Veuillez regagner vos sièges, chers collègues.
Nous remercions nos témoins de leur présence aujourd'hui.
Nous accueillons Dennis Pilon, professeur agrégé, Département de science politique, Université York; Jonathan Rose, professeur associé, Département d'études politiques, Université Queen's; et Maryantonett Flumian, présidente de l'Institut sur la gouvernance.
Nous nous excusons de ce léger retard. Nous étions pris par des affaires internes, mais nous sommes impatients de vous écouter.
Comme vous le savez, vous aurez chacun 10 minutes pour vos remarques liminaires. Nous passerons ensuite à deux séries de questions où chacun des membres aura l'occasion de vous interroger. Nous nous arrangerons pour la durée de chaque intervention, mais en principe elle ne devrait pas dépasser cinq minutes. La première série de questions sera pour cinq minutes, je crois, et nous verrons ensuite pour le reste.
La séance s'achèvera à 12 h 15. Nous l'avons prolongée d'un quart d'heure pour rattraper le retard du début.
Je voudrais simplement demander aux membres et aux témoins de retenir que les cinq minutes dont dispose chaque membre comprennent les questions et les réponses. Les questions trop longues laissent moins de temps pour les réponses. Si les cinq minutes s'écoulent sans que vous ne puissiez achever votre réponse, cela ne veut pas dire que vous deviez y renoncer. Vous pouvez toujours poursuivre quand vous aurez l'occasion de parler de nouveau, peut-être lorsque vous répondrez à une autre question.
Nous allons commencer par M. Pilon. Vous avez 10 minutes.
:
Je vous remercie de m'avoir invité et je voudrais commencer par applaudir le gouvernement pour avoir abordé cette question et féliciter les partis qui appuient l'initiative.
Voici quelques détails sur ma personne.
Je travaille sur ce sujet depuis près de trois décennies. J'ai écrit deux livres et de nombreux articles de recherche là-dessus. Mes recherches portent sur l'expérience et les résultats des divers systèmes électoraux dans le monde réel ainsi que les processus historiques et contemporains de la réforme des institutions politiques, notamment des systèmes de vote. J'ai également étudié des sujets connexes tels l'inscription des électeurs, le taux de participation aux urnes, la participation des jeunes, la représentation de la diversité sociale et, plus généralement, la démocratisation du Canada.
Je possède aussi une certaine expérience pratique dans l'organisation d'élections en tant qu'ancien sous-directeur de scrutin en Colombie-Britannique. J'étais le deuxième responsable d'organiser une circonscription aux fins d'une élection provinciale, d'embaucher 300 personnes et de les instruire sur le travail à faire le jour de l'élection. J'ai donc des connaissances pratiques aussi bien que théoriques des systèmes électoraux.
Nous avons entendu beaucoup de gens affirmer qu'il n'y a pas de système électoral parfait, mais cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas d'imparfaits, comme le système uninominal majoritaire, en particulier du point de vue démocratique. Nous appelons notre système une démocratie représentative, mais le système uninominal majoritaire ne parvient pas à nous représenter efficacement. Il dénature le soutien populaire pour les partis. Avec lui, plus de la moitié des électeurs ne votent pour personne. Il se traduit généralement par une minorité d'électeurs qui dominent les majorités. Il limite la concurrence politique. Avec une représentation aussi lamentable, à quel point peut-on parler d'un système démocratique?
La raison en est que le système n'a pas été conçu pour être démocratique. Ses origines remontent à l'ère pré-démocratique et il a été maintenu en place pour l'intérêt électoral. Les Canadiens ont lutté pour rendre leur système démocratique en dépit de ces obstacles institutionnels. Les systèmes de représentation proportionnelle, en revanche, ont été conçus pour représenter les électeurs de manière efficace, même si les motifs des réformateurs n'étaient pas toujours démocratiques.
Mon mémoire, que j'ai présenté au Comité, fait valoir que la façon dont nous parlons de réforme tend à structurer le débat qui s'ensuit, et nous avons vu trois points de vue surgir depuis le début du processus. L'un d'eux parle de question constitutionnelle et de la nécessité d'un référendum. Un autre affirme que les systèmes de vote ne sont qu'une question de goût: c'est selon ce que vous aimez, ce que vous préférez. Le dernier fait valoir que les systèmes électoraux sont typiquement une question de réforme démocratique et je soutiens quant à moi que seule la dernière vue est vraiment crédible.
Je ne compte pas entrer dans tous les détails du mémoire. Je me contenterai de vous donner un aperçu des grands thèmes et je m'étendrai au besoin lors de la période de questions-réponses.
En ce qui concerne les arguments constitutionnels, ils n'ont aucun mérite. Nous avons assisté à tous genres de points de vue, du mal informé au ridicule, et la rapidité avec laquelle ils paraissent dans les médias laisse deviner une sorte de désespoir chez les groupes de réflexion de la droite qui les parrainent. Les arguments en faveur des référendums sont souvent ornés de rhétorique démocratique, mais ils sont faibles et contradictoires. Normativement parlant, les référendums devraient être limités aux situations dans lesquelles les électeurs peuvent devenir raisonnablement informés pour pouvoir participer aux discussions. Les référendums provinciaux canadiens sur les systèmes électoraux ont démontré que ce n'est pas possible.
Les partisans d'un référendum voudraient nous faire croire que les référendums conduiront à des débats et à des décisions justifiées, mais les faits suggèrent le contraire. La recherche sur les référendums au Canada et en comparaison avec d'autres pays, montre que la façon dont les électeurs font face à la complexité de la question est de rejeter le processus entièrement. Quand les gens rejettent différentes options, c'est souvent parce qu'ils n'ont aucune idée de ce qu'on leur demande. Dans de nombreux cas, ils ne savaient même pas qu'il y avait un référendum.
Les arguments en faveur du référendum se contredisent. Nous sommes amenés à croire que nous devons avoir au moins une majorité pour changer notre système électoral, mais un gouvernement qui représente 39 % de la population suffirait pour prendre toutes les décisions en attendant. Pourquoi faut-il une majorité pour une question, mais pas pour l'autre? Il me semble que si la majorité est le critère ultime pour la prise de décision, il faudrait l'appliquer à tous les contextes démocratiques.
Enfin, comme je vais le préciser dans un moment, je pense que cette question concerne l'égalité des électeurs, et cette égalité ou le droit d'exercer son vote ne sauraient faire l'objet d'un scrutin.
Parlons maintenant de l'idée que les systèmes de vote sont une question de valeurs concurrentes et de préférences sur le plan des résultats — une question de goût.
