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Monsieur le Président, j'ai le plaisir de prendre la parole pour appuyer le projet de loi , Loi donnant suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire
R. c. Tse.
Le projet de loi est essentiel, car il permettrait aux services de police de continuer à protéger les Canadiens contre de graves préjudices. Grâce à lui, les policiers conserveraient le pouvoir de faire de l'écoute électronique sans autorisation judiciaire préalable pour empêcher, immédiatement, qu'un drame se produise. Le pouvoir exceptionnel que prévoit l'article 184.4 du Code criminel permet aux policiers d'intercepter des communications privées sans autorisation judiciaire préalable lorsqu'il leur faut réagir de toute urgence à une menace imminente, par exemple un enlèvement, une alerte à la bombe ou une prise d'otages.
La Cour suprême du Canada a décidé, dans l'arrêt R. c. Tse, que le pouvoir prévu à l'article 184.4 du Code criminel était anticonstitutionnel. Par contre, la cour a suspendu l'effet de sa déclaration d'invalidité jusqu'au 13 avril 2013 afin de permettre au Parlement de rendre l'article 184.4 conforme à la Constitution. Les modifications prévues dans le projet de loi donneraient suite à cette décision. Elles rendraient l'article constitutionnel et ajouteraient des restrictions ainsi que des garanties sur le plan de la reddition de comptes qui encadreraient le recours à ce pouvoir exceptionnel en cas de préjudice imminent.
Le pouvoir d'intercepter des communications privées, prévu à l'article 184, doit être soigneusement formulé pour concilier les intérêts conflictuels que sont la protection de la vie privée et la nécessité d'agir rapidement pour protéger des personnes ou des biens de préjudices ou de dommages graves. Les modifications à l'article 184.4 du Code criminel proposées dans le projet de loi assureraient la reddition de comptes et la transparence voulues tout en préservant la capacité essentielle des policiers d'intervenir rapidement en situation d'urgence.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a étudié le projet de loi et en a fait rapport à la Chambre sans amendement. J'aimerais signaler que le gouvernement est très reconnaissant de l'assistance fournie par la Chambre pour accélérer autant que possible l'adoption du projet de loi sans pour autant négliger l'étude attentive des importantes mesures qui y sont proposées.
Pour l'aider dans ses délibérations, le comité a reçu des mémoires de la Section nationale du droit pénal de l'Association du Barreau canadien et entendu des témoins représentant la Criminal Lawyers' Association et l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Je suis ravi de vous informer que ces témoins ont exprimé leur appui à l'égard des principaux éléments du projet de loi et formulé des observations très positives quant à la valeur et à l'importance du projet de loi.
J'aimerais prendre quelques minutes pour passer en revue les principales composantes du projet de loi . Comme l'indique son nom, et comme je l'ai dit précédemment, le projet de loi propose les modifications nécessaires pour donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Tse. Dans sa décision, la Cour suprême du Canada affirme que le pouvoir prévu à l'article 184.4 est inconstitutionnel en raison de l'absence de mécanisme de reddition de compte telle une obligation d'aviser après coup les personnes concernées. Le projet de loi C-55 remédierait à cette lacune sur le plan constitutionnel en ajoutant au Code criminel l'exigence d'aviser après coup les personnes dont les communications privées ont été interceptées en vertu de l'article 184.4. L'avis devra être donné dans les 90 jours, à moins qu'une prolongation de ce délai ne soit autorisée par un juge.
Dans l’arrêt R c. Tse, la Cour suprême a également suggéré que le gouvernement envisage d'inclure une obligation de faire rapport, même si elle n'est pas nécessaire pour que l'article soit conforme à la Constitution. Le gouvernement donne suite à cette suggestion dans le projet de loi , qui propose de modifier le Code criminel afin d'obliger le ministre fédéral de la Sécurité publique et les procureurs généraux des provinces à présenter chaque année des rapports détaillés sur le recours à l'article 184.4. Cette exigence reprend essentiellement l'obligation de faire rapport prévue à l'article 195 du Code criminel, qui a toujours été considérée comme un outil important pour accroître la transparence lors du recours à l'écoute électronique. Ces rapports annuels serviront de base pour l'évaluation publique du recours par les policiers à l'article 184.4 du Code criminel.
Le projet de loi propose également de restreindre l'autorisation d'écoute électronique prévue dans l'article 184.4 aux infractions visées à l'article 183 du Code criminel, plutôt que de permettre ce type d'écoute pour tous les actes illicites. Cette restriction n'a pas été jugée nécessaire par la Cour suprême, même si le tribunal inférieur s'est prononcé en sa faveur dans la décision Tse. Les témoins qui ont comparu devant le comité pour discuter du projet de loi étaient eux aussi en faveur de cette modification. Le changement proposé au terme « infraction » donne lieu à une catégorie plus restreinte d'actes illicites et est conforme à d'autres autorisations d'écoute électronique prévues à la partie VI du Code criminel et s'appliquant seulement elles aussi aux infractions visées à l'article 183 du Code criminel.
La Cour suprême du Canada a aussi indiqué, dans l'arrêt R. c. Tse, que le gouvernement pourrait juger bon de se demander si la catégorie générale des agents de la paix, définie à l'article 2 du Code criminel, n'est pas trop vaste et s'il n'y aurait pas lieu de limiter le droit de recourir à l'article 184.4 à un groupe plus restreint de personnes, comme les policiers. La Cour suprême du Canada a fait remarquer que cela pourrait être une bonne chose sur le plan constitutionnel, bien qu'elle ne se soit pas prononcée sur cette question. Le gouvernement abonde dans le même sens. Par conséquent, le projet de loi limite le recours à l'article 184.4 aux policiers plutôt que de le permettre aussi aux agents de la paix. À l'heure actuelle, les pouvoirs conférés par l'article 184.4 sont donnés aux agents de la paix, catégorie plus vaste comprenant les maires et les préfets, ainsi que les gardes-pêche et les agents des douanes et de l'accise.
Je profite de l'occasion pour préciser à la Chambre que la définition proposée de « policier » figure déjà dans le Code criminel dans le contexte de la confiscation des produits de la criminalité. Elle figure aussi dans d'autres lois. Elle a été interprétée par les tribunaux comme ne désignant que les personnes nommées en vertu de la loi pour veiller à la préservation et au maintien de la paix publique.
Les personnes embauchées dans le privé, notamment les gardiens de sécurité de centres commerciaux ou d'immeuble de bureaux, n'entrent pas dans cette définition, puisqu'ils ne sont pas nommés en vertu de la loi. Je devrais également mentionner que, en ce qui concerne l'article 184.4 du Code criminel et les restrictions supplémentaires à son utilisation qui sont proposées dans le présent projet de loi, il est important de se rappeler que l'article 184.4 est déjà assorti d'importantes restrictions. On ne peut y recourir que dans les cas où d'autres autorisations ne peuvent être obtenues en raison de l'urgence de la situation. Il faut que l'interception immédiate soit nécessaire pour empêcher des dommages sérieux et les communications qui seront interceptées doivent être celles de la victime ou de l'auteur de l'infraction. Ces restrictions, ainsi que les modifications proposées dans le projet de loi, garantiraient un encadrement efficace du recours à ce pouvoir exceptionnel.
Le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a étudié le projet de loi en profondeur et l'appuie. Les mesures de protection et les exigences proposées dans le projet de loi vont plus loin que les directives de la cour relatives à la conformité constitutionnelle de l'article 184.4 du Code criminel.
J'invite tous les députés à appuyer le projet de loi .
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Monsieur le Président, avec sa question, mon collègue de a mis le doigt sur le bobo qui a entraîné le dépôt du projet de loi . C'est très clair, c'est flagrant. Le gouvernement peut bien dire que le projet de loi a été retiré à cause de la pression populaire, car c'est vrai. J'espère que ceux qui nous écoutent en ce moment sont extrêmement heureux de réaliser qu'il est possible d'agir ensemble quand quelque chose est aussi aberrant que le projet de loi C-30. Le problème était tellement apparent qu'il était extrêmement facile de soulever le public.
Je ne répéterai jamais assez que l'article 184.4, que l'on tente présentement de sauver à la suite de la décision rendue dans l'affaire R. c. Tse, est dans une partie appelée « Atteintes à la vie privée ». C'est une exception qui existe dans le Code criminel pour des cas extrêmement précis.
Quand le gouvernement, par la voix du , a déposé le projet de loi , il a lancé une attaque contre quiconque oserait dire un mot contre le projet de loi. La partie était bien mal engagée. Ce comportement a entraîné un mouvement populaire comme on en voit rarement dans les dossiers qui touchent le fédéral.
Je disais que mon collègue de avait mis le doigt sur le bobo. Nous débattons depuis déjà plusieurs heures de cette lacune, qui a été signalée par un fonctionnaire de l'État, avocat de profession du ministère de la Justice, qui s'inquiète des ordres qu'il reçoit de ses supérieurs et de son ministère. Quand vient le temps de faire l'analyse de comptabilité des textes de loi provenant du gouvernement ou du Sénat, on demande aux fonctionnaires de tourner les coins ronds.
Il s'agit d'une allégation. En bonne avocate que je suis, j'en prends note. Jusqu'à présent, il s'agit strictement d'une allégation, et non de faits avérés. Par contre, elle doit soulever des doutes sérieux. Si nous prenons notre rôle de législateur au sérieux, nous devrions tout de suite voir des lumières rouges s'allumer.
Il ne faut pas se leurrer: dans le cas du projet de loi , le problème était si évident que le gouvernement a décidé de faire marche arrière. Un gouvernement comme le gouvernement conservateur ne nous a pas habitués à cela. Lorsqu'il est temps d'admettre ses erreurs, le gouvernement n'est pas très humble. Il s'agit d'un grand aveu, et je crois qu'un mea culpa devrait absolument être fait.
Cette situation entraîne toutefois la question que mon collègue de a posée. Le projet de loi n'aurait jamais dû passer le test de la compatibilité avec la Charte. Est-ce assez clair? Le gouvernement a tenu mordicus à dire que ce projet de loi était la façon de régler tous les problèmes existants en matière d'écoute, les problèmes de pédophilie comme n'importe quel autre. On avait ratissé large.
Il ne fallait pas de grandes lumières juridiques pour réaliser qu'il y avait des problèmes sérieux en matière d'atteinte à la vie privée. Il ne fallait pas de grandes lumières juridiques pour mettre un gros stop devant le gouvernement et lui dire que le projet de loi ne passera pas le test de la cour. De plus, il ne servait même pas à régler le problème soulevé dans l'affaire R. c. Tse. C'était dans son état général. Dieu merci, le gouvernement a reculé.
Toutefois, la question demeure. Comment ce projet de loi a-t-il pu passer le test de la compatibilité, qui est obligatoire? Ce n'est pas l'opposition officielle, le NPD, qui le dit, mais la Loi sur le ministère de la Justice et la Charte canadienne des droits et libertés. Elles disent qu'aucune loi ne doit être présentée à la Chambre s'il y a des doutes sérieux et raisonnables quant à sa constitutionnalité ou sa compatibilité avec la Charte. Le projet de loi est l'exemple le plus frappant démontrant qu'il y a un problème quelque part au ministère de la Justice dans la transmission de cette analyse effectuée pour le bénéfice du . Je lui accorde le bénéfice du doute.
Je ne prétend même pas qu'il a l'intention d'induire la Chambre en erreur. Le fait que l'on nous dise que c'est fait ainsi depuis l'avènement de la Charte canadienne des droits et libertés ne me convainc même pas que c'est une raison de dire « Tout va très bien, madame la marquise ». Ça ne va pas bien du tout, et on ne s'en préoccupe pas trop. On le laisse à la va-comme-je-te-pousse, en espérant que les cas n'iront pas jusqu'en cour.
Au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, j'ai présenté une motion afin de mettre sur pied un comité qui en ferait l'analyse et qui évaluerait le genre de directives qui pourraient être données pour que les législateurs de la Chambre vérifient si leur rôle est bien rempli. Il y a eu deux jours de discussions sur la question et je dois admettre qu'un collègue conservateur a pensé se ranger de notre côté, parce qu'il croyait que ça valait la peine de s'en assurer. Qu'on soit dans le champ gauche ou non, il faut que tout soit fait correctement et il faut prendre le temps d'étudier le projet de loi, sans quoi on pourra mettre en doute tous les projets de loi présentés à la Chambre.
Tous les collègues qui siègent à un comité se doivent de questionner le ministre quant au genre d'études qui ont été faites, afin de s'assurer de la compatibilité avec la Charte et avec la Constitution canadienne. On a des doutes qui laissent entendre que ce n'est pas fait correctement. Dans ce contexte, même un conservateur a presque plié. Deux jours se sont probablement écoulés avant qu'il ne soit intercepté par les pouvoirs supérieurs du parti, qui lui ont dit de ne pas embarquer là-dedans. La réponse officielle était que ça se faisait comme ça même à l'époque où les libéraux étaient au pouvoir. Personnellement, je ne crois pas que c'est une excuse que de dire qu'on peut faire quelque chose tout croche parce que les autres l'ont aussi fait tout croche. Je pense qu'il doit y avoir un réajustement, et le projet de loi en a été un bon exemple.
Le projet de loi a été déposé. Je veux que ce soit clair dans la tête des gens: le projet de loi C-55 était beaucoup plus restreint que le projet de loi et il entraînait un chambardement en matière d'écoute électronique et d'atteinte à la vie privée.
Pourquoi l'opposition officielle a-t-elle accepté de jouer le jeu du ministre et du gouvernement qui ont voulu faire adopter le projet de loi à la 25e heure? La décision rendue dans la cause R. c. Tse est comme l'épée de Damoclès. Dans la décision, il est mentionné que d'ici au 13 avril 2013, le gouvernement devra avoir fait ce qu'on lui a demandé au regard de la décision rendue dans la cause R. c. Tse. Les répercussions de la décision étaient les suivantes: il fallait s'assurer qu'il n'y avait plus d'article 184.4.
