Passer au contenu

Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document

42e LÉGISLATURE, 1re SESSION

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 046

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 2 mai 2016




Emblème de la Chambre des communes

Débats de la Chambre des communes

VOLUME 148
NUMÉRO 046
1re SESSION
42e LÉGISLATURE

COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)

Le lundi 2 mai 2016

Présidence de l'honorable Geoff Regan


    La séance est ouverte à 11 heures.

Prière



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Initiatives parlementaires]

(1105)

[Traduction]

Loi visant à protéger les femmes enceintes et leur enfant à naître (loi de Cassie et Molly)

    — Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi d'intervenir aujourd'hui en faveur de mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-225, Loi visant à protéger les femmes enceintes et leur enfant à naître, que j'appelle loi de Cassie et Molly.
    Ce qui m'a incitée à présenter ce projet de loi, c'est d'apprendre l'histoire très tragique de Cassie et Molly Kaake, de Windsor, en Ontario. Cassie était enceinte de sept mois de Molly lorsque, en décembre 2014, elle a été attaquée et tuée brutalement chez elle. Le père de Molly, Jeff Durham, travaille sans relâche pour qu'un peu de bien puisse ressortir de cette horrible tragédie.
    J'aimerais citer un extrait de la déclaration faite par Jeff Durham le jour où j'ai présenté ce projet de loi à la Chambre. Voici ce qu'il a dit:
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit que ni Cassie ni une autre femme enceinte victime d'homicide ou de violence ne souhaiteraient qu'on ne tienne pas compte de leur choix, de leur bébé. Elles ne sont plus ici pour affirmer que cette mesure législative est nécessaire; toutefois, je me fais leur porte-parole pour dire à tous ceux qui ont une conscience et le pouvoir de faire quelque chose que ce projet de loi est bel et bien nécessaire.
    J'aimerais maintenant expliquer ce que le projet de loi C-225 permettrait de faire et, chose tout aussi importante, ce qu'il interdirait.
    Le projet de loi érigerait en infraction le fait de blesser un enfant à naître ou de causer sa mort en perpétrant ou en tentant de perpétrer une infraction criminelle contre une femme en sachant qu'elle est enceinte — par exemple, en agressant ou en tuant une femme enceinte. Ces infractions ne seraient pas des infractions indépendantes, en ce sens qu'elles ne s'appliqueraient, je le souligne, que lorsqu'une personne commettrait ou tenterait de commettre une infraction criminelle contre une femme enceinte. Il faudrait en outre que le délinquant sache que la femme contre laquelle il commet l'infraction est enceinte. Les nouvelles infractions sont désignées comme suit: « causer la mort d’un enfant à naître lors de la perpétration d'une infraction » et « blesser un enfant à naître lors de la perpétration d'une infraction ». 
    Cette mesure législative permettrait de porter deux accusations lorsqu'une attaque contre une femme enceinte entraîne la mort de son enfant à naître ou lui cause des lésions. La première accusation serait liée à l'infraction criminelle contre la femme et la seconde se rapporterait à l'une des deux nouvelles infractions créées par le projet de loi, soit causer la mort de l'enfant à naître ou lui infliger des blessures.
    Le projet de loi ajouterait aussi la grossesse à la liste des facteurs aggravants qui sont pris en compte pour la détermination de la peine. Même si les juges peuvent déjà considérer la grossesse comme un facteur aggravant, en inscrivant celle-ci dans les lois pénales, nous dénoncerions clairement et fermement la violence faite aux femmes enceintes. Nous avons consulté la jurisprudence en la matière, ce qui nous a permis de constater que, bien souvent, nous ne savons pas exactement dans quelle mesure la grossesse est prise en compte pour la détermination de la peine. Cette mesure législative enverrait un message fort aux tribunaux: la grossesse doit maintenant être prise en compte au moment de la détermination de la peine.
    La grossesse devrait être une période heureuse et excitante et l'occasion de bâtir une famille et une nouvelle génération. Malheureusement, la triste histoire de Cassie et Molly ainsi que le sort tragique que connaissent beaucoup trop de femmes canadiennes, simplement parce qu'elles ont fait le choix de mener leur grossesse à terme, nous rappellent que la sécurité des femmes est encore menacée.
    Selon le Système canadien de surveillance périnatale, les femmes violentées pendant leur grossesse sont quatre fois plus susceptibles que les autres femmes violentées d'être victimes d'actes de violence graves; par exemple, elles peuvent être battues, étranglées, menacées avec une arme à feu ou un couteau ou agressées sexuellement. La loi de Cassie et Molly aurait un fort effet dissuasif sur tous ceux qui seraient tentés de commettre un acte de violence envers une femme enceinte, car les peines imposées aux personnes qui causeraient intentionnellement la mort d'un enfant à naître seraient très sévères.
    Selon le droit pénal actuel, si une femme enceinte survit à une agression, mais que son enfant meurt, l'agresseur est seulement accusé de voies de fait graves envers la femme, une infraction passible d'une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans. Conformément à la loi de Cassie et Molly, l'agresseur serait accusé non seulement d'avoir agressé la femme, mais aussi d'avoir causé la mort de son enfant à naître. Si l'intention de l'agresseur était de tuer l'enfant à naître, il serait passible d'une peine d'emprisonnement à perpétuité, et la peine minimale prévue serait de 10 ans. Il s'agit d'une peine beaucoup plus sévère que ce que l'agresseur recevrait s'il était accusé uniquement de voies de fait à l'égard de la femme.
    En outre, le juge disposerait du pouvoir discrétionnaire d'imposer des peines consécutives ou concurrentes. Par conséquent, dans les cas où la nouvelle loi serait appliquée, le juge pourrait imposer à l'agresseur de purger de façon consécutive une peine pour chaque infraction commise. Dans les cas les plus tragiques, la femme et son enfant à naître meurent, comme ce fut le cas de Cassie et Molly. Ce fut également le cas d'Olivia et de Lane fils. Dans ce dernier cas, l'agresseur a avoué que son intention avait été de tuer l'enfant et il a donc tiré trois balles dans l'abdomen d'Olivia, puis deux balles dans sa tête. Dans de tels cas, le juge pourra imposer deux peines d'emprisonnement à perpétuité et il pourra exiger que ces peines soient purgées de façon consécutive.
    Je tiens à être très claire quant à l'intention de ce projet de loi. Je veux éviter tout malentendu. La loi de Cassie et Molly vise à protéger les femmes enceintes et leur enfant à naître contre les actes de tierces parties pouvant leur vouloir du tort. Elle protégerait les femmes enceintes qui décident de mener leur grossesse à terme en toute sécurité.
(1110)
    Les juristes m'ont assuré que ce projet de loi ne peut, d'aucune façon, être utilisé pour influer sur le choix d'une femme de mettre fin à sa grossesse. L'avortement est, par définition, exclu du projet de loi parce qu'il est précisé clairement dans celui-ci que le fait de blesser un enfant à naître ou de causer sa mort constituera une infraction seulement si la personne le fait, et je cite le projet de loi, « en perpétrant ou en tentant de perpétrer une infraction prévue par la présente loi contre une personne du sexe féminin qu’elle sait enceinte ».
    Je veux insister sur le fait que ces nouvelles infractions, prévues dans la loi de Cassie et Molly, ne sont pas des infractions indépendantes. Elles s'appliquent uniquement à des situations où un tiers blesse ou tue l'enfant à naître d'une femme en perpétrant ou en tentant de perpétrer une infraction criminelle contre elle, évidemment sans son consentement.
    La mesure législative respecte et protège le droit d'une femme de choisir de donner naissance à son enfant sans risquer de se faire blesser par des tiers, contre son gré.
    Cassie avait choisi d'avoir Molly et se réjouissait tellement à l'idée de devenir sa mère. Comme le père de Molly, Jeff, l'a affirmé:
    Avant qu'elles soient tuées, Cassie était plus heureuse qu'elle ne l'avait jamais été. Elle était heureuse d'avoir choisi de donner naissance à sa fille. Tous les gens qui la connaissaient ne pouvaient s'empêcher de constater à quel point elle débordait d'enthousiasme et d'impatience.
    Comme l'indique clairement son titre, le projet de loi C-225 protégerait les femmes enceintes et leur enfant à naître. Notre système de santé offre déjà des protections considérables aux enfants à naître, alors pourquoi notre système de justice pénale ne ferait-il pas de même? Dans le domaine de la foetologie, les chirurgiens sont en mesure d'exécuter des opérations délicates tandis que le bébé est encore dans l'utérus, notamment pour traiter le spina bifida ou pour faire une intervention cardiaque qui sauve la vie de l'enfant à naître.
    Quand une femme enceinte est acheminée rapidement à l'hôpital après avoir subi des blessures graves dans un accident de la route, les médecins font tout en leur pouvoir pour sauver tant la vie de la mère que celle de l'enfant à naître. Même si la mère meurt tragiquement, les médecins n'abandonnent pas espoir de sauver la vie de son bébé. Personne ne remet en doute ces décisions stratégiques parce qu'elles sont logiques. Il est parfaitement sensé de sauver le bébé in utero qui tente de survivre après que sa mère a été blessée ou tuée dans un accident de la route.
    Toutefois, dans la maison d'en face, une autre femme enceinte se fait battre et reçoit des coups de pieds dans l'abdomen, ce qui entraîne la perte de son bébé. Ce qui n'a pas de sens, c'est que l'enfant de cette femme n'a aucune importance dans notre système judiciaire, comme ce fut le cas pour Molly et pour Lane fils. Notre système judiciaire dit que cela n'a pas d'importance que la vie de l'enfant à naître soit brutalement enlevée lorsque la mère est brutalement attaquée.
    Pourquoi, au moment où elles sont le plus vulnérables, les femmes ne bénéficient-elles pas de l'appui du système de justice pénale pour protéger ce qui leur est le plus précieux? Cette situation est tout simplement inadmissible et absolument illogique lorsqu'on la compare aux efforts et ressources que le système de soins de santé consent pour améliorer et sauver des vies avant la naissance.
    Personne ne soutient que pour protéger le droit à l'avortement, il ne faudrait pas faire de chirurgies pour sauver des enfants à naître. Les deux types d'intervention sont permis dans nos hôpitaux, à la demande de la femme qui porte l'enfant.
    Le système de justice pénale devrait aborder la question sous le même angle. Si le système de soins de santé permet que la pratique de l'avortement coexiste avec des chirurgies pour sauver la vie d'enfants non encore nés, on devrait également permettre que l'avortement légal coexiste avec une loi qui érige en acte criminel le fait de blesser ou de tuer un enfant à naître, contre le gré de la femme qui le porte. Ce serait faire preuve d'incohérence et de manque de compassion que d'agir autrement.
    J'aborde maintenant certaines préoccupations qu'ont exprimées les professionnels de la santé dans le passé. Si j'ai bien compris, plusieurs groupes de médecins ont dit craindre qu'une mesure législative similaire, en l'occurrence le projet de loi C-484, qui a été débattu au Parlement en 2008, criminalise les médecins qui pratiquent des avortements. Je tiens à assurer les médecins du Canada que j'ai attentivement examiné ces préoccupations lors de la rédaction de la loi de Cassie et Molly. Le projet de loi C-484 comportait une clause précisant explicitement qu'il était entendu que l'avortement consensuel était exclu de l'application de la loi. Quoi qu'il en soit, cette disposition préoccupait certains médecins qui craignaient d'être poursuivis en justice pour avoir pratiqué des avortements. La disposition dont je viens de parler n'était pas absolument nécessaire et n'a été incluse dans la loi que pour en préciser la portée.
    Comme la disposition en question n'a pas eu l'effet recherché, soit de préciser que la pratique de l'avortement ne serait pas criminalisée, et compte tenu de l'avis de mon rédacteur juridique, j'ai décidé de ne pas inclure cette disposition dans le projet de loi que je présente. Des experts juristes m'ont assurée que cette mesure législative ne peut servir à criminaliser des médecins qui effectuent des avortements. J'ai bon espoir que cette nouvelle approche dissipera les préoccupations que le projet de loi précédent a suscitées chez les médecins canadiens.
(1115)
    Le projet de loi ne nuit pas au travail des médecins parce qu'une personne pourrait être accusée de l'une des nouvelles infractions prévues dans le projet de loi seulement si elle perpètre ou tente de perpétrer une infraction contre une femme enceinte. Un médecin qui pratique un avortement sur une femme consentante ne perpètre pas d'infraction contre elle étant donné que l'avortement n'est plus une infraction au Code criminel canadien depuis 1988.
    Par conséquent, les nouvelles infractions ne s'appliqueraient pas dans un tel cas. Ce ne sont pas des infractions distinctes étant donné qu'une personne peut seulement les commettre en perpétrant ou en tentant de perpétrer une infraction contre une femme.
    Des juristes m'ont également assuré que l'on ne peut pas invoquer la loi de Cassie et Molly pour poursuivre en justice au Canada une femme enceinte qui cause un préjudice à son enfant à naître parce que, par définition, les nouvelles infractions s'appliquent seulement lorsqu'une personne pose sciemment un geste criminel contre une femme enceinte et blesse ou tue de ce fait l'enfant à naître. Autrement dit, le projet de loi vise exclusivement les tiers qui commettent volontairement un acte criminel à l'encontre d'une femme enceinte et qui, ce faisant, blessent ou tuent l'enfant à naître.
    Il faut surtout retenir que les tribunaux ne pourraient jamais invoquer le projet de loi C-225 comme précédent pour criminaliser le comportement d'une femme enceinte parce que le système canadien de justice pénale ne permet pas aux tribunaux de créer des infractions criminelles. C'est un pouvoir exclusif du Parlement. La loi de Cassie et Molly ne pourra absolument jamais être utilisée, ni aujourd'hui ni plus tard, pour criminaliser un comportement ou un manquement de la part d'une femme enceinte à l'égard de sa grossesse.
    Il faut aussi dissiper toute confusion en ce qui concerne le projet de loi et la manière dont le Code criminel définit l'« être humain ». Le projet de loi ne modifie pas la définition juridique d'« être humain » ni n'accorde le statut de personne au foetus, comme certains détracteurs le prétendent. Comme la définition inscrite dans le Code criminel exclut les enfants à naître, les infractions criminelles portant atteinte aux êtres humains, notamment le meurtre, l'homicide involontaire et les voies de fait, ne s'appliquent pas si l'enfant à naître est blessé ou tué lorsqu'une femme enceinte se fait agresser. Le projet de loi crée plutôt deux toutes nouvelles infractions qui s'appliqueraient dans des circonstances très précises, c'est-à-dire lorsqu'un enfant à naître est blessé ou tué pendant la perpétration d'une infraction contre sa mère, et ce, bien que les enfants à naître ne soient pas considérés comme des êtres humains en droit criminel canadien.
    Le droit criminel peut servir à protéger d'autres êtres que ceux qu'englobe la définition d'« être humain » du Code criminel. Par exemple, l'article 238 du Code criminel protège déjà l'enfant pendant sa « mise au monde ». Est ainsi coupable d’un acte criminel toute personne qui, au cours de la mise au monde, cause la mort d’un enfant qui n’est pas devenu un être humain selon la définition du Code criminel, de telle manière que, si l’enfant était un être humain, cette personne serait coupable de meurtre.
    Des lois pénales protègent les animaux contre la cruauté et interdisent de les tuer ou de les blesser de façon illicite. Le droit pénal contient également des mesures de protection contre la destruction de la propriété privée.
    Les familles sont le fondement de notre pays. Il manque au Code criminel un élément crucial pour protéger les Canadiennes et leur famille. Le renforcement des sanctions prévues dans la loi de Cassie et Molly crée un mécanisme juridique qui améliorera la sécurité des Canadiennes en tenant compte de l'importance de la sécurité de leur famille. Il s'agit d'une approche ciblée, robuste et sensée qui vise à combler une lacune dans le Code criminel, lacune qui rend vulnérables les femmes et leur enfant à naître.
    Je suis sincèrement convaincue que mes collègues veulent faire ce qui leur apparaît juste et compatissant. Ne fermons pas les yeux sur cette violation brutale du choix de Cassie de poursuivre sa grossesse. Ne fermons pas les yeux sur la mort de Molly.
    En tant que parlementaires, nous avons enfin l'occasion de faire quelque chose de bon à partir d'une horrible tragédie, qui n'est qu'un des multiples cas de ce genre.
    J'espère sincèrement que nous pourrons mettre la partisanerie de côté. Je demande à tous mes collègues d'écouter leur conscience. Je leur demande de tenir compte de ce que les Canadiens ordinaires savent instinctivement, à savoir qu'il est répréhensible de porter atteinte à la grossesse d'une femme et de causer contre son gré la mort de son enfant à être.
    À titre de législateurs, nous devons assumer notre responsabilité de protéger les innocents en nous appuyant sur un raisonnement solide, mais empreint de compassion et de bienveillance.
    Protégeons les femmes enceintes. Unissons nos efforts pour augmenter les chances qu'une femme enceinte puisse poursuivre sa grossesse, à l'abri de la violence. Protégeons l'enfant qu'il lui tarde d'accueillir au sein de sa famille.
    Le Code criminel est l'un des outils mis à la disposition des parlementaires fédéraux pour offrir cette protection des plus nécessaire. Nous sommes au XXIe siècle; il est temps d'agir.
     Protégeons les femmes enceintes et leur enfant à naître. Votons pour la loi de Cassie et Molly.
(1120)

[Français]

    Monsieur le Président, je félicite la députée pour son travail dans ce dossier, qui lui tient clairement à coeur. Elle ne trouvera personne ici qui ne pense pas que la vie est importante. Toutefois, il s'agit clairement d'un projet de loi qui vise à rouvrir le débat sur l'avortement. Des protections pour les mères existent déjà dans la loi. La grossesse est déjà une considération de notre système de justice dans le cadre de la détermination de la peine.
    Effectivement, ce projet de loi risque de réduire la totalité des peines, puisque celles-ci seraient simultanées au lieu de consécutives.
    Selon ma collègue, comment ce projet de loi changerait-il concrètement le comportement de ceux qui posent des gestes violents contre les femmes?

[Traduction]

    Manifestement, monsieur le Président, le député a préparé sa question avant mon allocution ou, possiblement, il ne m'a pas écoutée.
    La mesure législative est très claire. Elle ne modifierait d'aucune façon la définition d'« être humain ». Il n'est pas question de circonstances où une femme risquerait le moindrement d'être mise en accusation. On parle d'un tiers qui commettrait un acte criminel contre une femme, sachant qu'elle est enceinte, et qui blesserait ou tuerait l'enfant à naître.
    Il y a des femmes dans tout le pays à qui cette mesure législative s'appliquerait. Une femme, c'est une femme. Nous voulons mener nos grossesses à terme. Nous voulons avoir le droit de choisir d'avoir un enfant; nous voulons que cette mesure législative soit adoptée.
    Une jeune femme m'a écrit. Elle a fait une fausse couche, ce qui l'a profondément bouleversée. Elle est tombée de nouveau enceinte, mais elle n'était pas prête à fonder une famille; elle a donc choisi de se faire avorter. Maintenant qu'elle a des enfants, elle réclame cette mesure législative.
    Aujourd'hui, je ne parle pas seulement en mon nom, mais au nom des femmes de tout le pays. Nous devrions avoir depuis longtemps une telle mesure législative pour les protéger, de même que leurs enfants à naître.
    Monsieur le Président, au Canada, nous savons que la vaste majorité des femmes qui sont assassinées le sont par quelqu'un qu'elles connaissent. Neuf femmes sur dix sont tuées par une connaissance ou, pire encore, par leur mari ou leur partenaire intime.
    J'aimerais savoir ce que la députée pense de la nécessité pour le Canada de se doter d'une stratégie nationale sur la violence conjugale pour lutter contre la violence faite aux femmes. J'espère que l'on accordera une plus grande priorité à cette stratégie, puisqu'elle concerne la plupart des femmes et qu'elle aura une incidence considérable sur les femmes et leurs familles.
    Monsieur le Président, nous nous soucions de toute forme de violence contre les femmes, les hommes et les enfants, quelles qu'en soient les circonstances.
    La vérité, c'est que cela doit faire l'objet d'une loi particulière en raison de la vulnérabilité exacerbée des femmes qui veulent mener leur grossesse à terme et qui se retrouvent dans une situation comme celle de Cassie. Quelqu'un est entré chez elle alors qu'elle en était à son 7e mois et qu'elle était prête à accoucher. Elle a été attaquée d'une façon dont je ne veux même pas parler, mais l'agression était manifestement dirigée aussi vers l'enfant qui s'apprêtait à naître.
    Partout, il y a des situations où nous devons prendre position en tant que Canadiens et agir au nom des plus vulnérables. Dans le cas qui nous occupe, les femmes qui sont attaquées sont des femmes vulnérables qui veulent mener leur grossesse à terme. Cette loi doit être mise en place.
(1125)
    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour participer au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-225, Loi modifiant le Code criminel pour ce qui est de blesser un enfant à naître ou causer sa mort lors de la perpétration d'une infraction.
    Je tiens d'abord à remercier la députée de Yorkton—Melville de la compassion et de la sincérité dont elle fait preuve en présentant le projet de loi. Je tiens également à lui faire savoir que j'ai écouté avec beaucoup d'attention son discours et que j'ai lu très minutieusement le projet de loi. J'ai aussi examiné des cas de jurisprudence et certaines questions dont a déjà été saisie la Chambre.
    Le projet de loi C-225 érigerait en une infraction distincte le fait de blesser un enfant à naître ou de causer sa mort lors de la perpétration d'une infraction contre la mère. Des réformes semblables, mais non identiques ont été présentées à la Chambre dans deux anciens projets de loi d'initiative parlementaire: le projet de loi C-484, Loi modifiant le Code criminel (blesser ou causer la mort d’un enfant non encore né au cours de la perpétration d’une infraction), et le projet de loi C-291, Loi modifiant le Code criminel (blesser un enfant avant ou pendant sa naissance ou causer sa mort au cours de la perpétration d'une infraction). Le projet de loi C-484 est mort au Feuilleton en 2008, et le projet de loi C-291 a été reconnu comme ne pouvant pas faire l'objet d'un vote, en 2006, parce qu'on a jugé qu'il ne respectait pas l'esprit de la Charte.
    Contrairement à ces projets de loi antérieurs, le projet de loi C-225 vise à inclure, dans les facteurs aggravants servant à déterminer la peine, la grossesse d'une femme contre laquelle une infraction est commise. Nous pouvons tous convenir qu'il est urgent de protéger les femmes contre la violence, notamment les femmes enceintes. D'ailleurs, j'ai passé une bonne partie de ma vie adulte à lutter contre les problèmes de violence conjugale et à m'efforcer de protéger nos concitoyens les plus vulnérables, en particulier les femmes et les femmes enceintes.
    Cependant, je crains que la plupart des dispositions du projet de loi C-225 ne nous soient pas utiles en fin de compte pour protéger les femmes contre la violence. Si nous voulons atteindre cet objectif, il nous faut protéger les femmes avant tout, et non le foetus. Mettre l'accent sur la protection du foetus risque d'avoir des conséquences néfastes et inattendues sur les femmes, en particulier sur leur droit à l'avortement. Je m'explique.
    Premièrement, si l'on veut protéger les femmes contre la violence, il faudrait probablement infliger des peines d'emprisonnement plus longues aux personnes coupables de cette violence. Or, imposer à un délinquant des peines distinctes pour deux infractions contre une femme enceinte, la première pour le mal fait au foetus et la deuxième pour le mal fait à sa mère n'aura vraisemblablement pas pour effet d'allonger la durée de l'emprisonnement. En effet, dans le cas où deux chefs d'accusation sont issus des mêmes faits ou des mêmes événements, le délinquant déclaré coupable purge généralement les deux peines simultanément. Autrement dit, il est peu probable qu'après l'ajout de ces circonstances aggravantes dans le Code criminel, le délinquant déclaré coupable de deux infractions purge une peine plus longue que s'il était coupable d'une seule.
    Deuxièmement, la loi protège déjà les femmes enceintes contre la violence. La jurisprudence fait de la grossesse un facteur aggravant lorsqu'une infraction est commise contre une femme enceinte, et le délinquant est alors sévèrement puni. Par exemple, en 2015, dans l'affaire R. c. Grandine, la Cour supérieure de justice de l'Ontario a imposé une peine de 15 ans d'emprisonnement à un délinquant ayant commis un homicide involontaire coupable sur la personne de sa femme, qui était enceinte de 20 semaines. Le juge s'est exprimé très précisément sur ce point: « [...] Je considère la grossesse de la défunte comme un facteur aggravant. »
    Le droit pénal contient déjà plusieurs dispositions sur les actes de violence contre les femmes enceintes.
    Le paragraphe 223(2) et l'article 238 du Code criminel prévoient une peine maximale d'emprisonnement à perpétuité pour toute personne qui, au cours de la mise au monde, cause la mort d’un enfant qui n’est pas devenu un être humain dans certaines circonstances. Le paragraphe 223(1) précise qu'un enfant devient un être humain lorsqu’il est complètement sorti, vivant, du sein de sa mère.
    Le Code criminel contient des dispositions détaillées sur les agressions et les homicides qui s'appliquent aux actes de violence envers les femmes enceintes, et la jurisprudence démontre que le fait de commettre une agression envers une femme enceinte constitue une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine, et que cette infraction est sévèrement punie.
    Je sais que le projet de loi C-225 ne toucherait pas directement le droit des femmes au libre choix. Cependant, étant donné que les infractions proposées s'appliquent à un foetus, peu importe son stade de développement avant la naissance, elles pourraient s'appliquer à partir du moment de la conception et accorderaient ainsi au foetus un statut qui n'est pas actuellement reconnu dans la loi.
(1130)
    De plus, comme l'a souligné la députée de Yorkton—Melville, contrairement au projet de loi C-484, le projet de loi C-225 ne précise pas que les infractions proposées ne ciblent pas l'interruption légale de la grossesse, les personnes agissant de bonne foi qui prennent des mesures pour préserver la vie de la mère ou de l'enfant, ou un acte ou une omission de la part de la mère.
    Je crois que les réformes proposées dans le projet de loi posent un grave problème dans la mesure où elles touchent indirectement les droits des femmes. Les circonstances permettant de limiter le droit des femmes au libre choix ont été établies en 1988, dans l'arrêt Morgentaler de la Cour suprême du Canada, et nous savons depuis longtemps que toute forme de limite à l'accès à l'avortement doit respecter les droits de la femme garantis par l'article 7 de la Charte.
    La femme et son foetus sont indivisibles. Protéger la femme implique nécessairement de protéger son foetus. Il faut donc se concentrer sur la protection des femmes enceintes contre la violence qu'elles subissent. Or, ce n'est pas en apportant des modifications législatives qui pourraient limiter les droits de la femme garantis par l'article 7 de la Charte qu'on réglera le grave problème de la violence envers les femmes enceintes. La violence fondée sur le sexe est tout simplement inacceptable dans notre société.
    Le gouvernement libéral s'est engagé à mettre fin à toutes les formes de violence contre les femmes. Une stratégie fédérale et un plan d'action sur la violence basée sur le genre sont en cours d'élaboration. Ces mesures viseront, entre autres, à protéger davantage les victimes de violence familiale grâce à l'amélioration de la prévention, du soutien aux victimes et des interventions appropriées du système de justice. La meilleure façon de protéger les femmes enceintes, c'est d'aborder le problème sous l'angle de la violence faite aux femmes.
    Le système criminel prend déjà très au sérieux les sévices à l'endroit d'une femme enceinte. Les juges considèrent généralement qu'il s'agit d'un facteur aggravant pour la détermination de la peine. Peut-être aurait-il lieu de traiter ces cas plus clairement dans le Code criminel, mais je ne suis pas convaincu que le projet de loi C-225 soit la meilleure façon de procéder. En effet, il vise principalement à protéger le foetus en créant une infraction distincte pour ceux qui cherchent à lui faire du mal, et non à protéger les femmes enceintes en enchâssant dans la loi un principe souvent utilisé par les juges chargés de prononcer la peine.
    Le projet de loi C-225 poursuit des intentions louables. La compassion et la sincérité de la députée ne font aucun doute. Je doute toutefois, très respectueusement, que cette mesure puisse atteindre cet objectif crucial qu'est la protection des femmes enceintes. Je m'y opposerai donc, pour les raisons que voici.
     La loi criminelle accorde déjà beaucoup d'importance à la violence contre les femmes, y compris les femmes enceintes. De plus, le projet de loi ne fait rien pour régler, de façon plus générale, le problème de la violence contre les femmes. Je crois également qu'il risque d'être contesté en vertu de la Charte.
    Je remercie la marraine de cette mesure de l'avoir soumise à la Chambre. La violence contre les femmes est un crime terrible qui touche chacun d'entre nous et doit disparaître de notre société. Je joins ma voix à celle de la députée pour la condamner.
    Monsieur le Président, j'aimerais d'abord dire quelques mots aux personnes qui, j'en suis persuadé, suivent ce débat de près.
    À Jeff Durham, à ses amis, à sa famille et aux gens de Windsor, en Ontario, qui sont à ses côtés depuis décembre 2014, et à tous ceux qui ont perdu des êtres chers par suite d'actes de violence, j'aimerais dire que tous les parlementaires sont avec eux. Je ne peux imaginer l'intensité de leur douleur. Cependant, nous pouvons tous voir leur force et leur détermination à lutter pour faire en sorte que d'autres Canadiens n'aient pas à vivre la même chose.
    Je tiens à souligner l'allocution passionnée qu'a prononcée ma collègue de Yorkton—Melville. J'espère que tous les députés, quelle que soit leur position sur la mesure à l'étude, en profiteront pour se consacrer à nouveau à l'objectif, non seulement de réduire la violence à l'égard des femmes, mais aussi de l'enrayer.
    Permettez-moi de dire d'emblée que, bien que je comprenne l'important objectif du projet de loi et que j'y sois sensible, j'ai de sérieuses réserves quant aux répercussions juridiques de certaines des dispositions qu'il contient. Qu'elles soient intentionnelles ou fortuites, certaines des dispositions auraient des conséquences qui iraient bien au-delà du principe et de la portée du projet de loi. Après avoir examiné le document avec soin, nous avons décidé que ses lacunes sont si fondamentales et si potentiellement nuisibles qu'elles mineraient l'objectif même de la mesure législative. En conséquence, nous n'appuierons pas le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
    Pour la première fois, et en dépit des nombreux arrêts prononcés par la Cour suprême du Canada, le projet de loi viendrait distinguer le foetus de sa mère sur le plan juridique. Cette distinction raviverait immanquablement le débat sur les droits des femmes en matière de procréation, que les Canadiens ont clos de façon juste et définitive. Rappelons que depuis 1987, la question a fait l'objet de plus de 40 projets de loi ou motions à la Chambre.
    La députée de Yorkton—Melville affirme que le projet de loi ne rouvrirait pas le débat sur les droits génésiques des femmes et qu'il exclut explicitement l'avortement. Cependant, même si le projet de loi ne vise pas cet objectif, il reste que celui-ci préparerait le terrain pour une reprise du débat controversé sur les droits des femmes en matière de procréation.
    Si les députés ont l'impression de reconnaître les dispositions, c'est parce qu'elles correspondent presque mot pour mot à une mesure proposée dans le projet de loi C-484, la Loi sur les enfants non encore nés victimes d'actes criminels. La députée ne semble pas saisir que le fait d'inscrire le terme « enfant à naître » dans la loi aura des répercussions sur l'application de celle-ci. En voici la définition: « l’enfant — peu importe son stade de développement — qui n’est pas encore un être humain. »
    Premièrement, je fais remarquer qu'en vertu des dispositions actuelles les juges considèrent déjà comme un facteur aggravant le fait que la victime soit enceinte, et ce, malgré l'absence dans le Code criminel d'une obligation légale de le faire. Deuxièmement, je signale que l'assassin de Cassandra est passible de la peine la plus sévère au Canada depuis l'abolition de la peine capitale, nommément, une peine d'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pendant au moins 25 ans. Troisièmement, les membres de la famille de la victime auront l'occasion de s'exprimer devant la cour au moyen d'une déclaration de la victime. Quatrièmement, même si une accusation supplémentaire était portée pour la mort du foetus, la peine encourue serait vraisemblablement purgée concurremment, en même temps que la peine à perpétuité pour le meurtre au premier degré de la mère, ce qui n'aurait pas pour effet de prolonger la peine totale à purger.
    Le projet de loi dont j'ai parlé plus tôt a été débattu en 2007. S'il n'a pas été adopté à l'époque, c'est en partie en réponse à l'opposition de plus de 100 organisations canadiennes dont beaucoup se consacrent entièrement à la lutte contre la violence à l'endroit des femmes et à la défense des droits de tous. Nous ne pouvons adopter un projet de loi vicié qui n'offre aucune aide aux personnes qu'il est censé protéger et qui risque même de nuire aux droits constitutionnels des femmes canadiennes.
(1135)
    En effet, selon l'expérience des administrations qui ont adopté de telles lois, notamment de nombreux États américains, ces lois n'ont pas réussi à réduire la violence contre les femmes et, malgré les bonnes intentions de leurs parrains, elles ont servi à poursuivre certaines mères.
    Que faut-il faire?
    La meilleure façon de protéger les foetus consiste bien sûr à protéger les mères, ce qui signifie protéger directement les femmes enceintes en leur offrant toutes les ressources nécessaires pour qu'elles mènent à bien leur grossesse et en assurant le respect de leurs droits constitutionnels. Ensuite, il faut adopter une approche holistique pour mettre fin à la violence contre les femmes en protégeant leurs droits constitutionnels et en prévenant la violence, notamment la violence entre partenaires intimes.
    Le gouvernement actuel a fait des promesses sur ce sujet pendant la dernière campagne électorale, notamment la modification du Code criminel pour s'attaquer à la violence entre partenaires intimes, celle-ci étant ajoutée à la liste des circonstances aggravantes pour la détermination de la peine; un investissement accru dans les refuges et les maisons de transition; une stratégie et un plan d'action fédéraux pour la lutte contre la violence fondée sur le sexe.
    Le NPD appuie ces objectifs et d'autres mesures, comme le rétablissement du Fonds de recrutement de policiers pour veiller à ce que les collectivités aient suffisamment d'agents de police pour protéger toutes les familles, mais aucune mesure n'a été prise pour mettre à jour le Code criminel. Les ressources des refuges et maisons de transition sont toujours nettement insuffisantes. De plus, il n'y a eu aucun progrès visible en ce qui a trait à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'une stratégie et d'un plan d'action fédéraux exhaustifs en matière de violence fondée sur le sexe.
    Encore la semaine dernière, le Globe and Mail nous apprenait que la majorité des femmes et des enfants fuyant la violence et ayant besoin de trouver abri dans un refuge — 73 % pour être exact — devaient rebrousser chemin, faute de ressources, et que près de la moitié des refuges interrogés avaient accueilli des clients provenant d'autres provinces. Il s'agit d'un problème d'envergure nationale. Nous avons affaire à une crise qui s'étend de Victoria, d'où je viens, sur la côte Ouest, à l'ensemble du Canada et touche autant les petites villes que les grandes cités et les localités éloignées. Le gouvernement doit en faire plus afin que plus une seule Canadienne ne se fasse refuser l'aide dont elle a besoin pour échapper à la violence et aux mauvais traitements.
    Lors d'une précédente session, la députée de Churchill—Keewatinook Aski a proposé une motion tendant à la création d'un plan d'action visant à mettre un terme à la violence contre les femmes. Je salue d'ailleurs le travail de la députée de Nanaimo—Ladysmith, qui a repris le flambeau. C'est ce genre d'approche holistique qui nous permettra d'éradiquer la violence, y compris entre partenaires intimes, et de se rapprocher, socialement et économiquement, de l'égalité hommes-femmes.
    Le temps n'est pas au rapiéçage; il est plutôt à l'action et à l'audace, partout au pays. Hélas, le projet de loi dont la Chambre est présentement saisie n'est pas la solution que nous cherchons, sans compter qu'il n'est lui-même pas exempt de problèmes. Voilà pourquoi nous sommes incapables de recommander qu'il soit étudié plus avant.
    J'espère que tous les députés se joindront à nous et talonneront le gouvernement afin qu'il tienne ses promesses électorales, s'attaque à la violence entre partenaires intimes, finance les refuges du pays, voie à la sécurité publique et propose lui aussi des moyens de tout faire pour débarrasser le Canada de la violence contre les femmes.
(1140)
    Monsieur le Président, c’est un privilège de prendre la parole aujourd’hui à l’appui du projet de loi C-225. D’entrée de jeu, j’aimerais féliciter ma collègue, la députée de Yorkton—Melville, d’avoir présenté cet important et fort nécessaire projet de loi qui vise à protéger les femmes et à combler un vide juridique flagrant dans le Code criminel.
    Cette loi est judicieusement nommée à la mémoire de Cassie Durham et de sa fille à naître Molly. Dix semaines avant de donner naissance à Molly, Cassie a été sordidement assassinée. Son meurtrier a évidemment été inculpé de meurtre au premier degré. En revanche, quelles accusations auraient pu être portées contre lui pour avoir ciblé une femme enceinte et interrompu une grossesse qui se déroulait parfaitement, contre la volonté de Cassie? La réponse est qu’aucune accusation n’a été portée, parce qu’aucune accusation ne peut être portée en vertu du Code criminel dans ces circonstances.
     En 2005, Olivia Talbot était enceinte de son fils, Lane Jr. À l’instar de Cassie Durham, Olivia Talbot a été violemment assassinée. Son meurtrier lui a tiré trois balles et, de son propre aveu, il visait surtout Lane Jr. Pourtant, aucune accusation n’a pu être portée contre lui pour ces crimes.
    Les familles des victimes, celle d’Olivia Talbot, celle de Cassie Durham et bien d’autres, se demandent où est la justice. Où est la justice, si le Code criminel ne contient aucune disposition permettant de tenir les criminels qui ciblent des femmes enceintes responsables de leurs actes? Où est la justice, si le Code criminel ne contient aucune disposition permettant de tenir les criminels qui mettent violemment fin à la grossesse d’une femme contre sa volonté responsables de leurs actes? La réponse à donner à ces familles qui se demandent « Où est la justice? », c’est qu’il n’y a pas de justice.
     Les histoires de Cassie Durham et d’Olivia Talbot ne sont pas des exceptions. Au cours des 15 dernières années, quelque 24 cas d’agression ou de meurtre contre des femmes enceintes ont été signalés.
    Certains prétendent que cette loi est inutile. Pour eux, il suffirait de disposer que le fait de cibler une femme enceinte peut être un facteur aggravant aux fins de détermination de la peine. La common law considère déjà la grossesse comme un facteur aggravant. Le projet de loi C-225 codifierait la common law, ce qui est un pas dans la bonne direction. Par ailleurs, pour que justice soit réellement rendue, il n’est pas suffisant d’ajouter la grossesse à la liste des facteurs aggravants aux fins de détermination de la peine.
     Un élément important de notre système de justice pénale veut que les criminels soient tenus responsables de tous les crimes qu’ils commettent contre leurs victimes et non seulement d’une partie des crimes. Dans les cas de Cassie Durham et d’Olivia Talbot, il est clair que les meurtriers ont été accusés et tenus responsables de certains de leurs crimes, mais pas de tous. C’est une injustice.
(1145)
     En ce qui concerne la détermination de la peine, prenons l’exemple d’un individu qui cible sciemment une femme enceinte, l’agresse et, dans le cours de cette agression, met fin à la grossesse de cette femme. Qu’arriverait-il à cet individu si le fait de cibler une femme enceinte constituait seulement un facteur aggravant? Il serait probablement accusé de voies de fait graves. La peine maximale pour voies de fait grave étant de 14 ans, il est fort probable qu’en présence d’un facteur aggravant, l’auteur de cette agression serait condamné à purger une peine se rapprochant davantage de 14 ans que plus courte, ce qui est une bonne chose.
    Regardons la réalité en face: ce qui se serait réellement passé dans cette situation, c’est bien plus que des voies de fait graves. La grossesse de cette femme aurait été interrompue contre son gré, son intégrité physique aurait été bafouée et son libre choix en tant que femme, violé.
     Le projet de loi C-225 reconnaît cette réalité et veut donner aux juges les outils nécessaires pour sanctionner fermement ceux qui commettent ce genre de crime, en leur donnant la possibilité de retirer ce type de criminel de la circulation pendant beaucoup plus que 14 ans.
    Certains voient dans ce projet de loi — et nous avons entendu aujourd’hui plusieurs députés l’affirmer — une relance du débat sur l’avortement. Le fait est qu’au Canada, l’avortement est possible et légal pendant les neuf mois de la grossesse et que le projet de loi C-225 ne cherche absolument pas à changer ce fait.
     Non seulement le projet de loi C-225 ne fait rien pour changer l’état des choses en matière d’avortement, il prévoit expressément qu’un enfant à naître n’est pas un être humain selon la loi, et cela afin de ne laisser planer aucune confusion ou ambiguïté. Le projet de loi C-225 n’a absolument rien à voir avec l’avortement.
    Ce avec quoi le projet de loi C-225 a beaucoup à voir, cependant, c’est la justice. La justice pour les femmes ciblées parce qu’elles sont enceintes, la justice pour les femmes blessées parce qu’elles sont enceintes, la justice pour les femmes dont les droits sont violés. Cette justice réclame que les responsables de ces viols des droits des femmes soient tenus responsables dans la pleine mesure où la loi le permet.
     En tant que Chambre des communes, faisons ce qui est bon, équitable et juste. Éliminons cette échappatoire, cette lacune flagrante du Code criminel, par l’adoption du projet de loi C-225.
(1150)
    Monsieur le Président, je tiens beaucoup à parler de ce projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-225 modifiant le Code criminel à l’égard des blessures ou de la mort infligées à un enfant à naître pendant la commission d’une infraction, à l’étape de la deuxième lecture.
    La marraine du projet de loi l’a présenté à la suite du meurtre de Cassandra Kaake, enceinte de sept mois d’une fillette qu’elle souhaitait appeler Molly.
     Premièrement, je voudrais offrir mes plus sincères condoléances à la famille de Mme Kaake. Une perte aussi tragique doit causer la plus profonde des souffrances.
     Malheureusement, les statistiques révèlent que les femmes enceintes sont souvent victimes d’actes de violence. Selon l’Enquête sociale générale de 2009 de Statistique Canada, 11 % des femmes victimes de violence conjugale étaient enceintes lors de la perpétration de l’acte de violence, ce qui revient à dire qu’environ 63 000 femmes enceintes ont été victimes de crimes violents commis par leur conjoint entre 2003 et 2008.
     Les données des rapports de police tirées de l’Enquête sur les homicides indiquent également que la grossesse n’est pas un facteur protecteur dans les cas d’homicides commis par un partenaire intime. Entre 2005 — année pour laquelle nous disposons des premières données sur les victimes d’homicide et la grossesse — et 2010, 12 victimes d’homicide commis par leur partenaire étaient enceintes au moment du décès.
     Toutefois, comme le montre le cas de Mme Kaake, les auteurs d’homicides pendant une grossesse ne sont pas uniquement des partenaires intimes, car huit femmes enceintes ont été tuées par quelqu’un d’autre que leur partenaire intime — une donnée tirée du rapport intitulé « La violence familiale au Canada: Un profil statistique, 2010 », publié dans la revue Juristat de Statistique Canada. Ces chiffres ne manquent pas de nous inquiéter.
    Le projet de loi C-225 a pour objet de protéger les femmes enceintes et leurs fœtus en érigeant en infraction le fait de blesser un fœtus ou de causer sa mort. Les peines varient selon l’état de santé mentale de l’accusé, mais vont de 18 mois d’emprisonnement à la prison à perpétuité; et si l’accusé avait l’intention de causer des blessures ou de commettre un meurtre, une peine obligatoire minimale de 10 ans serait imposée.
     Parmi les autres éléments du projet de loi, je mentionne la non-application de la peine minimale si l’accusé a été provoqué, au sens de la défense de provocation prévue à l’article 232 du Code criminel, et la codification de la violence faite à une femme enceinte comme circonstance aggravante au moment de la détermination de la peine.
     Bien que j’appuie les objectifs du projet de loi, j’ai quelques réserves face aux réformes proposées.
     Premièrement, il me semble illogique que le même geste constitue à la fois une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine et l’objet d’une peine distincte. C’est soit l’un, soit l’autre. Les juges chargés de déterminer la peine tiennent déjà compte de la violence faite à une femme enceinte comme facteur aggravant, ce qui entraîne des peines plus lourdes pour les délinquants.
     Je crains en particulier que si le préjudice causé au fœtus devient une infraction distincte, cela ne résulte en une peine d’emprisonnement plus courte. En effet, les peines pour le préjudice causé à la mère et celui causé au fœtus seront sans doute purgées concurremment, car elles découlent nécessairement du même incident.
     À l’opposé, si un délinquant est accusé d’une infraction contre la mère et que la grossesse de celle-ci est considérée comme une circonstance aggravante, la peine sera probablement plus longue que les peines purgées concurremment pour deux infractions distinctes. L’imposition de peines plus brèves que ce que la loi prévoit actuellement n’est certainement pas le but visé par le projet de loi, puisque les femmes enceintes seraient alors moins bien protégées.
     Je m’interroge aussi sur les peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi. À l’exception de la peine minimale pour meurtre, une peine de 10 ans serait la plus longue peine minimale obligatoire inscrite au Code criminel.
     Nous connaissons tous l’arrêt Nur, que la Cour suprême du Canada a prononcé en 2015 et qui invalidait la peine minimale obligatoire de trois ans pour la criminalité mettant en jeu des armes à feu. Récemment, la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Lloyd, a invalidé la peine minimale obligatoire d'un an pour trafic de stupéfiants faisant intervenir des récidivistes.
     De fait, nous avons assisté à une prolifération des causes remettant en question les peines minimales plus longues et les peines minimales obligatoires applicables à tout un éventail de gestes nécessitant un examen plus approfondi.
     Je me demande si une peine minimale obligatoire constitue la meilleure façon de lutter contre le problème grave de préjudice à une femme enceinte, surtout quand les juges tiennent déjà compte de la gravité du geste au moment de déterminer la peine du délinquant.
     Par ailleurs, le projet de loi fait mention de la défense de provocation. En temps normal, cette défense ramène l’accusation de meurtre à une accusation d’homicide involontaire coupable lorsque la victime a provoqué l’accusé et l’a incité à la tuer, afin que le juge ait plus de latitude pour déterminer la peine. Le projet de loi propose toutefois d’accepter cette défense pour une infraction qui ne constitue pas un meurtre.
     De toute évidence, un fœtus — la victime de l’infraction proposée — ne peut pas provoquer quelqu’un; la réforme proposée doit donc viser à éliminer l’application de la peine minimale obligatoire de 10 ans lorsque la mère du fœtus a provoqué le geste de l’accusé.
     Parce qu’il érige en nouvelle infraction le fait de blesser le fœtus, le projet de loi traite le fœtus comme une victime distincte de la mère. Toutefois, en évoquant la défense de provocation, il se trouve à restreindre la protection accordée au fœtus en raison de la conduite de sa mère. Une telle approche paraît contradictoire.
     En outre, la défense de provocation ne s’est toujours appliquée qu’aux affaires de meurtre. En l’élargissant à d’autres infractions, on risque de créer un malheureux précédent, surtout lorsque cette défense est utilisée par des hommes qui ont tué leur conjointe actuelle ou ancienne, après avoir allégué qu’elle les avait provoqués par une conduite qui leur a semblé insultante. Même si la portée de cette défense a été récemment limitée, elle pourrait encore soulever certains de ces problèmes.
(1155)
     Ma principale objection vient toutefois de ce que le projet de loi traite le fœtus comme une entité distincte de la mère, alors qu’en fait les deux sont indissociables. Cela soulève de multiples problèmes juridiques, dont celui que j’ai décrit précédemment au sujet de la défense de provocation. De plus, le fait de créer une infraction distincte pour le tort causé au fœtus donne à celui-ci un statut que ne reconnaît pas la loi actuelle et nous distrait du véritable problème: la violence envers les femmes enceintes.
     Le principe juridique bien établi voulant que le fœtus ne possède pas de droits indépendants de ceux de la mère avant d’être né vivant exige de la loi qu’elle mette l’accent sur ce problème bien réel et urgent. Ce principe est également la base du droit des femmes de choisir.
    Depuis que la Cour suprême du Canada a invalidé la disposition du Code criminel concernant l’avortement, en 1988, les services d’interruption de grossesse relèvent du secteur de la santé, parce que la Cour suprême du Canada a conclu que de restreindre le choix des femmes violait les droits consacrés par l’article 7 de la Charte. Je ne voudrais pas que nous adoptions des lois ou des politiques susceptibles d’éroder ces droits de quelque manière que ce soit.
    Même si le projet de loi C-225 ne porte pas directement sur le droit des femmes de choisir, ses dispositions donneraient au fœtus un statut juridique distinct de celui de la mère, malgré le fait qu’en réalité, les deux sont indissociables. Selon moi, le meilleur moyen de protéger le fœtus est de protéger la mère, et c’est ce que fait déjà la loi actuelle.
     Je me réjouis que le gouvernement se soit engagé à renforcer l’approche du Canada relativement à la question principale qui nous occupe ici, soit la violence envers les femmes, y compris les femmes enceintes. J’attends avec impatience les résultats de l’examen du système de justice pénale que mènera le gouvernement ainsi que la mise en œuvre de la stratégie et du plan d’action fédéral sur la violence basée sur le genre, qui devraient mieux appuyer et protéger les femmes victimes de violence.
    Le projet de loi C-225 fait état de nombreuses préoccupations, mais je ne puis l’appuyer en raison de ses effets concrets au-delà de son objet immédiat. Je tiens à remercier la députée qui parraine ce projet de loi de m’avoir donné l’occasion d'intervenir aujourd’hui et de discuter de l’importante question de la sécurité et du bien-être des femmes. Ce sont de graves questions que nous devons examiner et analyser en permanence.
    Monsieur le Président, je voudrais pour commencer évoquer le drame qui est à l’origine du projet de loi proposé ici. Nous sommes de tout cœur avec Jeff Durham, sa famille et sa collectivité qui ont été frappés par une terrible épreuve.
    Malgré les bonnes intentions qui sont à son origine, le projet de loi a pour conséquence non recherchée de rouvrir le débat sur l’avortement au Canada, et les néo-démocrates refusent de courir le risque de remettre en cause les droits des femmes au libre choix. Il y a au Canada 36 groupes pro-choix — si j’avais le temps, j'en lirais la très longue liste — qui s’opposent à l’adoption du projet de loi, le décrivant comme un empiétement sur le droit constitutionnel des femmes au libre choix.
     Je dirai que, pour assurer la sécurité du plus grand nombre de femmes et d’enfants, le Canada a besoin d’une loi de portée beaucoup plus large. La meilleure façon de les protéger est d’agir contre violence conjugale. Cassie a été tuée par un parfait étranger, ce qui constitue une exception. En effet, neuf femmes victimes sur dix sont tuées par une personne qu’elles connaissent. Par conséquent, pour avoir le plus d’impact, efforçons-nous de prévenir le meurtre de femmes par leurs partenaires ou une autre personne qu’elles connaissent.
     Premièrement, le Canada a besoin d’un plan national visant à mettre un terme à la violence envers les femmes. La plupart des autres pays occidentaux sont dotés d’un plan de cette nature. Le Canada prend du retard. Au cours des dernières sessions du Parlement, les néo-démocrates se sont faits les champions de cette cause. Les ONG et les organisations syndicales ont élaboré un plan très solide qui indique la voie à suivre. Nous exhortons le gouvernement à agir rapidement dans ce dossier, et nous l’appuierons.
     Deuxièmement, le Canada doit injecter davantage de fonds dans les refuges pour les victimes de violence conjugale. Imaginez qu’une femme décide de partir avec ses enfants, de quitter un mariage ou une relation marqués par la violence et qu’elle se fasse répondre, lorsqu’elle arrive au refuge, qu’il n’y a pas de place pour elle. Voilà ce que révèle le sondage « Les maisons s’expriment » publié la semaine dernière. Près du trois quarts des femmes essuient un refus parce que la capacité de ces établissements est insuffisante. S’il existait un financement stable, prévisible et pluriannuel tant pour la construction que pour le fonctionnement de ces maisons, nous pourrions éviter que des femmes ne se résignent à rester dans un foyer où sévit la violence.
     Étant donné les mesures énergiques que le Parlement peut prendre pour assurer vraiment la sécurité des femmes et de leurs enfants sans menacer par mégarde le droit constitutionnel de la liberté de choix pour les femmes, je n'appuierai pas le projet de loi, et j’exhorte les parlementaires à travailler de concert à des mesures qui seront vraiment déterminantes au quotidien pour la sécurité des femmes.
(1200)
    Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir parler de la question très importante qui est à l’étude et de pouvoir dissiper une certaine confusion qui existe de l’autre côté de la Chambre. Les députés d’en face s’efforcent constamment d’associer un très important enjeu de justice pénale — comme le député de St. Albert—Edmonton et la députée qui a parrainé le projet de loi l’ont fort bien dit — avec toute autre chose, c’est-à-dire la question de l’avortement, laquelle, nous le savons, est un enjeu très litigieux et difficile dans notre pays.
    Nous devrions pouvoir tenir un débat rationnel sur des questions qui sont différentes, sans lien avec l’avortement, et qui concernent tout de même la justice et la prévention de la violence envers les femmes. Il importe que nous fassions ces distinctions, car sur ce plan, il y a deux questions bien séparées dont nous pouvons discuter. Il y a la question des droits fondamentaux des personnes, dans ce cas-ci les enfants à naître, et celle de savoir si les droits de la mère l’emportent sur ceux de l’enfant à naître. Ce qui échappe peut-être à d’autres députés, c’est le fait qu’il s’agit là de questions très clairement distinctes.
    On peut conclure que les enfants à naître ne devraient avoir aucun droit, qu’ils ne devraient pas être reconnus comme des personnes, mais on peut aussi conclure qu’ils ont une authentique humanité, même si on conclut par ailleurs que les droits de la mère doivent l’emporter ceux de l’enfant à naître, dans ce cas-ci.
     Les députés d’en face n’ont pas saisi l’importance du fait qu’il s’agit vraiment de deux questions distinctes. Ils ont plutôt déduit du fait qu’une conclusion de principe peut être tirée dans le cas des enfants à naître que nous ne pouvons pas nous engager dans cette voie parce que cela pourrait avoir des conséquences pour quelque chose d’autre par la suite.
     Les députés de ce côté-ci qui se sont exprimés ont été très clairs sur ce point, car ils ont insisté sur le fait que nous débattons ici d’une question particulière, celle de la lutte contre la violence faite aux femmes, et ils ont aussi reconnu qu’il y avait une perte de vie en cause, et qu’il y a également une perte de choix pour la femme.
     Il est un peu décevant que des députés d’autres partis veuillent ranimer des débats sur des questions délicates, alors qu’il devrait s’agir ici d’une question qui suscite le consensus. Je ne crois pas que quelque député que ce soit rejette le principe fondamental voulant qu’un enfant à naître soit en un certain sens un être humain et qu’il puisse être reconnu comme tel sans qu’il soit nécessaire d'aborder une question relative aux droits des femmes bien séparée, distincte sur le plan des principes.
     Le fait qu’on ne reconnaisse pas qu’il y a là deux questions distinctes pose problème. Et soyons clairs: c’est un problème qui a de vraies conséquences d’ordre pratique, des conséquences très réelles. Ces conséquences ont été bien décrites non seulement par mes collègues, mais aussi par des députés d’autres partis qui comprennent le problème de la violence faite aux femmes, qui comprennent qu’il est urgent de la combattre, de surmonter des idées bien ancrées, peut-être à caractère culturel, qui n’ont pas permis d’aborder cette réalité correctement par le passé. Il devrait y avoir consensus. Je ne demande pas mieux que de travailler à ce dossier avec des députés de tous les partis.
     Avant de me faire élire, j’ai siégé au conseil de Saffron, une organisation de ma circonscription qui lutte contre l’intimidation et la violence dont les femmes sont victimes et contre la violence sexuelle. Il est très réconfortant de constater que, dans ma ville et dans d’autres collectivités, il émerge à cet égard un consensus qui transcende les partis et les idéologies politiques diverses.
     Les propos de certains autres députés sont décevants parce que, si nous n’adoptons pas le projet de loi, nous aurons laissé passer une excellente occasion d’agir, de faire quelque chose de bien, de prendre une mesure déterminante pour les familles victimisées et celles qui risquent de l’être un jour. Nous aurons laissé passer cette occasion parce que, au lieu de nous attaquer directement à un enjeu important de manière concrète et efficace… Les députés ont toute liberté de proposer des amendements sur des détails précis qui ont été relevés à l’étape du comité. Mais si nous rejetons carrément le projet de loi, nous aurons renoncé à la possibilité d’exercer une action déterminante et constructive au sujet d’un enjeu dont nous devrions tous reconnaître la grande importance.
(1205)
    L'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée, et l'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Initiatives ministérielles]

