:
La séance est commencée.
Nous recevons trois témoins ce matin: le professeur Henry Milner, de l'Université de Montréal; M. Alex Himelfarb, ancien greffier du Conseil privé; ainsi que M. André Blais, professeur à l'Université de Montréal.
Si vous me le permettez, j'aimerais dire quelques mots à propos de chaque témoin.
[Traduction]
M. Milner est un chercheur attaché à l'Université de Montréal, où il est titulaire de la chaire de recherche en études électorales, et il est corédacteur en chef de l'Inroads Journal. Il a aussi été professeur de sciences politiques au Collège Vanier à Montréal, à l'Université Laval à Québec et à l'Université Umeå en Suède. Il a également écrit de nombreux articles sur la participation des citoyens à la démocratie et sur le nationalisme québécois. Il est l'auteur des ouvrages Civic Literacy: How Informed Citizens Make Democracy Work et The Internet Generation: Engaged Citizens or Political Dropouts.
M. Himelfarb, comme vous le savez, a débuté sa carrière dans la fonction publique canadienne en 1981, quand il est entré au ministère du Solliciteur général du Canada. En 1999, il est devenu sous-ministre du ministère du Patrimoine canadien. En 2002, il a été nommé greffier du Conseil privé et secrétaire du Cabinet. En juin 2006, il a été nommé ambassadeur en Italie et haut-commissaire à la République de Malte, et représentant permanent à l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, au Programme alimentaire mondial et au Fonds international de développement agricole à Rome.
[Français]
Le professeur Blais est à l'Université de Montréal. Il a été de passage sur la Colline du Parlement en février ou en mars pour faire une présentation sur les divers systèmes électoraux.
[Traduction]
Il est à la tête du projet Making Electoral Democracy Work, et président du comité directeur de l'Étude comparative des systèmes électoraux. Il est aussi membre de la Société royale du Canada et chercheur attaché au Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique,
[Français]
le Centre interuniversitaire de recherche en économie quantitative
[Traduction]
et au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations. Il est aussi président sortant de l'Association canadienne de science politique.
[Français]
Messieurs, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Nous commençons par vous, monsieur Milner.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais faire ma présentation en anglais, mais je serai heureux de répondre à vos questions en français.
[Traduction]
Je suis très heureux d'être ici. J'ai travaillé à ce dossier d'une façon ou d'une autre la majeure partie de ma vie d'adulte, étudiant tant les efforts canadiens visant à changer le système que la façon dont le système fonctionne dans divers pays européens, en Australie et en Nouvelle-Zélande. J'ai été observateur d'élections dans plusieurs de ces pays, surtout en Allemagne et en Suède, et j'aimerais vous présenter ce que j'ai retiré de mon expérience.
J'ai rédigé effectivement un mémoire. Comme je ne dispose que de 10 minutes, je ne peux que vous donner les faits saillants, mais je répondrai avec plaisir à des questions plus détaillées par la suite.
J'ai eu le privilège de témoigner devant des comités de cette Chambre, du Sénat et de la Chambre des lords en Grande-Bretagne sur le sujet des élections à date fixe et d'autres sujets se rapportant aux élections. J'apprécie que vous ayez pris le temps pendant ce bel été de débattre de ce que certains pourraient considérer être un sujet plutôt ennuyeux — du moins c'est ce qu'on m'a dit. J'essaierai de le rendre le plus intéressant possible.
Je suis d'avis, en général — et ce n'est pas nouveau —, qu'adopter la représentation proportionnelle serait une amélioration pour un pays comme le Canada et la plupart des pays, mais pas forcément tous. Il nous faudrait toutefois être très attentifs à la forme de représentation proportionnelle que nous adopterions, et tirer parti de l'expérience des autres pays. En me fondant là-dessus, j'en suis arrivé à préférer ce que nous appelons la RPM, la représentation proportionnelle mixte ou le scrutin compensatoire, sous réserve d'éléments techniques qui seraient les plus appropriés pour le Canada et dont j'espère pouvoir parler durant la période des questions et réponses. C'est une formule qui a été débattue et envisagée par plusieurs provinces. La Commission du droit est à son origine.
Nous avons maintenant accumulé une grande expérience fondée sur la façon dont cela fonctionne dans différents pays. Je préfère parler davantage de l'expérience concrète plutôt que des avantages théoriques ou de désavantages — quoique j'aie manifestement de fortes convictions.
Je favorise la représentation proportionnelle pour deux raisons fondamentales. Tout d'abord, elle est proportionnelle, et donc le résultat, tenant compte de l'opinion des gens, est plus équitable. Deuxièmement, du point de vue des particuliers, comparativement à notre système actuel, elle offre une plus grande motivation à participer. Le vote de chaque personne compte autant que celui de toutes les autres personnes. À l'heure actuelle, à peu près la moitié de nos circonscriptions canadiennes sont remportées par le même parti. Très souvent, les sondages montrent qu'un parti est très en avance, et donc, les gens dans ces circonscriptions ont de bonnes raisons de croire que leur vote comptera. Nous disposons de données à long terme là-dessus. C'est bien plus complexe que cela, mais essentiellement, les taux de participation sont susceptibles d'être plus élevés avec la représentation proportionnelle. Ce sont là les deux raisons fondamentales, simples et logiques pour lesquelles ce mode est préférable.
Le mode de représentation proportionnelle n'offre qu'un seul effet négatif éventuel, soit la possibilité d'un bien plus grand nombre de gouvernements minoritaires ou de coalitions, mais comme je l'affirme dans mon mémoire, dans un système où on s'attend à de tels gouvernements, plutôt que de les voir comme une chose exceptionnelle, ceux-ci sont de fait plus positifs. Dans mon mémoire, je tente de démontrer que la représentation proportionnelle, et plus précisément la RPM, répond le mieux à tous les cinq critères qui ont constitué une partie du mandat de la présente commission.
