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Monsieur le Président, je suis heureux de participer à ce débat sur la Loi sur la tenue de procès criminels équitables et efficaces, ou projet de loi , qui traite de la question des mégaprocès et de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le phénomène des mégaprocès. Ces mégaprocès supposent généralement un très grand nombre d’éléments de preuve complexes, de nombreuses accusations à l’endroit d’un grand nombre d’accusés, l’obligation de convoquer beaucoup de témoins, enfin de multiples motions sur des questions de droit, de preuve, de recours — généralement la constitutionnalisation de lois criminelles se manifeste ainsi —, sans oublier les rôles interconnectés de la police, de la Couronne, des avocats de la défense, des jurés — et n’oublions pas que ce ne sont pas tous ces procès qui se font devant jury — ainsi que le juge qui préside le procès et le juge responsable de la gestion de l’instance. Ces procès sont devenus extrêmement prenants et le système judiciaire actuel accuse un arriéré. Les temps d’attente sont trop longs et les risques d’annulation de procès sont accrus.
Les personnes les plus touchées au sein du système de justice affirment depuis longtemps que le gouvernement et le Parlement doivent effectuer une réforme et rationaliser le processus, en collaboration avec d’autres intéressés, afin que nous puissions corriger la situation, car ce qui est en cause n’est plus l’administration équitable et efficace de la justice, mais l’intégrité du système de justice lui-même.
Cela fait quelque temps déjà que les tribunaux eux-mêmes et les responsables de ces tribunaux expriment leurs inquiétudes à l'égard de ce problème. Par exemple, dans le discours, intitulé « Les défis auxquels nous faisons face » qu'elle a prononcé à l'Empire Club le 8 mars 2007, la juge en chef McLachlin a affirmé que, dans un passé récent, les procès pour meurtre duraient habituellement cinq à sept jours, et que désormais ils durent cinq à sept mois. Elle décrivait ces changements comme une « source de problèmes urgents aux coûts incalculables ».
Dans un discours similaire, intitulé « Le rôle des juges », qu'il a prononcé le 13 avril 1995, également à l'Empire Club, l'ancien juge en chef Antonio Lamer a décrit la complexité et la prolixité de la procédure juridique comme étant « notre plus grand défi » qui, s'il n'est pas surmonté, pourrait rendre le système de justice « simplement inutilisable ». Nous ne pouvons pas faire fi de ces paroles.
Dans un jugement unanime rendu par la Cour suprême du Canada en 2005 concernant une affaire particulièrement complexe d'écoute électronique, la Cour suprême s'est appuyée sur une décision rendue par le juge Finlayson de la Cour d'appel de l'Ontario en 1992, dont voici un extrait:
Si nous, les tribunaux, ne réussissons pas à trouver une façon de sortir le processus judiciaire criminel du bourbier procédural, digne de l'époque de Dickens, dans lequel il s'est enfoncé, le public se détournera du système de justice accusatoire qui a été traditionnellement le nôtre.
Il aurait pu ajouter — et cela a été fait depuis — que le public perdra confiance dans l'administration, voire l'intégrité, de l'appareil judiciaire.
Lorsque j'étais ministre de la Justice, j'ai collaboré avec mes homologues provinciaux et territoriaux qui ont non seulement exprimé des préoccupations similaires, mais ont essayé de mettre en oeuvre les mesures dont nous débattons aujourd'hui, au moyen d'un projet de loi sur l'équité et l'efficacité des procès. Mon collègue, Jacques Dupuis — le ministre de la Justice et de la Sécurité publique du Québec de l'époque —, et moi avons travaillé sur cette initiative avec nos homologues.
Ces préoccupations ont également été exprimées dans le communiqué de presse publié au terme de la réunion, tenue le 15 novembre 2007 à Winnipeg, des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique, dont voici un extrait:
Les ministres ont accepté les recommandations des fonctionnaires visant à améliorer la façon de mener les procès complexes de grande envergure. Les fonctionnaires recommandaient, entre autres, de modifier la loi afin de réduire la possibilité de procès nuls et de régler certaines des difficultés associées à la gestion des méga-procès.