[Traduction]

Le Code criminel

    La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 avril, de la motion portant que le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois (aide médicale à mourir), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
    Monsieur le Président, ce projet de loi ne contient aucune mesure de protection concrète. Même les exemptions qu'il prévoit sont pleines de failles. La disposition relative au consentement écrit exclut les personnes qui ne peuvent pas signer. Il serait possible de renoncer régulièrement à la période d'attente. La maladie mentale ne serait pas exclue. L'exigence voulant que la mort soit raisonnablement prévisible n'exclurait personne, et le critère exigeant la signature de deux médecins inviterait simplement à choisir soigneusement son médecin. Même si elle ne se conformait pas aux critères déjà ambigus, une personne qui tuerait un patient contre son gré pourrait s'en tirer en prétendant qu'elle croyait raisonnablement, mais à tort, que les critères s'appliquaient.
    De toute évidence, les critères sont totalement ambigus et, compte tenu de la disposition relative à la croyance raisonnable mais erronée, il serait pratiquement impossible de poursuivre une personne qui tue un patient, et ce, même sans le consentement de ce dernier.
    Aujourd'hui, j'aimerais faire valoir trois points supplémentaires, soit l'altération du langage moral, la nécessité de procéder à un examen préalable et le fait que l'absence de mesures de protection pour les cas de conscience nuit encore plus à un système déjà inadéquat de soins palliatifs.
    Le débat sur cette question est marqué par une altération du langage. Des termes comme « suicide », « euthanasie » et « meurtre » sont rejetés et remplacés par des expressions fondamentalement inexactes comme « aide médicale à mourir ». Tous les jours, des médecins aident des patients à mourir sans les tuer.
    Par surcroît, l'utilisation des termes « dignité » et « compassion » comme euphémismes montre que le projet de loi vide la langue de son sens. Qui plus est, l'expression « mourir dans la dignité » laisse entendre que les personnes qui souffrent ou qui sont handicapées n'ont pas de dignité. Voilà qui reflète une perception fort inquiétante du monde. Il est établi depuis longtemps que la notion de dignité est immuable et qu'il s'agit d'une caractéristique intrinsèque de l'être humain. C'est la dignité humaine immuable qui incite à abattre un chien qui souffre mais non un être humain qui souffre.
    C'est la dignité universelle et immuable unique à l'homme qui sous-tend notre conception des droits de la personne. Or, cette caractéristique unique à l'homme, qui est un droit universel et immuable, constitue ostensiblement le fondement moral du projet de loi dont nous sommes saisis. Ceux qui souhaitent redéfinir si radicalement la notion de dignité devraient au moins nous donner leur définition.
    J'ai suggéré au gouvernement d'amender le projet de loi pour y inclure un système d'examen préalable par les autorités juridiques compétentes. Cet examen pourrait prendre diverses formes. La loi pourrait prévoir un examen par un comité provincial de vérification et d'évaluation de la capacité des patients ou exiger un examen obligatoire par un juge. Elle pourrait simplement exiger que les provinces mettent sur pied leur propre système d'examen juridique préalable ou qu'on retienne les services d'un avocat indépendant à titre de témoin.
    Les options sont multiples; certaines sont meilleures que d'autres. Les critères n'ont pas grande valeur si une autorité juridique compétente ne s'assure pas à l'avance que les critères d'ordre juridique sont respectés.
    Or, le gouvernement veut forcer les médecins à assumer ce rôle, mais les médecins ne sont pas une autorité juridique compétente. Ils ne prennent pas ce type de décisions dans d'autres sphères de leur travail, d'autant plus que donner la mort va à l'opposé de l'objectif des procédures médicales normales, qui visent à protéger la vie. Par ailleurs, le projet de loi permet aux gens de choisir leur médecin, mais cela ne signifie pas que le médecin traitant précédent réaliserait un examen préalable, étant donné que le patient ou, pire encore, une autre personne pourrait tout simplement faire une recherche en ligne pour trouver un médecin qui a une interprétation plus libérale des critères.
    Un simple système d'examen juridique préalable par une autorité compétente éliminerait la recherche d'un médecin et permettrait d'atteindre l'objectif central. Cela permettrait de nous assurer que les gens qui n'y ont pas consenti ou qui ne répondent pas aux critères ne sont pas tués, sans avoir des moyens efficaces d'enquêter sur ces cas après les faits. Des données des pays du Benelux montrent des taux élevés et alarmants d'euthanasie de patients qui n'y avaient pas consenti. Toutefois, les poursuites contre ceux qui tuent des patients sans leur consentement dans un cadre médical sont pratiquement inexistantes.
    Enfin, l'absence de disposition protégeant la liberté de conscience fait en sorte que les gens seront écartés des soins palliatifs, auxquels ils sont déjà trop peu nombreux à avoir accès. La Dre Nancy Naylor, médecin de famille et en soins palliatifs depuis 40 ans, abandonne la profession, expliquant que ce n'est pas parce qu'elle ne désire plus l'exercer, mais parce qu'elle ne veut pas qu'on l'oblige à agir contre sa conscience. Elle prend la parole parce que ses patients, qui n'auront plus accès aux soins palliatifs, ne le peuvent pas. À quoi bon une mesure législative qui ne protège pas la liberté de conscience si elle a pour effet de faire quitter la profession à des médecins en soins palliatifs fidèles à leurs principes au moment où on a le plus besoin d'eux?
    De nombreux médecins affirment que l'aide médicale à mourir n'a rien à voir avec les soins médicaux et qu'on devrait les laisser se concentrer sur ce qu'ils font le mieux.
    La décision de la Cour suprême a ouvert une brèche dans la loi existante, et la présente législature ne peut rien y changer, mais le gouvernement semble profiter de ces circonstances pour élargir encore le trou. L'absence de loi constituerait une situation qui ne serait pas souhaitable, mais la présente mesure législative empirerait la situation. Sans limites strictes, elle mettrait en danger les malades, les handicapés et les aînés vulnérables.
    Mettons un terme à la folie et corrigeons le projet de loi.
(1210)
    Monsieur le Président, je vais poser une question très simple et directe au député de Sherwood Park—Fort Saskatchewan.
    Le député est-il d'accord avec la décision unanime des juges de la Cour suprême d'accéder à la demande de Mmes Taylor et Carter d'obtenir de l'aide pour mourir?
    Monsieur le Président, j’ai en fait répondu très clairement à cette question dans mon discours.
    Indépendamment de l’opinion personnelle des députés sur le problème, en général, nous savons que le gouvernement ne s’est pas du tout acquitté de la tâche dont la Cour suprême l’a chargé. Cette tâche consistait à concevoir un système permettant d’atteindre l’objectif visé tout en protégeant les personnes vulnérables. Le gouvernement a remplacé certains critères qui figuraient dans la décision de la Cour par des critères tout aussi ambigus, sinon plus. Pour nous, le gouvernement n’a rien fait du tout de ce côté.
    Je dois mettre en évidence le langage euphémique utilisé, qui se reflète dans la question que le député a posée. Les médecins offrent tous les jours une aide médicale à mourir sans pour autant tuer leurs patients. Si les députés veulent défendre ce principe, grand bien leur fasse, mais ils devraient être assez honnêtes pour décrire adéquatement la question, car l’expression « aide médicale à mourir » est clairement trompeuse. Elle nous détourne de la question centrale que nous sommes censés débattre.
    Monsieur le Président, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt mon honorable collègue.
     La raison pour laquelle la Cour suprême a acculé le Parlement à cette position, c’est l’inaction complète des conservateurs dans ce dossier pendant 10 ans. Les conservateurs ont mis fin aux initiatives de soins palliatifs qui étaient en place, n’ont rien fait dans ce domaine et ont refusé d’agir tout en sachant qu’ils devaient s’attendre à une décision de la Cour suprême.
    La Cour suprême est maintenant intervenue pour combler le vide qui existait et, ce faisant, a placé le Parlement et, à mon avis, tous les Canadiens dans une position très difficile. En effet, si nous n’avons pas une loi d’ici le mois de juin, nous aurons un autre vide juridique qui pourrait permettre d’ouvrir la porte beaucoup plus grand.
     La question qui se pose est la suivante: est-ce le rôle du Parlement de faire quelque chose de positif, de s’assurer que ceux qui sont malades ou à l’article de la mort puissent avoir accès à des soins palliatifs de qualité? Nous avions fait adopter une motion à la Chambre des communes au cours de la dernière session, mais il n’y avait pas d’argent. Les conservateurs et l’ancien premier ministre n’ont pris aucune mesure pour mettre en œuvre les mesures préconisées.
     Nous avons maintenant la motion M-46, qui parle de la nécessité d’établir des normes en matière de soins palliatifs, de collaborer avec les provinces et d’oeuvrer en vue de modifier des dispositions de l’assurance-emploi pour que les familles puissent obtenir le soutien dont elles ont besoin.
     Est-ce que mon collègue est disposé à accepter un vide juridique en juin si la Chambre n’agit pas? Est-il disposé à collaborer d’une manière proactive avec notre parti pour assurer l’accès aux soins palliatifs, afin que les Canadiens aient un choix autre que la loi sur l’euthanasie?
    Monsieur le Président, je remercie le député pour le travail qu’il a fait dans ce domaine. Je vais aborder quelques-uns des points qu’il a soulevés.
     Je trouve étrange qu’il parle d’inaction pour décrire la volonté exprimée à maintes reprises par la Chambre à l’égard de l’euthanasie. Bien sûr, nous avions été saisis de propositions avant que la Cour suprême ne rende sa décision. Elles avaient été rejetées par une majorité écrasante de la Chambre, y compris une majorité de députés libéraux et, je crois, un certain nombre de députés néo-démocrates.
     Pour ce qui est du vide juridique, j’aimerais voir une meilleure mesure législative qui préciserait mieux la situation. J’appuierais le projet de loi s’il était possible d’y apporter des modifications dans un certain nombre de domaines clés. Toutefois, dans sa forme actuelle, il ne remplit pas du tout la tâche dont la Cour nous a chargés, qui est de décrire et de définir la situation en ce qui concerne l’euthanasie et l’aide au suicide au Canada.
     Le gouvernement a remplacé des aspects ambigus de la décision de la Cour par des dispositions législatives encore plus ambiguës. Il ne vaut la peine de proposer des mesures législatives que si elles peuvent vraiment améliorer la situation par rapport à l’absence d’une loi.
     Pour ce qui est de l’investissement dans les soins palliatifs, je conviens qu’il reste encore du travail à faire. Je n’accepte pas l'affirmation du député selon laquelle le gouvernement précédent n’a rien fait à cet égard, mais je conviens qu’il serait nécessaire de faire plus d’investissements.
     Le problème de ce projet de loi, c’est qu’il va dans la direction opposée. Permettre l’euthanasie et le suicide assisté sans protection de l’objection de conscience a pour effet de forcer des médecins qui auraient autrement oeuvré dans le domaine des soins palliatifs à s’en écarter s’ils ne veulent pas participer à l’euthanasie. La protection de l’objection de conscience devrait pour le moins être ajoutée. Cela préserverait le système de soins palliatifs que nous avons, et nous permettrait de travailler ensuite pour le renforcer.
(1215)
    Monsieur le Président, j’ai eu l’honneur de servir la population de Kitchener—Conestoga et de participer à de nombreux débats importants à la Chambre au cours des 10 dernières années. Comme députés, nous avons l’obligation solennelle de tracer la voie future de notre grand pays. Les motions que nous déposons, les amendements que nous examinons, les projets de loi que nous adoptons auront toujours des incidences positives ou négatives sur les gens qui nous ont élus pour les représenter à Ottawa. Ils auront aussi des incidences sur les générations futures de Canadiens.
     Les conséquences de nos délibérations et des décisions que nous prenons sur cette question critique de vie ou de mort toucheront la trame même de notre pays. Si je peux m’exprimer ainsi, elles exerceront une influence durable – bonne ou mauvaise – sur ce que signifie notre appartenance à la famille humaine.
     À cause de la nature très sérieuse du sujet que nous examinons aujourd’hui, nous — et je pense ici à chaque député qui siège à la Chambre — devons prendre un certain recul pour nous interroger sur quelques questions très fondamentales. Chacun d’entre nous doit se poser ces questions difficiles. La façon dont les députés perçoivent ces questions fondamentales joue un rôle absolument essentiel dans la recherche de la solution à retenir dans ce domaine extrêmement délicat.
    Réfléchissons pendant quelques instants à ces questions. Qu'est-ce que cela signifie que d'être humain? Qu'est-ce qui donne un sens et une valeur à la vie humaine? Est-ce que toute vie humaine possède une valeur et une dignité intrinsèques, peu importe les malformations et les déficiences perçues, et même si la personne se considère comme un fardeau ou qu'elle croit que ses meilleurs jours sont derrière elle?
    Pour moi, la réponse à toutes ces questions est un « oui » retentissant. Toute vie humaine mérite d'être respectée et protégée. Chaque vie humaine compte. Par conséquent, il va sans dire que je n'appuie pas le suicide assisté, l'euthanasie volontaire ou toute mesure législative qui dévaloriserait encore davantage la vie humaine.
    Ma vision du monde est influencée par mes expériences personnelles, et elle a surtout été façonnée par ma foi. Je crois que toute vie humaine possède une valeur et une dignité intrinsèques et qu'elle doit être tenue en très haute estime, à savoir être considérée comme digne d'être vécue.
    Dans le Talmud, on dit que: « Celui qui détruit une âme, c'est comme s'il avait détruit un monde entier. Et celui qui sauve une vie, c'est comme s'il avait sauvé tout un monde. »
    Les mots suivants sont gravés dans la pierre, au-dessus du vitrail ouest de la tour de la Paix du Parlement: « Un peuple sans idéal est voué à mourir ». Ils sont extraits d'anciens écrits hébreux, dans le livre des Proverbes.
    Quelle est notre vision pour le Canada? Je pose aujourd'hui la question à chacun de mes collègues. Je veux savoir quelle est leur vision pour le Canada.
    La mienne est la suivante: je veux qu'au Canada, chaque vie humaine soit valorisée et chérie, dès la conception et jusqu'à ce que la mort naturelle survienne. Je crois fermement que la vie est un cadeau de Dieu et qu'il s'agit d'un cadeau beaucoup trop important pour qu'on le détruise ou qu'on l'anéantisse. Chaque vie humaine a une valeur extraordinaire, et oui, toutes les personnes, qu'elles aient un handicap ou une malformation, qu'elles souffrent d'une dépression ou soient diminuées parce qu'on juge qu'elles ne sont pas utiles, ont quelque chose à nous enseigner sur le sens de la vie humaine.
    Nous avons le privilège de pouvoir offrir un soutien et accorder une grande importance aux personnes qui souffrent. Nous soulageons adéquatement leurs souffrances et nous leur offrons des soins palliatifs, un contact humain et de l'amour; bref, nous faisons preuve de compassion à leur égard.
    L'un des aspects de la définition du mot « compassion » est « partager les maux d'autrui ». Lorsque nous faisons preuve de compassion, nous plaignons ceux qui souffrent et nous partageons leurs maux, avec sincérité et sollicitude. Nous leur offrons un soutien. Si nous autorisons le suicide assisté, nous ne tiendrons pas compte du fait que la compassion et les relations humaines vont de pair. En effet, nous ne pouvons pas faire preuve de compassion si nous mettons intentionnellement fin aux relations qui unissent deux personnes.
    Cela dit, la Cour suprême du Canada a prévu des motifs d'exemption pour les médecins qui aideraient une personne à mettre fin à ses jours en lui administrant un médicament ou qui pratiqueraient l'euthanasie. C'est ce que la Cour suprême a décidé; elle n'a pas du tout tenu compte du fait que depuis 1991, les députés élus à la Chambre des communes ont rejeté à au moins 15 reprises les initiatives visant à légaliser le suicide assisté. Plus récemment, c'est-à-dire en 2010, un projet de loi visant à autoriser le suicide assisté a été rejeté par un vote de 226 voix contre 59. À mon avis, la Cour suprême ne doit pas créer des lois; elle doit plutôt interpréter les lois existantes.
    J'étais l'un des membres du comité mixte qui a été créé pour étudier l'aide médicale à mourir. Le comité a entendu de nombreux témoins, qui ont présenté des visions différentes de la situation. Nous avons entendu les témoignages de professionnels de la santé, de spécialistes des soins palliatifs, de professionnels de la santé mentale, de personnes handicapées, d'Autochtones, de représentants de divers groupes confessionnels, de spécialistes des questions juridiques et constitutionnelles, de même que d'éthiciens. Comme les députés peuvent l'imaginer, ces gens ont exprimé des points de vue très différents.
(1220)
    La triste réalité est que le délai accordé au comité pour rédiger le rapport et formuler ses recommandations a fait en sorte qu'un grand nombre de groupes qui souhaitaient comparaître devant le comité n'ont pas pu le faire. Des groupes tels que la coalition pour la prévention de l'euthanasie, L'Arche Canada, Vivre dans la dignité, de même que le Dr Balfour Mount, considéré comme étant le père des soins palliatifs au Canada et, d'ailleurs, en Amérique du Nord, n'ont pas pu comparaître.
    Le rapport du comité mixte n'a pas de mordant lorsqu'il est question d'insister sur le fait que, avant même que ne soit offert ou considéré le suicide assisté au Canada, il doit à tout le moins y avoir une offre crédible de soins palliatifs abordables et accessibles pour ceux qui songent à une solution aussi définitive que la mort précipitée. Tout comme le rapport du comité, le projet de loi C-14 échoue lamentablement pour ce qui est d'apporter un véritable changement dans ce dossier fondamental.
    Selon le Dr Harvey Chochinov, président du panel externe, professeur de psychiatrie à l'Université du Manitoba, et titulaire de la Chaire de recherche du Canada pour les soins palliatifs, tous les patients demandant l'aide médicale à mourir devraient faire l'objet d'une consultation en soins palliatifs pour être pleinement informés de toutes les options de soins palliatifs qui pourraient être entrepris pour atténuer leurs souffrances. Ne pas tenir compte de la véritable absence de choix sans offrir en contrepartie de véritables soins palliatifs revient à n'offrir aucun choix, seulement la mort précipitée.
     Je me réjouis que le projet de loi C-14 tienne compte des nombreux points de vue présentés dans le rapport dissident. J’estime en revanche qu’il utilise une terminologie vague et subjective, et qu’il laisse sans réponses de nombreuses questions de fond soulevées par des témoins qui ont comparu devant notre comité.
    L’une des choses qui m’a déplu pendant toutes nos discussions a été la volonté manifeste d’édulcorer les mots. Plutôt que de parler de suicide assisté par un médecin ou d’euthanasie volontaire, on a décidé d’utiliser l’expression « aide médicale à mourir ». Même des médecins se sont opposés avec véhémence à l’expression « aide médicale à mourir », surtout ceux qui travaillent dans les soins palliatifs et qui, depuis des décennies, aident les malades à finir leurs jours de façon naturelle.
     On dit que toute restructuration sociale est précédée d’une restructuration sémantique. Nous en avons un parfait exemple avec le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. La question est bien trop grave pour qu’on laisse passer une terminologie aussi vague et aussi euphémisée. Comme l’a fait remarquer le Dr Chochinov, le projet de loi C-14 ne fait pas la distinction entre le suicide assisté par un médecin et l’euthanasie, et il les inclut tous les deux dans ce qu’il appelle « l’aide médicale à mourir ». Il est pourtant extrêmement important de faire cette distinction, car l’expérience d’autres pays nous enseigne que le taux d’utilisation et le taux de létalité de ces deux gestes médicaux sont très différents. Dans les juridictions qui n’autorisent que le suicide assisté par un médecin, comme l’Oregon, les décès provoqués par ce geste médical représentent environ 0,3 % de tous les décès. Dans celles qui autorisent l’euthanasie, le nombre de décès accélérés en représente environ 3 %, soit 10 fois plus.
     Si l’on extrapole ces chiffres à la situation du Canada, où nous dénombrons environ 260 000 décès par an, un régime de suicide assisté par un médecin donnerait lieu à environ 780 décès par an. En revanche, pour ce qui est de l’euthanasie, le nombre de décès passe alors à 7 800 par an, soit 10 fois plus. S’il y a moins de décès avec un régime de suicide assisté par un médecin qu’avec l’euthanasie, c’est à cause de l’ambivalence. Il est donc crucial que le gouvernement, s’il veut faire adopter ce projet de loi, demande que, pour ceux qui veulent mourir avec l’aide d’un médecin, on suive vraiment une procédure de suicide assisté par un médecin, et non une procédure d’euthanasie volontaire, car les chiffres sont très différents.
    Un autre élément important dont il n’est pas tenu compte dans le projet de loi est la question de la protection de la liberté de conscience des médecins et des travailleurs de la santé. S’il est possible de garantir « une approche cohérente dans tout le pays en matière d’aide médicale à mourir », comme l’affirme le préambule, il n’y a aucune raison pour qu’on ne garantisse pas en même temps, dans le projet de loi, le respect de la liberté de conscience.
    Enfin, le projet de loi C-14 devrait prévoir un mécanisme de surveillance judiciaire, afin de protéger les personnes vulnérables. Même s’il peut paraître bien, sur le papier, d’avoir deux témoins indépendants et deux médecins indépendants, les risques de contrainte manifeste ou sournoise sont trop grands et les possibilités d’abus, trop réelles. Ces affirmations doivent être vérifiées dans le cadre d’un mécanisme de surveillance judiciaire.
    En résumé, c’est de l’espoir que nous devrions offrir à tous les Canadiens. En tant que législateurs, nous devrions faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous assurer que personne ne meurt inutilement. C’est dans cet esprit que je me permets de rappeler les trois grands amendements qu’il faut à mon avis apporter au projet de loi C-14: premièrement, les Canadiens vulnérables ont besoin d’être protégés par un mécanisme de surveillance judiciaire; deuxièmement, il faut protéger la liberté de conscience des médecins, des travailleurs de la santé et des établissements de soins; troisièmement, il faut offrir aux Canadiens qui souffrent une possibilité réelle d'avoir des soins palliatifs, plutôt qu’une mort accélérée.
(1225)
    Monsieur le Président, il est évident que le député est un ardent défenseur de la vie humaine, son discours le montre clairement.
    J’aimerais lui poser une question au sujet de ce qu’il a dit à propos de la Cour suprême. Il semble croire que la Cour suprême doit se plier à la volonté du Parlement. Mais ce n’est pas ce que prévoit la Charte des droits que nous avons adoptée au Canada. Et nous l’avons adoptée précisément parce qu’elle garantit la protection des libertés individuelles, quelle que soit l’opinion de la majorité. Dans le cas qui nous intéresse, que cela plaise ou non au député ou à certains de ses collègues, la Cour suprême a statué, dans l’affaire Carter, que l’aide médicale à mourir était accessible à une certaine partie de la population canadienne.
     Si j’ai bien compris, le député estime que la seule chose à faire serait d'utiliser la disposition de dérogation pour annuler la décision de la cour. Est-ce bien ce que le député nous demande de faire?
    Monsieur le Président, mon collègue est lui aussi un ardent défenseur de la vie humaine.
     Il est évident que le comité a disposé de très peu de temps pour entendre des témoins, rassembler tous les témoignages et préparer un rapport au gouvernement, pour que celui-ci élabore un projet de loi. Maintenant, on nous impose un échéancier très serré pour en discuter à la Chambre. Le comité de la justice va lui aussi être soumis à un échéancier extrêmement serré. Il me paraît donc évident que nous n’avons pas assez de temps pour accorder à cette question extrêmement sérieuse toute la considération qu’elle mérite.
    Que le gouvernement veuille invoquer la disposition de dérogation ou non, ce n’est pas moi qui vais le proposer. C’est certainement une option. Il me semble toutefois qu’en nous précipitant de cette façon nous n’allons pas donner aux Canadiens le projet de loi qu’ils méritent.
    Monsieur le Président, j’ai beaucoup de respect pour tout ce qu’a fait mon collègue au sein du comité parlementaire, sur la question des soins palliatifs.
     Nous nous entendons sur bien des choses, mais parfois ce n’est pas le cas, comme le veut la coutume à la Chambre. Je comprends sa frustration à l'égard de l’échéancier imposé par la Cour suprême. Je respecte le droit et le pouvoir de la Cour suprême d’établir des règles et des lois lorsqu’elle estime que le Parlement a laissé un vide juridique. Toutefois, elle aurait dû avoir la bienveillance de donner au nouveau gouvernement la possibilité de consulter la population canadienne sur un sujet très important qui concerne tout un chacun et qui transcende les politiques de partis. Elle aurait dû donner au nouveau gouvernement la possibilité de consulter les Canadiens. Je suis d’accord avec le député. Maintenant, nous sommes obligés de respecter un échéancier très strict que les Canadiens surveillent mais auquel ils ne sont pas parties prenantes.
    Étant donné que ce sont des limites qui nous ont été imposées par la Cour suprême, je me demande ce qui se passerait si la Chambre ne prenait pas les mesures nécessaires pour combler ce vide juridique, car des individus et des organisations risqueraient alors de s’adresser à la Cour suprême.
    Par conséquent, mon collègue a-t-il songé aux risques associés à un tel vide juridique si nous ne mettons pas en place une loi d'ici la fin de juin?
    Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue de son travail dans le dossier des soins palliatifs. J'ai eu le privilège d'appuyer la motion qu'il a présentée à la Chambre l'année dernière. C'était un honneur de travailler avec les députés de tous les partis pour préparer le rapport intitulé Avec dignité et compassion, qui contient de nombreuses recommandations. Je suis d'ailleurs fier de dire que plusieurs d'entre elles ont été mises en oeuvre, en tout ou en partie, mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire.
    Je suis, moi aussi, préoccupé par le vide juridique qui risque d'exister si nous n'agissons pas. Cependant, comme je l'ai souligné dans mes observations, au moins trois amendements importants s'imposent pour que le projet de loi puisse offrir, me semble-t-il, des garanties suffisantes aux Canadiens vulnérables. Ces derniers ont notamment besoin d'une meilleure protection grâce à un système de surveillance judiciaire. C'est bien beau dire qu'on fera appel à deux médecins et à deux témoins indépendants, mais encore faut-il qu'il y ait un moyen d'attester qu'ils sont bel et bien indépendants.
    L'autre modification vise à protéger la liberté de conscience des travailleurs de la santé. Il serait tout à fait déplacé qu'une institution établie pour améliorer les soins de fin de vie et accompagner les patients tout au long du processus naturel de fin de vie exige des professionnels de la santé qu'ils participent désormais à l'accélération médicale de la mort, car cela va complètement à l'encontre des principes mêmes de leur profession.
(1230)
    Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec la députée d'Oakville-Nord—Burlington.
    Je tiens d'abord à prendre le temps de rendre hommage à deux femmes canadiennes que je n'ai pas connues, mais que j'ai appris à connaître après leur mort, et je pense qu'elles sont parmi les femmes les plus courageuses. Je parle de Gloria Taylor et Kay Carter. Ces deux femmes ont vécu des épreuves qu'elles n'avaient pas choisies, et elles en sont venues au point où elles souhaitaient avoir de l'aide pendant leurs derniers jours, à la dernière étape de leur vie.
    En tant que pasteur de l'Église Unie, j'ai accompagné de nombreuses personnes — même des centaines — à cette étape de leur vie, et il m'est arrivé encore bien plus souvent que cela de célébrer les funérailles de gens que je n'ai appris à connaître qu'à travers les récits de leur famille et ce qu'elles ont laissé en héritage. Kay Carter et Gloria Taylor en sont des exemples. Ces femmes courageuses, tenaces, pleines d'espoir et aimant la vie ont ouvert la voie que nous empruntons aujourd'hui avec l'étude d'un projet de loi sur l'aide médicale à mourir.
    En leur rendant hommage, je veux aussi les remercier de nous avoir donné l'occasion de suivre une des meilleures leçons sur les droits civiques dont nous puissions bénéficier comme parlementaires. Chaque organe du gouvernement a l'occasion de se prononcer sur la question: l'organe législatif, l'organe judiciaire et l'organe exécutif.
    Dans les faits, nous avons entamé cette discussion en 1982 lorsque nous avons invoqué la Chartre qui fait maintenant partie intégrante de la culture canadienne des droits et libertés. Depuis son adoption, la Charte a guidé tous les Canadiens ainsi que les tribunaux et les juristes d'ici. En réalité, lorsque Kay Carter et Gloria Taylor ont interjeté appel auprès de la Cour suprême de la Colombie-Britannique et que leur appel s'est rendu à la Cour d'appel de cette province avant de se retrouver devant la Cour suprême du Canada, nous avons eu l'occasion de demander à notre organe judiciaire de se renseigner sur leurs droits et la possibilité qu'elles puissent bénéficier d'une aide médicale à mourir. Les tribunaux ont tranché et donné à l'organe parlementaire et à l'organe exécutif un an pour produire une loi.
    L'organe parlementaire s'est ensuite prononcé par le truchement d'un comité mixte de la Chambre et du Sénat. Je tiens à dire à mes collègues que ce fut probablement mon expérience parlementaire la plus enrichissante. J'ai été profondément transformé par la discussion à laquelle ont participé les sénateurs et députés des deux sexes, de même que par les récits que j'ai entendus sur la vie, la mort, la guérison et l'espoir. L'expérience m'a permis de constater que notre système parlementaire donne aux Canadiens la possibilité extraordinaire de se faire entendre en comité et, maintenant, à la Chambre.
    L'organe exécutif a ensuite repris le flambeau après la publication du rapport et a présenté le projet de loi C-14. Je tiens à remercier la ministre pour le travail qu'elle a accompli dans ce dossier, ainsi que pour le travail de son cabinet et du ministère de la Justice, qui ont pris notre rapport au sérieux, l'ont poussé plus loin et ont produit une mesure législative que je suis persuadé d'appuyer à la deuxième lecture.
    Cela ne signifie pas que je pense que nous en avons terminé avec cette mesure législative, car elle est maintenant de retour dans le système parlementaire, où nous allons engager un dialogue avec l'exécutif en vue d'améliorer une mesure législative qui est actuellement acceptable. Lorsque nous traitons de questions de vie ou de mort, je ne pense pas qu'il suffise que la mesure soit acceptable. Nous pouvons honorer la quête dans laquelle Gloria Taylor et Kay Carter se sont engagées, sur laquelle la Cour suprême du Canada s'est prononcée et au sujet de laquelle l'exécutif a présenté une mesure législative. Comme parlementaires, nous pouvons prendre au sérieux la Charte des droits et libertés, la prendre à coeur et nous rappeler ce à quoi les députés s'engagent lorsqu'ils prêtent serment. Au-delà de l'allégeance à Sa Majesté, il s'agit de faire respecter la Constitution du pays et d'y adhérer avec amour, détermination, passion et espoir et de voir comment la décision de la Cour suprême peut être mise en pratique au Canada.
    Nous sommes aujourd'hui saisis d'une mesure législative. Il a été déterminé que l'article 7 de la Charte ne pouvait servir à nier les droits de deux femmes demandant de l'aide à mourir. Le gouvernement de l'époque avait tenté de contrer la déclaration des droits à l'article 7 en invoquant l'article 1 de la Charte, affirmant qu'il existait des motifs raisonnables de refuser ces droits. Toutefois, la Cour suprême du Canada ne l'a pas permis, disant qu'il serait déraisonnable de nier ces droits à ces femmes. La Cour s'est prononcée de façon très précise sur une affaire très précise à un moment précis.
(1235)
    Au paragraphe 127 de la décision, la Cour suprême a aussi signalé qu'elle ne se prononçait pas sur des choses qui ne lui sont pas présentées. C'était une exigence pour le Parlement, mais aussi pour ce projet de loi, qui plonge tous les Canadiens dans une discussion au sujet de ce que nous pouvons nous donner comme soins continus, soins qui se poursuivront jusqu'à l'étape où l'on aide les gens à passer leurs derniers jours.
    Notre approche est différente. Je respecte tout à fait le député de Kitchener—Conestoga. Il s'est investi sérieusement dans cette cause et j'ai tenu compte du fait qu'il est un passionné. Nos approches diffèrent, mais je suis convaincu que les députés des deux côtés de la Chambre se préoccupent du bien-être des Canadiens. Je crois cependant que le projet de loi doit aller encore plus loin si nous voulons qu'il soit fidèle à la Constitution.
    Je me préoccupe du fait que le projet de loi pourrait entraîner d'autres contestations devant les tribunaux, et je suis d'avis que les Canadiens ne devraient pas avoir à endurer cela. J'ai deux préoccupations très précises dont j'aimerais faire part à la Chambre, et la première concerne l'utilisation du mot « incurable ».
    Il est très clair que la Cour suprême a préféré « irrémédiable » à « incurable ». Le qualificatif « incurable » se rattache habituellement à la maladie, et non à la personne. Je veux dire par là qu'une maladie peut être incurable ou curable, mais la personne a le droit, selon la Cour suprême, de ne pas se soumettre aux traitements qui lui sont inacceptables. Un traitement peut être cruel ou très pénible, et les juges sont d'avis qu'une personne n'a pas l'obligation de s'y soumettre. Il peut exister un traitement contre une maladie, mais la personne a le droit de choisir une autre issue, et c'est l'article 7 qui lui garantit ce droit. Voilà le problème que pose à mes yeux l'emploi du mot « incurable ».
    Le concept de mort raisonnablement prévisible ou de mort dans un avenir prévisible me pose problème, lui aussi. Nous sommes tous soumis aux caprices du destin. La vie est fragile et précieuse. La vie nous est chère, mais pour certains, la vie peut devenir intolérable. Certaines maladies ne sont pas nécessairement mortelles dans le sens où la personne qui en est atteinte meurt automatiquement, mais elles peuvent causer une douleur intolérable. Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême dit que le malade a alors le droit d'obtenir une aide médicale à mourir.
    Le concept de mort dans un avenir prévisible a embrouillé les choses. Les médecins se demandent ce qu'il signifie. Est-il question de « phase terminale »? Car la définition de « phase terminale » varie selon les hôpitaux et les médecins. Il faut donc être très prudent.
    Par ailleurs, je veux parler d'une des mesures de sauvegarde. Il s'agit somme toute d'une mesure législative solide, et la plupart des mesures de sauvegarde qu'il renferme ne sont pas très préoccupantes, selon moi, sauf l'une d'elles, c'est-à-dire la dernière du troisième paragraphe portant là-dessus, l'alinéa 241.2(3)h), qui dit que, immédiatement avant que les substances causant la mort lui soient administrées, la personne doit exprimer de nouveau son consentement exprès.
    J'ai été trop souvent dans des chambres d'hôpital. J'ai accompagné beaucoup trop de personnes mourantes. La plupart des gens qui reçoivent cet ensemble de soins sont mourants, et on leur donne probablement de la morphine. Il serait cruel de cesser de leur en donner pour s'assurer qu'ils sont aptes à donner leur consentement. En fait, pendant une période de 15 jours, la personne devrait pouvoir partir dans la dignité, et il faudrait faire preuve de compassion à son égard en ne l'obligeant pas à recouvrer ses facultés parce que la morphine l'aide justement à tolérer d'atroces souffrances. Nous savons déjà qu'elle est en proie à des souffrances intolérables.
    Hormis ces exceptions, j'appuie le projet de loi. Le comité de la justice doit faire son travail. Je suis convaincu que les députés qui en font partie feront preuve de la plus grande rigueur. Je leur fais pleinement confiance. J'attends avec intérêt le retour du projet de loi à la Chambre et son renvoi au Sénat. La loi qui sera adoptée aidera les Canadiens et fera du Canada un endroit meilleur, j'en suis convaincu.
(1240)
    Monsieur le Président, je tiens à remercier le député du travail qu'il a accompli à titre de coprésident du comité et pour l'esprit de collaboration qui régnait là-bas.
    Un point me préoccupe. On a souvent constaté pendant les audiences que deux questions tendent à être amalgamées. C'est selon moi involontaire, mais ce n'est peut-être pas le cas. Ces deux questions sont, d'une part, l'aide médicale à mourir, ou suicide assisté, et, d'autre part, l'interruption pure et simple des traitements.
    Les patients ont toujours eu le droit de refuser des traitements que le député qualifie de très pénibles et qui pourraient prolonger leur vie. Le député pourrait-il confirmer qu'il ne souhaitait pas affirmer le contraire et que les patients ont depuis toujours le droit de refuser un traitement qui prolongerait indûment leur vie, de « tirer la plogue », comme on dit?
    Nous devons composer avec ces enjeux depuis plusieurs années. Ce n'est toutefois pas ce dont il est question actuellement. Je crains que les propos du député puissent porter à confusion et amener certaines personnes à penser qu'on cherche à prolonger la vie d'un patient coûte que coûte en utilisant tous les médicaments possibles ou en pratiquant des interventions plus poussées qu'il ne le demande.
    Monsieur le Président, je pense que le député de Kitchener—Conestoga a raison. Il y a toutes sortes de façons de mourir, et certaines personnes disent très clairement ne pas vouloir que des manoeuvres de réanimation soient effectuées ni que des mesures extraordinaires soient prises à leur égard.
    Or, lorsqu'une personne arrive à la fin de sa vie et que son médecin l'accompagne, il existe un pacte sacré, je crois, qui lie le médecin et le patient et qui leur permet de comprendre que le rôle du médecin consiste à mettre fin aux souffrances. Il ne consiste pas nécessairement à prolonger la vie. Il y a des moments où le cours naturel de la vie est trop long pour les gens qui souffrent.
    Il y a eu un cas au Québec, récemment, où une personne n'était pas admissible parce que sa mort n'aurait pas lieu dans un avenir prévisible. Cette personne a dû cesser de s'alimenter, se priver de nourriture et d'eau pendant 53 jours, jusqu'à ce qu'on la laisse enfin mourir. Je pense que c'est injuste, et c'est ce que la Cour suprême a conclu.
    D'ailleurs, la Cour suprême dit qu'elle permet à la fois aux médecins d'aider les personnes à mourir, et à ces personnes d'en prendre l'initiative avec l'aide des médecins. Je suis fier de vivre dans un pays d'une telle compassion.
    Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Don Valley-Ouest ainsi que le député de Kitchener—Conestoga. Je ne me rappelle pas avoir entendu, depuis cinq ans que je siège dans cette enceinte, un débat sur une question aussi difficile au cours duquel les partis et les députés ont fait preuve d'un si grand respect mutuel. Nous reconnaissons tous qu'il s'agit d'une question très sensible. C'est une question d'éthique, de droits et de moralité individuelle. C'est une question pour le moins épineuse.
    Toutefois, je suis préoccupée par une partie du projet de loi dont a parlé le député de Don Valley-Ouest: le fait qu'une personne doit être capable de réaffirmer une fois de plus sa décision de demander l'aide d'un médecin pour mourir, même après qu'elle a perdu la capacité mentale de le faire.
    Une fois de plus, sur la question des directives anticipées, cette partie du projet de loi va à l'encontre de l'essence même du jugement de la Cour suprême, c'est-à-dire qu'il ne faut pas mettre les gens dans une position où ils estiment devoir s'ôter la vie prématurément. Ceux-ci veulent avoir l'assurance que leurs décisions relatives aux soins de fin de vie seront respectées.
    Voici la question que je pose à mon collègue le député de Don Valley-Ouest: le fait de demander à une personne ne possédant plus les capacités mentales nécessaires de réaffirmer une décision très claire qu'elle a prise lorsqu'elle les possédait encore ne revient-il pas en quelque sorte à demander l'impossible?
    Monsieur le Président, je tiens à remercier la députée de son ardeur, mais aussi de sa compassion.
    Il s'agit de l'enjeu le plus important à avoir été abordé dans ma circonscription depuis plusieurs semaines. Le député de Don Valley-Est et moi avons organisé une assemblée publique, à laquelle environ 200 personnes ont assisté. Du nombre, 90 % ont dit souhaiter qu'on permette une forme ou une autre de directive anticipée. Les gens ont très peur de devoir mourir prématurément si jamais une maladie comme la démence ou l'Alzheimer devait les priver de leurs facultés. C'est un sujet qui les inquiète beaucoup.
    J'ai organisé une autre séance du même type à Leaside, la semaine dernière, et là aussi, le sujet est revenu sur le tapis.
    En fait, je crois que c'est avec le temps que nous comprendrons la portée réelle de cet enjeu. Il faut donc, selon moi, étudier attentivement la mesure législative dont nous sommes saisis. Nous prendrons le temps qu'il faudra pour que la société soit prête. Je suis toutefois persuadé qu'il s'agit d'une réalité inévitable.
    Je tiens à saluer la mémoire d'une ex-députée du Bloc québécois, la regrettée Francine Lalonde. C'est elle qui avait abordé ce sujet la première. J'ai aussi oublié...
(1245)
    Nous reprenons le débat. La députée d'Oakville-Nord—Burlington a la parole.
    Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre part au débat sur le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir.
    Le mot « mort » suscite des émotions intenses. Nous jouissons de la vie et nous la célébrons. Nous parlons de vivre, mais évitons le sujet de la mort. Nous nous dérobons à ces conversations parce qu'elles nous mettent mal à l'aise.
    J'espère sincèrement que le projet de loi engendrera des conversations sur la fin de vie, les soins palliatifs, la mort et le fait de mourir dans la dignité.
    Je veux tout d'abord remercier tous les Canadiens qui ont participé aux consultations sur la question avec le gouvernement de leur province et le fédéral. Je tiens à reconnaître le travail des membres du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui a remis son rapport au Parlement à la fin février. Je salue en particulier le député de Don Valley-Ouest, la ministre de la Justice ainsi que la ministre de la Santé. Personnellement, j'ai été touchée par leurs propos sensibles et réfléchis.
    J'ai entendu les interventions de la ministre de la Justice et de la ministre de la Santé durant le débat à la Chambre sur le projet de loi. J'ai pleinement confiance en leur capacité de guider nos travaux durant le processus législatif touchant le projet de loi C-14 ainsi que le débat sur la mort et son approche.
    C'est une question qui nous préoccupe depuis longtemps. Je me souviens de la compassion dont l'ancien député Svend Robinson avait fait preuve au début des années 1990 lorsqu'il tenait la main de Sue Rodriguez, alors atteinte de SLA, au moment où la Cour suprême lui a refusé le droit de mettre un terme à sa vie.
    Il est clair pourquoi un tel projet de loi s'impose. Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a décidé à l'unanimité que les Canadiens qui endurent des souffrances intolérables ont le droit de demander de l'aide afin d'y mettre un terme.
    La mesure proposée par le gouvernement tente de trouver un équilibre, mais ce faisant, elle déplaira sans doute à certains. Peut-on dire que certaines de ses dispositions ne vont pas assez loin? À mon avis, la réponse est oui. Les personnes atteintes de démence se voient refuser un choix important en fin de vie.
    Le projet de loi ne s'attaque pas à toutes les questions auxquelles sont confrontées les personnes atteintes d'une maladie incurable. Je n'ai aucun doute qu'il fera l'objet d'une discussion approfondie au comité. Des gens m'ont écrit pour me faire connaître leur inquiétude au sujet de l'application du projet de loi par les provinces et les territoires. Je suis heureuse que l'on approfondisse l'étude. Ce n'est que le début de la conversation en la matière, et c'est normal.
    Je sais que pour certaines personnes, cette mesure législative va trop loin. De façon générale, je crois que ces personnes s'opposent fondamentalement à l'arrêt Carter. Toutefois, sans égard à l'opinion des gens au sujet du projet de loi, je crois que nous pouvons tous convenir qu'il faut améliorer notre façon de gérer la mort.
    Qu'un patient gravement malade choisisse de mourir à la maison, dans un établissement de soins palliatifs, ou choisisse l'aide médicale à mourir, il faut avoir ces conversations plus tôt et aider les personnes en fin de vie avec sensibilité. Ce ne sont pas des décisions à prendre pendant une crise de santé, ce qui est souvent le cas. Nous devrions plutôt tous planifier nos soins au préalable.
    Je me rappelle être assise dans la chambre d'hôpital de mon père, peu de temps avant sa mort, alors qu'il luttait contre une pneumonie. Ma soeur et moi avons dû lui demander ce qu'il souhaitait si son coeur arrêtait de battre. Comme les députés peuvent le comprendre, cela a été l'une des conversations les plus difficiles que nous ayons eues. C'était une conversation pénible et bouleversante, certes, mais elle était aussi nécessaire.
    Bien que je reconnaisse la différence entre cette mesure législative et une ordonnance de non-réanimation, je veux dire qu'il est difficile de parler de la mort. C'est très difficile de parler de la mort d'un proche. Toutefois, ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il ne faut pas en parler. En fait, je crois que c'est justement parce que c'est un sujet difficile qu'il faut l'aborder.
    Nous renseignons mal les gens au sujet de leurs choix en fin de fin. Ces choix existent. Nous avons aussi du mal à offrir ces choix en fin de vie. Il n'y a pas assez de ressources pour aider les gens qui souhaitent mourir à la maison. Les options pour les gens qui souhaitent obtenir des soins palliatifs sont limitées.
(1250)
    Je crois que le gouvernement fédéral doit collaborer avec les provinces et les territoires pour élaborer un meilleur cadre pour les soins en fin de vie. Notre programme prévoit des investissements grandement nécessaires de 3 milliards de dollars sur 4 ans dans les soins à domicile et les soins palliatifs.
    Nous soulignons aujourd'hui le début de la Semaine nationale des soins palliatifs. Peu de temps après mon élection, j'ai eu l'occasion de visiter le centre de soins palliatifs Carpenter de Burlington, soit l'une des seules options en matière de soins palliatifs offertes à Oakville et à Burlington pour les personnes à qui il ne reste que quelques jours ou quelques mois à vivre. Lors de ma visite, nous vous avons parlé non seulement de cet établissement impressionnant, mais aussi de la manière dont nous, en tant que société, devons avoir des conversations plus ouvertes au sujet de la mort.
    J'ai été grandement touchée par l'histoire de Bonnie Tompkin. Elle est coordonnatrice en santé communautaire au centre de soins palliatifs Carpenter, mais son expérience est très personnelle. Lorsque son fiancé Ian a reçu un diagnostic de cancer terminal, il tenait mordicus à avoir droit à l'aide médicale à mourir. Comme bien d'autres, il s'inquiétait grandement du fardeau qu'il deviendrait pour ses proches au fil de l'évolution de sa maladie. Après avoir visité le centre de soins palliatifs Carpenter et avoir été informé des options qui s'offraient à lui, il a pris la décision de passer ses derniers jours au centre de soins palliatifs.
    Le centre de soins palliatifs Carpenter collabore activement avec la Ville de Burlington en vue d'adopter une charte pour une ville de compassion. De telles chartes sont répandues au Royaume-Uni. Les citoyens de collectivités animées par la compassion sont informés, sensibilisés et éduqués au sujet de la mort, de la mortalité, du décès et du deuil.
    La santé et le bien-être sont des principes qui vont au-delà de notre système de santé et qui s'appliquent aussi à nos amis et à nos proches, ainsi qu'aux liens que nous entretenons avec les espaces publics et les membres de la collectivité. La charte pour des villes de compassion repose sur la notion que la collectivité joue un rôle semblable dans le cas des personnes en fin de vie. Voici un extrait de cette charte:
    Les villes de compassion sont des collectivités qui reconnaissent que tous les cycles naturels de la maladie et de la santé, de la naissance et de la mort, ainsi que de l'amour et de la perte se produisent tous les jours, dans le cadre de leurs institutions et de leurs activités régulières. Une ville de compassion est une collectivité qui reconnaît que les soins prodigués aux autres en périodes de crise et de perte ne constituent pas une tâche qui incombe exclusivement aux services de santé et aux services sociaux, mais bien à tout un chacun.
    Les villes de compassion appuient les diverses croyances religieuses et culturelles. Dans ma circonscription, j'ai rencontré un couple qui craignait que ce projet de loi normalise le suicide. Toutefois, si nous réussissons à bâtir des collectivités animées par la compassion et parlons de la vie et de la mort, nous pouvons donner aux gens les outils dont ils ont besoin et des options pour la vie.
    À une certaine époque, personne ne parlait du cancer. Tout cela a changé lorsque, le 12 avril 1980, un jeune homme muni d'une jambe artificielle a amorcé son Marathon de l'espoir qui devait le mener d'un bout à l'autre du pays. Il nous a obligés à admettre non seulement l'existence de son cancer, mais aussi le fait qu'il faut éviter de cacher les personnes handicapées.
    Nous commençons seulement à engager une conversation sur la santé mentale, autre sujet dont on parlait tout bas jusqu'à tout récemment. D'ailleurs, aujourd'hui, sur la Colline du Parlement, il y a eu une marche pour la sensibilisation à la santé mentale.
    La mort est un autre sujet tabou, dont nous ne voulons pas parler. Mais ce faisant, nous rendons un bien mauvais service à nos amis et à nos proches lorsque ceux-ci se retrouvent face à leur propre mortalité.
    J'ai récemment eu une conversation avec une de mes meilleures amies sur le sujet de la mort, sur ce projet de loi, sur la forme que devraient prendre les soins en fin de vie et sur ce qui fait défaut. Son mari, un bon ami à moi, vit avec une maladie terminale, la SLA. Un autre de mes bons amis est en train d'accompagner son père en fin de vie. Ces conversations sont très difficiles, mais en les ayant, nous pourrons peut-être faciliter la tâche pour tout le monde quant aux choix sur la façon de mourir dans la dignité.
    Il ne sera jamais facile de parler de la mort, ce qui est normal, mais ce sujet devrait faire partie de nos conversations autant que les questions touchant la vie. Nous devons parler des options de vie et de la mort dans la dignité. Il est plus que temps de le faire.
    Nous devrions peut-être nous inspirer de la charte pour des villes de compassion et reconnaître que la façon dont nous traitons la mort, la perte et le deuil mérite d'être communiquée à toute la collectivité, dans chaque vile, d'un bout à l'autre du pays.
(1255)
    Monsieur le Président, je remercie la députée d'avoir exprimé ses sentiments profonds à l'égard de cette question.
    Je suis nouveau venu au Parlement, mais je suis conscient qu'il s'agit d'une question qui revêt une grande importance aux yeux des Canadiens d'un océan à l'autre. J'aurais souhaité que nous disposions de plus de temps pour en discuter.
    Le député de Don Valley-Ouest a fait mention du Québec dans son intervention. Je souligne que le Québec a mis six ans avant de faire ses recommandations. Le gouvernement du Québec a pris le temps de consulter des groupes de partout dans la province, notamment les familles de même que les partisans et les opposants à l'aide médicale à mourir. Je répète encore une fois que j'aurais souhaité que nous consacrions davantage de temps à cette question. De toute évidence, ce ne sera pas le cas.
    J'ai rencontré un groupe d'étudiants en sciences infirmières, la semaine dernière. Mon fils étudie en sciences et souhaite devenir médecin. Tous ces jeunes se posent la même question. Dans la carrière qu'ils ont choisie, ils seront confrontés à cette réalité et devront prendre des décisions difficiles. Les jeunes choisissent le domaine de la santé dans le but d'aider et de protéger les gens et d'améliorer leur état de santé mais, un jour ou l'autre, ils devront décider d'administrer ou non un médicament pour aider un patient à mourir. Les étudiants en sciences infirmières étaient renversés d'apprendre qu'une telle responsabilité pourrait leur incomber. Certains ont dit « Je ne sais pas si je peux faire une telle chose », et d'autres, « Je ne sais pas si j'ai choisi la bonne profession ».
    Que sommes-nous censés leur dire? Il devrait y avoir de plus amples discussions sur la protection de la liberté de conscience. Je comprends tous les points de vue, notamment pour avoir vu des membres de ma famille vivre des moments terribles à la fin de leur vie. Par surcroît, comme j'ai un enfant adulte qui a des besoins spéciaux, cette question me préoccupe.
    Que devons-nous dire à la prochaine génération de médecins et d'infirmières? Faut-il leur dire que le projet de loi dont nous sommes saisis ne prévoit aucune mesure de protection?
    Monsieur le Président, les gens se demandent toujours comment ils vont pouvoir faire toutes sortes de choses lorsqu’ils embrassent une profession médicale. Les médecins et les infirmiers font face à ce genre de difficultés tout au long de leur carrière. Si cet acte heurte vraiment les convictions d'un travailleur de la santé, celui-ci peut demander à être remplacé, mais je pense que cela fera partie des discussions que nous aurons avec les provinces et avec les associations d’infirmiers et de médecins. C’est vrai que c’est une question importante, mais le personnel soignant doit composer quotidiennement avec ce genre de décision très difficile.
    Nous leur faisons confiance. Je crois que c’est le député de Don Valley Ouest qui a dit que nous confions notre vie à la profession médicale, et que nous devons donc pouvoir lui confier notre mort.
    Comme je l’ai dit, ce n’est que le début de la discussion, et pas la fin. Et c’est une discussion que nous aurons avec les étudiants en médecine ou en sciences infirmières.
    Monsieur le Président, j’ai écouté ma collègue avec beaucoup d’intérêt, et elle a beaucoup parlé de « compassion » et d’« options », mais le problème c’est que bon nombre de Canadiens n’ont pas accès à ces options parce qu’ils n’ont pas accès à des soins palliatifs de qualité.
    Ma collègue a parlé d’une promesse électorale, mais pour la respecter, il faut prévoir les crédits nécessaires dans le budget. Or, le budget ne prévoit rien pour les soins palliatifs. Il est important que nous en discutions à la Chambre, sinon, on parle dans le vide.
    S’agissant des secteurs sous compétence fédérale, le terme « compassion » me surprend à cause du paragraphe 12.1 des services de santé non assurés pour les Autochtones. Lorsqu’ils doivent prendre l’avion pour se rendre à l’hôpital où ils vont mourir, le règlement dit qu’en aucune circonstance un proche ne peut les accompagner. Le règlement du gouvernement fédéral qui empêche les proches d’accompagner un être cher qui va mourir parle alors d'« événement malheureux ». Les lignes directrices fédérales établissent que l’être cher doit mourir seul.
    Mais nous pouvons changer cela. C’est un secteur qui relève de la compétence fédérale. Les libéraux vont-ils s’intéresser à la question sans tarder, afin que nous puissions être crédibles quand nous parlons de compassion en fin de vie?
(1300)
    Monsieur le Président, je remercie le député de manifester autant de passion sur cette question, car elle est importante. Je sais qu’il a beaucoup travaillé là-dessus avec notre ministre des Affaires autochtones et du Nord.
    Nous devons faire preuve de plus de compassion. Aux Autochtones aussi bien qu’à tous les Canadiens, nous devons offrir de meilleurs soins palliatifs.
    Pour répondre à votre question, c’est précisément la raison pour laquelle nous devons commencer à en discuter afin d'investir et de voir comment nous pouvons organiser les services.
    J’aimerais rappeler aux députés qu’ils doivent s’adresser au Président.
    Je sais que c’est un sujet particulièrement difficile, aussi je tiens à souligner le niveau de respect qui règne à la Chambre ce matin. C’est tout à l’honneur des députés qui participent à la discussion aujourd’hui.
    Nous reprenons le débat. Le député de Louis-Saint-Laurent.

