SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 novembre 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous. En ce mercredi 28 novembre 2012, nous tenons la 62e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, au cours de laquelle nous poursuivons notre étude du projet de loi S-7, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi sur la protection de l'information.
Dans le premier groupe de témoins d'aujourd'hui, nous entendrons Bal Gupta, président, et Rob Alexander, membre du comité et porte-parole, de l'Association des familles des victimes d'Air India 182. Nous entendrons en outre Maureen Basnicki, cofondatrice et directrice, Coalition canadienne contre la terreur.
Notre comité vous remercie tous de comparaître aujourd'hui pour contribuer à nos travaux et nous aider à comprendre un peu mieux les questions auxquelles vous avez été confrontés et comment elles peuvent s'appliquer au projet de loi S-7.
Je crois comprendre que vous avez divers exposés ou déclarations liminaires à faire, après quoi nous procéderons aux tours de questions. Je commencerai peut-être par Mme Basnicki.
Pourriez-vous commencer, je vous prie?
Merci de permettre de témoigner. Bonjour.
Je m'appelle Maureen Basnicki et je témoigne à titre de cofondatrice de la Coalition canadienne contre la terreur, ou CCCT.
La CCCT est un organisme non partisan sans but lucratif de défense des droits comprenant des Canadiens victimes de la terreur, des professionnels de la lutte contre le terrorisme, des avocats et d'autres personnes vouées au renforcement des politiques canadiennes de lutte contre le terrorisme. Nous représentons un éventail unique de Canadiens de toutes origines, de toutes religions et de toutes allégeances politiques qui ont été victimes du terrorisme. Certains d'entre nous ont perdu un parent, d'autres des familles entières, alors que d'autres ont eux-mêmes été blessés. En d'autres circonstances, cela aurait pu arriver à n'importe lequel d'entre vous. Nous sommes toutefois tous unis par notre détermination à éviter que d'autres victimes potentielles de la terreur soient confrontées à l'horreur que nous avons dû endurer.
Au cours des dernières semaines, j'ai lu certaines transcriptions des débats et des témoignages relatifs au projet de loi S-7. J'aimerais traiter de plusieurs thèmes qui reviennent dans les critiques de ceux qui se préoccupent de la nature même et de la légitimité de ce projet de loi, en ce qui concerne les audiences d’investigation, les engagements assortis de conditions et le fait de quitter le Canada pour commettre une infraction de terrorisme.
Certains détracteurs se demandent si le projet de loi S-7 est nécessaire, sans égard aux amendements proposés, et si la menace terroriste justifie vraiment des dispositions qui prévoient ce qu'ils considèrent comme étant des pouvoirs rompant totalement avec ceux traditionnellement conférés pour mener une enquête sur des infractions criminelles. D'autres se demandent si ces dispositions entraîneront une violation des droits des Canadiens ou si ce projet de loi ne nous entraînera pas sur une pente glissante qui, on le craint fort, nous mènera éventuellement à l'abrogation des droits constitutionnels à une date ultérieure. D'autres encore se demandent si l'adoption de ce projet de loi ne revient pas à remettre au gouvernement une sorte de chèque en blanc qui lui permettrait de recourir de plus en plus aux dispositions controversées, que seuls les événements extraordinaires et tragiques du 11 septembre justifiaient initialement.
Comme l'a résumé un député, ces critiques considèrent qu'au mieux, ce projet de loi n'assure pas un sain équilibre entre la sécurité et les droits fondamentaux des Canadiens.
Ces critiques se fondent sur ce que je considère comme une supposition remarquable, laquelle veut que le terrorisme soit un phénomène qui n'a pas amplement prouvé qu'il est justifié et nécessaire d'apporter des modifications plutôt modestes aux pouvoirs des autorités qui enquêtent sur des affaires de terrorisme. Voilà qui est clairement contraire aux propos du juge Dorno, qui a instruit le procès des 18 terroristes de Toronto et a déclaré carrément que les infractions de terrorisme constituent des crimes anormaux visant à semer la peur et la terreur chez les citoyens d'une manière jamais observée dans toute autre infraction criminelle.
Ce juge a tout à fait raison, tout comme la Cour d'appel dans l'affaire Khawaja en soulignant la nature unique des infractions liées au terrorisme et le danger particulier que ces crimes constituent pour la société canadienne.
Comme je l'ai indiqué lors de mes autres témoignages devant le Parlement, le terrorisme n'est pas simplement une forme plus pernicieuse de crime organisé. La plupart des criminels cherchent avant tout à obtenir un gain personnel, alors que les terroristes veulent ébranler fondamentalement, si ce n'est détruire, la société ou un pays donné.
On n'a qu'à jeter un coup d'oeil aux quotidiens pour se rappeler que les terroristes sont capables de déstabiliser des régions ou des pays entiers, et de poser des actes d'une violence qui n'était autrefois que le fait des entités souveraines. Mais ce qui fait le plus froid dans le dos, c'est que les terroristes ne rejettent à priori aucune arme ou tactique, y compris les armes de destruction massive. Ils ont déclaré que l'acquisition d'armes de destruction massive est pour eux un impératif, et cette menace est d'une imminence et d'une ampleur telles que certains des plus éminents spécialistes du monde ont conclu qu'une attaque terroriste au moyen d'armes non conventionnelles serait pratiquement inévitable.
Compte tenu de l'ampleur de cette menace, nous devons donc dire que nous ne sommes pas d'accord avec les critiques qui ont affirmé que les législateurs qui ont présenté ces mesures en 2001 agissaient simplement sous le coup du vent de panique provoqué par les attentats du 11 septembre et qu'aujourd'hui, aucune raison ou urgence ne justifie leur maintien dans le Code criminel du Canada. Ce n'est pas le cas.
Loin d'être une réaction exagérée aux attentats du 11 septembre, ces dispositions étaient, en fait, une admission sobre et responsable du danger que pose le terrorisme pour l'avenir de la communauté internationale. Elles témoignaient du fait que le monde occidental avait déjà glissé le long d'une pente glissante d'un autre acabit et avait magistralement sous-évalué la menace terroriste en raison de ce que la commission chargée d'examiner les attentats du 11 septembre a qualifié de « manque d'imagination ».
Aujourd'hui, dans l'ère post-11 septembre, les législateurs n'ont plus besoin d'imagination pour concevoir l'inimaginable. Ils en ont besoin pour trouver de meilleurs moyens de composer avec les préoccupations concurrentes que sont la sécurité et la liberté. Je crois que le projet de loi S-7 fait la démonstration de ce type d'imagination au service de la législation.
De laisser entendre, comme d'aucuns l'ont fait, que les tenants de ce projet de loi ne protègent que mollement les droits constitutionnels, c'est ignorer le fait que la vitalité d'une démocratie se mesure non seulement à l'aulne des libertés qu'elle octroie, mais également par sa capacité et son obligation de concilier ces libertés et d'autres préoccupations en eaux inconnues.
Ces dispositions imposant de nombreuses mesures de contrôle, exigences de reddition de comptes et limites de temps, nous ne considérons pas que les législateurs trahissent les idéaux démocratiques du Canada en réclamant leur adoption. Nous jugeons plutôt que ce projet de loi permet de manière raisonnable et efficace de concilier ce que la Cour suprême du Canada a décrit comme étant les « impératifs à la fois de la sécurité et d’une gouvernance constitutionnelle responsable » tout en reconnaissant le bien-fondé de la déclaration faite par le premier ministre britannique Ian Pearson à la suite des attentats à la bombe perpétrés à Londres en 2005: « ... aucun droit de la personne n'est plus sacré que celui de vivre. Sans ce droit, tous les autres sont impossibles. »
Quant aux craintes que ces mesures ne soient un chèque en blanc dont le gouvernement pourrait faire usage, les faits indiquent clairement que c'est le contraire qui se produit. Même les détracteurs les plus virulents de ce projet de loi ont reconnu que les autorités ont scrupuleusement évité de s'en servir. En fait, n'ayant jamais été utilisées, ces mesures n'ont jamais servi à des fins abusives. Les organismes d'exécution de la loi ne sont à l'évidence pas impatients de s'en servir.
Cela ne signifie pas qu'elles ne constituent pas des outils inestimables pour lutter contre un ennemi qui s'adapte et évolue constamment et qui présente un danger d'une ampleur sans précédent. Si ces dispositions permettent d'empêcher un acte terroriste ne serait-ce qu'une fois, elles auront plus que joué leur rôle. Même si nous admettons que certaines d'entre elles devraient être utilisées avec parcimonie, d'autres, comme celles qui empêchent certaines personnes de quitter le Canada pour suivre un entraînement de terroriste, doivent être défendues bec et ongles par quiconque se préoccupe des droits de la personne et des crimes de guerre. Si le Canada peut empêcher ceux qui se trouvent sur son territoire d'aller suivre un entraînement avancé pour commettre les pires atrocités dans des pays du monde, il devrait absolument le faire.
Si certains s'inquiètent davantage de l'utilisation potentiellement abusive de ces dispositions qu'ils ne se préoccupent de sauver des vies humaines d'une menace très réelle et imminente, ils devraient songer à ce qui suit: en aidant les autorités à empêcher un incident terroriste d'envergure, ces dispositions assez modestes auront protégé notre système de justice, qui, advenant une attaque, serait inévitablement soumis à une pression accrue afin d'adopter des mesures encore plus strictes et controversées pour protéger les Canadiens d'autres attaques.
Nous demandons donc instamment à tous les députés d'examiner le projet de loi S-7 en pensant à la sécurité des Canadiens. Le Canada ne devrait pas supprimer des moyens raisonnables de lutte au terrorisme alors que des terroristes sont en train de fourbir leurs armes pour les utiliser contre les Canadiens et d'autres victimes innocentes. Si les dispositions du projet de loi S-7 peuvent toujours être rectifiées ultérieurement, aucune loi du Parlement ne pourra rebâtir les vies détruites par une attaque terroriste future qui aurait pu être évitée.
En tant que Canadienne ayant perdu son conjoint dans les attentats du 11 septembre, j'en suis la preuve vivante.
Merci.
Je partagerai mon temps avec M. Alexander.
Je m'appelle Bal Gupta et j'ai la malchance d'être le coordonnateur et le président de l'Association des familles des victimes d'Air India 182 depuis 1985.
Je vous remercie beaucoup de nous donner l'occasion de témoigner.
Représentant les victimes les plus directement touchées par l'attentat à la bombe terroriste commis contre le vol 182 d'Air India le 23 juin 1985, l'Association des familles des victimes d'Air India 182 appuie fermement le projet de loi S-7, qui vise à rétablir les dispositions relatives aux audiences d’investigation et aux engagements assortis de conditions qui faisaient partie de la Loi antiterroriste et qui ont expiré en 2007.
Le projet de loi S-7 comprend également de nouvelles infractions consistant à quitter ou à tenter de quitter le Canada dans le but de commettre certains actes terroristes. Si elles sont promulguées, ces dispositions favoriseront la prévention, les enquêtes criminelles et les poursuites relatives aux infractions de terrorisme.
Pour qu'ils ne s'effacent pas de nos mémoires, souvenons-nous de certains des faits douloureux et de l'énormité de la tragédie du vol 182 d'Air India, qui est le fruit d'une conspiration terroriste ourdie et exécutée en sol canadien.
Ce seul acte terroriste a tué 329 personnes. Statistiquement, c'est un coefficient plus élevé que celui des victimes des attentats du 11 septembre aux États-Unis, compte tenu de la population. La plupart des victimes étaient canadiennes et venaient de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick, du Québec, de l'Ontario, du Manitoba, de la Saskatchewan, de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, bref, de toutes les provinces sauf l'Île-du-Prince-Édouard. Les autres venaient de nombreux États indiens et des États-Unis. Elles appartenaient à presque toutes les confessions, qu'elles soient athée, bouddhiste, chrétienne, hindoue, jaïna, musulmane, sikh ou zoroastrienne. Parmi les victimes, on compte 86 enfants de moins de 12 ans et 29 familles entières, père, mère et enfants. Trente-deux personnes se sont retrouvées seules, ayant perdu leur conjoint et tous leurs enfants. Sept parents dans la quarantaine et la cinquantaine ont perdu tous leurs enfants, et deux enfants d'une dizaine d'années ont perdu leurs deux parents.
