du solliciteur général de la province avant de procéder. Bien entendu, elles doivent avoir des motifs raisonnables; c’est un principe du droit criminel. Le juge doit être convaincu que des tentatives raisonnables ont été faites pour obtenir les renseignements par d’autres moyens, tant pour des infractions terroristes déjà commises que pour des infractions appréhendées. Le projet de loi est clair sur ce point. Il fixe également des périodes maximales de détention.
    D’ailleurs, bon nombre des dispositions proposées dans cette mesure législative sont plus rigoureuses que celles du Code criminel concernant les défenses classiques. Je parle en connaissance de cause, puisque je suis un ancien agent de la GRC. Je suis donc familier avec le Code criminel.
    Le projet de loi parle en détail du mécanisme auquel vous faites référence, contrairement au Code criminel. J’aimerais connaître votre opinion sur le sujet, car je crois que nous avons fait un effort pour respecter cet objectif.
    En ce qui a trait à l’atteinte des deux objectifs dont vous avez parlé, je dirais que les services d’enquête et d’application de la loi recueillent les preuves à l’intention du pouvoir judiciaire et il revient ensuite aux avocats de mener à bien les procédures. Ce n’est certainement pas la responsabilité des agents de la paix qui recueillent les témoignages de voir si les témoins mentent ou agissent dans leur propre intérêt. C’est un travail d’équipe. Les avocats doivent prendre les renseignements recueillis et s’en servir pour obtenir d’autres renseignements dans le cadre de ces investigations, et ce pour le bien et la sécurité des Canadiens.
    J’aimerais connaître votre opinion sur ces points ou peut-être que M. Rafferty voudrait intervenir.
    Monsieur Leef, vous avez laissé aux témoins deux secondes pour vous répondre. Merci pour cet exposé de sept minutes, mais nous allons maintenant passer à un des membres de l’opposition.
    Monsieur Scott, c’est à vous.
    Je suis convaincu que nous avons tous aimé le témoignage de M. Leef.
    Mme Candice Bergen: Certainement. Il a beaucoup d’expérience dans le domaine.
    M. Craig Scott: Ce n’est pas lui le témoin.
    À l’ordre, s’il vous plaît.
    M. Leef disposait de sept minutes et c’est ainsi qu’il a choisi de les utiliser.
    Oui. Il a choisi de manquer de respect envers les témoins.
    Si vous voulez répondre à M. Leef, allez-y. Sinon, j’aurais quelques questions à vous poser.
    Je pourrais faire quelques commentaires en réponse aux questions de M. Leef. Je tenterai d’être bref, monsieur Scott, pour ne pas prendre trop de votre temps de parole.
    Premièrement, mon rôle était d’analyser ce projet de loi pour le compte de l’Association du Barreau canadien. Nous avons le Code criminel et des outils, dont des dispositions législatives concernant l’écoute électronique. Les corps policiers se partagent des renseignements, comme le font le SCRS et des organismes internationaux. Nous ne considérons nullement ce projet de loi comme l’unique option ou solution à ce qu’il convient de qualifier de problème sérieux. Il est faux de dire que nous considérons ce projet de loi comme étant le seul outil disponible dans la lutte contre le terrorisme.
    Il est vrai que les investigations visant à recueillir des renseignements n'ont été utilisées qu'une seule fois. Cependant, il est important de souligner — et je crois que c’est ce qu’a fait M. Gilmour, du ministère de la Justice, dans le cadre de son témoignage du 19 novembre — que la Couronne n’a pas obtenu les renseignements qu’elle cherchait du principal suspect dans cette affaire, mais bien d’une tierce personne. D’ailleurs, trois juges de la Cour suprême ont dit que la Couronne avait fait un usage abusif de cette disposition.
    En ce qui a trait au mécanisme de surveillance, nous avons déjà dit que cela serait nécessaire. Il serait peut-être préférable de confier cette responsabilité à un comité semblable au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, plutôt qu’au procureur général du Canada ou au procureur général d’une province et à leurs pouvoirs législatifs respectifs.