Au moment de nous pencher sur le projet de loi dont nous sommes saisis, il est important de tenir compte du contexte et des causes qui nous ont amenés où nous en sommes. La compréhension de ces causes et du contexte nous permettra non seulement de mieux saisir la raison d'être de cette mesure législative, mais également la manière dont le Parlement doit l'aborder, notamment lors de l'étude en comité.
En bref, quatre événements importants ont contribué à transformer le procès criminel moderne qui, du bref et efficace examen sur la question de culpabilité ou d'innocence qui avait cours dans les années 1970, est devenu le processus long et complexe qui est décrit et, bien sûr, critiqué dans les déclarations dont j'ai fait mention plus tôt.
Voici les quatre événements marquants et le contexte dans lequel ils s'inscrivent. Premièrement, l'adoption de la Charte des droits et libertés qui a transformé nos lois, si ce n'est nos vies, et au sujet de laquelle le juge en chef Lamer a dit qu'elle avait provoqué une révolution constitutionnelle au Canada.
Deuxièmement, la réforme du droit de la preuve par la Cour suprême du Canada.
Troisièmement, l'ajout de nombreuses nouvelles dispositions complexes au Code criminel et à d'autres lois connexes.
Quatrièmement, certains phénomènes sociaux incontournables, notamment la recrudescence des réseaux criminels organisés et les poursuites intentées contre ceux-ci dans les années 1990 ainsi que les répercussions immédiates des attentats du 11 septembre et l'adoption de mesures législatives antiterroristes et la modification connexe de nombreuses lois.
Je parlerai brièvement de chacune de ces causes pour mettre en contexte la mesure législative dont nous sommes maintenant saisis.
Le premier événement déterminant a été la constitutionnalisation du droit criminel et de la procédure pénale avec l'adoption de la Charte des droits et libertés. Par la Charte, on a formulé des droits qui existaient depuis longtemps, on en ajouté de nouveaux, et surtout, on a créé un nouvel ensemble de recours. Ces droits et recours figurent aux articles 7 à 14 de la Charte.
Ces droits et recours ont instauré un nouveau code constitutionnel de procédure pénale. Ces changements ont inévitablement mené à un large éventail de motions de nature procédurale qui n'existaient pas auparavant, afin de mettre à exécution les droits et recours désormais garantis par la Charte.
Ces motions étaient complexes, sur le plan tant des faits que du droit, et il fallait consacrer davantage de temps pour les entendre et les trancher. Par conséquent, les procès criminels sont devenus plus complexes et plus longs.
Je pourrais citer de nombreux cas en exemple, mais je n'en retiendrai qu'un seul, qui provient directement du rapport LeSage-Code. Il s'agit du cas de Fatima Khan, dans lequel les deux accusés auraient tué et démembré leur jeune enfant. Le procès lui-même s'est déroulé relativement rapidement et n'a nécessité que 35 jours d'audience. L'enquête préliminaire avait duré sept jours.
Ce qu'il faut retenir de tout ça, c'est que les motions préalables à l'instruction, qui résultent de la constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure, ont allongé le processus de deux ans et demi, la plupart d'entre elles portant sur des questions relatives à la Charte.
Le deuxième événement marquant qui a inévitablement contribué aux procès longs et complexes de l'ère moderne a été la décision de la Cour suprême du Canada de procéder à des réformes en profondeur du droit de la preuve. Ces réformes ont eu pour effet général, comme le souligne le rapport LeSage-Code, d'élargir en quelque sorte la portée de l'admissibilité en remplaçant l'ancienne approche fondée sur des règles de common law par une approche beaucoup plus souple fondée sur des principes.
Là encore, je pourrais citer de nombreux exemples, mais je vais me limiter à un seul, faute de temps. La règle de ouï-dire a été modifiée de façon importante, de sorte que certaines déclarations hors cour qui n'auraient jamais été admissibles sous l'ancien régime le sont maintenant devenues. De façon similaire, le test du « caractère volontaire » des confessions a été modifié lui aussi.