Il y a deux problèmes principaux avec cet argument. Tout d'abord, les électeurs ne sont pas bien renseignés sur nos institutions politiques et n'ont donc pas de préférences à exprimer à leur sujet. Par exemple, dans deux enquêtes différentes menées avec 10 ans d'intervalle, on a demandé aux électeurs si un gouvernement majoritaire reflète la majorité de la population canadienne, et la plupart d'entre eux ont répondu dans l'affirmative alors qu'en fait, je pense que tout le monde ici sait que ce n'est presque jamais le cas.
Les électeurs composent avec la complexité politique par procuration, au moyen des partis qu'ils soutiennent. Lorsqu'un parti trouve à redire, le public veut souvent obtenir des réponses. Si un parti est satisfait, en règle générale les électeurs le sont aussi. Je pense qu'il est absurde de prétendre le contraire. Les électeurs ont des vues assez éclairées sur les grands thèmes politiques qui leur tiennent à cœur, mais les détails et les institutions sont inévitablement un processus d'élite.
L'autre problème avec les systèmes électoraux comme une question de goût c'est qu'il aplanit les valeurs et les rend toutes égales, alors qu'en fait, je pense que nous devrions privilégier les choix démocratiques et refuser ceux qui ne le sont pas. Le problème de faire un choix pour les gouvernements majoritaires en tant que valeur est qu'il donne à penser que c'est normal. Il est normal qu'une minorité de gens imposent leurs vues à la majorité. Je ne vois vraiment pas comment on peut en faire un argument démocratique. Il y a beaucoup d'arguments en faveur de notre système; ils ne sont tout simplement pas démocratiques.
Par conséquent, au lieu de voir les systèmes de vote comme une question de choix où tous les choix sont égaux, nous devons juger nos systèmes de vote en fonction de ce que les Canadiens essaient d'accomplir dans ce contexte. Dans ce cas, je pense que les faits indiquent qu'ils essaient d'obtenir que leurs points de vue politiques soient représentés. Nous avons donc besoin d'un système qui va le faire le plus efficacement possible.
Les systèmes électoraux dans le cadre d'une réforme démocratique commencent par un sens réaliste de ce que les électeurs essaient d'obtenir en votant et absolument tout semble indiquer que les électeurs votent pour un parti plutôt que pour un représentant local. Même quand les électeurs disent qu'ils votent pour un représentant local, nous découvrons qu'ils ont en fait voté pour le parti, mais pour essayer d'obtenir les résultats du parti, notre système électoral actuel privilégie la géographie, même si celle-ci ne sert pas à documenter le vote. Ainsi, les électeurs qui vivent à proximité les uns des autres sont privilégiés par notre système, alors que les électeurs dispersés sont victimes de discrimination.
Cela viole les droits des électeurs puisque leurs votes ne comptent pas de manière égale. Tous les partis sont aux prises avec ce problème. Les électeurs de tous les partis se trouvent bloqués dans diverses parties du pays, incapables de faire cause commune avec les électeurs qui sont d'accord avec le genre de choses qu'ils aimeraient voir représenter. Cela conduit à des votes gaspillés, une représentation déformée des partis et typiquement un gouvernement législatif majoritaire que la majorité des Canadiens ne favorisent pas en réalité.
C'est antidémocratique, pas représentatif, et cela viole certaines notions démocratiques de base de la règle de la majorité. Or nous nous organisons de la sorte non pas à cause des préférences ou de la Constitution, mais parce que les partis historiquement autonomes s'y sont accrochés. Les tentatives visant à défendre le système sont assorties d'arguments tordus et alambiqués qui ne sont franchement pas étayés par des faits.
Permettez-moi de conclure. Je dirais que le Comité a pour tâche d'aller de l'avant et de recommander simplement que le gouvernement change notre système de vote pour adopter un système proportionnel. Le seul obstacle réel réside dans la volonté politique. Le gouvernement a une majorité et nous avons des partis qui représentent la majorité des Canadiens et se montrent favorables à la question. Je pense qu'il y a beaucoup de raisons pour que le gouvernement aille de l'avant et j'ajouterais qu'en l'occurrence, il ne devrait pas vraiment se soucier des critiques, car je pense que les arguments des critiques sont surtout intéressés, politiquement parlant. Certains commentateurs ont avancé que le public sera indigné s'il n'y a pas un référendum, mais franchement, les seules personnes qui sont indignées sont celles qui écrivent ces éditoriaux.
À l'avenir, je pense que le gouvernement devra choisir un système électoral en se fondant sur les faits et sans spéculer. Cela est essentiel, car la plupart des discussions aujourd'hui tournent autour du mythe, de la distorsion, et sont carrément des bêtises inventées par spéculation. Il y a beaucoup d'expérience pratique de représentations proportionnelles dont on peut s'inspirer pour comprendre comment cela affectera la politique canadienne, mais les comparaisons devraient se faire avec des pays comparables au Canada, autrement dit, l'Europe occidentale, la Nouvelle-Zélande, mais non pas l'Italie et Israël, qui sont des pays aux histoires politiques très distinctes et aux situations politiques très différentes de celle du Canada.
Si nous faisons cela, si nous prenons au sérieux une approche fondée sur les faits, à peu près toutes les plaintes au sujet de la représentation proportionnelle pourront être écartées par faute de soutien. Que l'on parle de complexité, d'instabilité, de trop de stabilité, d'un manque d'influence locale, etc., on pourra démontrer que toutes ces choses manquent de fondement.
En outre, nous pourrions passer un peu de temps à parler des nombreuses bonnes choses que le passage à un système proportionnel apporterait. Nous pourrions mettre en évidence comment un changement à un système proportionnel augmenterait d'emblée la concurrence politique. Il conduirait à des changements dans le taux de participation et à des améliorations dans la représentation de la diversité tout en mettant fin à l'embarras politique que nous voyons actuellement avec notre alternance au sein du gouvernement.
Je serai ravi de m'étendre davantage sur ces aspects lors de la période de questions et de réponses.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de votre invitation. Comme beaucoup de Canadiens, j'ai suivi votre cours accéléré sur les systèmes électoraux avec grand intérêt. En tant que politologue qui trouve le sujet aussi fascinant que complexe, je suis vraiment impressionné par la facilité avec laquelle le Comité a saisi les nuances des systèmes électoraux ainsi que des méthodes de représentation. Comme vous n'avez pas tardé à vous en apercevoir, c'est une chose complexe, un peu comme un cube Rubik, où si vous changez une chose, les autres changent aussi. Cependant, contrairement à un cube Rubik, il n'y a pas de bonne réponse. Cela est important car si je devais résumer les systèmes électoraux en un seul mot, je dirais « prévoyance ».