Il s'agit du pire acte terroriste ourdi et exécuté au Canada contre des Canadiens, lequel continuera de causer une souffrance et une douleur incalculables à des milliers d'amis et de membres de la familles pendant encore des décennies.
Dans l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India, j'ai perdu mon épouse, Ramwati, avec laquelle j'étais marié depuis plus de 20 ans. En un instant tragique, je suis devenu le père monoparental de deux jeunes garçons, âgés alors de 12 et 18 ans. Encore aujourd'hui, notre famille ne peut profiter des meilleurs moments de la vie en raison de la douleur et de la peine intérieures profondes qui persistent à la hanter.
Le même jour, un acte terroriste apparenté commis contre un vol de CP Air a tué deux bagagistes dans une explosion à l'aéroport de Narita, au Japon. Cet attentat a été suivi par les meurtres de deux importants témoins vedettes qui auraient pu témoigner lors d'un procès sur l'attentat du vol 182 d'Air India, soit les deux journalistes Tara Singh Hayer, en Colombie-Britannique, et Tarsem Purewal, au Royaume-Uni.
Les services de renseignements et de sécurité n'ont pu empêché l'attentat à la bombe perpétré contre le vol 182 d'Air India. Le procès criminel finalement intenté au Canada, qui a pris plus de 15 ans à débuter, n'a pas permis de condamner et de punir les terroristes. Les véritables coupables sont toujours libres de circuler au Canada et ailleurs. L'attentat du vol 182 d'Air India, le pire acte terroriste commis au Canada, n'a — c'est navrant — pas été reconnu comme une tragédie nationale pendant plus de 20 ans.
La Loi antiterroriste a été adoptée. Certaines entités ou certaines organisations terroristes ont été bannies plus de 16 ans après l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India, et seulement après le 11 septembre 2001 aux États-Unis.
En tant que familles des victimes de cet attentat terroriste, nous avons souffert énormément et nous continuons de vivre un deuil immense. Nous voulons éviter que de futurs actes terroristes causent les mêmes souffrances à d'autres Canadiens. Les victimes du vol 182 d'Air India étaient surtout des Canadiens venus des Indes orientales, mais ne vous y trompez pas, les victimes du prochain acte terroriste pourraient être n'importe qui. Les terroristes ne se soucient pas de la couleur de la peau, de la foi, du sexe ou de l'âge des victimes.
Nous avons vécu de première main les effets du terrorisme et nous demandons à tous les députés de protéger les Canadiens et de soutenir les mesures antiterroristes du projet de loi S-7. Le plus grand devoir du gouvernement est de protéger les citoyens qui respectent la loi.
Merci, mesdames et messieurs, de nous donner l'occasion de témoigner ici aujourd'hui. Je vais simplement reprendre où M. Gupta a laissé.
De nos jours, le terrorisme est un phénomène international. Dans la plupart des cas, les terroristes ont des liens partout dans le monde. Il y a des exemples bien connus en Espagne, en Indonésie, au Royaume-Uni, en Russie, en Inde, en Jordanie et dans bon nombre d'autres pays. Récemment, les 18 de Toronto et le terroriste Khawaja au Canada, ainsi que l'attentat à la bombe durant les fêtes du millénaire aux États-Unis, ont mis en cause des liens au Canada et montrent que, même de nos jours et 27 ans après l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India, le Canada n'est pas à l'abri des attentats et des liens terroristes. Les dispositions du projet de loi S-7, s'il est adopté, vont surtout aider à prévenir, puis à faire des enquêtes et peut-être à intenter des poursuites à la suite d'infractions de terrorisme.
Je ne vous parle pas à titre d'expert de la loi ou des questions constitutionnelles, mais en tant que Canadien victime du terrorisme. J'avais 15 ans, mon frère 9 ans, ma soeur seulement 11 ans et ma mère 40 ans lorsque mon père, M. Mathew Alexander, a été tué dans l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India. Mon père allait visiter sa mère souffrante en Inde, mais il n'a jamais réussi à la voir. Notre famille a été dévastée en un instant et à tout jamais. Depuis, nous souffrons et vivons un deuil qui durera toutes nos vies. C'est pourquoi nous demandons à tous les députés de songer aux conséquences des actes terroristes et de protéger le Canada contre le terrorisme pour qu'aucun Canadien n'ait à souffrir comme nous.
Les audiences d'investigation peuvent aider à prévenir les infractions de terrorisme, à recueillir de l'information durant les enquêtes et à intenter des poursuites. N'oublions pas que les responsables de ce crime grave qu'est l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India se déplacent encore en toute liberté au Canada et ailleurs. Des audiences d'investigation peuvent s'avérer nécessaires pour que les enquêtes criminelles en cours soient efficaces. Elles ont servi à une occasion dans le procès du vol 182 contre Mme S. Reyat et ont été déclarées constitutionnelles par la Cour suprême du Canada le 23 juin 2004. Si on avait été en mesure d'établir l'identité de M. X, un complice présumé de M. Reyat qui a habité avec la famille Reyat environ une semaine, le procès aurait peut-être pris une autre tournure.
La prévention des actes terroristes est bien plus efficace et plus humaine que la gestion de leurs conséquences, que nous avons malheureusement subies de première main en tant que familles des victimes. La disposition sur l'engagement assorti de conditions va aussi aider les autorités à prévenir les actes terroristes. Ce sera un outil de plus pour les policiers et les agents du renseignement dans l'accomplissement de leurs mandats. L'utilisation efficace de cette disposition va empêcher les terroristes potentiels de perpétrer des actes terroristes. Malheureusement, cet outil n'était pas disponible en 1985 pour aider à prévenir l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India, qui a coûté la vie à de nombreux Canadiens.
La troisième disposition du projet de loi S-7 prévoit de nouvelles infractions pour la personne qui quitte le Canada ou qui essaie de quitter le Canada en vue de commettre une infraction de terrorisme. C'est nécessaire en raison de la mondialisation des activités terroristes. Bon nombre de rapports indiquent que des gens hautement endoctrinés venant de diverses régions quittent le Canada pour participer à des camps de formation ou à des activités terroristes à l'étranger. Certaines personnes seraient disparues et auraient été tuées à l'étranger, laissant des familles canadiennes dans le deuil. Ces délinquants canadiens potentiels peuvent aussi menacer la vie des militaires des FC en service à l'étranger.
À notre avis, cette disposition va aider à réduire le dilemme au minimum. Nous croyons que les garanties procédurales clairement établies dans le projet de loi S-7 vont fortement décourager l'utilisation abusive de ces dispositions.
En résumé, nous vous parlons en tant que personnes qui ont subi de première main les contrecoups de l'acte terroriste le plus haineux de l'histoire du Canada. Une partie de notre mission consiste à discuter des questions de terrorisme pour renforcer la sécurité des Canadiens présentement et à l'avenir. Nous croyons sincèrement que le projet de loi S-7, s'il est adopté, va aider le Canada à poursuivre la lutte contre le terrorisme. Les libertés civiles sont importantes, mais elles doivent être équilibrées compte tenu des conséquences violentes potentielles d'un acte terroriste contre les Canadiens. Il convient d'imposer des mesures dissuasives.
Nous prions instamment tous les députés de protéger le Canada contre le terrorisme pour qu'aucun Canadien n'ait à souffrir comme nous depuis juin 1985.
Merci de l'occasion de témoigner ici aujourd'hui.
Merci beaucoup, monsieur Alexander. Merci à tous les témoins des exposés.
Nous allons maintenant passer à la première série de questions de sept minutes.
Monsieur Leef, pour sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup à tous les témoins. Au Comité de la sécurité publique et en tant que Canadiens, nous avons souvent tendance à penser que les questions de sécurité publique et de justice concernent les crimes de première ligne commis contre les personnes. Tous les témoins ici aujourd'hui nous rappellent que notre pays était et est toujours visé par certaines menaces bien réelles et imminentes. Nous espérons que nous pourrons prévenir ces menaces à l'avenir. Votre témoignage aujourd'hui nous rappelle les conséquences économiques que les Canadiens ont subies à cause de ces événements tragiques. Merci de nous parler de ce que vous avez vécu et d'avoir le courage de témoigner aujourd'hui.
Madame Basnicki, vous avez dit que la vitalité de notre démocratie ne se mesure pas seulement à l'aune des libertés accordées, mais par l'équilibre entre les libertés dont nous profitons et les mesures raisonnables mises en oeuvre pour garantir que certaines libertés ne sont pas entravées. Par exemple, notre droit à la sécurité n'est à mon avis que philosophique, si nous n'adoptons pas des mesures comme ce projet de loi pour protéger concrètement nos droits et libertés.
Ma question s'adresse à tous les témoins. Vous avez dit au nom de votre groupe que vous soutenez fermement le projet de loi. Que disent vos membres sur les outils et les mécanismes prévus dans le projet de loi? Les gens pensent-ils qu'il s'agit de mesures raisonnables qui ne portent pas atteinte à une liberté civile pleine et entière?
Les membres de familles de victimes ne sont pas unanimes sur toutes les questions de terrorisme, mais je peux dire avec certitude qu'il y a consensus. Une majorité de gens pensent que les mesures antiterroristes proposées sont plus qu'appropriées.
Il semble qu'on a mis l'accent sur les droits des accusés ou des présumés terroristes par le passé, mais comme vous le savez, rien n'est présumé à propos des victimes. Nous sommes des victimes bien réelles et nous voulons un équilibre. Mais nous avons constaté à tout le moins une tendance plus forte à protéger les droits des terroristes présumés qu'à protéger nos droits à la sécurité.
Les membres de familles de victimes à qui j'ai dit que j'allais témoigner sur le projet de loi antiterroriste — j'ai témoigné lorsqu'il a été présenté pour la première fois — m'ont encouragée à le faire. J'ai reçu un soutien unanime.
Il en va de même pour moi. J'ai témoigné devant le comité du Sénat en 2007, lorsque la mesure de temporisation était discutée. Tous nos membres étaient d'accord que les deux dispositions sur les audiences d'investigation et l'engagement assorti de conditions étaient très valables pour lutter contre le terrorisme.
Permettez-moi d'aller plus loin. Comparons les droits d'un terroriste, d'une personne qui planifie un acte terroriste et qui doit répondre à un certain nombre de questions dans une audience ou d'une personne détenue depuis un certain nombre de jours après l'approbation du procureur général et la décision du juge, par rapport aux droits d'une fille de quatre ans qui a perdu sa mère dans l'attentat à la bombe du vol 182 d'Air India. Cette fille avait quatre ans et demi. Je pleure quand je la vois. Vous serez heureux d'apprendre qu'elle est médecin en résidence à Oxford, en Angleterre. Comparons les droits des accusés à ceux d'une dame de 84 ans en Inde, qui ne pouvait même pas pleurer après la perte de son fils, de sa belle-fille et de ses trois petits-fils.
Il faut équilibrer les droits. C'est le message que nous lançons quand nous disons qu'il faut imposer des mesures dissuasives contre le terrorisme et l'utilisation abusive des dispositions. D'ailleurs, de telles mesures sont prévues. Il faut une approbation du procureur général et une décision d'un juge. La preuve ne peut pas être utilisée contre la personne qui la fournit.
Nous devons équilibrer les droits. Selon nous, la version actuelle du projet de loi est très équilibrée.
Merci beaucoup.
Vous pourriez peut-être me dire ce que l'audience d'investigation signifierait pour vous et vos membres si la disposition était employée et qu'un témoignage sur des événements passés permettait aux organismes d'application de la loi et aux systèmes du renseignement canadien d'utiliser l'information et de prévenir un attentat terroriste. Qu'est-ce que ça signifierait pour vos membres?
Nous voulons tous que toutes les mesures possibles soient prises pour prévenir d'autres attentats terroristes. S'il y a le moindre doute qu'un Canadien ou un non-Canadien essaie de tuer des Canadiens, c'est une question de gros bon sens. Compte tenu des circonstances extraordinaires, il faut prendre toutes les mesures possibles pour éviter qu'un crime haineux soit perpétré par des terroristes. Nous aurons fait notre devoir si nous donnons le temps nécessaire à la prévention des crimes, en tenant compte des freins et contrepoids.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je partage les sentiments et les commentaires de mon collègue, M. Leef.