À la fin, j'expliquerai comment la RPM fonctionne en 30 secondes, s'il y a encore quelqu'un qui ne le comprend pas, parce qu'elle est apparemment si compliquée. Cependant, l'aspect fondamental et concret de la RPM qu'on ne peut ignorer est le fait que les Canadiens peuvent dire qu'ils ont acquis le droit d'avoir une personne les représenter au Parlement, et toutes les autres formes de représentation proportionnelle ne permettent pas cela.
Je ne dis pas que c'est nécessaire, en principe. Il y a plusieurs merveilleux modes de représentation proportionnelle qui fonctionnent bien en Europe, mais dans un pays où les gens sont habitués à avoir une seule personne qui les représente, et où cette forme de représentation est maintenant perçue comme un droit acquis, je serais réticent de le retirer. J'aurais été disposé à le faire s'il n'existait aucun autre système qui nous offrirait des résultats plus proportionnels sans éliminer cette relation particulière. Cependant, la RPM le fait. C'est le seul mode qui, comme le mode existant, garantit à chaque personne qu'elle aura une personne la représentant à la Chambre des communes.
Je ne sais pas combien de temps il me reste, donc je vais simplement...
:
Bon; très bonne nouvelle.
Je vais donc revenir sur certains des autres aspects que j'ai maintenant le temps de mentionner; cependant, j'aimerais simplement vous dire que si je m'adressais à quelqu'un qui ne connaissait aucun autre système électoral que le nôtre — selon lequel s'il votait pour quelqu'un et que cette personne obtenait plus de voix que n'importe qui d'autre dans la circonscription dans laquelle il vit, cette personne serait élue —, il pourrait penser que cela signifie que le résultat global est proportionnel pour le parti qu'il appuie; or, il n'en est rien. Très souvent, c'est loin de cela. Cette séance est télévisée, je crois; j'imagine que plusieurs des personnes qui m'écoutent pensent cela.
Parlons des autres options. La plus simple est la représentation proportionnelle, comme vous le savez, selon laquelle on prend le pays dans son ensemble et chaque parti présente une liste. Si 40 % des votes vont à un parti, ce parti gagne 40 % des sièges. C'est ce qui se fait aux Pays-Bas. La plupart des pays qui utilisent la représentation proportionnelle ont recours à des listes, mais celles-ci sont fondées sur des régions.
Quant à la RPM, voici comment elle fonctionne. Comme je l'ai déjà dit, l'aspect crucial de la RPM est qu'il y a encore une personne au Parlement qui vous représente. Je vais vous donner un exemple précis; je crois que c'est le meilleur moyen de vous le décrire.
Prenons Ottawa, et supposons que la région du Grand Ottawa est représentée par 10 sièges au Parlement. Lors de l'élection, chaque électeur du Grand Ottawa a deux votes: un pour son représentant local, et un pour le parti de son choix. Pour ces 10 sièges, la circonscription est divisée en 6 districts — Ottawa-Ouest, Ottawa-Centre, Ottawa-Sud, Ottawa-Est, Vanier, et ainsi de suite.
Il y a six circonscriptions, qui seraient plus grandes que les circonscriptions actuelles — peut-être comptant environ une fois et demie plus d'électeurs. Ces six sièges seraient attribués à la personne qui les a gagnés. Disons que le candidat libéral a gagné quatre de ces sièges, le candidat conservateur un et le candidat NPD un. Nous savons maintenant comment ces six sièges sont répartis.
Cependant, il y a 4 autres sièges, et ces 4 autres proviennent des listes présentées par chaque parti. Le pourcentage global était 40 % pour les libéraux, 30 % pour les conservateurs, 20 % pour le NPD et 10 % pour les verts. Les libéraux ont remporté 4 sièges: 40 % de 10 égale 4 sièges, donc les libéraux ont le bon nombre de sièges. Les conservateurs ont 30 %, et ont remporté 1 siège; 30 % de 10 est égal à 3, donc 2 sièges de la liste vont aux conservateurs. Le NPD a 20 %, et il n'a remporté que 1 siège, donc il reçoit 1 siège de la liste. Les verts, qui n'ont aucun siège, mais ont 10 %, reçoivent eux aussi 1 siège de la liste.
Le résultat global est proportionnel. Mon exemple est clair, net et précis, avec des chiffres ronds. Ce n'est jamais aussi propre que cela, mais le principe fondamental demeure le même: chaque parti a le nombre de représentants proportionnel à l'appui qu'il a eu dans cette circonscription, et tout le monde a son propre député. Tout le monde a une personne à qui s'adresser, et peut se dire: « J'ai voté pour cette personne. Si j'ai un problème qui a besoin d'être réglé par un représentant local, il y a une personne précise qui ne peut me refuser son aide. »
Par ailleurs, supposons que certains partisans du Parti vert local aimeraient avoir quelqu'un qui les représente, mais que personne de leur parti n'a été élu. Selon cette méthode, ils ont quelqu'un, et au lieu d'avoir à s'adresser à leur député local, qui pourrait être un libéral ou un conservateur, ou encore un NPD, ils peuvent s'adresser au membre du Parti vert dans la région du Grand Ottawa pour leurs problèmes.
Voilà comment ce système fonctionne, et il comporte de nombreux aspects dont je serai heureux de vous parler. Nous pouvons bénéficier de l'expérience de la Nouvelle-Zélande, de l'Écosse, de l'Allemagne et d'autres pays. Nous pouvons tirer des leçons de cette expérience et appliquer ce système au Canada, ce que je recommande que nous fassions.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie le Comité de m'avoir offert la possibilité de comparaître au sujet de cette question importante.