Votre courbe d'apprentissage abrupte est logique à certains égards parce que vous avez entendu parler bon nombre d'experts en la matière. Il y a toute une énigme là-dedans. Bien que je ne doute pas que vous maîtriserez les détails des systèmes électoraux, je me demande si ce sera le cas pour la population canadienne. Comment vont-ils apprendre, et qu'est-ce qu'ils ont besoin d'apprendre? Je veux discuter de la composante d'apprentissage du public de la réforme électorale à partir de mon expérience en tant que directeur académique de l'Assemblée des citoyens de l'Ontario sur la réforme électorale. Je tiens à souligner l'importance de cela dans la stratégie globale de participation.
Je veux également parler brièvement des grands panneaux électoraux et j'espère que vous garderez cela à l'esprit pour ne pas vous laisser distraire par de faux débats le long du chemin.
L'apprentissage public est vraiment le revers de l'engagement démocratique. Cet exercice de réforme a créé une occasion idéale pour un dialogue national. Nous voulons que tous les citoyens s'impliquent, mais pour qu'elle soit véritable, leur participation doit reposer sur une base de connaissances solide. Nous savons que le niveau des connaissances parmi les citoyens est très varié et comme M. Pilon vient de mentionner, la moyenne est très faible. Les discussions devraient exposer des motifs raisonnés et non pas des prises de position émotionnelles, et pour cela, il faut des connaissances. Les motifs raisonnés ont servi de base aux assemblées de citoyens en Ontario aussi bien qu'en Colombie-Britannique. Voilà comment ils ont travaillé. Ils ont compris que l'on ne pouvait pas choisir un système approprié sans d'abord comprendre les principes importants pour eux.
Les Canadiens ne sont pas invités à concevoir un nouveau système électoral et je voudrais donc humblement dire qu'il n'y a aucune raison pour eux de plaider pour un système plutôt qu'un autre. À mon avis, cette tâche appartient au Comité. Là où les Canadiens ont un rôle important à jouer, c'est de dire à ce comité et aux députés quels sont les valeurs et les principes qui leur tiennent à cœur et comment ceux-ci se manifestent dans différents systèmes.
Votre comité s'est fait donner cinq principes directeurs, que je trouve instructifs mais pas aussi clairs qu'ils pourraient l'être. Je pourrais suggérer de préciser leurs sens, ou tout au moins de vous assurer que vous utilisez le même langage que les autres.
Par exemple, certains des principes sur lesquels vous travaillez se rapportent aux résultats, des aspects comme l'« intégrité » et la « légitimité ». Ceux-ci ne sont pas créés par un système, mais ils en sont le produit. D'autres sont des objectifs qu'un système devrait intégrer, comme l'« efficacité » et l'« inclusion », tandis que d'autres encore ont trait à la mécanique du système, à la façon dont il fonctionne, comme « représentation locale ». Votre principe d'« accessibilité » suggère le principe de la simplicité en indiquant que « la mesure proposée évite une complexité indue ». J'ajouterais que la simplicité était l'un des principes choisis par l'Assemblée des citoyens de l'Ontario. Pour reprendre le mot d'Albert Einstein, un bon système électoral devrait être aussi simple que possible, mais pas plus simple.
Il existe d'autres principes non mentionnés qui ont été utilisés par d'autres études. Le choix des électeurs, principe choisi par l'Assemblée des citoyens de l'Ontario aussi bien que de la Colombie-Britannique, a été important pour les citoyens, mais curieusement ne paraît pas aussi souvent que les autres dans la documentation spécialisée. Cela donne à penser que les citoyens voient les systèmes électoraux sous un autre jour que les experts. Il est bon de vous en souvenir en entendant les experts vous donner leurs opinions sur ce qui est important.
D'autres études ont également cherché à préciser ce que l'on entend par « efficacité ». Est-ce que cela signifie des partis efficaces, tels que définis par la Colombie-Britannique et l'Ontario? Est-ce que cela signifie un Parlement efficace, tel qu'il en est aux yeux de l'assemblée de l'Ontario? Ou s'agit-il d'un gouvernement efficace, tel que défini à la fois par la Commission de réforme du droit et la Commission du Nouveau-Brunswick?
Je dirais que ce sera vraiment important pour vous de clarifier ces termes afin que les députés et les citoyens puissent se faire une idée claire de ce qu'ils apprécient et s'assurer qu'ils sont en train de parler de la même chose.
Dans le processus de l'Assemblée des citoyens de l'Ontario, 6 millions de dollars ont été consacrés à l'éducation des électeurs. Une campagne de sensibilisation forte et robuste est plus que de la publicité, bien sûr. Ce gouvernement a pris un premier pas utile en produisant un guide de consultation. Je ne suis pas d'accord avec l'un de vos témoins précédents, qui a qualifié votre processus d'industrie de plaisir élitiste.
Je pense que cela compte. Si oui, il faudra sûrement faire davantage, à la fois pour convaincre le public et fournir une éducation de base sur la façon dont ces principes résonnent et informer les citoyens une fois que ce comité fera rapport en décembre. Franchement, ce sera d'autant plus important si et quand un référendum aura lieu.
Permettez-moi de changer de vitesse rapidement et parler de systèmes électoraux. Vous avez entendu beaucoup de choses sur eux. Je pense qu'une façon d'y songer c'est de les imaginer dans le cadre du grand débat à leur sujet. Les chercheurs aiment discuter pour déterminer s'il s'agit des causes — créant une plus grande participation, plus de partis, différents types de partis — ou des effets — étant ainsi le produit d'une culture politique ou du régionalisme ou encore d'un contexte institutionnel.
En réalité, ils sont les deux à la fois. Les systèmes électoraux illuminent à la fois qu'ils réfléchissent la lumière.
Dans la documentation spécialisée, nous classons les systèmes électoraux en utilisant ces deux grandes catégories qui pourraient vous aider dans vos délibérations: la production et la mécanique. Pour la production, nous songeons aux systèmes à représentation proportionnelle par opposition aux systèmes non proportionnels, qui sont les deux grandes catégories. Pour déterminer ce qui s'adapte le mieux à nos besoins, il nous faut revenir à nos principes. Voulons-nous un système qui augmente les chances d'un gouvernement majoritaire fort? Voulons-nous une plus grande diversité au Parlement? Voulons-nous davantage de partis politiques? Ce sont autant de questions qui nous obligent à revenir à ces principes.
La seconde approche consiste à songer à la mécanique. Comment fonctionne le système électoral et quel est son rapport avec la production? Lorsque les chercheurs discutent de mécanique, ils parlent habituellement de trois éléments.