Merci beaucoup de votre témoignage. Je peux seulement imaginer la souffrance que vous avez ressentie à l'époque et que vous ressentez tous encore. Je pense que les Canadiens doivent se rappeler constamment les deux aspects que comportent vos histoires. Tout d'abord, des Canadiens et des gens d'autres nationalités ont été victimes des attentats du 11 septembre 2001, qui est une tragédie mondiale dans une certaine mesure. De plus, les gens oublient parfois qu'une grande partie des nombreuses personnes tuées dans l'avion d'Air India étaient des Canadiens. Ce fait a été occulté à l'époque. Nous devons reconnaître ce qui s'est produit.
Monsieur Alexander, je veux en savoir plus sur votre description de l'amorce de l'audience d'investigation qui n'a finalement jamais eu lieu, lorsque les dispositions précédentes étaient en vigueur. Vous avez dit que, si nous avions suivi la trace de M. X, l'issue du procès aurait peut-être été différente. Pouvez-vous donner des précisions et nous dire ce que vous entendez par là?
Je pourrais donner plus de détails sur ce qui se passait et ce que le procès a révélé.
M. X habitait chez M. Reyat, qui a été condamné pour avoir fabriqué la bombe placée dans l'avion d'Air India. À ce jour, nous ne connaissons toujours pas son identité. Même si M. X a demeuré chez elle plus d'une semaine, la famille Reyat ne se rappelait pas de lui. Pour ma part, même si quelqu'un était resté chez moi lorsque j'étais enfant il y a 20 ou 25 ans, je m'en souviendrais encore.
Cette information supplémentaire, lorsque... et M. Gupta peut en parler aussi. Les audiences d'investigation pourraient aider à apprendre des informations. Cette réalité a beaucoup influencé le procès, parce que les gens étaient un peu craintifs concernant ce qui se passait et qui était accusé. Les gens étaient très peu loquaces et donnaient peu d'information durant le procès. Malheureusement, personne ne pouvait vraiment les forcer à parler.
Si vous le permettez, il faut tenir compte des méthodes employées par ces organisations ou les terroristes. L'intimidation est un outil très puissant pour ces groupes ou ces communautés. Les gens ont peur de parler. Les audiences d'investigation peuvent constituer un outil pertinent. À cause de la peur, les gens ne parlent pas, même ceux qui savent ce qui s'est produit.
Lorsque les gens n'ont pas peur... Un très bon exemple, c'est un de vos collègues. L'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique, Ujjal Dosanjh, s'est fait ruer de coups pour avoir témoigné.
C'est un aspect de la question. Concernant le procès pour le vol d'Air India, M. X s'est rendu avec M. Reyat sur une île pour tester la bombe, comme on le sait. Durant le procès, M. Reyat n'a jamais révélé l'identité de M. X.
La GRC ou les enquêteurs ont tenté de faire témoigner Mme Reyat. L'affaire s'est rendue en Cour suprême. Le 23 juin 2004, la disposition a été déclarée constitutionnelle, mais malheureusement, il n'y a pas eu de suivi. Le procès était peut-être déjà trop avancé. La poursuite pensait possiblement que l'affaire était déjà réglée.
Mais les audiences d'investigation peuvent se révéler très importantes pour obtenir de l'information. N'oublions pas que l'affaire du vol d'Air India n'est pas close. Ce genre d'affaires n'est jamais terminé. Un procès pourrait s'ouvrir. Les mêmes personnes ne peuvent pas être poursuivies, mais d'autres oui. Les audiences d'investigation peuvent aider à la prévention. Si nous attrapons une personne qui dit n'être au courant de rien, son témoignage ne peut pas être utilisé contre elle, mais il peut servir contre d'autres gens. Les témoignages peuvent s'avérer utiles pour l'enquête et la poursuite.
C'est très important aussi. La disposition a été déclarée constitutionnelle.
Je ne parle pas forcément d'un point de vue juridique, mais les trois témoins ont beaucoup réfléchi à la question. Pensez-vous que nous risquons d'avoir recours aux audiences d'investigation trop rapidement?
Je pose la question, parce qu'une interdiction claire, c'est que nous ne pouvons pas utiliser le témoignage qu'une personne livre dans une audience d'investigation contre elle pour une poursuite criminelle. Devons-nous simplement faire confiance aux policiers et aux procureurs de la Couronne, qui vont établir quel est le bon temps, ou s'agit-il d'une question préoccupante?
Dans le cas d'Air India, la poursuite a laissé tomber, de toute évidence. Même si la légalité de la disposition a été prouvée, elle ne l'a pas utilisée. Cela montre que les autorités vont être judicieuses ou raisonnables et rationnelles dans leur façon d'appliquer la loi. C'est ce que je pense.
Ces deux dispositions existaient, et il a été prouvé qu'au moins l'une des deux était constitutionnelle. L'autre n'a jamais été utilisée, personne n'en a abusé, donc j'ai l'impression personnelle (et je ne suis pas avocat, comme je l'ai dit), qu'il faut faire confiance aux systèmes de justice, d'enquête et de renseignement. Nous aurons beaucoup plus de problèmes si nous ne leur faisons pas confiance.
Je vous remercie infiniment, monsieur.
Passons maintenant à Mme Findlay, s'il vous plaît, pour sept minutes.
Je vous remercie toutes et tous d'être parmi nous.
Je me rappelle très bien de vous, madame Basnicki, quand nous avons débattu du projet de loi C-10 l'an dernier devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. En tant que députée de la Colombie-Britannique, je suis très au courant de la tragédie d'Air India.
Je trouve également très utile dans ces délibérations que votre groupe présente le terrorisme qui touche et prend la vie de Canadiens, mais d'une façon différente, un terrorisme de source différente. Ces temps-ci, on entend beaucoup parler des islamistes radicaux militants et de la radicalisation pour des raisons djihadistes de certains de nos jeunes. Cependant, la tragédie d'Air India continue de nous rappeler qu'il peut arriver que les tensions politiques d'autres régions du monde aient des répercussions jusqu'ici. Nous vous exprimons toujours la plus grande des sympathies. La tragédie marque les gens toute leur vie. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut oublier, c'est quelque chose qu'on doit apprendre à apprivoiser.
J'aimerais que chacun d'entre vous répondiez à la question suivante. Êtes-vous d'accord avec moi que le terrorisme dans le monde demeure une menace à la sécurité nationale ici, au Canada, en ce moment même, que c'est une menace présente et perpétuelle?
Absolument. Je ne veux faire peur à personne, mais on a vu par le passé le terrorisme s'exprimer par l'explosion d'avions. J'ai été agente de bord pendant plus de 30 ans. Je prends l'avion et je continue d'encourager les gens à prendre l'avion. Je continue de dire aux gens de vivre leur vie et de ne pas laisser le terrorisme ou la menace du terrorisme les arrêter de vivre. Y renoncer, c'est leur concéder la victoire.
La triste réalité, c'est toutefois que je suis aussi ici pour rappeler aux Canadiens qu'il y a des Canadiens qui sont victimes du terrorisme, qui perdent des êtres chers, qu'il y a des Canadiens terroristes et qu'il demeure possible que d'autres actes terroristes soient perpétrés contre des Canadiens. Je dois vous dire surtout que mon défunt mari, Ken, et moi-même sommes très fiers d'être canadiens. Notre pays est reconnu dans le monde, et je crois que nous sommes une force incontournable. Je suis très optimiste que mon pays va être un chef de file dans la lutte mondiale contre le terrorisme, dans la guerre mondiale contre le terrorisme.
Je ne veux pas que nous réagissions en oubliant qu'il pourrait y avoir une autre attaque comme celle du 11 septembre. Il est clair que nous n'avons pas assez tenu compte de l'attaque terroriste d'Air India et qu'il nous reste des choses à améliorer dans cette loi, mais je répète que je crois en mon pays, que je vais continuer d'encourager mon pays à faire tout ce qui est possible pour sauver non seulement la vie de Canadiens, mais toutes les vies possibles, peu importent la citoyenneté, la religion, ou le pays d'origine des gens.
Comme je l'ai mentionné très, très souvent, les terroristes n'ont pas de frontières. Vraiment. Ils n'ont que faire de la couleur de votre peau, de votre religion ou du pays d'où vous venez.
Il est donc impératif que collectivement, le Canada prenne toutes les mesures possibles pour empêcher de tels évènements de se reproduire.
Si je peux ajouter quelque chose, ma réponse est oui. Je pense que c'est en novembre ou à la fin d'octobre que l'homme qui a voulu commettre un attentat à la bombe à la veille de l'an 2000 a été jugé aux États-Unis. Il a finalement reçu une peine. Il n'a pas été condamné, mais une peine a été prononcée contre lui. C'est un bon exemple: il transportait des munitions de la Colombie-Britannique dans le but de faire exploser des avions à Los Angeles.
Donc la réponse est oui. Imaginez la scène si les 18 de Toronto avaient réussi à mener leur plan à bien. Quelle serait la situation?
Il ne faut pas oublier que même les auteurs de l'attentat à la bombe de l'Air India 182 sont toujours en liberté. Ils prêchent peut-être toujours la même rhétorique qu'en 1985 dans leurs temples. Certaines personnes ont toutefois converti nos lieux de culte en temples du deuil, malheureusement. Cela s'applique à toutes les religions, à aucune en particulier, qu'il s'agisse d'hindous, de musulmans, de sikhs ou d'autres groupes religieux. Nous devons prendre les choses en main.
Je vais même aller plus loin. À titre de politiciens, je crois que sans le savoir... et je ne blâme aucun parti ou politicien en particulier. Malheureusement, indirectement, nous encourageons le terrorisme, et je vous prie de m'excuser ces mots, lorsque nous nous associons à des événements organisés par certains groupes qui sont connus pour glorifier les terroristes, même des terroristes trouvés coupables, ou des causes terroristes, parce qu'ils peuvent utiliser cette présence dans leur collectivité pour faire valoir leur cause et dire: écoutez, regardez, cette personne est venue.
Je vous incite donc à la plus grande prudence quand vous participez à des rencontres organisées par des groupes de la sorte.
Je vous remercie beaucoup, monsieur.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Sgro, si vous le voulez bien. Je vous souhaite la bienvenue à notre comité.
Merci infiniment.
Je suis heureuse d'être ici et de vous entendre nous dire à quel point cette tragédie a été terrible, vraiment. J'exprime mes condoléances aux trois personnes ici présentes et à leurs familles. Vos propos sont tous très émouvants. Peu importe le nombre d'années qui se sont écoulées depuis les événements, cette tragédie demeure très réelle pour nous tous comme pour vous.
De toute évidence, vous avez très bien analysé le projet de loi S-7 que nous sommes en train d'étudier. Êtes-vous satisfaits de ce projet de loi dans sa forme actuelle?
Dans le cas d'Air India, les enquêteurs et les procureurs auraient eu besoin d'un peu plus de pouvoirs pour approfondir leur recherche de preuves et utiliser ces preuves, y compris des témoins. Ils n'avaient pas ce pouvoir à l'époque. Ç'aurait pu être très utile pour nous au moment du procès criminel.
Il est clair que pour nous, si un autre événement du genre survient à l'avenir, il doit y avoir des outils à la disposition des enquêteurs et des procureurs afin qu'ils puissent revoir leur enquête. J'espère que cela n'arrivera jamais plus au Canada, mais si ce devait arriver, nous sommes d'avis que ces dispositions seraient très utiles.
Je suis d'accord avec Rob Alexander. Je pense qu'en rétrospective, un des agents de la GRC a utilisé dans un interrogatoire les mots « point euréka ». La question, c'est pourquoi personne n'a arrêté ces hommes; ils étaient suivis, mais personne ne les a arrêtés. Sa réponse à cette question, c'est qu'il n'y avait personne qui ne pouvait les arrêter au point euréka en vertu du régime législatif en vigueur.
Cet outil sera donc très utile, et comme je l'ai dit, nous devons être proactifs. Espérons que nous n'aurons plus jamais à réagir après coup. Nous pouvons arrêter ces personnes; cela ne fait rien... Il arrive parfois que les événements qu'on a réussi à prévenir avant qu'ils n'aient lieu ne soient pas pris en compte dans les statistiques. C'est presque comme de se demander pourquoi il faut une assurance ou un extincteur d'incendie si on a jamais eu d'incendie. Espérons qu'en effet, ces mesures ne soient pas nécessaires.
Notre groupe est très satisfait des dispositions contenues dans le projet de loi S-7 et des filets de sécurité qu'il prévoit pour protéger les citoyens respectueux de la loi sans empiéter sur les libertés civiles.