[Français]

    Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de sérieux et d'émotion que je prends la parole aujourd'hui. Ce n'est pas la première fois; il y a deux ans, alors que j'étais député à 'Assemblée nationale du Québec, j'ai eu également à me lever pour discuter de cette question extrêmement délicate qu'est l'aide médicale à mourir. Au provincial, il était question des soins de fin de vie.
    C'est donc la deuxième fois que je suis confronté à ce vote et à ce débat concernant cette question extrêmement délicate et j'entends me gouverner avec diligence, sérieux, mais surtout avec beaucoup de compassion.

[Traduction]

    D'habitude, quand je prends la parole, c'est pour convaincre. Convaincre, c'est ce que doivent faire tous les élus. Dans ce cas-ci, je ne veux pas convaincre, je veux simplement exposer mon point de vue. Dans les débats politiques, il y a des bons et des méchants. Dans ce cas-ci, il n'y a ni bons, ni méchants; il n'y a que d'honnêtes citoyens qui veulent ce qu'il y a de mieux pour l'avenir du pays et de la population, même si ce débat est très difficile et porte sur une question fort délicate.
    Pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui?

[Français]

    Nous sommes ici parce que, il y a un an, en février 2015, la Cour suprême rendait une décision qui avait des conséquences très graves et très importantes. C'était l'arrêt dans l'affaire Carter qui faisait état de l'aide médicale à mourir.
    Essentiellement, la Cour suprême ne demandait pas à la Chambre des communes et au Parlement canadien d'être pour ou contre l'aide médicale à mourir, mais bien de savoir comment l'appliquer. C'est sur ce principe que repose tout notre débat. Nous ne sommes pas ici pour débattre du fait que l'aide médicale à mourir est bonne ou mauvaise, mais plutôt pour savoir comment l'appliquer pour nos citoyens.
    Par contre — j'ai eu l'occasion de le dire souvent, mais je tiens à le répéter ici, à la Chambre, depuis mon siège de député —, je trouve très malheureux que la Cour suprême ait ordonné au Parlement canadien d'agir en l'espace d'à peine un an. C'est tout à fait non responsable. Je sais de quoi je parle. J'ai siégé à l'Assemblée nationale du Québec pendant près de sept ans. J'ai été témoin des six ans de travaux studieux et rigoureux qui ont conduit à l'adoption du projet de loi no 52. Cela a duré six ans, sous trois gouvernements différents, avec trois premiers ministres différents, les honorables Jean Charest, Pauline Maurois et Philippe Couillard. Nous avons travaillé pendant six ans. Il y a eu deux années complètes de consultations directes, et plus de 275 citoyens québécois ont pu s'exprimer sur ce sujet. Cependant la Cour suprême a ordonné au Parlement canadien d'agir en dedans d'un an.
    Pourquoi est-ce que je trouve que ce n'était pas responsable? C'est parce qu'on savait que nous étions dans une année électorale et que ce sujet-là ne tolère pas les discussions politiques partisanes. Malgré cela, la Cour suprême nous a ordonné de faire cela en à peine un an. Or on savait qu'à partir du mois de février, le décompte était commenté jusqu'au mois de juin et qu'après cela, nous arrêtions tout parce que l'élection avait lieu à l'automne et donc qu'un nouveau gouvernement arriverait. Donc rien ne pouvait se faire, théoriquement parlant, pour les parlementaires, avant les mois de décembre ou janvier. Cela a d'ailleurs été le cas. Bref, nous avons perdu six mois pour ce débat extrêmement important.
    Toutefois, tout n'a pas été perdu. En effet, le gouvernement précédent, sous l'égide du très honorable député de Calgary Heritage, a mis sur pied un comité de trois experts, dont un ancien ministre québécois, que je salue. Ce comité a évalué toutes les possibilités légales et parlementaires possible pour cette délicate question et a produit un document de plus de 400 pages. Je suis bien fier de savoir que ce travail a été fait, malgré le fait que nous étions en année électorale. J'aurais l'occasion d'y revenir un peu plus tard, au cours de mon allocution.
    Donc, le rapport est conçu. Il y a eu une élection et le nouveau gouvernement a créé un comité parlementaire que nous pourrions qualifier de bicéphale puisqu'il y avait à la fois des députés et des sénateurs. Le comité était coprésidé par un député libéral et un sénateur conservateur. Bref, la base de la non-partisanerie était établie, et c'est tant mieux.
    Malgré le fait que nos travaux étaient très circonscrits dans le temps — à peine cinq à six semaines —, nous avons tenu 13 rencontres, nous avons entendu 61 témoins et 132 mémoires ont été déposés. C'est bien, eu égard au temps imparti. Je tiens à saluer chacun et chacune de mes collègues qui sont ici présents. Je vois le coprésident de la Chambre, je vois également ma collègue de Toronto. On m'excusera, je ne connais pas par coeur tous les noms de comté. D'ailleurs les noms sont très longs et il faudra peut-être changer cela un jour; mais cela est une autre affaire.
    Donc je tiens à saluer tous mes collègues d'avoir travaillé dans un esprit positif, constructif, non partisan. C'était un sujet affreusement délicat et très difficile, mais nous l'avons fait de façon sérieuse et rigoureuse.
(1305)
    Après tous ces travaux, deux rapports ont été publiés: un rapport principal et un rapport dissident signé par les députés de Langley—Aldergrove, de Kitchener—Conestoga, de St. Albert—Edmonton, et moi-même.
    Avant d'entrer dans le coeur du rapport dissident, dont j'étais cosignataire, je tiens à préciser qu'il est vrai que les députés conservateurs membres du comité l'ont signé. Toutefois, ce n'était pas un rapport dissident conservateur. Les sénateurs conservateurs, eux, ont signé le rapport principal.

[Traduction]

    Ne nous y trompons pas: le rapport dissident n'est pas un rapport du Parti conservateur, c'est un rapport de députés, car les sénateurs conservateurs ont signé le rapport principal.
    C'est très clair, et il faut bien se garder d'y chercher des visées politiques.

[Français]

    Dans le rapport dissident, mes trois collègues et moi avons été animés par le besoin de protéger les plus vulnérables, mais également par l'affaire Carter et, surtout, par ce que nous avons appelé dans notre rapport « l'expérience québécoise ».
    Je suis fier de dire que j'ai été témoin de l'expérience québécoise. Ensemble, nous l'avons appliquée dans le rapport dissident et nous nous sommes basés sur elle pour déterminer ce qui devait être fait. Nous l'avons fait ainsi parce qu'au Québec, on avait pris le temps de le faire correctement.
    Au Québec, après six ans de débats, de travaux, de rigueur intellectuelle et de précautions mises à gauche et à droite, on a abouti à certaines conclusions. Le projet de loi 52 est devenu une loi afin que tout se fasse correctement, avec un certain consensus social.

[Traduction]

    Il est très difficile d'arriver à un consensus sur cette question délicate.

[Français]

    Notre rapport dissident contenait cinq éléments. Je vais en faire la lecture, puis je les reprendrai un par un.
    D'abord, nous estimions que les soins de fin de vie ne devaient pas être destinés aux mineurs. Ensuite, nous avons établi que les gens souffrant de maladie mentale ne devaient pas recevoir l'aide médicale à mourir. Puis, nous avons soulevé la nécessité de protéger la conscience des médecins et des professionnels de la santé. L'aide médicale à mourir ne devrait s'adresser qu'aux gens en fin de vie. Finalement, nous avions une préoccupation majeure concernant les soins palliatifs. Voilà les cinq éléments de notre rapport dissident. Reprenons-les un par un.
    Tout d'abord, il ne fallait pas que cela s'adresse aux mineurs. C'est un sujet très délicat. La Cour suprême parlait d'adultes et non de mineurs. Au-delà de cela, l'expérience québécoise s'adressait uniquement aux adultes. Autrement, cela pose des problèmes quasiment insolubles.
    Imaginons que les parents d'un jeune homme ou d'une jeune femme de 16 ans refusent que leur enfant reçoive des soins de fin de vie. Que peut-on faire? Qui a raison, l'enfant ou les parents?

[Traduction]

    Dans le pire des scénarios, si un jeune de 17 ans réclame des soins de fin de vie et que son père y consent, mais que sa mère ne le veut pas, qui a raison? Faut-il essayer de convaincre la mère? C'est extrêmement difficile et délicat.
    C'est pourquoi, à la lumière de l'expérience du Québec, le rapport dissident recommande l'exclusion des mineurs.
(1310)

[Français]

    Par ailleurs, nous ne souhaitons pas que ce projet de loi sur l'aide médicale à mourir s'adresse aux gens souffrant de maladie mentale, car il est presque impossible de déterminer à quel moment ces gens sont aptes à donner leur plein et entier consentement. C'est le propre des gens qui souffrent de maladie mentale de ne pas être conscients de ce qui se passe. Je sais que c'est terrible de dire de telles choses, mais c'est la vérité.

[Traduction]

    C'est la vérité. Pour les personnes souffrant d'une maladie mentale, il est extrêmement difficile d'exprimer clairement ce qu'elles veulent. Si on les place dans une situation de ce genre, on verra le pire. C'est pourquoi, encore une fois à la lumière de l'expérience du Québec, nous les excluons.

[Français]

    Parlons maintenant de la protection de la conscience des médecins et des gens qui pratiquent dans le domaine médical. C'est un sujet délicat, mais très important. Au Québec, on a trouvé une solution un peu particulière, mais qui devrait servir d'inspiration au gouvernement.
    On doit respecter le patient qui veut, en son âme et conscience, recevoir les soins de fin de vie, mais on doit aussi respecter le médecin qui doit donner ces soins. Si le médecin ne veut pas procéder, il faut le respecter. Au Québec, voici ce qu'on a fait: le médecin qui ne veut pas prodiguer ces soins doit référer son patient à un tiers, c'est-à-dire au directeur de l'hôpital ou du CLSC, et ce tiers va référer le patient à un autre médecin. Un médecin ne réfère donc pas son patient à autre médecin, car il y a un tiers. Par conséquent, un médecin, mal à l'aise de traiter un tel cas, ne se trouve pas dans une situation où il réfère son patient à un autre médecin. On doit respecter sa décision. C'est de la dentelle, mais tout est dentelle dans ce projet de loi et dans cette situation de l'aide médicale à mourir. Il faut protéger la conscience.
    Nous estimons aussi — c'est encore une fois basé sur l'expérience québécoise — que c'est la même chose sur la question de la fin de vie. À quel moment le patient peut-il donner son consentement pour l'aide médicale à mourir?
    Au Québec, après y avoir travaillé pendant six ans, on est arrivé à la conclusion que c'était à la fin de la vie et pas avant. Il est bien facile pour un gars comme moi, de 51 ans en bonne santé et qui va bien, de dire qu'à un moment donné, si je suis malade, il n'y aura pas de trouble, les médecins passeront et on n'en parlera plus. C'est facile pour moi de dire cela à 51 ans, quand je suis en bonne santé. Toutefois, aurais-je cette même perception quand je serai dans l'extrême hiver de ma vie? Pas nécessairement, et c'est pourquoi il faut protéger cet aspect. Encore une fois, il y a cinq éléments basés sur l'expérience du Québec, et voici le quatrième: c'est précisément dit que ce sont les patients en soins de fin de vie qui doivent recevoir ce genre d'aide médicale.
    Finalement, il est question des soins palliatifs. Mon collègue du deuxième groupe de l'opposition en a parlé tout à l'heure. Pour nous, c'est extrêmement important d'avoir des soins palliatifs pleins et entiers pour l'ensemble des Canadiens, et non pas uniquement pour le tiers des Canadiens, comme c'est le cas actuellement. Il faut donc mettre beaucoup l'accent sur cela.
    Il y a eu le rapport principal, le rapport dissident et les cinq éléments dont j'ai parlé qui sont basés sur la protection des plus vulnérables, sur l'arrêt dans la cause Carter et sur l'expérience québécoise. Voici donc qu'après avoir déposé notre rapport, il fallait maintenant que le gouvernement procède et dépose son projet de loi.

[Traduction]

    Nous voilà donc saisis du projet de loi C-14. Ce que nous aimons de cette mesure législative, c'est ce qu'elle ne contient pas. Cela peut sembler curieux, mais c'est vrai, car le projet de loi fait abstraction de certains des éléments les plus épineux abordés dans le rapport dissident.

[Français]

    Dans notre rapport dissident, nous ne voulions pas que l'aide médicale à mourir soit accessible aux mineurs ni aux gens souffrant d'une maladie mentale. Le gouvernement a épousé notre position. C'est tant mieux. Nous l'en remercions. Félicitations.
    Toutefois, nous avons quand même d'autres préoccupations concernant ce projet de loi, notamment sur le plan de la protection de la conscience. Dans ce projet de loi, il n'y a aucune disposition concernant la protection de la conscience des médecins et de ceux qui auront à pratiquer la médecine, que ce soit les infirmiers ou les pharmaciens, dans le cadre de l'aide médicale à mourir.
    J'ai posé la question à la ministre de la Santé lors du débat, il y a deux semaines. Elle m'a dit que ce n'est pas mentionné parce que cela relève des provinces. Techniquement, c'est vrai, mais nous sommes ici dans un Parlement fédéral. Dans le préambule même du projet de loi, il est écrit qu'il faut que la loi s'adapte et s'applique d'un océan à l'autre. Il nous faut avoir une politique nationale pour éviter des fluctuations provinciales. Là encore, j'invite le gouvernement à s'inspirer de l'expérience québécoise qui permet la protection de la conscience des médecins.
    Que va-t-il arriver si jamais il n'y a pas cette protection? Cela va se passer selon le bon vouloir des provinces qui diront si oui ou non, ils encadrent cela de telle ou telle façon. Je comprends la bonne volonté de la ministre de la Santé, mais il y a place à trop de flou. Dans cette situation, il n'est pas question de choisir entre une pomme et une orange, il s'agit de choisir entre la vie ou la mort. Le flou n'est pas tolérable dans cette situation. Il faut donner des lignes directrices claires, particulièrement en ce qui concerne la protection de la conscience, parce qu'il n'y a rien de plus fragile et de plus précieux que la conscience de quelqu'un qui est là pour sauver des vies ou mettre un terme à la vie, selon le désir du patient.
    J'invite le gouvernement à observer l'expérience québécoise, de prendre acte de cette expérience, ainsi que de ce que nous avons dit.
(1315)
    Aussi, j'en ai parlé tout à l'heure, au Québec, c'est clair: c'est à la fin de la vie que les soins sont prodigués. Dans la loi, on retrouve — je le lis parce qu'on m'a interpellé à quelques reprises à cet égard et j'ai toujours du mal parce que c'est un peu flou — le concept de « raisonnablement prévisible ».
    Je peux assurer une chose à la Chambre: je vais mourir. C'est prévisible. C'est clair. J'ai 51 ans et je pense que j'en ai fait plus qu'il ne m'en reste à faire. Raisonnablement, je pourrais mourir dans quelques dizaines d'années. Je ne suis pas pressé, soit dit en passant.
    Ce que je veux dire par là, c'est que ce n'est pas clair. Raisonnablement prévisible. Dans une entrevue à RDI, Mme Julie Drolet, une ancienne collègue que je salue, m'a demandé dans sa première question si j'avais compris quelque chose de ce « raisonnablement prévisible ». Eh bien, la réponse est non, pas vraiment. Cela dit, ce n'est pas moi qui ai écrit la loi. Il aurait peut-être fallu poser la question au ministre.
     Tout cela pour dire qu'il faut que ce soit précis, au même titre que ce qui concerne la « protection de la conscience » doit être précis. C'est la même chose pour la question de la fin de vie et de ce qui est raisonnablement prévisible. Or c'est beaucoup trop flou.
    D'ailleurs, le ministre de la Santé du Québec, le Dr Gaétan Barrette, en entrevue à Radio-Canada en fin de semaine, aux Coulisses du pouvoir, s'est dit convaincu qu'on pouvait certainement débattre de ce projet de loi sur le plan juridique concernant la mort raisonnablement prévisible. Il a ajouté que celle-ci devait être raisonnablement prévisible sans égard au pronostic sur l'évolution de la maladie. Or, si la mort est raisonnablement prévisible, cela signifie qu'un pronostic a été établi raisonnablement.
    Cela n'en finit plus, dans une telle situation. J'invite donc raisonnablement, sans jeu de mot, le gouvernement à préciser sa pensée dans cette affaire.
    C'est la même chose quand il est question des infirmières et des médecins. On dit que les soins peuvent être prodigués par les infirmières. Je vais être bien clair. J'ai énormément de respect pour les infirmières qui, selon mon expérience au Québec, tiennent le réseau de la santé à bout de bras — je les en remercie d'ailleurs —, mais quand vient le temps déposer un diagnostic de cette importance, nous croyons que cela relève du médecin. On trouvera que je suis redondant et que je répète toujours la même chose, mais c'est ce qu'a conclu l'expérience québécoise après six ans de travaux sérieux et rigoureux.
    Enfin, pour ce qui est des soins palliatifs, nous sommes tous d'accord pour qu'on y alloue des sommes plus importantes. Or je tiens à rappeler que le dernier budget n'accordait pas de sommes à la situation extrêmement importante et délicate qui est celle des soins palliatifs. Nous avons entendu le leader du gouvernement à la Chambre des communes en conférence de presse qui envisageait d'allouer des sommes de 3 milliards de dollars. Ce sont de beaux mots mais nous souhaitons que ces paroles soient inscrites dans le budget. Le gouvernement peut être assuré que, à cet égard, nous allons l'applaudir à deux mains et l'appuyer.

[Traduction]

     Il n’y a rien de parfait, surtout pas ce projet de loi, mais cela devrait nous préoccuper profondément. Nous devrions être très inquiets, parce que si nous n’adoptons pas une loi, bonne ou mauvaise, nous devrons traiter de l’arrêt Carter. Certaines personnes considéreront cela comme la pire des situations possibles parce qu’alors les associations professionnelles médicales de certaines provinces diront une chose, et celles d’autres provinces en diront une autre; la législature de certaines provinces adoptera certains projets de loi et d’autres législatures adopteront d’autres projets de loi. Il y aura alors beaucoup de remue-ménage au Canada, et la dernière chose que nous voulons est du remue-ménage. Il nous faut un projet de loi qui traite clairement de ces questions.

[Français]

    Je tiens à dire que c'est évidemment avec beaucoup d'émotion que nous prenons part à ce débat. Tous ceux qui vont s'exprimer — non seulement ils ont le droit de le faire mais nous souhaitons qu'ils le feront — auront raison. Personne ici n'a tort, personne ici n'a raison. Nous sommes tous d'honnêtes Canadiens et nous souhaitons le meilleur pour l'avenir de ce pays et pour l'avenir de nos concitoyens.
(1320)
    Monsieur le Président, je remercie mon honorable collègue de ses commentaires très judicieux.
    J'imagine que, à la suite de sa participation au rapport dissident, il doit être content en général. En effet, le gouvernement, dans le projet de loi, a vraiment révisé ce rapport dissident.
    Il y a une question que j'aimerais poser et c'est celle de la conscience. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut protéger la conscience des médecins et des infirmières praticiennes, mais en fait, cela regarde le droit criminel. Il y a une prohibition criminelle, et il y a maintenant une exclusion à cette prohibition criminelle.
    Où, dans le projet de loi, allons-nous inclure la protection de la liberté de conscience de l'infirmière et du médecin? Je comprends que c'est bien d'avoir un projet qui va inclure tous les Canadiens et que cela va être le même d'un océan à l'autre, mais comme vous le savez et l'avez dit dans votre discours, c'est une question de compétence provinciale.
    Avez-vous d'autres exemples? En tant que président du comité, cela m'intéresse parce que je veux déterminer s'il y a une manière d'accepter un amendement sur cette question ou si une telle protection existe déjà dans le Code criminel.
    Avant que le député réponde à la question, j'aimerais rappeler qu'il est important de s'adresser au Président, et non directement aux autres députés.
    Monsieur le Président, par votre entremise, je vais répondre à la question de mon éminent collègue. Puisqu'il est juriste, il sait de quoi il parle, lorsqu'il est question de droit.
    En effet, cet enjeu relève de la compétence des provinces. Toutefois, l'enjeu est tellement important qu'on ne peut souffrir d'une fluctuation d'une province à l'autre.
    Si on ne protège pas la conscience des médecins dans la loi, il y aura des fluctuations d'une province à l'autre, car certaines associations médicales risquent de la contester. Cela entraînera des retards et amènera des gens à faire du tourisme médical, un terme dont j'ai horreur. Par exemple, des gens de l'Alberta insatisfaits voudront peut-être aller au Québec, et des gens insatisfaits du Québec voudront peut-être aller à Terre-Neuve.
    Dans le cas présent, cela pourrait très bien s'appliquer, puisque, comme le député l'a très bien dit, nous sommes réunis ici parce que cet enjeu relève du Code criminel. C'est la jonction très périlleuse qu'il y a entre le Code criminel et la prestation des soins de santé, qui relève des provinces.
    Je m'imagine mal une province contester une telle loi parce que cela relève de sa compétence. Si, par malheur, un ministre de la Santé de quelque législature que ce soit ose porter un tel verdict, il en subira les foudres de sa propre population.
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Louis-Saint-Laurent de son précieux discours, que j'ai écouté attentivement. Je ne vais pas me priver de l'expertise qui est la sienne en ce qui concerne tout ce débat qui a été fait au Québec, comme il nous le rappelait si justement.
    Au Québec, on a bien vu qu'il fallait encadrer cette loi dans les champs de compétence du Québec, ce qui nous a amenés très rapidement à parler de soins de fin de vie, afin de s'assurer de demeurer dans le domaine des soins de santé.
    La décision que nous avons à prendre à Ottawa va-t-elle permettre d'éviter des dérives qui n'avaient peut-être même pas été prévues dans le cas du Québec? Par exemple, des gens se laissent carrément mourir de faim pour avoir accès à des soins de fin de vie.
    En légiférant comme il faut à Ottawa, nous pourrions permettre à des gens qui ont une considération médicale importante de prendre cette décision. Cela nous ramène toujours à la condition de la mort naturelle raisonnablement prévisible. C'est un concept assez flou, je suis d'accord avec mon collègue. Néanmoins, il faudrait éviter que des gens se laissent mourir de faim pour accéder à un service auquel ils ont droit.
    Monsieur le Président, aucune loi ne pourrait empêcher ce genre de dérive, malheureusement. Il faut en être conscient.
    On ne peut pas contrôler les gens qui sont complètement désespérés. On aura beau adopter une loi pour leur demander de ne pas se laisser mourir pour avoir accès à ces soins. Cela va de soi, mais cela n'arrêtera pas ceux qui sont dans l'extrême hiver de leur vie et qui sont si dépourvus et démunis qu'ils en sont rendus là. Doit-on adopter une telle loi? C'est trop difficile.
    Cela nous interpelle tous, en tant que parlementaires. Nous avons certaines responsabilités, mais nous devons également composer avec certaines frontières, notamment notre conscience, qui est propre à tous les humains. C'est pourquoi il faut protéger les plus vulnérables d'entre nous. C'est pourquoi on a mis de côté les mineurs et particulièrement ceux qui souffrent de maladie mentale. Ces gens-là sont beaucoup trop fragiles.
    Si je disais que cela pouvait empêcher ce type de dérive, je serais un fieffé menteur, malheureusement, car on ne peut pas empêcher la dérive humaine. On peut tenter de la réduire, mais l'empêcher complètement est un voeu pieux.
(1325)

[Traduction]

    Monsieur le Président, je voudrais reprendre la question du député de Mont-Royal au sujet du champ de compétence et de la conscience, parce que cette question est très importante. En fait, l’arrêt Carter reconnaît que la prestation des soins de santé est un champ de compétence partagée, donc il est très clair qu’elle relève aussi du gouvernement fédéral. Il est également important de reconnaître la similarité avec le débat sur le mariage entre personnes de même sexe et de considérer ce qu’a fait le gouvernement libéral de l’époque avec la Loi sur le mariage civil pour protéger la conscience des représentants religieux qui refusaient d’officier à des mariages entre personnes de même sexe. Il était important, dans le cadre de ce débat, de veiller à ce que les représentants religieux qui refusaient de célébrer cette union ne soient pas forcés de le faire. Le gouvernement a inséré cela dans la loi même si la célébration solennelle du mariage était de compétence provinciale.
     Nous voyons ici une similarité très évidente, et si un gouvernement a pu faire cela à l’époque, je ne vois pas pourquoi nous n’inclurions pas la protection de la conscience dans cette loi aussi. En fait, on pourrait insérer un libellé très similaire en présentant un amendement. C’est une question importante. Nous nous devons d’en tenir compte en effectuant un tel changement dans la société. Certaines personnes voudront adopter ce changement, mais d’autres refuseront de le faire, et nous devrions respecter ceux qui ne veulent pas participer à cela.
     Je me demande si ce député voit la similarité entre ces deux débats et s’il est d’accord à ce qu’on inclue une disposition similaire dans cette loi, comme l’ancien gouvernement libéral l’a fait dans la Loi sur le mariage civil.

[Français]

    Monsieur le Président, je vais parler de ce que je connais. Je connais très bien la question de l'aide médicale à mourir et des soins de fin de vie, étant donné que j'ai participé à l'élaboration des deux lois conséquentes. Je peux dire que, dans des cas extrêmement délicats et fragiles, il faut respecter le médecin. J'ai personnellement reçu des appels de médecins québécois qui interviennent. Ils m'ont dit qu'ils étaient là pour sauver des vies et que ce que l'on leur demande actuellement va à l'encontre de ce qu'ils ont toujours pensé. Ils sont d'accord pour le faire, mais il faut être tout à fait conscients qu'ultimement le médecin est là pour sauver des vies.

[Traduction]

    Monsieur le Président, mon collègue aborde cette question d’une manière excellente. Elle touche chacun de nous très profondément. Je le sais d’expérience, car avant le décès de ma mère, nous avons tenu des conversations très délicates à ce sujet.
    Cette question outrepasse les limites de nos tâches parlementaires. Toutefois, nous sommes responsables d’offrir des lignes directrices pour ces conversations.
     Examinons le rôle que jouent les provinces dans cette conversation. J’ai eu personnellement beaucoup de difficulté à appuyer la recommandation 11 du comité, car je suis membre d’une congrégation catholique dans ma circonscription, et un grand nombre de catholiques m’ont dit qu’ils seraient très inquiets si l’on obligeait les églises catholiques à célébrer des services qui vont à l’encontre de leur conscience.
    La loi actuelle renvoie des détails très importants aux organismes de réglementation des provinces et à ceux qui rendent des comptes aux provinces. Notre délai est très serré. Nous devons fournir des lignes directrices que certains ne trouveront pas assez restrictives, et d’autres trop restrictives.
     Mon collègue pourrait-il nous dire ce qu’il pense de la nécessité d’exercer un peu de souplesse en renvoyant cette question aux provinces pour qu’elles en discutent plus en profondeur?
    Monsieur le Président, à en juger par l’expérience du Québec, nous devons tenir ces conversations les uns avec les autres. Il nous faut discuter à fond avec les provinces. C’est ce qui a été fait au Québec.
     Le député a mentionné son expérience personnelle, tout comme notre collègue il y a quelques instants. Je tiens à dire que chacun a le droit d’agir selon sa conscience.
     Au Québec, j’ai appuyé le projet de loi. J’ai voté en faveur de la loi. Toutefois, 22 députés à l’Assemblée nationale s’y sont opposés. Ils étaient tous députés du Parti libéral au pouvoir, et parmi eux il y avait 11 ministres, près de la moitié du Cabinet.
     Je ne veux pas discuter des intentions de chacun.
(1330)

[Français]

    Toutefois, chaque député doit être sûr et certain qu'il a le droit de voter selon sa conscience et que chaque vote est important, chaque vote est bon parce que c'est le vote de chacun des députés.
    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-14 relatif à l'aide médicale à mourir. Ce n'est pas la première fois que j'ai l'honneur de participer à la discussion sur cette question en tant que députée. J'étais également membre du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. En tant que membre de ce comité, je suis en mesure d'écouter les pensées de beaucoup de gens, à la fois dans la circonscription Toronto—Danforth et partout au pays, sur cette question très importante qui nous touche tous et qui concerne les soins de fin de vie.