Bien que je ne possède pas les titres de compétences de mes collègues à ma gauche et à ma droite, voilà bien longtemps que j'encourage une réforme électorale en tant qu'élément clé d'un renouveau démocratique. Je reconnais que la conception est importante, quel que soit le système qu'on adopte, mais je propose de parler davantage dans ma déclaration préliminaire des avantages en général de l'adoption d'un mode de représentation plus proportionnelle.
Bien qu'aucun système électoral ne soit parfait, je crois que les données comparatives prouvent clairement qu'une représentation plus proportionnelle augmente la participation démocratique ainsi que la connaissance de nos institutions politiques et la confiance à leur endroit. Puisque la plupart des démocraties ont adopté une forme quelconque de représentation proportionnelle, les preuves ne manquent pas, quoique certaines d'entre elles soient ambiguës, comme celles portant sur la participation électorale.
Le choix entre un système où le gagnant rafle le tout, comme le nôtre, et la représentation proportionnelle est souvent interprété comme choix entre la responsabilisation locale et une meilleure représentation. De fait, toutefois, nous devrons choisir un système qui offre ces deux caractéristiques. Les commissions au Canada qui ont examiné la réforme électorale — et elles ont été nombreuses — ont toutes recommandé une plus grande proportionnalité et ont toutes proposé des systèmes qui maintiennent en même temps la représentation locale.
Dans une fédération comme le Canada, il est inconcevable que notre système électoral ne comprenne pas la représentation locale. À mon avis, cela signifie une version du vote unique transférable ou de la représentation proportionnelle mixte. En effet, n'importe laquelle de ces approches non seulement garantit que les résultats des élections font état plus précisément de la façon dont les gens ont voté, mais aussi, sans doute, renforcent la représentation locale. Selon l'un ou l'autre de ces systèmes, chaque citoyen a plus d'un représentant et est bien plus susceptible de trouver un représentant qui partage ses valeurs et ses intérêts. Et comme chaque vote compte dans le résultat, on ne peut tenir pour acquise aucune circonscription sous le prétexte qu'elle est sûre, ni l'ignorer en supposant qu'elle est hors d'atteinte. Comme chaque vote compte, dans le même ordre d'idée, chaque circonscription compte. Les circonscriptions girouettes perdraient leur importance indue; plus de votes stratégiques quand les électeurs se sentent obligés de choisir le moindre mal parce que leur candidat préféré ne pourrait jamais gagner avec notre système actuel; plus d'électeurs qui restent à la maison parce qu'ils pensent que leur vote ne jouera absolument pas dans le résultat.
Avec l'un ou l'autre de ces systèmes, on ne risquera plus de voir des régions entières absentes du gouvernement, comme c'est arrivé à plusieurs reprises avec notre système actuel. Cela signifie une meilleure représentation, un meilleur gouvernement plus à l'écoute des régions, ainsi qu'une cohésion et une unité nationales plus fortes.
Oui, la majorité d'un seul parti serait plus difficile, quoique non impossible. Mais les majorités auraient une plus grande légitimité parce qu'elles représenteraient réellement une majorité d'électeurs, de partout au pays. Les caucus seraient plus forts parce que plus diversifiés. La coopération parlementaire deviendrait la norme. Qui sait, cela pourrait même signifier des relations politiques moins polarisées et moins accusatoires. Et les gouvernements de coalition peuvent, comme cela a été prouvé, constituer un gouvernement stable sans les virages de politique que notre système actuel cause trop souvent.
Les faits montrent que la préoccupation concernant la prolifération de petits partis au Parlement est exagérée. Et selon la configuration, il peut être très difficile pour les partis marginaux d'entrer. En tout cas, une représentation plus proportionnelle offre, entre autres, l'avantage important de capturer une plus grande diversité de points de vue. De plus, dans notre contexte actuel en particulier, la RP fait qu'il est quasiment impossible pour un parti que la majorité considère être extrême de prendre un contrôle majoritaire du gouvernement.
Je sais aussi que certaines personnes s'inquiètent des versions de la RP selon lesquelles certains membres du Parlement seraient élus par le parti plutôt que par les électeurs — autrement dit, choisis dans une liste dressée par le parti. Cela n'est pas nécessaire. En effet, bien que je ne recommande pas un système par rapport à un autre, il est important, à mon avis, que selon le système choisi, ce soit les électeurs plutôt que les partis seuls qui déterminent le classement des candidats. Dans le lexique, je crois que cela signifie une préférence envers les listes ouvertes, s'il y a des listes. Bien sûr, la façon dont les candidats sont choisis au départ est un problème dans notre système actuel. Ce sont des questions qui ne relèvent pas du système électoral que nous adoptons. À quel point la façon de choisir des candidats est-elle ouverte? À quel degré est-elle contrôlée localement ou centralement?
De toute évidence, le choix d'un système électoral ne réglera pas tous les problèmes que nous pourrions avoir. Le système électoral est le début d'une réforme démocratique, mais certainement pas son aboutissement. Toutefois, une représentation plus proportionnelle serait un grand pas vers une démocratie plus forte, plus engagée et plus digne de confiance. Dans une démocratie de représentation, la représentativité devrait compter, surtout dans un pays aussi diversifié que le Canada.
Merci.
:
Merci. Comme je sais que je dispose de peu de temps, j'essaierai d'être rapide et précis.
Dans votre délibération à savoir s'il faut réformer le système électoral existant, vous devrez vous poser deux questions: premièrement, quelles seraient les conséquences éventuelles d'un nouveau système et, deuxièmement, ces conséquences seraient-elles bonnes ou mauvaises pour le pays?
En ma qualité de scientifique, je peux parler de la première question, et c'est ce que je vais faire au cours des prochaines minutes. J'ai une opinion personnelle au sujet des conséquences, lesquelles seraient bonnes et lesquelles mauvaises, mais je crois bien que ma principale contribution ici serait de vous dire ce que la recherche empirique nous révèle au sujet des conséquences des systèmes électoraux.