Le premier est de savoir comment les électeurs font valoir leurs préférences. Les classent-ils ou font-ils un choix? Le classement offre plus de choix, mais vous serez surpris d'apprendre qu'il n'influe pas nécessairement sur le résultat du choix. Un choix catégorique est simple, mais risque de ne pas refléter les préférences avec exactitude.
Le deuxième élément que vous rencontrez dans la mécanique réside dans le nombre de représentants que vous voulez par circonscription. Un seul simplifie les choses, mais il ne peut pas être proportionnel. À mesure que vous augmentez le nombre de représentants dans chaque circonscription, vous améliorez peut-être la proportionnalité, mais c'est au risque de sacrifier la connexion entre les représentants et les électeurs. De plus, vous pourriez sacrifier la représentation locale. Ce sont des compromis qui doivent être soigneusement soupesés.
Le troisième élément de la mécanique est celui de la formule et vous en avez parlé ces derniers jours. La formule c'est fondamentalement votre manière de décider qui a gagné. La formule de la pluralité est simple, comme vous le savez. Une formule majoritaire assure la légitimité. Un système proportionnel assure que la part de votes est égale à la part de sièges, mais peut sacrifier la représentation locale. Un système mixte offre ce que certains qualifieraient comme le meilleur des deux mondes, mais il crée deux catégories de députés.
Je tiens à insister sur le modèle des assemblées de citoyens de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Elles se fondaient sur la délibération, pas la consultation. Il ne suffit pas de demander aux gens leurs opinions lorsque ce faisant, on risque de renforcer leurs croyances. Il doit y avoir une campagne d'apprentissage public honnête et robuste qui fasse le lien entre ces principes et les autres et montre comment ils correspondent au type de représentation que vous voulez.
Je dirais que la conversation ici et dans le public a mis la charrette électorale devant les bœufs. Elle a mis l'accent sur le produit de ces valeurs, le système électoral, et non sur leurs compromis.
Permettez-moi de vous faire une dernière réflexion. Alors que M. Pilon et d'autres ont fait valoir qu'il n'y a pas de système parfait, je veux citer Richard Katz, qui prétendait que ce système parfait existe. Il a soutenu que le meilleur système électoral dépend de « qui vous êtes, d'où vous êtes, et d'où vous voulez aller ».
A ce stade, plutôt que de vous concentrer sur les systèmes, j'espère que vous réfléchirez à ces trois aspects.
Merci.
Bonjour, monsieur le président, vice-présidents et membres du Comité. Je voudrais commencer par dire quelques mots au sujet de l'Institut sur la gouvernance et notre travail pour la promotion d'une meilleure gouvernance au Canada et à l'étranger.
L'IOG, comme nous nous appelons, est un organisme indépendant sans but lucratif, une institution d'intérêt public qui prône une meilleure compréhension des pratiques de bonne gouvernance au Canada, aux niveaux fédéral, provincial et municipal. Nous travaillons également avec les gouvernements autochtones et des organismes sans but lucratif, et au cours des 26 dernières années, nous avons travaillé dans 35 pays à travers le monde.
Pour nous, la gouvernance concerne l'écosystème de la gouvernance: les cadres, la stratégie, la façon de prendre des décisions importantes pour une société, une collectivité et une organisation et, fondamentalement la façon de rendre compte. Notre travail s'inspire de cinq principes qui rejoignent ceux qui guident le travail de ce groupe.
Nous nous occupons de la légitimité et de la voix, l'orientation, le rendement, la responsabilité et l'équité, et comme je l'ai dit, ceux-ci se reflètent dans le travail que vous faites.
Ce comité a été chargé de recenser et d'étudier des systèmes de vote alternatifs viables pour remplacer le système uninominal majoritaire, ainsi que d'examiner le vote obligatoire et le vote en ligne. Pour vous aider à répondre à ces questions, mes remarques aborderont trois grands domaines: l'importance du vote, le dépouillement des votes et la manière de voter.
Je parlerai des considérations de gouvernance que le Comité devrait évaluer selon moi à mesure qu'il avancera dans ses travaux ainsi que du premier et du troisième domaine, c'est-à-dire l'importance du vote et la manière de voter.
Pour la deuxième partie, je voudrais préciser que mes commentaires ne seront pas sur les mérites d'un système électoral particulier, sujet que je laisserai aux experts que vous avez déjà invités à témoigner ce matin.
[Français]
En commençant par la fin,
[Traduction]
Je voudrais commencer par la question d'encourager la participation des électeurs, notamment par le biais de mesures telles que le vote obligatoire et le vote en ligne. Je propose cet ordre parce que je pense que la participation des électeurs est une question aussi importante pour la légitimité démocratique que la sélection d'un processus électoral concret.
[Français]
Bien que je ne sois pas opposée, en principe, au vote obligatoire, je crois qu'une telle utilisation du pouvoir public ne devrait être envisagée qu'en dernier ressort pour régler la faible participation au scrutin.
Par principe politique, relativement peu de gens soutiennent le vote obligatoire. La franchise électorale a en effet pour corollaire un devoir civique absolu de voter, que l'on doit faire respecter avec toute la rigueur de la loi.
En fait, seulement une vingtaine de pays prescrivent la participation obligatoire au scrutin, et de ceux-ci, seulement la moitié font effectivement appliquer rigoureusement cette obligation au moyen de pénalités.
[Traduction]
L'objectif général poursuivi par beaucoup de ceux qui préconisent le vote obligatoire consiste essentiellement à augmenter la le taux de participation des électeurs et d'améliorer ainsi la légitimité des représentants élus, et une légitimité élargie des représentants élus assure à son tour une légitimité élargie du gouvernement, ce qui est un objectif public tout à fait louable.
Il existe également un certain nombre d'autres mesures qui pourraient être adoptées avant le vote obligatoire afin d'améliorer le taux de participation au fil du temps. Adopter une position voulant que l'administration du vote soit tout simplement un autre élément de la prestation de services du gouvernement aux citoyens serait, à mon avis, faire beaucoup de chemin pour amener cette conception au sein d'une philosophie moderne d'une fonction publique axée sur les citoyens.
Autrement dit, si le vote est plus accessible et convivial, plus de gens seront susceptibles de voter. Il ne faut rien négliger pour faciliter le vote, de l'inscription au geste même de voter. Avec les technologies de l'information modernes, de nombreux obstacles au vote pourraient être levés ou fortement réduits. Par exemple, nous avons une liste nationale électronique permanente des électeurs; si seulement tous les bureaux de vote à travers le pays pouvaient en disposer en temps réel. Cela devrait pouvoir se faire sans le moindre problème de nos jours.