[Traduction]

     J’aurais préféré un projet de loi d’application plus vaste, mais j’appuie le document qui nous est présenté parce qu’il constitue un premier pas dans la bonne direction et qu’il respecte l’engagement d’examiner les importantes questions que sont le vieillissement, la santé mentale et les directives anticipées, comme on le verra dans la suite de mon discours. Il nous faut prendre cette première mesure parce que le dossier traîne depuis trop longtemps déjà. J’aurais appuyé des dispositions plus décisives, mais je suis disposé à m’engager sur cette voie de changement progressif.
     Monsieur le Président, je vais partager mon temps avec la députée d’Hamilton-Ouest—Ancaster—Dundas.

[Français]

    Jusqu'à maintenant, la question était de savoir si on allait permettre ou non le droit à l'aide médicale à mourir. Cependant, aujourd'hui, nous sommes confrontés à une autre question, celle de savoir comment nous allons gérer cette aide. Ce changement dans notre débat est important car, par suite de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Carter, l'aide médicale à mourir sera légale dès le 6 juin. L'importance de ce projet de loi est que nous avons l'occasion de créer un système fédéral pour gérer l'aide médicale à mourir.

[Traduction]

     En 1983, la Commission de la réforme du droit du Canada a présenté un rapport intitulé « Euthanasie, aide au suicide et interruption de traitement ». Elle concluait que la loi reflétait trois principes fondamentaux, et je crois que ces principes offrent une base adéquate pour notre débat. Le premier est la protection de la vie humaine comme valeur fondamentale. Le second est le droit des patients à l’autonomie et à l’auto-détermination, ils peuvent prendre leurs propres décisions relativement à leurs traitements médicaux. Le troisième est que la vie humaine doit être considérée d’un point de vue quantitatif et qualitatif.
     Il me paraît particulièrement éclairant que le deuxième principe crée la base d’une approche d’aide médicale à mourir centrée sur le patient. C’est l’approche qu’a adoptée le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, dont je faisais partie.
     Pour retracer l’historique de ce dossier, j’ai relevé une longue succession de projets de loi d’initiative parlementaire, de projets de loi du Sénat et de motions d’initiative parlementaire à la Chambre. La question nous a été présentée à quelque 11 reprises depuis 1991. La liste des efforts passés dans ce dossier est incroyable et montre bien que nous tentons depuis trop longtemps déjà de comprendre le dossier. C’est pourquoi il me semble si important que la Chambre franchisse cet obstacle et pose un premier geste pour établir un cadre législatif.
     La question n’a pas été débattue seulement ici. D’autres instances l’ont considérée, des comités et des sous-comités par exemple, et divers projets de loi ont été déposés. Il y a un peu plus de 20 ans, le Comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide publiait un rapport intitulé « De la vie et de la mort ».

[Français]

    L'objectif de ce comité était de mettre en scène le débat national qui suivrait dans les années subséquentes. La majorité des sénateurs du comité n'étaient pas prêts à appuyer l'aide médicale à mourir. La minorité du comité a fait des recommandations pour appuyer l'aide médicale à mourir pour une personne capable de prendre des décisions et souffrant d'une maladie irrémédiable, avec des conséquences intolérables certifiées par des médecins.

[Traduction]

    Durant la fin de semaine, j'ai terminé la lecture du livre de l'honorable Steven Fletcher intitulé Master of My Fate, dans lequel il décrit de façon générale son expérience de parlementaire. Le livre porte plus particulièrement sur les projets de loi d'initiative parlementaire qu'il a soumis concernant l'aide médicale à mourir. On y découvre un compte rendu particulier de ce qu'il a vécu à cet égard. M. Fletcher y fait aussi état du très grave accident qui l'a rendu quadriplégique, de son élection au Parlement et de son expérience à titre de ministre.
    Notre plus récente initiative à la Chambre en ce qui concerne l'aide médicale à mourir a un lien avec les deux projets de loi d'origine parlementaire que M. Fletcher a présentés. Le premier, le projet de loi C-581, proposait de modifier le Code criminel pour permettre à un médecin d'aider une personne à s'enlever la vie. Le libellé des critères d'admissibilité consignés dans le projet de loi reprenait de près celui de la décision Carter. À titre d'information pour l'ensemble des députés, j'aimerais lire le critère d'admissibilité le plus important qui se trouvait dans ce projet de loi.
     Seule la personne qui satisfait aux conditions ci-après peut faire une demande d’aide médicale à mourir: [...] elle a reçu d’un médecin un diagnostic de maladie ou d’incapacité graves (notamment une incapacité découlant d’une blessure traumatique) causant des souffrances physiques ou psychologiques qui lui sont insupportables et qui ne peuvent être soulagées par aucun traitement médical qui lui soit acceptable, ou elle se trouve dans un état d’affaiblissement avancé de ses capacités sans aucune chance d’amélioration [...]
    Son autre projet de loi, le projet de loi C-582, proposait d'établir une commission canadienne sur l'aide médicale à mourir, laquelle aurait eu pour fonction de recueillir des données auprès des médecins qui auraient procuré cette aide à mourir. Le projet de loi reconnaissait la possibilité de procéder par étapes.
    Les deux projets de loi ont fait l'objet d'une première lecture, mais on les a laissés mourir au Feuilleton. Toutefois, le 2 décembre 2014, un projet de loi semblable a été proposé à l'autre endroit et débattu à sept reprises. Le dernier débat a eu lieu aussi tard que le 2 juin 2015.
    Or, comme nous le savons tous, la décision Carter est tombée durant cette période s'étendant du 2 décembre 2014 au 2 juin 2015.
(1335)

[Français]

    Il est également intéressant de remarquer que les provinces et les territoires ont débattu activement l'aide médicale à mourir. L'exemple le plus remarquable est celui du Québec, qui a mis en place un comité en 2009, et ce, afin de créer un projet de loi sur l'aide médicale à mourir. La loi est entrée en vigueur en décembre 2015. Comme on a beaucoup parlé de cette loi, je ne vais pas le refaire. Toutefois, je remarque qu'elle comprend une disposition liée à la phase terminale d'une maladie.
    Ce que j'ai trouvé intéressant, c'est le témoignage, devant notre comité, de Me Jean-Pierre Ménard, du Barreau du Québec. Au cours de son témoignage, il a mentionné que, à la suite de l'arrêt Carter, la disposition touchant la phase terminale devrait peut-être être supprimée de la loi québécoise, ce qui démontre que ce type de législation va se développer progressivement.
    Travailler à comité mixte a été une expérience formidable. C'était le premier comité mixte spécial depuis 20 ans. Je pense que c'est une bonne idée d'avoir ce genre de collaboration sur des questions importantes. Nous avons eu une base solide pour formuler nos recommandations grâce aux témoignages et aux observations écrites. Je crois encore aux recommandations du comité. Ces décisions n'ont pas été faciles à rendre. Nous avons perdu des heures de sommeil, nous avons beaucoup discuté et nous avons travaillé ensemble pour rendre nos recommandations.

[Traduction]

     Comment mes antécédents à cet égard orientent-ils mes opinions sur le projet de loi à l’étude aujourd’hui? J’aurais préféré des perspectives plus larges. La plupart des opinions que j’ai recueillies auprès de mes électeurs vont d’ailleurs dans le même sens. Néanmoins, le projet de loi demeure une première étape dans notre approche d’une question complexe.
    Nous devons permettre à la personne de choisir comment gérer la fin de sa vie et reconnaître la valeur de l’idée de la Commission de réforme du droit voulant que le patient soit au centre de la démarche. Nous devons aussi prendre en considération non seulement la durée de la vie, mais aussi sa qualité. Nous devons respecter l’autonomie de chacun et son droit d’échapper à la souffrance sans que, pour autant, des personnes vulnérables soient exposées à des risques. Le projet de loi C-14 nous rapproche beaucoup plus de cet objectif que ne le fait le statu quo.
     J’aurais préféré que nous retirions la notion de mort naturelle et raisonnablement prévisible, qui se rapporte à la prévisibilité d’une mort naturelle. C’est en somme une disposition qui évoque la phase terminale. Elle est vague et elle pourrait imposer une restriction trop large au droit d’un malade d’échapper à la douleur et à la souffrance. Ce que cette terminologie a de préoccupant, c’est qu’elle tend à déprécier la vie des plus âgés d’entre nous. Aux termes du projet de loi, les personnes âgées auront plus de chance d’obtenir la permission de recevoir une aide médicale à mourir.
    Les malades qui sont jeunes souffrent tout autant que les aînés. Je reprends les propos de Steven Fletcher: « Si la personne est un adulte capable, pourquoi donc lui imposer notre façon de voir sa qualité de vie? »
     Le manque de lignes directrices poussées dans le projet de loi a également un caractère trop restrictif. Voici un élément fondamental de l’arrêt Carter: la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y a violation du « droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne » si des gens ont l’impression de devoir abréger leurs jours par crainte de ne pouvoir le faire plus tard, le moment venu. Voilà une épineuse question, et je suis heureuse de constater qu’on s’engage à l’étudier plus avant.
    Selon moi, les éléments positifs du projet de loi l’emportent sur ceux qui sont plus négatifs. Je l’appuierai donc. J’estime cependant qu’il s’agit seulement d’une première étape dans une longue démarche.
(1340)
    Monsieur le Président, je remercie ma collègue du travail qu’elle a accompli au comité parlementaire mixte qui étudié l’aide médicale à mourir.
    Ma collègue s’est maintes fois reportée aux propos de mon ancien collègue, Steven Fletcher, qui a comparu au comité. J’ai eu bien des conversations avec lui, et je comprends sa position. Ce qui m’inquiète, c’est que, si M. Fletcher avait eu accès à l’aide au suicide tout de suite après son accident, il aurait fort bien pu s’en prévaloir. Il y aurait eu là une perte énorme pour le Canada et pour sa famille.
    Ma préoccupation, c’est que, lorsque nous donnons suite à ce genre de décision, il y a toujours un risque que la personne mette fin à sa vie sans vraiment le vouloir, ce qui serait une énorme perte. La peine capitale n’a plus cours au Canada. L’une des raisons, c’est qu’il y a un trop grand risque de faire mourir un innocent.
     Comment ma collègue s’assurerait-elle qu’une personne comme M. Fletcher, dans un moment de profonde dépression et d’atroces souffrances physiques, ne fait pas un choix fatal pour lui et préjudiciable pour le Canada, puisqu’elle perdrait la vie et que le Canada perdrait tout ce qu’elle peut lui apporter?
    Monsieur le Président, pour répondre au député, j'aimerais mieux ne pas parler d'une personne en particulier parce que je ne peux pas savoir quelles décisions elle aurait prises si la mesure législative avait alors été en vigueur.
    Je comprends globalement l'argument du député. C'était une question préoccupante pour les autres membres du comité et moi-même lorsque nous avons réfléchi au cas des gens qui ont subi un traumatisme et dont les conditions de vie ont été bouleversées. Quelle décision auraient-ils prise? Certaines personnes qui ont comparu devant le comité en ont parlé. Je pense notamment à Mme Jocelyn Downie.
     D'un point de vue médical, la personne qui vient de subir un traumatisme ne sera pas nécessairement jugée capable de prendre des décisions concernant sa santé en raison de son état psychologique à ce moment-là. De plus, ses problèmes de santé ne seront pas non plus nécessairement jugés irrémédiables.
    Il faut étudier la question plus en profondeur. Il s'agit de l'un des points de vue défendus dans le cadre des témoignages. Je suis donc ravie que nous ayons décidé d'étudier cette importante question plus en détail et d'en débattre.
    Monsieur le Président, cette question nous touche tous, et nous respectons les opinions très personnelles qui sont exprimées.
    Ce qui me préoccupe, dans le projet de loi dont nous sommes saisis, c'est que nous ne parlons pas d'assurer un équilibre dans l'ensemble des choix de fin de vie offerts. Nous parlons des réponses très précises à l'arrêt Carter. Quatre-vingts pour cent des Canadiens n'ont pas accès à des soins palliatifs de qualité. Par conséquent, 80 % des Canadiens en fin de vie, ainsi que leur famille, ne sont pas en mesure de choisir des soins de fin de vie de qualité. Le gouvernement fédéral doit s'engager à corriger cette lacune, mais cela ne s'est pas encore produit. Il n'y a pas un sou dans le budget pour les soins palliatifs.
    Les néo-démocrates ont présenté à la Chambre la motion M-46, qui vise à inciter le gouvernement non seulement à mettre en place une stratégie en matière de soins palliatifs, mais aussi à assumer la responsabilité des domaines de compétence fédérale. Le gouvernement fédéral à un énorme rôle à jouer dans la prestation des services de santé, et il refuse souvent de s'occuper des services de soins palliatifs. Il y a aussi la question liée à la modification des dispositions visant l'assurance-emploi afin d'aider les familles.
    Où est donc l'engagement du gouvernement à entamer une discussion plus vaste sur les soins de fin de vie, à laquelle doivent participer les Canadiens?
    Monsieur le Président, les soins palliatifs sont un élément important de la discussion sur les soins de fin de vie. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises à la Chambre et elle est importante.
    J'hésite un peu à lancer des chiffres et des pourcentages. Au comité, nous avons entendu beaucoup de pourcentages différents. Peut-être que nous ne comprenons pas totalement, en ce moment, dans quelle mesure on a réellement accès aux soins palliatifs. Cela nécessite également un examen plus approfondi. Je suis un peu préoccupée par les pourcentages.
    D'après ce que nous avons entendu et lu au comité, les autorités ayant légalisé l'aide médicale à mourir ont accru l'accès aux soins palliatifs de même que la qualité de ces soins.
(1345)
    Monsieur le Président, je suis honorée de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi C-14, qui fait suite à la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter c. Canada. La Cour suprême a donné un an au gouvernement du Canada pour créer un cadre pour la prestation de l'aide médicale à mourir. Ce délai, qui devait prendre fin le 6 février 2016, a été prolongé jusqu'au 6 juin 2016.
    La Cour suprême a donné au gouvernement un court délai pour étudier cette question épineuse qui fera date. J'ai écouté des électeurs qui défendent farouchement l'un ou l'autre des points de vue sur cette question. J'ai beaucoup réfléchi aux implications morales et éthiques de cette mesure législative. Je comprends que c'est un sujet difficile qui suscite beaucoup d'émotions.
    Les sociétés civilisées ont toujours reconnu le caractère sacré de la vie. Partout dans le monde, des pays ont légiféré contre le fait d'enlever la vie à quelqu'un, ce qui a toujours été considéré comme le pire des crimes. La question de l'aide médicale à mourir pose un problème complexe à tous les Canadiens, car elle touche à plusieurs enjeux délicats, notamment les droits et les libertés personnelles prévus par la Charte, la protection des personnes vulnérables et les droits des personnes aux prises avec des douleurs insupportables. Il y a aussi des considérations théologiques, morales et éthiques.
    De plus, il s'agit d'une question chargée d'émotion, tant pour ceux qui adoptent une position ferme d'un côté ou de l'autre du débat que pour ceux qui sont aux prises avec de telles souffrances qu'ils ne souhaitent plus vivre.
    Un autre élément est purement d'ordre économique, qu'il s'agisse de pressions liées à un héritage, d'instabilité financière ou du coût exorbitant des soins médicaux de fin de vie. Nous n'aimons pas mentionner ces facteurs utilitaires, mais on ne saurait nier qu'ils existent.
    En outre, le débat porte également sur notre vision d'une société juste, que l'on estime que la justice soit mieux servie par un libre choix complet ou en limitant parfois le nombre de recours possibles, afin de laisser la porte ouverte à un avenir meilleur, un avenir que l'on attendrait avec impatience plutôt que d'appréhender. J'estime que le projet de loi établit un équilibre entre ces deux points de vue, soit de donner le choix à ceux qui mourront bientôt et qui veulent mettre fin à leurs terribles souffrances, ainsi que de protéger les personnes qui pourraient être vulnérables.
    L'arrêt Carter c. Canada se limite à une personne adulte capable qui consent clairement à mettre fin à sa vie. En outre, la Cour suprême du Canada a précisé que les mineurs et les personnes affectées de troubles psychiatriques n'ont pas droit à l'aide médicale à mourir. J'ai été très soulagée d'apprendre que ces dispositions ne seraient pas incluses dans le projet de loi.
    Pour que la voie vers la fin soit la plus équitable et sécuritaire possible, il est essentiel que toute mesure législative en vue d'une aide médicale soit accompagnée d'un soutien accru en matière de soins palliatifs. Tous les parlementaires ont des histoires à raconter en ce qui concerne leur engagement à l'égard des gens. Nous avons des interactions qui ont sur nous de profondes répercussions et que l'on n'oublie jamais.
    Pendant la campagne, je me suis rendue dans un certain nombre d'établissements de soins de longue durée. Une fois, les candidats présents ont pu se mêler aux gens après leurs discours. Je suis allée à la rencontre d'un homme, qui m'a remis un papier. Il s'agissait d'une pétition demandant plus de travailleurs de soutien personnel. Les larmes lui ont monté aux yeux lorsqu'il m'a demandé de la signer. Je me suis alors assise avec lui, et il m'a expliqué sa situation. Sa femme, qui avait subi un grave accident vasculaire cérébral, habitait au centre et il en prenait soin. Elle était juste là, à côté de nous, dans son fauteuil roulant. Or, ce n'est pas pour sa femme que cet homme faisait toutes ces démarches, parce qu'il était là pour prendre soin de sa femme et qu'il y consacrait toutes ses journées, mais pour les autres patients qu'il voyait manquer de soins au quotidien. Il voulait dénoncer une situation inéquitable, inacceptable et très certainement injuste.
    Il y a beaucoup à faire dans le domaine des soins palliatifs, qui sont indissociables des soins à domicile. Le gouvernement a annoncé qu'il consacrerait 3 milliards de dollars aux soins à domicile, et j'ai été encouragée d'entendre la ministre de la Santé dire qu'elle verrait à ce que tous les Canadiens aient accès à des soins à domicile de qualité. Je suis impatiente d'échanger avec mes collègues pendant les débats qui porteront là-dessus, car j'ai l'intention de lutter bec et ongles pour qu'on améliore — et pas qu'un peu — les soins palliatifs offerts aux Canadiens.
    De par mes fonctions d'aumônière dans diverses écoles secondaires d'Hamilton et d'Ancaster, en Ontario, j'ai passé les 20 dernières années à travailler avec les jeunes. Au fil des ans, j'ai aidé des milliers d'élèves à traverser cette période difficile qu'est l'adolescence et le début de la vie adulte. Leurs tiraillements sont bien réels, tout comme le fardeau que peuvent leur imposer les difficultés familiales, la quête d'identité personnelle, la douleur émotionnelle, la solitude, le rejet ou l'hostilité.
(1350)
    Les jeunes doivent affronter un monde complexe et souvent hostile dans le milieu physique où ils vivent, dans leurs relations avec les autres et dans les univers virtuels où ils sont jetés tête première, souvent sans préparation adéquate. Qu'il suffise de voir les terribles affaires d'intimidation en ligne qui privent des jeunes de joie de vivre, qui les confinent à la tristesse et à la dépression et qui les poussent même au suicide dans certains cas. J'ai foi en nos jeunes. J'ai passé ma vie à croire en eux même lorsqu'ils cessent d'avoir confiance en eux-mêmes. C'est l'oeuvre de ma vie. Dans les moments les plus sombres, alors qu'ils avaient perdu tout espoir, nous avons réussi l'incroyable ensemble. Nous avons trouvé une lueur d'espoir que nous avons nourrie d'amour et qui, avec l'intégration, l'acceptation et la sécurité, est devenue une flamme, puis un feu ardent qui génère l'espoir, le désir de changer le monde et le goût d'aider les autres qui souffrent et qui sont rejetés. Les adolescents de naguère ont accédé au rang de chefs de file mus par la conviction de pouvoir changer le monde. Si l'aide à mourir leur avait été offerte au moment où ils traversaient les affres de leur dépression, ils ne seraient peut-être pas parmi nous aujourd'hui.
    Je suis heureuse de voir que le projet de loi exclut les jeunes de 16 à 18 ans et je voudrais que l'on concentre de nouveau les efforts sur la création d'un monde meilleur, plus joyeux, plus sûr et plus stable pour les jeunes, que ce soit en ligne ou dans l'univers concret.
    J'ai réfléchi aux principes moraux entourant l'aide médicale à mourir. Nombreux sont ceux qui croient ne pas pouvoir appuyer, en leur âme et conscience, l'aide médicale à mourir. J'aimerais maintenant m'adresser à ces personnes et aborder la question de la conscience.
     Souvent, les gens font un parallèle entre leur conscience, leurs valeurs et leurs croyances. Oui, les valeurs et les croyances sont un aspect clé de la conscience d'une personne, mais il y a bien plus. La conscience nous définit en tant qu'êtres humains. Elle nous permet de faire face à la réalité et de tenir compte des faits qui nous sont présentés. Les faits sont les suivants: la Cour suprême du Canada a déterminé que l'aide médicale à mourir est un droit garanti par la Charte. Nous ne devons donc pas déterminer si, oui ou non, nous autoriserons l'aide médicale à mourir; nous devons plutôt décider dans quelles circonstances nous l'autoriserons.
    À mon avis, le projet de loi dont nous sommes saisis a une portée limitée et il est conforme à la Charte, telle qu'elle a été interprétée dans l'arrêt Carter c. Canada. Le projet de loi C-14 correspond au mandat législatif que la Cour suprême a confié au Parlement; il respecte la Charte, mais il tente aussi de protéger les personnes vulnérables et sans défense. Même si nous ne pourrons jamais protéger entièrement les personnes vulnérables, nous pouvons faire de notre mieux. C'est ce que fait le projet de loi C-14.
    Enfin, je tiens à souligner que je suis d'accord pour qu'on respecte les valeurs et les croyances personnelles des médecins et des infirmiers ainsi que les énoncés de mission à l'origine de la création de certains établissements.
     Comme la ministre de la Justice l'a déclaré:
    C'est pourquoi, comme je l'ai déjà mentionné, ma collègue, la ministre de la Santé, travaillera de concert avec ses homologues afin de mettre au point un système coordonné, qui servira à lier les patients aux professionnels consentants.
    Comme l'indique le préambule du projet de loi d'initiative ministérielle, le gouvernement du Canada s’est engagé à élaborer des mesures non législatives visant « à respecter les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé. » Comme la ministre de la Santé l'a indiqué, « les professionnels de la santé auront le droit d'agir comme le leur dicte leur conscience. »
    Je vais continuer à défendre les droits des médecins et des établissements à l'objection de conscience, tout en protégeant les droits des patients à l'accessibilité conférés par la Charte.
    À la lumière de ces arguments, je déclare devant la Chambre mon appui envers le projet de loi à l'étude, lequel est juste et bien conçu.

[Français]

    Monsieur le Président, avec ce projet de loi, une personne peut aller chez un médecin pour de l'aide au suicide. Si le médecin refuse, parce que la personne ne remplit pas les conditions, celle-ci peut aller chez beaucoup d'autres médecins pour obtenir cette aide.
    La députée est-elle d'accord qu'il est nécessaire d'encadrer la pratique d'aller de médecin en médecin?
(1355)

[Traduction]

    Monsieur le Président, comme je l'ai dit, je vais toujours respecter la liberté de conscience des médecins. Comme la ministre de la Santé et la ministre de la Justice l'ont toutes deux confirmé, la question en est une d'accessibilité. Le projet de loi et les deux ministres reconnaissent clairement l'importance de l'accessibilité. Dans nos consultations avec les partenaires provinciaux et territoriaux, nous veillerons à ce que l'accessibilité soit assurée et que l'aide à mourir puisse être obtenue par tous les Canadiens qui la souhaitent.
    Le Canada compte environ 77 000 médecins et plus de 360 000 infirmiers autorisés. Selon moi, on n'aura pas à passer d'un médecin à un autre. Je suis d'avis que, grâce à l'excellent travail de la ministre de la Santé, l'aide sera rendue accessible et il n'y aura pas de conflit entre les questions de conscience et d'accessibilité.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie ma collègue de son discours.
    Je me demandais si, comme sa collègue, elle pense que le projet de loi ne va pas assez loin. A-t-elle des inquiétudes par rapport au respect de la décision de la Cour suprême, à laquelle le projet de loi est une réponse? À son avis, le projet de loi va-t-il suffisamment loin? A-t-elle les mêmes préoccupations que sa collègue qui a fait un discours tout à l'heure? Peut-être que ce n'est pas assez. Peut-être que le projet de loi est trop restreint. Il pourrait ne pas respecter complètement la décision de la Cour suprême.

[Traduction]

    Monsieur le Président, comme je l'ai indiqué clairement dans mon discours, j'estime que le projet de loi en fait assez pour respecter la décision dans l'affaire Carter c. Canada.
    J'ai exprimé des préoccupations à un seul égard, soit les mineurs et les soins psychiatriques, et je suis contente de voir que le projet de loi n'inclut pas les mineurs et les personnes ayant des troubles psychiatriques. Je dis cela en me fondant sur mon travail auprès des jeunes.
    Voilà 20 ans que je travaille auprès des jeunes et je les vois traverser des périodes très difficiles. Je suis auprès d'eux lorsque ça ne va vraiment pas. J'emmène ces mêmes jeunes en République dominicaine pour une mission, et je constate comme l'expérience de travailler auprès des pauvres change leur vie.
    Ma priorité serait de m'assurer que les jeunes reçoivent le soutien qu'ils souhaitent et que ceux qui sont à la fin de leur vie reçoivent également, au moyen de soins palliatifs, l'appui qu'ils méritent et dont ils ont besoin.
    Monsieur le Président, je tiens à féliciter ma collègue d'Hamilton-Ouest—Ancaster—Dundas pour son excellent discours. Je lui suis très reconnaissant des conversations qu'elle et moi avons tenues sur le sujet, et je la remercie de ce qu'elle m'a appris de par son expérience de travail auprès des adolescents.
    Parlons du droit à la liberté de conscience. Déjà, beaucoup de députés d'en face ont mentionné qu'ils estiment que le droit à la liberté de conscience doit être inclus dans le projet de loi et qu'il nous faut trouver un moyen de l'inclure dans le Code criminel. Quelle est la position de la députée à cet égard?
    Monsieur le Président, comme je l'ai indiqué, je crois que la liberté de conscience des médecins et des professionnels de la santé sera protégée, grâce aux assurances qui nous été données par la ministre de la Justice et la ministre de la Santé.
    J'hésite à inclure dans le projet de loi des restrictions concernant la liberté de conscience ou à lui donner préséance parce que je crois que cela créerait un très dangereux précédent.

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Déclarations de députés]

[Traduction]

Gaetano Gagliano

    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour honorer la vie et le legs d'un grand Canadien, M. Gaetano Gagliano.
    M. Gagliano était un entrepreneur, un visionnaire, et un homme très croyant. Il a été marié pendant 70 ans avec Giuseppina, et leur union a engendré 10 enfants, ainsi que 51 petits-enfants et arrière-petits-enfants. Membre de l'Ordre du Canada dans son pays adoptif, il avait aussi reçu la plus haute distinction offerte à un citoyen en Italie, sa mère patrie.
    Après la Seconde Guerre mondiale, le jeune Gaetano a émigré de l'Italie. En 1956, il a installé un atelier d'imprimerie, nommé en l'honneur du saint patron du Canada, dans le sous-sol de la résidence qu'il avait louée. De nos jours, Saint-Joseph Communications est devenue la plus grande société privée de communication du Canada.
    À l'âge remarquable de 86 ans, Gaetano a fondé Sel + Lumière, le premier réseau de télévision catholique du pays, qui jouit maintenant de l'appui du pape François.
    Gaetano a toujours mis Dieu au centre de sa vie, et il servait de modèle à bien des gens.
(1400)

La sclérose en plaques

    Monsieur le Président, bon nombre d'entre nous savent que des marches ont été organisées dans toutes les régions du pays afin de sensibiliser la population et de recueillir des fonds pour la lutte contre la sclérose en plaques.
    J'ai eu l'occasion de participer à la marche de l'espoir organisée dans ma ville, Lindsay, où plus de 10 000 $ ont été amassés.
    Je tiens à féliciter les bénévoles et les participants non seulement de ma circonscription, mais de l'ensemble de notre grand pays, y compris Rheanon Antoniak, de Fenelon Falls. Non seulement cette femme est atteinte de sclérose en plaques, mais elle a aussi été, pendant trois années de suite, la présidente d'honneur de la marche de Lindsay et la personne qui a recueilli le plus d'argent lors de cet événement.
    Selon la Société canadienne de la sclérose en plaques, environ 100 000 Canadiens, surtout âgés entre 15 et 40 ans, sont atteints de sclérose en plaques. Hélas, le Canada est particulièrement touché par la maladie. C'est ici que l'on compte le plus grand nombre de personnes atteintes.
    Je peux personnellement témoigner des effets que cette maladie peut avoir sur une famille. Ma mère est décédée en 2013 après avoir lutté pendant une décennie contre une forme évolutive de la sclérose en plaques.
    Il n'y a malheureusement aucun remède contre la sclérose en plaques. Cependant, tous les jours, les chercheurs en apprennent davantage sur les causes de cette terrible maladie et...
    Le député de Mission—Matsqui—Fraser Canyon a la parole.

Le Temple de la renommée des sports d'Abbotsford

    Monsieur le Président, j'aimerais aujourd'hui féliciter Dean Arsene et Courtney Inman, qui ont été intronisés au Temple de la renommée des sports d'Abbotsford. Je félicite du même coup les 5 équipes et 13 athlètes dont le nom a aussi été inscrit sur le Mur de la renommée.
    Le Mur de la renommée rend hommage aux athlètes prometteurs de 14 à 25 ans qui se sont démarqués dans leur discipline. Leur nom figurera toute l'année sur une plaque installée dans le centre sportif Legacy.
    C'est grâce à leur persévérance et à leur fougue que ces athlètes ont pu accomplir tous ces exploits.
    Félicitations, donc, aux athlètes qui étaient à l'honneur samedi dernier. Ils sont un exemple pour les jeunes, à qui ils enseignent qu'il faut demeurer actif au quotidien et que, lorsqu'on aime ce qu'on fait, il suffit de pratique pour atteindre ses objectifs.

Le Mois du patrimoine asiatique

    Monsieur le Président, depuis plus d'un siècle, des gens venus d'Asie s'établissent au Canada et contribuent à la mosaïque multiculturelle de notre pays.
    Ce mois-ci, les Canadiens auront l'occasion d'explorer les cultures asiatiques pendant les célébrations du Mois du patrimoine asiatique.
    Le festival ExplorAsian et les organismes participants offriront, pendant tout le mois de mai, un programme exceptionnel qui va de la musique aux expositions d'art, en passant par les documentaires percutants et les festivals de films, autant de façons de faire connaître les obstacles auxquels les Canadiens d'origine asiatique se sont butés, de même que leurs nombreuses réalisations.
    Pour commencer le mois en beauté, j'ai participé, la fin de semaine dernière, au vernissage de l'exposition d'un maître primé de la calligraphie chinoise, Wai Yin Lau. Ce résidant de Vancouver-Est présente six formes de calligraphie chinoise au Centre culturel chinois.
    Toujours au Centre culturel chinois, on pourra admirer, le 28 mai, des performances de la Corée, du Japon, de la Chine et de la Polynésie à l'occasion du festival d'art Together.
     J'encourage les Canadiens à profiter des activités offertes dans leur localité pour explorer et célébrer la culture et le patrimoine asiatiques au Canada.

La bataille de l'Atlantique

    Monsieur le Président, hier, j'ai eu l'honneur de déposer une couronne devant la Flamme du centenaire au nom des anciens combattants de Surrey pour commémorer la bataille de l'Atlantique.
    Pendant la Seconde Guerre mondiale, les convois ont affronté des tempêtes, des sous-marins et des raids aériens afin de préserver la ligne vitale de communication de la Grande-Bretagne. De courageux Canadiens de notre force navale, de notre marine marchande et de notre force aérienne ont aidé la Grande-Bretagne à tenir le coup et à préparer la libération de l'Europe.
    Ce fut la guerre de mon père. À titre d'opérateur d'ASDIC, il attendait impatiemment d'entendre le « ping » des sous-marins allemands sur le NCSM Kincardine et le NCSM Galt, deux petites corvettes dures à cuire et capables, selon lui, de « rouler sur du gazon mouillé » alors qu'elles assuraient la correspondance entre Halifax et Sidney.
    C'était une tâche malaisée et dangereuse. Plus de 1 600 marins marchands canadiens, soit un sur sept, ont été tués ou blessés, à l'instar de plus de 2 000 membres de notre marine et de notre force aérienne. Comme nous le savons, nombreux sont ceux qui n'étaient que des enfants.
    J'espère que mes collègues de la Chambre se joindront à moi pour rendre hommage à ces Canadiens qui ont mené la bataille la plus longue de la guerre; ils se sont bien battus et ont gagné.

Les Wranglers de 100 Mile House

    Monsieur le Président, c'est un grand plaisir pour moi de féliciter les Wranglers de 100 Mile House pour leur saison exceptionnelle. Non seulement sont-ils les champions de la ligue de hockey junior Kootenay International et de la division junior B de la Colombie-Britannique, les gars de 100 Mile House ont également remporté la coupe Keystone, le championnat de l'Ouest du Canada.
    Le chemin de la victoire était semé d'embûches; c'est grâce à l'appui indéfectible de leurs proches qu'ils l'ont suivi jusqu'au bout. Même à Esquimalt, 40 % des billets avaient été achetés par des supporters des Wranglers. Ils ont fini par battre les Dynamiters de Kimberley en cinq matchs pour remporter la victoire à Regina.
    Comme l'a rapporté un journaliste local, « De Thunder Bay, en Ontario, jusque dans l'Ouest canadien, tout le monde sait que ces 22 gaillards, qui représentent si bien 100 Mile House par le respect et l'esprit de communauté dont ils font preuve, n'ont jamais abandonné et qu'ils ne ménagent aucun effort lorsqu'ils sont sur la glace. »
    La parade et la fête en plein air étaient dignes des joueurs des Wranglers et de l'organisation au complet. Bravo, Wranglers! Ce sont les champions de l'Ouest.
(1405)

Le bénévolat

    Monsieur le Président, j'ai récemment rencontré deux bénévoles extraordinaires à Langley.
    La première bénévole est Pauline Knight, qui a eu 100 ans en février. Depuis 24 ans, Pauline est bénévole à la Langley Senior Resources Society.
    Le deuxième bénévole que j'ai rencontré est Rob Ross, qui a toujours eu à coeur les enfants. Enseignant et directeur à la retraite ainsi que père de famille, M. Ross travaille bénévolement à l'Association des Grands Frères et Grandes Soeurs de Langley depuis 40 ans. Depuis ses débuts à titre de bénévole, Rob a accompagné 14 « petits », et nombre d'entre eux occupent toujours une place importante dans sa vie.
    En parlant de bénévoles, monsieur le Président, je vous invite, j'invite mes collègues et j'invite tous les Canadiens à célébrer Cloverdale à la mode de chez nous. Le 70e rodéo de Cloverdale, deuxième rodéo communautaire en importance au Canada, et la 128e foire agricole se tiendront du 20 au 23 mai prochains. Tous les éléments d'une grande célébration communautaire y sont réunis grâce aux innombrables bénévoles qui y participent. Il y aura des activités pour tous les âges et pour tous les goûts.

Le Championnat de hockey midget

    Monsieur le Président, Quispamsis, au Nouveau-Brunswick, a été l'hôte la semaine dernière de la Coupe TELUS, et nous avons eu droit à toute une semaine. La Coupe marquait la fin d'une saison qui avait débuté, l'automne dernier, avec 152 équipes avides de décrocher le titre de championne canadienne de hockey midget.
    C'était digne des plus belles histoires. Le Canada s'est réuni pour regarder les héros locaux, les Vito's de Saint John, livrer bataille en finale à la fierté de l'Ontario, les Rangers de North York. C'était la première fois qu'une équipe du Nouveau-Brunswick se rendait en finale. J'étais parmi les milliers de spectateurs réunis au qplex dimanche dernier et j'ai été émue de voir la foule se lever pour applaudir durant la dernière minute de jeu les Vito's, qui ont gagné la médaille d'argent.
    Je tiens à féliciter tous les joueurs, tous les organisateurs, tous les commanditaires et tout spécialement le président de l'événement, Aaron Kennedy, pour le succès retentissant du tournoi.
    Je remercie les Vito's de Saint John de nous rappeler que le hockey est vraiment notre sport national et que ce sport forge le caractère, promeut l'esprit d'équipe, donne naissance à des amitiés durables et rassemble les gens.

Le Forum parlementaire sur la liberté de culte

    Monsieur le Président, d'éminents universitaires, chefs religieux et diplomates ainsi que des citoyens participeront aujourd'hui à la cinquième édition annuelle du Forum parlementaire sur la liberté de culte, qui se tient sur la Colline du Parlement.
    Les quatre éditions précédentes ont été l'occasion d'aborder des questions particulières liées au droit à la liberté de pensée et de croyance. Chacune de ces questions a donné matière à réflexion et a amené les participants à revoir leurs engagements à l'égard de ce droit fondamental de la personne et, au besoin, à modifier leur approche.
    Le forum de cette année ne devrait pas être différent. Il se déroulera sous le thème « Liberté religieuse ou laïcité? Un monde sûr pour la diversité: Vivre avec nos différences les plus profondes ». Nous nous demanderons si la laïcisation croissante du monde peut demeurer compatible avec le principe selon lequel tous les gens doivent être libres de choisir leurs croyances et de les modifier, ainsi que de s'adonner à une pratique spirituelle quotidienne. Cette année, l'apologiste, auteur et critique social de renom Os Guinness sera le principal conférencier. Il va sans dire que sa solide expertise et sa grande sagesse, acquises au fil de plusieurs décennies, enrichiront ce débat permanent.
    Le Canada considère ces libertés comme essentielles. Cependant, la voie à suivre pour l'avenir n'est pas toujours claire. Voilà pourquoi la discussion de ce soir est si importante.

[Français]

Le Nouvel An bouddhique

    Monsieur le Président, samedi dernier, j'ai pris part à une soirée organisée par la communauté laotienne de ma circonscription, Rivière-des-Mille-Îles, où il y avait plus de 400 personnes. J'ai pu célébrer le Nouvel An bouddhique. Sourires, bonne nourriture et danses culturelles étaient au menu pour ce Nouvel An bouddhique. Savait-on que nous sommes en 2559? Cette communauté laotienne, basée à Boisbriand, s'aligne parfaitement avec les valeurs canadiennes d'inclusion, d'ouverture et d'accueil que nous chérissons tous.
    D'ailleurs, j'aimerais lever mon chapeau et souligner le leadership de la présidente de cette communauté, Mme Manivanh Dougmala qui, depuis plus de 35 ans, s'occupe de l'intégration des immigrants laotiens dans la région de Montréal. C'est grâce à des leaders comme Mme Dougmala que nous travaillons à créer un environnement et un Canada des plus accueillants et chaleureux pour nos nouveaux arrivants.
    Madame Dougmala, continuez votre beau travail et surtout, bonne nouvelle année laotienne 2559!
(1410)

La condition féminine

    Monsieur le Président, étant fière membre du Barreau du Québec, j'ai le plaisir de souligner que cette année marque le 75e anniversaire de l'accession des femmes à la pratique du droit au Québec en 1941.
     Ce succès n'est pas survenu du jour au lendemain. En 1915, Annie Langstaff a été la première Québécoise à obtenir un diplôme en droit de l'Université McGill. Toutefois, malgré tous ses efforts, elle n'a jamais pu pratiquer officiellement son métier. Le 29 avril 1941, la loi sur le Barreau de la province a finalement été modifiée, et c'est en janvier 1942 que les quatre premières femmes étaient admises au Barreau du Québec.

[Traduction]

    Les femmes ont fait bien des avancées depuis lors et elles comptent maintenant pour approximativement la moitié des avocats de la province. Ce progrès constitue un véritable hommage aux pionnières qui ont réclamé un changement il y a 75 ans et qui ont gagné la bataille.

William H. Jarvis

    Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à William H. Jarvis, qui est décédé la semaine dernière à l'âge de 85 ans.
    Bill a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1972 en tant que député de Perth—Wilmot. Il a ensuite siégé pendant 12 ans à la Chambre, où il a toujours tenté de répondre aux besoins de sa circonscription et de ses concitoyens. En 1979, il a été nommé au Cabinet comme ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales.
    Après avoir quitté la politique active, en 1984, Bill a continué de servir son pays et il a agi à titre de président du Parti progressiste-conservateur du Canada de 1986 à 1989.
    Tous les députés se joindront sûrement à moi pour rendre hommage à Bill et pour transmettre nos condoléances à sa famille, dont sa femme, Louisette, ses enfants, Richard et Elizabeth, et leur mère, Vivian.
    Nous pleurons la perte de Bill, mais nous lui rendons aussi hommage en soulignant tout ce qu'il a accompli, avec dévouement, pour la Chambre, son pays et ses concitoyens.

Le Mois de la santé visuelle

    Monsieur le Président, le mois de mai est le Mois de la santé visuelle. C'est l'occasion de souligner l'apport des Canadiens aveugles ou atteints de cécité partielle et de remercier les personnes qui abattent les obstacles, améliorent l'accessibilité, fournissent des soins de santé oculaire et effectuent ou appuient des travaux de recherche novateurs dans le domaine de la perte de vision.
    Près d'un demi-million de Canadiens vivent avec une grave perte de vision. Avec le vieillissement de la population, on s'attend à ce que la perte de vision augmente de près de 30 % au pays au cours des 10 prochaines années. Plus de cinq millions et demi de Canadiens souffrent de l'une des quatre principales maladies de l'oeil, soit la dégénérescence maculaire liée à l'âge, la rétinopathie diabétique, le glaucome et les cataractes.
    La cécité ou la perte de vision ne devraient cependant limiter personne au Canada. Ce mois-ci, l'INCA, dont le siège social se trouve dans Don Valley-Ouest, demande à la population de s'ouvrir les yeux à la cécité. L'organisme relatera l'histoire inspirante de Canadiens qui vivent avec une perte de vision afin d'éclairer les gens sur la cécité.
    Je vous demande de vous joindre à moi pour souligner le Mois de la santé visuelle.

Les prix littéraires de la Saskatchewan

    Monsieur le Président, avant-hier soir, j'ai assisté à la 23e cérémonie annuelle de remise des prix littéraires de la Saskatchewan, où l'on récompense les auteurs et les éditeurs de notre province.
    Mon ancien professeur, Raymond Blake, était en nomination pour son ouvrage intitulé Lions or Jellyfish: Newfoundland-Ottawa Relations since 1957. Je crois que s'il y avait eu un prix pour le meilleur titre, il l'aurait remporté.
    Je suis très fier que mon collègue de Timmins—Baie James ait remporté deux prix pour son livre Children of the Broken Treaty, publié par les presses de l'Université de Regina. Cet ouvrage donne un aperçu terrifiant de la façon dont le Canada, par des violations de traités, des promesses brisées et une cruelle négligence, a privé les enfants des Premières Nations de leurs droits fondamentaux de la personne.
    Les tragédies comme celles d'Attawapiskat, dans sa circonscription, et de La Loche, dans ma province, sont la preuve que nous devons faire mieux.

L'Iran

    Monsieur le Président, nous entamons aujourd'hui, sur la Colline du Parlement, la Semaine de la responsabilisation de l'Iran, que je suis fier de coparrainer avec la sénatrice Linda Frum.
    Cet événement a pour objectif de sensibiliser davantage la population aux transgressions du régime iranien, notamment à son statut de principal État promoteur d'activités terroristes, à ses ambitions nucléaires, à l'emprisonnement brutal de ses opposants politiques et à son bilan accablant dans le dossier des droits de la personne.

[Français]

    Nous allons donner une voix aux victimes du régime iranien, tout en informant les parlementaires, les médias et les Canadiens des atrocités commises en Iran. Le Hamas et le Hezbollah, deux entités terroristes inscrites au Canada, ont tous deux reçu un soutien essentiel de l'Iran.
(1415)

[Traduction]

    La menace constante de l'Iran à la paix et à la sécurité de l'État d'Israël est un sujet qui devrait préoccuper tous les députés et tous les Canadiens, car l'ayatollah Khamenei réclame sans cesse la destruction d'Israël.
    Nous organiserons de nombreuses activités tout au long de la semaine, comme une soirée de discussion avec des experts sur l'Iran et les transgressions de son régime. Tous sont les bienvenus.

[Français]

Yvon Charbonneau

    Monsieur le Président, je souhaite rendre hommage à un grand homme qui vient de nous quitter, mon ami et l'ami de plusieurs députés de la Chambre, M. Yvon Charbonneau.
    Yvon était grand, c'était un géant. Homme généreux, homme de principe, il était animé par des valeurs nobles, et surtout, il avait le courage de défendre ces valeurs. Tout au cours de sa carrière, Yvon a su faire avancer des causes d'une grande importance, que ce soit à titre de syndicaliste, de député provincial, de député fédéral ou d'ambassadeur. À chaque fois, Yvon a su changer les choses.
    Lorsque j'ai succédé à Yvon en tant que député d'Honoré-Mercier, je savais que les souliers à chausser seraient énormes. J'insiste sur le mot « succédé », car on peut succéder à Yvon, mais on ne peut jamais le remplacer. Il était irremplaçable.
    Je le remercie de son amitié et de ses précieux conseils. Il y aura toujours un peu de lui dans mes actions à titre de député.
    Adieu, Yvon, repose en paix.