Tout comme moi, certains croient fondamentalement aux droits de la personne et à l'importance de la vie privée et des droits protégés par la Charte. Fondamentalement, je crois aussi qu'on se doit d'avoir ce genre d'article dans une société libre et démocratique comme la nôtre. À l'époque, l'article 184.4 disait ceci:
L'agent de la paix peut intercepter, au moyen d’un dispositif électromagnétique, acoustique, mécanique ou autre, une communication privée si les conditions suivantes sont réunies:
a) il a des motifs raisonnables de croire que l’urgence de la situation est telle qu’une autorisation ne peut, avec toute la diligence raisonnable, être obtenue sous le régime de la présente partie;
Ça lui prend donc des motifs raisonnables de croire que l'urgence de la situation est telle qu'il est impossible pour cet agent de la paix d'obtenir une autorisation selon les concepts prévus à la section.
Je reprends la lecture de l'article 184.4:
b) il a des motifs raisonnables de croire qu’une interception immédiate est nécessaire pour empêcher un acte illicite qui causerait des dommages sérieux à une personne ou un bien;
c) l’auteur de la communication ou la personne à laquelle celui-ci la destine est soit la victime ou la personne visée, soit la personne dont les actes sont susceptibles de causer les dommages.
Cet article est extrêmement important dans le contexte du travail des policiers. De plus, il s'applique de façon exceptionnelle. Par contre, dans la cause R. c. Tse, la Cour suprême du Canada a dit qu'on avait un problème de reddition de comptes et qu'il était fort possible qu'en appliquant l'article 184.4, on ne fasse aucune référence au fait que l'on doive informer la personne sous écoute. Ainsi, quelqu'un pourrait être sous écoute sans jamais le savoir, parce qu'on ne le poursuit pas ou qu'on ne dépose pas un acte d'accusation contre lui.
C'était la seule façon pour une personne de savoir qu'elle avait été sous écoute et qu'on avait intercepté une conversation.
La Cour suprême est venue dire ce qui suit:
Dans sa forme actuelle, cette disposition ne satisfait pas aux normes constitutionnelles minimales qui en assureraient la conformité avec l’art. 8 de la Charte.
On parle de conditions minimales, de normes constitutionnelles minimales pour mettre l'article 184.4 en conformité avec l'article 8 de la Charte.
La Cour suprême poursuit:
Il est nécessaire d’adopter un mécanisme de reddition de compte pour protéger les importants intérêts relatifs à la vie privée qui sont en jeu et une disposition exigeant un avis suffirait à répondre à ce besoin, mais le législateur peut choisir une autre mesure pour assurer une reddition de compte.
La Cour suprême du Canada s'était aussi interrogée sur le fait que l'article 184.4 était ouvert non seulement aux policiers, mais aussi à ce qu'on appelle les agents de la paix.
Encore une fois, j'encourage les gens à aller lire la définition d'« agents de la paix » qui s'étire sur de nombreuses pages. Cela inclut le maire d'une municipalité, la personne qui fait la vérification des compteurs d'eau, et j'en passe. À peu près tout ce qui bouge et qui a un titre public officiel embarquait dans la notion d'« agents de la paix ».
La Cour suprême ne s'est pas prononcée, parce que ça n'avait pas fait l'objet de plaidoirie ou de preuve devant elle. Elle a donc réservé sa décision.
Par ailleurs, j'apprécie que le ait pris le dossier des mains du . Cela aura au moins eu cela de bon car on s'est appliqué à regarder, à lire et à comprendre ce que la Cour suprême du Canada avait dit le 13 avril 2012, même s'il ne restait plus grand temps pour le faire.
Pour faire une parenthèse, quand le secrétaire parlementaire disait qu'ils avaient fait des études approfondies pour vérifier la constitutionnalité. Cela m'a fait rire parce que, jusqu'au 11 février, la réponse du gouvernement était le projet de loi . Ça ne laisse pas grand temps pour pondre un projet de loi de la nature du projet de loi . C'est peut-être pour ça qu'on n'a pas pris de chance du coté gouvernemental. Pour une rare fois, on s'est dit, « trop fort casse pas ». On a restreint la définition de « policier », on a réellement limité et même enlevé la notion d'« agent de la paix ». On a aussi ajouté des mécanismes de reddition de comptes, non seulement vis-à-vis de la personne interceptée, mais aussi vis-à-vis du fait de faire des rapports à la Chambre.
Est-ce que c'est parfait? Non, j'en conviens, comme le dit ma collègue du Parti vert. On l'a constaté aussi en comité. On aurait pu faire bien d'autres choses. Si c'est moi qui avais eu à pondre le projet de loi, j'aurais probablement ajouté certains éléments.
Toutefois cette Chambre devra répondre à cette question fondamentale. Préfère-t-on que l'article 184.4 prenne le champ, qu'on se retrouve sans aucune disposition, ou pense-t-on qu'avec ce qui est dans le projet de loi , on répond aux interrogations et aux diktats de la Cour suprême du Canada?
De notre coté, la réponse est venue très clairement. Des témoins sont même venus dire qu'ils étaient en faveur du projet de loi. Que ce soit le Barreau canadien, le CLA, les groupes qui nous ont envoyé des mémoires; peu importe, ils sont tous d'accord. Auraient-ils mis quelques dispositions additionnelles concernant les rapports? Pourtant la Cour suprême du Canada n'a jamais demandé à ce que le Parlement reçoive des rapports en ce qui concerne le procureur général du Canada ou des provinces. Par contre, on a enquêté un petit peu et on a questionné sur cette question. Ce n'est pas évident non plus, parce qu'on ne peut pas aller de l'avant s'il n'y a pas eu de discussion.
Cela démontre justement que ce projet de loi a été « rushé », je m'excuse d'utiliser cette expression. Normalement, si cela avait été bien fait, on aurait pris l'année que la Cour suprême nous avait donnée pour aller consulter et aller voir ce qui pouvait être encore mieux fait, voir si les provinces étaient de notre côté et si elles n'avaient aucun problème pour communiquer les rapports qu'elles devront aussi fournir. Tout cela a été mis en lumière devant nous.
La question qui se posait aux gens du comité était clairement de savoir si le projet de loi , dans sa forme actuelle, était une réponse adéquate à l'arrêt R. c. Tse.
Le contexte dans lequel la cour demandait uniquement à la personne interceptée de fournir un avis dans un certain délai, sans avoir précisé ce délai, remplit tout à fait les critères retenus par la Cour suprême du Canada. En outre, on a quand même précisé des délais et on a retiré la notion d'agent de la paix.
Pour une fois, on est allé un peu au-devant des coups. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de contestation. Par contre, les témoins sont venus nous dire que ce genre de dispositions n'étaient pas appliquées régulièrement.
Hier, la députée du Parti vert a dit qu'il faudrait peut-être retirer cette demande d'amendement. J'en suis fort aise, car on s'était fait dire la même chose en comité. Une limite de 24 heures avait été proposée. Quand on commence à étudier ces critères, c'est difficile. Le danger, c'est qu'on tente d'uniformiser des situations qui ne s'appliquent pas de la même façon dans tous les coins du pays.
Chez nous, à Gatineau, l'autorisation d'un juge est probablement beaucoup plus facile à obtenir que dans un coin plus reculé du Canada, où un juge n'est pas nécessairement présent en tout temps.
Il faut bien comprendre que la disposition ne s'applique que si on est dans une impossibilité raisonnable d'obtenir une autorisation. La règle de base en matière d'interception sera toujours d'obtenir une autorisation et d'avoir des motifs raisonnables de faire une interception. En outre, la personne qui fera cette interception aura à se justifier.
D'ailleurs, grâce aux modifications apportées, on a maintenant l'obligation d'en informer la personne, en vertu de l'article 184.4. Si une personne, poursuivie ou non, se sent totalement envahie dans sa vie privée, elle pourra prendre les recours en conséquence et il reviendra au corps de police en question de défendre sa décision.
Toutefois, même les spécialistes nous disent que cette disposition n'est pas utilisée fréquemment. Le spécialiste présent au comité a rapporté qu'il n'avait pas eu de mandat de ce genre depuis près de six ans. Il faut parfois mettre les choses en perspective.
Je ne veux pas faire morale à qui que ce soit, mais je la ferai quand même. Je pense sérieusement que le gouvernement se doit de retenir à quel point c'est un jeu dangereux. Les dispositions de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice ou de l'article 3 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui prévoient cet exercice avant coup, servent à prévenir cela autant que faire se peut.
Tous ceux qui sont avocats savent très bien, moi, la première, qu'il est parfois difficile de dire à un client que sa cause est garantie à 100 %. Néanmoins, si la décence, la prudence et le bien du public font partie de nos priorités, on serait raisonnablement satisfaits que cette loi soit conforme aux critères, aux principes de la Charte et à ceux de la Constitution. On ne chercherait pas à soulever un point ayant 5 % de possibilité de succès dans le but de satisfaire notre obligation constitutionnelle et de dire aux gens, comme on me l'a dit au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, d'engager des poursuites devant les tribunaux, s'ils ne sont pas contents. Quand j'entends de tels propos, j'en ai mon voyage.
On est là pour aider le public et on leur répond d'engager des poursuites, s'ils ne sont pas contents de nos lois, et de faire valoir que c'était contraire aux droits de la personne. On a déjà des problèmes assez sérieux d'accessibilité à la justice. Ce n'est pas donné à tout le monde d'aller devant les tribunaux.
Le gouvernement apprécie qu'on ait travaillé avec lui. Cependant, on n'a pas nécessairement travaillé avec lui. On a travaillé pour les Canadiens, les gens et les corps policiers qui ont à recourir à l'article 184.4, un élément nécessaire dans l'exercice des fonctions d'un policier dans le cadre des enquêtes. On ne pouvait pas laisser cet article disparaître uniquement parce que le gouvernement a décidé, comme une tête de pioche, de présenter le projet de loi .
Je suis fort aise de constater qu'on a fait marche arrière. Nous souhaitons le meilleur pour la suite du projet de loi . Il ne s'agit toutefois pas de la dernière fois que nous aurons à traiter de ces dispositions en matière d'atteinte à la vie privée.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole au sujet du projet de loi , aussi appelé Loi donnant suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire
R. c. Tse.
Mon collègue et porte-parole de notre parti en matière de sécurité publique, le député de , a expliqué, lors de sa première intervention, la nécessité de ce projet de loi. Je ne reprendrai pas ses propos, mais il a certainement décrit en détails pourquoi ce projet de loi est nécessaire et pourquoi nous espérons maintenant que le projet de loi permettra de régler les problèmes que le projet de loi du gouvernement et les propos du ministre avaient créés à l'époque. Comme l'a indiqué l'intervenante précédente, cela avait suscité une grande controverse au pays.
Je rappellerai aussi qu'il y a environ deux semaines, le député de a longuement parlé du fait que les projets de loi ministériels ne sont pas examinés par un conseiller juridique afin de d'établir s'ils respectent la Charte des droits et libertés. Il a en fait soulevé ce point dans le cadre d'une question de privilège. Selon lui, et j'abonde dans le même sens, le gouvernement actuel ne vérifie pas si ses mesures législatives respectent la Charte des droits et libertés.
Nous avons un Sénat composé en majorité de sénateurs nommés par l'actuel . Ce a nommé davantage de sénateurs que tout autre premier ministre dans l'histoire du Canada. Il appert que ces sénateurs nommés sont loyaux au et qu'ils ne procèdent pas à un second examen objectif. Le Sénat ne fait pour ainsi dire qu'entériner automatiquement les décisions du gouvernement.
Comme l'a indiqué le député de , l'ensemble des tribunaux de ce pays, et pas seulement la Cour suprême, constituent l'autre mesure de protection. La Chambre adopte des mesures législatives en tenant pour acquis que les conseillers juridiques du ministère de la Justice ont vérifié qu'elles respectent la Charte des droits et libertés, ce qui n'est pas le cas. Le rejet de certaines de ces mesures explique en partie pourquoi nous débattons du projet de loi actuel ici aujourd'hui.
Nous savons que la méthode du gouvernement pose problème, car il présente des mesures législatives sans que les conseillers juridiques du ministère de la Justice ne s'assurent préalablement qu'elles respectent la Charte des droits et libertés. Monsieur le Président, je sais que vous rendrez bientôt une décision sur la question de privilège soulevée à ce sujet par le député de .
J'entrerai dans le vif du sujet dans un instant. La mesure, ou plutôt ce qui la rend nécessaire, est symptomatique de ce qui cloche dans le fonctionnement de cet endroit sous le gouvernement actuel. Je dirais qu'on porte atteinte à notre démocratie.
Je me dois de relever plusieurs problèmes. Primo, comme il a déjà été dit, le gouvernement présente des mesures législatives qui, nous le savons, n'ont pas fait l'objet de l'examen de conformité à la Charte des droits et libertés, comme elles le devraient, ce qui se traduira inévitablement par un supplément de travail inutile pour les tribunaux.
Secundo, le gouvernement présente des projets de loi omnibus où il met tout et n'importe quoi. Ce faisant, il empêche les parlementaires d'en soumettre toutes les dispositions à l'examen des comités concernés, où des députés qui s'occupent de domaines précis — je ne les qualifierais pas d'experts, mais ils s'y connaissent en la matière — pourraient s'assurer qu'elles sont conformes. Or, les projets de loi omnibus qui sont présentés ratissent si large que le Parlement n'a pas la possibilité d'en débattre adéquatement afin d'en déceler les failles. C'est pourtant nécessaire, comme nous l'avons vu dans le cas de ce projet de loi-ci.
