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ERRE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur la réforme électorale


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 27 juillet 2016

[Enregistrement électronique]

(1400)

[Français]

     Bonjour à tous les membres du Comité.
    Bienvenue aux témoins de cet après-midi.
    Nous accueillons M. Leslie Seidle, directeur de recherche, Évolution de la communauté fédérale canadienne. À titre personnel, nous recevons M. Larry LeDuc, professeur émérite à l'Université de Toronto, ainsi que M. Hugo Cyr, doyen de la Faculté de science politique et de droit de l'Université du Québec à Montréal.
    Permettez-moi de parler rapidement de certaines réalisations des témoins.

[Traduction]

    M. Leslie Seidle est directeur de recherche du programme Évolution de la communauté fédérale canadienne à l'Institut de recherche en politiques publiques, ainsi qu'expert-conseil en politiques publiques. Il a également été coordonnateur principal de la recherche à la Commission royale d'enquête sur la réforme électorale et le financement des partis, et auteur de l’ouvrage Rethinking the Delivery of Public Services to Citizens et de nombreux articles sur des questions liées à l’immigration, à la réforme électorale et constitutionnelle, à la gestion publique et au financement politique.
    Comme je l'ai dit, M. Larry LeDuc est professeur émérite à l'Université de Toronto. Il a notamment publié Comparing Democracies, Dynasties and Interludes, The Politics of Direct Democracy, Absent Mandate, How Voters Change et Political Choice in Canada, de même que de nombreux chapitres d'ouvrages et articles parus dans des publications telles que Electoral Studies, Party Politics, Political Science et Canadian Journal of Political Science.
    Le doyen Hugo Cyr est membre du Centre de recherche interdisciplinaire sur la diversité et la démocratie, de l’Association québécoise de droit constitutionnel, et de la Chaire UNESCO d'étude des fondements philosophiques de la justice et de la société démocratique. Il a été chercheur invité à l’Académie européenne de théorie du droit, à Bruxelles, et aide juridique auprès de l'honorable Ian Binnie, juge de la Cour suprême du Canada.
    Je pense donc que la discussion de cet après-midi sera des plus intéressante, stimulante et enrichissante. Nos témoins disposent de 10 minutes chacun, je crois. Par la suite, nous procédons habituellement à deux séries de questions au cours desquelles chaque membre du Comité pourra poser une question, puis vous aurez cinq minutes pour répondre. Chaque intervenant a donc cinq minutes pour les questions et les réponses, après quoi nous faisons un deuxième tour suivant le même format.
    Nous allons donc sans plus tarder commencer par M. Seidle.

[Français]

    J'aimerais remercier le Comité de son aimable invitation à participer à ses travaux importants. Je constate que vous ne chômez pas cet été.
    Je dois d'abord dire un mot à propos de l'Institut de recherche en politiques publiques.
    Fondé en 1972, l'Institut est un organisme canadien indépendant, bilingue et sans but lucratif. Bien qu'il publie des recherches qui recommandent des changements aux politiques publiques, il ne se prononce pas sur de telles questions.
    À cet égard, les observations que je vais offrir aujourd'hui sont les miennes et ne constituent pas une position de l'IRPP.

[Traduction]

     Avant d'entrer dans le vif du sujet, je souhaite exprimer ma préoccupation sur une question générale qui ne fait pas partie du mandat du Comité: quel serait l'objectif global d'un nouveau mode de scrutin fédéral? Quel problème cherche-t-on à régler? Autrement dit, en quoi l'essence de la démocratie canadienne changerait-elle — pour le mieux, peut-on présumer — si le mode de scrutin actuel était remplacé par un autre? Je trouve que personne n'a répondu à cette question, qui est pourtant au coeur des travaux dont vous êtes saisis.
    Il suffit de se pencher un peu plus sur la question pour trouver trois phrases à propos de la réforme électorale dans la plateforme de l'année dernière du Parti libéral. L'une d'entre elles énonce l'engagement du parti à ce que l'élection à venir soit la dernière à être organisée selon le mode de scrutin actuel. Un titre précède cette phrase: « Nous ferons en sorte que chaque vote compte ». Voilà qui ne nous aide pas beaucoup.
    La ministre des Institutions démocratiques a qualifié le mode de scrutin actuel de « désuet ». Je présume qu'elle veut dire qu'il ne convient plus au but recherché, un peu comme un meuble qui n'a plus sa place dans un nouveau décor. Mais à quel but le mot « désuet » est-il associé? Même si les institutions politiques doivent être adaptées à l’évolution des circonstances, ce qu'a fait le Canada à bien des égards, y compris au moyen de nos ententes fédérales, je suis d'avis que ces institutions doivent être évaluées en fonction de critères autres que l'âge. Après tout, la continuité et la stabilité sont des qualités importantes des mécanismes démocratiques.
    Parlons maintenant de votre mandat. On vous demande d'étudier d'autres modes de scrutins pour remplacer le système en place, et d'évaluer la portée dans laquelle les options précisées pourraient améliorer la mise en oeuvre des principes de réforme électorale qui sont énumérés dans le mandat. À la lecture de ces principes — je suis parvenue à cette conclusion assez rapidement —, il m'a semblé impossible logiquement que votre comité puisse trouver un seul autre mode de scrutin qui respecte également l'ensemble des principes.
    Mais ce n'est peut-être pas votre objectif. Après tout, votre mandat parle d'options au pluriel, et non pas d'une seule option. Voilà qui m'amène au premier grand point que je souhaite aborder aujourd'hui, à savoir qu'il faut établir un ordre de priorité des principes associés aux autres modes de scrutin. Si vous présentez une autre option, vous devez savoir ce que celle-ci vise à accomplir. Si vous en présentez plus d'une, la même réflexion s'applique aux autres modes de scrutin.
    Je ne vais pas dresser l'ordre de priorité de ces principes à votre place, car je n'ai pas le temps. Je vais plutôt me prêter à un exercice plus modeste aujourd'hui et commencer par sélectionner deux d'entre eux qui, à mon avis, devraient être priorisés — je vais les reformuler légèrement. Le premier principe vise à accroître la représentativité et l'inclusion de la diversité au Canada. Le deuxième a pour but de favoriser les choix et la participation des électeurs.
    Le premier principe porte notamment sur la représentativité des différents groupes au sein de la société canadienne. Je ne parle pas ici de la représentativité des partis, car je sais que mon confrère abordera la question, et que vous avez entendu ou entendrez le témoignage de personnes comme Henry Milner et Dennis Pilon. Quoi qu'il en soit, la représentativité des groupes n'est pas qu'un simple exercice de calcul. Nous examinons combien de membres des minorités visibles ont été élus par rapport à la population: c'est légitime. Pourquoi procédons-nous ainsi? Nous le faisons parce que les décisions évoluent au même rythme que la composition du corps décisionnel. Si nous valorisons l'adaptabilité de la prise de décisions, nous devrions nous inquiéter que certains groupes ne soient pas représentés adéquatement au sein de nos parlements.
    Commençons par la situation des femmes, et voyons où elles en sont à la Chambre et au sein d'autres législatures élues suivant différents modes de scrutin. Deux tableaux ont été distribués, et je vais souligner quelques points à propos du premier.
(1405)
    Le premier tableau porte sur la représentation des hommes et des femmes. Dans les quatre pays qui sont dotés d'un système basé sur le principe de la majorité — le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis et l'Australie —, nous ne constatons aucun exemple où les femmes représentent même le tiers des députés de la chambre basse. Elles ne s'en sortent donc pas très bien ici.
    Dans le cas des modes de scrutin proportionnel et mixte, dont je n'ai inclus que quelques exemples ici, les femmes sont souvent mieux représentées, et parfois de façon considérable. C'est notamment le cas de la Suède, où 44 % des députés du parlement national sont des femmes. Ce n'est toutefois pas toujours ainsi.
    J'ai inclus la Hongrie. C'est un pays démocratique. Celui-ci éprouve des difficultés à l'heure actuelle, mais il fait néanmoins partie de l'Union européenne. La Hongrie était une démocratie dynamique avant de faire partie du bloc communiste, et ainsi de suite. Là-bas, les femmes ne représentent que 10 % des députés, même si le pays est lui aussi doté d'un mode de scrutin à représentation proportionnelle.
    Pour ce qui est du vote unique transférable, un seul grand pays utilise ce système dans sa chambre basse, et c'est l'Irlande, où les femmes représentent 22 % des députés, soit un peu moins que le Canada, et légèrement plus que les États-Unis.
    J'aimerais maintenant passer au deuxième tableau que j'ai distribué, qui porte lui aussi sur le principe de la représentativité et de l'inclusion. Je vous présente ici des données sur les minorités ethniques et les populations autochtones au sein des quatre plus anciennes démocraties de type Westminster et des États-Unis. Nous ne pouvons pas examiner les modes de scrutin à représentation proportionnelle de façon aussi poussée, principalement parce que nous manquons de données, comme dans le cas de la France, parce qu'il n'y a aucun peuple autochtone, ou parce que ce peuple est pratiquement absent ou qu'il n'est pas mesuré. Voilà pourquoi j'ai surtout sélectionné des pays qui ressemblent au nôtre.
    Au Canada, les minorités visibles sont désormais assez bien représentées, avec 14 % des députés comparativement à 19 % de la population. Ces chiffres sont tirés de l'Enquête nationale auprès des ménages de 2011.
    C'est nettement mieux qu'au Royaume-Uni, où les membres de groupes non blancs représentent 13 % de la population, mais occupent seulement 6 % des sièges à la chambre. En Australie, le contraste est encore plus marqué, même si les calculs sont quelque peu différents. Quelque 28 % des habitants sont nés à l'extérieur du pays. À vrai dire, une grande partie des immigrants australiens ne sont pas blancs, en raison de leurs pays d'origine. À la suite de l'élection de 2013 — nous n'avons toujours pas de données sur la dernière élection —, seuls 9 % des députés étaient nés hors du pays, ce qui représente presque un ratio de 1 pour 3.
    En ce qui concerne les populations autochtones, nous avons trois exemples. Il y a les Maoris, en Nouvelle-Zélande, qui représentent désormais 14 % de la population, mais occupent 18 % des sièges à la Chambre des représentants. C'est notamment attribuable au fait que le pays réserve des sièges aux Maoris. Il y en a sept actuellement.
    L'Australie ne compte qu'un seul député autochtone, qui a d'ailleurs été élu en 2013. En fait, il était le tout premier Autochtone à être élu à la Chambre des représentants australienne.
    Comme vous le savez assurément, le Canada s'en sort relativement bien, quoique la proportion de députés ne soit pas encore comparable à la population: les Autochtones représentent 4,3 % de la population, mais 3 % des députés de la Chambre. Des progrès ont été réalisés, tout comme dans le cas des minorités visibles. La situation a énormément évolué entre l'élection de 2011 et celle de l'année dernière.
    Qu'est-ce que tout cela signifie?
    Tout d'abord, les modes de scrutin ne sont pas déterministes; voilà le premier des deux autres grands points que je souhaite souligner. Ces systèmes ne sont pas des roues d'engrenage qui vont dans une direction, et un même intrant ne donnera pas toujours le même résultat, comme ce serait le cas dans une usine. À titre d'exemple, nous constatons que les femmes sont souvent mieux représentées dans un système à représentation proportionnelle, mais que ce n'est pas automatique. Je vais dire un mot là-dessus en conclusion.
    En deuxième lieu — et je tiens vraiment à insister sur ce point —, les règles et les engagements des partis politiques, surtout à l'étape de la mise en candidature, ont une grande incidence sur la représentativité de la diversité, y compris des femmes. En Suède, les partis privilégient depuis longtemps la candidature de femmes. Certains d'entre eux se sont dotés de quotas volontaires, auxquels ils accordent une importance relativement grande, de sorte que les femmes ont presque atteint la parité avec les hommes au sein du parlement suédois.
    Le résultat de la Suède est donc meilleur que celui d'autres pays qui n'accordent souvent pas une aussi grande importance aux femmes. Voilà pourquoi les résultats ne leur sont pas aussi favorables, toutes choses étant égales par ailleurs.
(1410)
    Pour ce qui est des minorités ethniques et autochtones, nous n'avons pas un échantillon aussi important dans lequel puiser, mais il ne faut pas oublier une chose à propos de notre propre mode de scrutin. Même si nous avons un système désuet, selon une personne et peut-être d'autres aussi, nous avons réussi à atteindre au Canada une représentation pratiquement proportionnelle des minorités ethniques, autochtones et visibles par rapport à la population. Notre mode de scrutin ne s'en sort donc pas trop mal. Nous n'obtenons toutefois pas d'aussi bons résultats du côté des femmes. Cette réussite est principalement attribuable au fait que les partis, et plus particulièrement le Parti libéral, et le NPD aussi, ont présenté un plus grand nombre de candidats membres de minorités visibles et d'origine autochtone.
    Je vais simplement terminer par une brève remarque concernant l'autre principe que j'ai mentionné, et qui vise à favoriser les choix et la participation des électeurs. Il s'agit d'un sujet de taille, mais je vais aborder quelques points.
    Le vote alternatif, qui est employé en Australie — je ne vais pas expliquer ces mécanismes, car je présume que vous les connaissez —, permet aux électeurs de classer les candidats, mais ne leur offre le choix que d'un candidat par parti. Les électeurs ont en quelque sorte un choix un peu moins restreint étant donné qu'ils classent les candidats plutôt que d'inscrire un simple « X ». Ce mode de scrutin obtient donc quelques points de plus sur le plan du choix.
    Monsieur Seidle, je vous serais reconnaissant de bien vouloir conclure d'ici 20 secondes. Il y aura ensuite une période de questions et beaucoup de temps pour approfondir le sujet.
    Il ne me reste que trois puces à présenter, sans quoi la logique sera cassée.
    Allez-y.
    Le vote unique transférable permet aux électeurs de classer les candidats, mais aussi de s'en tenir aux listes de parti, ce qui leur donne un meilleur choix. En revanche, la représentation proportionnelle à liste fermée offre un choix limité étant donné que les électeurs ne votent que pour la liste. C'est un peu comme notre système: vous votez pour un candidat, puis celui-ci vote pour une liste, et l'ordre sur la liste détermine qui est élu en fonction de l'appui accordé aux partis. Dans les systèmes de représentation proportionnelle à liste ouverte, l'électeur peut voter au sein des listes, et d'autres systèmes permettent même de voter au sein des listes d'autres partis, ce qui augmente le nombre d'options. Pour terminer, les modes de scrutin mixte offrent un choix similaire, en fonction de l'organisation du volet proportionnel, mais permettent aussi aux électeurs de voter pour un député donné.
    Pour conclure, si vous deviez évaluer les options en fonction du choix, le vote alternatif ne serait pas très avantageux par rapport à notre situation actuelle. Je n'entends pas par là que le système actuel est complètement brisé, étant donné que nous réalisons tout de même des progrès intéressants.
    Je suis également d'avis que la représentation proportionnelle à liste fermée devrait être rejetée. Si nous changions notre mode de scrutin, pourquoi adopter un système où l'électeur ne vote que pour une liste de parti fermée?
(1415)

[Français]