Je vais vous parler de quatre études empiriques que j'ai menées avec d'autres collègues, chacune traitant des conséquences éventuelles des systèmes électoraux. Il ne m'est pas facile de vous présenter quatre de mes études, qui sont très complexes, férues d'informations, en 10 minutes. Cela signifie deux minutes par étude. Je serai donc bref.
Dans les études au sujet des conséquences de la représentation proportionnelle, nous avons procédé à une comparaison entre ce que nous avons observé dans des endroits qui utilisent un système de représentation non proportionnelle, quelquefois appelé système à la majorité absolue. Les différences que nous observons peuvent découler de facteurs ne relevant pas du système électoral, et dans ces études, nous avons tenté de prendre en compte ces autres facteurs et de les neutraliser. Cependant, on ne peut jamais être sûr d'avoir pris en compte tous les facteurs significatifs, et donc, on ne peut jamais être absolument certain des conclusions. Il faut tenir compte de cela.
En outre, ces études ne nous permettent pas de préciser les conséquences précises de formes spécifiques de RP. Cependant, je persiste à dire que la décision la plus importante que vous avez à prendre est d'adopter ou non une forme quelconque de représentation proportionnelle. Il est donc important d'examiner ce que nous disent les données comparatives à l'échelle internationale et j'espère que ces études vous seront utiles.
Les résultats de recherche que je présente portent sur les deux premiers principes de réforme électorale établis par le Comité: premièrement, l'efficacité et la légitimité et, deuxièmement, la participation.
La première étude cherche à établir si le taux de participation électorale tend à être plus élevé avec un système de représentation proportionnelle. Une étude publiée avec Agnieszka Dobrzynska dans le European Journal of Political Research traite du taux de participation à des élections en chambre basse, 324 élections dans 91 pays, en tout.
Le taux de participation électorale est une variable dépendante, une variable qu'on peut expliquer. On prend en compte environ une douzaine de facteurs qui pourraient influencer le taux de participation: le PBI par habitant, l'analphabétisme, la taille de la population, et ainsi de suite. En ce qui concerne le système électoral, on compare les élections en représentation proportionnelle aux élections en représentation non proportionnelle, et nous prenons aussi en compte le degré de disproportionnalité du système électoral, l'écart entre le nombre de votes et le nombre de sièges pour les partis.
On estime l'impact individuel de chaque facteur, neutralisant tous les autres. Nous avons constaté, toutes choses étant égales par ailleurs, que le taux de participation électorale selon le système de représentation proportionnelle est supérieur de trois points de pourcentage. Selon cette étude, on peut supposer que l'adoption de la représentation proportionnelle pourrait augmenter légèrement le taux de participation.
Dans la deuxième étude, il s'agissait de déterminer s'il y a moins de votes stratégiques avec la RP. Cette étude, qui a été menée par Thomas Gschwend de l'Université de Mannheim, traite de la désertion stratégique, qui est définie comme étant le fait de ne pas voter pour le parti ou le chef de parti qu'on préfère.
Les données ont été tirées de l'Étude comparative des systèmes électoraux, une série de sondages électoraux universitaires menés dans 25 démocraties. Dans toutes ces études, on demandait à chaque répondant à quel point il aimait ou n'aimait pas chacun des partis et des chefs de parti, et pour quel parti il avait voté. Selon ces études, nous avons déterminé combien de répondants ont voté pour un parti ou un chef de parti qui n'était pas leur favori. La moyenne pour ces 25 élections s'élevait à 22 %.
Quand on compare la proportion de défections stratégiques lors d'élections à représentation proportionnelle et cette proportion d'élections à représentation non proportionnelle — 22 % comparativement à 21 % —, l'écart est négligeable. La corrélation entre la défection et le degré de disproportionnalité est nulle. L'analyse multivariable a confirmé ce résultat: il n'y a aucun lien entre la représentation proportionnelle et la défection stratégique.
Dans cette étude, nous avons conclu qu'il est peu probable que l'adoption de la RP réduise le nombre de votes stratégiques.
La troisième étude visait à déterminer si les citoyens avaient une évaluation plus positive de la démocratie sous le régime de la RP. Il s'agit d'une étude avec Peter Loewen — qui était étudiant à Montréal et est maintenant membre de l'Université de Toronto — publiée dans un ouvrage chez Oxford University Press. Là encore, les données sont tirées de l'étude comparative des systèmes électoraux, une série d'études et de sondages menés par des universitaires lors de 20 élections dans le monde.
Là encore, la variable dépendante à expliquer est, essentiellement, l'attitude concernant la démocratie. Il y a trois types d'attitudes. Premièrement la satisfaction à l'égard de la démocratie: à quel point la personne est-elle satisfaite de la façon dont la démocratie fonctionne dans son pays? La deuxième est la perception d'équité: dans quelle mesure les élections ont-elles été menées de façon équitable ou inéquitable? La troisième est la perception à l'égard de la sensibilité, avec une série de trois questions: à quel point les députés connaissent-ils les gens ordinaires dans le pays; à quel point les partis se préoccupent-ils des gens ordinaires, et quelle différence l'identité de la personne au pouvoir fait-elle?
Les variables indépendantes, les facteurs explicatifs, sont le degré de disproportionnalité, le degré de démocratie et le développement humain.
En conclusion, cette étude révèle que les systèmes électoraux plus proportionnels sont clairement perçus comme étant plus équitables; ils sont perçus comme étant un tout petit peu plus réactifs, et les gens ne sont pas plus satisfaits, dans l'ensemble, sous le régime de la RP. Selon cette étude, si la RP est adoptée, les élections seront probablement perçues comme étant plus équitables, mais il est peu probable que les gens soient plus satisfaits dans l'ensemble.
La quatrième étude visait à déterminer si le système de RP produit des gouvernements qui représentent mieux les orientations idéologiques des citoyens. Cette étude a été menée par Marc André Bodet, qui était étudiant à l'U de M à l'époque, et qui est maintenant à l'Université Laval.