Ces modifications importantes au droit de la preuve ont, tout comme la constitutionnalisation du droit pénal et de la procédure, entraîné leur propre cortège de motions, en plus des nouvelles motions fondées sur la Charte. Ces motions concernant l'admissibilité de la preuve en common law étaient désormais caractérisées par une plus grande souplesse que sous l'ancienne approche fondée sur des règles.
Ce qui m'amène au troisième événement marquant, c'est-à-dire à la suite ininterrompue de modifications législatives réalisées au cours de la même période que les élargissements des recours fondés sur le droit de la preuve et sur la Charte, mentionnés précédemment. Au cours des 20 dernières années, le Parlement a constamment modifié et ajouté à l'ensemble des dispositions du Code criminel, de la Loi sur la preuve au Canada, de l'ancienne Loi sur les jeunes contrevenants et de la nouvelle Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
On n'en parle pas souvent, mais le Code criminel fait maintenant le double environ de ce qu'il était il y a 30 ans. La nouvelle loi est complexe, mal connue, inéprouvée, et elle a entraîné elle aussi d'interminables nouvelles procédures.
Enfin, une partie de la nouvelle législation a été adoptée en relation avec un phénomène social des 20 dernières années, et on l'a développée d'une manière législative et judiciaire. Je parle en particulier de la violence liée aux gangs qui a commencé à augmenter dans les années 1990, surtout au Québec, qui a maintenant fourni un élément déclencheur pour le règlement plus immédiat de cette question aujourd'hui, dont vient de parler mon collègue, et les nouvelles dispositions sur les organisations criminelles du Code criminel qui ont été ajoutées à ce moment-là.
De la même manière, on a créé un grand nombre de nouvelles infractions et de nouvelles procédures concernant à la fois le droit, la preuve et les considérations constitutionnelles, ainsi que les recours résultant de l'adoption des lois antiterroristes.
On peut voir que les cours pénales ont dû absorber, en un mot, une explosion presque continue de nouvelles lois et de nouveaux recours liés à la Charte, de nouveaux principes de la preuve en common law, de nouvelles procédures législatives et de nouvelles infractions, et qu'elles ont dû faire face à de nouveaux phénomènes sociaux au cours des 20 à 30 dernières années. Alors, dans ces circonstances, il n'est pas du tout étonnant que ce qu'on appelait les procès criminels courts, simples et assez efficaces des années 1970 ont été remplacés par les procès criminels longs, complexes et souvent inefficaces du XXIe siècle.
J'aimerais que l'on ne déduise pas à tort de mes observations que je suis contre ces développements. J'ai appuyé l'avènement de la Charte canadienne des droits et libertés et la constitutionnalisation qu'elle comporte concernant le droit, la procédure et les recours en matière criminelle. J'ai appuyé les initiatives découlant de l'étude par la Cour suprême de notre droit de la preuve. Les développements touchant le Code criminel, dont j'ai parlé, étaient eux-mêmes nécessaires et le phénomène social dont j'ai parlé devait lui aussi amener ces changements et ces réformes nécessaires touchant la procédure, la preuve et les recours en matière juridique.
Ce qu'il faut comprendre, toutefois, c'est que la convergence de ces quatre grands développements transformationnels dont j'ai parlé, durant une période précise de notre histoire récente, a imposé un fardeau énorme, particulièrement au système juridique et, au sein de ce dernier, surtout aux cours pénales.
Je vais maintenant parler de certaines des considérations qui ont découlé de ces quatre événements transformationnels qui, dans les faits, ont révélé ou exacerbé certaines faiblesses dans notre système juridique. Je vais décrire simplement trois tendances plutôt généralisées ou culturelles, dont a traité le rapport LeSage-Code, qui ont elles-mêmes empiré et qui ne sont pas sans être liées à ces quatre événements causaux transformationnels, et que l'on doit également garder à l'esprit alors que nous nous apprêtons à créer un système de justice pénale plus équitable et plus efficace pour faire face à ce phénomène des mégaprocès.