    Merci beaucoup de votre attention.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Seidle.
    Nous allons continuer avec M. LeDuc, qui dispose de 10 minutes.
    Je remercie les membres du Comité de m'avoir invité aujourd'hui.
    J'essayais de décider par quoi commencer, surtout dans ce discours liminaire de 10 minutes. J'allais d'abord dire qu'il est selon moi fort peu probable qu'une réforme électorale voie le jour au Canada. J'ai alors pensé que c'était un mot d'ouverture trop pessimiste, étant donné le travail remarquable que vous faites sur le sujet, et aussi parce que je suis un réformiste. J'aimerais qu'une telle réforme porte ses fruits, mais je suis très pessimiste quant à ses perspectives de réussite.
    Je me suis dit que j'allais être un peu plus enthousiaste en précisant simplement que c'est une entreprise très difficile pour pratiquement n'importe quel pays. Le problème n'est pas propre au Canada. Il touche quiconque tente de changer une institution comme le mode de scrutin avec lequel les gens ont grandi, et auquel ils sont habités.
    Dès que j'invoque cet argument devant des étudiants ou d'autres personnes lors de différents débats au Canada, quelqu'un parle toujours de la Nouvelle-Zélande. Pourquoi ne pourrions-nous pas y arriver si ce pays l'a fait? Je suis toujours ravi qu'on en parle; les gens en savent habituellement un peu sur la Nouvelle-Zélande, mais pas beaucoup.
    Il est important pour nous de savoir ce que la Nouvelle-Zélande a fait et comment elle a mené la réforme. Il s'agit d'une étude de cas sur la réforme électorale étant donné que le pays a bel et bien réussi; il lui a toutefois fallu neuf années. Tout a commencé avec l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement. Le nouveau premier ministre avait énergiquement annoncé la fin du scrutin majoritaire uninominal à un tour. Puis neuf années plus tard, après trois élections, une commission royale, un comité parlementaire et deux référendums sur le sujet, le pays a réussi. Si vous êtes prêts à mener une telle lutte de longue haleine, il se peut que vous arriviez à suivre la voie de la Nouvelle-Zélande, pour autant que vous empruntiez ses nombreux détours. Or, l'exemple de la Nouvelle-Zélande ne nous montre pas à quel point il est facile de réformer un mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour, mais plutôt combien c'est difficile.
    Je reviendrai peut-être à l'exemple de la Nouvelle-Zélande lors de la période de questions, car nous pouvons en tirer deux ou trois leçons autres qu'un pessimisme absolu. Ces apprentissages portent sur la procédure. Par exemple, on me posera assurément une question sur le référendum. Nous pouvons examiner le rôle qu'ont joué les référendums dans la démarche de la Nouvelle-Zélande, de même que ce qu'ils ont permis de réaliser ou non.
    Nous pouvons aussi prendre l'exemple du Japon, mais je n'ai pas le temps d'en parler longuement aujourd'hui. Le Japon est l'autre grande démocratie qui a opéré une réforme électorale. Il a fallu non pas 9, mais bien 20 années au pays pour y arriver. La discussion a été entamée en 1973, mais ce n'est qu'en 1993, soit 20 années plus tard, que la réforme a été adoptée. Le Japon a procédé fort différemment de la Nouvelle-Zélande. Les pourparlers se sont limités au parlement et ont pris la forme de négociations entre les divers partis politiques. Au début des années 1990, une élection décisive a libéré la politique japonaise de l'emprise du Parti libéral-démocrate, ou PLD. Une coalition de sept partis a succédé au gouvernement du PLD, et c'est elle qui a essentiellement permis de réaliser la réforme électorale, mais seulement après avoir obtenu l'accord des sept partis. La recherche d'un tel consensus a été longue, ardue et complexe. Le pays a donc réussi en procédant différemment.
    Je pourrais également mentionner certains exemples tirés des provinces canadiennes, qui sont des échecs dans l'ensemble. Les dirigeants étaient optimistes, mais ils n'ont pas pu procéder aux réformes. Le fait de mentionner ces cas m'amène à un des principaux points que je souhaite souligner dans ma présentation et ma discussion d'aujourd'hui: il faut mettre l'accent sur la procédure plutôt que sur le fond, surtout à l'étape où en est le Comité dans ses délibérations.
    Dans les discussions qui entourent les réformes électorales, j'ai remarqué à maintes occasions que les gens ont tendance à commencer par le système qu'ils préfèrent ou qu'ils pensent aimer. Par exemple, ils se disent: « Oh, le vote unique transférable est une bonne option »; ou « Peut-être devrions-nous opter pour la représentation proportionnelle »; ou encore « Qu'en est-il du scrutin mixte avec compensation? Ce système fonctionne bien en Allemagne. » Les gens sont attirés par un modèle parce qu'ils savent une chose ou deux sur son fonctionnement et ses qualités, après quoi ils essaient de créer une procédure qui arrivera à cette conclusion; c'est donc la préférence qui justifie la marche à suivre. Les gens affirment qu'un mode de scrutin donné pourrait fonctionner, ou qu'on peut atteindre un objectif donné en prenant telle ou telle mesure.
    Je pense qu'il faut procéder à l'inverse. Vous aurez selon moi une meilleure chance de réussir si vous commencez par la procédure, sans vous piéger à trop discuter des avantages et des inconvénients des différents modèles, surtout de ceux d'autres pays.
(1420)
    Dans une certaine mesure, je pense que votre comité a déjà entamé ses travaux de cette façon, ce qui est tout à son honneur, en raison, d'une part, de la représentation au sein du Comité et, d'autre part, des principes sur lesquels repose la discussion. Je suppose toutefois que bien des gens ont une préférence en tête pour un système donné, et qu'ils ont tendance à être attirés par cette discussion, ou du moins à en discuter trop rapidement. Vous y arriverez bien sûr éventuellement, mais ce n'est pas ce dont nous avons besoin. Si nous pouvions établir un consensus sur la procédure, nous pourrions ensuite utiliser celle-ci pour dégager un consensus sur la réforme. Il est beaucoup plus difficile de procéder dans l'ordre inverse. Je pense que c'est une des choses que le Japon nous a apprises.
    J'en arrive ainsi au point sur lequel je souhaite conclure, qui est une simple reformulation de ce que mon confrère Peter Russel a dit hier à votre comité. Comme principe fondamental, tout mode de scrutin devrait refléter la voix des électeurs au moment de l'élection. Voilà qui est à la base. Il s'agit aussi du principe fondamental de la démocratie, et j'ai trouvé que mon confrère l'a très bien expliqué.
    Nous nous attendons toutefois souvent à beaucoup plus des modes de scrutin: nous essayons de deviner ce que les électeurs veulent, ce qu'ils pensent vouloir, ou ce qu'ils souhaitent que leur vote signifie. Mais si l'élection reflète le choix des électeurs ou leur pensée au moment du vote, et qu'un système peut efficacement représenter ces votes au sein du Parlement, l'élection ne se limite pas à une activité d'une journée visant à choisir un gouvernement; elle devient plutôt un processus qui reflète continuellement la voix des électeurs au moyen d'un processus représentatif.
    Voilà le principe sur lequel j'insiste le plus. C'est notamment pour cette raison que je vais essayer de plaider en faveur de la représentation proportionnelle à scrutin de liste, comme je le fais dans mon mémoire — je ne vais pas parler du mémoire dans mon discours liminaire, mais je serai ravi d'en discuter tout à l'heure. Je suis d'avis que c'est le mode de scrutin qui exécute le mieux les fonctions principales d'un système électoral; il s'agit aussi du plus répandu au monde, de sorte que nous devons l'envisager. Pourquoi commencer par des modèles hybrides ou très peu utilisés?
    Chaque fois que je prends part à ce genre de débat, j'entends beaucoup parler du vote unique transférable, par exemple, qui semble fasciner particulièrement certains de mes confrères du milieu universitaire, surtout ceux qui viennent de la Colombie-Britannique. Il n'y a rien de mal avec ce mode de scrutin. Il s'agit d'un modèle fort intéressant, mais qui est plutôt théorique étant donné qu'il n'est employé que par l'Irlande et Malte. Je pourrais difficilement trouver deux exemples plus diamétralement opposés au Canada. Par conséquent, ce qui me pose souvent problème avec ce modèle, c'est qu'il nous manque de données empiriques sur celui-ci et sur la façon dont il pourrait s'appliquer à une société multiculturelle au vaste territoire comme le Canada.
    En revanche, nous avons suffisamment de données sur d'autres sortes de systèmes à représentation proportionnelle, étant donné que ce modèle est employé dans toutes sortes de pays, petits et grands, tant en Orient qu'en Occident. Étant donné qu'il s'agit du système le plus répandu et le plus souple, nous ne ferions pas que choisir le mode de scrutin de quelqu'un d'autre si nous options pour la représentation proportionnelle à scrutin de liste; nous choisirions un modèle qui pourrait ensuite être adapté au contexte canadien et y fonctionner afin d'atteindre bon nombre des objectifs que le mode de scrutin canadien devrait viser en 2016, selon le Comité.
    Je suis persuadé que mon ami et confrère Henry Milner a déjà fait valoir la représentation proportionnelle ce matin, étant donné qu'il en parle depuis des années; je le cite souvent dans les notes de bas de page de mes écrits. Je ne vais pas répéter ses propos, mais j'appuie bel et bien ce qu'il a probablement dit. Dans le cadre des discussions canadiennes, je trouve que nous n'avons pas suffisamment porté attention aux principes de la représentation proportionnelle à scrutin de liste. Nous nous attardons trop aux modèles hybrides, qui sont intéressants en théorie, mais qui n'ont pas autant fait leurs preuves que bon nombre des modes de scrutin à représentation proportionnelle d'Europe et d'ailleurs.
    Je vais m'arrêter ici. Merci, monsieur le président.
(1425)
    Monsieur LeDuc, je vous remercie infiniment de ce point de vue fort intéressant sur la question. C'est un angle que nous n'avions pas vraiment exploré, je crois. Je vous remercie de contribuer à élargir notre perspective.
    Nous allons maintenant écouter M. Cyr. Allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup de l'invitation. Effectivement, vous ne chômez pas en plein milieu de cet été chaud. C'est très apprécié. Vous travaillez pour l'ensemble de la population.
    Le mandat de ce comité spécial est notamment d'étudier des réformes électorales qui visent à remplacer l'actuel système majoritaire uninominal à un tour par un système qui augmente la confiance des Canadiens dans le fait que leur désir démocratique, tel qu'il est exprimé par le vote, sera traduit de façon juste dans les résultats du scrutin.
    Le nouveau système électoral qui résultera de cette réforme pourrait avoir pour conséquence qu'il y ait plus fréquemment des gouvernements minoritaires ou même des gouvernements de coalition. Certaines personnes ont exprimé la crainte que cela puisse créer une instabilité politique en favorisant la tenue plus fréquente d'élections générales.
    Or, les récents exemples écossais et gallois nous démontrent qu'il est possible de moderniser et de rationaliser notre parlementarisme tout en conservant l'essence de ses traditions et la stabilité politique qui y est associée. Ces deux législatures emploient une forme de système de représentation proportionnelle mixte, système dit du membre additionnel, pour l'élection de leurs membres respectifs. Malgré le fait qu'elles aient connu des gouvernements minoritaires ou des gouvernements de coalition, ces deux législatures au sein du Royaume-Uni n'ont eu à tenir des élections qu'aux quatre ou cinq ans depuis leur création, soit en 1999, en 2003, en 2007, en 2011 et en 2016.
    Plusieurs solutions juridiques simples et éprouvées existent pour stabiliser des gouvernements minoritaires ou de coalition dans un système parlementaire. En nous inspirant de solutions adoptées au sein du Royaume-Uni et de quelques autres pays, nous vous proposons quelques modifications tout à fait mineures à nos façons de faire pour assurer la stabilité et la légitimité politique des gouvernements qui seront formés subséquemment à la réforme électorale anticipée.
    Ces modifications auront aussi pour bénéfice d'augmenter la clarté et la transparence de nos façons de faire. Elles auront des fonctions pédagogiques, parce qu'il sera important que toute modification de notre système électoral puisse entraîner une meilleure compréhension de notre système politique de la part de la population. Elles pourront incidemment augmenter le rôle et l'importance de la fonction de député.
    Je vais énumérer quatre propositions de modification, qui sont toutes inspirées d'exemples concrets existant ailleurs. En annexe de mon rapport se trouve la liste des textes constitutionnels ou législatifs sur lesquels ils s'appuient.
    Tout d'abord, je vous propose de modifier le Règlement de la Chambre des communes pour prévoir la désignation du premier ministre par vote d'investiture à la Chambre des communes entre l'élection du Président de la Chambre et le discours du Trône, la nomination du premier ministre demeurant la prérogative de la Couronne, évidemment.
    Cette proposition repose sur les exemples de l'Écosse, du pays de Galles, de l'Allemagne et de l'Espagne où, lorsqu'il n'y a pas de gouvernement clairement majoritaire, on s'assure d'avoir une décision claire sur qui devrait former le gouvernement et sur qui devrait en être le chef, lequel devra se présenter devant le gouverneur général pour former le gouvernement.
    Deuxièmement, je propose de prévoir, par voie législative ou par modification du Règlement de la Chambre des communes, les conditions d'exercice du vote sur des motions de censure, et de limiter ces motions à celles dites constructives, ou à tout le moins prévoir explicitement la possibilité d'un gouvernement de remplacement s'il y a un vote de non-confiance.
    Commençons par l'exigence de motions de censure constructives. Ce type de motions de censure est exigé en Belgique, en Espagne et en Allemagne, par exemple. Je vous réfère particulièrement à l'exemple espagnol, où l'on a bien encadré l'usage de la motion de censure. Il y a un nombre limite de fois où des motions de censure peuvent être présentées. Il y a aussi une période où ces motions peuvent être présentées.
(1430)
    Qu'est-ce qu'une motion de censure constructive? Lorsqu'on vote pour indiquer que la Chambre a perdu confiance dans le gouvernement, la motion doit simultanément offrir un gouvernement de remplacement. Si la motion est adoptée, ce gouvernement de remplacement vient automatiquement de recevoir la confiance de la Chambre. Il s'agit d'un mécanisme pour éviter que les partis de l'opposition ne se liguent pour renverser un gouvernement et ne bénéficient d'une élection hâtive pour augmenter leur députation.
    Pour ce qui est de la possibilité d'un gouvernement de remplacement lorsque la Chambre des communes vote une motion de non-confiance, je m'inspire des dispositions législatives du Royaume-Uni. La loi sur les élections à date fixe prévoit que, lorsque le gouvernement est défait à la suite d'un vote de confiance, il n'y aura un déclenchement d'élections que 14 jours plus tard, s'il n'y a pas une résolution qui suit pour accorder la confiance à nouveau au même gouvernement ou à un gouvernement de remplacement qui aurait été formé entretemps.
    Ma troisième proposition vise à modifier l'article 56.1 de la Loi électorale du Canada pour permettre la dissolution hâtive du Parlement avec l'accord des deux tiers des députés de la Chambre des communes. Il s'agit d'augmenter le rôle des députés. Encore une fois, cette proposition est tirée d'un exemple de la loi britannique sur les élections à date fixe. Cela vise à offrir un poids supérieur aux députés.
    Ma quatrième proposition se construit à partir de la troisième, c'est-à-dire que si on peut le faire pour la dissolution de la Chambre, on peut aussi le faire pour la prorogation, et on pourra transformer cette exigence en exigence obligatoire.
    Donc, ma quatrième proposition est de modifier le Règlement de la Chambre des communes pour prévoir que l'acte de demander la prorogation ou la dissolution du Parlement par le premier ministre, sans avoir au préalable obtenu l'approbation de la Chambre des communes, aura pour effet automatique de faire perdre la confiance dont jouit le premier ministre. Par conséquent, le gouverneur général ne serait pas lié par l'avis d'un premier ministre qui demanderait la dissolution ou la prorogation de manière hâtive sans avoir obtenu l'approbation de la Chambre.
    Je souligne que le Règlement actuel de la Chambre des communes précise que l'élection du Président de la Chambre ne constitue pas une question de confiance. Le Règlement actuel accepte déjà qu'il est capable de dire quelque chose sur la confiance.
    Le Règlement de l'Assemblée nationale du Québec prévoit expressément quelles sont les questions qui peuvent faire l'objet d'un vote de confiance. Il y a un précédent dans une des provinces. Dans la loi britannique, il y a une disposition claire sur les conditions auxquelles le vote de confiance peut être exercé.
    On aurait la possibilité de prévoir quelles sont les conditions selon lesquelles le gouvernement qui serait minoritaire pourrait demander la dissolution de la Chambre ou sa prorogation, de manière à stabiliser le tout.
    En terminant, pour que cette réforme fonctionne bien, et tant qu'à être engagé dans une modification importante, il faudrait tenir compte d'un enjeu pédagogique important pour la population. Une étude a démontré que la majorité des Canadiens croient qu'ils votent directement pour élire leur premier ministre. Il y a donc un besoin pédagogique de clarifier les règles de notre fonctionnement.
    Je vous propose, à l'instar du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande, de profiter de l'occasion de la réforme pour clarifier, dans une sorte de manuel du Cabinet rédigé de manière consensuelle, l'ensemble des attentes en matière de formation du gouvernement et de prorogation.
(1435)
    L'expérience britannique nous a démontré l'efficacité et l'utilité d'un tel manuel lorsqu'en 2010 aucun des partis n'a obtenu une majorité des sièges. Le soir, aucun des médias ne s'est dépêché de crier: « Si la tendance se maintient, le prochain gouvernement sera formé par... » On a laissé aux partis politiques le temps nécessaire pour négocier entre eux qui allait former le prochain gouvernement, plutôt que de laisser aux médias le soin de décider le soir même qui devait être le prochain premier ministre. Cela, pour la démocratie, c'est une avancée.
    Merci.
    Nous commençons les deux tours de questions par Mme Sahota.

[Traduction]