Nous pourrions avoir une politique vote-partout qui faciliterait l'exercice du droit de vote, notamment pour les étudiants qui quittent leur lieu de résidence permanente pour fréquenter un collège ou une université à l'approche des élections, si nous nous en tenons au cycle actuel. Les gens pouvaient voter n'importe où le jour du scrutin, plutôt que d'avoir à retourner à leur lieu d'enregistrement ou d'avoir à modifier leur inscription dans leur nouvelle résidence pour être en mesure de voter le jour venu.
La levée de ces fardeaux administratifs pourrait donner un coup de pouce particulier au vote dans les groupes marginalisés au Canada, qui peuvent bénéficier d'une plus grande accessibilité au vote, et chez les jeunes, car il est essentiel de conserver la forte augmentation des jeunes électeurs qui ont voté pour la première fois lors des dernières élections fédérales de sorte qu'ils continuent à faire leur devoir civique la vie durant. Je dis cela tout en comprenant que dans les régions rurales et éloignées de ce pays, nous n'avons pas encore le genre de connectivité que nous avons dans le reste du pays, mais la perfection ne doit pas être l'ennemi du bien. Nous pouvons commencer à travailler à des solutions modernes tout en reconnaissant cette réalité et en espérant pouvoir instituer quelque chose dans les régions rurales et éloignées du Canada aussi.
Un autre exemple c'est de limiter la possibilité de se porter garant à une seule personne. La mesure restreint inutilement la souplesse administrative du processus électoral et peut avoir eu des effets, en particulier dans les résidences pour personnes âgées, où il était d'usage pour le personnel de se porter garant pour plusieurs résidents dépourvus de pièces d'identité, ainsi que dans les communautés autochtones. L'arrêt de cette pratique serait ainsi venu régler un problème inexistant.
Mais je dirais surtout que la possibilité de voter en ligne ferait une grande différence, elle aussi. Nous gérons le scrutin à peu près comme nous le faisions il y a 100 ans. Hormis pour la liste électorale permanente qui est saisie et mise à jour par voie électronique à l'aide des données de l'Agence du revenu du Canada, notre processus électoral sur support papier ressemble beaucoup à celui du début du XXe siècle. Les bureaux de vote n'ont pas un accès électronique aux listes électorales existantes. Ils ne disposent que d'une liste imprimée des électeurs pour leurs bureaux respectifs et cochent manuellement le nom des gens à mesure qu'ils se présentent pour voter. Les électeurs reçoivent un bulletin de vote... Vous connaissez bien le processus, alors inutile de m'y attarder.
Le système est extrêmement lent et avec les nouveautés que l'on a ajoutées au processus administratif, il est lent et maladroit pour notre époque. Pour reprendre le mot d'un autre Canadien, nous sommes après tout en 2016.
De nombreux fournisseurs de services de tous les niveaux du gouvernement, voire dans le secteur privé — même les banques, pour l'amour du ciel — ne laissent pas leurs clients ou leurs citoyens faire la queue, car ils savent qu'ils risquent de les perdre. Ils ont opté pour la modernité, contrairement au processus électoral. Les gens continuent à faire la queue et à attendre patiemment pour exercer leur droit de vote.
Un sondage que nous avons commandé à l'Institut sur la gouvernance, qui est encore inédit, mais que je vais mettre à la disposition du Comité après mon intervention, montre que les Canadiens sont largement en faveur du vote en ligne. Je crois que nous devrions profiter des années qui nous restent pour nous empresser d'explorer la technologie susceptible de garantir la confidentialité et l'intégrité d'un processus électoral en ligne.
Munis de leurs appareils mobiles, les citoyens vivent leur vie en ligne et rares sont ceux qui se souviennent de la vie sans Google. Google n'existe que depuis une dizaine d'années, mais les processus électoraux archaïques sur papier nous semblent déjà une aberration. Les gens vivent leur vie en ligne, font leurs transactions bancaires en ligne, payent leurs impôts en ligne, mais ne peuvent pas voter en ligne. Les jeunes ne comprennent pas cela et je vous avoue que moi non plus. J'affirme que le Canada doit se mettre à l'avant-garde pour faire des essais et implanter le vote en ligne le plus rapidement possible.
Soit dit en passant, en vertu de la Loi électorale du Canada, cela nécessiterait l'autorisation du Parlement, et je cite l'article 18.1:
Le directeur général des élections peut mener des études sur la tenue d’un scrutin, notamment sur de nouveaux processus de vote, concevoir et mettre à l’essai un nouveau processus de vote pour usage à une élection générale ou partielle ultérieure. Un tel processus ne peut être utilisé pour un vote officiel sans l’agrément préalable des comités du Sénat et de la Chambre des communes qui traitent habituellement des questions électorales ou, s’agissant d’un nouveau processus de vote électronique, sans l’agrément préalable du Sénat et de la Chambre des communes.
C'est placer la barre très très haut, de quoi décourager sans aucun doute une enquête et un examen sérieux de ces questions administratives modernes qui touchent notre droit de vote démocratique.
Qui plus est, comme une augmentation du taux de participation peut s'apparenter à la légitimité du gouvernement, les méthodes pour améliorer l'accessibilité ne sont que l'une des solutions viables. Je parle spécifiquement de l'éducation civique. Le Parlement a le devoir de veiller à ce que les citoyens comprennent l'importance de leur participation à renforcer les principes d'une bonne gestion publique. Avec une stratégie d'éducation civique qui commence en ciblant les écoles primaires et secondaires, nous pouvons nous assurer qu'il y aura plus d'électeurs qui votent pour la première fois, quel que soit le système de vote que nous choisissions, et que beaucoup d'autres vont devenir des électeurs la vie durant, continuant ainsi à soutenir et à enrichir les fondements d'une gestion publique démocratique. J'estime qu'Élections Canada devrait être institutionnellement placé pour jouer un rôle de premier plan dans cette stratégie.
Dans d'autres pays, tels l'Australie, les commissions ou les organismes électoraux ont la responsabilité non seulement de gérer les élections, mais encore d'informer objectivement les citoyens de leur devoir civique en fournissant des outils et des ressources accessibles. Ainsi, je crois que le Comité devrait envisager de recommander l'élargissement du mandat d'Élections Canada afin d'inclure la prestation de programmes de base et d'établir des objectifs d'éducation et de sensibilisation pour les jeunes Canadiens, les Canadiens marginalisés et les néo-Canadiens.
Je passerai maintenant au système uninominal à majorité.