QUESTIONS ORALES

[Questions orales]

[Traduction]

Les finances

    Monsieur le Président, encore une fois, le ministère des Finances du premier ministre a confirmé —  roulement de tambour, s'il vous plaît — que les conservateurs ont laissé un excédent considérable aux Canadiens. C'est un fait indéniable, mais hélas, au lieu de suivre notre exemple et de chercher à réduire les impôts, à rétablir l'équilibre budgétaire et à créer des emplois, le premier ministre s'affaire à augmenter les impôts et à dépenser imprudemment, d'autant plus qu'il n'a pas de plan pour créer des emplois.
    Si le premier ministre n'est pas disposé à admettre les faits, comment pouvons-nous compter sur lui pour diriger notre économie?
    Monsieur le Président, le ministère des Finances m'a informé que nous serons en situation déficitaire au cours de l'année 2015-2016. Le rapport financier annuel sera rendu public en septembre.
    Nous nous concentrons sur des dossiers que les Canadiens ont à coeur. Au lieu de chercher à équilibrer le budget à tout prix, nous investissons dans l'avenir du Canada; nous investissons dans les Canadiens. Nous avons commencé par accorder une baisse d'impôt, et nous poursuivrons sur cet élan grâce à un budget qui aidera les Canadiens à améliorer leur qualité de vie, comme ils nous l'ont demandé le 19 octobre.
    Monsieur le Président, lorsqu'on lui a posé une question sur l'excédent budgétaire que les conservateurs avaient visiblement laissé au gouvernement, le ministre des Finances a dit que les libéraux ne voulaient pas insister là-dessus. On peut tout à fait le comprendre parce que son ministère, le directeur parlementaire du budget et les économistes lui disent tous qu'il est le seul responsable des déficits que le Canada pourrait accuser et que les Canadiens devront rembourser.
    Comment les Canadiens peuvent-ils compter sur le gouvernement pour diriger l'économie quand le ministre des Finances refuse même d'admettre les faits?
    Monsieur le Président, nous mettons en oeuvre un plan qui améliorera concrètement la situation des Canadiens. Nous commençons par aider les gens de la classe moyenne à améliorer leur sort. Nous avons accordé des allégements fiscaux et instauré l'Allocation canadienne pour enfants, qui améliorera vraiment la situation des Canadiens. Les premiers chèques seront émis en juillet prochain. Nous allons ensuite faire des investissements qui amélioreront beaucoup, et pendant longtemps, la productivité et la vigueur de l'économie canadienne. Le Canada se portera donc beaucoup mieux que pendant la dernière décennie, lorsque le gouvernement précédent était au pouvoir.

[Français]

    Monsieur le Président, les libéraux ignorent les faits et la vérité. Nous avons maintenant la confirmation que les conservateurs ont laissé un surplus important.
    Le premier ministre va-t-il maintenant admettre que nous avons laissé un surplus et qu'il est le seul responsable du gâchis financier actuel?
    Monsieur le Président, les professionnels du ministère des Finances m'ont dit que nous serions dans une situation de déficit pour l'année 2015-2016. Le rapport annuel financier sera prêt au mois de septembre.
    Cela veut dire que nous allons maintenant prendre des mesures pour faire croître l'économie. C'est ce que nous comptons faire maintenant pour nous assurer d'améliorer la situation des Canadiens de la classe moyenne.
(1420)
    Monsieur le Président, je suis très rarement d'accord avec le ministre des Finances, mais là, il a raison. Ils auront un déficit; nous avions un surplus. Je suis d'accord avec lui.
     La revue financière du ministère des Finances déclarait un surplus de 7,5 milliards de dollars à la fin février. Malgré tout, on nous annonce un déficit important.
    Est-ce qu'ils vont accuser un déficit de 13 milliards de dollars seulement pendant le mois de mars? J'aimerais entendre le ministre des Finances là-dessus.
    Monsieur le Président, ce que je veux dire, c'est que nous savons maintenant que nous serons dans une situation de déficit pour l'année 2015-2016. Le rapport sera prêt au mois de septembre. Maintenant, nous avons un plan pour faire croître l'économie, parce que c'est ce qu'on doit faire lorsque le niveau de croissance a été très bas au cours de la dernière décennie.

L'industrie forestière

    Monsieur le Président, j'aimerais aborder un autre sujet très important. Comme 4 000 personnes, hier, j'ai participé à une marche à Saint-Félicien pour soutenir l'industrie forestière.
     Cette industrie, qui est partout au pays, reçoit depuis plusieurs années des attaques vicieuses de la part de plusieurs groupes environnementaux qui sèment de la désinformation quant à nos pratiques forestières au pays.
    Peut-on nous confirmer, aujourd'hui, que ce gouvernement va soutenir l'industrie forestière du pays, parce qu'il y a des emplois partout, d'un océan à l'autre?

[Traduction]

    Monsieur le Président, l'industrie forestière du Canada joue un rôle économique important et contribue à la survie de nombreuses localités du pays. Le gouvernement du Canada s'est engagé à soutenir l'innovation et, dans le budget de 2016, il affecte 1 milliard de dollars sur quatre ans, à compter de 2017-2018, aux technologies vertes des secteurs forestier, minier, agricole, halieutique et énergétique.

[Français]

Air Canada

    Monsieur le Président, en fin de semaine, le premier ministre était très fier de dire que le Québec était entendu à Ottawa. Pourtant, dans le dossier de l'aide à Bombardier, cela fait des mois qu'il nous sert la même cassette.
     Que ce soit en campagne électorale ou depuis qu'ils forment le gouvernement, les libéraux n'ont présenté aucun plan pour soutenir l'aérospatiale. On parle d'une industrie qui emploie directement 76 000 Canadiens, dont plus de la moitié au Québec.
    Le premier ministre va-t-il enfin comprendre l'importance de ce secteur pour notre économie et présenter un plan clair pour l'aérospatiale?

[Traduction]

    Monsieur le Président, le gouvernement comprend l'importance du secteur aérospatial. Nous savons qu'il crée 180 000 emplois d'un océan à l'autre. Nous savons qu'il apporte 29 milliards de dollars à notre économie.
    Il soutient aussi tout un noyau de fournisseurs. C'est la raison pour laquelle nous discutons avec l'entreprise. Nous avons entamé un véritable dialogue avec elle pour nous assurer de la mettre sur la voie de la réussite à long terme, car nous voulons un secteur aérospatial prospère et dynamique dans notre pays.

[Français]

    Monsieur le Président, cette réponse n'était ni claire ni précise.
    Ce gouvernement ne démontre aucun intérêt à soutenir les travailleurs de l'aérospatiale et leur famille. Il préfère donner un chèque en blanc à Air Canada avec son projet de loi C-10 qui sacrifie le travail et la qualité de vie de 2 600 familles. Il n'a même pas le courage qu'on en débatte à fond au Parlement.
    Le premier ministre n'a-t-il pas honte d'abandonner ainsi les travailleurs, après avoir manifesté à leurs côtés?
    Monsieur le Président, comme on le sait, le gouvernement du Québec et le gouvernement du Manitoba ont indiqué leur intention d'abandonner leur litige avec Air Canada. Cela nous permet de clarifier la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada. C'est ce que nous sommes en train de faire, afin de s'assurer qu'il n'y aura pas de litige à l'avenir.
    Toutefois, je rappelle à ma collègue qu'il y aura des emplois au Québec, en Ontario et au Manitoba.

[Traduction]

L'environnement

    Monsieur le Président, la côte Nord de la Colombie-Britannique est d'une beauté à couper le souffle et est connue pour la force de ses habitants.
    Par deux fois, le premier ministre et son ministre des Transports se sont joints à nous et à la population de la Colombie-Britannique pour interdire tous les superpétroliers au large de la côte. Interrogé au sujet de la menace que représente le projet Northern Gateway d'Enbridge, il a dit : « Je n'approuverai pas ce pipeline. ».
    Va-t-il maintenant prendre la parole et dire aux Britanno-Colombiens quand il va enfin présenter une mesure législative interdisant les pétroliers au large de notre magnifique côte?
    Monsieur le Président, comme tout le monde le sait, j'ai été mandaté pour instaurer un moratoire officiel sur la circulation des pétroliers de brut sur la côte Nord de la Colombie-Britannique. C'est ce que je fais, de concert avec mes collègues, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, la ministre de l'Environnement et le ministre des Ressources naturelles. Nous procédons en ce moment à des consultations avec les Premières Nations, avec des groupes environnementaux et avec l'industrie du transport maritime. Nous faisons nos devoirs.
    Lorsque nous aurons quelque chose à déclarer, nous le ferons.
(1425)
    Monsieur le Président, combien de temps faut-il, au juste, pour dire « non »?
    Encore une fois, le gouvernement refuse de nous donner un échéancier précis et ne fait qu'embrouiller les cartes.
    Il y a quelques jours, je me suis rendu sur la côte centrale de la Colombie-Britannique et dans l'archipel Haida Gwaii. Les gens qui y vivent, les Premières Nations, trouvent consternant et bouleversant que le gouvernement refuse d'être clair et semble prêt à renier une promesse sacrée.
    Le premier ministre s'est déjà rendu à Haida Gwaii, où il a promis aux habitants, aux Haïdas, aux Britanno-Colombiens, d'être leur allié et d'interdire la circulation des pétroliers.
    Quand tiendra-t-il sa promesse?

[Français]

    Monsieur le Président, comme je l'ai mentionné, ma lettre de mandat m'oblige à créer un moratoire formel sur le transport du pétrole brut sur la côte Nord de la Colombie-Britannique. C'est ce que je suis en train de faire, en travaillant avec mes collègues, le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, la ministre de l'Environnement et le ministre des Ressources naturelles. Ce travail est en cours en ce moment.
    Nous consultons également les Premières Nations, les groupes environnementaux et l'industrie du transport maritime. Aussitôt que nous aurons des nouvelles à annoncer, je les annoncerai.

[Traduction]

Les finances

    Monsieur le Président, voici un petit résumé de ce qui s'est passé pendant la semaine de relâche parlementaire.
    La semaine dernière, Finances Canada a annoncé que le gouvernement fédéral avait un excédent de 7,5 milliards de dollars. C'est la quatrième fois que des fonctionnaires de Finances Canada confirment que le gouvernement conservateur a laissé un excédent budgétaire, et ce, grâce à sa saine gestion économique et à sa prudence en matière d'équilibre budgétaire.
    Quand on lui a posé des questions au sujet du rapport, le ministre des Finances les a balayées du revers de la main en déclarant qu'en toute honnêteté, son attention était ailleurs.
    Les Canadiens tiennent pourtant à le voir porter attention aux chiffres. Voici donc ma question à l'intention du ministre des Finances: quand cesserez-vous d'induire les Canadiens en erreur au sujet de la situation financière du gouvernement?
    Je crois que la députée souhaitait demander « quand cessera-t-il » et non « quand cesserez-vous ». J'espère que sa question ne s'adressait pas à moi.
    Le ministre des Finances a la parole.
    Monsieur le Président, Dieu merci, les Canadiens ont fait le bon choix le 19 octobre.
    De toute évidence, les députés d'en face sont encore obsédés par cette histoire d'équilibre budgétaire. Vraiment, ils...
    Des voix: Oh, oh!
    À l'ordre, s'il vous plaît. Je sais que les députés sont impatients d'applaudir la réponse du ministre, mais ils doivent lui laisser le temps de finir.
    Le ministre des Finances a la parole.
    Monsieur le Président, il y a deux choses.
    Premièrement, un exercice financier dure 12 mois. Deuxièmement, les Canadiens nous ont élus pour que nous investissions dans l'économie. Ils nous ont chargés d'investir dans la croissance à long terme du pays, et c'est exactement ce que nous avons l'intention de faire.
    Monsieur le Président, les libéraux ont bel et bien hérité d'un surplus de 7,5 milliards de dollars. Néanmoins, leur plan est de nous endetter de milliards de dollars. Il est intéressant de noter que le ministre des Finances a écrit un livre dans lequel il écrit que l'endettement empêche de faire des choses, comme de dormir sur ses deux oreilles.
    Ma question au ministre des Finances est la suivante: comment dort-il?
    Monsieur le Président, je suis on ne peut plus ravi d'informer la députée que je dors très bien, car je sais que ce que nous sommes en train de faire assurera un meilleur avenir à mes enfants et à mes petits-enfants. Nous sommes en train d'améliorer leur sort en investissant dans l'économie. Nous investissons dans les infrastructures pour améliorer leur vie, pour qu'ils aient un avenir meilleur. Nous investissons dans une économie novatrice qui permettra d'augmenter véritablement la productivité de notre pays.
    Le 19 octobre, les Canadiens ont fait le bon choix. Ils ont choisi d'investir.
    Monsieur le Président, le ministre des Finances doit être frustré de voir les faits interférer avec ses beaux discours. Encore une fois, il a été complètement contredit par son propre ministère, qui a rapporté que les conservateurs lui avaient légué un excédent budgétaire de 7,5 milliards de dollars.
    Le ministre des Finances essaiera-t-il au moins de garder un peu de crédibilité en admettant enfin que les conservateurs lui ont laissé un excédent, qu'il a gaspillé avec ses propres dépenses déraisonnables?
(1430)
    Monsieur le Président, je ne peux que le répéter.
    Les professionnels du ministère des Finances nous disent que nous aurons un déficit pendant l'exercice 2015-2016, qui n'est pas encore terminé. Lorsque les rapports paraîtront en septembre, nous verrons les résultats. D'ici là, nous nous concentrons sur ce qui importe vraiment aux Canadiens: que nous fassions des investissements pour améliorer leur vie. C'est exactement ce que nous faisons.
    Monsieur le Président, c'est déjà assez regrettable que le ministre des Finances ait dilapidé l'excédent sans qu'il continue en plus à détruire sa crédibilité.
    Pendant des mois, le ministre des Finances a fait fi de l'analyse indépendante du directeur parlementaire du budget, des économistes du secteur privé et de son propre ministère des Finances. Il a préféré s'en remettre à ses propres tours de magie pour échafauder un budget déraisonnable.
    Pourquoi le ministre des Finances pense-t-il que sa mauvaise gestion des deniers publics est avantageuse?
    Monsieur le Président, j'aimerais clarifier la déclaration récente du directeur parlementaire du budget. Il a dit que, dans les faits, le budget de 2016 contribuerait à stimuler l'économie, ce qui est exactement ce que nous avons proposé aux Canadiens.
    Nous nous attendons à ce que les mesures que nous avons énoncées dans le budget de 2016 feront croître l'économie d'environ 0,5 % cette année et d'approximativement 1 % l'année suivante, créant ainsi 43 000 emplois cette année et 100 000 l'an prochain. Nous sommes ravis du plan que nous avons présenté et savons qu'il sera bien meilleur pour les Canadiens à l'avenir.

[Français]

    Monsieur le Président, le journal La Presse nous apprend ce matin que, encore une fois, le gouvernement libéral cache des informations importantes aux Canadiens, et cela vient encore une fois du ministère des Finances.
    Le ministère des Finances a analysé le coût des promesses libérales. Or voilà que le document rendu public est complètement censuré par le ministre, et cela, c'est clair, parce que le ministre sait très bien que ses promesses coûtent une fortune aux Canadiens.
    Pourquoi le ministre cache-t-il des informations si importantes pour le porte-monnaie de tous les Canadiens?
    Monsieur le Président, l'ouverture et la transparence du ministère des Finances sont très importantes pour moi et pour notre ministère.
    Dans ce cas, le ministère a répondu à une question en conformité avec toutes les règles nécessaires. C'était indépendant de moi, et c'est bien.
    Maintenant, ce que je tiens à dire, c'est qu'avec notre budget de 2016, les chiffres sont là, et on peut voir exactement ce que nous avons fait.
    Monsieur le Président, sauf le respect que j'ai pour le ministre des Finances, le moins qu'on puisse dire, c'est que, depuis le début, il ne nous a pas habitués à beaucoup de transparence.
    Les changements à l'impôt ne devaient rien coûter. Pourtant, il y a là un déficit de 1,4 milliard de dollars. Les changements à la Prestation fiscale canadienne pour enfants ne devaient rien coûter, mais il y a là un déficit de 1,4 milliard de dollars.
    La question que j'aimerais poser au ministre est claire. S'engage-t-il à rendre publique l'étude faite par son ministère sur le coût des promesses libérales, oui ou non?
    Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, les chiffres sont dans le budget. On peut y voir les mesures exactes et le coût de ces mesures. C'est ouvert et transparent pour tous les Canadiens et les Canadiennes.

Les affaires autochtones

    Monsieur le Président, après avoir appris que l'Église n'a pas respecté son obligation de verser 25 millions de dollars pour financer les programmes pour les victimes des pensionnats autochtones, la ministre dit qu'elle est impuissante et qu'elle ne peut rien faire. Pourtant, ce montant est dans le règlement approuvé par les tribunaux. De plus, c'est son ministère qui a autorisé l'entente permettant à l'Église d'éviter de payer.
    Quand la ministre des Affaires autochtones et du Nord va-t-elle obliger l'Église à remplir ses obligations envers les victimes des pensionnats autochtones?
    Monsieur le Président, bien que le gouvernement précédent n'ait laissé aucun recours légal, le gouvernement continue de travailler avec les entités catholiques. C'est très important que ces dernières jouent leur rôle dans la réconciliation et qu'elles respectent les engagements qu'elles ont pris à l'égard de la réconciliation, peu importe leurs obligations aux termes de la loi.

[Traduction]

    Monsieur le Président, le Tribunal des droits de la personne a indiqué clairement qu'il en a assez de l'inaction du gouvernement face au problème de la discrimination raciale contre les enfants autochtones. Selon lui, le gouvernement libéral néglige les enfants dans son budget et ne prévoit pas l'argent nécessaire pour la protection de l'enfance. Il continue de leur refuser des services médicaux et se bat contre leurs familles devant la justice.
    Le tribunal ne faisant pas confiance au gouvernement, il a décidé de le mettre en tutelle concernant sa gestion des affaires autochtones. Le premier ministre et ministre de la Jeunesse respectera-t-il cette décision? Dans l'affirmative, quelles mesures le gouvernement prendra-t-il pour mettre fin à la discrimination systémique contre les enfants autochtones du pays?
    Monsieur le Président, nous nous acquittons totalement des obligations que nous impose le tribunal dans sa décision, y compris la nouvelle interprétation, plus large, du principe de Jordan. C'est extraordinaire. J'ai eu une très bonne réunion ce matin avec Mme Blackstock et l'Assemblée des Premières Nations. Nous allons collaborer avec les provinces et les territoires pour nous acquitter de nos obligations.
(1435)

Le commerce international

    Monsieur le Président, il est temps plus que jamais de ratifier le Partenariat transpacifique avant l'élection du prochain président des États-Unis. L'ancien secrétaire à la Défense de M. Obama, Leon Panetta, affirme qu'il est peu probable qu'il soit ratifié si le Congrès ne l'adopte pas avant la fin du mandat de l'actuel président. Or les libéraux sont engagés dans un processus de consultation interminable, et la ministre affirme que ce n'est pas à elle de promouvoir le Partenariat transpacifique.
    Quand la ministre passera-t-elle plus de temps à promouvoir le commerce et moins de temps à satisfaire sa vanité personnelle à Los Angeles?
    Monsieur le Président, le gouvernement du Canada s'est engagé à consulter les Canadiens avant de décider s'il va ratifier l'accord. C'est exactement ce que nous faisons depuis notre arrivée au pouvoir. Le gouvernement a consulté la population au sujet de cet accord à plus de 250 occasions. Je suis d'ailleurs très heureux que le comité du commerce de la Chambre des communes ait invité les Canadiens à lui faire part de leur opinion dans le cadre de ses audiences publiques. Peut-être que c'est un processus auquel le gouvernement précédent n'était pas habitué, mais cela fait partie de nos engagements envers les Canadiens, et nous remplissons cette promesse.
    Monsieur le Président, au printemps dernier, lorsque nous formions encore le gouvernement, nous avons organisé de vastes consultations avant de conclure le Partenariat transpacifique. Le 20 avril, le Hill Times a cité les propos de la principale négociatrice du Partenariat transpacifique; on peut donc penser que ce qu'elle a dit est vrai. Ainsi, elle a déclaré que l'année qui vient s'annonce excitante. Elle aidera la ministre du Commerce international à ratifier le Partenariat transpacifique, un projet sur lequel elle a travaillé d'arrache-pied. Nous sommes d'accord.
    Puisqu'il est maintenant établi que les libéraux ont déjà pris une décision à cet égard, la ministre va-t-elle présenter le Partenariat transpacifique à la Chambre pour qu'elle le ratifie et consacrer plus de temps à faire la promotion du commerce, au lieu de faire de l'autopromotion à grands frais?
    Monsieur le Président, je ne vois pas pourquoi le député n'appuie pas les consultations. Je ne vois pas non plus pourquoi il n'appuie pas l'excellent travail qui été accompli par le Comité permanent du commerce international. La ministre, le secrétaire parlementaire et le gouvernement sont déterminés à tenir la promesse que nous avons faite et à consulter les Canadiens. Nous consacrons beaucoup d'efforts à ces consultations, et j'invite le député et ses collègues à y participer.

Les dépenses ministérielles

    Monsieur le Président, des documents obtenus en réponse à une demande d'accès à l'information révèlent que la ministre du Commerce international a laissé ses fonctionnaires dans l'ombre au sujet de son voyage autopromotionnel en Californie; qui plus est, certaines de ses réponses aux questions au sujet de son voyage de rêve en Californie s'écartent considérablement des faits. Elle a organisé son petit voyage à Los Angeles financé par les contribuables autour de son passage à une émission télévisée de fin de soirée.
    La ministre voit-elle son ministère simplement comme moyen de mousser sa carrière de journaliste soi-disant vedette?
    Monsieur le Président, la ministre s'est rendue à Los Angeles pour renforcer les liens économiques importants qui existent entre la Californie et le Canada, dont les échanges bilatéraux annuels dépassent 40 milliards de dollars.
    La ministre a clairement affirmé avoir respecté toutes les règles applicables en l'occurrence. En plus d'avoir assisté à des tables rondes avec le milieu des affaires et des industries de la création durant sa mission commerciale à Los Angeles, la ministre a fièrement fait la promotion du Canada auprès d'un public américain, notamment en soulignant son leadership dans le dossier des réfugiés syriens.
    Monsieur le Président, nous savons que la ministre a repoussé d'octobre à novembre, soit après sa nomination au Cabinet, le voyage qu'elle prévoyait faire en Californie pour satisfaire à sa vanité. Selon des courriels obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, son personnel a seulement été mis au courant de son départ à la dernière minute. Apparemment, personne à part la ministre ne savait qu'elle devait se rendre à Los Angeles pour rencontrer Bill Maher.
    Quand est-ce que la ministre fera preuve d'honnêteté et admettra aux Canadiens que c'était un voyage personnel qui n'avait rien à voir avec ses fonctions en tant que ministre du Commerce?
    Monsieur le Président, je fais remarquer au député que les gens d'affaires, les universitaires et les dirigeants gouvernementaux que la ministre a rencontrés lorsqu'elle défendait les intérêts commerciaux du Canada en Californie étaient tous au courant de son voyage.
    Quarante milliards de dollars par année en échanges bilatéraux, ce n'est pas négligeable. Si le député n'est pas d'accord, c'est qu'il ne partage pas la position de notre parti.

La protection de la vie privée

    Monsieur le Président, loin de faire comme il en a la responsabilité et de signaler au commissaire comme il en a la responsabilité, les atteintes graves à la vie privée, le Centre de la sécurité des télécommunications Canada, qui surveille le SCRS, soit dit en passant, les tient au contraire secrètes.
    Le commissaire à la protection de la vie privée a déclaré que le Centre « ne fournit pas suffisamment d'information au Commissariat à la protection de la vie privée ». Le gouvernement est-il du même avis que le NPD et croit-il lui aussi qu'il est tout simplement inacceptable de retenir de l'information sur les atteintes graves à la vie privée?
    Monsieur le Président, je tiens à rappeler à la députée que le Centre de la sécurité des télécommunications Canada ne surveille aucunement le SCRS.
    Pour ce qui est de sa question, le commissariat a pu compter sur la collaboration proactive du Centre à tous les égards. Les deux organismes entretiennent une bonne relation de travail, parce que le Centre respecte toutes les lois du Canada, y compris la Loi sur la protection des renseignements personnels.
(1440)

[Français]

    C'est étrange, monsieur le Président, parce que ce n'est pas ce que le commissaire dit. Clairement, le gouvernement ne prend pas la protection de la vie privée au sérieux. On apprend aujourd'hui que le Centre de la sécurité et des télécommunications refuse de rapporter au commissaire à la protection de la vie privée les violations à la loi sur la protection de la vie privée dont il a connaissance. Par contre, il partage avec ses partenaires étrangers des données sur les Canadiens.
    Le gouvernement va-t-il enfin respecter ses promesses de transparence et exiger que le centre coopère?

[Traduction]

    Monsieur le Président, dans son dernier rapport, le commissariat affirmait qu'un employé du Centre de la sécurité des télécommunications Canada lui avait volontairement remis l'information nécessaire et qu'il avait pu faire son enquête avec toute la rigueur voulue.
    Je rappelle en outre à la députée que le Centre de la sécurité des télécommunications Canada contribue directement à nous protéger contre les cybermenaces, l'espionnage étranger et les menaces terroristes provenant de l'extérieur de nos frontières.

Le recensement

    Monsieur le Président, les données scientifiques constituent la pierre angulaire d'une bonne politique publique. Les Canadiens s'attendent à ce que nous prenions des décisions éclairées fondées sur des données fiables. C'est le rôle que remplit Statistique Canada depuis de nombreuses années au moyen du programme de recensement. Les données recueillies dans le cadre du recensement aident les décisionnaires et les planificateurs à prendre des décisions dans divers domaines, dont la santé publique, le transport en commun ou le logement.
    Le gouvernement peut-il dire à la Chambre à quoi l'on pourra s'attendre lorsque le programme de recensement obligatoire reprendra cette année?
    Monsieur le Président, je remercie le député de Richmond Hill de ses efforts pour ce qui est d'appuyer une bonne collecte de données.
    Je suis fier de déclarer que ma première décision officielle a été de rétablir le questionnaire détaillé obligatoire du recensement. On envoie actuellement à tous les Canadiens au pays des lettres et des trousses relatives au recensement. Les Canadiens auront accès à des données de qualité qui reflètent réellement les besoins des collectivités et des entreprises. Après 10 ans, la prise de décisions fondées sur des données probantes est de retour.

[Français]

Les dépenses ministérielles

    Monsieur le Président, nous savions que la ministre du Commerce international aimait dépenser les deniers publics à l'étranger afin de court-circuiter ses obligations ministérielles au profit d'une apparition dans un talk show hollywoodien.
    La ministre peut-elle nous expliquer comment elle défend l'intérêt commercial du pays alors qu'elle se précipite à Los Angeles pour accorder une entrevue à Bill Maher et refiler une facture de 20 000 $ aux contribuables canadiens?
    Monsieur le Président, comme je l'ai mentionné plus tôt, la ministre a défendu l'intérêt économique du Canada quand elle a rencontré des leaders de la communauté d'affaires ainsi que des fonctionnaires et des élus du gouvernement de la Californie.
    Nous croyons qu'une relation commerciale de 40 milliards de dollars par année est importante. La ministre a conclu des ententes importantes lors de son séjour là-bas.
    Monsieur le Président, en observant les agissements de la ministre du Commerce international, on comprend bien qu'elle n'était pas à Los Angeles pour négocier des ententes commerciales, et ce, dans l'intérêt de la population canadienne.
    Cela dit, est-ce que son gouvernement peut confirmer à la Chambre qu'il appuiera le Partenariat transpacifique, qui, rappelons-le, est bénéfique pour les producteurs de boeuf, de porc, de sirop d'érable et de bleuets?

[Traduction]

    Monsieur le Président, je répète que le gouvernement est résolu à consulter les Canadiens sur le Partenariat transpacifique. Le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes a entamé une étude sur le PTP. J'invite par conséquent tous les députés à participer au processus de consultation. Nous sommes impatients d'amorcer une discussion constructive à cet égard.
    Monsieur le Président, les propres fonctionnaires de la ministre du Commerce international n'ont été informés de son voyage à Los Angeles que le 17 novembre, deux jours avant son arrivée là-bas. Le directeur des communications du ministère ne savait même pas ce que la ministre faisait dans la ville, à l'exception de sa participation à l'émission télévisée de Bill Maher. Son ministère s'est démené pour trouver des événements auxquels la faire participer afin qu'elle puisse refiler aux contribuables canadiens la facture de ce voyage qui ne servait qu'à satisfaire sa vanité personnelle.
    Quand la ministre du Commerce international payera-t-elle ce voyage personnel afin que les contribuables canadiens n'aient pas à le faire?
(1445)
    Monsieur le Président, le gouvernement libéral n'a pas à s'excuser de faire la promotion des entreprises canadiennes à l'étranger. Quand la ministre du Commerce international était en Californie, comme elle et moi l'avons déjà mentionné, elle a eu une série d'entretiens avec des chefs d'entreprise et des fonctionnaires de l'État de la Californie.
    Nous pensons que faire la promotion de ce qu'accomplit le Canada dans des dossiers cruciaux, comme le soutien à l'endroit des réfugiés syriens, représente une partie importante du travail de chaque député. Nous sommes fiers de la ministre du Commerce international.
    Monsieur le Président, les directives du Conseil du Trésor obligent les ministres à divulguer, une fois par trimestre, leurs frais de déplacement et d'accueil.
    Depuis huit mois, le ministre des Finances voyage partout en Europe, en Asie et au Canada, mais il a divulgué les coûts d'un seul voyage. Il est chargé des finances du pays, mais il refuse d'obéir à la loi pour ce qui est de ses propres déplacements.
    Pourquoi le ministre des Finances cache-t-il ses dépenses aux Canadiens?
    Monsieur le Président, le gouvernement est déterminé à assurer la divulgation proactive des dépenses ministérielles. En fait, c'était un ancien gouvernement libéral, dirigé par le premier ministre Martin, qui a introduit la notion de divulgation proactive des dépenses ministérielles. C'était sous le premier ministre actuel, lorsqu'il était dans l'opposition, que des députés ont, pour la première fois, divulgué proactivement leurs dépenses. Nous demeurons déterminés à assurer la divulgation proactive.

La recherche et le sauvetage

    Monsieur le Président, dans quelques jours, le gouvernement libéral fermera les portes du centre des Services de communication et de trafic maritimes de Comox. Le ministre persiste à affirmer que cela n'entraîne aucun risque.
    Toutefois, pas plus tard qu'en fin de semaine, une panne majeure des systèmes de communication à Prince-Rupert a privé toute la côte ouest de l'île de Vancouver de communications relatives à la sécurité maritime, ce qui a mis la vie de marins en danger.
    Le ministre acceptera-t-il enfin d'annuler la décision des conservateurs concernant la fermeture du centre de Comox?
    Je suis au courant de la panne temporaire qui a eu lieu à Prince-Rupert. Que la Chambre et la députée se rassurent: la panne n'avait rien à voir avec la modernisation des systèmes des Services de communication et de trafic maritimes. C'est la ligne terrestre d'un tiers qui est à l'origine de la panne. En passant, le centre de Comox ne couvre à peu près pas le secteur concerné; il n'avait donc rien à voir avec la situation.
    Monsieur le Président, manifestement, les libéraux choisissent d'ignorer les faits. Durant la campagne, le premier ministre a promis aux Canadiens qu'une fois au pouvoir, il rouvrirait le poste de la Garde côtière de Kitsilano et que celui-ci serait en activité jour et nuit, à longueur d'année. Apparemment, ce n'est pas le cas. Le poste ne rouvrira qu'à temps partiel. Pourquoi le ministre a-t-il trompé les Canadiens à propos de cette promesse?
    Monsieur le Président, en décembre dernier, j'ai annoncé que le poste de Kitsilano rouvrirait ses portes. Je suis fier d'annoncer que nous avons tenu promesse et que le poste a repris ses activités hier.
    Les ressources du poste seront remises en place progressivement. D'ici au long weekend de mai, l'équipe de recherche et de sauvetage comptera le même nombre de membres qu'auparavant.

Les affaires étrangères

    Monsieur le Président, les conservateurs organisent les activités de la Semaine de la responsabilisation de l'Iran sur la Colline du Parlement et ils sont bien conscients que l'Iran est largement considéré comme l'État le plus impliqué dans le terrorisme. Il commandite des groupes comme le Hezbollah et le Hamas. Le Canada a eu raison d'inclure le régime iranien dans sa liste des États qui soutiennent le terrorisme. Les victimes du terrorisme peuvent ainsi poursuivre l'Iran devant les tribunaux canadiens pour que le régime soit tenu responsable.
    Les libéraux prendront-ils la bonne décision et s'engageront-ils à maintenir l'Iran dans la liste des États qui soutiennent le terrorisme?
     Monsieur le Président, nous ne prévoyons pas retirer l'Iran de la liste des États qui soutiennent le terrorisme incluse dans la Loi sur l'immunité des États. Toute décision visant à inclure l'Iran dans la liste ou à l'en exclure sera prise en tenant compte des gestes du gouvernement iranien. Je suis certain que l'on avait comme but d'améliorer le respect des droits de la personne pour protéger le peuple iranien, et il est très clair que l'Iran doit faire beaucoup de progrès à cet égard. Son bilan en matière de respect des droits de la personne et l'état de ses relations avec nos alliés, notamment Israël, posent problème.

[Français]

    Monsieur le Président, le ministre des Affaires étrangères a indiqué au Comité permanent des affaires étrangères et du développement international que le Canada prenait les mesures nécessaires pour renouer le dialogue avec l'Iran, en vue d'ouvrir ultimement une ambassade à Téhéran.
    Le ministre s'engage-t-il aujourd'hui à consulter les Irano-Canadiens avant que toute décision finale ne soit prise et à fournir aux critiques de l'opposition, en toute transparence, les évaluations des menaces pour une délégation canadienne à Téhéran?
(1450)
    Monsieur le Président, mon collègue sait très bien que je lui offre toujours ma pleine collaboration.
    Toutefois, c'est bien connu que nous croyons que l'engagement est préférable au retrait ou au repli. Cela a été une erreur que de retirer le Canada de l'Iran. La situation n'est pas meilleure pour cela sur le plan des droits de la personne en Iran. La situation pour Israël n'est pas meilleure non plus. Nous ne sommes pas en position d'aider nos alliés ni d'aider les intérêts canadiens, les familles canadiennes et les Irano-Canadiens, à cause de la politique de chaise vide et de retrait qu'a suivi l'ancien gouvernement.

[Traduction]

    Monsieur le Président, il suffit de regarder le chef suprême de l'Iran et les médias officiels de l'État pour constater les desseins terroristes évidents de l'Iran. Le régime se targue d'avoir des mercenaires terroristes à sa solde, il se vante de son programme de missiles non autorisé et il proclame régulièrement que la destruction d'Israël est l'une de ses priorités. Ce mois-ci, la télévision d'État incite les jeunes hommes à se porter volontaires pour combattre en Syrie de manière à positionner l'Iran pour envahir Israël.
    Comment les libéraux peuvent-ils envisager, ne serait-ce qu'un instant, de retirer l'Iran de la liste des États qui parrainent le terrorisme?
    Monsieur le Président, je le répète volontiers, nous ne prévoyons pas retirer l'Iran de la liste des États qui soutiennent le terrorisme incluse dans la Loi sur l'immunité des États. Toute décision visant à inclure l'Iran dans la liste ou à l'en exclure sera prise en tenant compte des gestes du gouvernement iranien. Je crois que c'était le but de la motion, et c'est pourquoi nous la respecterons. Nous voulons voir une amélioration en Iran. Voilà pourquoi nous entretenons des rapports avec le pays: pour aider tous les Iraniens qui réclament un plus grand respect des droits de la personne.

[Français]

L'industrie laitière

    Monsieur le Président, l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne est une importante priorité pour notre gouvernement, car les compagnies et les entrepreneurs canadiens pourront tirer profit des énormes avantages qu'offre cette occasion.
    Nous voulons que tous les secteurs de notre économie puissent aller de l'avant une fois que cet accord sera ratifié.
    Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire peut-il nous informer des initiatives qu'il entreprend afin que l'industrie laitière canadienne puisse continuer à croître au sein d'un marché global toujours en mouvement?

[Traduction]

    Monsieur le Président, je peux assurer à mon collègue et à la Chambre que le gouvernement a tout à fait à coeur l'industrie laitière canadienne et le secteur de la gestion de l'offre. Voilà pourquoi nous avons annoncé aujourd'hui que le gouvernement consultera l'industrie laitière dans les semaines qui viennent pour obtenir son point de vue sur l'ensemble de mesures d'atténuation des répercussions dans le cadre de l'Accord économique et commercial global.
    Le gouvernement collaborera avec l'industrie laitière pour l'aider à s'adapter. Nous obtiendrons les meilleurs résultats possible pour l'industrie laitière et nous veillerons à ce que l'agriculture canadienne soit plus protégée, renforcée et novatrice que jamais.

La santé

    Monsieur le Président, les libéraux ont abandonné la réglementation qui exigerait que les médicaments génériques aient des propriétés de résistance à l'altération. Cette décision met la santé et la sécurité des Canadiens en danger.
    Non seulement cette décision permet l'altération et le mauvais usage des médicaments, mais les médecins hésitent maintenant à prescrire ces médicaments aux personnes qui en ont besoin, de peur qu'ils se retrouvent sur le marché noir.
    Est-ce que la ministre de la Santé va écouter les médecins sur le terrain et rétablir la réglementation sur la résistance à l'altération?
    Monsieur le Président, la réponse au problème du mauvais usage des médicaments et de l'abus des médicaments d'ordonnance doit être exhaustive. Une stratégie unique ne réglera pas le problème et il faut tenir compte de nombreux médicaments.
    Si l'on s'attaque à un seul médicament, on ne réglera pas le problème des opioïdes résistants à l’altération. Les gens se tourneront tout simplement vers un autre médicament. Nous allons poursuivre notre approche exhaustive qui visera notamment à accroître la sensibilisation et à réduire les méfaits.

La petite entreprise

    Monsieur le Président, ce sont les petites entreprises qui créent des emplois au pays. Nous pensions que les libéraux étaient conscients de cela lorsque, pendant la campagne électorale, ils ont promis d'abaisser les impôts des petites entreprises. Toutefois, les libéraux ont clairement rompu leur promesse.
    De nouveaux documents obtenus par le directeur parlementaire du budget révèlent que le plan libéral va aller chercher 2,1 milliards de dollars dans les poches des petites entreprises. Pourquoi les libéraux souhaitent-ils soutirer des milliards de dollars aux petites entreprises et pourquoi cachent-ils cette ponction fiscale dans un projet de loi omnibus d'exécution du budget?
(1455)
    Monsieur le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous comprenons bien la situation des petites entreprises.
    J'aimerais que tous mes collègues comprennent l'importance du programme PerLE. Les entrepreneurs nous ont dit clairement que les démarches pour obtenir des permis et des licences auprès des différents ordres de gouvernement peuvent porter à confusion, créer du mécontentement et, pire encore, exiger beaucoup de temps.
    Nous sommes fiers du programme PerLE. C'est l'une des nombreuses façons par lesquelles nous conjuguons nos efforts avec ceux des provinces, des territoires et des administrations municipales pour appuyer l'ensemble des entrepreneurs et des petites entreprises et pour répondre à leurs demandes.
    Ils souhaitent connaître du succès. Ils souhaitent créer des emplois et stimuler...
    La députée de Brampton-Sud a la parole.

La santé

    Monsieur le Président, des aînés de Brampton-Sud m'ont posé des questions au sujet de l'accès à de meilleures options en matière de soins palliatifs et de soins à domicile.
    Le gouvernement a été élu avec le mandat d'offrir plus de soins à domicile et de meilleurs soins, y compris des soins palliatifs.
    En cette Semaine nationale des soins palliatifs, la ministre de la Santé pourrait-elle informer la Chambre de ses travaux en vue d'améliorer les soins à domicile et les soins palliatifs pour tous les Canadiens?
    Monsieur le Président, j'ai déjà cité à la Chambre le Dr Atul Gawande, qui mentionne que les gens veulent non seulement une mort douce, mais aussi une vie agréable jusqu'à la fin. Voilà pourquoi j'ai tant à coeur les soins palliatifs, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.
    Lorsque des Canadiens arrivent à la fin de leur vie et qu'ils souffrent, ils recherchent la dignité et l'indépendance et préfèrent, lorsque c'est possible, mourir à domicile. Voilà pourquoi le gouvernement investira 3 milliards de dollars pour améliorer l'accès aux soins à domicile.
    Je travaillerai de concert avec les provinces et les territoires pour m'assurer d'accroître l'accès aux soins palliatifs de grande qualité pour tous les Canadiens.

[Français]

L'Agence des services frontaliers du Canada

    Monsieur le Président, au cours des prochains jours, le controversé humoriste français Dieudonné doit amorcer une tournée au Québec. Plusieurs politiciens, dont le maire de Montréal, ne souhaitent pas sa venue et, en fin de semaine, la ministre du Patrimoine canadien laissait sous-entendre que c'est l'agent frontalier en poste qui allait décider du sort de Dieudonné.
    Le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile peut-il nous dire sur quels critères les agents frontaliers vont se baser pour accepter ou non cet humoriste au pays?

[Traduction]

    Monsieur le Président, le gouvernement considère la diversité canadienne comme une source d'énergie considérable, et la communauté juive canadienne en fait partie intégrante. Nous nous opposerons toujours fermement à l'intolérance et à la haine, tandis que nous continuons de bâtir une société ouverte et inclusive.
    En ce qui a trait à l'admissibilité d'une personne donnée, les agents des services frontaliers prennent ces décisions en se fondant sur les faits aux bureaux d'entrée, et ce, conformément au droit canadien.
    Je souligne que les antécédents criminels sont certainement un facteur dont les autorités tiennent compte.

[Français]

La fiscalité

    Monsieur le Président, tout comme Christian Tremblay de ma circonscription, plus de 26 000 Québécois seront pénalisés en vendant leur entreprise à leur famille parce qu'Ottawa ne leur accorde pas la déduction pour gain en capital. Pourtant, Québec le fait.
    Plutôt que de s'en inspirer, le gouvernement prétend que le système fonctionne comme il est et que, en fait, la situation est équitable. C'est ce qu'en dit le député de Saint-Maurice—Champlain.
    Quand verra-t-on enfin un libéral du Québec se lever pour défendre les entreprises du Québec?
    Monsieur le Président, nous comprenons qu'il s'agit d'un enjeu important pour certaines familles.
    Nous croyons que le système actuel fonctionne comme il le doit et qu'il est équitable pour l'ensemble des contribuables. Nous demeurons à l'écoute. Notre objectif de favoriser la croissance économique se poursuit, et nous allons écouter les gens pour être certains que cela fonctionne.

Les affaires étrangères

    Monsieur le Président, la vente de blindés à l'Arabie saoudite est immorale et contraire à l'éthique de la responsabilité; le ministre des Affaires étrangères le sait très bien.
    L'Organisation des Nations unies a confirmé que l'armée saoudienne ciblait des écoles et des civils au Yémen. La PBS a démontré que l'Arabie saoudite utilisait ses blindés contre les dissidents politiques. Pourtant, le ministre persiste à honorer les contrats, et il est prêt à toutes les contorsions intellectuelles pour se justifier, même si ces blindés sont utilisés à mauvais escient. Il appelle cela « la conviction responsable ».
    Plutôt que se faire complice, quand le ministre mettra-t-il fin à la vente d'armes à l'Arabie saoudite?
(1500)
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de me permettre de répéter encore une fois ma réponse.
    Le contrat a été signé par le gouvernement précédent, et il n'a pas été signé à moitié; il a été signé complètement. Durant la campagne électorale, le Parti libéral, comme le NPD d'ailleurs, s'était engagé à respecter ce contrat. Cela voulait donc dire que les licences d'exportation arriveraient sur le bureau du ministre des Affaires étrangères.
    Je les bloquerai si jamais l'équipement militaire devait être utilisé à mal escient contre les droits de la personne ou contre l'intérêt du Canada et de ses alliés.

[Traduction]

Les comités de la Chambre

    Monsieur le Président, ma question s'adresse au leader du gouvernement à la Chambre.
    En théorie, comme on le sait, tous les députés sont égaux, mais les partis fortement majoritaires se servent parfois de leur pouvoir — abusivement, selon moi — pour limiter les droits des députés des petits partis. C'est notamment ce qui s'est produit à l'automne 2013 lorsqu'on a demandé à tous les comités d'adopter une motion visant à priver les députés des petits partis de leurs droits à l'étape du rapport.
    Je suis très déçue que la majorité libérale demande actuellement à tous les comités d'adopter la même motion.
    Le leader du gouvernement à la Chambre pourrait-il réfléchir à ce que disait sa lettre de mandat et revenir sur cette décision?
    Monsieur le Président, nous suivons la décision de votre prédécesseur. Comme vous le savez, avant cette décision, les députés indépendants ne pouvaient pas proposer d'amendements aux comités.
    Nous voulons que les députés des partis non reconnus puissent participer activement au processus législatif à l'étape de l'étude en comité; nous leur donnons donc un rôle plus important au sein des comités.

Présence à la tribune

    Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de Son Excellence Tadamori Oshima, président de la Chambre des représentants du Japon.
    L'hon. Lisa Raitt: Monsieur le Président, je suis désolée de donner l'impression de faire une fixation sur l'équilibre budgétaire, mais j'ai devant moi La revue financière, publiée par le ministère des Finances, qui fait état des résultats financiers de l'exercice jusqu'en en mars 2016.
    Je me demandais s'il serait possible de déposer ce document à la Chambre.
    Le Président: Y a-t-il consentement unanime pour déposer ce document?
    Des voix: Non.

AFFAIRES COURANTES

[Affaires courantes]

(1505)

[Traduction]

Les comités de la Chambre

Finances

     Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le troisième rapport du Comité permanent des finances, qui porte sur le projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu.
    Le comité a étudié le projet de loi et a décidé d'en faire rapport à la Chambre sans proposition d'amendement.

Les travaux de la Chambre

    Monsieur le Président, il y a eu des discussions entre les partis et je crois que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour adopter la motion suivante:
    Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, le lundi 2 mai 2016, la Chambre continue de siéger au-delà de l’heure ordinaire de l’ajournement quotidien pour étudier le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir), à l’étape de la deuxième lecture, et que, lorsque plus aucun député ne se lèvera pour prendre la parole ou que à minuit le même jour, selon la première éventualité, le débat soit réputé ajourné, et la Chambre soit réputée ajournée jusqu’au prochain jour de séance.
    Le secrétaire parlementaire a-t-il le consentement unanime de la Chambre pour proposer la motion?
    Des voix: D'accord.
    Le Président: La Chambre a entendu la motion. Plaît-il à la Chambre de l'adopter?
    Des voix: D'accord.

    (La motion est adoptée.)