     Messieurs Cyr, Seidle et LeDuc, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui. Vous avez tous d'excellents parcours, fort diversifiés d'ailleurs, et je pense que les discussions seront des plus intéressantes.
    Ma question s'adresse à M. LeDuc. Nous avez laissé entendre dans vos travaux antérieurs qu'un référendum n'est peut-être pas la meilleure façon de mobiliser les citoyens. Pourriez-vous nommer d'autres moyens d'inciter la population à participer convenablement à la procédure?
    Je ne crois pas avoir dit quoi que ce soit de particulièrement négatif à propos des référendums en tant que tels. Tout dépend de l'objectif que vous souhaitez atteindre au moyen du référendum. Une des leçons que je veux mettre en lumière à propos de la Nouvelle-Zélande, c'est que les référendums — il y en a eu deux — s'inscrivaient dans une procédure plus vaste. Ils se sont déroulés à deux moments différents, et le débat s'est prolongé longtemps là-bas.
    Il est toutefois difficile de dire si les choses se seraient passées autrement sans référendum; c'est une contre-hypothèse que nous ne pouvons pas vraiment vérifier. Quoi qu'il en soit, un référendum pourrait bel et bien avoir sa place à un moment donné.
    Je pense que le modèle qui n'a pas été concluant, c'est lorsqu'un petit groupe élabore une proposition à huis clos, puis la soumet au vote de la population, après quoi la question est habituellement réglée à la suite d'une campagne de trois ou quatre semaines — ce modèle ne fonctionne ni pour les réformes électorales ni pour d'autres enjeux constitutionnels ou quasi constitutionnels.
    Vous avez publié un article qui présentait 12 lacunes ou faiblesses que les référendums auraient eues ou peuvent avoir, n'est-ce pas?
    Oui, ce sont des faiblesses qu'ils ont eues ou qu'ils peuvent avoir, mais cela ne veut pas dire que c'est toujours ainsi.
    Pouvez-vous énumérer certaines des lacunes?
    Pour ce qui est de mon exemple négatif... J'ai rédigé cet article à l'époque du référendum britannique sur le vote alternatif. Avant toute chose, vous devez comprendre que l'objectif du gouvernement — ou du moins de la moitié conservatrice du gouvernement — dans le cadre du référendum était essentiellement de faire rejeter la proposition. Voilà ce que ces gens souhaitaient. En deuxième lieu, la campagne était presque aussi chaotique que celle sur le Brexit: c'était une véritable campagne de désinformation. Je vais vous donner un petit exemple. C'est plutôt une anecdote, mais elle illustre ce que je veux dire.
    Ces gens ont gagné. Ils ont tenté d'avoir une emprise sur la campagne britannique de 2011 — contrôle des dépenses, de la publicité, et ainsi de suite. La campagne a été lancée à une date donnée, moment où les règles sont entrées en vigueur. Le premier jour de la campagne, la chef du « non » a tenu une conférence de presse, où elle a annoncé que son équipe était contre le vote alternatif parce que sa mise en oeuvre coûterait 3 milliards de livres sterling. Les gens n'avaient aucune idée de ce dont il était question. Mais le début de la campagne n'a pas servi à déterminer si le système était bon ou non, s'il était souhaitable, s'il améliorait les choses ou quoi que ce soit d'autre. La campagne a plutôt débuté par cette idée sortie de nulle part que la réforme allait coûter très cher.
    Les jours suivants, les gens ont essayé de comprendre cette affirmation. En réalité, la chef disait que pour mettre en oeuvre ce mode de scrutin, il faudrait des machines à voter, dont l'achat pour l'ensemble du pays serait extrêmement onéreux. Il a donc essentiellement fallu trois semaines pour se débarrasser de cette déclaration, mais les dommages étaient déjà faits.
    J'ai rédigé un article de blogue à l'époque, avant d'écrire l'article dont vous avez parlé, et il disait que c'était une campagne de désinformation. La principale tactique employée pour faire rejeter la proposition a simplement été la désinformation. Dans bien des cas, des absurdités semblables peuvent être divulguées, puis elles collent à la peau. Ces propos restent, et si la campagne est de courte durée, l'autre parti n'a pas le temps de renverser la vapeur.
    Voilà le genre de risque que pose un référendum. Dans l'article que j'ai écrit, et que vous avez cité — je vous en remercie d'ailleurs —, j'ai voulu faire valoir que les référendums doivent être plus délibératifs pour être des outils démocratiques efficaces. Il faut vraiment mobiliser les citoyens et les amener à réfléchir sérieusement à enjeu, ou à en discuter. Voilà qui prend du temps, de l'information et, souvent, une campagne d'information considérable financée par l'État. Mais les référendums sont comme des concours à gagner. Lors d'une courte campagne référendaire, l'un ou l'autre des partis tente de gagner, et nous l'avons constaté une fois de plus dans le cas de Brexit.
    La désinformation est le principal moyen employé. Nous avons l'habitude des campagnes négatives lors d'élections, mais il y a énormément de campagnes semblables lors de référendums aussi. C'est une tactique très, très efficace. Si un parti cherche à faire rejeter une proposition, la désinformation est un de ses meilleurs outils. J'ai donc tenté de trouver un moyen de limiter le phénomène, ou même de l'enrayer, si possible.
(1440)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter M. Kenney.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie également les trois témoins d'être avec nous à Ottawa en cette journée humide, et d'empreindre de sagesse ce sujet des plus important.
    Je me réjouis d'entendre M. LeDuc, plus particulièrement, nous exhorter de cibler la procédure au début, plutôt que de nous empresser de faire la promotion de nos modèles préférés. Vous avez cité un précédent historique où cette façon de faire a mal tourné.
    Si je comprends bien, il semble que dans la plupart des instances comparables — vous en avez cité quelques-unes, comme la Nouvelle-Zélande, mais il y a aussi la Colombie-Britannique et l'Ontario, de même que l'Île-du-Prince-Édouard dans une certaine mesure —, la procédure suivie pour en venir à une décision a été plus progressive et indirecte que ce qui est proposé ici. Sauf erreur, on propose qu'un comité parlementaire soumette une recommandation, qui sera acceptée ou non par le Cabinet, puis que celui-ci dépose ensuite un projet de loi. Cette façon de faire me semble être plutôt péremptoire, comparativement à ce qui se passe ailleurs, et risque de passer outre le genre de consentement démocratique et de légitimité qui, selon la majorité, sont nécessaires à la réussite d'une réforme électorale.
     Un témoin nous a dit hier que, selon le test de Jennings, il y a désormais une convention constitutionnelle au Canada qui nécessite un référendum pour l'approbation de toute réforme électorale. M. Peter Russell a dit que la question de savoir s'il y a une convention constitutionnelle est abstraite, mais que c'est une nécessité sur le plan de la légitimité politique. Puis-je demander aux trois témoins de commenter ces remarques que nous avons entendues hier?
    Je n'emploierais peut-être pas le mot « nécessité ». S'il s'agit d'une question d'ordre constitutionnel, les constitutionnalistes sont mieux qualifiés que moi pour y répondre. J'ai entendu l'expression « architecture constitutionnelle » être galvaudée dernièrement; on tourne en rond, mais personne ne sait vraiment ce que cela signifie, dont je suis. J'ignore si le tribunal reprendrait un tel concept pour exprimer un avis.
    Nous n'avons tenu que trois référendums dans toute notre histoire: deux d'entre eux ont porté sur des questions d'intérêt public, et l'autre, sur une proposition constitutionnelle...
(1445)
    Vous voulez dire à l'échelle nationale.
    Je parle de référendums nationaux, oui.
    Je trouve un peu tiré par les cheveux de faire valoir que c'est une nécessité lors d'un changement majeur, en quelque sorte. Il convient de se demander si c'est une bonne idée d'établir une légitimité, comme vous le proposiez. Nous pourrions échanger interminablement. Je pense qu'établir une légitimité fait certainement partie des critères qui ont été mentionnés dans les documents du Comité, et un référendum pourrait constituer un outil à cette fin. Il faut toutefois réfléchir à la façon de l'employer et d'obtenir ce résultat, étant donné que, foncièrement, les référendums ne donnent pas automatiquement ce résultat.
    Deux ou trois provinces ont bien sûr choisi les assemblées de citoyens à cette fin. J'étais très près de l’Assemblée des citoyens de l'Ontario, et j'ai trouvé qu'elle a fait un travail formidable au moment de discuter du dossier. Pour un étudiant de la démocratie comme moi, il était vraiment inspirant de voir dans une salle 102 personnes, qui ne savaient pratiquement rien du sujet, et qui en avaient souvent des idées préconçues ou fausses, parvenir à un consensus.
    Je veux simplement m'assurer que les autres témoins aient la chance de...
    Oui, d'accord.
    Le moment venu, je suis d'accord pour qu'un référendum soit tenu concernant un modèle. Je conviens que c'est une réponse abstraite qui ne tient pas compte de ce qui pourrait se produire entre aujourd'hui et cette étape de la procédure. Deux ou trois raisons expliquent mon accord, notamment une question de légitimité démocratique.
    Les Néo-Zélandais ont tenu un référendum dans un pays plus petit et beaucoup moins complexe que le Canada. À vrai dire, ils l'ont fait à deux occasions, comme mon confrère l'a dit. Trois provinces ont tenu un référendum, et le Nouveau-Brunswick l'aurait fait aussi s'il n'avait pas changé de gouvernement. Le premier ministre Lord s'était engagé à mettre aux voix le modèle recommandé par la commission, mais ce n'est jamais arrivé.
    Je souhaite très brièvement répondre à la conclusion selon laquelle un référendum tue automatiquement toute réforme. Pour commencer, je trouve cette vision plutôt cynique. Je pense qu'elle fait fi des arguments sur la légitimité démocratique, et limite tout à une question de tactique politique. En plus, il existe d'importants exemples contraires. En Colombie-Britannique, 57 % de la population a voté en faveur de la réforme, qui n'a pas eu lieu parce que le gouvernement a fixé la majorité à 60 %. La réforme aurait toutefois vu le jour dans un système à majorité simple.
    Lors du premier référendum de la Nouvelle-Zélande, 85 % des électeurs ont rejeté le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Ils ont ensuite dû répondre à une deuxième question. Ils devaient choisir entre quatre options, et 70 % des répondants ont opté pour la représentation proportionnelle mixte, soit le système qui a fini par être mis en place là-bas.
    Merci.
    Pour terminer, je suis d'avis, tout comme M. LeDuc, qu'on ne peut pas dissocier un référendum d'une campagne de sensibilisation du public. La Colombie-Britannique s'en est plutôt bien tirée à cet égard, mais d'autres instances n'ont pas obtenu d'aussi bons résultats, y compris l'Ontario.
    Bien. C'est maintenant au tour de M. Cullen.
    Merci.
    Je remercie infiniment nos témoins.
    Monsieur Seidle, la ministre n'a pas été la première à affirmer que le scrutin majoritaire uninominal à un tour est désuet. Je vais vous lire une citation: « ... le Canada est désormais la seule démocratie multipartite avancée du monde développé dont le système électoral a été conçu par et pour l'Angleterre du XVe siècle ». C'est ce qu'a dit Jason Kenney lorsqu'il était un peu plus jeune.
    Nous convenons que le concept est un peu désuet. Il ne correspond pas à la Chambre des communes moderne que nous souhaitons créer au Canada, avec cette notion radicale que vous avez tous appuyée depuis, je crois, à savoir que la Chambre devrait refléter la voix des électeurs. On dit que c'est presque une idée radicale, et nous cherchons un système et une procédure qui puissent la légitimer.
    J'aimerais dire à M. LeDuc que le Japon et d'autres nations ont travaillé longtemps. Je pense que c'est en 1921 que le premier comité de la Chambre des communes s'est réuni ici, au Canada, et il parlait déjà de réforme électorale. Un siècle se sera écoulé bientôt; voilà qui confirme que c'est loin d'être simple, comme vous le dites. Ces difficultés ne devraient pourtant pas nous dissuader d'essayer, si nous voulons jongler avec cette notion radicale et vraiment refléter la volonté des électeurs.
    Monsieur Seidle, vous avez parlé d'un des modèles à la toute fin de votre témoignage. J'ai peut-être mal compris, et j'aimerais vous demander des précisions. Vous avez dit que le vote alternatif, ou la liste, n'est pas un modèle avantageux comparativement au système en place. Pourriez-vous nous expliquer un peu votre pensée?
(1450)
    Bien. J'ai plutôt dit que ce ne serait pas très avantageux...
    Je comprends. Pardonnez-moi.
    ... étant donné qu'il permet à l'électeur de classer un seul candidat par parti; il n'y a donc aucun avantage à s'en tenir à un parti. Dans une certaine mesure, les listes de candidats ouvertes et le vote unique transférable incorporent au système électoral certains principes de l'élection primaire. L'électeur peut exprimer ses préférences parmi les candidats des partis.
     Pour ce qui est de la désuétude du mode de scrutin, je n'ai pas invoqué cet argument à la légère, mais bien pour faire valoir un point, à savoir que, d'entrée de jeu, nous ne savons même pas pourquoi vous vous penchez sur la question. Le faites-vous uniquement parce que le système ne date pas d'hier? Sinon, vous devriez nous dire pourquoi. Le problème à ce chapitre n'émane pas de votre comité, mais plutôt du programme du Parti libéral; c'est lui qui n'a pas expliqué ce qui est d'intérêt public ici. Voilà mon objectif.
    Je serais réticent à défendre l'imprécision de la plateforme libérale, qui a fonctionné dans une certaine mesure, mais c'est ainsi, et voilà où nous en sommes. Cet édifice est vieux, et nous allons le conserver, mais nous en retirerons l'amiante au cours des deux ou trois prochaines années étant donné que cela semble être une bonne idée. Depuis la construction, nous avons appris que ce matériau tue les gens. Il n'y a rien d'aussi extrême à propos de notre mode de scrutin, mais sa modernisation n'est pas une mauvaise idée.
    Monsieur Cyr, vous avez abordé la question de la stabilité, et je dirais que vous parlez aussi de reddition de comptes dans vos remarques et recommandations. Vous nous proposez très explicitement de faire en sorte qu'il soit plus difficile pour le gouvernement en place de déjouer le système. J'entends par là le recours à des tactiques telles que la prorogation pour éviter une motion de confiance, comme l'a fait le gouvernement conservateur précédent.
    L'objectif est-il de renforcer la confiance à l'égard de tout système électoral qui conduirait à un partage du pouvoir accru et à plus de gouvernements minoritaires? Est-ce votre objectif?
    Si j'ai mentionné ces éléments, c'est parce qu'il peut y avoir des critiques ou des peurs relatives à la réforme du système électoral. En fait, on craint souvent qu'une telle réforme donne lieu à des gouvernements minoritaires ou de coalition qui rendront les choses moins stables. Toutes les propositions que je soumets dans ce mémoire visent à aider les élus à trouver des moyens de préserver et d'assurer la stabilité des institutions.

[Français]

     Si un mécanisme fait en sorte qu'une majorité ou les deux tiers sont nécessaires pour dissoudre le Parlement, on s'assure d'une stabilité. L'objectif ici est d'examiner attentivement les mécanismes qui assureront, peu importe le système électoral, la stabilité d'un gouvernement, qu'il soit minoritaire, majoritaire ou de coalition.

[Traduction]

    Lorsque nous abordons la question, nous sommes conscients qu'il existe une résistance au changement généralisée au sein de la population, un phénomène qui n'est pas propre au Canada — nous avons entendu des témoignages à cet effet. Pourtant, nous avons également entendu des témoignages voulant que la productivité de nos gouvernements antérieurs ait été plutôt bonne malgré notre système, même en situations minoritaires. Ces gouvernements ont donné lieu à des politiques et à des institutions durables.
    Faut-il craindre tout système qui augmenterait les chances de former ce genre de gouvernements minoritaires, dans lesquels un parti n'a pas l'exclusivité du pouvoir?
    Je pense que nous allons écouter la réponse à une autre occasion.
    C'est maintenant au tour de M. Thériault.

[Français]

     À plusieurs reprises, j'ai dit devant les témoins que je trouvais les groupes de discussion très inspirants. J'ai beaucoup de questions, mais peu de temps.
    Monsieur LeDuc, au sujet d'un éventuel référendum, vous avez dit craindre les arguments fallacieux. Or on perd des élections de cette façon. Lors de l'élection québécoise de 2007, Mario Dumont disait, concernant la Caisse de dépôt et placement du Québec, que 40 milliards de dollars étaient en train de « prendre le bord », ce qui est contraire au slogan libéral qui dit « L'économie d'abord ». Or il avait tout à fait raison, mais personne ne l'a cru et il s'est fait traiter de clown. Pourtant, il avait raison: 40 milliards de dollars étaient en train de brûler derrière lui. Il reste qu'il a perdu son élection.
    Il serait peut-être possible de garantir un processus permettant de réaliser une campagne d'éducation indépendante des partis politiques. Ce serait certes beaucoup plus légitime. En effet, pourquoi faisons-nous cela? Nous ne le faisons ni pour les partis politiques, ni pour les initiés, ni pour les universitaires. Enfin, nous ne le faisons surtout pas pour nous-mêmes. Nous le faisons pour que le peuple, au moment de changer les règles démocratiques, puisse se sentir partie prenante de ce changement. De cette façon, il pourrait y avoir des répercussions positives quant à la suite des choses et à leur stabilité.
    J'aimerais que vous nous parliez non seulement de la légitimité, mais également de la nécessité, pour vraiment arriver à quelque chose, de faire trancher le débat par la population et de prendre le temps nécessaire pour y arriver.
    Où est l'urgence? Étant donné que nous fonctionnons de cette façon depuis environ 200 ans, nous pourrions consacrer le temps qu'il faut à ce processus. J'ai l'impression qu'on nous dit en ce moment de nous presser, puisqu'on parle de cela depuis 21 ans. Un instant! Je ne pourrais trouver dans la rue personne qui puisse m'expliquer la différence entre les modèles proposés, ni même personne qui s'intéresse à ce sujet. Bref, il faut prendre le temps nécessaire.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
(1455)

[Traduction]

    Je suis d'accord avec presque tout ce que vous venez de dire. Voilà qui confirme l'argument de Leslie Seidle sur l'importance de sensibiliser la population, qu'il a fait valoir en réponse à une question précédente. Dans le cas d'un enjeu comme celui-ci, on ne peut pas vraiment s'attendre à ce que les gens en sachent beaucoup sur les différents systèmes électoraux. Tout d'abord, la plupart des électeurs ne pensent aux élections qu'en période électorale. Ils ne sont pas comme moi, qui en discute et écris sur la question sans relâche, ou comme vous, qui vivez de la politique. Les gens s'intéressent aux élections. Ils réfléchissent à certains de ces enjeux, mais seulement le jour du scrutin, et non pas pendant l'ensemble du cycle électoral.
    À l'examen d'autres référendums sur ce genre de questions, plus particulièrement de ceux qui ont été tenus dans d'autres pays, j'ai notamment appris que les électeurs ne sont pas des comparatistes. Pour ma part, je suis un scientifique spécialisé en politique comparée. En plus d'étudier le Canada, je m'intéresse aussi à l'Europe. La plupart des structures que nous proposons aux étudiants sont comparatives, et elles visent par exemple à comprendre les similitudes et les différences entre divers pays, divers milieux politiques, divers processus politiques, et ainsi de suite.
    Les électeurs ne pensent pas de cette façon. Ils ne sont pas là à réfléchir au scrutin majoritaire uninominal à un tour par rapport à la représentation proportionnelle à liste ou au vote unique transférable. Si vous voulez les mobiliser, vous devez leur donner de la matière. Je pense que c'est ce que vous avez fait valoir, et je suis entièrement d'accord.

[Français]

    Des témoins nous ont dit que, parce que les gens ne s'intéressaient pas à cette question et qu'ils ne faisaient pas toutes les distinctions nécessaires, il serait légitime qu'un comité comme le nôtre passe à l'action et propose quelque chose.
    Or je pense qu'en faisant cela, nous emprunterions la voie de l'échec. Personne ne peut procéder aussi rapidement. Au Québec, un avant-projet de loi proposait un modèle précis. Or dans le cas présent, on veut aller consulter les Canadiens dans l'ensemble du pays, mais on n'a aucun modèle précis à leur proposer.
    Il y a des étapes à suivre. Celles suivies par la Nouvelle-Zélande sont intéressantes, mais il y a une résistance au changement qui est propre à tout système politique. C'est peut-être ce qui explique que le processus de changement soit long, en règle générale, et qu'il l'ait été en Nouvelle-Zélande.
    Prenons acte de cela et faisons les choses correctement.
    D'accord.
    La parole est maintenant à Mme May.
     Je suis tout à fait absorbée par les questions de M. Thériault, encore une fois.