En gros, oui, je suis d'accord avec les dispositions du projet de loi S-7, et j'ai confiance que le comité va comprendre que c'est la chose à faire.
Je veux être fière de mon pays. J'ai l'impression, quand on parle d'économie, que c'est clairement le sujet d'inquiétude. Le Canada s'enorgueillit du fait qu'il a pris des mesures rapidement pour amoindrir l'impact de la crise économique sur nous, et nous sommes très fiers de nous-mêmes, nous continuons à nous péter les bretelles.
Dans le domaine du terrorisme, qui est aussi un problème mondial, j'aimerais ressentir la même fierté, pouvoir dire: « Vous savez quoi? Nous avons pris des mesures préventives pour en amoindrir l'impact. » J'espère que tout cela sera de la plus grande futilité. Nous l'espérons tous. Quoi qu'il en soit, nous devons nous livrer à l'exercice, et la réalité est telle qu'il pourrait y avoir une attaque. Je pense donc qu'il s'agit là d'un pas de géant dans la bonne direction.
Permettez-moi de consulter les nombreux esprits juridiques qui viennent en aide à notre coalition. Je suis certaine qu'il y a d'autres choses à faire. J'espère que ce n'est qu'un premier pas. Personnellement, je ne suis pas experte de la rédaction juridique. Ce projet de loi m'encourage, mais je sais que nous devons envisager beaucoup d'autres choses.
Nous parlons d'équilibre. J'aimerais attirer votre attention sur une chose en particulier, c'est-à-dire la sécurité des Canadiens. Il n'y a pas d'équilibre entre les besoins des victimes du terrorisme, les victimes de crimes haineux et les besoins de ceux qui les commettent. Je n'ai qu'à prendre l'exemple d'un Canadien qui a été trouvé coupable de terrorisme. Il s'appelle Omar Khadr. Il est revenu à maintes reprises dans les discussions ici.
Encore une fois, j'aimerais changer de sujet. Vous savez, les victimes ont besoin d'outils pour réintégrer la société elles aussi. Ce n'est pas l'apanage des criminels. Nous avons besoin d'aide psychologique, d'aide médicale, d'aide juridique. C'est un long calvaire pour nous tous, et à cet égard, j'aimerais vous faire quelques autres suggestions.
Je pense que Rob a mentionné qu'il avait 15 ans quand son père a été tué. Pourquoi la discussion porte-t-elle toujours sur le fait qu'Omar Khadr avait 15 ans quand il a commis les actes atroces qu'il a commis? Mon fils avait 16 ans quand son père a été assassiné.
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas ici pour discuter des objections que j'ai entendues au sujet des enfants-soldats, entre autres. C'est un autre sujet. En tant que mère, j'ai mes préoccupations moi aussi.
Mais en tant que victime, que personne qui... Je me qualifie de victime parce qu'il est horrible que mon mari ait été tué, mais je suis victimisée de nouveau par la politique, encore et encore. Ce n'est pas le pays que je connais et que j'aime. Je trouve que les plus hautes instances du Canada ne traitent pas les victimes canadiennes de terrorisme, dans mon cas les attentats du 11 septembre, et qu'elles ne montrent pas de compassion, de désir de voir à nos besoins autant que le gouvernement américain.
Il y a une dernière chose. Le terrorisme en ce moment est une question de compétence provinciale. Il est régi par les provinces. Ce n'est pas un enjeu provincial. C'est un enjeu fédéral, et c'est à l'échelle fédérale qu'il faut adopter des lois antiterroristes. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Il doit y avoir une politique pour les victimes à l'échelle fédérale aussi.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant redonner la parole à l'opposition officielle, à M. Scott.
Chaque intervenant a maintenant cinq minutes.
Merci.
J'aimerais essentiellement aborder deux choses, pour poursuivre dans la foulée des propos de Mme Basnicki. J'aimerais savoir s'il y a quoi que ce soit que vous vouliez ajouter.
Nous avons récemment examiné un projet de loi sur la responsabilité des contrevenants et le prélèvement de frais supplémentaires. Il y a un petit conflit philosophique entre certains d'entre nous sur la question de savoir si nous devons utiliser les fonds publics pour financer des services robustes aux victimes, de la même façon que l'État finance d'autres formes de services sociaux, ou si nous devrions surtout ou même seulement utiliser l'argent des agresseurs pour financer les services aux victimes.
J'aimerais savoir si vous avez un avis à ce sujet, à la lumière de votre expérience. Je trouve extrêmement intéressant que vous disiez que le gouvernement fédéral doit jouer un rôle beaucoup plus actif, mais en toute honnêteté, je ne vois pas comment il pourrait y avoir des services fédéraux destinés aux victimes si nous ne prévoyons pas mesures pour les financer.
Je suis très proactive dans ce domaine. En fait, la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme qui vient d'être adoptée faisait partie du projet de loi omnibus. Je suis d'accord avec vous que les victimes ne veulent pas qu'on utilise les taxes fédérales en tant que telles pour cela. Ne serait-il pas bon de pouvoir régler ces litiges devant les tribunaux civils et d'obtenir de l'argent des agresseurs qui ont causé ces crimes? Il suffit d'examiner la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme pour savoir de quoi il en retourne.
Il y a beaucoup de façons, particulièrement dans notre modèle économique, de reproduire l'exemple des États-Unis, par exemple. Immédiatement après l'attaque, l'État a accordé un crédit fiscal aux victimes. Il les a exemptés d'impôt. Au Canada, selon la réponse que j'ai reçue... On m'a dit immédiatement que pour 2001, l'année où mon mari a été tué, et pour l'année 2000, on me ferait grâce de l'impôt, comme aux États-Unis.
En fin de compte, non seulement je n'ai pas été exemptée d'impôt, mais notre gouvernement de l'époque m'a harcelée pour que je paie mes impôts. Il n'y a pas eu d'équité avec les victimes des États-Unis pour les Canadiens qui résidaient aux États-Unis. Mon mari payait de l'impôt chaque trimestre en fonction de son salaire, de ce qu'il gagnait, et il faisait pas mal d'argent.
Vous savez, il y a différentes façons d'aider les victimes de terrorisme. Vous ne pouvez même pas imaginer combien il est difficile pour nous de voir que nos impôts servent à financer le système pénal, à incarcérer des personnes, mais non à aider les victimes.
M. Craig Scott: C'est une perspective très intéressante.
Mme Maureen Basnicki: Il y a plusieurs façons de faire possibles. Il y a une loterie au Canada. Peu importe le statut de la personne. Soudainement, si votre numéro sort, vous gagnez la cagnotte: une immense somme d'argent, libre d'impôt. Mais je vous dirais que si pour une quelconque raison horrible, votre numéro ne sort pas, c'est le pire jour de votre vie et vous avez perdu votre amoureux, qui dans bien des cas, était le pourvoyeur de la famille...
Vous savez, il y a beaucoup de solutions possibles.
Très bien. Je vous remercie.
Monsieur Gupta...
Le président: Très rapidement.
M. Craig Scott: Je voulais vous aussi vous interroger un peu sur la prévention, mais...
Il y a aussi les autres formes de soutien, émotionnel, entre autres. Après la tragédie d'Air India, on nous a laissés à notre propre misère. Personne n'est venu nous offrir de soutien, ni à l'échelle fédérale, ni à l'échelle provinciale.
C'est une triste observation. On peut dépenser un montant X, 55 000 $ ou 65 000 $ par personne dans un pénitencier, peut-être même 100 000 $...
Le président: C'est peut-être même 140 000 $.
M. Bal Gupta: Mais quand vient le temps d'aider les victimes de crime, le montant est un gros zéro.
C'est pourquoi j'ai mes réserves à l'égard des soi-disant associations des libertés civiles. Elles vont remuer ciel et terre pour qu'on offre des services aux prisonniers, mais je n'ai encore jamais vu de défenseur des libertés civiles venir... En tout cas, dans le cas d'Air India, personne n'est jamais venu nous voir pour savoir s'il pouvait nous aider.
Merci beaucoup, monsieur.
Malheureusement, cela met fin à l'heure dont nous disposions. Le temps a passé très vite.
Je ne vois pas vraiment ce que je peux ajouter. Je suis simplement de tout coeur avec vous, pour ce que vous avez vécu dans les années 1980 ou en 2001, et je tiens sincèrement à vous remercier, au nom du comité, de tout ce que vous avez fait pour honorer la mémoire de vos proches, et aussi pour apporter des changements qui peuvent avoir une incidence sur notre pays et contribuer à prévenir de nouveaux crimes de la sorte.
Je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui.
Nous allons nous interrompre quelques instants pour vous laisser sortir et laisser entrer nos prochains témoins.
Merci encore.
Reprenons nos travaux sans plus tarder si nous voulons respecter notre horaire et laisser le temps prévu à nos témoins.
Nous poursuivons cet après-midi cette séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, de même que notre étude du projet de loi S-7.
Nous allons maintenant entendre le témoignage d'une représentante de l'Association canadienne des libertés civiles. Nous recevons Nathalie Des Rosiers, avocate. Nous entendrons aussi par vidéoconférence, de Vancouver, Mme Carmen Cheung, qui représente la British Columbia Civil Liberties Association. Je constate que le son est fort et clair et que l'image est bien claire elle aussi.
Notre comité souhaite vous remercier d'avoir accepté de nous aider dans notre étude du projet de loi S-7. Je crois que vous avez toutes les deux préparé des exposés.
Je vais commencer par me tourner vers Vancouver et souhaiter la bienvenue à Mme Cheung.
Bon après-midi. C'est un honneur et un privilège pour moi de comparaître de nouveau devant ce comité. Au nom de la BC Civil Liberties Association, je souhaite vous remercier de me donner l'occasion de m'exprimer sur le projet de loi S-7.
La BCCLA est un organisme impartial à but non lucratif basé à Vancouver, en Colombie-Britannique. Depuis sa fondation, en 1963, le mandat de la BCCLA est de promouvoir, de défendre, de préserver et d'augmenter les libertés civiles et les droits de la personne au Canada. Nous prenons position sur les principes de base des droits de la personne et des libertés civiles, ce qui comprend le droit à un processus juste et équitable et à la justice fondamentale dans les situations où les décisions de l'État ont une incidence sur les intérêts personnels.
L'an dernier, nous avons comparu devant ce comité pour exprimer nos vives inquiétudes à l'égard des dispositions du projet de loi C-17 sur la détention préventive et les audiences d'investigation. Ce projet de loi est le prédécesseur du projet de loi à l'étude aujourd'hui. À l'époque, nous craignions qu'il était loin d'être clair que ces mesures aient des effets démontrables pour combattre le terrorisme, et qu'il serait très probable qu'elles contribuent à l'érosion des principes et idéaux démocratiques que nous souhaitons tous protéger.
Je ne répéterai pas tous nos arguments en détail, mais je vais inviter les membres du comité à consulter le mémoire soumis par la BCCLA en février dernier, que vous trouverez en annexe des notes d'allocution que j'ai remises au comité ce matin. J'aimerais concentrer mes observations d'aujourd'hui sur nos préoccupations à l'égard des méthodes préconisées dans ce projet de loi pour combattre le terrorisme.
Dans les propositions visant à redonner vie aux dispositions sur la détention préventive et les audiences d'investigation, nous voyons une tentative d'accroître les pouvoirs de l'État sans accroître proportionnellement les exigences en matière de responsabilité et de surveillance. Dans les dispositions destinées à créer de nouvelles infractions au Code criminel pour quiconque quitte ou essaie de quitter le Canada avec l'intention de participer à des actes de terrorisme, selon la définition très large qu'on trouve déjà dans le Code criminel, nous percevons une vision de la sécurité nationale qui continue de mettre surtout l'accent sur les peines criminelles, au détriment de mesures de réhabilitation suffisantes.
Parlons d'abord responsabilité et surveillance. La disposition sur la détention préventive, dans le projet de loi S-7, permet la détention d'une personne sans que des accusations ne soient portées contre elle ou qu'on ait l'intention d'en porter, une détention pouvant aller jusqu'à 72 heures, sur la simple présomption de dangerosité. Elle prive donc une personne de sa liberté sans preuve, ni même soupçon d'infraction, ce qui va à l'encontre des principes de base de la justice fondamentale.