Pétitions

La sélection en fonction du sexe

    Monsieur le Président, je suis heureux de présenter aujourd'hui des pétitions sur trois questions distinctes, au nom des habitants de ma circonscription, Red Deer—Mountain View.
    Dans la première, les pétitionnaires demandent au Parlement de condamner la discrimination que constituent les avortements sexo-sélectifs.

L'avortement

    Monsieur le Président, les signataires de la deuxième pétition demandent au Parlement d'adopter une mesure législative visant à restreindre les avortements.

La justice

    Monsieur le Président, dans la troisième et dernière pétition, les signataires prient la Chambre des communes d'adopter un projet de loi pour reconnaître que les enfants à naître sont des victimes distinctes.
    Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui deux pétitions.
    Dans la première, les pétitionnaires invitent la Chambre des communes à adopter un projet de loi qui reconnaîtrait l'enfant à naître en tant que victime distincte lorsque celui-ci est blessé ou tué lors de la perpétration d'un acte de violence contre sa mère, de sorte que des accusations puissent être portées à l'égard de deux crimes plutôt que d'un seul.

L'aide médicale à mourir

    Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par plus de 200 personnes qui demandent au gouvernement du Canada d'adopter une disposition protégeant la liberté de conscience des travailleurs de la santé et des établissements de soins de santé au regard du projet de loi sur l'aide médicale à mourir, dont la Chambre est saisie.

La justice

     Monsieur le Président, les Canadiens veulent que le Parlement soit informé de l'histoire tragique de Cassandra Kaake, qui était enceinte de 31 semaines lorsqu'elle a été tuée à Windsor, en Ontario. Malheureusement, il n'y aura pas de justice pour Molly, la petite fille à naître de Cassandra, qui a également été tuée lors de cette attaque violente. C'est parce que, en droit criminel, les enfants à naître ne sont pas reconnus comme des victimes distinctes lorsque des attaques sont commises contre leur mère.
    La pétition demande au Parlement d'adopter une loi qui permettrait de porter une accusation distincte lorsqu'un enfant à naître est tué ou blessé au moment de la perpétration d'un crime contre sa mère.
    Les Canadiens veulent que justice soit faite pour les victimes comme Molly.

Les insecticides

    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour présenter deux pétitions.
    La première a été signée par des résidants de Pender, Salt Spring, Saturna, Victoria et Saanich, dans Saanich—Gulf Islands, qui demandent au gouvernement de prendre exemple sur l'Europe et d'adopter des mesures visant à protéger la santé et les insectes pollinisateurs au Canada en interdisant les pesticides de la catégorie des néonicotinoïdes.
(1510)

Les aliments génétiquement modifiés

    Monsieur le Président, la deuxième pétition est signée par des résidants de tous les coins de l'Ontario, mais plus particulièrement de la région de Thunder Bay, qui demandent au gouvernement de rendre obligatoire l'étiquetage de tous les produits contenant des organismes génétiquement modifiés.

Les soins palliatifs

    Monsieur le Président, j'ai le plaisir de présenter une pétition sur les soins palliatifs. Les pétitionnaires font remarquer que, dans l'arrêt Carter c. Canada, la Cour suprême a statué que des adultes capables et consentants peuvent demander l'euthanasie ou l'aide au suicide. Ils soulignent ensuite qu'il est impossible de donner un consentement éclairé quand on n'a pas accès à des soins palliatifs qui apaisent la souffrance. Ils demandent par conséquent au Parlement de mettre sur pied une stratégie nationale des soins palliatifs.

Questions au Feuilleton

    Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 72.

[Texte]

Question no 72 --
M. Dan Albas:
     En ce qui concerne le partage de renseignements sur les entrées et les sorties aux postes frontaliers terrestres avec les États-Unis: a) le gouvernement a-t-il informé le gouvernement des États-Unis que certains Canadiens qui passent la frontière à un poste frontalier terrestre pour se rendre aux États-Unis quittent généralement les États-Unis quelques jours plus tard, par voie terrestre pour le Mexique, ou par voie aérienne pour une autre destination; b) le gouvernement des États-Unis a-t-il indiqué comment il prévoit éviter d’identifier à tort ces Canadiens comme ayant dépassé la durée de séjour autorisée par leur visa; c) quels documents et renseignements les Canadiens qui passent l’hiver au Mexique doivent-ils conserver après s’y être rendus par voie terrestre afin de démontrer aux représentants des États-Unis qu’ils n’ont pas passé les mois d’hiver aux États-Unis; d) est-il prévu par les États-Unis ou le Canada d’instaurer un partage de renseignements sur les entrées et les sorties transfrontalières avec le Mexique qui permettrait aux États-Unis d’être informés lorsqu’un Canadien quitte les États-Unis pour le Mexique?
L'hon. Ralph Goodale (ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Lib.):
     Monsieur le Président, en réponse aux parties a) et b) de la question, le gouvernement n’a pas envisagé ce scénario particulier avec le gouvernement des États-Unis et ne lui a pas demandé ces informations. Dans le rapport Entry/Exit Overstay Fiscal Year 2015, le département de la Sécurité intérieure des États-Unis indique qu’il recueille des données sur les sorties des voyageurs qui quittent les États-Unis par voie aérienne ou maritime.
    Le Canada et les États-Unis se serviront des données sur les sorties des voyageurs pour appuyer la détection des présumés séjours prolongés sans autorisation. D’autres mesures seront prises pour confirmer davantage l’exactitude de l’information et empêcher l’identification erronée de voyageurs. À cet égard, le Canada et les États-Unis collaboreront pour établir et évaluer les scénarios possibles pouvant découler de l’échange d’information, notamment les conséquences pour les Canadiens visitant temporairement les États-Unis, lesquels peuvent quitter les États-Unis par la frontière terrestre sud et entrer au Mexique.
    En ce qui concerne la partie c) de la question, toute question sur les documents requis par les États-Unis devrait être adressée au Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis.
    En ce qui a trait à la partie d) de la question, le Canada n'a aucun plan pour une telle initiative en ce moment. L'Agence des services frontaliers du Canada ne peut pas faire de commentaires sur les arrangements, actuels ou potentiels, entre les États-Unis et le Mexique.

[Traduction]

Questions transformées en ordre de dépôt de documents

    En outre, monsieur le Président, si une réponse complémentaire à la question no 53, initialement déposée le 11 avril 2016, et les questions nos 71 et 73 pouvaient être transformées en ordres de dépôt de documents, les documents seraient déposés immédiatement.
    D'accord?
    Des voix: D'accord.

[Texte]

Question no 53 --
M. François Choquette:
     En ce qui concerne le Bureau de la traduction (BT) qui est sous la responsabilité de Travaux publics et services gouvernementaux Canada: a) depuis 2013-2014, ventilé par année, (i) combien existe-t-il de postes de traducteurs, d'interprètes, de terminologues et de réviseurs au sein du BT, (ii) quel est le nombre total d'institutions clientes du BT; b) quel est le montant total facturé aux institutions clientes du BT pour des services (i) de traduction ou de révision, (ii) d'interprétation; c) quels sont les coûts estimés de la mise en oeuvre d’un outil de traduction automatique à partir du 1er avril 2016; d) quelles études ont été menées sur (i) la justification de la mise en oeuvre d’un outil de traduction automatique, (ii) les répercussions d’un outil de traduction automatique sur le bilinguisme dans la fonction publique, (iii) la qualité des textes traduits par un outil de traduction automatique, (iv) les coûts reliés à la mise en place d’un outil de traduction automatique; e) depuis 2005-2006, ventilé par année et par ministère, quelle est la valeur totale des contrats qui ont été envoyés à des fournisseurs externes plutôt qu’au BT, ventilé par contrat (i) de traduction, (ii) d’interprétation, (iii) de révision; f) quelles sont les ressources financières et humaines, en termes de personnel travaillant à des postes d'équivalant temps plein (ETP), consacrées par le BT au développement de son outil de traduction automatique; g) depuis 2011-2012, ventilé par année et par ministère, quelles ont été les ressources financières et humaines, en termes de personnel ETP, consacrées à des fournisseurs externes et allouées à (i) la passation de marchés de traduction et de révision avec des fournisseurs, (ii) la gestion des marchés identifiés en (i), (iii) l'assurance de qualité de ces marchés; h) depuis 2005-2006, ventilé par année et par ministère, quel est le nombre de mots dont la traduction a été confiée à des fournisseurs externes plutôt qu’au BT; i) depuis 2005-2006, ventilé par année, quelle est la somme versée par le BT aux fournisseurs de services de traduction avec lesquels il a passé un marché; j) depuis 2005-2006, ventilé par année, quelles ont été les ressources financières et humaines, en termes de personnel ETP, consacrées par le BT à (i) la passation de marchés de traduction avec des fournisseurs, (ii) la gestion de ces marchés, (iii) l'assurance de qualité de ces marchés; k) depuis 2013-2014, ventilé par mois, combien de mots ont été confiés au BT par les institutions clientes et (i) traduits par des traducteurs employés par le BT pour une période indéterminée, (ii) traduits par des fournisseurs du BT; l) est-ce que le gouvernement a entrepris des démarches pour embaucher de nouveaux employés d'ici 2019-2020 et si oui, combien de traducteurs seront embauchés à l'interne, ventilé par année, (i) pour des postes à durée indéterminée, (ii) pour des postes temporaires; m) quelle est la structure actuelle d'établissement des prix du BT?
    (Le document est déposé)
Question no 71 --
Mme Christine Moore:
     En ce qui concerne les budgets du gouvernement, engagés ou non par l’ensemble des ministères, liés à l’agence de Développement économique du Canada pour les régions du Québec: a) quel est le montant dépensé, et non dépensé, pour ces activités, ventilés par (i) exercice, (ii) programme, (iii) régions, de 2002-2003 à 2014-2015; b) quel est le montant dépensé, et non dépensé, à ce jour pour ces activités pendant l’exercice actuel; c) quel était le montant qui avait été prévu pour ces activités, ventilé par exercice de 2002-2003 à 2014-2015; d) quel est le montant qui a été prévu pour ces activités pendant l’exercice actuel?
    (Le document est déposé)
Question no 73 --
M. Peter Julian:
     En ce qui concerne l’appui du gouvernement à l’Institut canadien international des ressources et du développement (ICIRD): a) quelle est la ventilation des dépenses à ce jour par (i) projet, (ii) pays ciblé, (iii) personne s’étant rendue à chaque événement, (iv) personne des pays hôtes ayant participé à chaque événement; b) quelles sont les sources précises des fonds engagés et versés par (i) le gouvernement, (ii) les gouvernements étrangers, (iii) les sociétés du secteur de l’extraction, les associations d’entreprises ou d’autres entités du secteur privé, (iv) les établissements d’enseignement, (v) les organismes de la société civile; c) quels sont les détails de tous les documents que l’ICIRD a présentés au gouvernement, y compris les plans de mise en œuvre de projets, le cadre de mesure du rendement, les rapports d’études de base, les plans de travail annuels, les états financiers vérifiés, les prévisions budgétaires initiales, les prévisions budgétaires ultérieures, les rapports financiers trimestriels ou semestriels, les rapports narratifs trimestriels, semestriels et annuels, et les rapports des risques, conformément à l’accord de contribution entre le gouvernement et l’ICIRD, ainsi que les détails de tout autre document connexe; d) est-ce que l’ICIRD satisfait ou non aux trois conditions prévues au paragraphe 4(1) de la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle et de quelle manière le gouvernement actuel s’en est-il assuré; e) quelle politique de diligence voulue applique-t-on pour s’assurer de la légitimité d’une demande d’assistance reçue d’un responsable d’un pays étranger, selon des principes de démocratie, d’intérêt public et d’autres principes; f) quel est le rôle de l’ICIRD dans la « diplomatie économique » du Canada, une notion annoncée dans le cadre du « Plan d’action sur les marchés mondiaux » de 2013; g) quelle diligence voulue le gouvernement actuel a-t-il exercée avant d’accorder et de renouveler son appui au mandat de l’ICIRD et au maintien de son financement, pour s’assurer que ce mandat et la justification de l’appui financier (i) sont fondés sur des preuves provenant de sources fiables et impartiales, (ii) cadrent avec les recommandations des tables rondes nationales et font en sorte que le Canada remplisse, à titre de signataire de sept traités sur les droits de la personne, ses obligations internationales concernant la promotion du respect universel des droits de la personne, (iii) tiennent compte comme il se doit des réponses sollicitées à la note de consultation de 2012 de l’Agence canadienne de développement international en vue de l’élaboration de la demande de proposition relative à l’Institut canadien international pour les industries extractives et le développement, (iv) correspondent aux demandes des peuples autochtones, des groupes de citoyens et des organismes populaires de la société civile dans les pays hôtes; h) quels sont les responsables gouvernementaux qui font partie, et ont fait partie dans le passé, du comité consultatif de l’ICIRD, et qui sont ceux qui font partie du comité consultatif de l’ICIRD; i) quels sont les activités, projets et initiatives de l’ICIRD (i) au Pérou, (ii) en Équateur, (iii) en Colombie, (iv) en Mongolie, (v) en Éthiopie, (vi) en Afrique de l’Ouest; j) en ce qui a trait aux activités, projets et initiatives mentionnés en i), quels sont les détails de toute la documentation précisant (i) la justification de chaque projet, (ii) la définition et la conception des buts du projet, des méthodologies et des profils des participants, (iii) l’identité des participants au projet, leur affiliation et la justification de leur participation, (iv) l’identité de tous les promoteurs du projet et tout conflit d’intérêts, (v) un compte rendu du projet, y compris les commentaires, les critiques et les plaintes; k) de quelle façon les activités, projets et initiatives de l’ICIRD énumérés en i) favorisent-ils les intérêts des sociétés minières ou d’autres intérêts économiques canadiens; l) pour chacun des projets proposés, actuels ou achevés de l’ICIRD, de quelle manière l’incidence à long terme sur la réduction de la pauvreté et la souveraineté a-t-elle été ou est-elle (i) évaluée, (ii) vérifiée; m) où en est le projet de 15,3 millions de dollars avec le ministère des Mines de l’Éthiopie, et quels sont (i) la description officielle complète du projet, (ii) la portée intégrale du projet, (iii) les détails de la documentation de la demande originale reçue de l’Éthiopie, (iv) les analyses et rapports de diligence voulue réalisés pour démontrer que ce projet cadre à la fois avec la Loi sur la responsabilité en matière d’aide au développement officielle et ce que demande la population éthiopienne, surtout les collectivités touchées par les activités minières et les organismes qui travaillent avec elles; n) en date du 8 mai 2016, quels sont la directive et le mandat du gouvernement pour l’ICIRD; o) quelles sont les intentions du gouvernement quant au renouvellement ou à la cessation du mandat de l’ICIRD à l’expiration de son mandat et de son financement de cinq ans en 2018?
    (Le document est déposé)

[Traduction]

    Monsieur le Président, je demande que les autres questions restent au Feuilleton.
    D'accord?
    Des voix: D'accord.

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Initiatives ministérielles]

[Traduction]

Le Code criminel

    La Chambre reprend l'étude de la motion portant que le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d'autres lois (aide médicale à mourir), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
    Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de pouvoir représenter aux Communes ma circonscription, Langley—Aldergrove. Le débat d'aujourd'hui est très important.
    Je voudrais simplement rappeler sommairement ce qui nous a amenés à tenir le présent débat. Il y a environ un an, en février 2015, la Cour suprême a rendu sa décision donnant aux Canadiens qui souffrent le droit à l'aide au suicide ou à l'euthanasie. Je vais employer ces termes parce que ce sont ceux du Code criminel du Canada.
    On emploie les expressions du genre de « mourir dans la dignité » et de « l'aide médicale à mourir » lorsqu'on parle d'un médecin qui aide une personne dans les derniers jours de sa vie. Les soins palliatifs n'accélèrent pas le décès. Ils constituent une forme d'aide que l'on accorde aux gens dans les derniers jours de leur vie. Par conséquent, les qualifier d'aide médicale à mourir trahit le sens de ce dont nous parlons.
    Au cours de nos assemblées publiques, j'ai entendu quelqu'un parler d'une « accélération médicale de la mort », un terme qui illustre plus fidèlement ce dont il est présentement question. Cependant, je vais emprunter le vocabulaire du Code criminel, que la Cour suprême nous dit de modifier. Je dirai « aide au suicide » et « euthanasie volontaire ».
    Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec l’incroyable député d’Abbotsford, la localité qui se trouve juste à l’est de Langley. Il est incroyable parce qu’il a sans doute été le plus grand ministre du Commerce international que le Canada a connu et qu’il a tant fait pour notre pays. Je tiens à le remercier pour tout son travail.
     Quand la Cour suprême a rendu sa décision au mois de février de l’an dernier, qu’a fait le gouvernement précédent? Il savait que des élections allaient avoir lieu au mois d’octobre suivant, alors il a nommé un groupe externe d’experts. Il lui a confié un mandat clair, soit consulter les Canadiens et proposer un projet de réponse législative.
    Après les élections, le nouveau gouvernement a pris contact avec le groupe externe d’experts qui venait tout juste de terminer ses consultations et qui commençait à élaborer la réponse législative. La nouvelle législature aurait pu commencer immédiatement, puisque nous avions jusqu’au 6 février pour traiter de la question.
     Qu’a fait le nouveau gouvernement? Il a contacté le groupe externe d’experts pour lui dire qu’il avait changé son mandat. Il n’attendait plus de lui qu’il présente un texte législatif. Il allait élaborer sa propre mesure législative. Au lieu que le Parlement soit convoqué et qu’un comité spécial soit créé pour travailler sur cette mesure — nous avions jusqu’au 6 février de cette année, ce qui nous aurait donné plusieurs mois pour débattre de la question et plancher là-dessus —, le gouvernement a modifié le mandat en disant qu’il allait élaborer sa propre loi, puis il a tergiversé. Il a tergiversé des mois durant, puis il a créé le comité spécial. Le comité spécial a présenté des recommandations, puis, qu’a fait le gouvernement? Il a tergiversé et atermoyé, à tel point que nous avons maintenant quatre semaines de séance pour, en gros, faire ce qui aurait normalement dû s’étaler sur deux ans.
     Il a fallu au Québec six ans et trois premiers ministres dans un contexte non partisan pour produire le projet de loi 52 qui traite de l'aide au suicide et de l’euthanasie. Il a traité la question d’une façon beaucoup plus responsable.
    Certains diront que le gouvernement préférerait ne pas tenir ce débat. J’ai entendu ce commentaire lors d'assemblées publiques. Toutefois, la Cour suprême, dans l’arrêt Carter, a décidé pour le Canada. Elle a dit que cela devait être permis et elle compte sur le Parlement pour que soient prises les mesures de sauvegarde propres à assurer la protection des Canadiens vulnérables.
     Qu’a fait le nouveau gouvernement? Il a changé le mandat du groupe externe d’experts, puis il a tergiversé. Il a créé un comité spécial à caractère partisan. Puis il a tergiversé après la présentation du rapport de ce comité. Maintenant il nous reste quatre semaines de séance.
    La façon dont le nouveau gouvernement a géré ce dossier est vraiment décevante. Le sujet est trop important pour qu’il soit traité à la hâte, mais c’est ce que fait le gouvernement.
(1515)
     Il reste quatre semaines de séances, et les libéraux ne consultent pas comme ils le devraient. Ils ne donnent pas au Parlement suffisamment de temps pour faire les choses correctement et ils bousculent la procédure. Au fond, nous sommes obligés de légiférer par épuisement.
    Au comité mixte spécial, nous avons entendu deux témoins représentant des communautés autochtones qui n'avaient pas été consultées. Or, une des exigences posées par la Cour suprême du Canada était que nous consultions de manière appropriée, mais ce n'est pas ce qui se passe avec le gouvernement actuel, qui n'est ni transparent, ni responsable.
     Je recommande aux libéraux de songer sérieusement à ce qui se passera le 6 juin si le projet de loi n'est pas adopté. Qu'est-ce qui se passera au Canada si leur mauvaise gestion devait aboutir à l'absence de loi dans ce domaine au pays, à un vide juridique et, conséquemment, à l'application de l'arrêt Carter? Nous serions ainsi en train de prôner le transfert de notre responsabilité de protéger les personnes vulnérables à chacun des collèges de médecins et chirurgiens, avec le résultat que nous aurions différentes politiques appliquées dans différentes régions du pays. La situation serait alors très grave.
     J'espère que nous travaillerons ensemble. Je suggère au gouvernement d'envisager sérieusement de demander un autre délai à la Cour suprême, parce que les libéraux ont mal géré ce dossier, si bien qu'il ne nous reste que quatre semaines à siéger pour accomplir un travail qui prendrait normalement deux années.
     Je voudrais parler de quelques modifications qu'il est nécessaire, à mon sens, d'apporter au projet de loi C-14.
    La première chose que j'ai entendue dans des réunions publiques, partout où je suis allé, que ce soit en Colombie-Britannique, en Saskatchewan ou chez moi, c'est à quel point il est important de protéger la liberté de conscience.
    Une jeune étudiante en sciences infirmières m'a abordé pour me dire qu'elle ne voulait pas en faire partie et me demander si elle serait obligée d'y participer. Je lui ai répondu que, pour le moment, le comité spécial a recommandé qu’elle n’ait d’autre choix que d’y participer. De plus, les médecins réfractaires auraient à aiguiller correctement les patients. Or, le projet de loi C-14 ne touche à peu près pas à cette question et laisserait aux provinces le soin d'adopter leur propre politique à cet égard.
     L'Association médicale canadienne affirme que 70 % des médecins au Canada ne veulent pas participer au suicide assisté, et que 30 % y participeront. Ce n'est donc pas un problème d'accès, mais que ferons-nous pour protéger les objecteurs de conscience?
    Manifestement, le projet de loi C-14 doit être modifié de manière à rendre criminelle toute tentative d'obliger un médecin, par intimidation ou coercition sous quelque forme que ce soit, ou par la menace de lui retirer son droit de pratiquer, ou de contraindre une infirmière, un pharmacien ou tout professionnel de la santé à participer contre leur volonté à un suicide assisté. Voilà la toute première chose que nous avons entendue maintes et maintes fois: il faut protéger le droit à l'objection de conscience.
     Comme on est en train de modifier le Code criminel, il faut réviser le projet de loi C-14 pour y inclure ce type de protection de la liberté de conscience, sans quoi le régime ne sera pas véritablement pancanadien. On risque en effet de se retrouver avec des politiques provinciales et territoriales différentes. Certaines provinces ont indiqué que certains médecins seront tenus de participer au régime.
    Pour ce qui est de la protection octroyée par la Charte des droits, la Cour suprême a déclaré que l’on doit protéger les droits dont jouissent les médecins en vertu de la Charte. Cependant, si l’on procède sans inscrire cette protection dans un texte de loi, si l’on ne protège convenablement pas la liberté de conscience, je crains que des médecins abandonnent leur pratique et prennent leur retraite.
     Récemment, j’ai rencontré un médecin de 71 ans, qui continue à pratiquer la médecine parce qu’il aime aider les gens. La jeune étudiante en science infirmière dont j’ai parlé envisage d’abandonner ses études. Je lui ai demandé d’attendre un peu. Voyons si nous pouvons trouver une solution qui protégera sa liberté de conscience.
    Si nous ne protégeons pas la liberté de conscience des habitants de notre pays, celle des médecins, des infirmières et des pharmaciens, il y a des gens qui vont quitter leur profession. Ils vont prendre leur retraite ou bien déménager à un endroit où l’on garantit la liberté de conscience.
    Nous souffrons déjà d’une pénurie de médecins, d’infirmières et de docteurs au Canada. Le système de santé se retrouvera en crise si nous ne protégeons pas la liberté de conscience de nos concitoyens. C’est un droit inscrit dans la Charte. C’est à nous qu’il incombe de protéger les gens vulnérables et de garantir la liberté de conscience.
(1520)
    Il y a un trou béant dans le projet de loi C-14. Il faut le combler. Je vois ici plusieurs collègues qui vont siéger au comité de la justice, et la Chambre devra se prononcer. J’espère que nous allons régler ce problème.
    Monsieur le Président, je trouve intéressant que le député ait consacré une aussi grande partie de son intervention à faire la genèse du projet de loi. Il vaut la peine de rappeler qu’il fait suite au jugement rendu par la Cour suprême en février. Je suis en désaccord avec pratiquement tout le reste de ce qu’a dit le député, par rapport à sa participation. L’immobilisme a débuté au moment où la Cour suprême a rendu son jugement, et s’est poursuivi jusqu’au 19 octobre, quand le pays s’est finalement doté d’un premier ministre qui comprend qu’il s’agit d’un problème important et que le gouvernement a un rôle de premier plan à jouer pour le résoudre. Je crois que le député pourrait le reconnaître; c’est la moindre des choses.
    Après avoir entendu de nombreux orateurs, et en particulier les ministres responsables de cette mesure législative, je peux assurer au député que l’on s’occupe de la question entourant l’objection de conscience des professionnels de la santé. Peut-être que le député pourrait commenter l’importance d’adopter le projet de loi sans délai, pour mettre fin au vide juridique actuel et pour mettre en place des règles uniformes d’un océan à l’autre.
    Monsieur le Président, j’aurais aimé que le député réponde à certaines des questions que j’ai posées, dont une portait sur ce qui va se produire le 6 juin, dans quatre semaines de séances, si les libéraux ne réussissent pas à faire adopter ce texte. Après le 19 octobre, les libéraux se sont empressés de modifier le mandat du comité externe. Ils n’auraient pas dû le faire, mais ils l’ont fait. Et puis, ils ont tergiversé et n’ont rien fait. Ils sont à l'origine du problème. Il y avait un comité externe composé de personnes éminentes du Canada qui avaient tenu des consultations pendant les élections pour que nous ayons une loi non partisane.
    Qu’ont fait les libéraux? Ils ont modifié le mandat, créé un comité partisan avec les recommandations du rapport, dont bon nombre ne sont pas bonnes, et c’est pourquoi nous avons eu des rapports dissidents. Ce comité nous a fait de mauvaises recommandations. Nous devons corriger le texte de loi et j’espère que nous pourrons travailler de façon constructive.
(1525)
    Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue pour son travail au comité et pour le travail qu’il fait pour les soins aux personnes âgées.
    Pour faire suite à ce qu’a dit mon collègue d'en face à propos du comité composé d'experts, j’ai eu, à un moment donné, le rapport de ce comité. Malheureusement, les libéraux ont rejeté ses recommandations. Ils ont dit qu'il pouvait remettre le rapport, mais qu’ils ne voulaient pas de recommandations. C’est vraiment très dommage, compte tenu du travail qui avait été accompli.
     Ma question porte sur les définitions. À l'heure actuelle, le projet de loi C-14 est appelé aide médicale à mourir. J’ai déjà fait remarquer à de nombreuses reprises que, bien souvent, l'ingénierie verbale précède les projets d’ingénierie sociale, et je pense que c’est ce qui se passe ici.
     J’aimerais que mon collègue nous parle de la différence entre l’aide médicale au suicide et l'euthanasie volontaire, parce que nous savons que les résultats de ces deux méthodes sont radicalement différents. En réalité, on constate que l’euthanasie volontaire est dix fois plus élevée que l’aide au suicide en raison de l'ambivalence dans les termes.
    Monsieur le Président, il y a une grande différence entre les deux définitions. Dans l’aide médicale au suicide, le médecin remet la dose létale, mais c’est la personne qui doit se l’administrer. Avec l'euthanasie volontaire, le médecin ou le professionnel de la santé l'administre. La grande question est donc de savoir si, dans le cas de l'euthanasie, la personne a été suffisamment consultée. Est-ce qu'elle le veut vraiment ou ne fait-elle que fermer les yeux? Peut-elle s’administrer le produit elle-même et devrait-elle le faire? Il y a donc deux définitions très différentes.
     Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a décidé que c’est un adulte capable qui donne son consentement, la capacité étant établie, s’il s’agit d’un problème psychiatrique, par une évaluation préalable pour s’assurer que la personne est capable. On doit reconnaître que le projet de loi C-14 exige qu’on demande à la dernière minute si la personne veut vraiment mettre fin à sa vie. C’est très important. Le comité mixte spécial ne voulait pas de cette question préalable. La mort est permanente. Le projet de loi C-14 a ce droit, mais nous avons besoin d’être certains que la personne est capable et donne son consentement au tout dernier moment.
    Monsieur le Président, j'apprécie l'occasion qui m'est donnée d'ajouter ma voix à celles des députés qui ont exprimé de vives inquiétudes au sujet de cette mesure législative. Le projet de loi C-14 donnerait à l'échelle nationale et pour la toute première fois au Canada le droit de mourir et le droit de demander de l'aide pour se suicider.
    Je reconnais que la question de l'aide au suicide est très complexe et, bien entendu, très délicate. Que cela nous plaise ou non, la Cour suprême du Canada nous a renvoyé cette question et nous avons tous été élus pour nous débattre avec cette question très difficile. J'espère que, à tout le moins, nous aurons le courage de rejeter les solutions qui, à première vue, pourraient être qualifiées, par certains, de progrès, mais qui, en réalité diminueraient, plutôt qu'elles n'élèveraient, la valeur intrinsèque de chaque vie humaine.
    J'estime que toute vie humaine est un don de Dieu et qu'elle mérite dignité, estime et protection. En effet, depuis mes premières années au service de la collectivité d'Abbotsford, j'ai toujours dit clairement que les gens que je représente peuvent et doivent toujours attendre de moi que je défende la vie humaine contre toute menace. C'est pareil aujourd'hui. La mesure législative que nous débattons aujourd'hui représente un moment décisif dans l'évolution de notre pays, un moment où nos valeurs fondamentales sont réexaminées et mises à l'épreuve.
    Je crois que c'est Bruce Clemenger qui a su le mieux l'exprimer lorsqu'il a dit:
    Avec la présentation du projet de loi C-14, le Canada a franchi un seuil important [...] La décriminalisation de l'euthanasie et de l'aide au suicide constitue un virage majeur en ce qui a trait à la valeur que nous accordons, en tant que société, à la vie et à notre devoir de veiller les uns sur les autres, ainsi qu'en ce qui concerne la compréhension que nous avons à cet égard. Jamais auparavant la nation n'a affirmé qu'une mise à mort intentionnelle était une solution appropriée à la souffrance ou que nous devrions enlever la vie à quelqu'un qui souffre plutôt que de chercher à alléger ses souffrances.
    J'aimerais faire part à la Chambre de mes observations sur le rôle que la Cour suprême devrait ou ne devrait pas jouer quant à la définition du droit à mourir. En tant qu'avocat et législateur, j'ai le plus grand respect pour la primauté du droit, pour les tribunaux qui la soutiennent et pour les personnes qui siègent à ces tribunaux. C'est la primauté du droit et notre système judiciaire qui sont censés agir comme rempart contre l'oppression et la discrimination, et défendre nos grandes valeurs nationales, y compris notre liberté individuelle et nos institutions démocratiques.
    Cela dit, en tant que députés, il est dans notre prérogative la plus fondamentale de s'interroger sur les décisions que rendent nos tribunaux, de les remettre en question et de faire valoir que les décisions sur certains enjeux devraient être laissées au Parlement. Selon moi, les questions relatives à la protection de la vie et à l'interruption de la vie devraient être la prérogative exclusive des représentants dûment élus du peuple canadien, c'est-à-dire les députés de la Chambre des communes.
     Plus précisément, nombre de Canadiens ont énormément de difficulté à accepter que la Cour ait jugé approprié d’ordonner directement au Parlement de mettre en oeuvre une loi qui crée effectivement le droit de mourir et définit un rôle entériné par l’État pour mettre fin à une vie, à défaut de quoi elle prendrait elle-même des mesures si le gouvernement n’agissait pas. Je n’irai pas par quatre chemins. J’ai la plus grande sympathie pour les souffrances de toutes ces personnes en phase terminale, qui ont conclu que la médecine ne pouvait plus les aider à guérir, qui éprouvent des douleurs intolérables, dont la qualité de vie s’est appauvrie au-delà de toute mesure ou qui considèrent qu’elles sont un fardeau indu pour leur famille, leurs amis et leurs fournisseurs de soin. C’est précisément la raison pour laquelle notre principal objectif devrait être d’améliorer les soins palliatifs modernes et d’en élargir l’accès à tous les Canadiens dont la vie pourrait ainsi être sensiblement améliorée.
     Il n’est pas sans ironie qu’alors même que nous discutons de la possibilité que l’État autorise le fait d'enlever la vie à quelqu'un pour des raisons de compassion, le gouvernement libéral néglige de donner suite à sa promesse solennelle d’accroître la disponibilité des soins palliatifs. Les 3 milliards de dollars promis auraient énormément aidé à faire des soins palliatifs un élément essentiel du processus décisionnel de fin de vie.
     Plutôt que de se précipiter pour adopter un projet de loi sur l’euthanasie active, ne nous revient-il pas à nous, législateurs, d’examiner d’abord toutes les possibilités d’assurer des soins palliatifs efficaces, prodigués avec compassion à ceux dont la maladie est en phase terminale et dont la vie s’achève? Nous nous devons d’offrir aux Canadiens beaucoup plus qu’un projet de loi mal ficelé qui vise à mettre en oeuvre une directive de la Cour suprême du Canada.
(1530)
     Un rapide examen des régimes de suicide assisté dans le monde révèle immédiatement que même les mesures de protection les plus rigoureuses et les mieux intentionnées ne peuvent jamais tout à fait prévenir les décès injustifiés. Des pays comme la Belgique ont reconnu que, parmi les milliers de suicides assistés qui ont eu lieu, certains ont coûté la vie à des personnes qui ne pouvaient pas ou n’avaient pas donné de consentement éclairé ou qui n’auraient pas dû mourir.
     Dans notre pays, au Canada, nous avons aboli la peine de mort exactement parce que nous ne pouvions pas garantir que la vie ne serait pas enlevée à un innocent. Mais voilà qu’aujourd’hui, on nous demande d’adopter une position tout à fait contraire et de dire que, même si certaines personnes vulnérables ou non consentantes pourraient perdre la vie, nous sommes disposés à courir ce risque. Une telle hypocrisie me renverse.
    Je constate en outre que le projet de loi C-14 ne traite pas adéquatement du droit des médecins, du personnel infirmier et des établissements de santé de refuser d’intervenir pour mettre fin à une vie humaine. La solution ne saurait être de laisser aux provinces, territoires et associations professionnelles le soin de réglementer cette pratique, car cela donnera lieu à toute une panoplie de directives qui, en bout de ligne, compromettra la capacité des médecins et du personnel infirmier de refuser d’aider directement ou indirectement un suicide assisté.
     Il se peut fort bien que la liberté de conscience d’un médecin soit protégée dans une province et qu’un de ses collègues d’une autre province ne jouisse pas de ce même droit fondamental. C’est inacceptable car cela révèle une abdication totale du gouvernement face à son obligation de protéger les droits de tous les Canadiens, quelle que soit la province dans laquelle ils exercent la médecine.
    Le droit des médecins de refuser une participation directe ou indirecte au suicide assisté ne devrait jamais, au grand jamais, faire l’objet de négociations ou de compromis. Rien que pour cette raison, le projet de loi C-14 est tout à fait insuffisant.
    Un grand nombre de Canadiens ont dit redouter que le projet de loi C-14 ne soit le précurseur de mesures encore plus radicales en faveur du droit de mourir. Ils ont raison. Je suis convaincu que le projet de loi dont nous sommes saisis deviendra rapidement, s’il est adopté, un moyen d’obtenir la libéralisation du suicide assisté pour les enfants, pour ceux qui souffrent de handicap mental ou physique, pour les malades chroniques, pour les personnes âgées, et pour tous ceux qui ne sont plus considérés comme des éléments productifs de la société canadienne. Est-ce vraiment là le Canada que nous avons pour mission de construire?
     Ironie du sort, ce débat se déroule au moment même où, à notre grande honte, un nombre sans précédent de jeunes Autochtones se suicident dans les réserves des Premières Nations. Le gouvernement fédéral a déployé des efforts extraordinaires pour répondre à cette crise et empêcher d’autres suicides.
    En même temps, nous discutons à la Chambre d’un projet de loi sur le suicide assisté que le comité parlementaire spécial a recommandé d’élargir, à l’avenir, aux enfants vulnérables, c’est-à-dire précisément le groupe que nous essayons par tous les moyens de sauver dans les communautés des Premières Nations. Chers collègues, avons-nous perdu la tête?
    Au fil des ans, j’ai eu l’occasion de rencontrer beaucoup de médecins et d’infirmiers, et de discuter avec eux de la question de l’euthanasie. Nos professionnels de la santé sont des gens pleins de compassion, qui ne ménagent pas leur peine pour s’assurer que leurs patients en phase terminale ne souffrent pas indûment. Ils ont toute latitude pour administrer des médicaments qui atténuent la souffrance, même si ces médicaments, à l’occasion, accélèrent la mort du patient. Le projet de loi C-14 ne tient pas compte de cette réalité-là.
     Pour terminer, je dirai que le Parlement a examiné, dans le passé, une dizaine de projets de loi sur le suicide assisté, mais qu’il a toujours rejeté ce genre de mesure. Pour quelque raison que ce soit, la Cour suprême a jugé bon d’intervenir dans le débat en revenant sur sa propre décision dans l’affaire Rodriguez. L’injonction qu’elle a adressée au Parlement de mettre en œuvre une loi sur le suicide assisté devrait être contrée par un refus courageux.
     Résistons à l’invitation d’adopter une politique très dangereuse, dont les implications ne sont pas claires et dont la trajectoire représente une grave érosion de nos valeurs fondamentales.
(1535)
    Nous sommes confrontés à une décision d’une extrême importance, qui nous met au défi de réaffirmer la primauté et l’inviolabilité de la vie humaine. J’espère que nous saurons faire preuve de sagesse en rejetant ce projet de loi tout à fait inacceptable.
    Monsieur le Président, la ministre de la Justice et la ministre de la Santé ont pris bien soin de s'assurer que le projet de loi prévoie un équilibre entre les éléments complexes de l'aide médicale à mourir. La ministre de la Santé a souvent parlé à la Chambre du fait que nous devons améliorer le système de soins palliatifs ainsi que le système de soins à domicile afin que les gens aient la meilleure qualité de vie possible jusqu'à la fin.
    Nous en sommes maintenant au point où nous devons adopter le projet de loi, et je me demande si le député pourrait me dire pourquoi le gouvernement précédent ne s'est pas occupé de ce dossier lorsqu'il était au pouvoir, et pourquoi lui et ses collègues nous font maintenant un procès d'intention.
    Monsieur le Président, je peux assurer à la députée que nous avons joué un rôle actif pour donner suite à l'arrêt Carter. Toutefois, nous voulions prendre le temps de bien faire les choses. Pour une question aussi importante, aussi essentielle au maintien de nos valeurs fondamentales, nous nous devions au moins de mener de vastes consultations dans l'ensemble du pays.
    Depuis quand le fait de mettre fin à la vie de quelqu'un est-il considéré comme des soins de santé? C'est ce que j'ai du mal à comprendre. Notre pays a été fondé sur des valeurs telles que le respect et la protection de la vie humaine. C'est un grand pas dans la mauvaise direction, et je suis déterminé à m'y opposer, en tant que parlementaire qui aime profondément son pays.
    Le projet de loi est un dérapage très dangereux qui nous mènera je ne sais où, mais il est très clair qu'il entraînera une plus grande libéralisation et qu'il ratissera beaucoup plus large à l'avenir.
(1540)
    Monsieur le Président, j'ai écouté mon collègue avec beaucoup d'intérêt, mais je trouve très dommage qu'on se serve de la souffrance des enfants d'Attawapiskat dans ce débat.
    J'ai entendu ce genre d'argument de la part de la communauté religieuse. Je trouve que cela rabaisse vraiment le débat, compte tenu de ce que les enfants subissent là-bas, y compris le manque de services de base en santé mentale de la part du gouvernement fédéral, le traumatisme intergénérationnel causé par les pensionnats indiens et le fait que les Églises se dégagent tout simplement de leurs obligations juridiques.
    Une des victimes du pensionnat St. Anne, Edmund Metatawabin, qui connaît bien ces familles, affirme que ces enfants vivent avec les conséquences directes de l'injustice commise par le gouvernement fédéral. Je peux dire à mon collègue que c'est ce que j'entends dans la collectivité. Je respecte son avis sur bien des sujets, mais je demande seulement que nous fassions preuve de prudence lorsque nous abordons des sujets liés à cette question.
    Ce qui me préoccupe, lorsque j'écoute mon collègue, c'est que je crois que c'est le rôle du Parlement de légiférer sur le droit de vie ou de mort au pays, mais la Cour suprême s'est prononcée à ce sujet.
    Nous devons être honnêtes envers les Canadiens. Si le Parlement ne répond pas à cette décision par voie législative, cela créera un vide juridique qui permettra à toutes sortes d'intervenants de se faire entendre et reconnaître par la Cour suprême. Il ne suffit pas de dire que nous pouvons résister devant la Cour suprême. Si nous ne respectons pas ce délai, il y aura un vide juridique qui pourra donner lieu à des interprétations beaucoup plus larges.
    Monsieur le Président, je comprends très bien ce que le député fait valoir. Il a dit que nous ne devons pas évoquer inutilement la situation des enfants d'Attawapiskat dans le cadre du débat. Cela dit, je pense qu'il convient de souligner que la vague de suicides chez les Premières Nations du Canada représente un problème grave. J'ai étudié le projet de loi en toute bonne foi, mais je dois dire qu'il va à l'encontre de ce que nous essayons de faire, c'est-à-dire protéger et défendre la vie humaine et créer ici, au Canada, un contexte qui permet aux gens de vivre une vie heureuse et productive et de contribuer à bâtir un monde meilleur.
    Le député a posé une question bien précise. Sous quel angle devons-nous aborder le jugement de la Cour suprême du Canada? Le gouvernement sait très bien qu'il existe des solutions lui permettant de donner suite à la décision de la Cour. La Charte lui offre les outils nécessaires pour y donner suite.
    Lorsqu'une mesure législative comporte des lacunes aussi fondamentales — c'est le cas du projet de loi C-14 —, je me dois de m'y opposer, non seulement pour des raisons liées à ma conscience, mais aussi parce que je suis une personne croyante qui aime énormément son pays. Je dois m'y opposer, car il y a de meilleures façons d'aborder cet enjeu.
     Je suis très heureux que mon collègue ait parlé à maintes reprises des soins palliatifs ici, à la Chambre. C'est le premier aspect sur lequel nous devrions mettre l'accent pour aider les personnes qui se trouvent dans cette situation.
    Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Parkdale—High Park.
    Je suis fière d'intervenir à la Chambre aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-14 présenté par la ministre de la Justice.
    Ce projet de loi reconnaît l'autonomie des Canadiens au sujet de leur vie, de même que l'expertise des professionnels de la santé et la décision de la Cour suprême du Canada. Après de vastes consultations, nous proposons une solution équilibrée porteuse de dignité, qui protégera les personnes vulnérables et permettra aux professionnels de la santé de respecter les souhaits de leurs patients.
    À l'heure actuelle, des Canadiens doivent composer avec des souffrances terribles à la fin de leur vie sans que la loi ne leur permette de décider de leur sort. Poussés par le désespoir, certains s'adressent aux tribunaux pour obtenir ce pouvoir. Il s'agit toutefois d'un processus difficile, qui vient alourdir le fardeau physique et émotif des patients et de leur famille.
    Les médecins, le personnel infirmier et les proches des patients se sentent tous démunis, incapables d'aider les gens dont ils prennent soin, car ils ne disposent d'aucun moyen légal pour respecter les souhaits des personnes souffrantes. Ils sont confrontés à un stress émotionnel et à des dilemmes moraux difficiles, car la loi leur interdit de respecter la dignité des patients et de les mener médicalement, en toute compassion, à une mort douce.
    Nombre d'entre nous dans cette enceinte et partout au pays ont des histoires personnelles à raconter au sujet d'êtres chers qui ont vécu des souffrances comme celles que j'ai mentionnées. J'ai moi-même de telles histoires à raconter. J'ai un souvenir impérissable d'un ami de longue date auquel j'ai rendu visite dans des hôpitaux. Une maladie incurable a détruit son corps petit à petit. Cet ami a souffert des douleurs atroces pendant des semaines. Il a à un moment donné déclaré qu'il ne mangerait plus et qu'il n'accepterait plus aucun liquide. Il est finalement décédé après six autres jours de souffrances horribles.
    Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter d'un projet de loi qui vise à offrir un nouveau service médical au Canada, c'est-à-dire l'aide médicale à mourir. Au moyen de ce projet de loi, nous reconnaissons que c'est à la personne visée et non au gouvernement de prendre les décisions relatives à sa propre personne, y compris celle de mettre fin à sa vie avec dignité.
    Après des consultations et un examen approfondi, le projet de loi C-14 comprend maintenant les mesures de protection suivantes: l'avis d'un deuxième médecin extérieur à la relation thérapeutique; une période de réflexion de 15 jours; la capacité d'un patient de retirer en tout temps son consentement; des exigences rigoureuses en matière de documentation à chaque étape, ainsi que de nouvelles infractions criminelles pour éviter tout abus possible.
    Le gouvernement reconnaît qu'il doit tenir compte de la conscience morale des professionnels de la santé. Bien que tout patient répondant aux critères médicaux aura accès aux services d'aide médicale à mourir, aucun fournisseur de soins de santé ne sera tenu de participer si l'acte est incompatible avec ses valeurs ou ses croyances.
(1545)

[Français]

    Certains fournisseurs ont exprimé leurs réticences à aiguiller un patient demandant une aide médicale à mourir vers un fournisseur qui accepte d'offrir cette aide, car ils sont d'avis que l'aiguillage les rendra complices du décès éventuel d'un patient.

[Traduction]

    Toutefois, bien qu'il soit essentiel d'inclure des mesures de protection, nous devons également faire en sorte que les personnes souhaitant recourir à ce service puissent bénéficier d'un accès raisonnable.
    Dans l'affaire Carter, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il faut concilier les droits garantis par la Chambre aux médecins et aux patients qui demandent une aide médicale à mourir. Bien que cette question doive être principalement réglée par les provinces et les territoires, le gouvernement s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires afin de faciliter l'accès à l'aide médicale à mourir tout en respectant les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé.
    Le gouvernement fédéral offrira un soutien pour faire en sorte que tous les Canadiens puissent avoir accès à l'aide médicale dont ils ont besoin. L'une des approches envisagées est la création d'un système pancanadien de coordination pour l'aide médicale à mourir. On pourra commencer en examinant les régimes en vigueur dans d'autres pays pour voir quelles mesures ont été prises et déterminer l'applicabilité de ces régimes au Canada.