La variable à expliquer est ce que nous appelons la « concordance idéologique », qui représente essentiellement l'absence de distance entre les citoyens et le gouvernement sur une échelle idéologique gauche-droite. Les répondants devaient dire où ils se plaçaient sur une échelle de zéro à 10, où zéro est l'extrême gauche et 10 l'extrême droite. Ils pouvaient se situer n'importe où dans cette échelle, puis situer chacun des partis dans cette même échelle. Nous disposions donc d'un placement idéologique pour chacun des répondants, ainsi que de la perception moyenne à l'endroit de chacun des partis, précisant où ces partis se trouvent dans l'échelle gauche-droite.
On examine la distance entre chaque citoyen et le gouvernement. Bien sûr, si on recherche la représentation, on espère que la distance est la moins grande possible. La distance est ce que nous tentons d'expliquer. Les facteurs explicatifs sont le degré de disproportionnalité, plus s'il s'agit d'une nouvelle ou d'une ancienne démocratie.
Selon cette étude, on conclut qu'il n'y a pas plus ou moins de concordance globale sous le régime de la RP. La RP ne produit pas une correspondance plus élevée ni plus faible entre l'orientation idéologique de l'électeur et du gouvernement. La RP ne réduit pas la distance moyenne entre les citoyens et le gouvernement, mais elle produit un Parlement qui représente mieux la diversité des orientations idéologiques. Un certain nombre d'autres études ont produit des résultats semblables.
J'ai tiré cinq conclusions de ces quatre études. Premièrement, l'adoption de la RP pourrait augmenter légèrement le taux de participation électorale; deuxièmement, elle améliorerait certainement la correspondance entre la répartition des orientations idéologiques dans l'électorat et à la Chambre des communes; troisièmement, elle améliorerait presque certainement la façon dont les électeurs évaluent l'équité des élections; quatrièmement, il est presque certain qu'elle ne réduirait pas le nombre de votes stratégiques, et cinquièmement, il est très peu probable qu'elle fasse que les Canadiens soient plus satisfaits dans l'ensemble.
Merci.
Nous avons un problème pratique. Nous disposons de cinq minutes, et je ressens la même frustration que vous avez ressentie, monsieur Milner, quand vous avez appris qu'il ne vous restait plus que trois minutes pour conclure.
J'adresse donc ma question unique à vous précisément, partant du principe qu'il vaut mieux avoir une réponse entière d'une seule personne que de tenter de répartir les choses entre vous tous.
Monsieur Milner, dans votre exposé, vous avez parlé spécifiquement d'un des cinq critères établis pour le rapport du comité. Il s'agit précisément pour nous de trouver des systèmes qui « favorisent une civilité et une collaboration accrue entre les partis ». Je cite ce que vous dites dans votre exposé, et c'est aussi ce qui fait partie de notre mandat.
Je souligne que le premier ministre a déclaré, inexactement je crois, que la représentation proportionnelle — et je crois ici qu'il faisait allusion à la RPM, étant donné que personne ne propose réellement la proportionnalité totale pour le Canada — cause des divisions et l'affrontement. Il a déclaré que « Le problème avec la représentation proportionnelle est que chaque modèle fondé sur la représentation proportionnelle accroît la partisanerie, au lieu de la réduire ». Il a ajouté « Trop de gens ne comprennent pas la polarisation et les micros questions qui découlent de la représentation proportionnelle. »
Tout ce que vous dites laisse entendre que vous n'êtes pas d'accord. Pouvez-vous nous dire si vous pensez qu'il a raison, ou qu'il a tort, et qu'est-ce qui fait que la RP, et particulièrement la RPM, règle ou évite le problème qu'il soulève?
:
Eh bien, deux aspects sont en cause, et je ne sais pas sur lequel des deux portaient les remarques du .
Un de ces aspects est le désaccord au sujet de questions, ou même ce que nous pourrions appeler polarisation. Je soupçonne que, lorsqu'on a des systèmes de représentation proportionnelle qui font entrer plus de points de vue au Parlement plutôt que d'exclure des candidats parce qu'ils n'obtiennent pas suffisamment de votes dans une circonscription particulière pour être élus, il y aura forcément davantage de différends.
C'est le deuxième aspect qui m'intéresse, celui où les différends finissent dans les débats puis, en fin de compte, aboutissent en un compromis ou en une loi quelconque.
Dans les pays ayant adopté un système de représentation proportionnelle que j'étudie depuis de nombreuses années, il n'y a pas, ou il y a bien moins d'attitudes d'affrontement qu'il n'y a, par exemple, à la Chambre des communes britannique ou à la Chambre des communes canadienne. Donc oui, il est possible que les différends soient plus nombreux, mais le système dit, en quelque sorte, aux députés: « Bon, vous avez exprimé votre désaccord, mais puisqu'il n'y a pas de gouvernement majoritaire qui puisse imposer sa volonté quand il le veut, vous allez devoir arriver à un compromis et trouver un moyen de surmonter vos différends. »
J'ignore ce que pense M. Trudeau de cela, mais pour moi, l'expérience est très claire.
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Je ne veux pas parler du Québec, puisque nous sommes réunis aujourd'hui pour parler du Canada. Toutefois, les mêmes questions se posent et il est vrai que la taille des régions devient très importante.
Il faut regarder la situation du Québec pendant les 15 ou 20 ans où le Bloc québécois a été très fort ou assez fort sur la scène fédérale. À mon avis, les régions du Québec auraient été mieux servies par un autre système, même celles où le Bloc avait gagné tous les sièges avec la moitié des votes, ou même celles où les libéraux avaient gagné tous les sièges avec 60 % des votes. Les régions auraient été mieux servies si elles n'avaient pas été représentées uniquement par un parti. Quand les bloquistes siégeaient à la Chambre des communes, ils prenaient des positions plus partisanes que régionales. Du moins, l'aspect partisan était plus clair que l'aspect régional.