    Les normes établies au sous-alinéa 83.24(4)b)(ii) ne sont pas assez rigoureuses. Par exemple, on parle des renseignements relatifs à l’infraction, et non de renseignements de fond, et des renseignements susceptibles de révéler le lieu où se trouve l’individu soupçonné par l’agent de la paix, ce qui se veut très spéculatif. Ces normes ne sont pas suffisamment rigoureuses et peuvent être utilisées d'une façon qui ne respecte pas nos traditions juridiques.
    L’Association du Barreau canadien appuie pleinement l’adoption de projets de loi efficaces. Mais, à notre avis, celui-ci n’est pas efficace et n’offre rien de nouveau. C’est notre position.
    J’espère que cela répond à quelques-unes des questions de M. Leef.
(1715)
    Merci.

[Français]

    Monsieur Barrette, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Oui, et je vais tenter de le faire rapidement.
     D'abord, concernant les outils dont parlait le député, il faut faire la distinction entre un outil utile et un outil nécessaire. Ce n'est pas parce qu'un outil est utile, dans les mains des policiers, qu'il est absolument nécessaire. En effet, une foule d'outils peuvent être utiles. À la limite, les policiers pourraient surveiller les maisons et y entrer. Cela pourrait être utile. Mais la première question à se poser, avant même de se demander si c'est conforme aux droits et libertés, est de savoir si c'est nécessaire.
    Lorsqu'il a témoigné devant le comité du Sénat, M. Fadden, du SCRS — et c'est à la page 2:11 du compte rendu des délibérations —, a dit que ces dispositions “might be useful”.
     Même si elles peuvent être utiles, elles ne sont pas nécessaires. On s'entend pour dire qu'il s'agit de deux dispositions extraordinaires qu'on ne peut pas adopter pour la simple raison qu'elles pourraient éventuellement servir à quelque chose.
    Il y a aussi la question de l'indépendance judiciaire. L'obligation de répondre à une question n'est pas la seule chose qui compte. Il faut se demander qui pose la question. Excusez-moi d'utiliser cette image, mais dans le cas de l'investigation judiciaire, le juge devient un peu le ventriloque du policier. C'est là que le bât blesse et que l'indépendance judiciaire est en cause. En effet, c'est l'exécutif qui dit au juge de poser des questions à une personne, avec les résultats que l'on connaît.
    Pour ce qui est des organismes de surveillance, je ne vous ferai pas part de toutes les conclusions de la phase 2 de la commission chargée de l'affaire Arar, mais à ce sujet, le juge O'Connor a fait appel aux plus grands experts mondiaux. Il a fait une longue étude, mais cette commission de surveillance en matière de sécurité nationale n'a toujours pas été mise sur pied.

[Traduction]

    Je tiens aussi à remercier l’ABC d’avoir fait référence au comité d’éminents juristes de la Commission international de juristes, surtout aujourd’hui. Le président de ce comité, Arthur Chaskalson, a été inhumé aujourd’hui, en Afrique du Sud.
    Il y a d’autres raisons qui nous portent à croire que certaines dispositions proposées dans ce projet de loi risquent d’être problématiques.
    Monsieur Calarco, il y a une chose que je n’ai pas bien saisie. M. Leef s’est peut-être demandé, lui aussi, si vous aviez exagéré. Vous avez dit que l’engagement assorti de conditions n’est rien d’autre qu’un « engagement à ne pas troubler l’ordre public ». Que voulez-vous dire?
(1720)
    En tant qu’avocat en exercice, je remarque que l’on impose souvent des engagements à ne pas troubler l’ordre public pour laisser tomber des accusations, mais ils ne sont pas respectés. Ils ont une valeur très limitée. Aucun suivi n’est fait dans ces dossiers.
    Un tel engagement peut être utile lorsqu’il s’agit d’une infraction mineure ou lorsqu’une personne, par exemple, commet une infraction alors qu’elle est en état d’ébriété.