[Traduction]

     J'intéresse aux propos de M. Seidle, mais j'ai trouvé dans le témoignage de M. LeDuc une réponse à la question visant à savoir pourquoi nous sommes maintenant engagés dans ce processus.
    J'aimerais attirer votre attention sur une chose que vous n'avez pas dite à haute voix, je crois, puis vous demander si ce moment est venu, d'après vous. Vers la fin de votre mémoire, vous dites:
Le scrutin majoritaire nominal à un tour dont nous avons hérité de la Grande-Bretagne, mais que nous n'avons pas choisi délibérément, s'est soldé par un bilan lamentable de faible représentation, de distorsion et de mauvaise gouvernance...
    Le fait est qu'en plus de la plateforme libérale, celle du NPD et du Parti vert... Ensemble, les trois partis ont obtenu 63 % des voix aux dernières élections — notre parti est évidemment arrivé au troisième rang. Les gens diront qu'ils ne se souciaient pas du scrutin majoritaire uninominal à un tour quand ils ont voté pour vos parties, mais dans les faits, j'ai trouvé que c'était un enjeu saillant assez important de la campagne électorale.
     Vous qui avez étudié la question et qui préconisez une réforme électorale, pensez-vous que nous devons commencer par expliquer le scrutin majoritaire uninominal à un tour et la raison pour laquelle il est inacceptable dans une démocratie moderne?
(1500)
    Je pense qu'il faut assurément le faire.
    D'après certains résultats de scrutin, comme d'autres l'ont peut-être mentionné dans leur témoignage devant le Comité — je sais qu'André Blais était ici ce matin, mais puisque je n'ai pas entendu son témoignage, j'ignore s'il a pu en parler ou non... Je pense que certaines des réserves des Canadiens au sujet des élections et de leur déroulement se rapportent aux sentiments de la population. C'est d'autant plus vrai pour un électeur qui vit dans une circonscription dont le siège est considéré comme étant gagné d'avance, et où la compétition n'est pas forte d'une élection à l'autre. On vous dit à quel point l'élection est importante, mais vous commencez à vous rendre compte que votre vote n'aura pas vraiment d'incidence, ou que les options qu'on vous présente ne sont pas celles que vous aimeriez voir.
    Ces réserves ne sont peut-être pas exprimées explicitement lors du scrutin, mais elles sont là. Vous pouvez voir que les gens ont l'impression de se faire dire que l'élection est vraiment importante et qu'ils doivent aller voter, alors que leur vote n'aura pourtant pas la moindre incidence; il ne changera rien compte tenu de leur circonscription et des choix qu'on leur présente.
    Il faut essayer dans une certaine mesure de contrer ce phénomène.
    En outre, dans le passage de mon mémoire que vous avez cité, je rapportais moi-même ce qu'Alan Cairns a écrit en 1968; ces arguments circulent donc depuis longtemps. J'aurais pu relater autre chose, mais j'ai choisi l'article de Cairns parce qu'il est le plus souvent cité dans la Revue canadienne de science politique.
    Il y a quelque temps, un étudiant a fait un décompte et a produit une liste de la fréquence à laquelle les articles sont cités, et celui qu'Alan Cairns a rédigé en 1968 sur le système électoral et le régime des partis arrivait au premier rang dans les sciences politiques canadiennes. Hier, mon collègue Peter Russell a souligné que ce débat remonte à 1921, comme M. Thériault vient également de le dire. Ces arguments circulent donc depuis longtemps.
     Nous savons pourquoi le Canada utilise le scrutin majoritaire uninominal à un tour: les Britanniques nous l'ont légué. Et nous ne sommes pas les seuls: ils l'ont donné à tous les autres dominions et colonies britanniques du monde au 19e siècle. C'est un mode de scrutin qui a bien fonctionné à certains endroits, mais moins ailleurs. Par exemple, le système ne convient probablement pas à l'Inde, et seul son héritage colonial britannique explique pourquoi le pays est doté du scrutin majoritaire uninominal à un tour.
    Les Britanniques n'ont fait aucune distinction; ils n'ont pas étudié leurs colonies pour en conclure que le vote unique transférable conviendrait mieux à l'une ou l'autre d'entre elles, ou peut-être la représentation proportionnelle. Ils ont simplement estimé que le système britannique était le meilleur, puis ils l'ont légué à tout le monde, peu importe le moment ou l'endroit.
    Il ne faut pas oublier que les sociétés évoluent aussi, comme M. Russell l'a souligné hier. Le Canada est devenu un système multipartite en 1921, ce qui n'a pas changé depuis. Or, notre mode de scrutin ne fonctionne pas aussi bien dans un environnement semblable. D'ailleurs, le scrutin majoritaire uninominal à un tour ne fonctionne plus très bien en Grande-Bretagne non plus. Il suffit de regarder le fossé qui s'est créé dans le cas de l'Écosse.
    L'idée que ce merveilleux modèle britannique du 19e siècle devrait être notre préférence... Le Canada ne l'a jamais choisi, et le modèle ne fonctionne même plus très bien dans son propre pays d'origine.
    Monsieur Seidle, j'espère avoir le temps de poser ma question. Dans un article que vous avez écrit en 2002, vous avez dit qu'il était peu probable que l'occasion se présente de réformer le système électoral canadien.
    Vous devrez peut-être répondre au prochain tour, à moins qu'un autre député ne reprenne ma question. Quoi qu'il en soit, vous avez cité les critères ou les conditions que John Courtney énonce dans son ouvrage Reforming Representational Building Blocks. Vous dites que pour changer le mode de scrutin canadien — ce qui n'arrivera pas selon vous —, nous avons besoin d'une occasion et d'une ouverture politique, et nous l'avons; d'un autre modèle convenu, et c'est le travail de notre comité; ainsi que d'une volonté politique, et c'est la grande question.
    Je regarde le président, et je crois que nous allons devoir espérer que quelqu'un d'autre pose la question, sans quoi j'y reviendrai au prochain tour.
    Très bien. Je vous remercie, madame May.
    La question s'adressait-elle à moi?
    Oui, mais nous avons manqué de temps.
    Je pensais que nous étions devant un groupe de travail.
    C'est bel et bien le cas.
    Dans ce genre de groupe de travail, les participants sont normalement autorisés à intervenir ici et là...
    Eh bien, non...
    ... plutôt que de devoir suivre ce modèle d'échange très rigide, comme si nous étions des témoins experts devant un tribunal.
    C'est le modèle que nous avons utilisé tout au long du processus, et c'est celui que les comités emploient habituellement sur la Colline. Vous aurez l'occasion de répondre. Mme May aura une autre intervention, et la question pourra être abordée.
    Mais pour l'instant, nous allons devoir laisser la parole à M. Aldag.
(1505)
    Au cas où vous ne le sauriez pas, beaucoup d'entre nous recueillent les commentaires émis sur Twitter, qui offre aux Canadiens une occasion de s'exprimer.
    Monsieur LeDuc, puisque le système de représentation proportionnelle à scrutin de liste que vous proposez a suscité un peu d'intérêt, j'aimerais connaître votre avis sur quelques questions et commentaires. Voici quelques-unes des remarques recueillies; elles ne suivent aucun ordre particulier. Pourquoi pensez-vous que ce modèle soit convenable? Il semble bien fonctionner au Danemark, mais sera-t-il applicable au Canada?
    Quelqu'un d'autre dit que le modèle semble être celui utilisé en Espagne, mais pourtant, il n'y aurait toujours pas de gouvernement là-bas six mois après la première élection — et il y en aurait eu deux. Par conséquent, quelles sont les forces ou les faiblesses du système, et comment fonctionnerait-il au Canada?
    Une autre personne voulait savoir si vous parliez d'une liste ouverte ou fermée.
    Il y a beaucoup d'éléments, et je vous invite à aborder ceux que vous voulez dans le temps limité dont nous disposons.
    D'accord. Lorsque j'ai fait valoir la représentation proportionnelle à scrutin de liste, j'ai essayé d'en expliquer les principes plutôt que de parler d'un pays en particulier. Étant donné qu'il s'agit désormais du système électoral le plus largement utilisé dans le monde, nous savons beaucoup de choses à son sujet. Il existe amplement de données empiriques de divers pays et diverses sociétés.
    Nous ne devons pas nous limiter à examiner la situation du Danemark. Il est vrai que ce pays a un des meilleurs taux de participation électorale au monde, et si c'est le volet qui vous intéresse, on peut dire que le Danemark a assez bien réussi à ce chapitre. Quoi qu'il en soit, nul besoin de ne s'attarder qu'à la situation du Danemark, de l'Espagne ou de tout autre pays.
    Ce que j'aime généralement à propos de la représentation proportionnelle à scrutin de liste, c'est non seulement la quantité énorme de preuves qui existent sur le sujet à divers endroits, mais aussi sa grande souplesse et sa facilité d'adaptation. En d'autres termes, il est possible de concevoir un modèle canadien de représentation proportionnelle à scrutin de liste qui soit tout à fait différent du modèle exact de tout autre pays, et qui soit adapté à la réalité canadienne. Je ne cherche pas à l'expliquer dans un mémoire de 2 500 mots, mais je pourrais le faire.
    Il y a quelques années, j'ai donné un cours sur les systèmes électoraux à l'Université de Toronto. C'était un cours d'enseignement supérieur, et j'avais trois étudiants très brillants. J'ai demandé à chacun de concevoir un système électoral pour l'Ontario. Il s'agissait de la représentation proportionnelle à scrutin de liste, du vote unique transférable et du scrutin mixte avec compensation. Les étudiants ont travaillé au projet pendant tout le semestre, puis ont rédigé un bel article. Je serai d'ailleurs ravi de vous le faire parvenir, si vous êtes intéressé. Il s'intitule « Three Options for Electoral Reform in Ontario ».
    L'idée n'était pas d'adopter le système suédois ou espagnol. Le fait est que nous pouvons reprendre des principes reposant sur les preuves tirées de plusieurs nations, plutôt que d'une seule, puis les appliquer à un environnement canadien. Nous obtenons ainsi le genre de représentativité que le Canada devrait offrir, selon nous, et nous refléterons la volonté des électeurs comme un système parlementaire devrait le faire continuellement, selon nous, et pas seulement le jour du scrutin.
    J'aimerais intervenir: vous dites craindre que la formation du gouvernement puisse durer un certain temps. Voilà exactement pourquoi j'ai suggéré le vote d'investiture, comme ce qui a été adopté au pays de Galles et en Écosse, étant donné qu'un délai a été fixé pour la tenue du vote.
    Voilà qui incite vraiment les partis à s'entendre et à conclure un accord publiquement. Étant donné qu'il s'agit d'un vote, les gens peuvent venir à la Chambre prononcer des discours et expliquer pourquoi ils appuieront une coalition ou un parti en particulier pour la formation du gouvernement, ce qui assure une transparence pour tous. Compte tenu du délai fixé, personne ne craint d'attendre quelques mois de plus, et les gens comprennent que c'est la Chambre qui doit accorder sa confiance au gouvernement, et non pas l'inverse, ce qui est vraiment impressionnant.
    Il vous reste environ une minute.
    D'accord.
    Eh bien, j'aimerais prendre cette minute pour dire un mot à propos du travail de vos étudiants — et je m'adresse à ceux qui pourraient avoir des compléments d'information. Vous êtes autorisés, et même invités à faire parvenir l'information au bureau des greffières.
    Je vais maintenant céder la parole à l'intervenant suivant.
    Je vous remercie, monsieur Aldag.
    Monsieur Deltell.

[Français]

     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Messieurs, soyez les bienvenus dans votre Parlement canadien.
    Monsieur Seidle, on peut comprendre qu'il serait peut-être plus intéressant pour tout le monde que nous ayons des échanges directs, mais que voulez-vous, nous sommes plusieurs et nous avons des dizaines et des dizaines d'experts à rencontrer, et il faut que cela se fasse de façon ordonnée.
    D'ailleurs, je tiens à saluer votre présidence, monsieur le président, car vous faites très bien votre travail dans une situation qui n'est pas facile.
    Soyez assuré, monsieur Seidle, que vous aurez tout le temps voulu pour exprimer votre point de vue avec la chef du Parti vert.
    La qualité des échanges que nous avons aujourd'hui le démontre bien. Encore une fois, nous accueillons des gens de qualité, à savoir trois professeurs d'université. Je rappelle que le Comité gagnerait beaucoup à entendre un grand universitaire
(1510)

[Traduction]

    ... qui a beaucoup de choses à dire sur une nouvelle façon de mener la réforme électorale, à savoir l'honorable Stéphane Dion. Tout le monde y gagnerait si M. Dion témoignait devant notre comité, et j'espère que l'ensemble des députés le comprendront.

[Français]

    Tout à l'heure, mon collègue du Bloc québécois, M. Thériault, faisait état d'un événement survenu sur la scène politique provinciale il y a une dizaine d'années. J'approuve en partie ce qu'il a dit. En effet, il arrive que les gens votent pour un programme présenté en campagne électorale, mais que, finalement, le parti élu ne l'applique pas. Il y a des exemples tout à fait récents qui me viennent à l'esprit, mais je n'embarquerai pas dans ce débat aujourd'hui, car ce n'est pas la place. J'aurai l'occasion de le faire à un autre moment.
    J'aimerais cependant rappeler un détail. L'événement dont M. Thériault parlait tout à l'heure n'est pas survenu en 2007, mais en 2008. Je m'en souviens très bien, car j'étais candidat à ce moment-là.
    Allons maintenant au fond des choses.
    Monsieur Cyr, vous avez fait mention tout à l'heure de quatre changements qui pourraient être appliqués, dont la nomination du premier ministre par le Parlement, le vote sur des motions de censure constructives et l'exigence selon laquelle on doit avoir l'accord de deux tiers des députés pour dissoudre la Chambre. De ce que j'en comprends, cela ne concerne pas directement le mode électoral.
    Les changements que vous proposez pour donner encore plus d'autorité aux députés, peut-on les apporter dans l'actuel système uninominal à un tour?
    Ces changements pourraient être faits dans le système actuel. Une série de témoignages portaient précisément sur le système électoral. Comme je l'enseigne à mes étudiants, le système électoral n'est pas pris purement dans l'abstrait et il ne peut être découpé. Il fait partie d'un écosystème beaucoup plus large qui inclut la formation du gouvernement et les rapports entre l'exécutif et le législatif.
    Compte tenu de mon domaine d'expertise, ma contribution particulière a trait notamment aux conséquences et à la façon de stabiliser la situation, si le système électoral qu'on choisira devait faire en sorte qu'on aboutisse plus fréquemment que par le passé à des gouvernements minoritaires ou majoritaires. Je m'en suis tenu à mon expertise.
    Votre collègue vous a demandé si la tenue d'un référendum était une exigence constitutionnelle. Selon le droit constitutionnel et à la lumière du renvoi sur la sécession, j'en doute fortement. Dans ce renvoi, il est dit que les initiatives politiques ou de modifications constitutionnelles proviennent du gouvernement, et que ce dernier n'est pas lié par une décision référendaire.
    Y a-t-il une convention constitutionnelle exigeant un référendum? J'en doute, puisqu'il y a trois composantes à une convention constitutionnelle: une pratique, une raison d'être et l'acceptation des acteurs qui sont liés par cette pratique.
    Exactement. Le troisième élément a trait à l'acceptation des acteurs liés à la pratique. Il n'y a pas plus clair que cela. Les gens qui sont liés par la pratique du vote électoral, ce sont les électeurs eux-mêmes. Donc, ils sont directement concernés par ce changement. La conclusion, c'est qu'il faudrait les consulter par voie de référendum.
    J'ai évoqué ce point pour souligner qu'il n'y a pas d'exigence selon le droit constitutionnel. Ce n'est pas une exigence par rapport à une convention constitutionnelle, mais mon expertise ne porte pas sur ce qui est politiquement opportun, juste ou approprié dans les circonstances. C'est là que mon expertise s'arrête. C'est votre tâche de le déterminer.
    Je salue votre grande protection, monsieur Cyr.
    Merci, monsieur Deltell.
    Merci, monsieur Cyr.
    C'est maintenant au tour de Mme Romanado.
     Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence et de leurs présentations.
(1515)

[Traduction]