Selon moi, les régions auraient été mieux représentées à la Chambre des Communes si la députation d'une région très nationaliste, au lieu d'avoir sept députés bloquistes, avait eu cinq députés bloquistes, un député conservateur et un député libéral, et, selon le même schéma, si les régions très fédéralistes du Québec, au lieu d'avoir seulement des députés libéraux, avaient eu quelques députés des autres formations politiques. En ce qui concerne le Québec, cela aurait été meilleur.
Je préfère donc un système qui diminue l'aspect partisan à l'échelle régionale. Je ne souhaite pas que ce soit à l'échelle provinciale. Dans les grandes provinces, les régions sont à plus petite échelle. Cela joue un rôle important. La situation du Québec étant différente, le résultat sera propre à cette province.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie également mon collègue M. Kenney.
Messieurs, soyez les bienvenus dans votre Parlement canadien.
Ce qui est bien, avec cette activité que nous menons cette semaine, c'est que nous pouvons voir la pluralité des points de vue. Chacun exprime son point de vue. Nous constatons que les points de vue de la brochette prestigieuse de témoins qui sont ici ce matin convergent tous, ce qui est fort intéressant. Cela démontre également que le débat démocratique a lieu.
Vous avez tous parlé avec générosité du système proportionnel, qui permettrait d'éviter certaines divergences qu'il peut parfois y avoir dans certaines régions, et on peut comprendre cela.
Maintenant, j'aimerais vous entendre parler du rôle que joue le député auprès de ses concitoyens.
Je suis en politique active depuis huit ans et j'ai été élu directement à quatre reprises dans une circonscription. J'en remercie d'ailleurs les gens de Chauveau au provincial et ceux de Louis-Saint-Laurent au fédéral. D'expérience, je peux vous dire qu'il se développe un lien, je ne dirais quand même pas d'affection, mais un lien de confiance entre les citoyens et le député.
Je ne veux pas parler au nom de tout le monde, mais je suis persuadé que tout le monde sera d'accord avec moi. Nous sommes les députés de tous les citoyens, même de ceux qui n'ont pas voté pour nous. Nous le sommes même davantage pour ces derniers, afin que la prochaine fois, ils soient plus sensibles à notre proposition.
Je me souviendrai toujours du premier citoyen que j'ai rencontré en décembre 2008, sur la rue Racine, dans mon bureau de circonscription. M. Gros-Louis, pour ne pas le nommer, m'a dit qu'il n'avait pas voté pour moi. Cela commençait bien ma carrière. Je lui ai répondu qu'il n'était pas le seul, mais que nous allions travailler ensemble, et c'est ce que nous avons fait.
C'est là la beauté de la représentation directe que nous avons dans le système actuel. Je ne dis pas que c'est parfait, loin de là. Aucun système n'est parfait. Quoi qu'il en soit, le député qui se fait élire directement dans une circonscription est le député de tous les citoyens. Dans nos activités de fin de semaine ou de soirée, nous rencontrons les gens dans leurs activités sociales et caritatives, et nous les soutenons. Peu importe le parti, nous sommes proches des gens de notre circonscription.
En 2012, quand la carte électorale provinciale a changé, j'ai perdu deux villes dans ma circonscription, soit Shannon et Valcartier, qui, soit dit en passant, n'avaient pas voté pour moi. J'ai eu énormément de peine, non pas parce que je perdais des gens qui n'avaient pas voté pour moi, mais davantage parce que, forcément, après quatre ans, on développe des liens avec ces gens. Cela sert à la réflexion politique, même si nous sommes tenus par la ligne de parti et que nous avons été élus avec un programme que nous défendons.
J'aimerais connaître votre opinion sur le point suivant. Vous pouvez répondre tous les trois.
Dans un système proportionnel, alors que la liste est vaste, comment le député élu peut-il avoir ce même genre de proximité avec les citoyens? J'inverse plutôt la question: comment le citoyen peut-il avoir le même type de proximité avec son élu quand ce dernier est noyé dans un ensemble, plutôt que d'avoir eu un vote direct dans une circonscription avec un candidat?
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C'est un aspect au sujet duquel je n'ai pas encore adopté de position claire. Je sais que les gens qui sont favorables à la représentation proportionnelle mixte ont tendance à être en faveur des listes ouvertes. Je peux comprendre pourquoi. Le problème est le suivant. Pourquoi l'électeur devrait être obligé de faire ce que veut le parti? Pourquoi ne pourrait-il pas faire ce qu'il veut faire?
D'un autre côté, nous devrions également savoir que les partis choisissent les candidats qu'ils placent sur la liste en tenant compte de certaines priorités — par exemple, les groupes sous-représentés, les femmes, et les autres — et ce ne sont pas des aspects futiles. De plus, nous ne devrions pas non plus — et je le dis avec prudence — penser que les électeurs souhaitent vraiment avoir autant de choix. Dans certains cas, cela risque de les décourager.
La plupart des électeurs font face à des choix limités. Ils savent quel est le parti qu'ils préfèrent et ils peuvent probablement voter pour le candidat local de ce parti ou ils peuvent avoir une raison d'appuyer un autre candidat local. Mais penser qu'ils sont capables de choisir des noms figurant sur une liste de personnes qui ne sont pas toutes de la localité, viennent parfois de la région, mais d'une région qui pourrait être plus étendue, et s'attendre à ce qu'ils fassent des choix n'est pas, je crois, vraiment souhaitable.