La première grande observation culturelle, comme l'indique le rapport LeSage-Code, est que les nouveaux recours prévus par la Charte, le nouveau droit de la preuve, les motions et les procédures prévues par la loi, etc., c'est-à-dire tout ce qui a été résumé ci-dessus, ont un point en commun. En général, ils nécessitent des étapes préparatoires au procès, en particulier l'élaboration de motions détaillées préalables à l'instruction, ce qui a pour effet de retarder et de compliquer les procès.
Le deuxième grand phénomène culturel qui semble avoir surgi de la période intense de réforme du droit résumée ci-dessus est que le système est devenu à la fois sujet à l'erreur et effrayé à l'idée de se tromper, ce qui est ironique. En un mot, l'avalanche de nouvelles procédures juridiques complexes, qu'elles proviennent de la Charte, de modifications apportées au Code criminel ou de la réforme du droit de la preuve, a créé un système comportant de trop nombreux objets de décisions difficiles et nuancés. Par conséquent, il n'est guère surprenant que des erreurs soient commises dans ce nouvel environnement juridique. En même temps, cela a rendu les juges et les avocats plus prudents et craintifs en raison de cette tendance à commettre des erreurs. Cette réaction a donc également contribué à prolonger indûment les procès. En fait, cela laisse entrevoir la nécessité de nommer des juges réellement compétents qui seront en mesure de gérer efficacement ces instances, surtout à l'étape préalable au procès, et souligne l'importance de disposer d'un juge responsable de la gestion de l'instance, une réforme que le projet de loi prévoit.
Le troisième et dernier des grands changements culturels que je souhaite mentionner — bien que je n'aie pas le temps de m'étendre sur le sujet, je pense qu'il importera à beaucoup de gens — est la forte croissance de l'animosité et de l'acrimonie entre avocats durant ces instances, un phénomène que le rapport LeSage-Code a exposé et expliqué en détail. En un mot, ce phénomène même a pour effet de prolonger les procès, car l'augmentation des affrontements personnels a tendance à rendre les procès plus acrimonieux et à réduire le nombre de questions réglées par le processus juridique ou hors cour. Donc, ici aussi, tous les intervenants ont un rôle à jouer en vue d'inciter le pouvoir judiciaire à insister sur le respect de normes de courtoisie plus strictes dans ses tribunaux. Les divers barreaux doivent jouer un rôle disciplinaire décisif dans ce domaine, et les sociétés d'aide juridique doivent exécuter le mandat que la loi leur a confié en accordant des certificats aux avocats qui offrent des services juridiques efficaces, efficients et de haute qualité.
En guise de conclusion, permettez-moi de parler de quelques-unes des dispositions du projet de loi en tant que tel. Tout d'abord, je vais examiner la définition du mot « mégaprocès ». Même si cette mesure législative a pour raison d'être les mégaprocès complexes, elle ne définit pas ce qui constitue un mégaprocès. Comme l'a souligné récemment l'Association du Barreau canadien dans ses commentaires sur ce projet de loi, l'article 551.1 proposé permettrait à l'une ou l'autre des parties ou à la cour de demander que soit nommé un juge responsable de la gestion de l'instance, peu importe le degré de simplicité de l'affaire. Cette absence de définition précise risque d'entraîner un recours abusif à ce genre de demandes et de nominations. Cela pourrait alors imposer un fardeau excessif aux ressources judiciaires et donner lieu à des cas pour lesquels il n'est pas nécessaire de nommer un juge responsable de la gestion de l'instance, comme le prévoit le projet de loi.
Si j'avais eu plus de temps, j'aurais parlé d'autres aspects, qui sont les suivants. Le premier, c'est la nécessité de nommer un juge à titre de juge responsable de la gestion de l'instance. Comme la et mes collègues ont parlé de la définition des pouvoirs de ce juge, je ne m'attarderai pas sur ce sujet. Je me contenterai de dire que le juge responsable de la gestion de l'instance et le juge du procès doivent travailler en étroite collaboration.