     J'aimerais brièvement parler de la remarque qui a été formulée, voulant que nous ne sachions pas quel est le problème. Je vais simplement lancer la discussion.
    Notre comité a été formé pour une raison: les Canadiens estiment que leur vote ne compte pas. Permettez-moi de clarifier mes propos, car un témoin m'a assuré hier que les votes étaient bel et bien comptés. Ce n'est pas ce que je dis, mais plutôt que la voix des électeurs ne compte pas. Les gens qui les représentent véritablement ne reflètent pas leur intention au moment du scrutin. Voilà ce qui pose problème.
    Ce n'est pas tout. Nous avons aussi un problème de faible participation électorale. Il y a eu une augmentation aux dernières élections, et nous en sommes ravis, mais nous devons tout de même nous pencher sur la question. En fait, la réforme électorale ne se limite pas qu'au mode de scrutin, mais elle englobe d'autres questions aussi, comme vous l'avez souligné. Vous avez dit que nous avons d'autres enjeux à aborder, et c'est ce qui nous intéresse. Le vote obligatoire est-il un enjeu? Qu'en est-il du vote en ligne? Et ainsi de suite.
    Ma question concerne les propos de M. Seidle. Dans votre document, vous dites que, quel que soit le mode de scrutin, le système choisi ne semble pas corriger le problème de sous-représentation des femmes, des minorités visibles et des populations autochtones au pouvoir. Je vous remercie de nous l'indiquer, car un autre témoignage établissait une corrélation entre le système électoral choisi et le nombre de membres de ces groupes sous-représentés qui siègent véritablement au Parlement. Je tiens donc à vous en remercier.
     Il a été question de la représentation proportionnelle à scrutin de liste, et aussi du scrutin majoritaire uninominal à un tour, qui est actuellement en place. Voici donc ce que je veux savoir: à votre avis, quel mode de scrutin réglerait le problème que je viens de mentionner, à savoir que les Canadiens n'ont pas l'impression que leur vote compte?
    J'invite les trois témoins à me donner leur avis et à me dire quel système remédierait à ce problème particulier.
    Merci.
    La question de savoir si la voix des électeurs compte ou non ne se limite pas à examiner comment les résultats des élections se traduisent en nombre de sièges à la Chambre des communes. Il faut aussi étudier toute la question de la gouvernance. Un des avantages d'un système proportionnel ou mixte, particulièrement dans le contexte canadien, c'est la possibilité d'avoir sans cesse un gouvernement minoritaire. Pourrions-nous apprendre à vivre dans une culture de gouvernements de coalition? C'est là une question ouverte.
     Notre histoire montre que la plupart des systèmes de représentation proportionnelle donnent souvent lieu à des possibilités de coalition libérale et minoritaire. Pour ce qui est de savoir si une telle éventualité pourrait se matérialiser, nous en avons eu un exemple en 1972 et 1974, lorsque le Parti libéral et le NPD ont conclu des ententes, sans toutefois former une coalition, ce qui a permis de prendre certaines mesures importantes, notamment pour limiter les dépenses électorales.
     Toutefois, il ne suffit pas de se demander si 40 % des votes équivalent à 40 % des sièges à la Chambre des communes. Je crois que tout mode de scrutin devrait nous rapprocher de cet objectif. Il ne devrait pas y avoir d'énormes écarts. Par exemple, en 1980, les libéraux ont obtenu environ 22 % des votes dans l'Ouest canadien, avec l'élection de deux députés. Ce n'est pas un bon résultat et, à l'époque, cette situation avait déclenché beaucoup de discussions.
    Il ne faut pas oublier un autre point, et c'est pour cette raison que j'ai présenté des statistiques. Quand on parle de la représentation en 2016 au Canada, il faut prêter attention à la représentation de divers groupes au sein de la société: les femmes, les groupes ethnoculturels, les minorités visibles et les Autochtones. Je n'ai pas nié le rapport entre les modes de scrutin et ces groupes, mais j'ai dit qu'on peut trouver des contre-exemples. Dans notre système actuel, le résultat pour les Autochtones et les minorités visibles n'est pas mauvais, et c'est un fait dont on doit tenir compte. Ce changement est attribuable aux mesures prises par les partis, à leur nomination de candidats et l'augmentation du nombre de députés au fil du temps. Cela n'a rien à voir avec le système en tant que tel, parce que celui-ci est demeuré stable.
    Il ne reste malheureusement plus de temps. Cela passe vite, je sais.
    Monsieur Blaikie.
    Je voudrais parler un peu plus de la démarche à suivre. Nous avons entendu tout à l'heure quelqu'un — je pense que c'était mon collègue ici — poser la question suivante: où est l'urgence? Il faut, j'en conviens, éviter que l'établissement d'un délai conduise à une procédure qui laisse à désirer. Or, comme plusieurs témoins nous l'ont rappelé, cela fait très longtemps que le Canada parle d'une réforme électorale. Je suis sûr qu'en votre qualité de professeurs, vous êtes conscients du pouvoir des dates limites pour obtenir des résultats et que, sans un échéancier, vous ou vos étudiants pourriez... Vous savez, on veut toujours lire un livre de plus ou écrire un chapitre de plus, mais la présence d'un sentiment d'urgence peut aider à faire avancer un dossier — dans ce cas-ci, il s'agit d'un dossier dont on entend beaucoup parler depuis déjà un bon moment.
    Même si ce n'est pas toujours au premier plan des préoccupations des électeurs, je crois qu'ils ont depuis longtemps l'impression que nos élections ne produisent pas toujours des résultats équitables au sein du Parlement. Les gens n'ont peut-être pas une conception bien définie de la façon de produire des résultats plus justes ou d'apporter certaines petites modifications qui s'imposent ou ils ne savent pas trop comment le tout fonctionne, mais je pense que, d'après le sentiment général — et certaines élections provoquent cette impression plus que d'autres —, nous n'avons pas un mode de scrutin qui est toujours propice à une représentation particulièrement équitable des électeurs.
    J'aimerais qu'on se mette à agir dans ce dossier. Comme nous l'a dit un de nos témoins précédents, il y a eu beaucoup de paroles, mais peu d'action. J'aimerais voir des mesures concrètes. J'estime que notre comité a un rôle important à jouer; il ne s'agit pas seulement d'aller parler aux Canadiens, même si c'est important, ou de s'entretenir avec des experts, mais de faire avancer les choses.
    Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur les mesures que le Comité doit prendre afin de produire un résultat que les Canadiens pourront juger légitime à cette étape du processus et qui nous poussera à réaliser d'autres progrès, au lieu de continuer à débattre de la question? Bref, avez-vous des idées sur ce que notre comité peut faire pour précipiter un changement?
(1520)
    Oui. Je vais mentionner deux mesures possibles qui me viennent à l'esprit. Elles risquent de ne pas être réalistes, mais nous pourrions tout au moins en parler.
    La première rejoint ce que j'ai dit tout à l'heure à propos du Japon. Si le Comité pouvait servir de moyen pour élaborer une proposition par consensus sur un projet de réforme que vous pourriez tous signer et présenter comme une recommandation multipartite aux Canadiens, je pense que vous pourriez alors la soumettre à un référendum et avoir une chance raisonnable de la faire adopter.
    Cela dit, la campagne devrait également être structurée de telle sorte que les gens puissent la comprendre, obtenir suffisamment d'information et en débattre dans les tribunes appropriées. Quoi qu'il en soit, une telle démarche me paraît viable.
    Je n'en sais pas assez sur votre comité pour déterminer si cette option est même concevable, mais si vous pouviez produire un rapport assorti d'une recommandation, tout en indiquant les mesures qui, à votre avis, devraient être prises et sur lesquelles vous vous entendez tous, je pense que ce serait un message très puissant.
    Le deuxième modèle qui me plaît bien repose sur l'expérience vécue en Ontario. J'avais trouvé que l'assemblée des citoyens était une idée brillante — laquelle est d'ailleurs inspirée du modèle de la Colombie-Britannique, je dois le reconnaître. L'assemblée des citoyens était une idée relativement nouvelle à l'époque, lorsque la Colombie-Britannique et l'Ontario l'ont adoptée. À mon avis, elle a fonctionné à merveille, mais on n'est pas allé jusqu'au bout.
    En fait, la Colombie-Britannique y est presque arrivée. En Ontario, le gouvernement s'est essentiellement ravisé et il a sapé le travail de l'assemblée à la dernière étape. En plus de pas financer adéquatement la campagne de sensibilisation et de ne pas conclure un accord sur les dépenses, le gouvernement ontarien a permis que l'assemblée soit diabolisée dans la presse.
    Quoi qu'il en soit, je peux imaginer une procédure semblable à celle de l'Ontario, mais à plus grande échelle, ou peut-être une version améliorée de celle de la Colombie-Britannique. Si vous pouviez recommander une approche semblable, puis donner à l'organisme assez de temps pour effectuer ses travaux et élaborer sa proposition, laquelle serait ensuite présentée aux citoyens, je crois qu'un tel modèle aurait une chance raisonnable de donner de bons résultats.
    Combien de temps cela prendrait-il? Je n'en suis pas sûr, mais je doute que nous puissions le faire d'ici décembre.
    Il y a deux principes fondamentaux, qui sont très différents. Le premier porte sur le consensus entre les partis, et quel meilleur endroit que le Parlement ou une tribune comme celle-ci pour y parvenir?
    Le deuxième est l'argument selon lequel on ne devrait pas compter sur les politiciens pour remanier les institutions et qu'il faut, par voie de conséquence, établir une sorte d'organisme extraordinaire, comme une assemblée des citoyens ou une convention sans lien de dépendance avec le processus politique habituel.
    Nous allons devoir céder la parole à Mme Boucher.
    L'une ou l'autre de ces options est réalisable.

[Français]

     Bonjour à tous. Je suis ici aujourd'hui pour remplacer un membre du Comité.
    Ce que j'entends m'intéresse beaucoup. Je dois dire, honnêtement, que c'est l'une des premières fois que je suis d'accord avec un député du Bloc québécois. Je suis tout à fait d'accord en ce qui a trait au référendum. Je suis aussi entièrement d'accord sur le fait que cet éventuel changement dans la façon de voter est une question très importante et qu'il faudrait prendre le temps de l'étudier et de déterminer comment faire les choses.
    En tant que législateur, on doit souvent agir de façon précipitée, mais cette question-ci ne devrait pas être réglée rapidement. Je pense qu'il faut avoir une vision d'ensemble.
    J'aimerais poser une question à M. Seidle.
    Étant donné que ce sujet nous tient à coeur, j'aimerais que vous nous en disiez davantage sur la nécessité de tenir un référendum sur le changement du mode de scrutin.
    En janvier dernier, vous avez écrit un article dans le cadre du forum Options politiques. J'aimerais en citer deux passages. Il s'agit ici d'une traduction libre — je ne suis pas nécessairement très compétente pour ce genre d'exercice. Vous y écrivez qu'un changement si fondamental de la façon dont nous élisons la plus importante institution législative au pays requiert l'appui de la majorité de la population exprimé au moyen d'un vote à l'échelle nationale. De plus, vous écrivez que le désir ou non de tenir un référendum sur un nouveau système électoral proposé devrait être déterminé en s'appuyant sur les fondements du principe de consentement démocratique, et non pas sur les tentatives pour deviner les résultats éventuels en fonction d'un nombre partiel de cas.
    J'aimerais que vous expliquiez davantage ces deux passages. J'aimerais partager avec vous cette façon de voir les choses.
(1525)
    Je n'ai pas vraiment grand-chose à ajouter à ce que j'ai écrit. Je crois en mes propres paroles. Je n'ai pas changé d'idée depuis que j'ai écrit ce petit article.
    Nous avons tenu un référendum en 1992 sur la réforme de la Constitution. On pourrait faire valoir que c'était beaucoup plus ambitieux que la réforme du système électoral. C'est vrai. Or trois provinces ont tenu un référendum. Pourquoi? C'est pour des raisons de démocratie et de participation. Les résultats n'ont pas satisfait les gens qui voulaient la réforme. Le résultat en Colombie-Britannique était tout à fait louable, et il est malheureux, dans un sens, que le gouvernement ait établi le seuil à 60 %.
    J'aimerais revenir sur la question précédente, à savoir ce que devrait faire ce comité pour faire avancer le processus.
    Dans votre mandat, on ne vous demande pas d'établir un consensus, de recommander une seule option. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec mon collègue. En me fondant sur ce que je sais des positions des partis, je dirais en effet que l'objectif consistant à établir un consensus, un modèle et des modalités, n'est pas très probable. Je ne veux pas donner l'impression d'être cynique, mais je suis plutôt réaliste.
    Vous pourriez tout de même soumettre un rapport comportant les trois options que vous trouvez les plus prometteuses. Le gouvernement pourrait ensuite élaborer un processus axé sur l'éducation et les débats en vue d'enrichir les connaissances des Canadiens. La condition à tout cela serait cependant que le gouvernement abandonne l'idée de tenir la prochaine élection dans le cadre d'un nouveau système.
    M. Mayrand a dit qu'il lui fallait deux ans pour mettre en oeuvre un nouveau système. Si on ajoute un référendum et qu'on calcule le temps qui serait disponible d'ici les prochaines élections, on voit que cela ne fonctionne pas. Il serait possible de développer un processus qui permettrait d'accroître le nombre de débats et de tenir un référendum au moment des prochaines élections. Cela ne coûterait pas plus cher.
(1530)
     Parfait.
    C'est une possibilité que vous pouvez examiner.
    Merci.
    Monsieur DeCourcey, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les trois témoins de leurs présentations de cet après-midi.

[Traduction]