À son tour, la disposition sur les audiences d'investigation transforme nos tribunaux en outils d'enquête pour la GRC et le SCRS, ce qui est fondamentalement contraire à l'esprit du droit au silence et du droit de refuser de s'incriminer soi-même
Ces deux dispositions augmentent le pouvoir de l'État de porter atteinte à des libertés civiles fondamentales. En effet, la nature extraordinaire des pouvoirs qu'on propose de confier à l'État est mise en lumière par les dispositions de réexamen qui les accompagnent, et qui se comparent aux dispositions qu'on trouvait dans le projet de loi de 2001.
Le gouvernement cherche à élargir les pouvoirs de nos organismes de sécurité nationale, mais nous ne voyons pas le même effort pour renforcer la responsabilité et la surveillance de notre appareil de sécurité nationale.
Il y a six ans, la commission Arar a permis d'établir clairement que les mécanismes de reddition de comptes pour surveiller les activités destinées à assurer la sécurité nationale n'avaient tout simplement pas évolué au même rythme que la portée et l'étendue des activités destinées à assurer la sécurité nationale. À cette fin, le juge O'Connor a fait une série de recommandations détaillées afin d'améliorer les mécanismes de reddition de comptes et d'examen applicables aux activités destinées à assurer la sécurité nationale.
Parmi les priorités, bien sûr, il y avait l'intégration des mesures d'examen des activités destinées à assurer la sécurité nationale entre les organismes compétents. Le juge recommandait aussi la création d'un comité de coordination de la sécurité nationale qui faciliterait la reddition de comptes entre ces organismes. Personne ne met en doute que les activités destinées à assurer la sécurité nationale ne peuvent être efficaces que si les organismes collaborent entre eux. Cependant, cela signifie qu'il doit aussi y avoir davantage d'examen et de surveillance des organismes entre eux.
Six ans après la fin de l'enquête Arar, nous sommes encore très loin d'un système intégré d'examen de la sécurité nationale. À ce jour, malgré les recommandations du juge O'Connor, il n'y a toujours pas de mécanisme favorisant l'examen indépendant des activités de sécurité nationale de l'ASFC, de Citoyenneté et Immigration Canada, de Transports Canada, du CANAFE ou du MAECI.
Les dispositions de ce projet de loi favorisent l'élargissement des pouvoirs d'enquête. Elles sous-entendent également un meilleur échange d'information, non seulement entre les divers organismes de sécurité nationale, comme le SCRS, la GRC et l'ASFC, mais aussi entre ces organismes et leurs partenaires étrangers.
Comme c'est toujours le cas lorsqu'il s'agit de sécurité nationale, l'exercice de ces pouvoirs et l'étendue des échanges d'information seront en grande partie gardés secrets.
Ces caractéristiques mêmes des activités liées à la sécurité nationale (le manque de transparence, l'échange accru d'information, une coopération internationale accrue) ont été citées par le juge O'Connor en 2006 afin d'expliquer pourquoi il est si crucial de nous doter de mécanismes d'examen et de reddition de comptes forts et efficaces.
Cette observation est toujours aussi pertinente aujourd'hui, sinon plus. L'intégration et la coopération internationales entre les organismes sont encore plus importantes aujourd'hui qu'à l'époque de l'enquête Arar, mais à l'opposé, à bien des égards importants, il y a moins de reddition de comptes et de surveillance. En effet, nous craignons gravement d'être en train d'assister non seulement à l'échec de l'État de suivre l'évolution des besoins de reddition de comptes liés à la sécurité nationale, mais à la détérioration des mécanismes de surveillance et d'examen existants.
Plus particulièrement, nous sommes très perturbés de l'élimination du bureau de l'inspecteur général du SCRS cette année, compte tenu qu'il s'agissait de l'un des deux seuls mécanismes de reddition de comptes prévus à la Loi sur le SCRS. Parallèlement, le CSARS, qui devrait maintenant assumer les fonctions de l'ancien inspecteur général, ne jouit d'aucune augmentation correspondante de ses ressources. Bien que le CSARS ait dit lui-même que son mandat devrait être élargi afin de permettre l'examen des questions de sécurité nationale qui touchent le SCRS et vont au-delà des limites strictes de l'agence, cette recommandation demeure toujours sur la glace.
Par conséquent, nous sommons les membres du comité à ne pas accroître davantage les pouvoirs dont jouissent nos organismes de sécurité nationale tant que nous n'aurons pas établi de mécanismes de reddition de comptes et d'examen adéquats et efficaces. Il nous semble essentiel de nous doter de mécanismes de surveillance forts et robustes non seulement pour protéger les droits de la personne et les libertés civiles, mais pour assurer l'efficacité de nos politiques et de nos pratiques en matière de sécurité nationale.
Nous soulevons la question de l'efficacité des pratiques de sécurité nationale parce que nous sommes d'accord — je répète que nous sommes d'accord — que les activités terroristes violent les droits de la personne fondamentaux. Nous avons besoin de stratégies antiterroristes qui fonctionnent. Pour cela, cependant, nos efforts pour lutter contre le terrorisme ne peuvent pas se résumer à la criminalisation. Nos lois pénales sur le terrorisme sont déjà assez détaillées et touchent un vaste éventail d'infractions et d'activités, mais ce projet de loi propose d'approfondir encore plus le filet par la création d'infractions entourant les camps d'entraînement.
En mettant ainsi l'accent sur la criminalisation, on oublie qu'on ne peut pas arrêter le terrorisme simplement en le rendant illégal. Dans son témoignage devant le Comité sénatorial spécial antiterrorisme, le professeur Kent Roach a souligné à juste titre qu'il fallait commencer à parler de la réhabilitation des terroristes et à revoir notre politique de « terroriste un jour, terroriste toujours ». La réhabilitation est particulièrement importante dans le contexte des personnes qui risquent de se faire prendre pour avoir participé à des camps d'entraînement: les jeunes. Le fait de ne pas réhabiliter ni réintégrer les personnes qui participent à des activités terroristes ou qui se sont fait prendre dans le cycle du terrorisme perpétue le cycle de marginalisation, de privation des droits et d'aliénation qui mène à la radicalisation. De ce point de vue, aucun d'entre nous ne se trouvera plus en sécurité.
Par conséquent, nous vous exhortons à ne pas adopter ce projet de loi. Nous ne pouvons pas nous permettre d'accorder de tels pouvoirs extraordinaires de détention et d'enquête alors qu'il y a encore tant de lacunes sur le plan de la reddition de comptes et de la surveillance. Nous ne pouvons pas continuer à élargir la portée de nos lois criminelles sans nous engager fermement à prendre des mesures adéquates et énergiques pour réhabiliter les personnes accusées de terrorisme ou trouvées coupables d'actes terroristes. La sécurité et la liberté vont de pair.
Je vous remercie encore une fois de cette occasion. Je suis prête à répondre à vos questions.
Je vous remercie beaucoup, madame Cheung.
Dans la salle du comité, maintenant, nous allons entendre Mme Des Rosiers. La parole est à vous pour 10 minutes.
[Français]
Mes remarques seront d'abord en français et par la suite en anglais.
Je tiens à remercier le comité d'avoir invité l'Association canadienne des libertés civiles. L'association existe depuis près de 50 ans et son mandat est toujours d'apporter une réponse de principe aux enjeux auxquels la société fait face.
Je vous invite aujourd'hui à réfléchir à deux questions. D'abord, un cadre d'analyse devrait alimenter l'examen de certaines dispositions qui, comme celles incluses dans le projet de loi S-7, étaient assujetties à une clause d'extinction. Dans ce contexte, il s'agit de faire un examen approfondi de ce qui s'est passé depuis les terribles événements qui ont marqué le Canada et le monde.
L'association reconnaît assurément que le devoir des États de protéger leurs citoyens et leurs ressortissants est bien établi. Nous ne devons jamais abandonner ce devoir. C'est le premier devoir d'un État. Le terrorisme est une menace à la sécurité de tous. L'État doit donc y faire face et doit le faire en respectant le droit international ainsi que le droit constitutionnel. La menace terroriste n'a pas diminué. Ce n'est pas ici la position de l'association.
Comme on a eu l'occasion de l'entendre plus tôt, les actes terroristes ont des conséquences réelles sur un bon nombre de personnes. Il y a 27 ans que l'attentat terroriste contre Air India a eu lieu et 11 ans que les attentats du 11 septembre ont été commis. Malgré tout, je pense que le devoir de ce comité est de voir à ce que l'approche la plus efficace, en matière de contre-terrorisme, soit élaborée. La question n'est pas de savoir s'il faut réagir au terrorisme ou être doté d'une stratégie anti-terrorisme, mais bien de savoir si les stratégies incluses dans le projet de loi S-7 sont les meilleures et les plus adéquates.
Il faut bénéficier — et je pense que c'est le but de cet exercice — des avancées du savoir qui ont été réalisées en matière de contre-terrorisme au cours des 11 dernières années. Un peu partout dans le monde, il y a eu de nombreux développements concernant l'évaluation des meilleures pratiques en matière de contre-terrorisme. Je vais vous faire part de certaines observations, de revues par exemple, provenant de la Grande-Bretagne, au sujet des mesures anti-terroristes.
Selon nous, le cadre d'analyse invite les parlementaires à prendre leur rôle très au sérieux et à aborder la tâche de la façon suivante, en respectant les principes que voici.
D'abord, il faut assurément tenir compte des derniers développements en matière de lutte contre le terrorisme. Les parlementaires doivent aussi s'assurer que la Constitution est respectée. Selon moi, les parlementaires doivent en outre s'assurer que les projets de loi qui sont adoptés n'ont pas d'effets indirects, d'effet pervers ou de retombées négatives sur certains groupes de citoyens.
Je vais maintenant traiter des derniers développements en matière de lutte contre le terrorisme.
[Traduction]
Je vais passer à l'anglais, si vous êtes d'accord.
Le président: Oui, allez-y.
Mme Nathalie Des Rosiers: J'invite les membres du comité à tenir compte des observations très judicieuses de Lord Macdonald of River Glaven, QC, d'Angleterre, qui a été chargé d'examiner les travaux du comité responsable de l'examen des mesures antiterroristes adoptées au Royaume-Uni. Je vous fais remarquer que sa perspective...
En fait, je crois que Lord Macdonald of River Glaven part de la proposition, comme moi, qu'il ne fait aucun doute que le terrorisme constitue une menace sérieuse et qu'il faut faire quelque chose. Il se demande toutefois si les mécanismes conçus en Angleterre sont toujours efficaces et s'ils demeurent les meilleurs outils possible.
Je pense qu'il commence ses observations en disant qu'il faut prendre des mesures, mais la meilleure chose... Et là, je vais le citer: l'examen tient compte, à juste titre, de la nécessité « de détecter [...], de poursuivre en justice et d'emprisonner les gens qui participent à des activités terroristes. »
Dans un sens, son approche consisterait à passer en revue les stratégies, en particulier les mesures restrictives, qui ont empêché ou entravé la collecte de preuves d'une manière qui va à l'encontre de l'objectif d'intervenir par le recours au droit pénal courant.
Deuxièmement, il fait valoir que toutes les mesures doivent être axées de façon générale sur l'utilisation de la procédure régulière du droit pénal. C'est également la pratique qu'on a adoptée au Canada, dans le cadre de l'affaire des 18. Dans un tel contexte, des mesures exceptionnelles nuisent à la légitimité de la lutte contre le terrorisme.
Il poursuit en disant que les mesures exceptionnelles sont mieux énoncées dans le cadre de lois exceptionnelles et qu'elles ne devraient pas être intégrées à la procédure normale. L'éminent juriste est du même avis. En dernier lieu, et je vais conclure là-dessus, il affirme que « l'utilisation rarissime » d'une mesure — et je vais utiliser son expression, « paucity of use », même si j'ai du mal à imiter l'accent britannique — « n'est guère un signe de besoin impérieux ».
Au bout du compte, il conclut en posant les questions suivantes: quels pouvoirs sont invoqués par la législation? Sont-ils toujours pertinents? Ont-ils eu des effets pervers sur la collecte de preuves, au point d'en miner l'efficacité? Si ces pouvoirs n'ont pas été utilisés, à quoi bon les maintenir? Il fait cette mise en garde, car, en effet, « l'utilisation rarissime [...] n'est guère un signe de besoin impérieux ». Par conséquent, comme il le laisse entendre, il y a toujours une bonne raison d'accroître le pouvoir de l'État, mais nous devons faire preuve de prudence et résister à la tentation, c'est-à-dire évaluer de façon approfondie les arguments visant à accroître les pouvoirs.