Tertio, le régime actuel porte atteinte à la démocratie en imposant constamment la clôture. Le gouvernement ne permet qu'un minimum de débat et empêche les représentants du peuple de procéder à l'analyse et aux recherches qui s'imposent et de proposer des amendements. Même s'il ne détient la majorité que depuis peu de temps, il a déjà présenté plus de motions de clôture que tout autre gouvernement dans l'histoire de notre pays.
Notre porte-parole en matière de justice a proposé toutes sortes d'amendements aux projets de loi relevant de son portefeuille, mais comme ils proviennent d'un parti de l'opposition, le gouvernement les ignore. Il rejette les amendements, essentiellement soumis par les partis de l'opposition, même s'ils amélioreraient le projet de loi en cause. C'est un problème.
Je vois le secrétaire parlementaire du ministre du Commerce international hocher de la tête.
On observe une autre forme d'atteinte à la démocratie, qui n'apparaît pas nécessairement dans le projet de loi, mais qui est néanmoins devenue un réel problème. Lorsque nous présentons des motions, quelles qu'elles soient, en comité, les conservateurs proposent que la réunion se tienne à huis clos, en secret, pour empêcher les Canadiens d'assister au débat, même si celui-ci porte sur une motion aussi banale que d'inviter un ministre à témoigner devant le comité. Qu'est-ce que les conservateurs ont à cacher? Voilà une autre forme d'atteinte à la démocratie.
Enfin, je veux parler du Sénat avant d'aborder le projet de loi en détail. Comme je l'ai dit il y a un instant, le Sénat, dont les membres ont à peu près tous été nommés par le , sert maintenant à entériner automatiquement les décisions de celui-ci. Je sais que mon sénateur n'habite même pas la région ni la province qu'il est censé représenter, comme l'exige pourtant la Constitution. Le commentaire que je tiens à faire à propos du Sénat est le suivant: il n'est plus une assemblée chargée de procéder à un second examen objectif, car il sert maintenant à l'entérinement des mesures proposées par le gouvernement.
Ce que j'essaie de démontrer, c'est que toutes ces atteintes à la démocratie rendent possible l'adoption de projets de loi qui, comme le projet de loi , ne résisteraient pas à une contestation judiciaire.
Je vais maintenant parler des détails du projet de loi. J'aimerais citer un rapport de la Bibliothèque du Parlement. Comme la Chambre le sait, la Bibliothèque du Parlement mène de très bonnes recherches. Je tiens à citer ce rapport, car on y retrouve le meilleur résumé qui existe.
Dans son rapport sur le projet de loi, il est écrit ceci:
Le 18 novembre 2011, la Cour suprême du Canada a entendu un appel concernant l'affaire R. c. Tse au sujet de la constitutionnalité des dispositions relatives au pouvoir d'écoute électronique en cas d'urgence. Dans ce cas, les policiers s'étaient fondés sur l'article 184.4 pour procéder à des écoutes électroniques sans mandat lorsque la fille d'une présumée victime d'enlèvement a commencé à recevoir des appels de son père, qui affirmait être séquestré par des ravisseurs souhaitant obtenir une rançon. Environ 24 heures plus tard, les policiers ont obtenu une autorisation judiciaire pour poursuivre l'écoute électronique. Le juge de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a conclu que l'article 184.4 portait atteinte au droit, garanti par la Charte, d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives [...]. Le ministère public a porté la décision en appel directement à la Cour suprême du Canada.
Dans sa décision, la Cour suprême a ensuite déterminé que l'article 184.4:
[...] établit un équilibre raisonnable entre le droit d'un particulier d'être protégé contre des fouilles abusives et l'intérêt de la société à prévenir des dommages sérieux, dans la mesure où le pouvoir d’intercepter des communications privées sans autorisation judiciaire ne peut être exercé qu’en cas d’urgence. La Cour a toutefois déterminé que dans sa forme actuelle, l'article 184.4 viole l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. C'est l'absence totale de reddition de comptes, plus particulièrement le fait qu'aucun avis n'ait été envoyé aux personnes dont les communications ont été interceptées, qui a été fatale. Par conséquent, le pourvoi a donc été rejeté et la Cour suprême du Canada a suspendu pendant 12 mois sa déclaration d'invalidité...
Autrement dit, cela donnait le temps à la Chambre de prendre les mesures qui s'imposent.
[...] pour permettre au législateur d'édicter une nouvelle disposition conforme à la Constitution en prenant des mesures de protection.
Voilà le contexte. Le gouvernement du Canada avait déjà adopté une loi autorisant ces écoutes électroniques sans mandat, et la Cour suprême dit, au fond, qu'il faut mettre en place des mesures de protection.
Voici, en résumé, les mesures de protection proposées dans le projet de loi et les raisons pour lesquelles nous l'appuyons: le projet de loi impose au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et au procureur général de chaque province l'obligation de faire rapport sur les interceptions de communications privées faites en vertu de l'article 184.4. C'est un pas dans la bonne direction.
Le projet de loi prévoit que toute personne qui a fait l’objet d’une telle interception doit en être avisée à l’intérieur d’un certain délai, et j'y viendrai dans un instant également.
Le projet de loi restreint la catégorie de personnes pouvant procéder à une telle interception.
Enfin, le projet de loi limite ces interceptions aux infractions visées à l’article 183 du Code criminel.
Par conséquent, le projet de loi ajoute trois conditions limitant considérablement l'article 184.4 du Code criminel. Premièrement, il limite les cas où l'on peut en faire usage. L'écoute électronique pourrait être utilisée seulement pour certaines infractions, qui sont indiquées dans des articles du projet de loi. Deuxièmement, il définit précisément la catégorie de personnes ayant le droit d'utiliser cette méthode. Essentiellement, la catégorie se résume aux agents de police uniquement. Auparavant, il y avait un certain flou entourant la définition des personnes pouvant effectuer de l'écoute électronique. Il aurait pu s'agir de garde-pêche ou d'autres personnes n'ayant aucune formation en bonne et due forme en matière d'application de la loi ou sur l'utilisation de la mesure sérieuse qu'est l'écoute électronique. Troisièmement, cette mesure ne pourrait désormais être utilisée que pour prévenir une infraction énumérée à l'article 183 du Code criminel.
L'une des questions qui importaient le plus aux yeux de notre parti, le Parti libéral, au moment où le comité a entrepris l'étude du projet de loi, était celle de savoir pourquoi l'application de l'article 184.4 devait être limitée aux infractions prévues à l'article 183. C'était contraire à l'avis de la Cour suprême.
La Cour suprême a indiqué ceci:
Il peut arriver que l'interception d'une communication soit justifiée au titre de l'article 184.4 dans le cas d'actes illicites qui ne figurent pas à l'article 183.
Il faut dire toutefois — et c'est tout à l'honneur du ministre — que lui et les fonctionnaires du ministère ont indiqué, dans leur témoignage, que ce changement était nécessaire pour que l'article 184.4 soit plus conforme au reste de la partie IV. Le changement a été en outre jugé bénéfique par un témoin représentant l'association des criminalistes de l'Ontario, qui s'est dit d'avis que les dispositions du Code criminel devraient être aussi pointues que possible.
La définition d'un « policier », qui nous semblait poser problème, a également fait l'objet de discussions approfondies dans les travaux du comité. Le terme « policier » est souvent préférable au terme « agent de la paix » pour des raisons qui, selon moi, sont assez claires. C'est un terme moins général, dont la définition est plus précise.
Malgré tout, les membres du comité ont cherché à obtenir l'assurance qu'on ne pourrait pas donner au terme « policier », contenu dans le projet de loi , un sens qui inclurait les gardes employés par des entreprises privées, du genre des agents de sécurité de centre commercial, par exemple. Le ministre a bien indiqué que le sens à donner au terme « policier » avait déjà fait l'objet à quelques reprises d'une interprétation de la part des tribunaux. Et ce terme exclut les gardes, les agents de sécurité de centre commercial ou ceux qui contrôlent les allées et venues à l'entrée des bâtiments publics. Il comprend uniquement les policiers de la Sûreté du Québec, de la Police provinciale de l'Ontario, de la GRC et des autres services de police dans les provinces.
Nous acceptons l'interprétation du ministre. Nous croyons donc que le projet de loi devrait être adopté, car dans son interprétation, le ministre a très bien défini ce qu'est un policier. Selon ce que nous avons compris, les policiers seraient les seules personnes pouvant autoriser le recours à ce pouvoir.
Pendant le temps qu'il me reste, je crois qu'il est important de revenir sur l'un des principaux points soulevés, en l'occurrence la raison pour laquelle la Cour suprême du Canada a rendu cette décision, ainsi que d'examiner les mesures de protection qui ont été mises en place en raison de cette décision.
Il ne fait aucun doute que, dans sa décision initiale, la Cour suprême a essentiellement dit qu'il y avait des lacunes flagrantes sur le plan de la reddition de comptes en ce qui concerne l'écoute électronique sans mandat. Elle a recommandé qu'un avis soit donné après coup aux personnes dont les communications privées ont été interceptées. C'est en quelque sorte une procédure normale, qui est employée dans d'autres domaines où l'on fait de l'écoute électronique.
Par conséquent, le projet de loi exigerait que le ou le procureur général provincial compétent avise par écrit, dans les 90 jours suivant l’interception, toute personne qui en a fait l’objet.
Des prolongations pourraient être accordées et elles le seraient certainement dans le cas d'interceptions continues visant le crime organisé ou liées au terrorisme.
Je vais terminer par un autre point important. Les rapports produits par les ministres provinciaux, les procureurs généraux des provinces ou le — bref, par la personne responsable —, qui présentent le nombre d'interceptions effectuées en vertu de l'article 184.4, le nombre d'avis donnés ainsi qu'une description générale des méthodes d'interception employées dans chaque cas, doivent être déposés à la Chambre et aux assemblées législatives visées si ces interceptions sont de leur ressort, afin de les informer de quoi il est question.
Pour toutes les raisons qui viennent d'être mentionnées, notre parti appuiera le projet de loi , car à notre avis, il permet de donner suite aux préoccupations exprimées par la Cour suprême du Canada au sujet de l'écoute électronique sans mandat.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi . Je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Voilà enfin une intervention utile de la part du gouvernement, un projet de loi sur la criminalité que nous pouvons appuyer, car il n'est pas truffé de pilules empoisonnées. Nous devons cela aux circonstances qui entourent la présentation du projet de loi à la Chambre. C'est en fait un délai imposé par la Cour suprême qui a en quelque sorte forcé la main du gouvernement.
C'est le jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Tse, qui remonte à avril 2012, qui rend obligatoire cette modification. L'affaire concernait un cas d'écoute électronique sans autorisation. En réponse aux contestations constitutionnelles exprimées, la Cour suprême a finalement conclu qu'une telle pratique pourrait être jugée constitutionnelle, à condition d'être autorisée de manière légitime au moyen d'une mesure législative. Par conséquent, la Cour suprême a alloué au gouvernement un certain temps pour trouver une solution, une année, en fait. Le projet de loi C-55 est la réponse de celui-ci. Il représente les efforts déployés par le gouvernement pour veiller à ce que les interceptions de communications privées sans autorisation préalable soient faites de manière constitutionnelle. C'est une réussite.
Le projet de loi modifie le Code criminel afin de fournir la clarté, la surveillance et la reddition de compte nécessaires au titre des règles s'appliquant à l'écoute électronique dans des circonstances présumées trop urgentes pour obtenir une autorisation judiciaire préalable. La surveillance et la reddition de compte ne vont pas de soi pour le gouvernement; il est donc encourageant de voir ce projet de loi au Parlement. En fait, cela tient pratiquement du miracle, si on songe au projet de loi qui l'a précédé, le projet de loi .
L'historique du projet de loi est intéressant et mérite qu'on s'y arrête. Il explique pourquoi le projet de loi a été présenté à la Chambre à la dernière minute.
La décision de la Cour suprême dont il est question aujourd'hui a été prise il y a un an. Or, nous voilà en train d'examiner cette question à la hâte avant l'échéance imminente du 13 avril. Je ne veux pas me montrer trop critique à cet égard, car l'aspect du temps est étroitement lié au contenu du projet de loi et, en toute honnêteté, c'est ce qui le rend valable pour nous. En effet, c'est l'urgence des circonstances qui semble avoir rendu ce projet de loi anormalement simple et bref. Paradoxalement, nous devons peut-être être reconnaissants au d'avoir tendance à réduire les questions dont nous sommes saisis à leurs extrêmes et à nous placer très souvent devant une alternative tordue. C'est souvent la formulation d'un problème qui fait en sorte, par exemple, que la compassion à l'égard des victimes s'oppose au respect des libertés civiles et constitutionnelles. Prenons l'exemple du ministre qui a déjà déclaré qu'on est soit du côté du gouvernement ou des gens qui se livrent à la pornographie juvénile.
C'est ainsi qu'a été présenté le défunt projet de loi , le fameux projet de loi sur « l'accès légal ». Pour moi, le projet de loi C-30 est un cas d'espèce parce que c'était en fait la première fois où le gouvernement donnait suite à l'invitation de la Cour suprême de créer un cadre législatif visant à rendre constitutionnelle l'interception de communications privées sans autorisation préalable. Quoi qu'il en soit, c'était une tentative excessive, alarmante et cynique de se servir du dégoût et de l'horreur qu'inspirent ces terribles crimes perpétrés contre des enfants pour forcer les Canadiens à renoncer à leur droit au respect de la vie privée en ce qui concerne les communications électroniques.