[Français]

    Plus près de nous, au Québec, la Loi concernant les soins de fin de vie offre d'autres exemples. Elle comprend un éventail de soins de fin de vie, comme les soins palliatifs, la sédation palliative ainsi que l'aide médicale à mourir. La législation rend le service largement accessible dans les établissements et à domicile.

[Traduction]

    Au Québec, les médecins ne sont pas tenus d'offrir cette option, mais ils sont tenus d'informer l'institution ou l'administration locale de toute demande et de transmettre le formulaire de demande du patient. L'institution prendra ensuite les mesures nécessaires pour trouver un autre médecin dès que possible afin de répondre à la demande.
    Bien des gens de Vancouver—Quadra qui ont communiqué avec moi concernant le projet de loi se sont dits favorables à l'aide médicale à mourir. Étant leur représentante, je suis ravie d'appuyer le travail de mes collègues, la ministre de la Santé et la ministre de la Justice.
    Conformément au projet de loi, une aide médicale à mourir ne serait offerte qu'aux adultes mentalement capables qui sont admissibles à recevoir des services de santé subventionnés par l'État au Canada, atteints d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap incurables, et dont la souffrance est intolérable, la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités et la mort est raisonnablement prévisible.
    Certains de mes électeurs se sont aussi dits préoccupés par la question de l'accès.

[Français]

    Nos critères permettent à certaines personnes qui en font la demande, mais pas à tout le monde, d'accéder à l'aide médicale à mourir. Certains Canadiens et certains experts se sont dit préoccupés par la possibilité d'élargir les critères d'admissibilité aux mineurs matures, de présenter les demandes à l'avance et d'inclure la maladie psychologique comme seule affection sous-jacente.
(1550)

[Traduction]

    Je veux dire aux Canadiens que notre gouvernement est conscient de leurs préoccupations.

[Français]

    Pour le moment, la quantité limitée de renseignements sur le sujet demande l'adoption d'une approche prudente, comme nous le verrons dans l'ébauche de la loi devant nous.
    Le gouvernement s'est toutefois engagé à réaliser des études indépendantes, afin de mieux comprendre les risques associés à ce dossier. Les résultats de ces rapports contribueront à l'examen législatif quinquennal prévu dans le projet de loi.

[Traduction]

    D'autres facteurs font en sorte qu'il puisse être difficile d'accéder à l'aide médicale à mourir. Comme nous le savons tous, notre pays compte de nombreuses collectivités rurales et éloignées qui ont de la difficulté à recevoir des soins de santé, y compris à consulter un médecin ou un autre fournisseur de soins de santé. Bien que la prestation des soins de santé soit une responsabilité provinciale et territoriale, l'accessibilité est un des cinq principes clés de la Loi canadienne sur la santé.

[Français]

    Je suis ravie de signaler que, en plus de la protection des populations vulnérables, nous avons tenu compte des questions concernant l'accès et en avons traité tout au long du projet de loi et dans le cadre des projets complémentaires.

[Traduction]

    Je vais vous donner un exemple. L'expression générique « aide médicale à mourir » englobe tant la situation où un fournisseur doit être présent physiquement pour administrer une substance qui provoque la mort que la situation où le fournisseur prescrit un médicament que la personne peut prendre elle-même. Le fait de prévoir des exceptions au Code criminel pour les deux procédures contribuerait à accroître l'accès des personnes admissibles et offrirait des choix dans les situations où on offre l'aide médicale à mourir.
    En outre, le projet de loi prévoit des exceptions pour permettre aux médecins et aux infirmiers praticiens d'offrir cette aide. Les infirmiers praticiens, ou ceux qui ont une désignation équivalente, sont autorisés dans bien des provinces à assumer des fonctions médicales nécessaires pour offrir une aide médicale à mourir.

[Français]

    Exclure les infirmiers praticiens de la responsabilité pénale donnerait aux provinces et aux territoires une autre option pour faciliter l'accès à l'aide médicale à mourir dans les régions mal desservies.

[Traduction]

    Voici un autre exemple des efforts que nous déployons pour assurer l'accès au système de soins de santé. Parallèlement à notre travail sur la mise en oeuvre de l'aide médicale à mourir, les Canadiens, les experts et les intervenants se sont penchés sur la nécessité d'améliorer l'accès à des soins palliatifs de qualité au Canada. Nous les avons écoutés. En collaboration avec les provinces et les territoires, le gouvernement s'engage à élaborer des mesures pour contribuer à l'amélioration d'une gamme complète de soins en fin de vie, y compris les soins palliatifs.

[Français]

    Dans le contexte d'un nouvel accord sur la santé, notre gouvernement s'est engagé à verser à 3 milliards de dollars sur quatre ans pour améliorer les soins à domicile, y compris les soins palliatifs. Des discussions avec les provinces et les territoires sont déjà en cours.

[Traduction]

    Entretemps, il est essentiel de rétablir la dignité des Canadiens affligés par des problèmes de santé irrémédiables et de mettre fin le plus tôt possible à leurs souffrances.
    Le projet de loi à l'étude reconnaît à la fois la nécessité de rendre l'aide à mourir accessible et le besoin d'instaurer des précautions et des protections. Le projet de loi permet au gouvernement d'atteindre ces objectifs tout en respectant les échéances imposées par la Cour suprême du Canada.
    J'ai bon espoir que nous serons en mesure de mettre en oeuvre un système qui répond aux besoins des Canadiens en matière de soins, de soutien et de compassion en fin de vie.
    J'invite les députés et tous les Canadiens à faire part de leur point de vue dans l'actuel débat tandis que nous poursuivons l'adaptation des lois canadiennes aux réalités du XXIe siècle. Notre porte est ouverte et le gouvernement est à l'écoute. Nous promettons de soutenir les professionnels de la médecine, de protéger les plus vulnérables et de restaurer la dignité des Canadiens qui vivent les moments les plus difficiles de leur vie.
    Monsieur le Président, la députée a conclu son intervention en demandant que nous adaptions nos lois aux réalités du XXIe siècle. D'après mes calculs, c'est la troisième fois que le gouvernement se sert de la date pour démontrer la nécessité d'une de leurs mesures législatives. Nous avons besoin d'autres arguments.
    Je recommande deux changements au projet de loi dont nous sommes saisis.
    Premièrement, il faudrait prévoir un examen préalable par une autorité juridique compétente afin de s'assurer que les personnes recevant ce service — ou peu importe le nom qu'on veut lui donner — remplissent vraiment les critères. Sans un examen juridique préalable, il est impossible de savoir si les critères sont respectés. Une personne pourrait aller de médecin en médecin, ou quelqu'un d'autre pourrait le faire pour elle. Je veux savoir ce que la députée pense de la recommandation d'un examen préalable par une autorité juridique compétente.
    Je veux aussi savoir ce qu'elle pense de la suppression de la disposition sur la « croyance raisonnable mais erronée », qui permettrait à une personne d'enlever la vie à une autre personne n'ayant pas donné son consentement et d'éviter d'être poursuivie si elle croyait raisonnablement, mais à tort, que la personne avait donné son consentement?
    La députée accepterait-elle ces deux changements? Je pense que s'ils étaient apportés, bon nombre d'entre nous auraient beaucoup plus de facilité à appuyer la mesure législative pour que nous respections la date butoir.
(1555)
    Monsieur le Président, je remercie le député de ces propositions réfléchies.
    De telles idées pourront être présentées lors de l'étude au comité et des experts pourront être entendus sur le sujet. Ce que nous voulons éviter, c'est de dresser des obstacles inutiles pour les gens qui sont admissibles à recevoir ce genre d'aide pour mettre fin à leur vie.
    Je tiens à faire remarquer qu'il aurait été utile que le Parti conservateur examine comment donner suite à l'arrêt de la Cour suprême du Canada sur l'aide médicale à mourir lorsqu'il a été prononcé. Le Parlement aurait pu débattre de la question beaucoup plus longuement il y a un an. C'est ce que notre parti réclamait, mais les conservateurs ont refusé de s'atteler à la tâche.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie ma collègue de son discours.
    D'entrée de jeu, j'aimerais dire que, aujourd'hui, j'apprécie particulièrement le ton de nos échanges, qui ont pour résultat de nous nourrir les uns et les autres. Cela nous change des débats.
    Ma question est toute simple, et elle porte sur l'exemple que ma collègue donnait dans son discours au sujet d'une de ses connaissances qui, pendant six jours, a cessé de manger et de boire pour arriver à terme. Si les critères donnés par la Cour suprême sont relativement clairs dans la loi, le quatrième élément est pas mal plus flou, à mon avis.
    On parle d'une mort naturelle devenue raisonnablement prévisible. Est-ce que je pourrais avoir l'éclairage de ma collègue sur ce quatrième critère? Si quelqu'un répond aux trois premiers critères, ne serait-il pas obligé, encore une fois, de cesser de s'hydrater et de manger, et ce, afin de satisfaire aux quatre critères qui lui permettraient d'obtenir le service qu'il souhaite?
    Monsieur le Président, je remercie le député de sa question.
    Je suis sûre et certaine que l'état de mon ami était conforme aux critères de notre projet de loi.

[Traduction]

    Comme je l'ai dit dans mes observations, compte tenu du court délai que nous avons pour nous acquitter du mandat que nous a donné la Cour suprême, il est important d'user de prudence dans la manière dont nous encadrons le tout. C'est ce que le projet de loi ferait. Il trouve le bon équilibre entre les mesures de protection pour les personnes vulnérables, les droits des médecins et des infirmières, et les droits personnels de ceux qui souhaitent recourir à l'aide médicale à mourir.
    Nous aurons le temps de continuer d'examiner des situations comme celle dont parle le député pour confirmer que nous avons le bon équilibre, et nous pourrons apporter des rajustements lorsque le projet de loi sera réexaminé dans cinq ans.
    Monsieur le Président, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-14, et je débuterai en citant un extrait de la décision Carter de la Cour suprême du Canada, dont nous avons tous abondamment entendu parler.
    Au premier paragraphe de sa décision unanime, la Cour dit ceci:
    Au Canada, le fait d'aider une personne à mettre fin à ses jours constitue un crime. Par conséquent, les personnes gravement et irrémédiablement malades ne peuvent demander l'aide d'un médecin pour mourir et peuvent être condamnées à une vie de souffrances aiguës et intolérables. Devant une telle perspective, deux solutions s'offrent à elles: soit mettre fin prématurément à leurs jours, souvent par des moyens violents ou dangereux, soit souffrir jusqu'à ce qu'elles meurent de causes naturelles. Le choix est cruel.
    Je suis d'accord avec la Cour suprême: le choix est cruel.
    La Cour a conclu que, dans sa forme actuelle, le droit criminel est non seulement cruel, mais inconstitutionnel. Elle a conclu qu'en vertu de l'article 7 de la Charte, les Canadiens doivent avoir accès à l'aide médicale à mourir, à l'intérieur d'un cadre assorti de mesures de sauvegarde bien définies. Voilà la situation dans laquelle la Chambre se trouve aujourd'hui.
    Qu'on se comprenne bien: les parlementaires ne doivent pas décider si l'on permettra aux Canadiens d'obtenir de l'aide médicale pour mourir. Ce droit doit leur être conféré si on veut respecter la Charte. Les parlementaires sont plutôt appelés à définir les modalités entourant l'accès à l'aide médicale à mourir. À ce chapitre, je crois que le projet de loi C-14 réussit à trouver le juste équilibre. Il réussit à concilier, d'une part, le droit qu'a une personne capable de requérir qu'on l'aide à mourir parce qu'elle souffre d'un problème de santé grave et irrémédiable et, d'autre part, l'obligation que nous avons d'éviter que les personnes vulnérables ne soient tentées de s'enlever la vie parce qu'elles traversent une période de faiblesse.
    Cet équilibre n'est pas facile à atteindre. Il n'est pas non plus immuable, et il s'agit d'un point très important. Encore et toujours, nous devrons voir et revoir notre position à la lumière des plus récentes données scientifiques et selon la manière dont évolueront nos valeurs sociales. Quand on y pense, la décision rendue par la Cour suprême en 2015 illustre parfaitement cette évolution, puisqu'elle renverse une autre décision de la Cour suprême, celle qu'elle avait rendue en 1993 dans l'affaire Rodriguez. Mais pour le moment, nous sommes en 2016, et je suis fermement convaincu que, dans le contexte actuel, le projet de loi est parfaitement équilibré.
    Il y a une autre raison pour laquelle je prends la parole aujourd'hui pour exprimer mon appui au projet de loi. En tant qu'avocat de droit constitutionnel, j'ai passé ma carrière à lutter pour les droits des personnes, leurs droits garantis par la Charte, leur droit à l'égalité. Le traitement équitable de tous signifie traiter les personnes avec respect et dignité et leur permettre l'autonomie. C'est ce que ferait le projet de loi. Il donnerait aux gens le contrôle sur leur vie, y compris sur la fin de leur vie. Il permettrait aux personnes qui s'approchent de la mort de mourir selon leur choix et de moins souffrir.
    En permettant le choix, le projet de loi habiliterait les Canadiens. Il nous rendrait plus forts parce qu'il donnerait plus d'autonomie aux Canadiens et, donc, plus de dignité.
(1600)

[Français]

    Au cours du temps de parole qu'il me reste, je voudrais aborder deux grandes catégories de préoccupations que soulève ce projet de loi: d'une part, les critiques qui disent que le projet de loi C-14 ne va pas assez loin pour rendre l'aide médicale à mourir disponible; d'autre part, les critiques contraires, qui disent que le projet de loi va trop loin et rend l'aide médicale à mourir trop accessible.

[Traduction]

    Les critiques de la première catégorie sont d'avis que le projet de loi C-14 n'est pas assez large. Elles se concentrent sur trois volets principaux, et nous les avons entendues cet après-midi et lors des autres jours de débat. Pour l'instant, on propose que l'aide médicale à mourir ne soit permise qu'aux adultes qui ne souffrent pas uniquement de maladie mentale. De plus, pour l'instant, le projet de loi C-14 ne prévoit pas de directives préalables relatives à l'aide médicale à mourir.
    Les mots « pour l'instant » sont importants. Le gouvernement s'est engagé à commander une étude indépendante sur les questions juridiques, éthiques et médicales soulevées par chacune de ces trois catégories. C'est important. Si l'aide médicale à mourir doit s'appliquer à l'un de ces trois domaines de façon élargie, il faut d'abord réaliser une étude exhaustive sur les avantages et les risques associés à une telle pratique dans ces circonstances.
    J'étais résolu à consulter directement les électeurs de ma circonscription au sujet de ce projet de loi important. J'ai donc organisé une assemblée publique dans ma circonscription, Parkdale—High Park, sur la question de l'aide médicale à mourir. Les électeurs très investis dans la question étaient bien préparés; ils m'ont fait part de certaines réflexions personnelles très pertinentes, exprimé leurs préoccupations et posé des questions, donc beaucoup portaient sur les trois choses dont je viens de parler.
    Bien que, comme moi, les résidants de ma circonscription tiennent à défendre l'autonomie et la dignité de tous les Canadiens, y compris les jeunes et les personnes atteintes de maladies mentales, ils nous ont également mis en garde contre la tentation de trop nous hâter compte tenu du caractère irréversible des décisions prises en la matière. Par exemple, ils ont fait remarquer qu'en Belgique, l'aide médicale à mourir avait été légalisée et étudiée pendant 12 ans avant que les mineurs obtiennent le droit d'y recourir. Ils ont également souligné le fait que, en vertu des dispositions du projet de loi, un patient atteint de maladie mentale ne peut demander l'aide médicale à mourir que si la maladie en question s'inscrit dans sa situation médicale globale et qu'il répond à tous les critères d'admissibilité généraux.
    À titre de défenseur des droits des personnes ayant survécu à divers drames et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale de ma collectivité, je sais qu’une réflexion approfondie est essentielle avant d’ouvrir l’accès à l’aide médicale à mourir à ceux dont la condition médicale se limite à la maladie mentale.
    Comme je l’ai déjà dit et répété, le gouvernement croit qu’il est important d’adopter des mesures législatives bien conçues, soigneusement analysées et fondées par-dessus tout sur des faits probants. Les études indépendantes proposées sur des sujets tels que l’accès des mineurs produiront des données qui contribueront au processus d’analyse et de recherche de preuves. Fait encore plus important, le projet de loi C-14 prévoit un examen quinquennal obligatoire de toute la loi.
     Comme je l’ai déjà dit, le fait de parvenir à un certain équilibre dans un projet de loi de cette nature n’est pas permanent. C’est un équilibre dynamique qui doit s’adapter à l’évolution de nos connaissances et des normes sociétales.
    Dans la catégorie de préoccupations selon lesquelles le projet de loi C-14 ne va pas assez loin, il y a un argument lié à la prévisibilité raisonnable. Nous avons entendu cet après-midi des questions à ce sujet. Certains soutiennent que l’exigence relative à une mort raisonnablement prévisible constitue un obstacle inutile. De telles préoccupations ne sont pas fondées. Le projet de loi C-14 est en fait plus permissif que n’importe quelle autre loi nord-américaine sur l’aide à mourir. Au Québec, le demandeur doit être atteint d’une maladie terminale. Le projet de loi C-14 prévoit un accès plus large. Il permettrait l’aide médicale à mourir si la mort est raisonnablement prévisible, compte tenu de l’ensemble des circonstances médicales.
    De plus, dans chacun des quatre des États américains qui a une loi sur l’aide médicale à mourir, il est nécessaire de prouver que la personne en cause a moins de six mois à vivre. Aucun délai de ce genre n’est prescrit dans le projet de loi C-14.
    Enfin, dans cette même catégorie de préoccupations, certains affirment que le projet de loi devrait — comme nous l’avons entendu cet après-midi — imposer aux professionnels de la santé l’obligation d’offrir ce service. Cette critique se base sur une mauvaise compréhension de la nature du projet de loi. Il s’agit d’une modification du Code criminel fédéral. La critique est également déplacée du point de vue des compétences respectives.
     Dans une optique constitutionnelle, il est clair que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer dans le maintien de l’accès universel aux services de santé assurés, mais la prestation des services médicaux à proprement parler relève essentiellement des provinces. Comme l’a mentionné ma collègue, le gouvernement est déterminé à collaborer avec les provinces et les territoires pour assurer l’accès à l’aide médicale à mourir, tout en respectant les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé. Cette approche reflète la recherche de l’équilibre qui doit être faite en présence d’exigences contradictoires relevant de la Charte.
     D’une part, les revendications fondées sur l’article 7 de ceux qui veulent accéder à l’aide médicale à mourir doivent respecter la liberté de conscience garantie par l’alinéa 2a) de la Charte. Il s’agit de la liberté de conscience des fournisseurs de soins de santé. La Cour suprême a reconnu leurs droits au paragraphe 132 de la décision Carter. Le projet de loi à l’étude les reconnaît aussi dans son préambule.
     La seconde grande catégorie de critiques a trait à la trop grande permissivité du projet de loi.
(1605)

[Français]

    D'autre part, ce sont ceux qui soutiennent que le projet de loi C-14 est trop permissif qui échouent dans le devoir fondamental de protéger les personnes susceptibles de se suicider dans un moment de faiblesse.

[Traduction]

    Il n’est pas facile de solliciter une aide médicale à mourir, ce qui est parfaitement justifié. Les demandes doivent être présentées par écrit. Cela a des effets sensibles. Elles doivent aussi porter la signature de deux témoins indépendants, qui ne peuvent pas être bénéficiaires d’un testament ou responsables des soins à donner à la personne malade. La demande doit ensuite être approuvée par écrit non pas par un, mais par deux médecins différents. Enfin, le projet de loi impose une période d’attente obligatoire de 15 jours pour permettre aux intéressés de réfléchir au caractère sérieux de leur choix.
     Le projet de loi va encore plus loin. Il impose un important régime de surveillance, qui permettra au gouvernement d’obtenir et d’analyser les données et les tendances relatives à l’aide médicale à mourir. Ce genre de surveillance garantira la transparence et, surtout, facilitera le renforcement des mesures de sauvegarde.
    Enfin, je suis encouragé par le fait que le projet de loi C-14 reflète non seulement l’importance du choix à faire, mais aussi l’importance de faire un choix éclairé. Je veux parler ici du besoin urgent de renforcer les soins palliatifs au Canada. C’est un besoin que m’ont communiqué à maintes reprises les habitants de Parkdale—High Park. Pour nous assurer que ceux qui sollicitent l’aide médicale à mourir le font en toute connaissance de cause, il est critique de travailler collectivement, d’une manière impartiale et non partisane, afin d’assurer un accès facile à des soins palliatifs améliorés.
     En conclusion, je répète que le projet de loi n’est ni trop restrictif ni trop permissif. Il se situe au juste milieu, tout en reconnaissant qu’avec une étude complémentaire et un examen quinquennal obligatoire, l’équilibre réalisé devra constamment être vérifié pour tenir compte des nouvelles preuves recueillies et de l’évolution des valeurs sociétales liées à l’aide médicale à mourir.
     Fait extrêmement important, le projet de loi éliminerait le choix cruel mentionné par la Cour suprême dans le premier paragraphe de la décision Carter. Les Canadiens gravement malades n’auraient plus à choisir entre un suicide prématuré et des souffrances prolongées. Le projet de loi C-14 donnerait à ces Canadiens l’autonomie que garantit la Charte. Il leur donnerait le droit de mourir d’une façon digne. Pour cette raison, j’ai l’intention d’appuyer le projet de loi.
    Monsieur le Président, il y a deux choses au sujet desquelles je voudrais obtenir des clarifications. Le député et sa collègue qui a parlé avant lui ont dit, sans équivoque, qu’aucun médecin ne sera tenu de participer à ce régime. Je ne vois dans le projet de loi C-14 aucune disposition qui garantisse aux médecins qu’ils ne seront pas tenus de participer. Il n’y a qu’un vague énoncé évoquant cette possibilité dans le préambule. Il est certain que cet énoncé ne donne aucune garantie ferme.
     L'autre question que j'aimerais soulever est celle des soins palliatifs. Les députés de l'autre côté de la Chambre ne cessent de clamer qu'ils accordent une grande importance à ce genre de soins, ce dont je me réjouis. Nous avons besoin de meilleurs soins palliatifs. Je travaille à ce dossier depuis des années. Or, ils en parlent beaucoup, mais je ne vois dans le budget aucune mention des 3 milliards de dollars qu’ils avaient promis d’investir dès leur arrivée au pouvoir. Je suis très inquiet. Nous devons commencer à apporter des changements dans ce domaine. J’aimerais voir un engagement ferme dans le budget pour que nous puissions dire aux Canadiens qu’ils vont recevoir de l’aide sous peu.
    Autrement, offrir une aide médicale à mourir sans…
(1610)
    Le secrétaire parlementaire du ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a la parole.
    Monsieur le Président, en ce qui concerne les deux questions soulevées par mon collègue, notamment la participation des médecins, il faut dire que cela ne concerne pas seulement les médecins, mais aussi les infirmiers praticiens. La Cour suprême dit clairement, au paragraphe 132 de l'arrêt Carter, que rien dans sa décision ne contraindrait les médecins à dispenser une aide médicale à mourir.
    Le préambule, comme mon collègue l’a mentionné, se situe dans le prolongement de cette décision. Notre parti et notre gouvernement sont profondément attachés au respect de la Charte et à toutes ses composantes, y compris l’alinéa 2a) qui garantit la liberté de conscience.
     Quant aux soins palliatifs, le député a raison de dire qu’il serait inapproprié d’en parler dans ce projet de loi, qui vise à modifier le Code criminel. Mon collègue était présent quand la ministre a annoncé aujourd’hui, pendant la période des questions, quels crédits seraient alloués aux soins palliatifs. Je lui demande de faire confiance à la ministre, qui est elle-même médecin et qui a dispensé ce genre de service. Elle est tout à fait consciente de la nécessité de fournir des soins palliatifs adéquats de façon à ce que les gens soient en mesure de faire un choix averti lorsqu’ils prennent une décision aussi importante.
    Monsieur le Président, j’ai écouté avec intérêt mon distingué collègue.
    Ce qui me préoccupe, au sujet des soins palliatifs, c’est que le budget ne prévoit rien à cet égard. Le gouvernement a fait une promesse, mais on vient de perdre une année. Je trouve incroyable qu’on parle du droit de mourir, mais pas du droit à des soins palliatifs de qualité et du rôle que le gouvernement fédéral doit jouer.
    L’autre question qui m’intéresse est la responsabilité importante du gouvernement fédéral dans la prestation des services de santé aux militaires, aux détenus des pénitenciers fédéraux et aux Autochtones. En vertu du paragraphe 12.1 du Programme des services de santé non assurés pour les Premières Nations, lorsqu’une personne doit quitter la réserve pour se rendre à un hôpital pour y recevoir des soins palliatifs, aucun proche n’est autorisé à l’accompagner.
    Le règlement fédéral stipule que c’est par compassion que le conjoint n’est pas autorisé à accompagner le malade en fin de vie. C’est ce que dit le règlement. La compassion est le prétexte numéro un pour empêcher un proche d’avoir accès à des soins palliatifs. Si les libéraux veulent vraiment en finir avec ces choix cruels, ils doivent dire à la ministre de la Santé qu’il faut modifier le libellé des directives sans tarder, afin que les proches ne soient pas séparés du malade au moment de sa mort.
    Monsieur le Président, comme nous l’avons indiqué, les affectations financières accordées aux soins palliatifs n’apparaissent pas dans ce projet de loi. Le député aurait peut-être préféré qu’elles apparaissent dans le budget, mais je peux lui assurer que nous sommes en train de reconduire une entente qui avait expiré et qui s’appelle l’accord canadien sur la santé, que le député de Timmins—Baie James connaît fort bien.
     Le gouvernement précédent avait tout simplement laissé l’entente expirer. Ce n’est pas ainsi que nous entendons gouverner. Nous croyons qu’il est nécessaire de faire participer les provinces et de discuter fermement avec elles de leurs besoins, de façon consensuelle et bilatérale, pour qu’elles aient, ainsi que les territoires, les aides financières dont elles ont besoin.
     En ce qui concerne les soins palliatifs offerts aux Premières Nations et du problème très particulier que le député de Timmins—Baie James a soulevé, je reconnais que c’est un problème important. Mais ce qui est plus important encore, c’est de redresser les torts honteux que nous avons causés aux Premières Nations pendant des générations.
     C’est un sujet que le premier ministre a fait figurer dans la lettre de mandat de chacun des ministres, et auquel nous accordons toute l’attention voulue. Nous avons eu des débats animés au sujet de la santé mentale dans certaines communautés, y compris celle que le député représente. Mais ce n’est qu’une partie d’un problème plus global que nous devons régler.
     J’espère avoir l’occasion de collaborer étroitement avec le député pour trouver des solutions en ce qui concerne les soins de compassion et les soins palliatifs, en particulier pour les Premières Nations, puisque cela fait partie de l’obligation que nous avons à leur égard.
    Avant de reprendre le débat, je comprends, étant donné la nature du sujet, que les députés ont besoin de temps pour poser leurs questions à la personne qui vient d’intervenir. Nous essayons tous de faire de notre mieux. Il est très difficile, en l’espace de cinq minutes, de poser plus de deux questions et d’avoir les réponses. Lorsque les députés sont plus concis, il est évident que cela permet à leurs collègues de participer en plus grand nombre. En toute franchise, la présidence ne tient vraiment pas à couper la parole aux députés.
    Nous allons essayer de faire preuve du maximum de bon sens, mais je rappelle quand même aux députés que, s’ils savent se montrer concis dans leurs interventions, leurs collègues auront plus d'occasions de poser des questions pendant les cinq minutes qui leur sont allouées.
    Nous reprenons le débat. La députée de Saint-Hyacinthe—Bagot a la parole.
(1615)

[Français]

    Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je tiens à dire que je partagerai mon temps de parole avec mon collègue de Kootenay—Columbia.
    L'aide médicale à mourir est sûrement l'un des plus importants enjeux sociaux auxquels notre pays et notre Parlement sera confronté et a été confronté depuis fort longtemps. Pour moi, il ne fait aucun doute que dans notre législature, il s'agira de la plus délicate question sur laquelle nous aurons à nous prononcer.
    Je tiens à dire que j'appuierai ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, bien que je considère que nous devons y apporter des amendements.
    On le sait depuis le début, les néo-démocrates voteront librement sur cette question personnelle et délicate. Donc, il ne s'agit pas ici de rechercher un consensus, mais plutôt de continuer à consulter nos concitoyens et les nombreux experts qui se penchent sur cette question pour voir quel peut être le meilleur projet de loi pour répondre aux droits de nos concitoyens.
    Il est important de clarifier le projet de loi à l'étude, car il laisse place à des interprétations, et il vient surtout en contradiction avec la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Carter.
    Nous allons débattre de manière non partisane des amendements nécessaires, mais il est d'abord important de se rappeler, à la Chambre, pourquoi nous devons nous prononcer sur cet enjeu. Ici, la question n'est pas de dire si nous sommes pour ou contre l'aide médicale à mourir. La Cour suprême du Canada a déjà statué de façon très claire que l'aide médicale à mourir est un droit garanti par la Charte. Nous sommes ici pour débattre du projet de loi et faire en sorte qu'il réponde à l'arrêt dans la cause Carter et qu'il n'y ait aucune place à l'interprétation.
    Comme je viens de le dire, dans une décision unanime, la Cour suprême a déterminé que les Canadiens adultes capables vivant des souffrances persistantes et intolérables au regard de problèmes de santé, graves et irrémédiables, avaient le droit, protégé par la Charte, d'obtenir une aide médicale à mourir.
    La Cour suprême donne comme mandat, à notre Parlement, mais aussi aux législatures provinciales, d'adopter des lois compatibles avec la décision de la Cour suprême. Cette décision a lancé un message très fort et dit de mettre à jour nos lois, que nos lois doivent s'assurer de protéger les personnes vulnérables, mais aussi les professionnels de la santé qui sont appelés à les aider.
    Il est important de ne pas politiser cet enjeu ni de le traiter de façon partisane. Il est aussi important de ne pas résumer cette importante question à un débat pro-vie ou pro-choix. Nous savons que ces débats peuvent être interminables.
    Je suis très fière d'avoir siégé au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. J'ai travaillé dans ce comité avec mon collègue de Victoria que je tiens à remercier sincèrement pour son expertise, son expérience et sa connaissance enrichie de cet enjeu. Il s'agissait de ma toute première expérience de travail en comité. Je le remercie encore sincèrement, ainsi que l'ensemble des membres du comité et du personnel qui nous a assistés. Ce fut pour moi un privilège de faire partie de ce comité parce que j'ai eu la chance d'étudier à fond le jugement de la Cour suprême à cet effet, ainsi que la décision du tribunal provincial qui l'a précédé. Nous avons aussi examiné attentivement la loi du Québec. Je suis très fière du rôle du Québec qui a été un précurseur sur cette délicate question. Nous avons aussi examiné les lois de partout dans le monde.
    Notre comité a examiné deux grandes études qui se basaient sur le témoignage de plus de 13 000 personnes et de plus de 100 organismes. Nous avons tenu 11 audiences.
(1620)
    Soixante-et-un témoins experts nous ont fait part de leur travail. Depuis le 6 février 2015, jour de la décision de la Cour suprême, toutes les organisations médicales du pays et tous les organismes qui représentent tant des personnes malades que des professionnels de la santé se sont penchés avec beaucoup de sérieux sur cette délicate question. Les représentants des médecins nous ont dit comment ils avaient été formés, avant le 6 février 2015. Toute leur carrière était basée sur le devoir de guérir. Depuis le 6 février 2015, ils sont bien conscients que leur rôle est maintenant aussi d'accompagner les personnes dans leur droit de demander l'aide médicale à mourir.
    Lors des travaux du comité, j'ai trouvé important de rencontrer toutes les organisations de Saint-Hyacinthe—Bagot concernées par le sujet. J'ai rencontré des représentants d'organismes pour personnes vivant avec une déficience, des comités d'usagers, des institutions, des représentants des institutions médicales et un organisme qui travaille avec les familles endeuillées et qui accompagne les gens en fin de vie. Je leur ai fait part des réflexions de notre comité. J'ai eu aussi, avec l'ensemble de ces intervenants, une rencontre pour discuter du rapport de notre comité. Tous les gens directement concernés par la question et qui y oeuvrent jour après jour se sentaient très à l'aise avec l'ensemble de nos recommandations.
    Le rôle du comité était de saisir cette occasion unique de réfléchir à l'aide médicale à mourir, et de réfléchir à tous ses aspects. Bien sûr, nous savions que le gouvernement ne tiendrait pas compte de l'ensemble de nos 21 recommandations dans l'élaboration de son projet de loi. Comme le disait la secrétaire parlementaire, le temps est court. Par contre, nous devions tenir compte de tous les aspects. Nous avons, entre autres, formulé une recommandation qui suscitait beaucoup de questions, soit celle sur les mineurs matures.
    Des témoins nous ont dit que, depuis des années, ils accompagnaient des jeunes de 16 ou 17 ans qui souffraient d'une maladie incurable depuis longtemps et que ces jeunes avaient acquis un degré de maturité que peu d'adultes atteignent au cours de leur vie.
    Bien sûr, après avoir entendu de tels témoignages, nous ne pouvions pas fermer la porte. Nous ne pouvons pas aller de l'avant maintenant, car il faut faire des études. Une de nos recommandations visait d'ailleurs à ce que l'on fasse les études nécessaires, en suivant un échéancier. Il ne faut pas attendre que ces jeunes se présentent devant la Cour suprême.
    Comme je l'ai dit, la loi laisse place à trop d'interprétations. À mon avis, en tant que parlementaires, nous avons le devoir de nous assurer de ne pas faire en sorte que des citoyens malades aient à faire encore des représentations devant la cour pour défendre leur droit à l'aide médicale à mourir.
    Des juristes nous ont dit que nous pouvions considérer l'arrêt dans la cause Carter comme un plancher. C'est d'ailleurs ce que nous avons choisi en tant que députés. Les conservateurs disent qu'il faut considérer l'affaire Carter comme un plafond. Les libéraux, en allant en deçà de l'affaire Carter, au moyen de leur article sur la mort naturelle raisonnablement prévisible, décident d'aller au sous-sol, et c'est ce qu'il faut changer.
    On nous répète que 3 milliards de dollars ont été promis pour les soins palliatifs. Ce n'est qu'une promesse. Il n'y avait rien de tel dans le budget. Or tous les témoins ont parlé des soins palliatifs. Tous les gens de mon comté m'en ont aussi parlé. Ce qui est important, c'est travailler pour le bien de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes, et leur permettre de mourir dans la dignité.
(1625)

[Traduction]

    Monsieur le Président, la députée a fait allusion à l'engagement du gouvernement à l'égard des soins palliatifs non seulement ces dernières semaines, mais depuis plusieurs mois. Il est certain que cette question constitue une part fort importante du débat que nous tenons sur une mesure législative qui suscite de vives émotions et sur laquelle nous avons tous une opinion bien arrêtée. Il nous faut toutefois reconnaître qu'en matière de soins palliatifs, de nombreuses parties  — en particulier, les provinces et les Premières Nations — ont un rôle primordial à jouer dans l'élaboration d'une politique.
    La députée nous dirait-elle dans quelle mesure, selon elle, il importe qu'Ottawa travaille avec les parties concernées pour fournir aux Canadiens de tous les coins du pays les soins palliatifs qu'ils souhaitent?

[Français]

    Monsieur le Président, il faut aller beaucoup plus loin. Le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans le dossier des soins palliatifs. Il a beau promettre 3 milliards de dollars et promettre d'en discuter, mais dans le dernier budget, il n'y avait pas un sou pour entamer ces discussions avec les provinces et faire les études nécessaires.
    J'ai mené des consultations dans mon comté, où se trouve l'un des plus grands établissements de soins de longue durée, ou CHSLD, du Québec. Pour plusieurs centaines de personnes âgées, il n'y a que 12 lits réservés aux soins palliatifs dans cet établissement. C'est nettement insuffisant. Il ne suffit pas de promettre 3 milliards de dollars. Il faut mettre de l'argent dans le budget et se mettre à la tâche dès maintenant.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je remercie la députée de ses observations.
    Le député de Parkdale—High Park — du moins, je crois que c'est lui — a dit avec raison que ce projet de loi créerait un des régimes d'euthanasie les plus permissifs au monde. C'est ce que j'ai cru l'entendre dire, et je pense qu'il a tout à fait raison.
    Il va sans dire que le contexte juridique actuel nous impose certaines restrictions. Toutefois, je crains que le projet de loi ne prévoie pas les mesures de protection nécessaires pour faire en sorte qu'une personne qui enlève la vie d'une autre personne sans son consentement puisse être poursuivie de manière efficace.
    J'aimerais demander à la députée si elle est prête à appuyer ma proposition visant à abroger les dispositions du projet de loi relatives à la croyance raisonnable mais erronée. Je pense que cela permettrait d'améliorer considérablement la mesure législative.
    Dans sa version actuelle, le projet de loi dit qu'une personne pourrait éviter d'être poursuivie si elle a une croyance raisonnable, mais erronée, que le consentement a été donné. Ainsi, une personne pourrait enlever la vie à une autre personne n'ayant pas donné sans consentement et éviter d'être poursuivie si elle réussit tout au moins à prouver, hors de tout doute raisonnable, qu'elle avait une croyance raisonnable, mais erronée.
    La députée serait-elle d'accord pour qu'on abroge ces dispositions très préoccupantes afin de protéger les personnes vulnérables?

[Français]

    Monsieur le Président, l'article qui parle de mort naturelle raisonnablement prévisible est effectivement l'article le plus contestable de cette loi.
     D'ailleurs, hier, le ministre de la Santé du gouvernement du Québec, Gaétan Barrette, disait que cet article ne ferait pas long feu devant les tribunaux. Il invitait même les médecins à se fier à la loi du Québec plutôt qu'à la loi fédérale telle que rédigée. Nous avons le devoir de nous assurer que la loi est claire.
    Au Québec, au cours des dernières semaines, des personnes se sont fait mourir de faim en tentant de devenir admissibles à l'aide médicale à mourir. Il faut que cela cesse. Il faut permettre aux gens de faire le choix de mourir dans la dignité. Notre loi doit le permettre.
(1630)
    Monsieur le Président, je remercie ma collègue de son travail dans ce dossier.
    Peut-elle parler de l'accessibilité à l'aide médicale à mourir pour tous les Canadiens, peu importe où ils se trouvent au Canada, puisqu'il s'agit maintenant d'un droit protégé par la Charte, en vertu de la décision qui a été rendue?
    Monsieur le Président, effectivement, la question de l'accessibilité à l'aide médicale à mourir est fondamentale. Comme il s'agit d'un droit, cela doit bien sûr être accessible. C'est pourquoi il est intéressant d'élargir cela pour les différents professionnels de la santé.
     Au moment de juger de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir, ce sont des médecins qui s'en occupent. Je représente un comté qui est à 50 kilomètres d'une métropole et où il y a des citoyens qui n'ont pas accès à un médecin. Alors, il est important de permettre aux différents professionnels de la santé d'aider les personnes à se prévaloir de leur droit.

[Traduction]

    Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir).
    J'appuie l'adoption de ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Toutefois, il devra être amendé.
    Je vais commencer en vous racontant une histoire. Il y a un certain nombre d'années, ma femme, Audrey, et moi avons adopté une magnifique chienne shetland fauve que nous avons baptisée Princess Diana of Cornwall. Nous avions choisi ce nom parce que, à l'époque, nous habitions sur Cornwall Drive, à Port Coquitlam, et le monde n'en avait que pour le mariage royal de deux personnes nommées Charles et Diana.
    Princess était une merveilleuse petite chienne. Malheureusement, lorsqu'elle avait environ 11 ans, elle a eu le cancer. Nous vivions déjà dans notre maison actuelle, à Cranbrook, en Colombie-Britannique, dans les Rocheuses. À mesure que le cancer se développait, Princess ressentait de plus en plus de douleur et d'inconfort. Nous consultions régulièrement notre vétérinaire local, qui nous a un jour annoncé que Princess était en phase terminale et qu'elle souffrait énormément. Il nous a dit que la meilleure chose à faire pour elle était de mettre fin à ses souffrances. Il nous a demandé de la ramener le lendemain. Nous avons ramené Princess à la maison pour lui faire nos adieux, et j'ai amené Princess le lendemain chez le vétérinaire. Il m'a demandé si je préférais la lui laisser ou si je voulais rester. Je lui ai répondu que je préférais rester. Je tenais Princess dans mes bras et j'ai regardé l'aiguille rentrer dans sa patte. Elle s'est couchée et est morte dans mes bras. Les yeux pleins d'eau, je me rappelle m'être dit que, si jamais je vivais des souffrances intolérables des suites d'une maladie incurable, c'est ainsi que j'aimerais quitter ce monde: dans les bras d'une personne que j'aime avec une aiguille dans la patte. Je suis personnellement devenu un ardent défenseur de l'aide médicale à mourir ce jour-là, il y a 20 ans.
    Je ne dis pas que la mort d'un animal de compagnie et celle d'un être humain sont équivalentes, même si elles suscitent des sentiments comparables, comme le savent fort bien les gens qui ont perdu un compagnon animal. Nous devons nous employer à faire encore davantage pour prendre les bonnes décisions lorsqu'on envisage l'euthanasie pour les humains.
    Comme les députés le savent, en février 2015, la Cour suprême du Canada a rendu une décision unanime établissant que la Charte garantit le droit de demander l'aide d'un médecin pour mourir à tout Canadien adulte capable affecté de problèmes de santé graves et irrémédiables lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition, y compris une affection, une maladie ou un handicap. Le NPD est déterminé à mettre en oeuvre l'arrêt de la Cour suprême de façon équilibrée et judicieuse tout en respectant l'autonomie des patients, les droits des professionnels de la santé et des personnes vulnérables, et la nature fondamentalement personnelle de la question pour chaque Canadien. Autrement dit, nous devons nous employer à ce que cette mesure législative soit la meilleure qui soit.
    La semaine dernière, à mon retour dans ma circonscription, Kootenay—Columbia, j'ai rencontré Bendina Miller, l'ancienne présidente de l'Association canadienne pour l’intégration communautaire, ou ACIC. Cette association a été l'un des principaux partisans de la norme de personne vulnérable qui vise à protéger les Canadiens vulnérables dans le cadre de l'étude par le Parlement du projet de loi C-14, qui porte sur l'aide médicale à mourir. L'ACIC estime que, dans sa forme actuelle, le projet de loi prévoit des mesures appropriées pour tenir compte de la vulnérabilité des personnes handicapées, mais elle estime que certaines améliorations s'imposent pour respecter l'objectif énoncé dans l'arrêt de la Cour suprême, qui exige que la loi donne un accès juste à l'aide médicale à mourir mais qu'elle protège également les personnes vulnérables susceptibles d'être influencées ou incitées à faire appel au système pour mourir.
    L'Association canadienne pour l’intégration communautaire recommande cinq amendements de fond à ce projet de loi. En voici un aperçu.
    Premièrement, le projet de loi C-14 devrait être amendé pour que l'exigence actuelle de contrôle judiciaire soit maintenue jusqu'à ce qu'une étude permette de comprendre clairement les mérites et les répercussions de cette mesure législative.
    Deuxièmement, il faudrait inclure dans le projet de loi une exigence juridique explicite visant à cerner, analyser et consigner les sources de la souffrance d'une personne et à comprendre les motifs qui sous-tendent sa demande d'aide à mourir.
    Troisièmement, le projet de loi C-14 devrait être amendé pour répondre aux exigences de l'arrêt Carter et devrait préciser qu'une demande volontaire d'aide médicale à mourir ne peut être le résultat de pressions externes ou d'encouragements à agir de la sorte.
    Quatrièmement, le projet de loi C-14 devrait être amendé pour préciser que le ministre prend des règlements, et non qu'il peut en prendre, concernant la collecte obligatoire de renseignements sur les demandes d'aide médicale à mourir ou la prestation de celle-ci.
    Cinquièmement, le projet de loi devrait préciser qu'un spécialiste des soins palliatifs ou un autre professionnel compétent doit procéder à une évaluation pour que le droit du patient de fournir un consentement éclairé soit respecté, ce qui veut dire que le patient doit être informé de tous les traitements et de toutes les formes d'aide dont il peut bénéficier pour atténuer ses souffrances.
(1635)
    Le projet de loi ne devrait pas entrer en vigueur sans être accompagné d'une stratégie nationale améliorée sur les soins palliatifs, qui n'est manifestement pas prévue dans le budget de 2016-2017 du gouvernement libéral.
    En novembre, j'ai eu le plaisir de rencontrer les députés fédéraux nouvellement élus de tous les partis, à l'exception du Parti vert. J'ai été frappé de voir que tous mes collègues tenaient à peu près le même propos. Ils étaient tous au Parlement pour oeuvrer dans un esprit de collaboration afin de bâtir un Canada meilleur. Ce fut très encourageant pour moi, qui venais d'être élu député pour la première fois, car c'est également la raison pour laquelle je suis ici.
    Lorsque je discute avec les gens de ma circonscription des travaux de la Chambre des communes, je leur dis que trois projets de loi pourraient avoir des incidences particulièrement importantes au Canada: premièrement, le système de représentation proportionnelle; deuxièmement, la légalisation de la marijuana; troisièmement, l'aide médicale à mourir.
    Nous en sommes à débattre et à étudier le premier de ces trois projets de loi et nous devons collaborer afin de bâtir un avenir meilleur pour les Canadiens. Le projet de loi poursuit trois objectifs: maximiser la volonté de vivre des gens grâce à de meilleurs soins palliatifs; protéger les personnes vulnérables; permettre à nos concitoyens d'exercer le droit confirmé par la Cour suprême de choisir de mourir dans les bras d'une personne qui les aime, s'ils subissent des souffrances persistantes et intolérables en raison d'un problème de santé grave et irrémédiable.
    Tâchons de collaborer pour amender le projet de loi et donner aux Canadiens le meilleur cadre législatif qui soit dans ce dossier très important qui soulève les passions.
    Monsieur le Président, je remercie le député de ses paroles réfléchies, mais il n'a rien dit au sujet du consentement préalable. Je serais curieux de savoir ce qu'il en pense. Comment cet aspect pourrait-il être abordé dans le processus parlementaire, notamment lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité?
    De toute évidence, certains aspects doivent être abordés et décortiqués par le comité. Nous en convenons; à nos yeux, cela fait partie d'un bon processus législatif. Le député n'a cependant pas parlé du consentement préalable, et j'aimerais savoir ce qu'il en pense.
    Effectivement, monsieur le Président, selon moi, cet aspect fait défaut dans la version actuelle du projet de loi. Il faut absolument donner aux gens la possibilité d'exprimer leur volonté et de donner leur consentement préalable, surtout lorsqu'ils savent que leur maladie les empêchera plus tard de prendre cette décision. Cet aspect devrait donc faire partie du projet de loi.
    Monsieur le Président, j'aimerais revenir sur la question du consentement préalable, parce qu'on l'a évoquée à plusieurs reprises aujourd'hui.
    D'après les témoignages que nous avons entendus au comité spécial, du moins de la part des intervenants du milieu de la santé ou de leurs représentants, il est très difficile d'obtenir une directive préalable sur une situation très hypothétique, parce que les gens ne savent pas comment ils subiront l'épreuve. Si nous ajoutons une disposition sur le consentement préalable, il se pourrait qu'un patient se retrouve dans une situation où on lui enlèverait la vie, même s'il ne souhaite pas mourir à ce moment-là, du seul fait qu'il a fourni son consentement écrit au préalable. Autrement dit, son vécu pourrait être différent de ce qu'il avait prévu.
    Je voudrais interroger le député justement sur le consentement aux relations sexuelles. Il est clairement entendu qu'une personne ne peut pas donner son consentement au préalable. Dans ce contexte, il faut que le consentement soit donné au moment même de l'acte. Par conséquent, pourquoi devrions-nous imposer une norme différente et inférieure dans le cas du consentement à mourir?
(1640)
    Monsieur le Président, je ne crois vraiment pas qu'il s'agit d'une norme inférieure. Si nous avons l'occasion de déclarer notre consentement à l'avance et de le mettre par écrit, cela nous permet au moins d'avoir notre mot à dire sur notre sort dans le futur. Si nous en arrivons au point où nous ne pouvons pas donner ou refuser notre consentement, alors nous n'avons pas de choix. Donc, avoir au moins l'occasion de déclarer ses souhaits à l'avance constitue une amélioration par rapport au fait de n'avoir aucun choix.
    Monsieur le Président, j'ai beaucoup hésité avant de prendre la parole pour poser cette question, mais mon collègue — que je respecte et dont je respecte le travail — a laissé entendre qu'il y avait des similitudes entre la perte d'un animal de compagnie et la perte d'un être cher, un être humain. J'ai perdu un grand nombre d'animaux de compagnie au cours des 60 dernières années et, oui, j'ai versé des larmes, et je sais ce que c'est. Toutefois, d'insinuer qu'il y a ne serait-ce que 1 % de similitude entre la perte d'un animal de compagnie et la perte d'un membre de la famille est à côté de la question.
    J'ai vu ma mère et mon père à l'approche de la mort. J'ai vu mon frère, maintenu artificiellement en vie pendant un mois à l'hôpital, vivre ses derniers moments et mourir. Il y a cinq ans aujourd'hui, mon épouse a souffert d'une hémorragie intracrânienne et est morte deux jours plus tard. Toutefois, dans aucune de ces situations, dans aucune, j'aurais voulu mettre fin à leur vie un seul jour plus tôt.
    Nous devons réaliser ce que la souffrance peut nous enseigner lorsque nous accompagnons ceux qui souffrent et que nous partageons cette souffrance. C'est cela être humain. Je crains que, si nous perdons la volonté d'accompagner ceux qui souffrent et de faire quelque chose pour améliorer les soins palliatifs et bien les soigner, nous manquions le bateau.
    J'aimerais que mon collègue commente l'absence, dans le budget, d'un engagement ferme à vraiment faire quelque chose dans le domaine des soins palliatifs.
    Monsieur le Président, permettez-moi de répéter ce que j'ai dit dans mon discours. Je n'essaie pas d'insinuer que la mort d'un animal de compagnie a le même poids que celle d'un humain.
     Lorsqu'il est question d'examiner l'euthanasie avec nos yeux d'humains, il faut être particulièrement prudent. Je suis on ne peut plus d'accord pour dire que les soins palliatifs sont essentiels. Nous devons nous assurer d'avoir une stratégie nationale sur les soins palliatifs pour accompagner cela, mais la stratégie et la loi devront se compléter l'une l'autre si nous voulons faire quelque progrès que ce soit en la matière.
    L'histoire que j'ai racontée est ce qui m'a convaincu: si j'avais le choix, je choisirais de mourir dans la dignité.
    Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-14, cette importante mesure législative qui autorisera pour la première fois de notre histoire l'aide médicale à mourir dans tout le pays.
     Je crois que le projet de loi C-14 répond directement et de façon réfléchie à la décision de la Cour suprême concernant l'affaire Carter. Cette mesure législative établit un juste équilibre entre, d'une part, l'autonomie accordée à un adulte capable dont la mort est raisonnablement prévisible de demander une aide médicale à mourir, et d'autre part, la protection des personnes vulnérables, grâce à l'adaptation prudente des critères d'admissibilité et à de rigoureux mécanismes de protection qui seront essentiels pour prévenir les dérapages et les abus.