Je ne suis pas contre ce que nous appelons les listes fermées. C'est ce qui se fait dans les pays qui utilisent la représentation proportionnelle mixte. N'oubliez pas que le nombre maximum de personnes qui figureraient sur la liste seraient à l'heure actuelle de cinq ou six, parce que je ne pense pas que nous souhaitions avoir des districts régionaux qui regroupent plus de 12 ou 13 sièges. De sorte que le nombre des noms qui figureront sur la liste ne sera jamais beaucoup plus que cinq ou six, et il ne faut pas l'oublier. C'est l'aspect secondaire du système.
Les gens qui se sont rendus dans ces pays, comme l'Allemagne, affirment que le principal objectif est d'élire un député local. C'est le but recherché. Habituellement, les personnes qui sont élues à partir de la liste vont essayer de se faire élire dans un district local, s'il y a des sièges vacants. C'est ce qu'il faudrait viser. C'est pourquoi je n'exigerais pas que les électeurs puissent choisir des noms inscrits sur une liste régionale, mais c'est là une discussion relativement secondaire où il y a de bons arguments des deux côtés.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
J'ai une question sur les décisions que les Canadiens ont prises au sujet de la réforme électorale. Comme vous le savez, quatre provinces ont proposé des changements au système électoral. Dans trois d'entre elles, soit la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard, les électeurs ont rejeté carrément ces changements.
Comme on l'a dit hier, en 1959 et en 1968, les gouvernements irlandais ont proposé des changements électoraux qui auraient profité aux partis au pouvoir, mais ces changements ont été rejetés par les électeurs lors de référendums.
Hier, des experts de la Nouvelle-Zélande ont dit que deux référendums avaient été tenus avant d'adopter leur système actuel. Il y en a eu un troisième pour donner aux électeurs l'occasion de reconsidérer leur décision.
Hier aussi, un témoin a dit que tout cela constituait une convention constitutionnelle, selon le test de Jennings. Peter Russell a dit qu'on ne devait pas parler de convention constitutionnelle et de telles idées abstraites, parce qu'il y avait une obligation, du point de vue de la légitimité démocratique, de donner aux électeurs la chance de juger leur système électoral. Cela n'appartient pas aux politiciens, mais aux électeurs.
Ma question s'adresse aux trois témoins.
Quelle est votre opinion sur la perspective du professeur Russell et sur cette convention qui existe au Canada?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Milner, j'ai parlé tout à l'heure de la réalité géopolitique du Québec, car je la connais très bien. J'ai dit que le diable était dans les détails et qu'il ne suffisait pas d'admettre qu'on a besoin d'un mode de scrutin proportionnel mixte compensatoire pour qu'on ait réglé la question.
Le questionnement sur le processus me semble fondamental. Je suis heureux que, contrairement à certains témoins que nous avons reçus, M. Blais soit d'avis qu'un référendum est nécessaire.
Au début de nos travaux, nous avons assimilé les tenants d'un référendum à des gens voulant mettre des bâtons dans les roues au changement, mais je crois que c'était une erreur de faire cela.
Le processus est important. Au Québec, il y a eu un avant-projet de loi, une proposition très concrète. Nous avons fait le tour de la provinces et cela a permis de voir les écueils concrets dans toutes les régions du Québec. Cela n'a pas donné lieu à une transformation, parce que le gouvernement de l'époque n'était pas intéressé à ce que la population tranche le débat.
Certains témoins nous disent que les gens ne connaissent pas cette question, que cela ne les intéresse pas. Ce faisant, ils considèrent que, comme nous sommes les représentants d'une démocratie représentative, nous avons toute la légitimité pour aller de l'avant. Le pouvoir exécutif nous dit que c'était la dernière élection avec le mode de scrutin tel qu'on le connaît. La ministre nous dit qu'il faut que cela change, mais qu'il n'est pas question de tenir un référendum. Bref, le processus qui permettrait de faire les choses correctement est un peu mal parti.
Nous n'avons que peu de semaines pour consulter l'ensemble de la population sur un territoire aussi vaste que le Canada. Si on arrivait plutôt à une proposition d'avant-projet de loi, qui ferait ensuite l'objet d'une consultation et qui serait soumise à un référendum pendant la prochaine élection, ne serait-ce pas une démarche beaucoup moins téméraire et plus réaliste? Cela éviterait-il que le processus dans lequel nous sommes n'aboutisse à un échec?
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Je voudrais rester sur ce même sujet.
Vous avez dit, monsieur, que l'on décide ou non qu'un référendum s'impose, l'essentiel est ce qui précède l'appel à la population. Ce que nous faisons ici fait naturellement partie de ce qu'on pourrait appeler ce travail préparatoire.
À l'étape suivante, le Comité va procéder, auprès de la population canadienne, à une large consultation. Or, l'équité est une des valeurs auxquelles nous sommes attachés. Le Comité a notamment pour mandat de favoriser la participation de personnes qui, depuis un certain temps, se désintéressent du processus politique. Il s'agit donc de rendre ce processus plus accessible et plus inclusif.
Comment faudrait-il s'y prendre, d'après vous, pour renforcer l'action du Comité et aller au contact de ces personnes qui se sont détachées de la politique? Ma question s'adresse à ceux d'entre vous qui souhaiteraient y répondre.
Quelle que soit la solution adoptée, l'important est d'assurer la plus grande participation possible des électeurs. Ainsi que mon collègue le disait tout à l'heure, la population agit par le truchement de ses représentants. J'appartiens moi-même à une minorité, et en plus je suis femme, et je crains que ce genre de chose reste à l'état d'épiphénomène. J'ai entendu hier aux actualités, après avoir regardé à la télévision la convention du Parti démocrate des États-Unis, qu'environ 80 pays ont déjà choisi une femme comme chef d'état ou de gouvernement, mais que moins de cinq d'entre eux ont élu à une deuxième reprise une femme à la tête du pays.
Comment donc modifier le système afin que l'amélioration de la représentation ne soit pas quelque chose de simplement passager, mais devienne une valeur consacrée? Le Comité entend renforcer la participation de la population. Mais comment procéder?