    J'aimerais commencer par vous, monsieur LeDuc.
    Un des principes qu'on nous a demandé d'examiner dans le cadre de notre mandat, c'est la représentation locale et la façon dont elle pourrait fonctionner dans le système préféré dont vous avez parlé ou dans un des autres modèles possibles à l'étude. En tant que députée du Canada atlantique, si vous me permettez d'exprimer une opinion brièvement, je dirais que nous sommes très fiers de ce que notre coin du pays peut ajouter au débat sur la politique publique au Canada. Je ne voudrais pas que nous perdions notre représentativité à Ottawa, et je crois que les habitants de ma région ne le voudraient pas non plus. Comment la représentation locale pourrait-elle fonctionner, et quelle valeur devrions-nous y accorder dans le cadre de nos délibérations?
    Nous devons nous entendre sur la définition du mot « locale », et c'est là une tâche très délicate. Je crois que, dans tous les systèmes de représentation proportionnelle à scrutin de liste, le territoire est divisé en plusieurs circonscriptions, à l'exception d'une poignée de pays — pour la plupart, de petite taille — où l'on trouve une circonscription nationale unique. C'est le cas, par exemple, des Pays-Bas, dont le territoire forme une seule circonscription nationale.
    Dans certains pays, on trouve des circonscriptions plus grandes que d'autres ou des circonscriptions de tailles variées. Voilà pourquoi j'ai dit que si je devais concevoir un système de représentation proportionnelle à liste de parti pour le Canada, la taille des circonscriptions serait, selon moi, un des principaux facteurs à examiner. Je voudrais également confier cette tâche à des commissions de délimitation des circonscriptions, comme c'est déjà le cas, au lieu d'essayer de l'intégrer à la conception même du système. Les caractéristiques géographiques du Canada soulèvent beaucoup de questions techniques épineuses auxquelles il faudra faire attention.
    Je crois qu'en tant que Canadiens, nous voulons un système qui assure une représentation locale efficace. Pour atteindre cet objectif, nous devons déterminer la taille optimale des circonscriptions, mais il s'agit là d'une question technique qu'il faudra régler. En Espagne — et j'en parle dans mon mémoire seulement à titre d'exemple, car je ne prétends pas que nous devrions reproduire le modèle espagnol —, la taille des circonscriptions varie: la plus petite d'entre elles compte deux députés, alors que certaines circonscriptions urbaines en comptent jusqu'à 12 ou 13. Je crois que M. Russell a fait valoir hier — même s'il parlait du mode de scrutin à vote unique transférable — qu'à Toronto, on pourrait avoir des circonscriptions représentées par un plus grand nombre de députés, mais qu'il ne serait pas souhaitable d'avoir de si grandes circonscriptions dans d'autres régions du Canada.
    À mon avis, il y a lieu de régler ces questions grâce à un système canadien de représentation proportionnelle à liste de parti. Un des atouts d'un tel système réside dans sa très grande souplesse quant au nombre de sièges, de circonscriptions, etc.
    D'après ce que l'assemblée des citoyens nous a fait découvrir en Ontario, un des problèmes liés au système mixte avec compensation proportionnelle tenait à la taille de l'Assemblée législative. D'ailleurs, cette question a donné du fil à retordre aux membres de l'assemblée des citoyens, et ils n'ont jamais su comment la résoudre. C'était au lendemain de la décision du gouvernement Harris de réduire la taille de l'Assemblée législative après avoir persuadé les gens qu'ils n'avaient pas besoin de plus de politiciens. Or, pour concevoir un système mixte avec compensation proportionnelle, il faut un plus grand nombre de députés. En général, les Canadiens qui préconisent ce mode de scrutin affirment qu'on pourrait garder les circonscriptions actuelles et ajouter seulement quelques sièges. Eh bien, combien de sièges faut-il pour rendre le système véritablement proportionnel? Il en faut beaucoup. Ce n'est pas par hasard que le Parlement allemand est composé de 600 députés, car la moitié des sièges sont remportés au scrutin de circonscription et l'autre moitié, au scrutin de liste.
    La représentation proportionnelle à liste de parti nous permet de maintenir la taille actuelle du Parlement, puis de modifier au besoin la magnitude des circonscriptions dans l'ensemble du pays, selon la province ou la région géographique. Il y aurait quand même quelques grandes circonscriptions, ce qui risque de déplaire à certains, mais je pense que ce modèle permet beaucoup de souplesse à l'étape de la conception. La marge de manoeuvre est beaucoup plus étroite dans certains des autres modèles.
(1535)
    J'utiliserais peut-être le temps qu'il me reste pour inviter...
    Vous avez 30 secondes.
    ... nos deux autres témoins à parler, vite fait, de la valeur que notre culture politique accorde à la représentation locale et des mesures que nous devrions prendre dans cette optique.
    C'est justement pour cette raison que j'ai parlé des exemples gallois et écossais. En effet, le pays de Galles et l'Écosse voulaient préserver la tradition qui consiste à élire des candidats locaux, tout en attribuant une partie des sièges selon la proportion des votes recueillis par les partis. C'est pourquoi il s'agit, dans les deux cas, d'un système de représentation proportionnelle mixte. Ce choix s'explique aussi par la taille de la population dans ces deux régions.
    Nous allons commencer le deuxième tour par Mme Sahota.
    Je reviens à ma question initiale, notamment sur la participation. Une partie de la réponse a été donnée par bribes tout au long des autres interventions. Je sais que nous avons parlé des assemblées des citoyens, ce qui est une excellente idée.
    Par pure coïncidence, il y a environ un mois, j'ai eu le privilège de m'asseoir à côté d'un des 102 membres de l'assemblée des citoyens de l'Ontario. Nous avons commencé à discuter, et j'ai trouvé très intéressant d'entendre son point de vue, même s'il ne se souvient plus beaucoup des événements survenus à l'époque.
    Par quels autres moyens notre comité peut-il inciter la population à participer à la procédure que nous menons actuellement? C'est d'une grande importance pour nous, comme vous l'avez déjà reconnu. Peu importe l'approche que nous décidons d'adopter, qu'il s'agisse de tenir un référendum ou encore de mettre oeuvre un système soumis à un référendum après deux ans, quelles mesures devons-nous prendre dès maintenant pour assurer la participation des citoyens avant que nous changions notre système en définitive?
    C'est une question très difficile.
    Je vais revenir au point initial que vous avez soulevé, à savoir les délibérations. Nous devons trouver une procédure plus délibérative. Les sondages ne conviennent généralement pas, puisqu'on pose une question que les gens ne comprennent souvent pas ou dont la formulation oriente les réponses. L'assemblée des citoyens se voulait un mécanisme destiné à créer un organisme délibérant qui pouvait discuter de la question et qui avait une certaine légitimité, même s'il ne s'agissait pas d'un organisme élu, car c'était un microcosme de l'électorat général.
    Pouvez-vous donner des exemples?
    Il y a un mécanisme appelé « scrutin délibératif » dont j'allais vous parler. On ne s'en est pas trop servi au Canada, mais il est maintenant plus facile de le faire grâce à l'utilisation accrue d'Internet pour l'administration de sondages. Si on devait établir des échantillons, comme on le fait pour les sondages d'opinion publique habituels, puis en élargir la portée en demandant aux gens de délibérer sur la question en ligne et d'échanger leurs réflexions, la technologie est là pour le faire.
    Plusieurs livres intéressants ont été publiés aux États-Unis sur le sujet du scrutin délibératif. Ce mécanisme a été utilisé un peu partout, mais selon un modèle quelque peu différent de celui basé sur Internet. Toutefois, j'imagine qu'on peut étendre certains de ses principes, puisque les sondages ont une certaine crédibilité, à condition que l'échantillonnage soit bien effectué. Si on pouvait obtenir un échantillon qui n'était pas simplement un instantané des réponses données à une question, mais qui était fondé sur une sorte de processus délibératif intégré ayant eu lieu sur une certaine période, je crois que ce serait une possibilité envisageable.
    En tout cas, un spécialiste de l'industrie des sondages serait mieux placé que moi pour vous fournir des conseils à ce sujet.
    Bien que le budget alloué à cette procédure ne le permette pas, selon moi — mais on peut toujours augmenter les budgets —, le Comité pourrait conclure des ententes avec des organisations externes relativement neutres, comme des instituts de recherche. Je ne dis pas cela pour plaider en faveur de notre propre institut, mais...
    Il existe un précédent qui remonte à l'hiver 1991-1992 et qui a abouti aux ententes intergouvernementales ayant mené à l'accord de Charlottetown. Si je ne me trompe pas, cinq conférences thématiques s'étaient déroulées partout au pays. D'une durée de deux jours, ces conférences étaient organisées par des instituts de recherche et elles mettaient en vedette des conférenciers experts, parallèlement à une foule d'ateliers. Il s'agissait d'une démarche plus participative.
    Je salue le travail du Comité, même si vous pensez peut-être que je suis un mauvais témoin, mais il reste que ce genre de tribune a ses limites. Cela ne permet pas d'élaborer des idées et des propositions de manière itérative et participative au même titre que l'assemblée des citoyens, mais en un sens, il est un peu trop tard pour établir une telle assemblée. Si le gouvernement avait décidé d'emprunter cette voie, la première étape aurait été de créer une telle assemblée, au lieu de recourir à un comité parlementaire.
    Donc, pour ce qui est des suggestions, que ce soit à court terme ou pour la suite des choses, je crois qu'il faudrait miser sur des activités qui rassemblent des Canadiens ordinaires ayant une certaine expertise et qui permettent une participation et un débat, ce qui est en soi un processus de sensibilisation.
     C'est le cas de l'assemblée des citoyens en Colombie-Britannique. Ses consultations ont duré pendant environ six mois, puis au terme de ses conclusions, la plupart de ses membres se sont mis à promouvoir les résultats sur lesquels ils s'étaient entendus. C'est en partie la raison pour laquelle 57 % des voix étaient en faveur, à mon avis.
(1540)
    Nous allons parcourir le Canada pour organiser des assemblées publiques avec les citoyens. Il reste à prendre des décisions de dernière minute quant aux endroits précis où nous nous rendrons, mais nous avons esquissé un plan...
    Je dois maintenant céder la parole à M. Kenney.
    Pour enchaîner là-dessus, monsieur le président, je crois que Mme Sahota oublie un point: une assemblée des citoyens est un processus délibératif. Cela n'a rien à voir avec un groupe de parlementaires qui débarquent dans une ville et qui restent à l'hôtel pendant un jour pour écouter des exposés de 10 minutes et poser quelques questions de manière passive. Il s'agit d'un processus délibératif qui va bien au-delà de ce qu'accomplissent les politiciens, car ces derniers sont, à mon avis, en situation de conflit d'intérêts quand vient le temps de choisir le système par lequel ils sont élus. Nous semblons avoir adopté un échéancier artificiel, ce qui est malheureux.
    Monsieur LeDuc, vous avez souligné qu'en Nouvelle-Zélande, le processus s'est échelonné sur environ 12 ans: il y a eu une commission royale, un comité parlementaire, deux référendums, une mesure législative, un débat parlementaire, un processus d'adoption, puis au bout de 10 ans, un troisième référendum. Vous avez dit qu'au Japon, il a fallu, je crois, 23 ans; la question a fini par être réglée au moyen d'un marchandage parlementaire classique à la japonaise. Je trouve déplorable que nous n'adoptions pas la démarche normale suivie dans d'autres démocraties pour traiter d'une question si délicate, qui met en cause la légitimité démocratique, parce que nous avons décidé de fixer une date d'échéance artificielle, sans inviter...
    Je viens de faire la connaissance d'un homme qui était à la tribune pour regarder nos délibérations. Il avait participé à l'assemblée des citoyens de l'Ontario et il se demandait pourquoi nous n'avions pas entrepris une procédure semblable ici.
    J'espère que tous mes collègues entendent votre exhortation, monsieur LeDuc: il faut éviter que la préférence justifie la marche à suivre, mais on doit permettre que la procédure suive son cours en vue d'établir un système par consensus.
    Cela dit, maintenant que j'ai fait valoir mes arguments au sujet de la démarche, j'ai une question de fond à vous poser. Les députés ministériels ont exprimé une préférence pour le vote alternatif, aussi appelé le vote préférentiel uninominal ou le vote unique transférable. Vous savez de quoi je parle. Ce mode de scrutin est, me semble-t-il, très discutable, car il exacerbe le problème en donnant lieu à des gouvernements faussement majoritaires. Pensez-vous qu'il s'agit d'une préoccupation raisonnable?
    Oui, c'est précisément ce qui risque de se produire. Le problème que posent tous ces arguments, c'est qu'on ignore si les changements apportés aux règles finiront par modifier le comportement des électeurs.
    Quand nous parlons de systèmes électoraux, y compris de celui que vous venez de mentionner, nous avons l'habitude de les considérer comme étant immuables, et nous examinons ensuite le résultat. Toutefois, la constance n'est pas toujours au rendez-vous. Une des leçons que nous avons tirées de l'expérience de l'Allemagne — et là, je m'écarte du sujet —, c'est que les Allemands ont inventé le système mixte avec compensation proportionnelle en s'appuyant sur certaines hypothèses, et voilà qu'environ 20 ans plus tard, les partis ont découvert une autre façon de se servir du système; ils ont donc commencé à promouvoir leurs campagnes différemment, si bien que les comportements des électeurs ont commencé à se modifier en conséquence. Donc, si on change les règles pendant une certaine période, on risque de changer les comportements.
    En donnant aux Canadiens un deuxième choix, je crois que nous pourrions prédire les résultats à très court terme, car nous aurions une idée des récents comportements des électeurs. Il se peut que ce système produise des résultats différents sur une période plus longue. C'est difficile à dire. Chose certaine, il faut veiller à ce que le régime des partis soit constant et faire en sorte que les comportements des électeurs et leur taux de participation soient très semblables à ceux enregistrés aux dernières élections. Je pense que vous pouvez ainsi deviner ce qui pourrait se passer dans le cadre du vote alternatif.

[Français]

     Selon moi, il y a aussi un autre élément à prendre en considération. On veut s'assurer que le système est légitime et bien perçu par la population. Pour ce faire, il doit être suffisamment et facilement intelligible, de sorte que l'électeur comprenne comment les votes sont comptés. Si cela devient vraiment très compliqué, il y a un risque quant à la légitimité.
    Je suis d'accord pour dire qu'il doit y avoir des mécanismes d'éducation, mais on doit s'assurer que le système choisi sera compréhensible par tout le monde. Je tiens à souligner que j'apprécie particulièrement le commentaire que vous avez fait au tout début de notre rencontre, à savoir que les partis politiques ont évidemment un intérêt dans cette affaire.
    C'est pourquoi je ne suis pas d'accord avec mon collègue sur l'idée de tenir un référendum en même temps qu'une élection générale. En effet, cela deviendrait alors l'enjeu de l'élection, et les partis politiques auraient tendance à présenter une réforme répondant non pas à l'intérêt de l'ensemble de la population, mais à leur propre intérêt. Cela aurait pour effet de détourner l'attention des enjeux concrets.
    À mon avis, s'il devait y avoir un référendum, celui-ci devrait être distinct et se tenir à un moment autre qu'une élection générale.
(1545)
     Monsieur Cullen, vous avez la parole.

[Traduction]

    Il vient de vous interrompre, monsieur Seidle. J'en suis désolé. Vous n'avez pas le gros bout du bâton.
    Eh bien, c'est le temps...
    Ce n'est pas grave. Je vais me reprendre dans ma prochaine intervention.
    Voilà. Il y a toujours moyen de contourner les règles pour obtenir ce qu'on veut.
    Monsieur Cullen.
    Oui, pour en venir à ce que disait M. Kenney, nous avons en fait proposé une sorte d'assemblée des citoyens dans le cadre des discussions sur la procédure, en février dernier. En effet, je crois que la question de la légitimité a été soulevée par tous nos témoins et par d'autres personnes. Il ne s'agit pas seulement de déterminer quel système nous présenterons ou que notre comité finira par recommander, mais aussi d'évaluer si le système est légitime et s'il est considéré comme tel aux yeux des électeurs — faute de quoi, la résistance sera élevée.
    Un petit point sur lequel j'aimerais revenir, c'est l'observation que vous avez faite, monsieur LeDuc, sur les sondages. Ce qui compte, c'est le libellé de la question. Je suppose que cela vaut pour tout processus qui fait appel à un référendum. Le soin avec lequel nous formulons la question à poser aux électeurs, sachant que les référendums ont tendance à déformer la vérité, et c'est ce que font les détracteurs... En Angleterre, au lendemain du Brexit, la question la plus populaire sur Google était celle-ci: qu'est-ce que l'UE? Lorsqu'on parle de référendum, on présume que les électeurs sont pleinement informés, ce qui est dangereux lorsqu'il existe des intérêts particuliers à l'égard d'une question politique.
    J'aimerais m'attarder sur la productivité et la stabilité parce que j'essaie d'en venir aux résultats. Je m'efforce d'adopter la position des électeurs dans ce dossier. Si nous proposons un système, il doit satisfaire aux attentes des électeurs; il ne suffit pas que le Parlement reflète les suffrages exprimés et que les gens exercent leur droit de vote, comme c'est le cas. Il faut aussi que le Parlement et les autres assemblées délibérantes soient en mesure de bien fonctionner.
    C'est ici que je me suis fait couper la parole la dernière fois, alors je vais d'emblée poser ma question. Nous avons connu, au Canada, des gouvernements minoritaires qui ont réussi à produire des politiques nationales viables: le bilinguisme, le filet de sécurité sociale, l'assurance-maladie, le drapeau. La liste est longue.
    Est-il juste de dire que, même si nous n'avons certainement pas une tradition de gouvernements de coalition — nous n'en avons eu qu'une seule —, notre culture du partage du pouvoir entre des gouvernements minoritaires, culture qui est axée strictement sur les résultats plutôt que la partisanerie, a donné de bons résultats pour les Canadiens? Est-ce là une exagération des faits, compte tenu de notre histoire? Permettez-moi de mentionner aussi, dans le même ordre d'idées, la Loi fédérale sur la responsabilité, que l'on doit également à un gouvernement conservateur minoritaire.
    Je crois que c'est une exagération si vous faites allusion au règne de Harper. Une des grandes réussites de Stephen Harper, ou plutôt sa réussite la plus notable, c'est le fait d'avoir gouverné en situation minoritaire comme s'il avait la majorité.
    Il y est arrivé en menaçant de tenir un vote de confiance sur chaque projet de loi, et je crois que M. Cyr a quelques suggestions à faire sur la façon de réduire une telle menace... J'étais là. On nous répétait que si les projets de loi sur les transports, les pêches, etc. étaient défaits, il en irait de même pour le gouvernement.
    Son parti n'est pas le seul à...
    Oh, je ne dis pas...
    Jean Chrétien faisait cela tout le temps, et ce, en situation majoritaire...
    M. Harper a peut-être suivi de mauvais exemples.
    Nous sommes saisis d'une étude, et certains experts ont fait valoir qu'au cours des 50 dernières années, les pays ayant choisi des systèmes où le gagnant rafle tout ont tenu, en moyenne, 16,7 élections. Quant aux pays ayant adopté des systèmes de représentation proportionnelle, leur moyenne était de 16 élections durant la même période. N'y a-t-il pas un mythe selon lequel les systèmes de représentation proportionnelle sont plus instables? Tout le monde évoque l'exemple de l'Italie toutes les cinq minutes...
    John Ibbitson l'a justement mentionné l'autre jour...
(1550)
    John en a parlé l'autre jour. Nous devrions faire le point sur le système actuel de l'Italie, parce que c'est loin d'être proportionnel. L'Italie a concocté un système tout à fait instable dans lequel la représentation n'est pas proportionnelle. Donc, l'idée même de le comparer...
    Monsieur Cyr, vous vouliez dire un mot à ce sujet.

[Français]

     C'est précisément parce qu'on cite toujours l'Italie et Israël comme étant des cas classiques. Historiquement, on dit qu'il n'y a pas de stabilité dans ces pays. Dans la littérature, on a travaillé à ce qu'on appelle le parlementarisme rationalisé. C'est pour cela que j'ai voulu vous faire part de certaines règles ou de certains mécanismes qu'on a développés. Il y a une certaine expérience ou expertise. Il existe plusieurs cas où le système mis en place donne souvent lieu à des gouvernements minoritaires ou de coalition. On sait comment cela fonctionne.
    Il ne faut pas simplement se limiter à notre expérience canadienne ou à celle de notre province. On a des mécanismes pour assurer la stabilité. Dans l'ensemble des pays où il y a souvent des gouvernements minoritaires ou de coalition, on ne peut pas dire que leur programme n'est pas aussi bon que le nôtre.

[Traduction]

     J'ai une dernière question à poser, et vous pouvez nous aider à y répondre. Rares sont les exemples de culture politique dans le monde où l'on utilise deux systèmes électoraux en même temps, à l'exception de l'Australie. D'après les témoignages que nous avons entendus, dans le cadre de ce système, la participation des femmes est presque le double à la Chambre des représentants de l'Australie, où l'on emploie le système de représentation proportionnelle, comparativement à l'autre Chambre où l'on utilise le système uninominal majoritaire à un tour. L'Australie compte deux chambres, ayant chacune un mode de scrutin différent. Dans l'une, les femmes occupent 40 % des sièges et dans l'autre, 25 %.
    Y a-t-il d'autres exemples dans le monde? C'est, me semble-t-il, le seul exemple frappant qui montre que nous devons peut-être accorder une certaine attention à ce mode de scrutin, car les femmes ont plus de chances de participer à la vie politique et d'être élues.
    Très brièvement, je vous prie, quelqu'un a-t-il un autre exemple à donner?
    Oui. Le système de représentation proportionnelle à scrutin de liste s'est avéré plus favorable aux femmes, mais il ne s'agit que d'un outil, parce que cela dépend des partis. Leslie Seidle a donné tout à l'heure un exemple éloquent lorsqu'il a comparé la Suède et la Hongrie, parce que ces deux pays ont recours à un système de représentation proportionnelle à scrutin de liste. Toutefois, dans les pays scandinaves, on a tendance à utiliser des listes; les partis doivent respecter des quotas et, à cette fin, ils s'assurent d'avoir un nombre suffisant de femmes sur leur liste. Les listes reposent souvent sur le système de la « fermeture éclair », comme on l'appelle, c'est-à-dire l'alternance des deux sexes.
    La question était de savoir s'il y a d'autres exemples. Est-ce bien cela?
    D'accord, je suppose donc qu'il s'agit des autres pays scandinaves.