Ce projet de loi, qu'on a appelé Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs, aurait permis aux autorités policières d'avoir pratiquement toujours accès, sans mandat et sans raison valable, aux renseignements personnels des Canadiens. Il aurait conféré au ministre et au gouvernement des pouvoirs d'une ampleur sans précédent. Il leur aurait permis d'obtenir des renseignements et de contraindre les fournisseurs de services téléphoniques et Internet à autoriser le gouvernement à espionner les consommateurs. En fait, le projet de loi C-30 aurait fait des criminels de tous les Canadiens.
Voilà le projet de loi que le a présenté au Parlement il y a un peu plus d'un an, alors qu'il pensait avoir un peu de temps pour s'amuser avec cette mesure législative. Voilà ce que le gouvernement considérait comme une mesure raisonnable, à savoir autoriser l'accès illimité et sans reddition de comptes aux communications privées. Heureusement, les Canadiens, les commissaires à la vie privée du Canada et les organisations de la société civile veillaient et n'ont pas aimé ce qui était proposé. C'est aussi une chance que le ministre ait dépassé les limites en utilisant des hyperboles insultantes et qu'il ait, par le fait même, saboté son propre projet de loi. C'est vrai, étrangement, c'est pour cette seule et unique raison que nous devons des remerciements au ministre.
Bien entendu, la leçon que nous tirons du projet de loi n'échappe à personne. Nous avons appris que, si le gouvernement a du temps et s'il est laissé à lui-même, il arrachera volontiers aux Canadiens leur droit à la vie privée. Par conséquent, nous pouvons être certains que les Canadiens suivent la situation et qu'ils veillent de très près sur ce droit, tout comme nous le faisons. Heureusement, le projet de loi C-55 est loin de ressembler au projet de loi . C'est un projet de loi très différent et il est, en fait, court, simple et direct.
Le projet de loi a pour objet de modifier le Code criminel conformément à la décision rendue en 2012 par la Cour suprême qui exigeait la modification de l'article 184.4 pour le rendre conforme à la Charte canadienne des droits et libertés, faute de quoi il serait déclaré invalide. Sous sa forme actuelle, l'article 184.4 permet à des agents de la paix d'intercepter des communications privées dans des situations d'urgence, lorsque les agents ont des motifs raisonnables de croire que des dommages imminents peuvent être causés à une personne ou à un bien. En raison de l'urgence de ces situations, des mesures doivent être prises avant que les autorisations judiciaires adéquates puissent être obtenues. Ces mesures sont parfois appropriées pour empêcher qu'un crime ne soit commis et assurer la protection des Canadiens. C'est pour cette raison que l'article 184.4 existe.
À l'heure actuelle, c'est surtout en matière de reddition de comptes que l'article 184.4 comporte des lacunes. Deux éléments en sont absents. Premièrement, il manque un système de surveillance permettant d'indiquer aux Canadiens quand et comment la loi est appliquée. Deuxièmement, l'article ne comporte aucune obligation d'aviser, dans un délai prescrit par la loi, les personnes dont les communications ont été interceptées. Dans la décision R. c. Tse, la Cour suprême a statué que ces lacunes constituaient une violation de la Charte.
Le projet de loi comblerait cette lacune, bien que peut-être pas parfaitement, à l'aide de quatre mécanismes. Premièrement, le projet de loi obligerait le ministre de la Sécurité publique et les procureurs généraux des provinces à faire rapport annuellement des cas où on a eu recours à l'article 184.4 du Code criminel pour intercepter des communications privées. Deuxièmement, le projet de loi exigerait que les personnes dont les communications ont été interceptées en soient avisées dans un laps de temps donné. Troisièmement, le projet de loi restreindrait la définition des personnes autorisées à exercer cette surveillance et changerait le terme « agents de la paix » par « policiers ». Finalement, le projet de loi limiterait l'application de l'article 184.4 aux infractions prévues à l'article 183 du Code criminel.
Ces quatre mécanismes permettront d'améliorer l'article du Code criminel qui sert à restreindre le recours à l'écoute électronique sans mandat à certaines personnes, circonstances et infractions, ainsi qu'à accroître la reddition de comptes quand ce pouvoir est invoqué. La Cour suprême du Canada s'est prononcée sur cette question. Le projet de loi a été proposé par le Parlement pour régler le problème, et nous croyons que c'est le bon choix. Le NPD appuiera toujours les mesures visant à accroître la reddition de comptes et la transparence.
Nous connaissons les conséquences d'un manque de surveillance et d'une absence de reddition de comptes. Des projets de loi omnibus volumineux, des projets de loi fiscaux et des projets de loi omnibus contre la criminalité sont adoptés à la dernière minute, et les parlementaires n'ont pas le temps d'examiner soigneusement les mesures législatives, comme les électeurs s'attendent à juste titre qu'ils fassent. On présente des projets de loi comme le , qui a provoqué l'indignation du public et a couvert de honte le ministre.
Le projet de loi permettrait de rétablir, du moins en partie, une chose que le gouvernement avait presque fait disparaître, à savoir la reddition de comptes, en obligeant le à faire rapport annuellement du recours à l'article 184.4 et de la fréquence de l'utilisation de l'écoute électronique sans mandat dans des situations d'urgence. Il obligerait aussi les procureurs généraux des provinces à divulguer ces renseignements.
C'est ce type de mesures législatives dont nous avons besoin, pas celles qui donnent des pouvoirs sans précédent aux ministres ou à d'autres fonctionnaires, mais des mesures législatives qui respectent les lois canadiennes et forcent les policiers à rendre davantage de comptes au public. C'est pourquoi le NPD appuiera ce projet de loi.
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Monsieur le Président, nous savons que ce gouvernement a très peu de respect pour la vie privée. Nous avons pu le constater par les discours de mes collègues ici et par les projets de loi que ce gouvernement a présentés. Nous voyons également qu'il a peu de respect pour les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, pour les droits et libertés qui sont garantis aux Canadiens. Parfois aussi, nous voyons qu'il présente des projets de loi qui vont à l'encontre de la Constitution.
Je suis très contente que, cette fois-ci, il ait décidé de respecter les dispositions de la Charte et de plutôt modifier le Code criminel afin que l'article 184.4 protège la vie privée des individus, comme le garantit la Charte.
On sait que l'article 184.4 porte sur l'interception des communications privées et que la Cour suprême s'est récemment prononcée sur ce sujet. Le projet de loi ajoute des mesures qui exigeraient que les personnes dont les communications privées ont été interceptées en soient avisées au moins 90 jours après l'interception, et que des rapports soient produits chaque année.
Ces mesures sont essentielles. En effet, lorsqu'on enlève la nécessité d'obtenir un mandat pour pouvoir intercepter des communications privées dans des situations extrêmes où une vie est en danger, il est important qu'il y ait une mesure de vérification, qu'il y ait un système mis en place pour qu'on sache ce qui s'est passé, pour qu'on sache pourquoi quelqu'un a trouvé qu'il était si important d'intercepter ces communications privées sans mandat.
Le NPD comprend l'importance pour les policiers d'avoir des outils pour pouvoir bien intervenir dans des situations dangereuses, mais en même temps, on ne peut pas négliger les droits consentis par la Charte. Même si ce sont des criminels, même si ce sont des cas extrêmes, il faut qu'on respecte la loi qu'on a. Il faut qu'on respecte les principes de la loi canadienne, la Charte canadienne des droits et libertés et la Constitution. C'est essentiel.
Bien que je sois contente que ce gouvernement respecte finalement la Charte canadienne des droits et libertés en adoptant ces mesures, je dois souligner que ce gouvernement, avec son programme d'espionnage qu'on avait vu avec le projet de loi , et aussi avec le projet de loi , a modifié ce projet de loi pour le rendre conforme à la Charte seulement après avoir été forcé de le faire par un juge de la Cour suprême. Ce n'est donc pas quelque chose qu'il a lui-même décidé de faire; c'était une obligation à la suite de la décision de la Cour suprême. Si ce gouvernement avait vraiment l'intérêt des Canadiens à coeur, il l'aurait fait lui-même, au lieu d'attendre que la Cour suprême ne se prononce sur le sujet.
D'ailleurs, il faut aussi noter que ce projet de loi a été déposé au même moment où le gouvernement annonçait la mort du projet de loi , un projet de loi qui permettait aux personnes désignées, lesquelles n'étaient pas très bien définies, d'avoir accès à des renseignements personnels sans mandat et sans supervision judiciaire.
Encore une fois, on a vu une tentative de ce gouvernement d'aller obtenir des renseignements personnels, de traiter tous les Canadiens respectueux de la loi comme des criminels, et ce, sans mandat ni supervision judiciaire. Si ce gouvernement en avait vraiment eu l'intention, il aurait dit qu'il est important, lorsqu'on va chercher des informations sans mandat, d'avoir un mécanisme de rapport ou quelque chose de ce genre, de sorte qu'on ait à rendre des comptes, qu'on aille chercher les renseignements personnels seulement dans des cas extrêmes et qu'on ne traite pas comme des criminels les gens respectueux de la loi, contrairement à ce que proposait le projet de loi .
Alors que le projet de loi , à la suite du jugement de la Cour suprême, assure le respect de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés lorsqu'il y a interception de communications privées, le projet de loi introduisait des mesures qui allaient à l'encontre de notre droit garanti par l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, lequel vise à nous protéger contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
On voit donc deux projets de loi. Le premier a été retiré et j'en suis très contente. Les Canadiens sont aussi très contents que le gouvernement ait décidé de ne pas poursuivre avec le projet de loi . Le deuxième projet de loi, quant à lui, dit que le projet de loi C-30 allait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. J'espère que le gouvernement va réaliser à quel point son propre projet de loi, son programme d'espionnage — je vais l'appeler ainsi parce que ce n'est pas la première fois qu'on voit des tentatives de ce genre —, a gravement touché aux protections garanties aux Canadiens par la Charte canadienne des droits et libertés.
La population canadienne s'est opposée aux mesures proposées dans le projet de loi . Le gouvernement a accusé les opposants d'être les amis des pédophiles. J'ai moi-même été accusée d'être une amie des pédophiles parce que je me suis opposée à ce projet de loi, tout comme des millions de Canadiens des quatre coins du pays. Ce n'est parce que nous sommes les amis des pédophiles, mais parce que nous croyons à la protection des droits de la Charte et à ce que contient la Constitution. Il faut absolument protéger cette disposition écrite dans l'article 8 de la Charte. Nous ne pouvons pas aller à l'encontre de cette dernière, et le jugement de la Cour suprême le démontre.
Si le projet de loi avait été adopté, il aurait permis à des personnes désignées, encore une fois non décrites et choisies par le ministre, d'exiger des fournisseurs d'accès à Internet des noms, des adresses IP et des adresses courriel, et ce, sans mandat et sans supervision judiciaire. La décision de la Cour suprême démontre qu'il faut à tout prix assurer la protection de la vie privée des Canadiens et que les droits et les libertés garantis par la Charte ne sont pas négociables, contrairement à ce que ce gouvernement pense. J'espère qu'il a appris sa leçon.
Je l'ai mentionné déjà, et je le mentionne encore. Il semble encore y avoir de la réflexion à faire à cet égard. Le gouvernement a présenté le projet de loi , qui n'a toujours pas été débattu, mais qui contient aussi des mesures par rapport à l'espionnage sans mandat. Avec ce projet de loi, au lieu de dire explicitement qu'il allait permettre l'obtention des renseignements personnels sans mandat, il a élargi la définition de personnes pouvant avoir accès à ces informations et consulter des fournisseurs d'accès à Internet selon une définition vague et sans détails. La commissaire à la protection de la vie privée a même soulevé des questions sur cette clause qui était incluse dans ce projet de loi.
Le mandat d'espionnage en ligne que le gouvernement s'est donné n'est pas terminé. J'espère que le gouvernement a appris sa leçon et qu'à la suite du jugement de la Cour suprême, dans le cadre de la proposition du projet de loi , il mettra de côté toute tentative d'espionner les Canadiens en ligne alors qu'ils respectent la loi.
Je tiens à souligner qu'il ne peut pas ratisser aussi large ni traiter tous les Canadiens comme des criminels lorsqu'ils sont en ligne. Bien sûr, il y a des criminels et des personnes qui ne respectent pas la loi et il faut donner aux policiers les mesures leur permettant d'intervenir. Cela dit, le gouvernement ne peut pas contrevenir à la Charte. Il doit respecter les droits et les libertés garantis par la Charte.
J'aimerais souligner, encore une fois, que j'espère que ce gouvernement a appris sa leçon et qu'il abandonnera son projet d'espionnage en ligne.
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Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir prendre la parole aujourd'hui. Je vais partager mon temps de parole avec le député de , que je connais bien car nous nous côtoyons à deux comités.
Je suis enchanté de prendre à nouveau la parole à la Chambre pour y présenter le point de vue du NPD au sujet du projet de loi , qui modifierait le Code criminel à la suite d'une décision de la Cour suprême dont il a déjà été question à plusieurs reprises ce matin dans des discours précédents.
Il est bon de rappeler que tout cela survient à quelques jours de la date limite imposée à la Chambre par la Cour suprême. La Cour suprême a en effet suspendu sa décision pendant un an afin de permettre au gouvernement d'apporter une amélioration fort nécessaire à une loi. Nous avons appuyé ce projet de loi à toutes les étapes, même si nous avons trouvé cela décourageant à cause du temps qu'il a fallu au gouvernement pour le présenter. Nous avons appuyé le gouvernement parce ce projet de loi est un outil important pour les services de police de ce pays.
Toutefois, il est très important que l'opposition officielle puisse examiner soigneusement tout projet de loi qui autoriserait des responsables à s'immiscer dans la vie privée des gens. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui vise à modifier le Code criminel du Canada. Dans sa décision, la Cour suprême a parlé de la nécessité de mettre en place des mesures de protection pour les Canadiens, car il est question d'une interception autorisée — et je tiens à souligner le mot « autorisée » — des communications privées, avant l'obtention d'une autorisation judiciaire tel que prévu à l'article 184.4 du code.