Je pense que le Canada est maintenant en mesure d'évaluer comment sa réponse sera jugée dans le droit international et sur la scène internationale. Ailleurs dans le monde, comme vous l'avez lu dans les journaux ce matin, les États s'attribuent des pouvoirs considérables pour assurer la stabilité. Dans ce contexte, le Canada aurait tort d'adopter un projet de loi dont le titre de gloire ou le principal attribut rassurant tient au fait que cette mesure n'est pas utilisée et qu'elle ne le sera probablement jamais. C'est une erreur que d'adopter une mesure législative conçue pour ne pas être utilisée.
[Français]
Je vais maintenant parler de la constitutionnalité.
[Traduction]
Je vais faire deux petites observations, qui sont liées uniquement au fait que le projet de loi S-7 ne reflète pas tout à fait la réflexion de la Cour suprême en ce qui concerne la question de l'audition pour investigation. À cet égard, la cour a insisté sur le fait qu'on ne devrait pas utiliser de témoignages dans le contexte de la procédure pénale. Ce point est prévu dans le paragraphe 83.28(10).
La Cour suprême a aussi exigé qu'on n'utilise pas de témoignages dans le cadre des audiences administratives. Le projet de loi n'en fait pas mention. Pourtant, il le devrait; à défaut de quoi, il risque de ne pas respecter le critère de la constitutionnalité. Là où je veux en venir, c'est que le droit au silence, la protection contre l'auto-incrimination, s'applique non seulement à la procédure pénale, mais aussi à la procédure administrative. Ce point n'est pas prévu dans le projet de loi, alors qu'il devrait l'être.
Enfin, je déconseille au comité de s'appuyer sur le cas en question sans consulter les autres cas qui ont été évalués dans le contexte de la lutte contre le terrorisme au Canada.
[Français]
Il faut se rappeler que l'arrêt de la Cour suprême a précédé la première décision prise dans le cadre de Charkaoui c. Canada. La cour a évalué le mécanisme et s'est inquiétée de la transformation du rôle des juges.
Évidemment,
[Traduction]
les audiences d'investigation transforment le rôle des juges, qui passent d'une fonction passive dans le contexte d'un système contradictoire à une fonction plus inquisitoire. Cette notion est étrangère à notre système judiciaire, et les deux ne vont pas de pair.
En effet, je crois que la raison pour laquelle la procédure n'est pas utilisée, c'est probablement parce que les agents du SCRS sont beaucoup plus aptes que les juges — et je dis cela en tout respect pour les juges — à poser des questions précises. Les juges, eux, sont formés pour écouter un échange d'idées, au lieu de poser... On risque donc de transformer l'état des choses, sans avoir des garanties suffisantes.
Il y a un mois, l'ACLC a organisé une conférence sur le coût social de la lutte contre le terrorisme. Dans ce contexte, nous voulions déterminer les effets indirects des mesures antiterroristes.
Je me contenterai de souligner certaines des conclusions qui sont ressorties de cette rencontre et, à cet égard, j'invite le comité à bien écouter ce qui suit: d'abord, la discrimination envers les Canadiens d'origine arabe et musulmane a augmenté; ensuite, de nombreuses personnes changent leur nom pour pouvoir décrocher un emploi; enfin, bien des gens souffrent d'agoraphobie. On nous a également présenté une étude qui était entièrement destinée à identifier des personnes repliées sur elles-mêmes; en fait, les communautés éprouvaient de plus en plus de méfiance à l'égard des autorités. Ce n'est peut-être pas la bonne façon de procéder.
Lord Macdonald of River Glaven a dit: « Les Britanniques sont des gens libres et forts, et leurs lois devraient refléter cela. » Je dirais, pour ma part, que les Canadiens sont, eux aussi, libres et forts, et leurs lois devraient également refléter cela.
Merci beaucoup.
Merci beaucoup.
Nous allons rapidement entamer la première série de questions.
Monsieur Hawn, vous avez la parole pour sept minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à vous deux d'être ici.
Madame Des Rosiers, ne vous en déplaise, mais le ministre a déjà abordé la question de la constitutionnalité. Cela fait partie du processus d'examen, qui s'inscrit dans le tout. Vous avez parlé de Lord Macdonald et de l'importance qu'il accorde à la prévention. Je pense que nous convenons tous qu'il vaut mieux prévenir que guérir dans le contexte d'un incident.
Vous avez témoigné contre le projet de loi C-17 le 10 février 2011. Vous avez dit que le projet de loi C-17 crée « un précédent pour d'autres nations du monde qui vont regarder et utiliser le précédent canadien ». Je ne veux pas vous faire dire des choses que vous n'avez pas dites, mais je suppose que cette mesure législative est perçue comme un précédent dangereux.
Savez-vous ce que font d'autres pays, comme le Royaume-Uni et l'Australie, par exemple, qui ont des mesures beaucoup plus sévères que ce que nous proposons?
Oui, mais ce qui est intéressant et là où je voulais en venir, c'est que l'examen au Royaume-Uni visait en fait à réduire les pouvoirs qui avaient été utilisés dans ce contexte. Le rapport avait pour objectif de changer la façon dont les mesures restrictives étaient utilisées dans...
Je suis d'accord avec Lord Macdonald quand il parle de la force et de la liberté. C'est ce qui nous qualifie, nous aussi.
Madame Cheung, vous avez parlé du besoin d'éduquer et de réhabiliter, etc. C'est un processus à long terme. Je pense que vous partagez probablement cet avis. Ce n'est pas quelque chose qui se fait du jour au lendemain.
Parallèlement à ces efforts, aussi louables soient-ils, et je ne les désapprouve pas, pensez-vous qu'il est quand même correct de permettre à des gens — par exemple, aux membres des 18 de Toronto, si c'était le cas — de voyager en Afghanistan et au Pakistan pour suivre un entraînement terroriste, quand nous savons qui ils sont et ce qu'ils ont l'intention de faire? Est-ce acceptable?
L'enjeu, selon moi, c'est que le droit pénal, dans sa forme actuelle, nous donne tous les moyens d'identifier ces gens et de les poursuivre en justice, comme on l'a vu dans le cadre des poursuites de Toronto. On comprend mal pourquoi il est nécessaire de créer d'autres infractions criminelles pour viser un comportement qui est déjà criminalisé.
Pendant que les agents recueillent des éléments de preuve et tentent de retrouver les 18 suspects de Toronto, par exemple, est-il acceptable de permettre à ces derniers de quitter le pays pour aller en Afghanistan ou au Pakistan, sachant fort bien qu'ils se rendent là-bas pour suivre d'autres entraînements? Nous ne les avons pas encore arrêtés, parce que nous n'avons pas fini de monter le dossier: devrions-nous tout simplement les laisser partir?
En ce qui concerne le degré de preuve requis dans ce cas, l'intention criminelle est très claire. Alors, à cet égard, cela nous rassure. Par contre, ce qui nous inquiète beaucoup, c'est que nous poussons plus loin la criminalisation, non seulement en créant des infractions relatives à la formation, mais aussi en augmentant les peines. Après tout, dans la première moitié du projet de loi, il est question de resserrer les peines pour des crimes qui sont déjà visés par le Code criminel.
En mettant l'accent sur la criminalisation, nous négligeons vraiment la nécessité d'entamer un dialogue sur la réhabilitation et la réintégration. Ce dialogue n'est pas au rendez-vous.
Je n'en disconviens pas, mais entre-temps, selon moi, nous ne pouvons pas laisser ces activités se poursuivre sans prendre certaines mesures.
Vous avez parlé des problèmes auxquels font face les victimes, et je sais, madame Des Rosiers, que vous...
Vous pouvez ajouter votre réponse à celle-ci.
D'autres témoins ont parlé du manque de souci apparent dont font preuve des organisations comme la vôtre à l'égard des victimes, etc. Nous venons d'entendre parler du coût social de la lutte contre le terrorisme. Qu'en est-il du coût social du terrorisme?
Bien sûr. J'en suis personnellement très préoccupée. D'ailleurs, mon travail précédent portait sur la défense des victimes, alors je pense...
L'idée qu'il y a une opposition entre les défenseurs des libertés civiles et les victimes n'est pas, selon moi, la bonne façon d'aborder la question, parce que personne ne veut qu'on arrête un innocent ou que le système ne fonctionne pas. Quand quelqu'un est inculpé à tort, les victimes ne s'en sortent pas mieux. En effet, nous avons toujours dit que nous appuyons l'indemnisation des victimes du terrorisme, et c'est ce que nous avons bel et bien fait. Nous appuyons également l'indemnisation des victimes de torture.
Pour moi, il est inapproprié de se dresser les uns contre les autres. À vrai dire, nous voulons tous un système fonctionnel, juste et légitime, pour que les gens puissent continuer d'intervenir et de collaborer, autant qu'ils le veulent, dans un système qui garantira une application régulière de la loi.
Je tiens également à répondre très brièvement à l'autre question, si vous me le permettez. Vous avez demandé s'il est acceptable que nous laissions les suspects quitter le pays. Je crois que le problème vient en partie du fait qu'aux termes du projet de loi, il faudrait recueillir pas mal d'éléments de preuve pour pouvoir les arrêter. D'après Lord Macdonald, toutes les mesures restrictives qui empêchent la police — et les présumés terroristes — de s'engager dans un dialogue et de communiquer avec les complices de ces derniers nuisent, en réalité, à la collecte des éléments de preuve. Dans l'affaire des 18 de Toronto, le fait qu'ils avaient suivi une formation ailleurs faisait partie de la preuve.
Je ne suis pas une experte en matière de tactiques policières, mais je dis seulement qu'il y a lieu de s'inquiéter, si on tient compte des études menées ailleurs... on a observé que certaines de ces stratégies pourraient paraître louables, mais elles ne sont pas utilisées pour les bonnes raisons.
Merci.
J'ai une autre petite question, et c'est au sujet des mesures de protection. Une de vous deux a dit — j'ai oublié qui, mais c'était peut-être Mme Cheung — que le gouvernement a la capacité de prendre des mesures sans motifs raisonnables. Ce n'est tout simplement pas le cas, et je suppose que j'aimerais connaître vos observations sur les mesures de protection. Selon moi, le projet de loi prévoit plus de mesures que le Code criminel pour ce qui est de protéger les droits des personnes que nous considérons comme des suspects.
Eh bien, en réalité, on déforme la pratique normale du Code criminel. À notre avis, il vaut mieux recourir au processus régulier prévu par le Code criminel, et ce, pour bien des raisons: les policiers savent comment traiter ce genre de cas; ils ont une formation dans le domaine; les juges, eux, savent comment s'y prendre.
Alors, la façon de s'y prendre — et personne ne dit qu'il ne faut rien faire —, c'est de préconiser le besoin d'une formation continue, de ressources continues et d'un investissement continu dans la collecte de preuves, au lieu de réduire au minimum le besoin de preuves et de déformer les processus réguliers. La plupart des chercheurs à l'échelle internationale semblent dire que la meilleure solution serait peut-être de renforcer la capacité d'obtenir les preuves plutôt que de transformer le processus.
Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins.
J'aimerais résumer très brièvement la comparution du sous-commissaire de la GRC lors de la dernière session. En fait, selon lui, il y a un lien très clair entre la nouvelle infraction, celle de « quitter le pays », c'est-à-dire partir ou tenter de partir avec l'intention de commettre une série d'infractions terroristes éventuelles, et les nouvelles dispositions prévues dans le projet de loi en ce qui concerne l'« engagement assorti de conditions ».
Histoire de vous mettre un peu sur la sellette, je me demande ce qu'il y aurait de mal là-dedans. Quand on a un système qui nous permet de savoir que des gens, en particulier des jeunes, quittent le pays et qu'ils ont cette intention — on dispose de bonnes preuves à l'appui, c'est-à-dire des preuves qu'on peut utiliser en cour, et non pas des preuves fondées sur le renseignement —, au lieu de passer au stade de la poursuite, avec tout ce que cela comporte, notamment les préoccupations que soulèvent les dossiers criminels et la question de savoir à quoi tout cela rime au final, on passe au mode de l'engagement assorti de conditions. On impose des conditions, notamment la possibilité de révoquer leur passeport pendant 12 mois, ce qui nous donne une période pour refroidir les ardeurs.