D'aucuns pensent que cet élément de notre processus électoral expliquerait à lui seul la sempiternelle tendance à l'apathie que les chercheurs et les experts ont décelée chez les électeurs. Une caractéristique majeure de notre système démocratique est l'élection de gouvernements majoritaires, les exemples de gouvernements minoritaires étant plutôt une caractéristique plus récente.
Je vais répondre brièvement, et vous le lirez dans la présentation que je remettrai après cette réunion.
Je crois qu'en effet, les citoyens relient très bien les résultats de tout ce débat avec les enjeux qui les touchent. Selon les principes démocratiques qui nous tiennent tellement à coeur dans ce pays, que doit accomplir notre démocratie parlementaire? Voilà le test décisif de ce système: avec quelle efficacité travaillons-nous ensemble? Quels compromis devons-nous faire? Les mécanismes et les modalités n'ont d'importance que dans la mesure où ils nous aident à produire ces résultats. Dans le cas qui nous occupe, je crois que nous devrions nous écarter un peu des questions très spécialisées pour nous interroger sur ces résultats.
Dans le cadre de ces résultats, je demanderais aussi au Comité d'examiner quelques autres questions. Si nous modifions notre manière d'élire les parlementaires et, par conséquent, les équilibres que vous vous efforcez de créer au sein du système, réfléchissez aussi aux répercussions que cela aura, parce que sans le fonctionnement du gouvernement, le Parlement ne produit pas de résultats à lui seul, n'est-ce pas? Il faut une coopération entre les deux.
Vous devriez examiner certaines conventions parlementaires. Que signifiera la perte de confiance dans une chambre qui fonctionnera d'une manière très différente? Examinez cela de très près, parce que vous en retirerez peut-être des conclusions qui s'opposeront à ce que vous cherchez à accomplir. Examinez ce que signifie la dissolution dans un monde où l'on explorerait la perte de confiance d'une manière très différente.
Quelles conclusions en tirerons-nous? Nous savons que dans notre système actuel — et je ne dis pas que nous devrions le changer —, une perte de confiance provoque la dissolution. En sera-t-il encore ainsi dans un monde dont nous aurons changé les mécanismes? Cet élément est très important dans notre système de gouvernance; il détermine si nous produisons, ou non, les résultats désirés par notre manière de gérer les choses.
Nous avons plusieurs de ces conventions dont il faudra tenir compte. Si nous apportons ces changements, alors ne reproduisons pas certains comportements passés. Si nous votons pour ces changements, comment présenterons-nous avec transparence ces conventions et ces comportements? Est-ce que le premier ministre au pouvoir publiera pour la Chambre et pour tous les Canadiens son interprétation de ces conventions afin de la faire connaître au gouverneur général et afin que le Parlement et les différents éléments du Cabinet sachent de quelle façon se comporter?
Qu'arrivera-t-il si nous proposons un système — et je pourrais m'adapter à n'importe lequel de ces systèmes, que Dieu bénisse la démocratie — par lequel le Cabinet se composerait de membres de différents partis? La solidarité des membres du Cabinet s'est avérée cruciale pour le fonctionnement de notre gouvernement. Comment examinerions-nous ces questions? Je ne dis pas que nous ne devrions pas les examiner.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Madame et messieurs, soyez les bienvenus dans votre Parlement provincial, ou plutôt fédéral. Excusez-moi, ce sont de vieux réflexes de six ans.
Madame Flumian, je tiens d'abord à m'adresser à vous. Je vous écoute depuis tout à l'heure et je trouve vos propos très intéressants, bien entendu. J'ai cru comprendre de vos propos que vous accordiez beaucoup de valeur au travail que nous faisons ici. C'est très bien et nous vous en remercions, mais ultimement, ce n'est pas nous qui décidons.
Il y a environ un mois, ici même en cette salle, à cette table, à cette chaise à côté, la ministre responsable du dossier est venue témoigner. On lui a demandé précisément si son gouvernement allait être tenu de suivre la recommandation de ce comité, si d'aventure il y en avait une. Comme vous le savez, ce comité va parcourir tout le Canada pour entendre des experts et des citoyens comme vous.
C'est un travail sérieux fait par tous les partis politiques de la Chambre des communes et qui va normalement aboutir à une recommandation. Or la ministre nous a dit qu'elle ne serait pas liée par cela.
Qu'est-ce que cela veut dire, madame? Au bout du compte, une personne va décider, et c'est le premier ministre. Ce dernier contrôle l'exécutif, c'est-à-dire le Conseil des ministres, et il contrôle également la majorité à la Chambre des communes. Donc, cela ne sera pas l'ensemble de la population qui va décider quel sera le nouveau système électoral, mais une seule personne: le premier ministre.
Que pensez-vous de cela?
Je suis vraiment heureuse de vous avoir devant nous aujourd'hui. Vous nous avez beaucoup éclairés. Vos points de vue diffèrent beaucoup, et c'est très bien.
Les témoins nous ont beaucoup parlé de ce que les électeurs savent vraiment. J'en déduis qu'ils ne connaissent pas le système.
Monsieur Rose, vous disiez que les gens connaissent ce qui est important pour eux. Vous avez dit qu'en participant aux assemblées de citoyens en Ontario, vous avez remarqué que les gens apprécient beaucoup la simplicité.
Madame Flumian, vous avez dit que ce que les gens apprécient surtout est le lien entre chaque parlementaire et sa circonscription. Nous avons parlé un peu de points de vue. Est-ce le vôtre? Est-ce le point de vue des électeurs sur la direction que nous devrions suivre en établissant un système?
Tout ce que je sais, et notre comité en est conscient, c'est que nous devons avancer. Vous avez dit un peu plus tôt, monsieur Pilon, que nous n'avons pas toujours eu de bureaux de circonscription. C'est un phénomène nouveau, et tout d'un coup nous nous persuadons qu'ils sont importants. Je vous dirai que je frappe aux portes, je discute avec les électeurs qui viennent me voir à mon bureau. À mon avis, cela fait partie des progrès que nous avons faits au Canada. Notre évolution suit cette voie, et je crois que la situation s'améliore, elle n'empire pas.
Ma question porte sur ce lien entre électeurs. J'ai des électeurs qui ne sont pas issus de ce point de vue canadien; ils viennent de tous les coins du monde. Ils ont vécu sous divers systèmes et ont développé différents points de vue. Cependant, ils me disent tous qu'ils aiment le Canada, parce que dans tous les autres pays, personne ne peut discuter si aisément avec les députés.