[Français]

    Le Royaume-Uni, si on regarde...
    Monsieur Cyr, il ne nous reste plus de temps.
    Monsieur Thériault, c'est à votre tour.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Cyr, vos travaux sont très importants. Comme vous l'avez fait remarquer, le socle de la démocratie est le pouvoir législatif. Il y a 338 élections, et pas seulement une. Directement, elles servent à déterminer qui seront les représentants du peuple, qui seront les détenteurs de la démocratie parlementaire.
    Dans nos échanges, nous parlons très peu du fait qu'il est nécessaire et impératif que le nouveau mode de scrutin redonne, tant en ce qui a trait à la procédure qu'au prétendu changement de culture, beaucoup plus de pouvoir aux élus. J'aurais aimé que cette volonté de changement de culture ne se traduise pas strictement par ma participation à ce comité dit spécial. Il faudrait qu'elle se manifeste également au jour le jour dans les autres comités de la Chambre.
    Selon vous, comment pouvons-nous améliorer les règles et la démocratie parlementaire s'il n'y a pas, simultanément à l'étude que nous faisons, une réflexion sur le Règlement de la Chambre? On dit vouloir augmenter la pluralité des voix et des idéologies qu'amènent les petits partis, mais pour cela, il faut qu'il y ait un changement fondamental de culture à la Chambre et il faut revoir les règles.
    J'ai posé la question au directeur général des élections, mais vous avez sûrement un avis là-dessus. Il faudrait aussi rétablir le financement de l'État accordé aux partis politiques. On aura beau avoir un système qui favorise la pluralité idéologique, mais si le parti au pouvoir et celui de l'opposition officielle sont les seuls à avoir de l'argent pour faire entendre leur voix, on n'ira pas loin.
    Comme professeur de droit, je vous dirais que toute règle remplit une fonction. La règle est adoptée pour répondre à un besoin existant au moment où on la crée.
    Les règles de fonctionnement du Parlement ont été élaborées au fil du temps en fonction du type d'élus, des habitudes et des traditions. Si l'on change le mode de sélection des députés, il faudra avoir une réflexion pertinente pour déterminer si les règles actuelles sont toutes adaptées à ce nouveau mode. Il faudra revoir les règles l'une après l'autre pour voir s'il faut les mettre à jour.
    Pour ce qui est du financement des partis politiques, il y aurait beaucoup de choses à dire. Au-delà du financement politique, j'ai entendu dire plusieurs fois qu'à telle élection, en dépit du pourcentage de votes, un parti n'avait obtenu qu'un seul siège. On parle toujours de situations anecdotiques, mais on oublie que, de manière systémique, c'est-à-dire pas seulement à une élection, certains votes n'ont pas d'effet sur le nombre de sièges, selon la région ou le lieu. On parle toujours du cas anecdotique, mais dans le système actuel, il y a un déséquilibre systémique entre les provinces, qui est beaucoup plus à long terme. La question du financement des partis politiques s'ajoute à ce déséquilibre, ce qui vient accentuer le manque de représentation, sur le plan systémique.
(1555)
     Au moins, le vote est lié à une contribution de l'État. Le Parti vert, à l'époque, a été avantagé de cette façon. Cela permet, de façon minimale, de faire entendre sa voix entre les rendez-vous électoraux et pendant le débat électoral. Sinon, il est difficile de continuer à exister.
    Il reste que vous avez toujours les crédits d'impôt et les remboursements après les élections. Il n'est pas juste de dire que le financement de l'État a été aboli. C'est une partie de ce financement qui l'a été.
    Oui, c'est vrai. Vous avez raison.
    Oui, tout à fait, mais allez dans la rue et demandez aux gens s'ils savent qu'il existe un remboursement d'impôt.
    Puisque nous parlons du Parti vert, c'est au tour de Mme May.
    Merci.
    Ma question s'adresse au professeur Cyr.
    Je crois que les recommandations émises ici sont très importantes. Hier, le professeur Russell a dit que nous devrions considérer l'idée d'autoriser seulement les motions de censure qui sont constructives. C'était la première fois que j'entendais une telle suggestion, mais je pense que c'est vraiment fort. Il a aussi dit qu'on devrait faire une recommandation pour imposer un délai maximal qui peut s'écouler entre les élections et le début des travaux du Parlement.
    Dans votre mémoire, vous indiquez, je crois, que plus de la moitié des Canadiens croient qu'ils votent pour élire directement le premier ministre. Vous décrivez aussi ce qui est nécessaire pour faire connaître le système actuel avant de procéder à un changement.
    Comment peut-on faire connaître notre système actuel si on obtient une telle réponse dans un sondage?
    Depuis plusieurs années, je travaille à cette question. Dans le cadre d'un article que j'ai publié, j'ai recensé l'ensemble des articles qui portaient sur les élections fédérales et provinciales et qui avaient paru dans les journaux le lendemain de ces élections. J'ai relevé également à quel moment les médias avaient annoncé qui allait former le prochain gouvernement. Or de façon systématique, les médias rapportaient que les élections portaient sur le premier ministre et précisaient qui avait été nommé premier ministre ce soir-là.
    Je vais vous donner un exemple. Lorsque le Parti québécois a obtenu une pluralité des sièges à l'Assemblée nationale et que Mme Pauline Marois était chef du parti, on a pu lire dans certains journaux le lendemain « Première femme nommée première ministre du Québec ». Or elle n'était pas encore assermentée et aucun parti n'avait la majorité. Dans une telle situation, le premier ministre en fonction est théoriquement encore premier ministre et a même le droit de retourner à la Chambre pour tenter d'obtenir sa confiance.
    Il y a un problème quant à la compréhension des règles. C'est pourquoi je vous parlais du manuel. Ce problème se situe à tous les niveaux. Ce n'est pas uniquement au sein de la population. Cela touche également les médias et la façon dont ils reproduisent l'information. Pour la rédaction du manuel britannique, on a mis à contribution des universitaires, des hauts fonctionnaires, des partis politiques, mais aussi des médias. On a travaillé très fort pour former les médias et s'assurer de limiter ce genre d'information qui constitue un raccourci intellectuel et qui va plus vite, mais qui déforme la nature réelle de notre système politique.
(1600)

[Traduction]

    En fait, cet argument sur les médias rejoint un point que j'ai noté dans un de vos articles antérieurs, monsieur LeDuc. En 2008, vous avez publié un rapport intitulé The Quiet Referendum: Why Electoral Reform Failed in Ontario. J'ai été frappée de voir le graphique — vous vous en souvenez peut-être — sur l'ensemble des articles de journaux portant sur le sujet des référendums, notamment sur le référendum en Ontario. Vous pourriez peut-être faire quelques observations là-dessus.
    Il y a une foule de reportages sur cette audience et sur les travaux de notre Comité, et il est extrêmement important que nous puissions rejoindre les Canadiens par l'entremise des médias. Cependant, qu'est-ce qui explique la prépondérance d'articles de journaux qui dénonçaient la représentation proportionnelle mixte en Ontario, ou avez-vous des théories à ce sujet?
    Au moment de rédiger le document, nous avions essayé d'étudier cette question plus en profondeur, mais en vain. J'étais abasourdi par la négativité de la presse tout au long de la campagne.
    Cela remonte à l'époque de l'assemblée des citoyens. Durant certaines des séances, je me retrouvais assis à côté d'un journaliste du Toronto Star qui avait écrit certains des articles négatifs. Il avait décidé assez tôt que l'assemblée des citoyens était un désastre. Il n'y voyait aucune utilité. Nous avons acquis la conviction que ce dossier lui avait été confié pour une raison particulière — il ne s'agissait donc pas de son opinion personnelle — et que le Star, ayant choisi son camp dès le départ, avait décidé d'envoyer ce journaliste sur le terrain pour essentiellement dénigrer cette initiative.
    À mon avis, la négativité de la presse a alimenté le dégoût du milieu des affaires pour la réforme proposée, mais nous n'étions pas capables de faire le lien. Nous cherchions à comprendre, sans toutefois arriver à mettre le doigt sur le problème. En tout cas, la négativité de la presse était très forte.
    Merci.
    Le chef conservateur n'était-il pas contre, lui aussi, et sa position n'aurait-elle pas été rapportée?
    En effet.
    Monsieur Aldag.
    Pour revenir au rapport en question, The Quiet Referendum: Why Electoral Reform Failed in Ontario, je l'ai feuilleté ici même, pendant notre séance. Je ne suis pas encore rendu à la conclusion, mais cela m'a fait réfléchir. Nous avons entendu dire aujourd'hui, et tout au long des audiences tenues jusqu'ici, que la réforme électorale ne date pas d'hier. On en parle depuis plusieurs années au Canada et, d'ailleurs, un certain nombre de provinces ont déjà effectué des démarches en ce sens.
    Monsieur LeDuc, nous avons un peu fait le tour de la question, mais j'aimerais utiliser une partie de mes cinq minutes pour parler un peu des leçons tirées. Pourquoi les tentatives précédentes ont-elles échoué? Je trouve que cet article contient des renseignements fort utiles, mais pourriez-vous nous faire part de certaines de vos observations sur les raisons pour lesquelles nous n'avons pas été en mesure d'aller de l'avant au Canada?
    Je vais aller à l'essentiel, en tenant compte du rapport, mais aussi de l'expérience d'autres pays en matière de réforme électorale.
    De façon générale, les partis proposent une réforme électorale lorsqu'ils sont dans l'opposition, mais ils ne peuvent y donner suite que s'ils sont au pouvoir. Vous ne serez sans doute pas surpris d'apprendre que la façon de voir le monde change un peu selon que l'on forme l'opposition ou le gouvernement. En Ontario, les libéraux étaient dans l'opposition lorsqu'ils ont fait la proposition. Ensuite, ils sont arrivés au pouvoir. Il leur a fallu trois ans pour décider s'ils allaient, oui ou non, entreprendre les démarches nécessaires. Au lendemain de l'annonce sur la création de l'assemblée des citoyens, j'avais téléphoné à un de mes étudiants qui travaillait à Queen's Park pour lui demander pourquoi les libéraux faisaient cela maintenant, trois ans après le début de leur mandat, c'est-à-dire seulement un an avant les prochaines élections. Il m'a expliqué que c'était une promesse électorale. Les libéraux voulaient cocher une case. Ils avaient promis d'agir dans ce dossier. Ils allaient donc créer une assemblée des citoyens. Or, cette entité n'était pas nécessairement conçue pour procéder à une réforme électorale. Elle était plutôt chargée de débattre du sujet.
    Puis, en cours de route, lorsque le gouvernement a vu comment les choses évoluaient, il a changé d'avis. La raison de ce revirement n'est pas un mystère. Le caucus libéral était divisé sur cette question. Je n'ai pas de chiffres, mais probablement la majorité s'y opposait. Quelques libéraux du Cabinet de McGuinty étaient en faveur. Le premier ministre lui-même a changé d'avis plusieurs fois, mais il a fini par s'y opposer, même s'il demeurait neutre sur la place publique. C'était donc toute une volte-face: le parti n'appuyait plus la réforme.
    Le même phénomène s'est produit en Colombie-Britannique entre les deux référendums. Le gouvernement était plutôt enthousiaste à propos du travail de l'assemblée des citoyens à l'époque du premier référendum; c'est d'ailleurs ce qui explique pourquoi les résultats étaient meilleurs. Toutefois, au deuxième référendum, le gouvernement s'est ravisé. Ce n'est pas tant une opposition qu'un simple désintérêt.
    J'ai mentionné que la démarche en Nouvelle-Zélande avait été très longue, mais c'était dans le contexte de deux gouvernements de deux partis différents, chacun ayant changé sa position sur la réforme électorale au cours de son mandat. C'est le Parti travailliste siégeant dans l'opposition qui a proposé une réforme et qui a nommé la commission royale, mais il a ensuite essayé de contrecarrer le projet. Lorsque le Parti national est arrivé au pouvoir, il a décidé d'agir après avoir critiqué le gouvernement travailliste de son inaction. Or, lorsque le Parti national s'est lui-même ravisé, il a essentiellement tenté de défaire le projet au deuxième référendum, sans toutefois y parvenir.
    Ce n'est pas une situation exceptionnelle en politique. J'étudie la politique ainsi que les systèmes électoraux. Quand on voit les choses sous cet angle, pourquoi en serait-on étonné?
(1605)
    Si vous me le permettez, il s'agit peut-être d'une situation légèrement différente. Certes, nous avons défendu une position lorsque notre parti était dans l'opposition. Nous formons maintenant le parti au pouvoir. Nous n'en sommes pas à notre troisième année de mandat, alors nous n'essayons pas de cocher des cases. Nous en sommes à notre première année. Nous nous employons — et je vais le dire avec assez de vigueur — à faire avancer ce dossier. On nous a reproché d'avoir attendu six à huit mois. Sachez que c'est le deuxième comité spécial auquel je siège. Nous avons étudié le dossier de l'aide médicale à mourir. Nous nous occupons de certains enjeux très importants.
    Je crois que notre gouvernement démontre une volonté d'agir. Si nous pouvons tirer des leçons du passé afin de ne pas répéter les mêmes erreurs, cela nous aidera beaucoup à aller de l'avant.
    J'imagine tout de même qu'il y a des divergences d'opinions au sein de votre parti.
    Non, nous sommes unis ici.
    Des voix: Oh, oh!
    M. John Aldag: Mon temps de parole est-il écoulé?
    Presque. Nous pourrions passer à M. Deltell, si vous le voulez.
    Je veux bien.
    D'accord.
    Monsieur Deltell.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Cyr, il y a quelques minutes à peine, vous avez évoqué l'élection du gouvernement minoritaire du Parti québécois le 4 septembre 2012, à laquelle j'étais candidat. Vous avez parlé des médias. J'ai été journaliste pendant 20 ans et vous me permettrez de mettre un peu en contexte ce que vous avez dit.
    Théoriquement, vous avez raison. Au lendemain de l'élection, les médias parlaient de l'élection de la première femme première ministre, alors qu'il s'agissait d'un gouvernement minoritaire et qu'il n'y avait strictement rien d'officiel. Or la veille, le premier ministre sortant, M. Charest, avait dit publiquement qu'il reconnaissait la victoire de son adversaire. À partir de ce moment, on pouvait comprendre que l'affaire était entendue.
    J'aimerais aussi souligner que nous avons de belles traditions électorales canadiennes. Cela se passe au Québec, mais je suis persuadé que cela se fait aussi depuis des années au fédéral. Le perdant appelle toujours le gagnant, et c'est une très belle chose que l'on doit préserver. Cela peut parfois causer un peu de surprise, mais cela commande quand même le respect. Cela a été magnifiquement illustré dans le film À hauteur d'homme, où l'on voit M. Landry, en 2003, prendre la peine d'appeler, après sa défaite, le premier ministre élu.
    J'ai des amis américains et français qui ont vu ce film. Ils ont été très surpris de voir que nos politiciens et nos chefs de parti se parlaient le soir de l'élection. Je ne donnerai pas son nom, mais un de mes amis a dit qu'il était impensable d'imaginer cela dans sa démocratie. Tant mieux si, par bonheur, notre démocratie fait en sorte que nos chefs se parlent de façon civilisée et respectent le fondement même de notre démocratie, c'est-à-dire le choix du peuple.
    Effectivement, il y a de tels échanges. Habituellement, le chef téléphone. Je vais cependant vous donner l'exemple contraire.
    En 2010, au Royaume-Uni, le gouvernement sortant n'avait pas la pluralité des sièges. Les conservateurs avaient la pluralité des sièges, mais pas la majorité. Il y a eu des tractations avec le Parti libéral-démocrate pour savoir qui allait former le gouvernement.
    Compte tenu de l'adoption du manuel et des discussions qui avaient eu lieu, les médias se sont retenus. Aucun des médias britanniques, le soir même, n'a annoncé qui allait former le prochain gouvernement, même si on avait de bonnes raisons de croire que ce serait les conservateurs, puisqu'ils avaient obtenu non pas la majorité, mais le plus grand nombre de sièges. Les médias ont laissé aux partis le temps de discuter entre eux. Il y a donc eu des négociations entre le Parti travailliste et le Parti libéral-démocrate, d'une part, et entre le Parti libéral-démocrate et le Parti conservateur, d'autre part.
    Il faut se rappeler que les conservateurs et les libéraux-démocrates, pendant les élections, avaient dit qu'ils ne formeraient pas de coalition. Cependant, compte tenu des résultats de cette soirée, tout le monde a conclu qu'il serait dans le meilleur intérêt de tous de former une coalition formelle, plutôt que d'avoir un gouvernement minoritaire conservateur.
    Cela a été possible entre autres parce que, jusqu'à un certain point, les médias ont laissé la partie politique se jouer et que les acteurs politiques ont pu se parler. Si, le soir, on annonce immédiatement que, si la tendance se maintient, c'est le parti x qui formera le prochain gouvernement, toute autre formation qui tenterait de former le gouvernement serait automatiquement accusée de fraude ou de tentative de détournement de pouvoir.
    C'est pour cela qu'il serait utile d'avoir de tels mécanismes dans un contexte où il y a plus de gouvernements minoritaires, afin de laisser les politiciens élus déterminer entre eux qui formera le prochain gouvernement.
(1610)
    Je vais faire un commentaire et parler de trois événements historiques qui sont tout à fait pertinents par rapport à ce que vous venez de dire.
    Sur le plan légal, tout reste en place. Il n'est pas nécessaire d'avoir de mécanismes supplémentaires. Légalement, M. Charest était premier ministre jusqu'au jour de l'assermentation de Mme Marois. Donc, cela ne changeait strictement rien.
    J'aimerais rappeler trois événements historiques par rapport à cela.
    D'abord, en 1979, lors de l'élection fédérale, le Parti libéral a obtenu plus de votes que le Parti conservateur, mais M. Trudeau père a annoncé que, même s'il avait eu plus de votes, il cédait les rênes du pouvoir au Parti conservateur, parce que ce dernier avait fait élire plus de députés à la Chambre des communes à ce moment-là.
    Je vois que mon temps de parole est presque écoulé, mais cela vaut la peine.
    Deuxièmement, en 1966, au provincial, le Parti libéral de Jean Lesage avait obtenu 46 % des votes, le parti de l'Union nationale de Daniel Johnson père en avait obtenu 40 %, mais plus de députés de l'Union nationale avaient été élus. Là, M. Lesage n'a strictement rien voulu savoir. Dans une entrevue en direct menée par Pierre Nadeau, Daniel Johnson père a fait une déclaration savoureuse. Il a dit ce qui suit: « Si M. Lesage n’est pas certain d’avoir perdu, nous, nous sommes certains d’avoir gagné. »
    Finalement, c'est non pas la pluralité des votes, mais le nombre total de députés qui détermine qui forme le gouvernement.
     À ce sujet, je vous invite — je fais ici une petite publicité — à lire mon article sur la formation du gouvernement, qui a gagné le prix Germain-Brière. J'y examine l'ensemble des cas où cela s'est présenté. Au Canada, il y a eu, par exemple, l'affaire King-Byng. King avait obtenu moins de sièges que les conservateurs et il était resté au pouvoir. Lorsqu'il n'y a pas de majorité, ce n'est donc pas nécessairement celui qui obtient le plus grand nombre de sièges qui forme le gouvernement.
    Nous comprenons bien cela. C'est une belle discussion et un bon cours d'histoire. J'ai beaucoup apprécié ces anecdotes.
    Madame Romanado, vous avez la parole.
    C'est à mon tour, maintenant.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    J'ai demandé l'avis de beaucoup d'experts sur une question qui me paraît d'une importance capitale. J'ai fait carrière dans l'enseignement postsecondaire — même le premier ministre s'est désigné ministre de la Jeunesse —, alors je vais vous poser une question sur les jeunes électeurs.
    Nous avons entendu les témoignages d'experts sur la façon dont nous pouvons accroître la participation des jeunes non seulement au scrutin le jour des élections, mais aussi au processus électoral, et même la façon dont nous pouvons les encourager à envisager de se porter candidats aux élections plus tard. On nous a proposé, par exemple, d'abaisser l'âge du vote à 16 ans, de renforcer les programmes d'éducation civique, notamment par la visite de députés dans les écoles, et tout le reste. On nous a également parlé du vote en ligne et, bien entendu, de la mobilisation sur les médias sociaux.
    J'aimerais savoir s'il y a toute autre mesure que vous nous recommanderiez de prendre et qui pourrait nous aider non seulement à accroître la participation des jeunes au processus de vote, mais aussi à les encadrer dans leur quête éventuelle pour se présenter aux élections.
    Merci.
    Voici une suggestion toute simple: rétablir le mandat d'éducation du public du directeur général des élections. Ce mandat a été supprimé à la demande du gouvernement précédent. Aujourd'hui, le Bureau du directeur général des élections se contente essentiellement d'appuyer des groupes qui favorisent les activités d'apprentissage relatives au processus électoral dans les écoles. Le bureau ne peut plus, par exemple, aller au contact des jeunes électeurs autochtones ou de tout autre milieu.
    J'ai travaillé à Élections Canada pendant deux ans à titre de directeur des politiques et de la recherche et, dans le cadre de mes fonctions, j'étais chargé d'élaborer certains des premiers programmes, notamment ce qu'on appelait auparavant le « vote étudiant ». On a mis au point un tas de mesures intéressantes qui ont évolué, mais aujourd'hui, la possibilité d'appuyer de tels programmes est limitée par la loi qu'Élections Canada doit respecter.
    Il serait très facile de rétablir la version précédente de la loi. C'est ce qui était en vigueur depuis environ 20 ans et, pour autant que je sache, cela n'avait créé aucun grave problème.
(1615)
    Je suis d'accord avec Leslie.
     Je crois que certaines des mesures prises au fil du temps par Élections Canada dans ce domaine se sont avérées très utiles. Par exemple, on a facilité le droit de vote en établissant des bureaux de scrutin sur les campus.
    Je tiens également à souligner que la baisse constante du taux de participation des jeunes aux élections s'inscrit dans une tendance démographique plus générale. Il est très difficile d'inverser les tendances démographiques. On ne peut pas y arriver au moyen d'une simple solution administrative appliquée ici et là. Je crois toutefois que ces tendances finissent par s'inverser. La hausse importante du taux de participation des jeunes aux dernières élections est un signe très encourageant, parce que cela permet aux jeunes de prendre l'habitude d'aller voter. Si les gens commencent à voter à un jeune âge, ils continueront à le faire graduellement, mais il faut des années avant que les statistiques en fassent état.