Je lis entre les lignes du témoignage du sous-commissaire, et j'aimerais tout simplement savoir ce que vous en pensez.
Eh bien, il y a deux ou trois choses. Je pense que si cela ne... le tout doit être lié par des mesures de protection. Le problème avec l'idée de ne pas intenter des poursuites et de ne pas invoquer le Code criminel tient, en partie, à l'absence d'examen public. Ce qui manque, c'est la surveillance des juges.
La société dans laquelle nous vivons ne croit pas, en général, que si la police estime qu'une personne pourrait ne pas être... auquel cas nous devrions nous contenter de réduire sa liberté pendant 12 mois afin de lui donner une période pour se calmer. Ce n'est pas ainsi qu'on s'y prend au Canada. Ce n'est pas ainsi que fonctionne la présomption de l'innocence.
Au lieu de cela, nous avons choisi d'investir dans... parce que nous craignons que des erreurs puissent survenir, comme c'est effectivement le cas. On est parfois porté à restreindre la liberté des gens de façon injuste. Quel sera le recours pour ces gens qui, pendant 12 mois, ne seront pas en mesure de faire quoi que ce soit...? Vous savez, vous pourriez les empêcher de voyager; il y a beaucoup de conséquences. Et ils ne seront jamais jugés devant le tribunal. Ils n'auront pas droit à un procès pour justifier cela. Voilà qui est lourd de conséquences.
Selon moi, il faut mener des enquêtes et essayer de suivre une voie qui a fait ses preuves et qui fonctionne bien depuis longtemps, une voie qui consiste à protéger la présomption de l'innocence tout en assurant la sécurité du public. C'est ça, la voie du droit pénal. Je ne dis pas qu'on ne devrait pas investir dans...
Désolée; allez-y.
Merci.
Madame Cheung, comment réagissez-vous par rapport à ce scénario? Avez-vous les mêmes préoccupations? Ou pensez-vous que nous devrions être ouverts à cela?
Mes préoccupations sont très semblables à celles de Nathalie. La seule chose que j'ajouterais à ce qu'elle a déjà dit de manière très convaincante, c'est qu'établir la culpabilité n'est pas du tout la même chose qu'établir la dangerosité. Considérer tout simplement une personne comme dangereuse ne fait en sorte que de court-circuiter le processus de détermination de culpabilité ou d'innocence qui accompagne nos procédures criminelles habituelles. Il est beaucoup plus difficile de réfuter la dangerosité, surtout si on n'a pas les mêmes garanties procédurales et d'application régulière de la loi qui accompagnent une poursuite.
Merci beaucoup.
En 2006, dans un rapport sur le contre-terrorisme, le comité a admis qu'il serait peut-être bon de maintenir les investigations avant de les éliminer graduellement, mais seulement en ce qui concerne les actes futurs comportant un risque imminent. Les dispositions que nous avons ici ne semblent pas faire de distinction; il s'agit d'actes passés, présents, futurs. Et il n'y a certainement pas, par définition, de volet concernant le risque imminent.
Seriez-vous en faveur d'une disposition axée sur l'avenir en ce qui concerne les investigations? Nous ne parlons pas ici de la prévention et de l'engagement, mais des investigations lorsqu'il existe un risque imminent.
À mon avis, s'il y a un risque imminent, les agents de police ne privilégieront pas l'investigation; ce ne sera pas un outil utile en raison de l'attente et des difficultés liées à la gestion de l'audience.
Dans le cadre de l'analyse, je crois que nous devrions nous assurer que ce n'est pas seulement pour faire bonne figure; que si les dispositions sont présentées, c'est qu'elles sont nécessaires, parce qu'à première vue, elles enfreignent la Constitution. Il faut donc démontrer qu'elles sont nécessaires et justifiables dans une société libre et démocratique. Si elles comportent des lacunes, je pense que vous devriez insister pour qu'elles soient corrigées. Il est certainement préférable que ce ne soit que pour l'avenir... et qu'il existe un risque imminent, pour en limiter l'usage.
Or, l'investigation a transformé le rôle des juges. Ils sont passés d'un système que nous utilisons depuis des siècles à un système plus inquisitoire. Je pense que cela cause un certain inconfort, car la dimension éthique entourant cette question n'a pas fait l'objet d'une réflexion rigoureuse.
Madame Cheung, j'aimerais que nous abordions un autre sujet. Vous avez indiqué que ce qui vous préoccupe au sujet du retour d'une version des deux dispositions, c'est l'élargissement des pouvoirs sans la surveillance. Mes collègues ont parlé du fait qu'il y a davantage de garanties procédurales dans les dispositions actuelles que dans la version précédente; je crois que c'est exact. Mais vous avez ajouté que ce qui vous inquiète vraiment, c'est l'absence de mécanismes de reddition de comptes, surtout en ce qui a trait à l'activité entre les organismes.
Pourriez-vous me dire brièvement quelles parties des recommandations de la commission Arar sont nécessaires, peut-être pas dans ce projet de loi, mais dans l'avenir?
Le président: Vous avez 15 secondes.
C'est essentiellement la principale disposition, soit la création d'un mécanisme de surveillance interorganismes, soit par la mise sur pied d'un comité de coordination, soit par la création des passerelles législatives dont a parlé le juge O'Connor, qui permettraient aux organismes de surveillance actuels de regarder au-delà des limites étroites de l'organisme qu'ils ont la responsabilité d'examiner — autrement dit, si le CSARS examine la conduite du SCRS et que le SCRS interagit avec l'ASFC ou la GRC, le CSARS devrait pouvoir examiner aussi cette relation et le travail accompli dans le cadre de cette relation, plutôt que de devoir se limiter à une frontière artificielle qui n'existe pas dans les opérations, mais qui existe dans la façon d'effectuer les examens.
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être ici aujourd'hui.
Dans votre témoignage, madame Des Rosiers, vous avez dit que le terrorisme est une menace grave. Je vous remercie d'avoir utilisé le présent en disant cela. Je pense que les autres témoins que nous avons entendus aujourd'hui conviendraient certainement du fait qu'il s'agit d'une menace continue et actuelle, pour laquelle il nous faut faire preuve de vigilance.
Madame Cheung, dans votre témoignage, vous avez fait des commentaires très généraux et, pour être franche, j'ai trouvé cela beaucoup moins utile. Le fait de nous parler d'une vision du monde ne nous aide pas nécessairement pour ce projet de loi, ni d'ailleurs le fait de dire qu'il mine la démocratie et les idéaux que nous cherchons tous à protéger.
Selon moi, cela fait ressortir le fait qu'aujourd'hui, nous avons vu les résultats d'un sondage annuel réalisé en 2012 auprès de quelque 97 pays par le World Justice Project. Le Canada a encore une fois obtenu de très bons résultats, supérieurs à la moyenne, et s'est classé dans les meilleurs pays du monde pour ce qui est de la primauté du droit.
Je pense que nos systèmes ici ne sont pas du tout minés par des mesures législatives comme celle-ci, et notre pays continue d'être considéré comme un chef de file sur la scène mondiale. Un rapport publié il y a quelques mois par un groupe d'experts internationaux indique que le Canada est le meilleur pays du monde pour les femmes, en partie grâce à nos pouvoirs législatif et judiciaire, qui protègent les femmes et les minorités dans ce pays.
En ce qui concerne votre témoignage, madame Des Rosiers, vous avez également parlé du renvoi, en juin 2004, lié à l'affaire Air India. En vertu de l'article 83.28 du Code criminel, dans l'affaire de 2004, la Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité des investigations.
Vous avez mentionné que si une personne témoigne lors de ces investigations, son témoignage est protégé et ne peut être utilisé contre elle dans le cadre de poursuites criminelles, mais pas dans d'autres situations. Selon ce que je comprends de la lecture de cette affaire de la Cour suprême du Canada, en fait, cette protection est accordée dans le cas des témoignages utilisés contre la personne tant dans les audiences administratives que les audiences en matière d'extradition.
De plus, pour ce qui est du renvoi au Vancouver Sun la même année, la Cour suprême du Canada a statué qu'il y avait présomption que ces audiences d'investigation seraient publiques. Il faut savoir qu'un juge, en vertu de ces dispositions, pourrait dire que ces audiences seront tenues en privé, à sa discrétion, et je pense que ce serait habituellement pour assurer la sécurité de la personne. Mais cet élément est certainement présent dans cette décision.
À notre avis, si vous interprétez cette décision de cette façon, vous devriez le mettre dans la loi, car c'est le danger, en fait, de transformer le...
Je veux dire que...
Mais la décision ne le dit pas; elle le sous-entend. Elle dit que nous allons l'interpréter comme accordant cette protection, ce qui...
[Note de la rédaction: inaudible]... c'est ce que cela signifie. La Cour suprême du Canada est la plus haute cour de notre système judiciaire. Si la Cour suprême du Canada dit que c'est ainsi qu'elle va l'interpréter, alors cela vaut pour toutes les cours d'instance inférieure et pour la Cour suprême du Canada elle-même.
Oui, c'est certainement vrai. Je dis que dans l'intérêt de la population canadienne, je pense que votre travail, en tant que parlementaires, consiste à vous assurer que cet enseignement ne sera pas perdu. Selon moi, vous devriez faire en sorte que ce soit dans le projet de loi. Cela en augmente la transparence et...
Je comprends ce que vous dites, mais c'est une opinion selon laquelle cela devrait être codifié. C'est votre opinion, et je la respecte. Mais en fait, au Canada, notre droit est composé de la common law et de la codification, et c'est la loi actuelle telle qu'elle est énoncée par la Cour suprême du Canada.
Je pense qu'il faut déterminer si le rétablissement de la disposition nécessitera une clarification judiciaire. Pourquoi ne pas empêcher que cela n'aille encore jusque là?
Mme Kerry-Lynne D. Findlay: Je comprends votre point de vue.
Mme Nathalie Des Rosiers: Nous pouvons accepter de ne pas être d'accord au sujet de ce qui est nécessaire ici, mais...
Loin de moi l'idée de dire à la Cour suprême du Canada qu'elle ne pense pas ce qu'elle dit.
Madame Cheung, vous avez témoigné relativement au projet de loi C-17 — un projet de loi similaire — le 10 février 2011. Vous avez dit, et je vous cite:
Telle qu'elle est rédigée actuellement... la disposition sur les investigations... ouvre la porte à des abus juridiques.
En voilà une nouvelle version, et lorsque le ministre Nicholson, notre ministre de la Justice, a témoigné devant le comité le 19 novembre dernier, il a parlé des nombreuses mesures de protection, notamment: (i) que le consentement préalable du procureur général du Canada, ou du procureur général ou solliciteur général de la province, sera requis avant qu'un agent de la paix ne puisse présenter une demande d'investigation; (ii) il devra exister des motifs raisonnables de croire qu'une infraction de terrorisme a été commise ou sera commise; (iii) le juge devra être convaincu que des efforts raisonnables ont été déployés pour obtenir par d'autres moyens les renseignements sur des infractions de terrorisme passées ou éventuelles; (iv) le projet de loi précise que l'article 707 du Code criminel, qui fixe la période maximale de détention d'un témoin, s'applique à une personne arrêtée sur la foi d'un mandat et détenue pour garantir sa comparution lors de l'investigation; (v) le témoin a le droit d'engager un avocat et de lui donner des instructions en tout état de cause; (vi) une personne peut refuser de répondre aux questions ou de remettre une chose dans la mesure où cela irait à l'encontre du droit canadien applicable en matière de privilèges ou de non-communication de renseignements protégés; (vii) les procureurs généraux fédéral et provinciaux seront tenus de présenter un rapport annuel sur le recours aux dispositions relatives à l'investigation; (viii) ce rapport annuel comprendra une exigence additionnelle prévoyant que le procureur général du Canada et le ministre de la Sécurité publique énonceront leur opinion, étayée par des motifs, quant à savoir si ces dispositions devraient rester en vigueur.
Autrement dit, la population canadienne et le Parlement ont continuellement accès à des éléments qui démontrent de quelle façon on y a recours.
Selon vous, les mesures de protection que j'ai énumérées sont-elles importantes?