Deuxièmement, le projet de loi simplifie le recours aux actes d'accusation directs et prévoit la prise d'effet ultérieure d'une ordonnance rendue pour la tenue de procès distincts en ce qui concerne les recommandations à cet égard. Troisièmement, il y a la proposition de renforcer la protection des jurés et d'en augmenter le nombre maximal. Cette question devra aussi être examinée en comité. Enfin, il faut tenir compte de la question de l'avortement de procès.
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Monsieur le Président, comme c'est le premier discours que je prononce à la Chambre, je voudrais d'abord remercier les gens d'Ahuntsic de m'avoir renouvelé leur confiance pour un troisième mandat. Je peux les assurer que je ferai ce que j'ai toujours fait: j'en serai digne. C'est avec grande fierté que je les représenterai ici. Je remercie aussi les membres de ma famille qui m'ont toujours soutenue tant dans les campagnes électorales qu'au cours de mes nombreux mandats. Comme on le sait, pour faire de la politique quand on est une femme et qu'on a des enfants, il faut toujours avoir un bon mari et une bonne maman. Finalement, je tiens à remercier toute mon équipe, le comité électoral et les bénévoles, ainsi que les membres du Bloc québécois, qui ont travaillé de manière admirable durant cette dernière élection.
Avant de parler du projet de loi , je souhaite dire à la population de ma circonscription et à tous les Québécois, ces 24 p. 100 de femmes et d'hommes qui ont choisi le Bloc québécois, que je m'efforcerai, avec mes collègues, de faire entendre leur voix en cette Chambre et de défendre leurs intérêts. Je m'efforcerai également de tisser les liens de solidarité nécessaires pour permettre à notre peuple de devenir ce qu'il doit être, c'est-à-dire une nation maître de son destin avec tous les pouvoirs nécessaires tant à son épanouissement économique que social et culturel.
Le projet de loi est essentiellement la reprise de l'ancien projet de loi de la législature précédente. Les députés du Bloc québécois étaient en faveur de ce projet de loi, et il est évident que nous le serons encore, d'autant plus qu'on constate toute l'importance des mégaprocès. Au Québec, nous avons la particularité d'avoir beaucoup de ces mégaprocès. Dernièrement, il y a encore eu plusieurs arrestations dans des réserves autochtones.
J'aimerais d'abord apporter une précision. Le projet de loi en question respecte les compétences du gouvernement du Québec en matière de justice. Quant à nous, il n'y a pas d'empiètement dans les champs de compétence. Ce projet de loi veut mettre en place plusieurs mesures pour simplifier la tenue des mégaprocès, dont les suivantes: simplifier le recours aux actes d'accusation; renforcer la protection de l'identité des jurés, ce qui est très important, car dans ce genre de procès, les criminels ont très souvent tendance à exercer de l'intimidation; augmenter le nombre maximum de jurés; prévoir que certaines décisions demeurent valides même s'il y a avortement du procès en question. Un des points majeurs du projet de loi, c'est la nomination d'un juge spécifiquement responsable de la gestion du mégaprocès en cours.
Toutefois, ce projet de loi ne répond pas à une des critiques du juge Brunton, qui a libéré, le 31 mai dernier, 31 motards criminalisés, faute de pouvoir les juger dans un temps opportun. C'est assez discutable. Le message qu'on passe aux criminels, c'est de venir au Québec, car, comme on n'a pas assez d'argent et de moyens pour les juger, ils seront libérés. Par exemple, dans l'opération SharQc, qui a coûté des millions de dollars en opérations policières, 31 motards ont été libérés. C'est assez aberrant.
L'une des critiques fondamentales du juge Brunton a trait au manque criant de juges à la Cour supérieure. Or les nominations de la Cour supérieure sont faites par le gouvernement fédéral. Selon nous, il serait temps de libérer tant le gouvernement du Québec que les autres gouvernements provinciaux de la dépendance quasi coloniale à l'égard de la nomination des juges à la Cour supérieure. En cette matière, le Québec n'est pas maître chez lui, ainsi que les autres provinces; cela s'applique à tout le monde. En conséquence, le gouvernement fédéral est directement responsable du désastre de la libération des 31 motards, le 31 mai dernier.