Il convient de noter que le texte:
impose au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile et au procureur général de chaque province l’obligation de faire rapport sur les interceptions de communications privées faites en vertu de l’article 184.4;
prévoit que toute personne qui a fait l’objet d’une telle interception doit en être avisée à l’intérieur d’un certain délai; [...]
On présume que ces personnes n'ont pas été impliquées dans des activités criminelles et que, par conséquent, elles ont tout à fait le droit d'être informées. Si ces personnes sont impliquées dans des activités criminelles et qu'elles font l'objet d'une enquête, la mesure peut être prolongée.
Le projet de loi restreint la catégorie de personnes pouvant procéder à de telles interceptions et limite ces interceptions aux infractions particulières qui sont énumérées dans la loi.
Il y a quelques instants, j'ai parlé du fait que nous sommes à trois semaines de la date butoir imposée par la Cour suprême. Le gouvernement a attendu jusqu'à la dernière minute pour agir alors que la Cour suprême lui avait accordé un délai d'un an. Je me demande pourquoi il a attendu si longtemps. Pourquoi a-t-il fallu au gouvernement près d'un an avant d'agir dans ce dossier? L'exercice n'était pourtant pas très difficile, puisque la Cour suprême avait précisé dans quels domaines le gouvernement devait apporter des changements.
J'irais jusqu'à dire que, lorsque le parti au pouvoir ou un autre parti présente un projet de loi, les débats qui ont lieu dans cette enceinte ont une grande importance, ainsi que les délibérations rassemblant tous les partis au sein du comité, comme celles qui ont eu lieu concernant le projet de loi . Nous avons étudié le projet de loi, entendu des témoins et fait ce que nous pouvions pour que le projet de loi, comme n'importe quel autre, soit aussi bon que possible. Cependant, le court délai qui nous était accordé est problématique. Nous avons eu seulement deux jours pour essayer d'accomplir un travail qui aurait pu s'étendre sur une plus longue période si nous avions voulu entendre un plus grand nombre de témoins. Il est troublant que nous ayons eu à procéder ainsi, car cela va à l'encontre de notre obligation de diligence raisonnable dans l'exécution des tâches qui nous incombent, au nom des gens qui nous ont élus pour siéger au Parlement.
J'ai tendance à me répéter parce que je suis assez perplexe devant ce qui s'est passé pour qu'il vaille la peine de me répéter.
La Chambre a été privée à d'autres occasions de la possibilité d'étudier les projets de loi et d'en débattre. J'aimerais que vous me disiez combien de fois le gouvernement conservateur a fait adopter une motion d'attribution du temps pour l'étude d'un projet de loi. Il ne s'agit pas seulement du temps qu'il a fallu pour présenter ce projet de loi, mais aussi de l'étude à la sauvette d'autres projets de loi. Je pense que nous approchons de la trentaine de fois où cette manière a été employée au cours de la présente législature. Nous devons approcher ce total. J'entends d'autres députés qui sont d'accord.
Nous avons vu les conservateurs empêcher tout débat ou limiter extrêmement le débat concernant les projets de loi budgétaires ou d'autres projets de loi ayant une incidence sur les services dont les Canadiens ont besoin. Cela s'est produit pratiquement à chaque occasion. Le gouvernement nous empêche d'améliorer ces projets de loi. Il nous empêche, nous, députés, de souligner ce qu'il fait de bon et ce qui n'est pas à la hauteur des attentes des Canadiens. Le forum public que constitue cette enceinte devrait nous permettre de faire ce travail de critique, mais le gouvernement nous en empêche trop souvent.
Voilà une partie de mes préoccupations. Je répète que le projet de loi m'inquiète également à cause du long délai qu'il a fallu attendre avant qu'il soit déposé et que le comité puisse l'étudier. C'est un projet de lui qui pourrait avoir des conséquences très néfastes pour les Canadiens ordinaires s'il n'inclut pas des dispositions suffisantes de protection, conformément à la décision de la Cour suprême.
Le projet de loi n'est en fait qu'une nouvelle version des dispositions relatives à l'écoute électronique qui ont été déclarées inconstitutionnelles par la Cour suprême. Quand on y réfléchit, on se rend compte que c'est toute une déclaration. Fort heureusement pour la Chambre encore une fois, la Cour suprême a établi des paramètres en vue de protéger les droits des Canadiens, comme elle le juge nécessaire.
Je dois dire que les Canadiens ont de bonnes raisons d'être préoccupés par les mesures législatives sur la protection des renseignements personnels qui sont présentées par le gouvernement. À mon avis, jusqu'à maintenant, le gouvernement n'affiche pas un bon bilan en la matière. C'est loin d'être encourageant.
L'opposition officielle a l'obligation de travailler pour le bien public et de défendre la primauté du droit, la Constitution ainsi que la Charte canadienne des droits et libertés. En février 2012, le gouvernement conservateur a présenté le projet de loi . Les députés se souviendront que ce projet de loi donnait aux autorités le pouvoir d'accéder aux renseignements personnels des citoyens et que la Cour suprême s'était prononcée à ce sujet.
Je me rappelle que cette mesure législative a soulevé d'importantes préoccupations à l'échelle du pays en ce qui concerne la protection des renseignements personnels et des droits fondamentaux, en raison de la façon dont elle était structurée et des pouvoirs qu'elle visait à conférer. J'ajouterai qu'elle était en quelque sorte une combinaison d'anciennes mesures législatives qui avaient été étudiées par le Parlement au cours d'une session parlementaire précédente, en l'occurrence les projets de loi le projet de loi , et . Les conservateurs ont tenté de faire fond sur la loi initiale de 1999 pour donner aux responsables de la sécurité publique des pouvoirs de surveillance accrus en ce qui concerne les renseignements numériques. Comme je l'ai mentionné il y a quelques instants, cette mesure a été très mal reçue par les Canadiens.
Voilà maintenant que le gouvernement apporte ces changements indispensables. Je tiens à féliciter le gouvernement et à souligner qu'il a tendu la main aux députés de l'opposition au comité. Nous avons mieux travaillé sur cette mesure législative que sur d'autres mesures. À défaut de respecter le délai imposé par la Cour suprême ou d'adopter les dispositions que celle-ci juge nécessaires, le pouvoir d’intercepter une communication privée en cas d’urgence ne serait pas accordé.
J'ai commencé mon discours en disant qu'il est nécessaire que les policiers appliquent ces dispositions. Dans ce cas en particulier, ces dispositions visent à leur permettre d'agir dans les pires situations qui soient, par exemple lorsqu'une personne risque physiquement de subir des dommages sérieux. Il était important d'aller un peu plus loin à cet égard.
Pour bien résumer le tout, je dirai que notre rôle consiste à établir un équilibre entre le droit à la vie privée des Canadiens et la nécessité, pour les policiers, de faire enquête, plus particulièrement lorsqu'une personne risque de subir des dommages physiques. Je dois dire qu'à mon avis, en travaillant en concertation, nous y sommes parvenus. Nous appuierons donc la mesure législative.
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Monsieur le Président, c'est un grand bonheur de prendre la parole sur le projet de loi .
Je remercie d'abord ma collègue la députée de et porte-parole officielle en matière de justice, ainsi que tous mes collègues, dont les députés de et d', qui travaillent très fort pour faire avancer les dossiers.
D'entrée de jeu, je dois dire que nous appuyons ce projet de loi, parce que nous travaillons dans l'intérêt public. Le respect de la vie privée, la reddition de comptes, une surveillance adéquate, la primauté du droit et le respect de la Constitution et de la Charte sont très importants pour nous.
Le député d' a dit qu'une trentaine de bâillons avaient été utilisés. Au comité, on n'impose pas de bâillons, mais on rejette systématiquement les causes qu'on épouse et nos nombreux amendements. Ce n'est pas une bonne ambiance de collaboration.
Cette fois-ci, il y a eu une collaboration. Cependant, c'était parce que le gouvernement avait un peu le couteau sous la gorge en raison d'une date butoir, soit le 13 avril. La Cour suprême a rappelé le gouvernement à l'ordre dans l'arrêt R. c. Tse en ce qui concerne les mesures de protection à l'égard du pouvoir d'intercepter des communications. La Cour suprême a conclu qu'en vertu de l'article 184.4, l'interception était anticonstitutionnelle sans autorisation judiciaire préalable.
Ce texte impose au et au procureur général de chaque province l'obligation de rapporter les interceptions de communications privées faites en vertu de l'article 184.4. L'article prévoit que toute personne qui a fait l'objet d'une telle interception doit en être avisée dans un certain délai. Il restreint la catégorie de personnes pouvant procéder à une telle interception et limite ces interceptions aux infractions visées par l'article 183 du Code criminel.
J'aimerais rappeler que ce nouveau projet de loi n'est qu'une mise à jour relative à l'écoute électronique que la Cour suprême avait jugée inconstitutionnelle. Les nouveaux paramètres de protection du droit à la vie privée ont été mis en place. Nous croyons que ce projet de loi respecte ces normes.
Les conservateurs ont un bilan peu reluisant en ce qui concerne la vie privée. C'est pourquoi nous nous sommes assurés que ce projet de loi respectait le plus possible la primauté du droit, la Constitution et la Charte canadienne des droits et des libertés.
Ce projet de loi fait suite à un échec cuisant des conservateurs par rapport au fameux projet de loi . Ce dernier ne passait pas le test de la conformité à la Charte, car il n'a pas été élaboré adéquatement.
Le gouvernement conservateur tente désespérément de se conformer à la décision R. c. Tse de la Cour suprême du Canada, dans les délais prescrits, c'est-à-dire pour la date butoir du 13 avril 2013.
L'article 184.4 du Code criminel comprend des mesures de protection, de notifications et de rapports. Premièrement, on devrait informer, dans les 90 jours, une personne dont les communications privées ont été interceptées, dans des situations de préjudice éminent. Deuxièmement, on exigerait la production de rapports annuels sur l'utilisation de mise sur écoute en vertu de l'article 184.4. Ces modifications limiteraient, par ailleurs, l'autorisation qu'ont les policiers d'utiliser ces dispositions et, finalement, restreindrait le recours à l'interception aux infractions énumérées à l'article 183 du Code criminel.
Le problème est que l'article 184.4 viole l'article 8 de la Charte. Cela n'a pas été réfléchi de façon adéquate. Il n'y avait aucun mécanisme de reddition de comptes permettant de surveiller adéquatement l'exercice par les policiers du pouvoir qui leur est conféré.
On a donc exigé des mécanismes de reddition de comptes, ce qui fut fait dans le projet de loi . C'est entre autres la raison pour laquelle nous sommes en faveur du projet de loi.
Je parlerai maintenant de l'obligation de préavis. Le projet de loi prévoit également le devoir d'informer des individus ciblés par une interception. À l'article 195 est aussi inséré le devoir de faire rapport au Parlement, y compris sur l'utilisation d'interception sous l'article 184.4 du Code criminel.
Pour toutes ces raisons, nous appuierons le projet de loi car il tend vers un équilibre entre la liberté personnelle et la sécurité publique. Toutefois, nous nous demandons pourquoi l'on a attendu si longtemps. Le projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais pourquoi ne travaille-t-on pas toujours de concert avec l'opposition pour régler les problèmes et pour bonifier les projets de loi?
En matière de justice, notre priorité est le respect de la primauté du droit ainsi que le respect de la Constitution canadienne et de la Charte des droits et libertés, et non pas le respect du programme politique.
Me Michael Spratt, de la Criminal Lawyers' Association a témoigné en comité, en mars 2011. Il était favorable au projet de loi. Il considérait qu'il était juste, constitutionnel et qu'il intégrait admirablement bien les commentaires de la Cour suprême du Canada dans la cause R. c. Tse. Le leitmotiv reste l'équilibre entre la protection du public et la protection de la vie privée du public et c'est ce que Me Spratt a confirmé.
Le mémoire du Barreau canadien, présenté au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, est également favorable, dans l'ensemble, aux modifications proposées par le projet de loi pour se conformer à l'arrêt dans la cause R. c. Tse.
Une représentante de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, Mme Raji Mangat, dit également qu'il s'agit d'un projet de loi sensé et nécessaire concernant le droit à la vie privée. Elle est heureuse que le projet de loi limite les mises sur écoute sans mandat dans des circonstances où on vise à prévenir la perpétration d'une infraction.
L'exigence en matière d'avis assure la transparence et sert également de mécanisme de contrôle essentiel de ce pouvoir exceptionnel d'intercepter les communications sans autorisation judiciaire. On prévoit également l'obligation de faire rapport afin d'accroître la responsabilité de la surveillance dans l'utilisation d'interceptions sans autorisation judiciaire par les services de police.
Pour toutes ces raisons, à l'instar de ceux qui ont témoigné devant le comité, nous disons que cela corrige le tir. Le gouvernement a manqué son coup avec le projet de loi et il a apporté les corrections qui s'imposaient.
Personnellement, je me pose une question, et je terminerai avec cela. Pourquoi le gouvernement ne collabore-t-il pas avec notre comité afin de bonifier d'autres projets de loi? Il ne faut pas que le gouvernement travaille avec l'opposition seulement lorsque la Cour suprême lui met le couteau sur la gorge. Il doit collaborer au cours des mois et des années à venir. Pour la population, la situation serait beaucoup plus gagnante-gagnante, tout comme ce le serait pour la primauté du droit ainsi que pour le respect de la Constitution canadienne et de la Charte canadienne des droits et libertés.