    Est-ce que l’imposition d’un engagement à ne pas troubler l’ordre public aura un effet dissuasif sur un individu ayant commis le crime le plus horrible? Non. Ce n’est pas un moyen efficace de prévenir un acte terroriste.
    Même l’esprit de la disposition fait défaut. Il est clair que certains agents de la paix considèrent l’imposition d’un engagement assorti de conditions comme un moyen pour empêcher les gens de quitter le pays sans avoir à porter des accusations contre eux. Croyez-vous qu’un tel système serait efficace?
    Non, monsieur, je ne le crois pas.
    Merci.
    Madame Findlay.
    J'ai tellement de commentaires à faire.
    Je présume que vous êtes criminaliste, mais pour avoir été avocate en droit de la famille durant 30 ans, je peux vous dire que les engagements à ne pas troubler l'ordre public sont très efficaces dans notre société. Ces engagements atteignent leur objectif de protéger les gens très vulnérables contre la violence en tout temps. Je suis très surprise d'entendre que notre système d'engagements à ne pas troubler l'ordre public serait inefficace et ne serait utile à personne.
    Vos commentaires sur l'utilité ou la nécessité sont très intéressants, monsieur Barrette. Je suis d'accord avec vous que ce sont deux questions pertinentes.
    Toutefois, nous avons posé la question à bon nombre de témoins. Ces derniers nous ont dit que ces dispositions sont tout à fait nécessaires, parce que le terrorisme reste une grande menace pour la sécurité nationale au Canada.
    Par exemple, M. Martin Rudner a témoigné sur le projet de loi devant le Sénat en avril dernier. Selon lui, diverses organisations terroristes veulent recruter des gens pour vaincre ce qu'elles appellent les régimes apostoliques et pour préparer la déclaration du califat, suivie de la confrontation totale de tous les infidèles, que nous et notre société serions dans une large mesure à leurs yeux.
    Ces organisations font appel aux gens issus des pays de l'Occident, notamment pour obtenir des passeports et voyager sans contraintes, pour établir des réseaux et pour obtenir des connaissances et des compétences.
    Les personnes visées sont jeunes, célibataires et en bonne forme physique, connaissent bien les sciences et les technologies et ont des diplômes d'études supérieures. Bien des témoins ont justement parlé de la radicalisation des jeunes Canadiens. Les terroristes prennent contact avec eux sur Internet, par l'intermédiaire de leaders charismatiques et à l'aide d'autres canaux de communication, peut-être ceux de la religion, pour les convertir au jihadisme.
    Bien des témoins nous ont dit que la menace est continue et réelle.
    Concernant votre commentaire donnant à penser que, d'une manière ou d'une autre, nos juges ne feraient que servir les intérêts des organisations d'application de la loi, je peux dire que, durant les nombreuses années où j'ai plaidé en cour, les juges ont toujours évité de se retrouver dans une telle position. En fait, l'indépendance des juges est une des réussites de notre système.
    En fait, les députés de l'opposition nous disent souvent qu'il ne faut pas limiter l'indépendance des juges, parce qu'elle constitue le fondement de notre système.
    Monsieur Calarco, je suis contente que vous ayez parlé de la décision de 2004 rendue par la Cour suprême du Canada pour ce qui est du procès relatif à Air India. La cour a conclu que les audiences d'investigation sont constitutionnelles.
    Je précise aussi que, dans un procès semblable qui a trait au Vancouver Sun et qui s'est déroulé la même année, la Cour suprême a affirmé que les audiences d'investigation doivent être publiques en temps normal. Le projet de loi prévoit des audiences publiques, sauf si un juge exerce son pouvoir discrétionnaire et établit que l'audience doit se tenir à huis clos. Je présume que c'est lorsque la sécurité d'une personne peut être compromise.