À cet égard, les politiciens fédéralistes de la Chambre sont, quant à nous, muets à cet égard. N'éprouvent-ils pas un certain malaise à maintenir la dépendance des provinces en cette matière, et ce, même si la nomination des juges par le fédéral relève d'un autre temps, quasi colonial?
Si le jugement Brunton est maintenu en appel, le gouvernement du Québec, et particulièrement son ministre de la Justice, devront être tenus responsables du désastre judiciaire du 31 mai dernier puisqu'ils ont la responsabilité de s'assurer qu'il y a suffisamment d'avocats et de ressources pour que les procès se déroulent dans un délai raisonnable.
Toutefois, il est évident, dans les faits, que le gouvernement québécois ne possède pas encore tous les outils pour être totalement maître du déroulement de la justice en ses terres, puisque son ministre de la Justice se trouvait dernièrement dans une position où il devait presque quémander l'appui de tous les parlementaires, jusqu'au dernier, pour l'adoption rapide du projet de loi .
On constate ici la dépendance du gouvernement du Québec pour régler l'administration de sa justice sur son territoire, alors qu'il devrait, selon nous, être totalement responsable dans ce dossier. Je le répète, cette dépendance est illustrée de manière irréfutable dans la nomination des juges par le gouvernement fédéral. Est-il besoin, pour que le Canada existe, que de tels rapports soient maintenus? Serait-il possible de se libérer un jour de ces rapports contre-productifs qui devraient appartenir à un autre temps?
La majorité de mes collègues de la Chambre souhaitent que le Québec demeure dans le Canada. Mais ne pourraient-ils pas, quelques secondes ou quelques minutes, imaginer un Canada où il y aurait plus de respect pour les nations, notamment pour le peuple du Québec qu'ils prétendent reconnaître comme une nation dans un Canada uni?J'aimerais d'ailleurs voir ce respect dans toutes les provinces.
J'invite mes collègues à cette réflexion. Doit-on encore accepter et trouver normal que le gouvernement fédéral nomme des juges dans des instances où la gestion et l'administration de cette justice devrait appartenir aux provinces? Cela inclut évidemment la nation québécoise, car nous avons été reconnus ici comme une nation. Les provinces pourraient alors nommer elles-mêmes leurs juges et décider de leurs ressources judiciaires, et non pas quémander encore à Ottawa le pouvoir d'administrer de manière normale son système de justice?
En effet, non seulement la population du Québec est restée ébahie devant la libération de ces 31 motards, mais dans le milieu policier, les gens n'ont pas été très contents de travailler pour rien et de payer des millions de dollars pour des opérations policières. En tant que citoyenne et députée d', j'ai trouvé cela assez hallucinant. Oeuvrant moi-même dans le milieu criminologique, travaillant avec la police assez régulièrement et connaissant ce genre d'individus, je peux dire que ceux-ci sont morts de rire. Le système de justice avait l'air vraiment amateur.
J'invite mes collègues à penser à tout cela. Nous allons appuyer ce projet de loi, qui fait un bon pas dans la bonne direction, mais le coeur du problème, c'est que les provinces et la nation du Québec devraient pouvoir prendre les décisions qui concernent ses juges. Je ne parle pas seulement de leur nomination, mais aussi de leur nombre. Le problème au Québec était qu'il n'y avait pas assez de juges, pas assez d'avocats, pas assez de salles et pas assez d'affaires. On a là un « maudit problème », comme on dit en bon québécois, un problème beaucoup plus profond. Il faudra penser à plus qu'un simple projet de loi, bien que celui-ci soit correct, qu'il soit bon, qu'on ne soit pas contre et qu'on compte voter en sa faveur.
En terminant, la sécurité publique, ce n'est pas seulement mettre des gens en prison ou faire quelques projets de loi, c'est aussi mettre les ressources nécessaires pour que l'administration de la loi puisse se faire. Créer des lois c'est une chose, mais les appliquer, c'est autre chose.