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Monsieur le Président, je veux remercier mes camarades de leur soutien moral. J'espère demeurer pertinent au cours de mon allocution sur le projet de loi . J'aurais trouvé également pertinent d'entendre les collègues conservateurs sur cet important projet de loi qui est le leur. Aujourd'hui, leur silence est assourdissant, sauf peut-être pour certains recours au Règlement où l'on essaie de faire du « picossage ». Encore là, je ne sais pas comment le terme « picossage » sera traduit. Bonne chance.
Dans le fond, le débat entourant le projet de loi nous ramène à l'histoire du projet de loi . Finalement, on a un gouvernement conservateur qui recule, admet son erreur et est obligé de refaire ses devoirs. Ce n'est pas la première fois que le gouvernement conservateur doit refaire ses devoirs, mais ça devrait arriver plus souvent. Malheureusement, on a un gouvernement qui s'amuse à improviser la plupart du temps. Il est guidé par son idéologie et il est complètement aveuglé par certains principes libertariens ou conservateurs, ce qui fait en sorte qu'il ne se base pas sur les faits, la science ou la réalité, mais plutôt sur des observations personnelles, comme le disait le .
Rappelons que le ministre québécois de la Justice avait posé des questions au concernant un projet de loi portant sur les peines minimales pour les jeunes contrevenants où l'on s'était justement basé sur des observations personnelles. À mon avis, le projet de loi était également basé sur des lubies personnelles. C'est extrêmement dommage, parce que la vie privée des citoyens et des citoyennes de notre pays était menacée par le gouvernement conservateur, qui avait pris une position extrêmement hostile envers tous ceux qui osaient remettre en question son projet de loi.
On se rappelle que le ministre conservateur avait accusé les partis de l'opposition d'être du côté des pédophiles, tout simplement parce qu'on soulevait des critiques et qu'on s'opposait au projet de loi . C'est une position extrêmement idéologique et nuisible aux débats parlementaires et aux débats au sein de notre démocratie.
En ce qui concerne les observations personnelles, je veux absolument citer la réforme de l'assurance-emploi, qui devait être basée sur des études d'impact illustrant les conséquences d'une telle réforme sur certaines régions, sur les travailleurs et travailleuses et sur leur famille. Finalement, on a appris qu'aucune étude d'impact n'avait été faite. Le projet de loi est quand même une histoire qui finit bien, parce que le projet de loi a été mis à la poubelle. Cela prouve que lorsqu'il y a une levée de boucliers et lorsque les gens se mobilisent, on est capable de faire reculer le gouvernement, même le gouvernement conservateur.
Je reviens sur le projet de loi . Une chance qu'on a encore des tribunaux dans ce pays. Une chance qu'on a la Cour suprême du Canada pour nous informer que certaines dispositions doivent être ajustées, car elles ne respectent pas la Charte canadienne des droits et libertés. J'en ai fait mention précédemment dans mon commentaire. Aussi, je sais pertinemment que le projet de loi d'intérêt privé , qui est une attaque directe envers les organisations syndicales et les associations de travailleurs et travailleuses, risque également de se ramasser devant les tribunaux, devant la cour.
Ce sera une bonne chose que les tribunaux puissent se pencher sur ce genre de projets de loi probablement anticonstitutionnels, qui sont des intrusions dans la vie privée des gens et dans le droit d'association et qui viennent du côté des conservateurs. C'est donc une chance qu'on a encore dans notre société et dans notre État de droit des tribunaux qui forcent le gouvernement à modifier des lois qui sont anticonstitutionnelles, afin de se conformer à l'article 8 de la Charte, par exemple, ce qui est le cas actuellement avec le projet de loi .
Rappelons que si ce projet de loi se retrouve aujourd'hui devant nous, c'est tout simplement parce que le juge a conclu lors du procès que l'article 184.4 — c'est ce qu'on modifie — portait atteinte au droit, garanti par l'article 8 de la Charte, d'être protégé contre les fouilles, les perquisitions, les saisies abusives, et qu'il ne s'agissait pas d'une limite raisonnable au sens de l'article premier.
Aujourd'hui, on corrige donc le tir et on ajuste nos lois pour qu'elles soient conformes à nos valeurs et à nos principes, comme société qui veut défendre la sécurité des gens mais également leur vie privée.
Dans ce débat, il est important de rappeler en quoi consiste l'article 184.4 du Code criminel. Il dit:
L'agent de la paix peut intercepter, au moyen d'un dispositif électromagnétique, acoustique, mécanique ou autre, une communication privée si les conditions suivantes sont réunies:
a) il a des motifs raisonnables de croire que l’urgence de la situation est telle qu’une autorisation ne peut, avec toute la diligence raisonnable, être obtenue sous le régime de la présente partie;
b) il a des motifs raisonnables de croire qu'une interception immédiate est nécessaire pour empêcher un acte illicite qui causerait des dommages sérieux à une personne ou à un bien;
c) l'auteur de la communication ou la personne à laquelle celui-ci la destine est soit la victime ou la personne visée, soit la personne dont les actes sont susceptibles de causer les dommages.
Il est important de savoir exactement de quoi on parle, mais, pour les néo-démocrates et pour la plupart des gens de bonne foi, il est également important d'avoir des mécanismes de surveillance et de reddition de comptes. C'est pourquoi les dispositions de l'article 195, mais aussi le projet de loi , sont des mesures acceptables pour l'opposition officielle, car elles enlèvent un peu de l'arbitraire que les forces policières pourraient utiliser dans certaines situations.
Pour les besoins de la sécurité publique, on est conscient que les policiers doivent posséder ces outils et y avoir recours. Par contre, cela ne doit pas tomber dans le vide par la suite. Il doit y avoir un suivi. C'est pourquoi nous sommes heureux d'avoir ces mécanismes de surveillance. On comprend les inquiétudes des citoyens et citoyennes échaudés par le projet de loi du gouvernement conservateur. Ce projet de loi était vraiment une attaque à la vie privée de par sa capacité d'intrusion dans la vie des gens.
Aussi, il faut trouver ce point d'équilibre entre la protection de la vie privée et la capacité pour les forces policières de faire leur travail en assurant la sécurité publique. Cet équilibre doit exister même en faisant de l'écoute, en interceptant des communications pour que l'intégrité physique de nos concitoyens soit protégée et que les gens ne commettent pas des actes répréhensibles pouvant mettre en danger la vie et la sécurité des Québécois et des Canadiens.
Tout cela est un balancier, un jeu d'équilibriste. Nous considérons que, pour une fois, le projet de loi devant nous est raisonnable et bien équilibré, admettons-le. Je reviens toutefois sur un point; c'est la cour qui a forcé la main au gouvernement. On lui a tordu le bras pour qu'il s'ajuste. Il y a un échéancier également. Et si on parle aujourd'hui de ce projet de loi, c'est parce qu'on n'a plus le choix. La cour a dit qu'il fallait régler cette question au début du mois d'avril. Une chance que nous l'avons!
J'aimerais citer un extrait d'un témoignage entendu en comité. Il exprime bien notre perception des choses au Nouveau Parti démocratique. Mme Raji Mangat, avocate de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, témoignait le 6 mars dernier au Comité permanent de la justice et des droits de la personne et disait ceci:
[...] l’ALCCB [son association] est heureuse de constater que le projet de loi C-55 restreindra l'application de l'article 184.4 aux policiers. C’est, à notre avis, un amendement sensé et nécessaire qui appuie la logique sous-tendant la disposition, afin de fournir aux organismes d'application de la loi un moyen de prévenir, de toute urgence, des préjudices imminents et graves.
Cela étant dit, l’ALCCB est également heureuse que le projet de loi C-55 limite les mises sur écoute sans mandat à des circonstances dans lesquelles on vise à prévenir la perpétration d'une infraction. L'ajout d'une exigence en matière d'avis, à l'intention des personnes qui ont fait l'objet d'une interception non autorisée par un tribunal, harmonise l'article 184.4 avec les autres dispositions du Code criminel. L'exigence en matière d’avis assure la transparence et sert de mécanisme de contrôle essentiel de ce pouvoir exceptionnel d'intercepter les communications sans autorisation judiciaire.
L'obligation de faire rapport prévue par le projet de loi C-55 est aussi une modification bienvenue, car elle accroîtra la responsabilité des services de police. Ensemble, les exigences en matière d’avis et de rapports renforceront la responsabilité et la surveillance dans l’utilisation d’interceptions sans autorisation judiciaire. De plus, l’ALCCB [son association] appuie les amendements qui visent à recueillir des données supplémentaires.
Je me permettrai de faire une digression en parlant de sécurité, plus particulièrement celle des gens de Rosemont—La Petite-Patrie, en ce qui concerne les chemins de fer et les passages piétonniers. C'est important d'avoir des mesures qui encouragent le transport actif pour que les gens puissent traverser de manière sécuritaire les chemins de fer qu'on a dans la ville de Montréal. J'appuie tous les groupes et les élus qui font pression dans cette direction. C'est important pour améliorer la qualité de vie des gens de Rosemont—La Petite-Patrie.
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Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir à propos du projet de loi . Je dois rappeler d'emblée pourquoi nous en débattons aujourd'hui. Le 13 avril 2012, la Cour suprême du Canada a adressé un message sans équivoque à la Chambre des communes, en particulier au , à savoir qu'il fallait modifier l'article 184.4. Elle a laissé un an au gouvernement du Canada pour adopter toute mesure législative nécessaire pour rendre le Code criminel conforme à la Charte, sans quoi l'article deviendrait caduc.
Qu'est-ce que l'article 184.4? Il autorise un policier à intercepter une conversation privée par un moyen quelconque sans disposer d'un mandat à cet effet. C'est de cela qu'il est question. Le gouvernement est au fait du problème depuis des années, mais c'est la Cour suprême qui l'a forcé à agir en fixant une date butoir lorsqu'elle a rendu sa décision, le 13 avril 2012.
J'entends parler de la procrastination du gouvernement, qui s'est traîné les pieds avant de se décider à présenter le projet de loi, mais auparavant, j'aimerais livrer mes réflexions sur quelque chose qui, selon moi, tient à coeur à tous les Canadiens.
Tous les Canadiens croient au droit à la vie privée et veulent s'assurer qu'on ne l'enfreint pas. Il arrive qu'on soit un peu espionné. De plus en plus d'objectifs sont braqués sur nous. Pensons seulement aux radars et aux cinémomètres photographiques ainsi qu'aux caméras qui filment les intersections achalandées, voire, de nos jours, les trottoirs, les immeubles et d'autres lieux publics où des gens s'assemblent. De temps en temps, des électeurs veulent me parler du droit à la vie privée. Il faut prendre conscience qu'en tant que personnes, nous avons bel et bien droit à notre vie privée, un droit qui doit être protégé en tout temps.
Pendant des années, j'ai été un ardent défenseur de la Charte des droits et libertés, qui a résisté à l'épreuve du temps puisqu'elle célèbre son 30e anniversaire. Une majorité écrasante — plus de 90 % — de Canadiens l'admirent aujourd'hui et y voient une forme de protection.
Je me rappelle lorsque ma petite amie, qui est maintenant mon épouse, et moi regardions la cérémonie de signature avec Pierre Trudeau et la reine, en 1982. Ce fut un moment spécial, que ma petite amie a beaucoup apprécié. C'était important pour moi et pour elle aussi, je pense, parce que nous étions conscients de l'importance des droits individuels. C'est la raison pour laquelle le projet de loi est une mesure législative très importante.
J'ai eu l'occasion d'en parler à l'étape de la deuxième lecture. Malheureusement, je n'ai pas pu être présent lors des travaux du comité, mais j'ai pu prendre la parole hier à propos des modifications proposées, quoique brièvement, car nous n'avions droit qu'à 10 minutes. C'est néanmoins une importante mesure législative sur laquelle nous devons nous pencher.
Si nous l'examinons d'un point de vue historique — qu'on pense à Pierre Elliott Trudeau, à Jean Chrétien ou à l'un des meilleurs procureurs généraux du Canada, le député de —, ce projet de loi traite extrêmement bien des droits individuels et de la nécessité de les protéger. Bien souvent, lorsque des personnes de ce calibre prennent la parole pour parler des droits individuels, nous devons les écouter, car c'est un élément très important de l'identité canadienne.
Il suffit d'écouter le bulletin d'information pour voir qu'ailleurs dans le monde les droits individuels sont pratiquement niés. Il y a un manque généralisé de respect des droits individuels dans le monde. Je crois que le Canada a un rôle de premier plan à jouer pour montrer au monde entier l'importance que nous accordons à la Charte des droits.
Il y a plusieurs années, j'ai eu le privilège et l'occasion de faire un voyage en Israël. Lorsque j'ai rencontré un des politiciens là-bas, il a mentionné la Charte des droits du Canada et a dit qu'il estimait que ce qu'a fait le Canada en 1982 était important. Ce que nous faisons ici a des répercussions au-delà de nos frontières. C'est la raison pour laquelle nous devons être prudents et agir plus promptement quant il s'agit de mesures législatives importantes.
Avant d'étudier le projet de loi plus en détail, j'aimerais revenir sur les raisons pour lesquelles il a été présenté. J'ai déjà parlé de la Cour suprême du Canada et j'ai déjà dit que le gouvernement était déjà au courant du problème bien avant qu'elle se prononce. Essentiellement, la Cour suprême a dit au gouvernement qu'il avait fait un beau gâchis. Ce dossier n'avait pas besoin de se rendre jusqu'à la Cour suprême.
Les conservateurs auraient pu s'en occuper bien avant. De nombreux députés ici présents se rappelleront sans doute le projet de loi . Je n'étais pas encore ici à l'époque où il a été présenté, mais je sais qu'il tentait de corriger le problème sur lequel la Cour suprême a été obligée de se pencher. Comme les conservateurs ont prorogé le Parlement — faisant du coup mourir tous les projets de loi au Feuilleton —, cette tentative est restée lettre morte.