Je suis heureux de jouir de ce lien avec eux non seulement pour mes propres intérêts, mais pour les leurs. J'entends les gens me dire cela jour après jour. Quand je frappais aux portes pendant la campagne électorale, les gens me demandaient: « Vous êtes ici maintenant, mais comment savons-nous si vous serez ici plus tard? ». Ce lien et notre disponibilité sont très importants pour eux.
Quel que soit le progrès que nous faisions, pensez-vous que c'est une chose que nous ne pouvons pas nous permettre de perdre à l'heure actuelle, maintenant que nous avons avancé jusqu'ici?
Voici mon message de base: quelles que soient les recommandations que vous allez présenter à la fin de cette étude, visez notre écosystème de gouvernance tout entier. Les gens exigent du changement. Les gens veulent voir la situation évoluer. Notre système doit évoluer de manière à conserver ce lien primordial avec les citoyens qui, à mon avis, constitue le fondement même de notre système démocratique de gouvernance; mais comprenez-moi bien: le système tout entier.
En Ontario, une fois que l'assemblée des citoyens a terminé son travail, le gouvernement s'est détourné de la question. Cette attitude a probablement influencé les résultats de cette réforme. C'est pourquoi je souligne l'importance de viser l'écosystème tout entier et de comprendre le rôle de ces gens, parce que vous allez lutter contre le statu quo à tous les niveaux. Vous ne voulez pas changer uniquement votre relation ou la perception qu'ont les citoyens et le gouvernement de cette relation — en réalité, ces perceptions devraient se rejoindre autant que possible. Mais tenez compte de tout le système que viseront vos recommandations.
Il n'y a pas de solution magique. La réponse n'est pas un scrutin majoritaire uninominal ou la représentation proportionnelle ou une combinaison quelconque des deux, parce que cette initiative repose sur la réforme et sur l'évolution de vos rôles aussi. Quel que soit notre système, on applique un certain mécanisme pour vous élire afin que vous aidiez à gouverner le Canada.
À notre époque, plus vous avez de liens, qu'ils s'établissent par des assemblées des citoyens ou par d'autres mécanismes... La valeur d'une assemblée des citoyens réside dans son aspect de délibération intense. Le problème, c'est que ces délibérations se déroulent entre les personnes qui se trouvent dans la salle; en les regardant de l'extérieur, nous avons l'impression qu'ils ont gobé le Kool-Aid. Ils n'ont pas suivi le même processus et ils ne le comprennent pas.
Selon moi, vos délibérations ont beaucoup plus de valeur — parce que vous vous y consacrez quotidiennement — que celles de personnes de l'extérieur, d'autant plus que je suis moi-même experte en administration publique et en gouvernance.
La réponse réside dans ce lien qu'il faut développer autant que possible, mais il doit reposer sur des enjeux importants. Il faudra que les questions que vous poserez aux Canadiens visent les aspects du système, dont le suffrage ne constitue qu'une dimension.
Comme je l'ai dit plus tôt, le malaise qui règne dans le pays provient de ce que les gens sont convaincus qu'il existe un énorme fossé entre ceux qui nous ont gouvernés ainsi que la façon dont nous sommes gouvernés et ce que nous avons essayé de dire à ceux qui nous gouvernent, c'est-à-dire le Parlement. C'est le gouvernement, et le Parlement ne se compose absolument pas de gens mous... il se compose de chacun de vous et des rôles que vous assumez.
Quelle est l'importance du secteur sans but lucratif? Où trouve-t-il sa voix? Par l'intermédiaire de qui...? Ce sont les questions fondamentales que ceux qui exercent le droit de vote doivent aborder. C'est pourquoi je vous exhorte à fonder vos recommandations, vos délibérations, sur l'écosystème de gouvernance tout entier. En changeant une chose, vous changerez une autre chose.
J'ai travaillé dans l'administration publique pendant 30 ans. Si nous changeons les modèles de gouvernement minoritaire — et je ne dis pas que nous ne devrions pas le faire —, et si le Cabinet se compose de différents types de partis, le rôle de la fonction publique changera. Bien. Cela nous fera du bien. Examinons un peu ce qui en découlera. Ne tombons pas dans des conséquences imprévues plus graves que ce que nous cherchons à corriger pour n'avoir pas compris les répercussions de cet aspect des questions ainsi que les répercussions qu'elles ont sur le système de gouvernance démocratique tout entier.
Merci.
:
Je vais essayer d'être le plus bref possible dans mes commentaires. Ensuite, j'aimerais entendre les vôtres.
L'expérience québécoise a démontré que les citoyens, au-delà du cercle des initiés qui dépasse le rayonnement des partis politiques, sont attachés à la valeur de justice. Ils la comprennent et ils y tiennent. Le principe d'équité est ce qui devrait orienter les délibérations de toutes les manières et sur tous les territoires.
On parle beaucoup de la détermination de la gouvernance, mais très peu d'une institution fondamentale dans une démocratie parlementaire, à savoir le pouvoir législatif. Dans l'expérience québécoise, deux éléments reviennent constamment dans les discussions, au-delà de la mécanique du scrutin: le reproche sur la manière de faire de la politique et la ligne de parti.
En démocratie, c'est le pouvoir législatif qui est le socle de la démocratie parlementaire. Il est clair que ce qui irrite les gens, c'est quand ils voient un député gouvernemental rester assis alors qu'il devrait défendre la plateforme électorale pour laquelle il a été élu. Là, je ne vise pas mes collègues; cela dépasse vos mandats. On s'entend pour dire qu'un gouvernement représente l'ensemble de la population. Le gouvernement a été élu à 38 %. Il a donc intérêt à entendre l'opposition officielle et à amender ses projets de loi. Au-delà de cela, il a tout de même été élu sur la base de la réalisation de sa plateforme.
On parle très peu du fait qu'aucun système n'empêche personne de voter pour le représentant de son choix. Dans le système actuel, on s'entend pour dire que le Parti vert pourrait former le gouvernement si les gens votaient pour lui. C'est après que cela pose problème, soit au moment de la détermination de l'exécutif, et non au moment de l'élection.
Au-delà de l'exécutif, j'aimerais vous entendre sur le législatif. Il faudra aussi changer les choses à ce niveau.
:
Très rapidement, je crois qu'un ou deux éléments de ce que vous avez dit doivent être soulignés.
Comme je l'ai mentionné précédemment, je crois que c'est un écosystème; par conséquent, les conventions, qui sont des éléments constitutionnels de notre monde et évoluent dans le temps, jouent un rôle important, et les gens doivent les comprendre. Les lois sont importantes. Le rôle des trois ordres de gouvernement est important.