[Français]

    J'aimerais simplement faire une remarque sur le vote électronique. Nous n'en avons pas beaucoup parlé. Pour ma part, je vous conseillerais d'être prudents à ce sujet. On s'imagine que le secret du vote constitue une protection pour l'électeur; or, il vise aussi et surtout la protection du système contre la fraude. Lorsque le vote est secret, il ne peut pas être vendu facilement, parce que l'acheteur ne peut pas savoir si la personne qui tente de vendre son vote a bel et bien voté comme elle affirme l'avoir fait.
    Le vote électronique à distance sur Internet permet essentiellement de divulguer l'information nécessaire au vote et rend celui-ci beaucoup plus sujet au marchandage. Il y a donc un risque, qui n'est pas mineur, étant donné que l'on utilise maintenant beaucoup plus les réseaux sociaux, et ainsi de suite. Pour ma part, j'ai des réticences à ce sujet, et je ne crois pas que le simple fait de rendre le vote électronique accroisse de façon considérable la participation des plus jeunes électeurs.

[Traduction]

    Est-ce qu'il me reste du temps?
    Vous avez peut-être le temps de faire une observation.

[Français]

     Je vous remercie d'être parmi nous.

[Traduction]

    Monsieur Blaikie.
    Je veux revenir à la question de la démarche. Je commencerai peut-être par remercier M. Deltell. Il a avancé un excellent argument en faveur de la représentation proportionnelle en donnant des exemples de cas où des partis ayant obtenu un pourcentage plus élevé du vote populaire ont néanmoins cru bon de céder le pouvoir à un autre parti. Je le remercie donc pour cela.
     J'aimerais revenir sur la question de la démarche et donner à M. Cyr l'occasion de se prononcer sur ma question précédente, à laquelle M. Seidle a répondu dans son intervention sur une autre question. Le gouvernement a promis que l'élection de 2015 serait la dernière où l'on utiliserait le mode de scrutin uninominal à un tour. Sachant que nous voulons aider le gouvernement à respecter cet engagement, quelles mesures le Comité peut-il prendre, dans les délais prévus, pour faire avancer ce processus et trouver une solution de rechange que les Canadiens pourraient juger légitime et à laquelle nous pourrions donner suite? Si nous ne prenons aucune mesure ici, à défaut d'opter pour une sorte d'assemblée des citoyens, ce qui constitue un défi en raison du délai précis que le gouvernement a promis de respecter, il me semble que l'autre solution serait de demander au Cabinet de formuler sa propre recommandation. D'après vous, que doit faire le Comité pour éviter une telle éventualité, qui pose certains problèmes...?

[Français]

    Je serai bref, de façon à laisser ensuite la parole à mon collègue.
    Comme on l'a mentionné déjà, ce n'est pas la première fois qu'on se pose la question sur la réforme électorale, au Canada. La Commission du droit du Canada a déjà produit un rapport sur la question, et Élections Canada a préparé diverses propositions.
    Pour ce qui est du type de consultation qui devrait avoir lieu, je ne vais pas entrer dans les détails, mais je vous dirais qu'au minimum, vous devriez pouvoir énoncer quelques modèles ou principes consensuels, si ce n'est pas un modèle consensuel. La consultation auprès de la population devrait se faire de manière concrète et traiter de questions bien tangibles. Si une consultation très large a lieu, il ne faut pas qu'elle soit abstraite et qu'elle porte uniquement sur la nécessité d'accroître la proportionnalité. Le modèle doit être concret, de façon à ce que les gens puissent débattre de l'enjeu qui leur est présenté.
(1620)
    Pensez-vous que les membres du Comité devraient au moins avoir une idée du genre de système qu'ils préfèrent, avant d'entreprendre leur tournée au pays, et que les consultations devraient porter précisément sur ce modèle? Sinon, qu'envisagez-vous?
    Comme mon collègue M. LeDuc, je crois qu'un consensus serait l'idéal. Or, comme le dit un certain proverbe, « avec un si on va à Paris, avec un ça on reste là ». Par conséquent, je vous suggère d'opter pour ce qui est réaliste. S'il s'agit de deux ou trois modèles, utilisez-les pour lancer la consultation et voyez alors ce qu'en pense la population.

[Traduction]

    Mon collègue fait une suggestion intéressante: peu importe si les députés parviennent ou non à se mettre d'accord sur un ou plusieurs modèles, il est très important que le Comité s'entende sur les principes.
    Le mandat qui vous a été confié comporte cinq principes, mais il y est question de bien d'autres principes, dont certains ne sont pas vraiment réalistes. On y parle entre autres d'un système qui « améliore la cohésion sociale ». N'est-ce pas un peu exagéré dans le contexte d'une réforme électorale? J'ignore qui a rédigé le mandat. Je suppose que plusieurs personnes y ont contribué. C'est bien juste, dans une certaine mesure, mais ce n'est pas limpide.
    Il y a lieu de dégager trois grands principes et de mobiliser les Canadiens en vue d'un débat sur une ou plusieurs propositions. Voilà pourquoi j'ai insisté sur la nécessité de dresser l'ordre de priorité des principes. Quels sont les avantages de modifier le système électoral?
    Il vous reste environ 30 secondes.
    Je vais redonner la parole à M. LeDuc. Si nous tenons à modifier le mode de scrutin pour les prochaines élections, croyez-vous que la proposition finale devrait revenir à notre Comité, ou peut-elle émaner du Cabinet pour ensuite être soumise au vote du Parlement? Au bout du compte, la proposition fera l'objet d'un vote au Parlement. Est-ce celle du Cabinet ou celle du Comité qui doit...?
    Brièvement, je vous prie.
    J'ai du mal à imaginer qu'une proposition émanant du Cabinet puisse acquérir le genre de légitimité dont vous parliez, et ce, à l'intérieur du délai fixé.
    Merci.

[Français]

    Madame Boucher, vous avez la parole.
    Bonjour.
    C'est très intéressant. Je suis vraiment contente d'être ici aujourd'hui. Pour moi, la démocratie est un sujet très important. En 2006, j'ai eu la chance d'agir en tant qu'observatrice des élections en Haïti. Quand on voit notre démocratie, on trouve qu'on est vraiment très bien.
    Vous avez parlé de consensus. Pour moi, ce n'est pas seulement une question de consensus. Ce qui compte, c'est ce que me dit la population. Je suis députée d'une circonscription et je parle à mes concitoyens. Les gens de Charlevoix, de Beauport ou de l'île d'Orléans ne pensent pas tous de la même façon. En démocratie, il faut qu'il y ait des choix. Il faut pouvoir entendre oui ou non. D'abord et avant tout, il faut pouvoir expliquer aux gens ce qu'on veut. C'est mon point de vue.
    Vous avez dit plus tôt qu'au départ, les gens ne comprennent pas trop ce qu'il en est. Au Canada, on se bat pour ne pas aller voter, alors que dans des pays comme Haïti, les gens se battent pour aller voter, parce qu'ils veulent une démocratie. Notre démocratie n'est pas parfaite, mais nous en avons une et nous pouvons nous parler. Quand nous quittons la Chambre, nous pouvons marcher ensemble et nous parler sans nous taper dessus.
    Je veux comprendre. Vous avez parlé de consensus. Comment pourrait-on faire pour que les Canadiens, M. et Mme Tout-le-Monde, ceux qu'on rencontre au Tim Hortons et partout, comprennent bien la question? Il ne s'agit pas seulement de les éduquer, mais aussi de savoir ce qu'ils veulent, eux. Je crois que cela ne passera pas seulement par un petit comité d'élus ou de professeurs. Vous avez fait du très bon travail, mais quand on veut changer une démocratie, il faut connaître l'opinion de la population.
    Qu'en pensez-vous?
(1625)
    Je suis entièrement d'accord. Le Comité essaie de prendre le pouls de la population avec des assemblées publiques locales. Cependant, il faut que des députés ou des organismes prennent l'initiative d'utiliser ces outils. Je les ai lus et j'ai regardé tout cela. C'est assez bien fait, mais il faut tout de même qu'on en prenne l'initiative.
    D'autres modèles ont été utilisés, comme les assemblées de citoyens et les commissions spéciales. Ils ont le mandat d'aller chercher les opinions, de discuter et d'offrir des occasions de débattre. Vous avez essayé d'adapter cette formule avec d'autres outils, dont Internet, mais cela a des limites. Je n'en dirai pas plus.
    Vous pourriez tout de même, dans vos recommandations, suggérer ce qui devra être fait après le dépôt de votre rapport. Je suis d'accord avec mon collègue pour dire que, si cela va directement au Cabinet sans autres échanges ou débats publics, ce n'est probablement pas acceptable ni une bonne chose à faire sur le plan stratégique. Si le gouvernement veut faire adopter sa proposition, mais que le processus de réels débats publics est écourté, les chances que cela soit adopté ne seront pas très bonnes.
    J'aimerais préciser quelque chose au sujet du consensus.
    Je ne voulais pas dire que tout serait nécessairement terminé quand il y aurait consensus ici. L'idée est simplement qu'il y ait consensus pour avoir un objet de discussion, plutôt que de discuter dans l'abstrait et de dire que ce serait tellement mieux si c'était plus proportionnel. Il serait bon qu'on arrive à quelque chose de concret sur quoi discuter. Voilà une étape qui est nécessaire pour avancer.
     Merci, monsieur Cyr.
    Nous terminons cette discussion fort intéressante par une intervention de M. DeCourcey.
    Lors du premier tour de table, j'ai demandé quelle valeur notre comité devrait donner à la représentation locale dans ses délibérations, mais M. Seidle n'a pas pu répondre à ma question. J'aimerais lui donner l'occasion de le faire. Il s'agit de la culture politique au Canada.
    À votre avis, quelle valeur les Canadiens accordent-ils à la représentation locale?
    La représentation de groupes?
    Je n'ai pas tout à fait compris.
    Je parle de la représentation locale.

[Traduction]

     Quelle valeur devrait-on y accorder?
    Pour répondre à cette question, je dirais qu'il ne s'agit pas seulement de savoir ce que les Canadiens en pensent. Je crois que les Canadiens valorisent la possibilité d'entrer en contact avec leurs représentants locaux, etc. Comme je suis un éternel réaliste — d'ailleurs, je suis un ancien fonctionnaire, alors je n'ai pas toujours travaillé dans un bureau à Montréal —, je dirais qu'il faut également songer à la probabilité qu'une proposition puisse être adoptée à la Chambre. C'est l'une des raisons pour lesquelles un grand nombre de provinces et la Nouvelle-Zélande ont proposé le système mixte; en effet, ce mode de scrutin retient une certaine proportion — d'habitude, au moins une majorité — des circonscriptions locales, et cela s'ajoute aux sièges attribués proportionnellement.
    Il y a de deux façons de s'y prendre. Disons qu'il faut attribuer 100 sièges selon le système de représentation proportionnelle. Ces sièges peuvent être attribués de sorte que les partis aient un nombre de sièges conforme aux votes recueillis ou encore, ils peuvent être ajoutés de façon proportionnelle. Donc, si le résultat pour chaque parti était de 30-30-40 en ce qui concerne le vote populaire, il faudrait le même nombre de sièges supplémentaires. Cette méthode n'est pas utilisée dans beaucoup de pays, parce qu'elle ne donne pas un résultat tout à fait proportionnel, mais elle permet de corriger certaines des lacunes en matière de représentation, lacunes que nous observons tout au long de notre histoire.
    Personnellement, je pense que le modèle mixte est très avantageux, parce qu'il peut être structuré de manière à permettre beaucoup de choix pour les électeurs. Les systèmes mixtes utilisés dans différents pays donnent des résultats assez positifs sur le plan de la représentation des hommes et des femmes. On obtient des résultats légèrement meilleurs avec les listes de partis, mais cela permet également de préserver les sièges de circonscription.
    Je pense que votre Comité et les gens qui étudient ces questions devraient se demander si le tout va fonctionner. Le système permettra-t-il de respecter les principes auxquels nous croyons et d'obtenir de bons résultats?
(1630)
    Vous avez dit qu'un des principes qui devrait être une priorité pour nous, c'est l'idée de l'inclusion et de la diversité au sein du système. À cet égard, je constate que, d'après les statistiques, même si nous avons encore du chemin à faire, nous nous en sortons assez bien, à voir le pourcentage de minorités visibles et d'Autochtones qui nous représentent au Parlement.
    Avez-vous des statistiques ou des études qui montrent comment les membres des minorités visibles ou les Canadiens autochtones participent aux élections et au processus démocratique, mis à part ceux qui se présentent comme candidats et qui finissent par être élus? Quelle importance devrions-nous donner aux mesures visant à accroître la participation de ces Canadiens?
    Lorsque j'ai cité ces statistiques, c'était en partie pour démontrer qu'aucun des modes de scrutin ne permet de prévoir des résultats exacts. Il n'y a pas lieu de dire que telle ou telle mesure produira tel ou tel résultat, parce que nous avons un système qui est désuet — désolé, je devrais cesser de répéter cela, car je finirais par y croire; disons plutôt qu'il s'agit d'un système de longue date qui s'est adapté aux changements démographiques de notre pays.
    Pourquoi trouve-t-on aujourd'hui un plus grand nombre de députés autochtones au Parlement? Pour trois raisons. D'abord, les partis ont nommé cette fois un plus grand nombre de candidats. Ensuite, les candidats ont été nommés dans des localités où ils avaient des chances d'être élus. Enfin, par-dessus tout, c'est parce que les Canadiens autochtones ont été beaucoup plus nombreux qu'avant à aller voter. D'ailleurs, la plus forte hausse du taux de participation aux dernières élections a été enregistrée chez les jeunes électeurs — je crois que c'était le groupe des moins de 25 ans — au Nunavut. En effet, les Inuits représentent 90 % de la population du Nunavut.
    Cela vous donne donc deux bons résultats — les jeunes électeurs et les électeurs autochtones —, mais il n'y a pas de solution magique. Les gens ont décidé d'agir. Les dirigeants ont envoyé des signaux. Ainsi, c'était la première fois que le grand chef de l'Assemblée des Premières Nations votait aux élections fédérales. C'est là un signal assez important. Tous ces facteurs sont entrés en jeu. Je ne veux pas laisser entendre que nous ne devrions pas parler de changements, mais je pense aussi que nous devrions être justes en reconnaissant les résultats qui peuvent être obtenus dans le système actuel et en saluant le leadership politique à qui nous devons les transformations observées.
    Le débat en 2016 ne porte pas uniquement sur les partis et la façon de calculer leur représentation; il est aussi question de la diversité sociale, raciale et ethnoculturelle au sein du Parlement. C'est un critère important à prendre en compte au moment d'examiner toute solution de rechange.

[Français]

     Merci beaucoup. Ce fut, à mon avis, une discussion très enrichissante. Je remercie mes collègues dont les interventions ont su faire ressortir les idées des témoins. Je tiens également à remercier ces derniers.
    C'est la dernière semaine de juillet, mais vous vous êtes tout de même rendus ici, ce qui n'allait pas de soi.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je rappelle aux députés que nous nous réunirons demain matin à 8 h 30. Nous siégerons à huis clos pendant une heure pour examiner les travaux du Comité, après quoi nous tiendrons une audience publique, et ce sera tout pour la semaine.
    La séance est levée.
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