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Je voudrais vous faire part de certaines observations que j'ai relevées sur Twitter. La première est de Sebastian Muermann, selon qui « Il conviendrait de procéder par élimination et de voir quelles sont les solutions qui ne donneraient au Canada AUCUN bon résultat ». C'est une bonne manière de procéder et cela nous permettrait d'avancer. Certains nous ont effectivement dit qu'il conviendrait, non de présenter aux Canadiens tout un éventail de solutions possibles, mais de leur proposer un nombre plus restreint de possibilités. Un autre blogueur, Ken S., dit de certaines des solutions envisagées qu'il s'agit essentiellement de faux-fuyants et que certaines ne devraient même pas être évoquées.
Je ne suis pour ma part pas porté à exclure d'emblée certaines solutions. Je me situe pour l'instant à un autre niveau d'abstraction. Je suis tombé sur quelque chose que M. Milner a écrit dans un article publié vers la fin du mois de janvier. Selon lui, si nous voulons avancer, nous allons devoir nous entendre sur un certain nombre de principes. M. DeCourcey a abordé la question des valeurs auxquelles nous sommes attachés, dont l'équité. En réponse à M. Cullen, M. Himelfarb a, lui aussi, insisté sur l'importance qu'il y a à nous entendre sur un certain nombre de principes.
Pourriez-vous nous préciser de quels principes il s'agirait? Qui pourrait nous aider à les dégager, car il va bien falloir que les Canadiens adhèrent aux principes sur lesquels nous entendons nous baser. C'est en fonction de cela que nous déciderons des modes de scrutin qu'il convient d'écarter d'emblée et de ceux que nous pouvons envisager d'adopter.
Je voudrais maintenant que chacun de nos intervenants nous précise les principes qu'il conviendrait, selon lui, de retenir, et aussi comment susciter la participation des Canadiens? On a dit aujourd'hui qu'il nous faut trouver un système qui soit conçu ici et qui réponde aux besoins propres du Canada. Or, d'après moi, les principes que nous allons dégager sont un élément essentiel de cette démarche.
Je demande donc à chacun d'entre vous de nous préciser quels pourraient être ces principes. Qui d'autre pourrait contribuer à les définir? Je vous saurais gré de nous donner votre avis sur ce point.
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Non, vous avez exprimé votre point de vue et je vous ai laissé le temps de le faire. Le praticien que je suis a présenté son point de vue aussi. J'ai une certaine autorité morale à cet égard du fait que j'ai été dûment élu quatre fois par la population. Je sais donc ce que signifie travailler auprès des gens, directement.
Il arrive souvent que des gens provenant d'autres circonscriptions viennent me voir ou que je dirige des gens vers d'autres collègues parce qu'ils partagent certaines affinités. Nous, les 338 députés de la Chambre des communes, sommes fondamentalement les représentants de nos circonscriptions et, d'abord et avant tout, des citoyens de ces circonscriptions.
Monsieur Blais, vous avez dit plus tôt souhaiter que tous les partis soutiennent le référendum et qu'ils arrivent à être d'accord si le référendum amène un changement. Vous avez nommément parlé de mon parti, c'est-à-dire le Parti conservateur.
Monsieur Blais, je peux vous assurer et assurer tous les Canadiens qui nous écoutent d'une chose. Si, d'aventure, il y a un référendum, ce que nous souhaitons ardemment, et que les résultats de ce dernier sont favorables à un changement, nous allons l'accepter. Nous ne sommes pas des démocrates à géométrie variable. On ne peut pas être en faveur d'une décision et faire un référendum ou, comme certains, dire qu'il ne vaut pas la peine de faire un référendum, parce que cela ne passera pas. C'est ce que j'appelle de la démocratie à géométrie variable.
Quand on est démocrate, on consulte la population et on croit en sa bonne volonté. Qui sommes-nous pour dire qu'il ne vaut pas la peine de faire un référendum parce que la population ne sera pas de notre côté? C'est une attitude un peu trop hautaine.
J'aimerais profiter des quelques instants qu'il nous reste, monsieur Blais, pour vous demander de nous parler du vote préférentiel.
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On m'accuse parfois d'être un peu trop direct, et je tiens donc par avance à m'en excuser.
Nous recueillons depuis plusieurs semaines déjà des témoignages sur la question et nous sommes, je crois, tous d'accord pour dire qu'il n'y a pas de mode de scrutin idéal. Nous l'avons entendu dire à de multiples reprises.
On nous a confié un mandat qui nous engage sur des principes très précis, dont l'efficacité, la légitimité, la participation, la facilité d'accès, l'inclusion, l'intégrité et la représentation locale. Ce sont là les principes qui doivent orienter l'action du Comité. Il nous est demandé de définir les arrangements qui intègrent ces principes directeurs et de proposer un autre mode de scrutin. Or, selon moi, le vote préférentiel ne satisfait pas à cet ensemble de conditions. Ce mode de scrutin n'est envisageable que dans un monde idéal.
On a appris aujourd'hui qu'un système de représentation proportionnelle augmenterait peut-être de 3 % le taux de participation électorale. C'est dire que l'adoption d'un tel système ne permettrait pas d'accroître sensiblement la satisfaction des électeurs. On nous a présenté les avantages et les inconvénients des divers modes de scrutin et, aujourd'hui, on a fait valoir les avantages de la représentation proportionnelle.
Permettez-moi maintenant de prendre le contre-pied et de vous demander quels pourraient être, au regard des principes directeurs rappelés tout à l'heure, les inconvénients de la représentation proportionnelle. Il serait utile d'envisager la question sous cet angle.
Nous tentons de voir quels sont les régimes électoraux qui ne donneraient pas de bons résultats au Canada et je souhaiterais entendre à la fois le pour et le contre.
Je vous remercie.