Ce n'était ni la première ni la deuxième tentative. La plus récente en date nous ramène au projet de loi , l'an dernier. Les conservateurs l'avaient d'ailleurs présenté en grande pompe. Or les allégations ont fusé et la réaction du public a été très vive, au point que le gouvernement a dû faire marche arrière, et nous n'en avons plus jamais entendu parler.
Ce projet de loi, présenté il y a près d'un an, aurait permis de régler le problème, du moins en partie. Il aurait également permis de régler toutes sortes d'autres choses qui ont soulevé l'ire de centaines de milliers Canadiens et des partis de l'opposition, du moins du Parti libéral du Canada. Pourtant, les conservateurs ont raté l'occasion qui leur était offerte de traiter d'un problème extrêmement important. J'y reviendrai d'ailleurs dans un instant. Au lieu de faire ce qu'il fallait, c'est-à-dire reconnaître, dès juin, que le projet de loi C-30 ne menait nulle part, les conservateurs auraient pu présenter une autre mesure législative l'automne dernier, en septembre ou en octobre, par exemple, et nous aurions alors pu étudier les autres projets de loi de l'heure.
Le gouvernement aurait très bien pu s'occuper de ce dossier-là avant aujourd'hui. Ce n'est pas comme si le projet de loi avait provoqué une levée de boucliers. Au contraire, les députés du Parti libéral ont clairement dit qu'ils allaient l'appuyer. Nous n'avons rien fait pour en ralentir l'adoption, car nous sommes conscients qu'il doit être adopté d'ici le 12 ou le 13 avril prochain, et nous faisons tout ce que nous pouvons pour que cet objectif soit atteint.
Toutefois, nous croyons aussi que les mesures législatives doivent être étudiées avec une diligence raisonnable et franchir le processus dans les meilleurs délais.
Ce que cela veut dire? Que le gouvernement et plus particulièrement le leader du gouvernement à la Chambre doivent agir. Voilà un autre rappel à l’ordre pour le leader. Il doit mettre de l’ordre dans son programme législatif. Il devrait peut-être rencontrer le et certains de ses autres ministres pour savoir quelles sont les autres mesures en préparation dont la Chambre des communes sera saisie. S’il faisait correctement son travail, alors au moins, le projet de loi à l’étude aujourd’hui aurait pu et aurait dû être présenté dès octobre dernier, à un mois près. Si les conservateurs avaient agi de la sorte, il ne serait pas nécessaire d’adopter le projet de loi dans l’urgence.
Beaucoup de mes collègues du caucus diraient que la décision a été prise de façon intentionnelle. Le gouvernement a tardé à présenter cette mesure. Je ne peux reprocher à mes collègues de penser de la sorte. Il suffit de voir tous les projets de loi qui ont été présentés et le nombre record de motions d’attribution de temps qui ont été adoptées pour des mesures très variées. Rappelons-nous ces énormes projets de loi d’exécution du budget contenant des dizaines de lois modifiées de façon détournée à l’occasion d’un budget. Il est facile de comprendre que des députés libéraux soient quelque peu sceptiques devant la façon dont le gouvernement choisit de mettre des projets de loi à l’étude.
Le choix du bon moment est une question de la première importance.
Aujourd’hui, nous sommes saisis du projet de loi . On s’attend à ce qu’il soit adopté. Je le répète, il a l’appui du Parti libéral, et les libéraux aideront le gouvernement à le faire adopter, au bout du compte.
Par contre, nous demandons au gouvernement de prendre ses responsabilités, lorsqu’il présente un projet de loi, de tenir compte du fait que la Chambre des communes a un rôle très important à jouer. Lorsqu’il met un projet de loi à l’étude à l’étape de la deuxième lecture, les députés de toutes les allégeances devraient avoir la possibilité d’apporter leur contribution, quelle qu’elle soit. Même si on a l’impression que les diverses interventions sont répétitives, le gouvernement doit rendre possible cette participation et prévoir le temps nécessaire à un renvoi dans les meilleurs délais au comité, où nous pouvons inviter différents groupes intéressés.
J’aime à penser que, dans un processus normal, le projet de loi aurait suscité un intérêt plus vif de la part de différents intervenants des quatre coins du Canada, qui auraient expliqué le type de mesure qu’ils souhaitaient. Ces échanges auraient été très féconds.
Un effort a été tenté. Il pourrait être très décourageant de proposer des amendements à la Chambre, puisqu’il s’y trouve une majorité conservatrice, un type différent de parti conservateur et réformiste qui plonge ses racines dans la vieille mouvance réformiste, peut-être. C’est une attitude différente qui règne. Même moi, je l’ai décelée. Il peut être difficile de proposer des amendements à la Chambre. J’ai vu des amendements se heurter à une obstruction totale. Je me souviens du moment où le député de a tenté de proposer des amendements au comité et, pour finir, à l’étape de la troisième lecture. Le gouvernement les a rejetés. Il a fallu que ce soit le Sénat qui les adopte.
Si nous avions eu la possibilité, pour le projet de loi , non seulement de tenir un débat complet à la Chambre, mais aussi de convoquer des intervenants des quatre coins du Canada pour qu’ils contribuent au débat, il me semble qu’il y aurait eu une discussion plus riche.
Il est important de permettre ces échanges. Il s’agit ici de communications privées que la police peut interrompre ou écouter sans mandat. C’est très grave. Beaucoup de Canadiens auraient fait valoir leur point de vue s’ils avaient eu l’impression que nous avions le temps d’écouter sérieusement les intervenants ou si les partis de l’opposition ou divers députés avaient pu mener des consultations à l’avance au sujet du projet de loi.
Nous passons maintenant de l'étape de l'étude en comité à celle de la troisième lecture. Le projet de loi nous a été renvoyé il y a quelques jours. Nous, libéraux, souhaitons le voir adopté. Je présume que les néo-démocrates nous appuieront. Toutefois, les délais alloués ont représenté un problème de taille.
Le projet de loi exige que les ministres concernés fassent rapport chaque fois qu'une interception a lieu. Ainsi, le ministre de la Justice du Manitoba, de l'Ontario ou d'ailleurs au Canada, serait informé chaque fois qu'une interception a eu lieu dans sa province. La province en question aurait alors l'obligation de faire rapport à la Chambre des communes, par l'intermédiaire du ministre de la Sécurité publique et, idéalement, déposerait un document devant la Chambre. Il s'agit d'une mesure très importante.
Nous osons espérer que les services de police ne se prévaudront que très rarement de l'article 184.4 en l'absence de mandat. Il n'y a rien de mal à s'efforcer de recueillir et d'accumuler des renseignements qui nous permettent de formuler une opinion concernant son utilisation. Nous devrions étudier la question, car c'est de droits individuels qu'il s'agit.
Lorsque les droits d'une personne sont mis de côté parce qu'on croit qu'il en va de l'intérêt public, cette personne a le droit de savoir que cette interception a été effectuée sans mandat. Nous ne suggérons pas de téléphoner à la personne pour l'aviser que son appareil sera mis sous écoute. Une fois que l'interception a été effectuée, il est de rigueur d'informer la personne de ce qui a eu lieu. D'après ce que je comprends, c'est ce que le projet de loi propose.
Le projet de loi permettra une reddition de compte accrue et une meilleure surveillance. Il restreint le nombre de personnes et d'entités qui peuvent se prévaloir de l'article 184.4. Aujourd'hui, le maire d'une municipalité a le droit d'écouter une conversation privée sans mandat. Dans la loi actuelle, la catégorie de gens qui ont ce droit est trop vaste, et nous devons la restreindre. Le projet de loi confère ce droit aux policiers seulement.
Il limite également le genre d'interceptions permises. Celles-ci ne devraient être faites que très rarement. Lorsque la vie d'une personne est en danger ou qu'un enfant est kidnappé, par exemple, nous devons faire en sorte que les policiers aient les moyens nécessaires pour sauver cette vie ou éviter que l'enfant soit agressé. Le projet de loi se dirige dans cette direction.
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Monsieur le Président, c'est un grand honneur, comme toujours, de prendre la parole à la Chambre au nom des gens de Timmins—Baie James, qui m'ont accordé leur confiance pour examiner les projets de loi dont la Chambre est saisie.
J'expliquerai aujourd'hui pourquoi le Nouveau Parti démocratique appuie le projet de loi et en quoi le projet de loi est efficace. Par contre, je parlerai aussi des questions sur lesquelles il faut se pencher ainsi que de la grille d'analyse qu'il faut appliquer pour comprendre comment la mesure législative a été élaborée, à quoi elle donne suite et en quoi elle est liée à deux autres mesures législatives importantes dont la Chambre est saisie.
Ces deux autres mesures législatives, le projet de loi et le projet de loi , renferment chacun des éléments clés qui traduisent bien la capacité du gouvernement d'adopter des mesures législatives et la façon dont ces mesures législatives sont adoptées.
D'abord, il est étonnant que le projet de loi soit aussi restreint. Il ne porte en fait que sur un seul article du Code criminel, l'article 184.4, que la Cour suprême a invalidé.
Nous constatons que les mesures législatives dont la portée est limitée sont habituellement plus efficaces que celles qui ont une vaste portée. Les mesures législatives sont des instruments plutôt élémentaires. Malheureusement, nous avons vu que le gouvernement se plaît à présenter toutes sortes de projets de loi, souvent sans penser aux conséquences ou sans trop s'en soucier. Des projets de loi omnibus ont successivement été présentés à la Chambre, sans avoir fait l'objet d'un examen adéquat et sans qu'on comprenne bien leurs liens avec des éléments fondamentaux comme les droits garantis par la Charte.
J'ajouterais que le gouvernement fait, à mon avis, ce qui s'impose en définissant très étroitement le projet de loi , qui s'attaque à un problème important. J'aimerais croire que le gouvernement a mûri cette approche de lui-même et que, désormais, c'est ainsi qu'il abordera les questions pénales et la réforme du système de justice pénale, mais ce n'est pas vraiment ce qui s'est produit.
Le gouvernement réagit au fait que la Cour suprême a déclaré inconstitutionnel l'article 184.4 du Code criminel et lui a donné jusqu'au 13 avril, c'est-à-dire d'ici deux semaines, pour résoudre le problème.
Je vais parler un peu du projet de loi , puis j'expliquerai de quelle façon la décision de la Cour suprême est liée au projet de loi et au projet de loi .
La Cour suprême a déterminé, dans la décision R. c. Tse, que le recours à l'écoute électronique sans mandat par les policiers pour assurer la sécurité d'une personne est une démarche appropriée aux termes de l'article 184.4. Si la vie d'une personne est en jeu, conformément à la jurisprudence canadienne, les policiers ont la possibilité de prendre les mesures nécessaires pour obtenir les preuves dont ils ont besoin afin de protéger cette personne. Cette pratique est établie depuis longtemps dans le droit canadien.
Le problème, cependant, c'est que l'article 184.4 ne comporte aucun mécanisme de reddition de comptes. Ce que je trouve intéressant dans la décision de la Cour suprême c'est que, même dans le cas d'activités criminelles — et, dans ce cas précis, il s'agissait d'un enlèvement, d'une agression horrible contre un citoyen —, les droits fondamentaux garantis par la Charte demeurent et qu'il faut en tenir compte.
La Cour suprême a adopté une perspective plus vaste et a reconnu qu'on ne peut pas brandir le spectre de la criminalité pour miner les droits fondamentaux des citoyens canadiens. C'est une notion qui semble tout à fait étrangère au Parti conservateur, dont les députés d'arrière-ban s'agitent chaque fois qu'ils parviennent à évoquer un cas extrême d'activité criminelle pour se justifier de bafouer le droit à la vie privée et les droits fondamentaux des citoyens. Ils ont procédé de la sorte à maintes reprises.
La Cour suprême a dit non. Dans notre pays, pour déterminer la conformité au droit, on évalue ce qui est raisonnable et ce qui est déraisonnable. Ce qui est raisonnable, c'est que des agents de la paix qui savent que quelqu'un est en danger et doivent obtenir certains renseignements sans tarder recourent à l'écoute électronique sans mandat afin de recueillir l'information voulue et demandent le mandat au juge plus tard. Ce qui est déraisonnable, c'est que cela se fasse sans mécanisme de surveillance.
L'article 184.4 éclaircira cette question, car il précisera — ce qui est aussi très important en ce qui concerne les projets de loi et — qui peut agir ainsi — la police —, comment — dans des circonstances particulières — et pourquoi cette pratique doit être utilisée — pour protéger les droits des citoyens tout en assurant la sécurité de personnes peut-être menacées par une activité criminelle. Il est essentiel que le projet de loi établisse comment cette infraction à la loi sera autorisée.
Le projet de loi , dont la mesure que nous étudions présentement devait faire partie, ne parle ni du qui, ni du comment, ni du pourquoi. En fait, il est si général que les commissaires à la protection de la vie privée de tous les coins du pays ont réagi comme ils ne l'avaient jamais fait jusqu'ici en se prononçant contre la tentative du gouvernement de porter atteinte aux droits civils fondamentaux des citoyens canadiens.
Chaque fois que le gouvernement cherche à faire quelque chose tout en sachant que cela ne résistera pas à l'épreuve de la conformité à la Charte ou à obtenir quelque chose tout en sachant que le public ne l'acceptera pas, il brandit un épouvantail. Le ministre a peut-être eu recours à l'attaque la moins fondée qu'on ait jamais entendue à la Chambre quand il a affirmé que ceux qui se préoccupaient du droit à la protection des renseignements personnels et des droits individuels au pays et qui osaient lui poser une question étaient du côté des gens qui se livrent à la pornographie juvénile.