Cependant, le comportement est également important. Et c'est ce qui rend fous les Canadiens. Un système de partis qui contrôle, et qui est presque oppressif semble-t-il aux yeux de ceux qui regardent de l'extérieur en forçant la façon dont les gens doivent voter est, en partie, ce qu'on tente de corriger. Si l'on pense que la réponse à cette question est le système électoral, eh bien réglons-le, certainement. Cependant, si vous me demandez comment vous pourriez structurer un échange avec les Canadiens, et donc établir un rapport, c'est par les valeurs que je commencerais.
Il faut partir des valeurs, parce qu'on peut alors avoir un débat visant à déterminer si le système que nous avons présentement en tient compte ou non. Il faut prendre en compte, d'une façon quelconque, le biais que notre système crée en faveur des titulaires.
Si le tableau qui se dessine est le fait que nous devrions aller de l'avant, la question suivante à se poser est de savoir s'il faut avancer à vitesse grand V ou graduellement.
Je crois que tout le monde convient que quelque chose ne va pas dans cet écosystème, mais je ne crois pas que l'échange avec les Canadiens devrait porter sur les aspects techniques précis. Il devrait porter sur les résultats souhaités. Si nous arrivons tous à la conclusion que nous voulons augmenter la participation électorale, mais changeons le système d'une façon qui créera davantage de confusion, la participation électorale baissera et une plus grande apathie s'installera dans le système. Comme lutter contre ça?
:
Il s'agit là, je crois, d'une mauvaise interprétation des articles 40 et 41. Je ne considère pas que cet aspect est révolu.
Pour les parties des articles 40 et 41 qui décrivent des choses précises qui ont été remplacées, bien sûr, ces choses-là sont révolues, mais l'intention est claire: les questions électorales sont entre les mains du Parlement, et cela tient toujours, à mon avis, sur le plan constitutionnel.
Il faut comprendre que la Grande-Bretagne a imposé divers systèmes électoraux à divers pays. L'Irlande est un bon exemple de pays à qui elle a imposé le VUT parce qu'elle voulait maintenir l'écart entre les différents groupes irlandais, ce qui les rendrait plus faibles dans leur opposition à l'autorité britannique. On peut voir ce genre de choix partout dans le monde. En fait, il s'est avéré que ce système a fonctionné pour les Irlandais, que ceux-ci l'aiment et l'ont gardé. C'est une de ces choses qui n'a pas fonctionné.
Cependant, dans le contexte canadien, la Grande-Bretagne n'a pas fait cela. La plus grande influence sur notre système électoral a probablement été les systèmes électoraux précanadiens que nous utilisions à l'époque de la Province unie du Canada et des diverses colonies; dans un certain sens, donc, les politiciens ont simplement poursuivi ce qu'ils faisaient avant.
Là où les gens se trompent, c'est de dire que notre Constitution exige que nous ayons une constitution semblable à celle de la Grande-Bretagne, soit le scrutin majoritaire uninominal à un tour. Bien sûr, ce n'est pas ce qu'elle dit, parce que bien que la Grande-Bretagne pratiquait le scrutin majoritaire uninominal à un tour en 1867, elle n'était certainement pas fixée sur des circonscriptions représentées par un seul député. Il y avait des circonscriptions représentées par plusieurs députés. Elle a utilisé le vote cumulatif et le vote limité pour différentes élections. Elle a utilisé le VUT pour des élections universitaires, et tout ceci à la Chambre des communes.
Si nous nous inspirons du vaisseau-mère, il y a de nombreux exemples de situations où elle a essayé différents systèmes électoraux.
:
Je vous remercie, monsieur le président.
La question dont nous débattons aujourd'hui se situe au coeur même de notre démocratie. C'est, en effet, une des décisions les plus importantes que nous ayons à prendre, car le mode d'élection est à la base même de notre système politique. Tout le reste dépend de nos représentants élus. Tout — le budget, les impôts, les politiques nationales, les affaires internationales, la défense — est du ressort de nos élus. Le mode de scrutin est le fondement même de notre vie politique.
Il se situe au coeur de notre démocratie. D'après moi, le mode de scrutin est notre institution la plus importante. Son importance dépasse celle du gouverneur général, du premier ministre. Il n'y a rien de plus important. C'est d'ailleurs pour cela que la question est aussi délicate. Il nous faut donc agir avec précaution.
Or, le moyen de s'assurer qu'on va dans le bon sens est de solliciter l'avis de la population. Je ne suis pas le seul à le penser. Permettez-moi de citer un ministre influent du Cabinet du gouvernement libéral, l', ancien chef du Parti libéral, qui a, pendant 20 ans, enseigné à l'université et qui est connu dans le pays tout entier. C'est lui qui a dit:
[Français]
Les précédents rendent un référendum incontournable au Canada: pour changer de mode de scrutin, il faut obtenir l'appui du peuple.
[Traduction]
Ce n'est pas un conservateur qui a dit cela. C'était un ministre influent du gouvernement libéral, un des piliers du gouvernement. Sur de nombreuses questions, je ne suis pas d'accord avec lui, mais je respecte son intelligence, la position qu'il occupe au sein des milieux universitaires, la thèse de doctorat qu'on lui doit. Je peux vous dire que, sur cette question, il a entièrement raison. En démocratie, on ne se trompe jamais en demandant aux citoyens de se prononcer sur leur avenir.
Monsieur le président, nous reconnaissons tous que notre mode de scrutin actuel n'est pas idéal.
[Français]
Il ne l'est absolument pas, et malheur à celui qui pense le contraire. Il n'y a pas de système parfait. C'est la raison pour laquelle, lorsqu'on veut changer quelque chose, il faut être vraiment certain de ce que l'on fait. Je vous rappelle qu'il a fallu 11 ans à la Nouvelle-Zélande pour réaliser ce qu'elle a fait.
Monsieur Pilon, nous ne partageons pas le même point de vue sur le référendum. Vous avez tout à fait le droit de penser comme vous le faites. Vous n'êtes pas le seul à être de cet avis. C'est notre cas également: nous ne sommes pas les seuls à vouloir un référendum. Il y a des gens de tous les horizons: les souverainistes du Bloc québécois, de grands fédéralistes reconnus comme Stéphane Dion, et nous, les conservateurs. Nous pensons que, s'il faut changer le système électoral, soit l'institution la plus importante de notre démocratie, cela doit se faire en consultant la population.
Monsieur Pilon, vous ne pensez pas cela. Vous pensez que nous ne devrions pas tenir de consultation référendaire? Comment pouvez-vous prétendre savoir ce qui est bon pour les gens si vous ne leur demandez pas?