Je crois que ces mesures de protection sont très importantes. Je dois admettre que vous vous souvenez mieux que moi de mon dernier témoignage, mais je crois que lorsque j'ai parlé des abus juridiques possibles, je faisais allusion à ce que Mme Des Rosiers a souligné, soit que la Cour suprême du Canada a conclu que les dispositions relatives à l'investigation étaient constitutionnelles, oui, mais seulement après une interprétation de ce qui n'était pas dans la loi.
Donc, quand j'ai dit que ce qui me préoccupait, c'était la possibilité d'abus juridiques, je parlais de mauvaise application, comme vous le soulignez, sur le plan de la common law, car cela n'a pas été adéquatement codifié dans ce projet de loi...[Note de la rédaction: inaudible]... la décision précédente.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'être ici. Je comprends que vous tentez de vous assurer que le projet de loi S-7 est solide et conforme à la Constitution, entre autres, et que vous soulignez ces éléments, auxquels de nombreuses personnes prêteront attention, dont celles qui ont rédigé le projet de loi, pour en assurer la constitutionnalité et tout le reste.
Je trouve très intéressant le travail que vous faites toutes les deux, et je voudrais vous poser une question un peu bizarre. L'une de vous a-t-elle déjà subi une perte tragique dans sa famille?
C'est difficile, lorsqu'on écoute les gens qui ont été touchés par la tragédie d'Air India... et les problèmes qui nous indiquent clairement qu'il y a des activités terroristes dans notre pays. Autant nous aimons bien... je pense que le Canada est encore un peu naïf à certains égards, et en particulier lorsqu'il est question de terrorisme.
Je considère donc ce projet de loi comme un autre moyen de renforcer notre pays, en reconnaissant qu'il y a des gens qui ne pensent pas nécessairement la même chose, mais je crois qu'il doit y avoir un équilibre entre le fait de donner aux agents compétents au Canada les outils nécessaires pour faire le travail requis et la certitude qu'ils n'abuseront pas de ce pouvoir. Même si nous savons que cela se produit parfois, ils doivent avoir les outils dont ils ont besoin pour assurer notre sécurité.
Je comprends quand vous parlez d'une mesure législative plus rigoureuse et plus efficace, mais il est simplement difficile de penser que vous seriez davantage préoccupées par certaines questions qui touchent les gens ayant manifestement un intérêt à causer plus de terreur et de ravages dans notre pays que par d'autres questions.
Je veux vous donner à toutes les deux l'occasion de répondre. Je suis sûre que vous voudrez clarifier cela.
Je pense que l'engagement que nous devrions prendre à l'égard et des victimes, et des contrevenants, c'est de respecter l'équité et la Constitution, et de nous assurer que la vérité est l'objectif ultime. L'équité, la légitimité du système — la façon dont les gens collaboreront, en sachant qu'ils ne seront pas traités injustement, qu'il y a des mécanismes de reddition de comptes et un cadre suffisants à ce chapitre —, c'est ce qui me rassure. C'est la raison pour laquelle je travaille à l'ACLC.
Je crois qu'effectivement, cette opposition entre les victimes et les contrevenants est la mauvaise façon de présenter les choses. Je crois que les deux profiteraient d'un système juste, véridique et rigoureux. C'est notre seule garantie.
Ce qui nous préoccupe au sujet du projet de loi S-7, c'est qu'en un sens, ces dispositions ne sont pas les outils les plus efficaces et qu'elles n'ont pas été en vigueur au cours des cinq dernières années. Elles ont été utilisées une fois au cours des cinq premières années. À mon sens, il est plus légitime et avantageux d'utiliser la voie traditionnelle du droit criminel, car le droit criminel a fait ses preuves. Nous savons ce qu'il peut faire. Nous savons ce qu'il permet. Il inspire confiance aux gens. Voilà pourquoi je pense que c'est une meilleure solution que la création de mesures exceptionnelles.
Puis-je ajouter une dernière chose?
Oui, désolée; je voulais simplement dire que l'un des points qui ne figurent pas dans le cadre de responsabilisation... et je suis tout à fait de l'avis de la BBCLA sur ce point. Je serai heureuse de remettre au comité l'évaluation que nous avons faite du projet de loi de la GRC qui, côté responsabilité, ne répond pas complètement à certaines questions de Maher Arar. Si vous demandez des pouvoirs accrus, vous devriez avoir des responsabilités accrues. Je crois que c'est une bonne façon de procéder dans une démocratie.
Enfin, vous devriez demander non seulement comment il a été utilisé, comme l'a mentionné le ministre, mais aussi quels en sont les effets. A-t-on menacé de l'utiliser? En réalité, les gens seront forcés de parler aux agents de police concernant le... au fond, qu'ils seraient menacés d'une mesure restrictive ou d'une audience d'investigation. Alors c'est en demandant simplement « L'a-t-on utilisé ou pas? » que l'on influe sur le maintien de l'ordre.
Quand Nathalie passe la première, cela signifie, en gros, qu'elle dit tout ce que je veux dire, mais en mieux.
Je me préoccupe de cette dichotomie entre les victimes et les contrevenants et toutes les personnes qui se trouvent entre les deux. Je ne crois pas que nous essayions de rendre le Canada moins sécuritaire — loin de là. Nous nous préoccupons de la sécurité canadienne. Cela dit, nous nous préoccupons aussi de veiller à ce que nos politiques et nos pratiques en matière de sécurité nationale soient efficaces. Dans une large mesure, nous nous inquiétons du fait que ces deux dispositions ne soient pas aussi efficaces qu'elles pourraient le sembler de prime abord. Voilà pourquoi nous sommes venues aujourd'hui. Nous voulons soulever nos préoccupations et parler de ce qui s'est passé dans d'autres pays qui ont beaucoup plus l'expérience des questions comme celle-là.
Merci, madame Sgro, de nous donner un peu de temps.
Je voulais donner à Mme Cheung la chance d'intervenir dans la conversation entre Mme Findlay et Mme Des Rosiers. Il s'agit d'une différence théorique et juridique entre rendre explicite un point qui, à votre connaissance, se trouve déjà dans la common law ou entre estimer que la common law, telle qu'elle est interprétée par la Cour suprême, est suffisante.
Je suis ravi d'entendre que l'on convient que la Cour suprême a fixé des paramètres que nous intégrerions à cette disposition. Il ne s'agit pas que des termes explicites de la procédure pénale. Mais j'ai tendance, je suppose, à codifier, à vouloir que cela soit explicité.
Je me demandais si vous pouviez nous donner votre point de vue sur ce point.
Au risque d'être simpliste, je dirais que si la Cour suprême nous a déjà dit ce que la loi devrait être, alors c'est comme cela que nous devrions construire nos lois.
Je suis d'accord avec Mme Des Rosiers qu'il n'est pas très efficace pour nous de débattre de nouveau de cette question pour déterminer que c'est la façon dont la loi devrait être interprétée. Nous acceptons que pour qu'elle soit constitutionnelle, nous devons prévoir des mesures de sécurité, alors je crois qu'il est prudent, et judicieux, de la codifier au lieu de nous tourner vers la common law pour les utiliser en tandem.
D'accord.
Encore une fois, je pense que le compte rendu de notre séance d'aujourd'hui sera très important à l'avenir et il pourrait, je l'espère, éviter un litige s'il est adopté tel quel.
Je suis reconnaissante à Mme Findlay d'avoir fait remarquer que la Cour suprême avait déjà examiné la version précédente. Cela aide, si nous ne la rendons pas explicite.
J'ai une autre question. Au Sénat, le ministre de la Justice, M. Nicholson, a fait directement référence à la disposition concernant l'audience d'investigation comme étant une méthode pour obtenir des éléments de preuve sur cette nouvelle infraction pour les personnes qui quittent le pays. Implicitement, je crois qu'il doit vouloir parler de s'adresser à la famille, aux voisins, à la collectivité, peut-être aux jeunes qui sont sous surveillance ou qui sont une source de préoccupations.
Je me demande simplement si je pourrais vous donner à toutes les deux l'occasion de parler du lien qui existe entre l'audience d'investigation et la preuve que quelqu'un a quitté le pays, car sans preuve vraiment solide, je crains que la disposition ne fasse que perturber.
Je comprends le ministre, en ce sens que cela pourrait dégager les éléments de preuve adéquats, mais il faudrait recourir aux audiences d'investigation pour ce faire.
Qu'en pensez-vous?
Je dirais deux ou trois choses concernant ces dispositions. Premièrement, comme vous le savez, la définition d'activité terroriste est entre les mains de la Cour suprême, qui essaie de déterminer si elle est ou non trop vaste. Lorsque vous lisez les dispositions, elles sont quelque peu ambiguës, quelque peu vagues, ce qui, selon moi, fera qu'elles seront difficiles à prouver.
Je crois comprendre que ce que le ministre envisage est que, par exemple, la mère d'un jeune homme soit appelée à comparaître devant un juge pour dire ce qu'elle sait de ses intentions, et sur cette base, une accusation soit ensuite portée. Je pense que c'est l'une des choses que l'on craint au sein des collectivités, qu'on les force à faire des choses que l'on n'exigerait pas normalement d'autres personnes au Canada. Vous n'êtes pas obligé de parler à la police, et nous estimons que cela est... les gens le font; les gens le font souvent; mais c'est au cas par cas.
Nous vivons ainsi depuis longtemps puisque nous avons atteint de nombreux seuils etc., et cela ne change la donne que pour une seule collectivité en particulier, vraisemblablement, et je crois que cela devrait nous préoccuper. Cela soulève un peu la question des coûts sociaux, pas seulement pour les victimes, mais aussi les victimes indirectes, les personnes injustement ciblées et autres.
Je réitère le besoin, si vous voulez, de continuer à faire les travaux à venir... je pense que la surveillance de l'ASFC devrait faire partie du lot. Si l'on vise à rassurer les Canadiens que l'on prend des mesures de contre-terrorisme appropriées, je crois que vous avez le devoir d'exiger un bon cadre de responsabilisation pour tous les acteurs.
Merci beaucoup. C'est tout le temps que nous avions.
Pour terminer la journée, nous allons donner la parole à M. Norlock.
Monsieur Norlock, vous auriez normalement cinq minutes. Il semblerait que vous n'en ayez que trois ou quatre.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins d'être venus.
Lorsque nous arrivons au stade où nous entendons le témoignage des victimes, j'ai normalement besoin de parler à mes électeurs, par l'intermédiaire du comité, et aux victimes, et de poser des questions aux témoins. J'ai entendu les témoins précédents et actuels parler de tous les droits que nous avons comme personnes au Canada, mais l'un des principaux droits dont nous jouissons — le premier de nos droits — est celui de vivre. Comme les premiers témoins nous l'ont dit, les terroristes privent les gens de leur droit de vivre. Non seulement ils les privent de ce droit, mais ils privent aussi les victimes du droit d'association avec les gens qui ne sont plus de ce monde.
Pour ce qui est des points dont nous discutons, au cours de mes six années au comité, nous avons constamment entendu les témoignages de divers groupes de défenseurs des libertés civiles, qui n'ont jamais, à ma connaissance, été d'accord avec la grande majorité des projets de loi que notre gouvernement a déposés. Ils nous apaisent en disant qu'ils sont d'accord avec les questions fondamentales, mais en particulier, ils disent non, ça n'est pas tout à fait bien.
Mais lorsque nous parlons des témoins actuels, j'ai bien vu que M. Gupta les entend parler des personnes qui ont été incarcérées, aux frais de notre société, a-t-il dit, à hauteur de 100 000 à 140 000 $ par année — je crois qu'il a parlé de 60 000 $, mais que quelqu'un l'a corrigé. Cependant, il dit que pendant l'affaire de l'attentat contre un avion d'Air India, il n'a pas eu connaissance qu'un défenseur des libertés civiles soit venu s'adresser aux victimes. Quelque 300 personnes ont été tuées, mais les parents qui pleurent leur perte n'ont jamais eu la visite de défenseurs des libertés civiles désireux de défendre leurs droits.
Les témoins nous ont aussi dit que nous devrions nous concentrer sur la réadaptation. En fait, le projet de loi à l'étude offre une possibilité de réadaptation en permettant à une mère, un parent, un ami ou un citoyen qui voit que quelqu'un s'apprête à commettre un acte de terrorisme de comparaître devant le juge à l'audience, et un engagement est prévu pour les personnes à la maison. L'engagement peut avoir un volet de réadaptation de sorte que, dans les faits, le projet de loi donne la possibilité de réadapter.
Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
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