La mauvaise foi a atteint son paroxysme. Évidemment, nous avons pu constater par la suite qui est vraiment dans le camp des adeptes de la pornographie juvénile: M. Tom Flanagan, qui prétend qu'il s'agit d'un crime sans victime. Nous voyons les médias de la droite s'inquiéter du sort de M. Tom Flanagan, un homme blanc de droite très riche et très célèbre. On nous raconte que ses droits ont été bafoués. Un journaliste a affirmé qu'en se scandalisant du choix de M. Flanagan de défendre les droits des adeptes de la pornographie juvénile, les Canadiens manifestaient leur esprit fondamentalement superficiel.
Mais le ministre ne s'est pas gêné pour employer ce genre de langage insidieux en vue d'occulter les failles majeures du projet de loi . Le gouvernement devait savoir que la Cour suprême finirait par en invalider toutes les dispositions, puisqu'elles n'étaient conformes ni à la Charte, ni aux critères élémentaires établis dans la jurisprudence, et ce sont les mêmes raisons qui font que le projet de loi est nécessaire.
Comparons les failles du projet de loi — lequel ne précise ni le qui, ni le comment, ni le pourquoi — au contenu du projet de loi . Le gouvernement présentera peut-être de nouveau le projet de loi ; nous n'en sommes pas certains. En vertu de l'article 33 du projet de loi , le gouvernement aurait le droit de mandater un inspecteur pour que ce dernier exige d'une entreprise de télécommunications qu'elle lui fournisse de l'information.
Le ministre pourrait choisir les inspecteurs comme il le voudrait, puisque le projet de loi n'indique pas qui seraient ces personnes. Seraient-ce des policiers? Seraient-ce des agents de sécurité du secteur privé? Serait-ce du personnel politique? Nous ne le savons pas. Le projet de loi accorderait au ministre le pouvoir extraordinaire de nommer des inspecteurs comme il veut. En vertu de l'article 34, ces inspecteurs auraient le droit d'entrer dans les locaux des entreprises de télécommunications et d'y recueillir de l'information sur de simples citoyens. Voilà qui ne résisterait jamais à une contestation judiciaire invoquant la Charte.
À l'inverse, nous voyons que, dans le projet de loi , le gouvernement a limité comme il se doit le droit d'obtenir de l'information sans mandat à la police uniquement. Nous devrions savoir qui est capable d'obtenir de l'information sur nous.
Avec le projet de loi , le gouvernement voulait permettre l'accès sans mandat à l'information sur la transmission de données de tous les abonnés qui, au Canada, ont un téléphone cellulaire ou une adresse Internet, ce qui signifie à peu près 95 ou 96 % du public canadien. Les personnes chargées de recueillir cette information pourraient être n'importe qui.
Les titulaires du poste de commissaire à la protection de la vie privée se sont opposés à cela. Ils ont affirmé que, contrairement aux affirmations du Parti conservateur, ce genre de disposition était loin d'être comparable à la consultation d'un annuaire téléphonique. Ann Cavoukian a déclaré que c'était « l'une des menaces les plus graves de violation de la vie privée et de la liberté » qu'il lui ait été donné de voir. Au sujet du pouvoir d'exiger cette information et de l'obligation de la fournir, elle a dit ceci:
[...] contrairement à l'adresse municipale, le nom du client et l'adresse Internet permettent d'accéder à tous les détails sur son activité en ligne. Par conséquent, les renseignements sur l'abonné sont loin d'être l'équivalent moderne d'un annuaire téléphonique public. Il s'agit plutôt d'une clé qui permet d'accéder à un plus vaste ensemble d'informations sensibles.
C'est ce que les conservateurs souhaitaient pouvoir recueillir.
Le non-respect du droit à la vie privée ne s'arrêtait pas là. En proposant le projet de loi , le gouvernement voulait essentiellement forcer les entreprises de télécommunication à mettre en place un réseau supplémentaire pour espionner les communications. Ainsi, ces entreprises auraient été obligées d'intégrer à leurs réseaux un système permettant au gouvernement de surveiller, en tout temps, les activités de tout citoyen, à l'insu de ce dernier, sans que cette mesure soit encadrée par des mécanismes de surveillance.
La commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l'Ontario, Ann Cavoukian, a dit que, en réalité, le gouvernement était en train de créer, peut-être sans le savoir, un environnement idéal pour le piratage informatique. Si nous facilitons l'accès à tous les réseaux de télécommunication afin que la police puisse s'en servir pour faire de l'espionnage, il est certain que les pirates informatiques pourraient bénéficier d'une telle mesure encore plus que les services de police et de sécurité, puisqu'ils ont généralement une bonne longueur d'avance sur tout le monde dans ce domaine, au point où il existe d'énormes groupes internationaux de pirates informatiques qui emploient des méthodes de pointe en matière de cyberpiratage.
Le projet de loi limite les possibilités d'écoute électronique sans mandat aux cas où une personne est menacée. Il devrait ensuite y avoir des mécanismes de surveillance, et des rapports devraient être publiés et présentés au Parlement, pour qu'on puisse savoir comment on se sert de ces possibilités d'écoute électronique. Le projet de loi définit cette forme d'atteinte au droit à la vie privée des citoyens, et il prévoit des mesures de protection à cet égard, alors que le projet de loi permettait de donner libre cours à cette pratique, sans le moindre égard aux droits fondamentaux des citoyens.
Évidemment, nous savons que le projet de loi a suscité un vaste mouvement de protestation très stimulant et positif au sein de la population, qui a demandé à ce que le droit à la vie privée soit protégé et défini, au pays, dans le respect de la primauté du droit. Ce mouvement de protestation contre le gouvernement était sans précédent. Depuis ce temps, le évite de se montrer en public. C'est signe que les Canadiens savent faire la différence entre ce qui est raisonnable et ce qui ne l'est pas.
Aux termes du projet de loi , le gouvernement doit se limiter à recueillir des renseignements pour des motifs raisonnables, tels que la protection d'une personne menacée, plutôt que de faire fi du droit à la vie privée. En ce qui concerne la défense de ses droits, je dirais que le peuple canadien fait figure de chef de file dans le monde, beaucoup plus que le gouvernement, qui témoigne très peu de respect pour le droit des Canadiens à la vie privée. Dans d'autres démocraties qui vivent à l'ère du numérique, des métadonnées et des caméras en circuit fermé, et qui sont dotées de lois en matière de droits à la vie privée, les citoyens voient leurs droits s'éroder, alors qu'au Canada, nous tenons à maintenir ces droits.
Dans le projet de loi , qui est l'autre mesure législative à laquelle on peut comparer le projet de loi , le gouvernement manifeste encore une fois un manque total de respect envers le droit des Canadiens à la vie privée. On ne montre aucunement que l'on comprend l'importance des droits relatifs à la vie privée. La perte d'une quantité massive de données financières privées relatives à plus de 500 000 Canadiens, à Ressources humaines et Développement des compétences Canada, a d'ailleurs fait la preuve de ce manque de compréhension. Il y a eu d'autres atteintes à la protection des données. Nous avons constaté la désinvolture du gouvernement qui, plutôt que d'aviser les citoyens qu'une atteinte à leurs données financières personnelles avait eu lieu, a préféré protéger son ministre et garder le silence pendant des mois au sujet de cette perte. Des gangs internationaux de tout acabit auraient pu mettre la main sur ces données, s'emparer des dossiers de crédit des personnes concernées et commettre une fraude à grande échelle, car c'est ce qui peut se produire lorsque la population n'est pas alertée.
Au moyen du projet de loi , le gouvernement souhaite changer le seuil de déclaration pour les entreprises privées lorsque se produisent de telles atteintes à la protection des données. Ceci compte pour beaucoup dans la façon dont nous protégeons les droits des citoyens. Selon les changements que propose le gouvernement dans le projet de loi , les entreprises privées qui détiennent nos données, que ce soient une banque, la compagnie Sony PlayStation ou toute autre entreprise avec qui on effectue des transactions en ligne, devraient signaler une atteinte aux mesures de sécurité au commissaire à la protection de la vie privée seulement en cas de préjudice grave. « Grave » représente un seuil extrêmement élevé. Des infractions de toutes sortes peuvent survenir dans les cas où le risque est moindre.
De plus, les entreprises privées hésiteraient beaucoup à rendre public le fait qu'elles auraient pu égarer de l'information relative aux cartes Visa ou aux renseignements personnels de 100 000, 200 000 ou 500 000 personnes, car cela aurait une incidence sur leur modèle de base de gestion en ligne. Tout se fait en ligne maintenant. Or, le gouvernement dit à des entreprises privées qu'elles ne sont tenues de signaler que les atteintes à la vie privée susceptibles de causer un préjudice grave. C'est moins que le strict minimum et cela dénote une méconnaissance de l'importance du droit à la protection de la vie privée au Canada.
Nous estimons qu'il doit y avoir une règle très claire disant que, si des entreprises craignent que des renseignements personnels aient été piratés, elles doivent le signaler au commissaire à la protection de la vie privée, qui a un rôle extraordinaire à jouer dans la protection de la vie privée et peut examiner la situation et déterminer si des mesures s'imposent.
Toutefois, nous voyons que, encore une fois, le gouvernement sape le rôle du commissaire à la protection de la vie privée et on se demande bien pourquoi. À l'heure où un nombre croissant de Canadiens exploitent leur entreprise en ligne et où nous effectuons nos opérations financières en ligne, la dernière chose que nous devrions faire est de créer un paradis des pirates informatiques au Canada pendant que le reste du monde nous devance en la matière. Ann Cavoukian en a parlé.
Il est extraordinaire que le Canada ait déjà été perçu comme le chef de file mondial en matière de protection de la vie privée. Notre commissaire à la protection de la vie privée est certainement considérée comme une chef de file mondiale, mais nos lois sont de plus en plus désuètes par comparaison à celles des Européens et des Américains. Au moment où la commissaire à la protection de la vie privée demande qu'on lui donne les moyens de nous moderniser pour tenir compte des cybermenaces et encadrer la protection des renseignements personnels à l'ère des données massives, le gouvernement actuel affaiblit la loi.
Quel est le rapport avec le projet de loi ? Sur le plan du libellé, les liens entre les projets de loi , et , du moins jusqu'à présent, sont évidents. Le projet de loi C-12 autoriserait les organismes et les entreprises, y compris les sociétés de télécommunications, à divulguer des renseignements personnels aux organismes gouvernementaux et, peut-être, aux policiers — mais peut-être pas — pour l'exercice de fonctions de police, et ce, à l'insu de l'intéressé et sans son consentement. C'est ce que dit le paragraphe 6(6), mais le terme « fonctions de police » n'est pas défini.
Je rappelle que c'est le libellé du projet de loi , celui qui autorise l'accès légal et permet d'épier les activités sur Internet, qui habiliterait un quelconque agent ou service chargé de la sécurité d'obtenir des renseignements sur une personne par l'intermédiaire de ses télécommunications sans préciser qui serait autorisé à recueillir cette information. Le projet de loi , lui, confère ce pouvoir exclusivement et explicitement aux policiers.
Je partage l'avis de mon confrère conservateur et je lui dis qu'il faudra amener le projet de loi au même niveau en y définissant qui sont les personnes autorisées à demander ces renseignements. Autrement, nous finirons encore une fois devant les tribunaux. Préciser que les policiers ont le droit de demander cette information permettrait de satisfaire aux critères énoncés dans le projet de loi , des critères auxquels le projet de loi C-12, dans sa forme actuelle, ne satisfait pas. Le problème, c'est que le projet de loi C-12 ne prévoit aucun mécanisme de surveillance. Imaginons qu'un fournisseur d'accès Internet reçoive une demande de renseignements à propos d'un usager en particulier: le projet de loi C-12 ne prévoit aucun mécanisme pour faire rapport de ces démarches. Voilà pourquoi il ne satisferait pas aux critères énoncés dans le projet de loi .
Il est clair que les conservateurs, lorsqu'ils ont présenté le projet de loi , qui leur aurait permis d'espionner le plus de gens possible aussi souvent qu'ils le voulaient et comme ils le voulaient, ont aussi tenté d'ajouter à d'autres lois des dispositions correspondantes afin que tout cela puisse fonctionner. Le projet de loi , qui modifie la Loi sur la protection des renseignements personnels, allait tout à fait dans ce sens. Mais le projet de loi C-30 a inspiré un tollé de protestations dans la population et nous avons maintenant devant nous le projet de loi , qui définit clairement qui sera autorisé à agir, comment et pourquoi. Il serait important d'établir des mécanismes comparables pour le projet de loi C-12.
Les conservateurs marchent actuellement sur le droit chemin, mais ce n'était pas leur intention; il a fallu les traîner presque de force, à reculons, mais c'est notre devoir de les ramener sur le droit chemin. Nous voulons collaborer avec eux. Ils ont du mal à rester sur le droit chemin, mais nous voulons les aider. Nous voulons aussi les aider à suivre le programme de responsabilisation en 12 étapes, mais ils retombent souvent dans leurs mauvaises habitudes, malheureusement. Ils veulent s'attaquer aux libertés individuelles. Ils veulent s'attaquer aux individus. Ils tiennent à faire de l'espionnage en ligne. Mais ils ne le peuvent pas, parce que le Canada respecte la primauté du droit.
Nous les invitons à venir travailler avec nous et à tirer parti de l'expérience de leurs collègues qui en savent peut-être un peu plus qu'eux sur certains de ces sujets. La Cour suprême a indiqué les paramètres qu'il faudra respecter. Maintenant que le projet de loi est en place, les faiblesses du projet de loi sautent aux yeux et exigent une intervention. Ce qu'il faudra faire à propos du projet de loi C-12, ce sera de voir à ce que le projet de loi et les dispositions d'espionnage en ligne que souhaite le gouvernement actuel ne reviennent jamais à la Chambre.