    Vos commentaires indiquent qu'il faut des protections équivalentes aux pouvoirs supplémentaires. Mon collègue, M. Leef, a parlé de bon nombre de garanties prévues dans le projet de loi pour les audiences d'investigation. De plus, le témoin peut toujours engager un avocat et lui demander à tout moment de participer aux étapes de la procédure. Il peut bien sûr refuser de répondre à une question ou de remettre des choses qui révéleraient des renseignements protégés par le droit canadien applicable en matière de divulgation ou de privilèges.
    Les témoignages ne peuvent pas être retenus contre les personnes qui les ont livrés. Nous en avons parlé avec un autre témoin. Cette mesure s'applique aux autres procès et a été élargie en 2004 par la Cour suprême du Canada pour comprendre les tribunaux administratifs ou les autres processus, comme les audiences d'immigration.
(1725)
    Les procureurs généraux du fédéral et des provinces doivent rendre des comptes chaque année sur le recours aux audiences. Par ailleurs, le procureur général du Canada ou le ministre fédéral de la Sécurité publique doivent justifier l'application continue des dispositions.
    Monsieur Calarco, êtes-vous d'accord avec moi qu'au moins les garanties que j'ai évoquées sont importantes?
    C'est très important d'avoir des garanties. Mais je pense qu'un organisme de supervision indépendant, comme le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, représente un meilleur système de protection par rapport aux comptes que le procureur général du Canada doit rendre au Parlement.
    La reddition de comptes au Parlement par le procureur général est une garantie, mais est-ce la meilleure? Je pense qu'il existe une meilleure garantie qu'il serait facile d'ajouter au projet de loi s'il était adopté. Il ne faut pas se demander si tel mécanisme constitue une protection. Nous devons nous demander si nous pouvons adopter une meilleure garantie que ce qui est prévu. Je crois que c'est possible.
    Vous dites que ce sont de bonnes garanties, mais le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité assume maintenant le rôle d'inspecteur général. Nous avons entendu un témoignage là-dessus aujourd'hui. Le comité travaille fort et donne de bons résultats. Nous constatons des progrès.
    Je pense que mon temps est écoulé.
    Merci, madame Findlay.
    Il nous reste seulement deux minutes.
    Monsieur Scarpaleggia, vous pouvez poser une ou deux questions brèves. Désolé que notre temps soit presque écoulé.
    J'ai deux questions à poser.
    À votre avis, la loi actuelle empêche-t-elle la police d'accuser une personne d'aller dans un camp de formation à l'étranger?
    La loi permet de le faire facilement.
    Elle permet de le faire ou...
    Oui, compte tenu des dispositions actuelles du code.
    Désolé, je ne veux pas vous interrompre, mais j'ai très peu de temps.
    Un témoin précédent a dit qu'il faudrait un niveau de preuve plus élevé contre la personne qui voudrait commettre un acte terroriste, plutôt que de simplement aller dans un camp de formation, par exemple, pour un projet de recherche.
    À mon avis, c'est très improbable qu'une personne aille dans un camp de formation pour réaliser un projet de recherche. Les gens sont là pour apprendre comment commettre des crimes. Ils ne se présentent pas simplement dans les camps. Une entente est conclue entre l'organisation et la personne. Au Canada, il est raisonnable d'intenter une poursuite en vertu des dispositions sur les complots, parce que la personne s'est entendue avec une tierce partie pour apprendre à commettre un délit. Par définition, une organisation terroriste est une organisation criminelle. Le droit relatif aux organisations criminelles est très vaste, au Canada. C'est un délit de faire une action qui profite à une organisation criminelle. Les dispositions actuelles sont multiples, monsieur.
(1730)
    Merci, monsieur Scarpallegia. Merci aux témoins de leur présence aujourd'hui. Malheureusement, notre temps est écoulé. L'horaire nous oblige à terminer à 17 h 30.
    Merci d'être venus. Je vous présente encore mes excuses. Vous pouvez décider comment gérer les sept minutes qui vous sont accordées, mais les temps impartis ont été réduits aujourd'hui à cause des votes. Merci de votre présence, de vos témoignages et de vos réponses aux questions.
    La séance est levée.
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