[Français]

    Comme l'a reconnu l'Association médicale canadienne devant le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, on ne peut souligner suffisamment l'importance de ce changement dans la pratique médicale canadienne et la société canadienne dans son ensemble.
    À l'heure actuelle, il y a huit juridictions dans le monde, en plus du Québec, qui ont adopté des règles juridiques précises relatives à l'aide médicale à mourir: quatre États américains, la Colombie et les pays européens de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg.
    La communauté internationale porte attention au leadership du Canada sur cet enjeu en ce moment, et je tiens à féliciter les députés des deux côtés de la Chambre pour leur précieuse contribution à ce débat complexe et délicat.
(1645)

[Traduction]

    Le projet de loi C-14 établirait les règles de droit pénal relatives à l'aide médicale à mourir, notamment en ce qui concerne les critères d'admissibilité, les mesures de sauvegarde et le cadre régissant le système de surveillance pancanadien. En plus de la réponse législative exhaustive proposée dans le projet de loi C-14, le gouvernement entreprendrait des études indépendantes sur trois questions clés au sujet desquelles la Cour suprême ne s'est pas prononcée dans l'arrêt Carter: l'admissibilité des personnes de moins de 18 ans, les demandes faites à l'avance, et les demandes d'aide médicale à mourir faites strictement pour cause de maladie mentale.
    Je me permets aujourd'hui de fournir aux députés davantage de précisions au sujet des critères d'admissibilité prévus dans le projet de loi C-14 et de leur expliquer comment ces critères donnent suite à l'arrêt Carter. Cette question a été posée à maintes reprises depuis que le projet de loi a été présenté.
    En vertu du projet de loi C-14, seuls les adultes mentalement capables auraient accès à l'aide médicale à mourir, soit les personnes, premièrement, qui sont atteintes d'une maladie, d'une affection ou d'un handicap graves et incurables; deuxièmement, dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de leurs capacités; troisièmement, dont la situation médicale leur cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui leur sont intolérables; quatrièmement, dont la mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible compte tenu de l'ensemble de leur situation médicale, sans pour autant qu'un pronostic ait été établi quant à leur espérance de vie.
     Je souligne qu'il s'agit là du libellé exact du projet de loi, car il y a eu des affirmations erronées sur ce qui est réellement exigé. Il est aussi important de rappeler que les critères ne doivent pas être considérés de façon isolée. Chaque critère contribue à définir le sens et la portée de ceux qui l'accompagnent. Ils contribuent à donner une meilleure vue d'ensemble de la situation.
    Certains se demandent ce qu'on entend par une mort raisonnablement prévisible, puisque, dans tous les cas, la mort est raisonnablement prévisible dans la mesure où elle est, à l'instar des impôts, inévitable pour chacun d'entre nous. Le projet de loi C-14 dit expressément qu'il faut que la mort naturelle soit devenue raisonnablement prévisible, ce qui indique clairement que la situation médicale du patient doit avoir changé. Le patient doit être sur le point de mourir, alors qu'il ne l'était pas auparavant. La mort d'une personne en bonne santé n'est pas raisonnablement prévisible à moins que la personne ait subi un changement dans sa situation médicale.
    Monsieur le Président, j'ai omis de le faire au début de mon intervention, mais je vous informe maintenant que je vais partager mon temps de parole avec le député de Fredericton.
     Le concept de prévisibilité raisonnable est un concept de droit reconnu, et l'évaluation qui est faite dépend du contexte. Ainsi, dans le contexte de l'aide médicale à mourir, il faut que la mort du patient puisse fort probablement se produire dans une période de temps relativement courte par rapport aux circonstances que l'on peut prévoir de façon raisonnable. Encore une fois, le projet de loi indique expressément qu'il n'est pas nécessaire de faire un pronostic précis en ce qui concerne l'espérance de vie du patient. Étant donné que la situation de chaque personne en fin de vie est unique, ce critère a été rédigé avec soin afin de donner toute la souplesse nécessaire aux professionnels de la santé, qui peuvent ainsi évaluer individuellement la situation médicale globale d'un patient. Ce qui importe d'abord et avant tout, c'est la situation médicale globale de la personne, et non un problème de santé particulier; c'est ce qui nous permet de donner aux Canadiens la possibilité de choisir de mourir paisiblement, en ayant recours à l'aide médicale à mourir, au lieu de mourir à petit feu ou dans la douleur.
    Comme l'indiquent les normes et les lignes directrices du milieu médical sur les indicateurs de pronostic, de nombreux facteurs peuvent servir à déterminer si la fin de la vie d'un patient approche, comme une maladie incurable progressive et incurable à un stade avancé. D'autres facteurs complètement différents peuvent aussi entrer en jeu, comme l'âge du patient, le fait qu'il a une santé très précaire en général, et les risques de décès découlant de complications associées à d'autres maladies qui ne sont pas nécessairement mortelles, mais qui peuvent mettre en péril la vie d'une personne qui est déjà faible.
    Comme l'a récemment reconnu l'Association médicale canadienne, exiger que la mort naturelle soit devenue raisonnablement prévisible constituerait une directive plus claire que le terme « problèmes de santé graves et irrémédiables » utilisé par la cour. Cela signifierait, selon le représentant de l'Association médicale canadienne, que la maladie devrait se situer à l'extrémité du spectre, mais qu'il ne serait pas nécessaire qu'elle soit incurable ou que la mort soit imminente.
    Dans l'affaire Carter, la Cour suprême a expressément affirmé que sa déclaration était censée s’appliquer aux situations de fait de l'espèce et qu'elle ne se prononçait pas sur d’autres situations où l’aide médicale à mourir pouvait être demandée. Le projet de loi C-14 répondrait directement aux situations de fait de Kay Carter et de Gloria Taylor. L'état de santé de celles-ci s'aggravait et elles souffraient vers la fin de leur vie, mais elles ne pouvaient pas être certaines du moment exact où elles mourraient.
     La Cour suprême n'a pas défini le terme « problèmes de santé graves et irrémédiables ». Elle a plutôt reconnu qu'il incombait au Parlement de soupeser et de pondérer le point de vue des personnes qu’un régime permissif pourrait mettre en danger et le point de vue de celles qui demandent de l’aide pour mourir. C'est exactement ce que fait le projet de loi C-14. Il définit l'admissibilité d'une façon qui est conforme à l'arrêt Carter dans son intégralité et il apporte les éclaircissements nécessaires quant à l'évaluation de l'admissibilité.
    Certains ont dit trouver préoccupant que le projet de loi ne protège pas expressément la liberté de conscience des fournisseurs de soins de santé. On peut lire, parmi les objectifs législatifs clairement exposés dans le préambule du projet de loi C-14, que cette mesure cherche notamment à respecter les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé tout en reconnaissant la compétence des provinces en ce qui a trait à différentes questions liées à l'aide médicale à mourir. L'une de ces questions concerne la recherche d'un juste équilibre entre les intérêts patients et ceux des professionnels de la santé. Il importe de souligner qu'aucune disposition du projet de loi C-14 n'obligerait des fournisseurs de soins de santé à fournir une aide qui irait à l'encontre de leurs convictions personnelles. Plus important encore, nous posons des gestes concrets afin de protéger le droit à la liberté de conscience des professionnels. Dans cette optique, la ministre de la Santé a offert de collaborer avec les provinces et les territoires à l'élaboration d'un système de coordination des soins de fin de vie qui permettra de respecter la liberté de conscience des fournisseurs de soins tout en offrant aux patients un meilleur accès aux soins, y compris à l'aide médicale à mourir.
    Par ailleurs, certaines personnes jugent insuffisantes les mesures de sauvegarde prévues par le projet de loi. Or, dans l'ensemble, ces mesures sont comparables ou même un tout petit peu supérieures à celles de régimes d'aide médicale à mourir en vigueur ailleurs dans le monde.
(1650)
    Dans l'affaire Carter, la juge de première instance a examiné de nombreux éléments de preuve concernant l'efficacité de ces régimes. Elle a conclu qu'il est possible, dans de tels systèmes, de gérer convenablement les risques que pourraient courir les personnes vulnérables. Nous sommes tout aussi convaincus que les mesures de sauvegarde prévues préviendraient les abus et les erreurs.
    Je pense que la mesure législative proposée constitue la bonne façon d'aborder l'aide médicale à mourir au Canada à l'heure actuelle. C'est une réponse raisonnée à l'arrêt Carter. J'encourage vivement tous les députés à appuyer le projet de loi C-14 à l'étape de la deuxième lecture.
    Monsieur le Président, les discours du débat d'aujourd'hui sont intéressants. Ce qui m'inquiète au sujet du projet de loi, c'est qu'il peut être difficile, dans les régions rurales du Canada, de trouver deux médecins ou deux infirmiers praticiens. À l'extérieur des grandes régions urbaines, il y a moins de médecins et souvent même pas d'infirmier praticien. Même si l'on arrivait à trouver ces quatre personnes, elles seraient facilement identifiables, ce qui risque de représenter un problème épineux dans les collectivités rurales. La seule autre solution serait l'aiguillage. Encore une fois, ce sera vers ces gens que l'on finira par se faire aiguiller.
    C'est une question que je me pose au sujet de cette mesure législative. Je m'inquiète beaucoup du nombre restreint de professionnels de la santé qui devraient prendre part au processus à l'extérieur des grands centres urbains.
(1655)
    Monsieur le Président, c'est cette préoccupation même qui a motivé la décision d'élargir l'exemption pour permettre aux infirmiers praticiens de fournir l'aide médicale à mourir. La tendance se répand au pays: comme les médecins sont nombreux dans les grands centres et beaucoup moins à l'extérieur de ceux-ci, les infirmiers praticiens prennent de plus en plus le relais. C'est justement pourquoi ils ont été inclus dans le projet de loi.
    La notion d'accès est essentielle lorsqu'il est question d'un droit garanti par la Charte. Le député soulève une préoccupation tout à fait valable, et on tente d'y répondre en incluant les infirmiers praticiens.
    Monsieur le Président, j'ai une question au sujet de l'accès à des services médicaux adéquats et de l'accès aux infirmiers praticiens ou aux médecins. Dans ma circonscription, la plupart des réserves et des localités n'ont pas ce privilège lorsqu'on parle de la stratégie nationale de soins palliatifs. Je suis très inquiète parce que d'où je viens, on n'a même pas accès à un infirmier. Comment le gouvernement peut-il inscrire cette discussion dans un contexte plus large pour aider les gens à mourir dans la dignité?
    Monsieur le Président, les deux dernières questions montrent bien à quel point l'accès aux services médicaux est inégal selon l'endroit du pays où on se trouve.
    Aujourd'hui, le Parlement débat d'une loi modifiant le Code criminel. La réponse du gouvernement à l'arrêt Carter est législative en même temps qu'elle ne l'est pas. L'aspect législatif correspond aux mesures dont nous sommes actuellement saisis, mais pour ce qui est du non-législatif, le gouvernement s'est aussi engagé à consacrer 3 milliards de dollars aux soins à domicile, dont une bonne part ira aux soins palliatifs.
    Cette loi ne résoudra jamais à elle seule les inégalités observables au pays en ce qui concerne l'accès aux services médicaux. Nous en sommes conscients. C'est impossible. Quoi qu'il en soit, le gouvernement devra garder cet objectif en tête lorsqu'il négociera l'accord sur la santé, qu'il élaborera, en collaboration avec les provinces, une stratégie de soins palliatifs ou qu'il fera le nécessaire, toujours avec la collaboration des provinces, pour que les régions rurales et éloignées du pays aient accès à des services médicaux.
    Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de ses observations réfléchies.
    La semaine dernière, j'ai organisé une table ronde avec la coalition des associations de retraités et d'aînés de Terre-Neuve-et-Labrador. Absolument toutes les personnes présentes se sont dites favorables à l'approche adoptée par le gouvernement avec cette mesure législative. Il n'y a qu'un seul sujet qui leur faisait dire soit que la loi était bien pondérée, soit qu'elle allait trop loin, celui des directives médicales anticipées. Elles avaient également du mal à concevoir qu'on puisse déterminer d'avance si l'état de santé d'une personne deviendra intolérable ou non. Elles se sont aussi demandé si les provinces seraient en mesure de se doter des registres appropriés pour ce type de soins médicaux.
    J'aimerais savoir si le député est lui aussi d'avis que l'approche graduelle préconisée par le gouvernement demeure le meilleur moyen d'aborder l'aide médicale à mourir ou s'il estime que nous devrions aller plus loin dès maintenant.
    Monsieur le Président, je remercie le député de St. John's-Est de sa question et du fait qu'il ait consacré une partie de la semaine de relâche à consulter les habitants de sa circonscription. Voilà qui est extrêmement important. J'ai fait la même chose.
    De toute évidence, le gouvernement a procédé avec prudence. Étant donné les échéanciers serrés qui nous étaient imposés en raison de l'inaction du gouvernement avant les élections et la date butoir établie par la Cour suprême, il s'agit de la voie la plus sage. Dans le préambule du projet de loi, il est question de mesures non législatives, ce qui indique qu'on examinera plus longuement et de manière plus exhaustive les questions les plus délicates. Selon moi, c'est la solution qui convient le mieux au Canada à l'heure actuelle.
(1700)
    Monsieur le Président, l'arrêt Carter de la Cour suprême a indiqué aux Canadiens que l'aide médicale à mourir deviendrait légale au Canada. C'est au gouvernement qu'il revenait de proposer des règles claires établissant l'admissibilité à l'aide médicale à mourir et des mesures de précautions visant à protéger les plus vulnérables, et de créer un régime de surveillance pour assurer la responsabilité, la transparence et la confiance du public dans le système. Il était également important de créer une loi fédérale pour assurer l'uniformité de l'aide médicale à mourir au Canada.
    Le projet de loi C-14 est l'aboutissement d'un vaste processus de consultation tenu l'an dernier auprès de particuliers, de groupes et d'experts canadiens et étrangers. Il prend en considération tout un éventail d'intérêts, dont l'autonomie personnelle et la protection des personnes vulnérables. Il reconnaît également que la question de l'aide médicale à mourir se pose aux Canadiens de façons diverses et bien personnelles. Il tient compte, d'une part, des droits et de la conscience éclairée des patients et, d'autre part, du respect de l'éthique professionnelle et de la liberté de conscience des médecins.
    Ce projet de loi propose aussi la prise de mesures générales sur un aspect des soins de fin de vie pour lequel les Canadiens, quel que soit leur point de vue sur l'aide médicale à mourir, ont clairement montré qu'ils voulaient que le gouvernement intervienne, c'est-à-dire les soins palliatifs et de fin de vie. J'ai eu le plaisir hier de passer une journée ensoleillée à Fredericton pour participer à l'activité « Hike for Hospice » et je suis fier du soutien extraordinaire qu'ont témoigné les membres de la collectivité à l'égard d'une cause aussi valable et importante.
    Pour gérer une question aussi délicate que l'aide médicale à mourir, il nous est impossible d'agir sans accroître pleinement et intentionnellement nos options en matière de soins de fin de vie. Le gouvernement a clairement indiqué que, dans le cadre d'un accord pluriannuel sur la santé, les ressources financières pour améliorer les soins de santé, y compris les soins palliatifs, seront de la plus haute importance. En outre, en ce début de la Semaine de la santé mentale au Canada, nous devons nous engager à nouveau à offrir des soins et un soutien accrus aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale et privilégier des approches cliniques et communautaires qui donneront aux Canadiens souffrant de santé mentale un meilleur accès aux services dont ils ont besoin pour assurer leur bien-être.

[Français]

    Le 11 décembre dernier, un comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a été chargé d'examiner les activités récentes de consultation. Le comité a également consulté les Canadiens et les intervenants et a formulé des recommandations sur le cadre d'une réponse fédérale à l'arrêt dans l'affaire Carter. Le comité a tenu 16 réunions, a entendu 61 témoins, a reçu plus de 100 mémoires et a déposé son rapport final au Parlement le 25 février.

[Traduction]

    J'aimerais remercier le comité de son travail ainsi que chacun de ses membres de son engagement dans le dossier.
    Dans ma circonscription aussi, des centaines d'électeurs se sont fait entendre et, de mon côté, j'ai fait appel à la sagesse et aux conseils de représentants du milieu des personnes handicapées, qui nous demandent de veiller à ce qu'aucune influence externe ne puisse agir sur les décisions des personnes vulnérables; de membres de la communauté religieuse, dont des amis et mentors de confiance, qui m'encouragent à m'en remettre à ma propre conscience éclairée au moment de voter sur cette importante mesure; de représentants du milieu médical, dont certaines sommités, qui nous demandent de privilégier une approche judicieuse et pondérée à l'élaboration d'un cadre entourant l'aide médicale à mourir; et de certaines parties qui préconisent une approche plus libérale et qui seront peut-être déçues par le cadre proposé.
    J'ai écouté et je compte bien continuer d'écouter les gens de la circonscription que je représente. J'ai réfléchi et je compte bien continuer de réfléchir à cette décision importante qui changera la façon dont les Canadiens envisagent la fin de la vie.
    Comme beaucoup d'autres, j'ai abordé la question avec grande humilité, car je comprends que, dans une société pluraliste aussi riche et diversifiée que le Canada, il faut s'attendre à ce que le projet de loi ne cadre pas avec la conception du monde de tous. J'ai de l'empathie pour ceux qui ne se sentent pas représentés, je les comprends et je tiens à leur faire savoir qu'à l'instar de tous mes collègues, je continuerai de veiller à leurs intérêts au meilleur de ma capacité.
    J'estime que les ministres chargés de la rédaction du projet de loi, comme l'ensemble du gouvernement, ont abordé la question avec grande délicatesse. L'approche retenue est caractéristique d'un gouvernement qui est à l'écoute des citoyens et qui restera réceptif à toute la gamme de points de vue dans ce dossier des plus personnels et difficiles.
    C'est dans cet esprit que j'affirme être à l'aise avec le projet de loi dont nous sommes saisis. J'aimerais prendre le temps d'en expliquer les éléments en plus grand détail ainsi que leur signification pour les Canadiens.
(1705)

[Français]

    Premièrement, pour permettre l'accès à l'aide médicale à mourir au Canada, il faudrait modifier le Code criminel pour que les médecins, les infirmiers praticiens et ceux qui les aident puissent aider les patients admissibles à mourir sans s'exposer à des accusations d'aide au suicide ou d'homicide. Il y aura aussi des mécanismes de sauvegarde pour faire en sorte que ceux qui recevront de l'aide médicale à mourir y seront admissibles, pourront donner leur consentement éclairé et feront volontairement la demande d'aide à mourir.

[Traduction]

    Une demande volontaire et éclairée doit être faite sous forme écrite par la personne en présence de deux témoins indépendants, et un deuxième avis médical est requis. La seule personne qui peut faire cette demande est celle qui souhaite recevoir de l'aide médicale à mourir. Le droit d'opter pour l'aide médicale à mourir n'appartient qu'aux adultes capables qui veulent l'obtenir. C'est nécessaire pour protéger les gens vulnérables.
    Une personne qui veut obtenir l'aide médicale à mourir doit remplir certains critères. Elle devrait être une adulte mentalement capable d'au moins 18 ans. Elle devrait être atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables. Sa situation médicale devrait se caractériser par un déclin avancé et irréversible de ses capacités, et elle devrait avoir des problèmes de santé lui causant des souffrances persistantes et intolérables. Elle devrait approcher de la fin de sa vie, et sa mort devrait être raisonnablement prévisible.
    La mesure législative prévoit que les mineurs matures, de même que les personnes souffrant uniquement d'une maladie mentale, ne seraient pas admissibles. Toutefois, le gouvernement propose une étude indépendante sur les questions juridiques, éthiques et médicales liées à l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures et les personnes souffrant d'une maladie mentale, ainsi que sur la possibilité de donner des directives préalables.

[Français]

    Encore une fois, le projet de loi propose des mesures de protection pour s'assurer que les patients sont admissibles et qu'ils ont donné leur consentement éclairé. Il y aurait une période obligatoire d'au moins 15 jours de réflexion et les patients pourraient retirer leur consentement à tout moment.

[Traduction]

    En outre, rien dans le projet de loi proposé n'obligerait un fournisseur de soins de santé à offrir de l'aide médicale à mourir ou à aiguiller le patient vers un autre professionnel de la santé.
    L'approche proposée pour cette question des plus délicates fait de son mieux pour reconnaître le choix individuel des adultes qui ont des souffrances intolérables et dont la mort est raisonnablement prévisible. Elle cherche à affirmer la valeur inhérente et égale de la vie de chaque personne. Elle vise à protéger les personnes vulnérables et réaffirme le but de la société pour ce qui est de prévenir le suicide. C'est une approche qui reconnaît où nous en sommes en tant que société et en tant que peuple en évolution dans le monde. Elle respecte les voix divergentes des Canadiens et fait preuve de souplesse en prévoyant la réévaluation et l'examen de la question de l'aide médicale à mourir dans les semaines, les mois et les années à venir.
    Je tiens à remercier les citoyens de ma circonscription qui ont communiqué avec moi sur cet important sujet ainsi que les nombreux autres qui, je le sais, se débattent avec cette question intérieurement.
     Je veux que les Canadiens sachent que le Parlement et moi ferons collectivement de notre mieux pour servir les intérêts de chacun ainsi que ceux de leurs voisins, dans ce dossier comme dans tout dossier important.
(1710)
    Monsieur le Président, le député et celui qui a pris la parole avant lui ont parlé de la souplesse de ce projet de loi. La souplesse est peut-être quelque chose de souhaitable pour un dîner entre amis, mais ce n’est guère utile dans le contexte d’une loi. La souplesse n’aidera pas les médecins qui vont devoir examiner le projet de loi et décider si une mesure est légale ou pas. Je ne parlerais pas tant de souplesse que d’ambiguïté.
    Je me demande si le député serait au moins en faveur de préciser les critères ambigus, parce que plus il parlait et moins je comprenais.
     Il a parlé d’un décès raisonnablement prévisible et il a dit que la personne devait approcher de la fin de sa vie. À bien y penser, nous sommes tous en train d’approcher de la fin de notre vie.
     Qu’est-ce qui empêche le gouvernement d’amender le projet de loi pour définir de façon élémentaire et sensée ce dont nous parlons? En principe, il faudrait utiliser le mot « terminal », parce que c’est la réalité que nous sous-entendons sans la nommer. Si nous ne la nommons pas, elle ne figure pas dans la loi.
    Pourrions-nous préciser un peu ce que tout cela signifie, concrètement?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue d’en face de cette question, mais je lui demanderais toutefois de choisir ses mots avec un peu plus de tact quand il discute d’une question aussi délicate.
    Comme je l’ai expliqué, j’ai eu l’occasion de consulter des médecins praticiens, des médecins influents, pour savoir s’ils considéraient que le projet de loi aiderait le gouvernement à agir en réponse à l’arrêt Carter.
     Mon sentiment global, à la suite de ces discussions, c’est que le corps médical accueille plutôt bien notre projet de loi. Bien sûr, certains n’y reconnaissent pas leur vision du monde, et c’est là qu’intervient la souplesse du projet de loi: nous voulons veiller à ce que les adultes qui endurent des souffrances intolérables aient accès à l’aide médicale à mourir, comme ils y ont droit, tout en reconnaissant aussi que les praticiens qui fourniront le service ont le droit d’agir selon leur conscience.
    Monsieur le Président, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt mon honorable collègue. Je pense que ce qui me trouble, dans le ton du débat, aujourd’hui, c’est que les conservateurs veulent donner l’impression que la grande croisade à entreprendre ici est de s’opposer à l’arrêt de la Cour suprême. L’arrêt de la Cour suprême est une décision qui constitue une obligation pour le Parlement. Je ne suis pas nécessairement heureux de la façon dont cette décision a été prise ou du fait qu’elle limite notre capacité de consulter les Canadiens, mais je suis parfaitement conscient que ce droit existe déjà. Il est déjà consacré par les tribunaux, et si le Parlement n’adopte pas de dispositions législatives claires pour fixer des limites précises, il y aura un vide juridique dès cet été, et les craintes que soulèvent mes collègues conservateurs pourraient devenir beaucoup plus réelles quand d’autres parties s’adresseront à la Cour suprême pour déplorer que le Parlement ne se soit pas acquitté de son devoir d’agir.
     Vu les contraintes que nous impose la Cour suprême, j’aimerais demander à mon collègue ce que sera, selon lui, la situation si le Parlement n’adopte pas ce projet de loi pour respecter l’échéance fixée par la Cour suprême et laisse ce vide juridique s’installer dans l’ensemble du pays.
    Monsieur le Président, la meilleure réponse que je puisse faire à mon collègue est d’expliquer les avis que m’ont donnés des gens des milieux médicaux, des gens qui s’occupent de personnes vulnérables et de tous ceux qui ont été eux-mêmes en contact avec des personnes en fin de vie.
     Tous m’ont fait comprendre que le Parlement devait adopter une loi caractérisée par la sollicitude et la compassion, qui soit intelligente et tienne compte du fait que la Cour suprême a déjà tranché la question, alors qu’il nous reste, à nous, à titre de législateurs, de parlementaires et de chefs de file dans nos milieux, à concevoir une loi qui réponde au mieux aux intérêts collectifs des Canadiens.
     Je ne peux pas préciser dans les détails ce qui risque de se passer, mais je sais, après avoir consulté ceux qui savent ce qui se passe lorsqu’il y a un vide juridique ou une lacune dans le domaine médical, que c’est une chose peu souhaitable au Canada.
    Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec le député de Durham.
     Il est important que les Canadiens comprennent que le projet de loi à l’étude n’est ni l’alpha, ni l’oméga des débats des Canadiens sur l’aide médicale à mourir. La Cour suprême a imposé ce travail législatif, par l’arrêt Carter, à des hommes et femmes politiques peu empressés, mais le débat couve, avec d’occasionnelles flambées, depuis des dizaines d’années dans les services de soins intensifs des hôpitaux, dans les cabinets de médecin, autour de la table familiale, au chevet d’êtres chers, et la question est abordée dans la chaire des prédicateurs et les retraites des congrès, et dans les facultés de médecine et de droit, et les philosophes théistes ou athées en parlent. Au plan tout à fait personnel, le débat se déroule aussi à l’intérieur de nous, dans notre esprit, que nous soyons malades ou en bonne santé.
    Si le projet de loi proposé n’est ni le début ni la fin de ce débat qui se poursuit sur l’aide médicale à mourir, où se situe-t-il? Où en sommes-nous au juste?
    D’abord, il crève les yeux que nous ne sommes pas rendus là où la Cour suprême voudrait que nous soyons. Le projet de loi à l’étude, qui sera facilement adopté à la Chambre et devrait l’être au Sénat également, n’est qu’une étape dans une démarche qui nous ramènera presque certainement très vite devant la Cour suprême.
     L’opposition officielle a choisi comme grande priorité d’obtenir des garanties propres à protéger les éléments les plus vulnérables de la société ainsi que la protection du droit des médecins et d’autres professionnels de la santé à agir ou à refuser d’agir selon leur conscience. Nous sommes heureux que le gouvernement ait accepté des recommandations formulées dans le rapport minoritaire des membres conservateurs du comité mixte spécial, qui demandaient l’exclusion des mineurs, des garanties rigoureuses pour protéger les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et la reconnaissance des risques que présentent les directives préalables. J’y reviens dans un moment. Malgré tout, le projet de loi suscite toujours des préoccupations.
     D’abord, un point qui a été et sera maintes fois soulevé par des collègues des deux côtés de la Chambre: l’absence de protection expresse pour la liberté de conscience, l’absence d’assurance que médecins et établissements pourront refuser d’accorder l’aide médicale à mourir. Ce refus ne devrait pas faire problème, car je ne crois pas qu’il risque d’y avoir pénurie de médecins disposés à aider les patients qui répondent aux critères pour obtenir cette aide.
     Il y a aussi des préoccupations, elles aussi exprimées par de nombreux collègues, au sujet de la nécessité de dispositions plus solides à l’égard de l’examen préalable, de la prise en compte des problèmes de santé sous-jacents et de l’effet de possibles troubles psychologiques sur la prise de décision du patient. J’estime que ces questions devraient être de nouveau étudiées à fond au comité.
    En outre, nombre de mes collègues ont exprimé l’inquiétude que leur inspire l’élargissement des instructions précises de la Cour suprême pour que l'aide médicale à mourir soit confiée à des médecins, mais aussi à des infirmières ou infirmiers praticiens. Nous savons que le gouvernement veut élargir la responsabilité pour couvrir les régions éloignées où des infirmiers praticiens qualifiés assurent maintenant de nombreux services qui étaient autrefois fournis par les médecins. Ici encore, je crois que le projet de loi doit être plus précis. Je crois fermement que de nombreuses infirmières et infirmiers praticiens sont qualifiés et compétents et disposés à intervenir, mais la loi devrait peut-être établir explicitement que les infirmières et infirmiers praticiens ne pourront intervenir qu’en dernier recours lorsqu’aucun médecin ne sera disponible.
    Je reconnais aussi les préoccupations et la résistance qu’éveille le caractère imprécis de certaines expressions utilisées dans le projet de loi C-14, par exemple « raisonnablement prévisible ». Personnellement, j’accepte cette imprécision parce que je sais que malgré tous ses progrès la médecine moderne n’est toujours pas en mesure de prédire avec exactitude le moment du dernier soupir ou du dernier battement de cœur. Cet aspect mérite certainement d’être examiné plus à fond en comité.
    Enfin, l’un des plus sérieux obstacles à l’acceptation du projet de loi C-14 par les Canadiens est le fait que le gouvernement n’a pas tenu sa promesse en matière de soins palliatifs — et j’irais même jusqu’à dire qu’il l’a brisée.
     Pendant la campagne électorale, les libéraux s’étaient engagés à investir 3 milliards de dollars dans le secteur des soins de longue durée, ce qui comprend les soins palliatifs. L’importance de l’accès aux soins palliatifs dans la prise de décisions concernant la fin de vie était l’un des rares points qui faisaient l’unanimité dans le rapport du comité spécial mixte.
(1715)
     Nous, les députés, nous pouvons bien nous empresser de respecter l’échéance du 6 juin fixée par la Cour suprême, mais le gouvernement a aussi un le devoir évident, l’obligation morale de déployer des efforts supplémentaires afin de remplir sans délai cette promesse et d’élargir l’accès à des soins palliatifs abordables et acceptables pour tous ceux qui, suivant leur conscience ou leur foi ou pour d’autres raisons décident de ne pas se prévaloir de leur droit au suicide assisté.
     Je crois fermement qu’il faut élargir le choix, tout comme le voulait, je crois, la Cour suprême dans l’arrêt Carter, pour les patients atteints des maladies spécifiques à l’origine de l’arrêt Carter: l'emprisonnement brutal causé par le stade final de la sténose du canal rachidien lombaire; l’étouffement caractéristique des derniers stades de la sclérose latérale amyotrophique; la douleur irrépressible du long stade final de la sclérose en plaques progressive.
    Pendant que j’y suis, je rappellerai ce que j’ai dit précédemment concernant la nécessité de reconnaître les risques liés aux directives préalables pour des maladies comme la maladie d’Alzheimer, la démence, et cetera. Cela dit, je crois que les directives préalables devront tôt ou tard être autorisées pour l'aide médicale à mourir.
     J’ai consulté de nombreuses personnes et de nombreux groupes dans ma circonscription, Thornhill , ces derniers mois et même auparavant. J’ai beaucoup de respect — le plus grand respect — pour les conseils et les interventions de divers groupes religieux, agences sociales et organisations médicales et pour leur souci de resserrer la protection des personnes les plus vulnérables.
     Ma décision personnelle, dont dépendra mon vote sur le projet de loi, est l’aboutissement de mes observations sur trois personnes et leur expérience. Lorsque j’étais journaliste, j’ai suivi de près la croisade judiciaire infructueuse de Sue Rodriguez, pendant que la sclérose latérale amyotrophique resserrait sur elle son emprise mortelle, et j’ai entendu la grande question qu’elle a adressée aux Canadiens: « Si je ne peux pas consentir à ma propre mort, à qui ce corps appartient-il? Qui possède ma vie? »
     Au cours des deux dernières législatures, je me suis beaucoup rapproché d’un autre Canadien sérieux et courageux, un collègue député, l’honorable Steven Fletcher, premier député quadriplégique au Canada, réélu trois fois et, le mois dernier, élu à l’assemblée législative du Manitoba. Après un accident qui a bouleversé sa vie, il y a 20 ans, il a refusé d’abandonner. Il a relevé avec succès des défis énormes.
     Pourtant, dans deux projets de loi d’initiative parlementaire présentés il y a deux ans, projets de loi que j’ai appuyés, ainsi que dans son témoignage au comité parlementaire, en janvier dernier, Steven a présenté un argumentaire puissant et convaincant en faveur d’une autodétermination qui permet à chacun, un jour, de prendre une décision finale. Selon lui, toute loi sur cette question doit se fonder sur la morale et l’éthique de la personne et il a insisté sur le fait que la personne ne doit faire l’objet d’aucune pression de la part de la société, de sa famille, de ses amis ou de l’établissement où elle se trouve.
     J’ai été aussi profondément influencé et convaincu par le décès terriblement difficile de mon beau-frère, Rik Davidson, un universitaire brillant atteint par la maladie d’Alzheimer. Si je devais recevoir un diagnostic semblable, je puis garantir à la Chambre que je rédigerais des directives préalables et que, dans la légalité ou non, elles seraient respectées.
    Enfin, moi qui ai survécu à un cancer, j’ai passé de longues heures à réfléchir, pendant les traitements et depuis, aux enjeux de ce débat sur le plan personnel. J’ai la chance d’avoir pu compter sur la médecine moderne, la foi et une femme et une famille qui m’ont admirablement soutenu, si bien que, pour l’instant, il n’y a plus de trace de la maladie, et je peux poursuivre avec bonheur mon aventure en politique à ce stade tardif de ma vie.
     Je suis honoré de pouvoir participer à ce débat pour appuyer l’adoption du projet de loi C-14, un élargissement éventuel de la portée de ses dispositions et une intervention gouvernementale immédiate visant à étendre les installations et services de soins palliatifs, car je suis farouchement convaincu que l’enjeu à l’étude se résume en fin de compte à ceci: le libre choix d’un adulte capable qui peut opter pour des soins palliatifs accessibles et abordables ou pour son droit constitutionnel à l’aide médicale à mourir.
(1720)
    Monsieur le Président, le député a parlé pendant son exposé du consentement anticipé ou des directives préalables en matière de soins. Je voudrais savoir comment, selon lui, les amendements au projet de loi pourraient tenir compte du décalage à ménager entre les directives et leur exécution.
    Comment le député considérerait-il des directives préalables établies à 20 ans, alors que la personne n’éprouvera des difficultés que 30, 40 ou 50 ans plus tard? À l’inverse, les directives peuvent être établies immédiatement après l’annonce d’un diagnostic. Comment le député envisage-t-il le décalage dans le temps, de façon qu’on puisse revoir la décision de la personne avant de passer à l’acte ultime?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de cette question très mûrement réfléchie, qui a du reste été maintes fois posée ces derniers mois, tandis qu’approchait la date butoir fixée par la Cour suprême. Il existe un grand nombre de comptes rendus rédigés par des malades atteints de la maladie d’Alzheimer, dotés de bonnes connaissances médicales et universitaires. Ils ont tenu un journal à partir du moment du diagnostic, décrivant la diminution constante de leurs capacités.
    Il existe un certain point, confirmé par un patient atteint de la maladie d’Alzheimer aux derniers stades, et je serais étonné s’il permettrait lui-même, bien qu’inconscient peut-être, d’aller jusqu’à la dernière étape. Le fardeau pour la famille, les amis et les établissements de soins est écrasant. Il est évident que la période de 15 jours ne marche pas, mais on peut se reporter à des comptes rendus très utiles. Un très beau journal personnel a paru il y a quelques mois dans le magazine du dimanche du New York Times. Il s’agissait d’une universitaire qui avait acheté des barbituriques par la poste du Mexique, barbituriques qu’elle préparerait quand elle comprendrait qu’elle en est aux derniers stades où elle peut contrôler pleinement sa vie et son état.
     Les médecins et les experts en ce domaine pourraient répondre à la question du député.
(1725)
    Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de Thornhill de nous avoir fait part de ses opinions réfléchies et de ses histoires personnelles ayant trait au projet de loi.
    Dans son discours, il a mentionné qu'il ne croyait pas que le projet de loi se conformait au jugement de la Cour suprême. Pourrait-il dire à la Chambre pourquoi il pense que le projet de loi n'est pas conforme à l'arrêt Carter?
    Monsieur le Président, la réalité est que le projet de loi C-14 n'aiderait pas les trois parties concernées par l'arrêt Carter. J'ai mentionné trois états de santé: la sténose du canal rachidien lombaire, la SLA et la sclérose en plaques. Ces trois états de santé nécessiteraient d'autres dispositions législatives. Voilà pourquoi je crois que la Cour suprême étudiera de nouveau la loi en vue d'ordonner l'élargissement de la portée des dispositions.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son discours.
    Je me demandais ce qu'il pensait du choix du gouvernement d'utiliser une définition différente de ce qui était énoncé dans l'arrêt de la cause Carter. Dans cet arrêt, on parlait de problèmes de santé graves et irrémédiables. En sachant très bien ce qui était écrit dans l'arrêt de la Cour suprême, le gouvernement a décidé d'utiliser une autre définition.
    Que pense mon collègue de l'incertitude que cela peut créer non seulement dans le domaine juridique, mais surtout dans le domaine de la santé?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.

[Traduction]

    Je crois que la réponse a à voir avec la politique. Comme nous l'avons vu dans les dernières semaines et les derniers mois, le gouvernement libéral hésite à prendre des décisions difficiles. Il essaie de plaire à tout le monde dans chaque dossier en ayant recours à la procrastination et en évitant de prendre les décisions difficiles qui s'imposent. Je crois que nous avons ici un autre cas, qui s'ajoute aux dossiers des pipelines, des missions militaires à l'étranger et de l'environnement. Cependant, dans le cas présent, cette aversion au risque a en gros forcé le gouvernement à présenter un projet de loi, comme je l'ai dit, qui ne va pas dans la direction que la Cour suprême nous a ordonné de suivre.
    Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je tiens à remercier mon collègue le député de Thornhill, qui a livré un discours très réfléchi à la Chambre.
    Le débat sur le projet de loi C-14 est un exemple des moments où la Chambre des communes peut donner sa pleine mesure. Les Canadiens ne nous ont pas envoyés ici pour que nous nous entendions à l'unanimité sur les enjeux de l'heure. Nous sommes ici pour représenter nos circonscriptions respectives et nos concitoyens qui nous ont envoyés à Ottawa. Nous appartenons à des partis politiques. Les rôles varient d'un chef à l'autre. Toutefois, en tant que Canadiens, nous mettons en commun nos expériences et nos points de vue à la Chambre des communes.
    À l'occasion, des députés font part de leur expérience personnelle à la Chambre. Aujourd'hui, dans le cadre du débat sur l'enjeu difficile traité dans le projet de loi C-14, j'ai entendu le point de vue de mon collègue, qui nous a aussi parlé de son expérience personnelle auprès d'un membre de sa famille et de ce qu'il a vécu en tant que journaliste lors de l'affaire Rodriguez, dans les années 1990. Il nous a dit que ces expériences l'avaient amené à prendre position sur l'aide médicale à mourir ou l'euthanasie. Les députés devraient accueillir favorablement les interventions de ce genre.
    Il est regrettable que tous les députés ne soient pas présents à la Chambre à l'occasion d'un débat d'une telle importance. Même si nous sommes extrêmement occupés, il demeure très pertinent de connaître le point de vue de nos collègues de la Chambre. Les Canadiens ne nous ont pas élus pour représenter d'autres intérêts que les leurs ou pour mener des sondages. Ils nous ont chargés d'examiner les projets de loi de façon judicieuse, à la lumière de notre expérience, de notre éducation et de nos antécédents. C'est ce que de nombreux députés ont fait aujourd'hui et je les en félicite.
    J'ai examiné le projet de loi C-14 et j'avoue avoir trouvé l'exercice éprouvant. Il va sans dire que cette question suscite des pour et des contre et des positions peut-être encore plus complexes. Quoi qu'il en soit, les partisans comme les opposants à cette mesure font preuve d'une véritable compassion, ce qu'on oublie souvent dans ce débat. Si je dis qu'il s'agit d'un de ces moments où la Chambre des communes peut donner sa pleine mesure, c'est parce que la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il incombe au Parlement de préciser la loi concernant l'euthanasie, de façon réfléchie et conforme à l'arrêt Carter. Nous ne devrions pas craindre de tenir un débat de cette importance à la Chambre des communes. Nous devrions y prendre part activement et exprimer notre point de vue, à l'instar de mon collègue de Thornhill.
    J'ai examiné le projet de loi C-14, non seulement à titre de député, mais aussi en ma qualité d'avocat. J'ai passé en revue la jurisprudence des quelque 20 dernières années. Je l'ai aussi étudiée en tant que père de deux enfants, en tant qu'époux — je sais que ma femme nous regarde aujourd'hui — et en tant que fils d'une femme forte qui est morte du cancer quand j'avais neuf ans. Les souvenirs les plus marquants que j'ai de ma mère Mollie datent de l'époque où sa maladie avait atteint la phase palliative. Bien entendu, tous ces facteurs pris ensemble expliquent mon point de vue sur le projet de loi C-14 et sur ce que j'estime être la position du gouvernement par rapport à l'affaire Carter.
     Toutefois, je voudrais profiter de mon intervention aujourd'hui pour exprimer certaines de mes réserves quant au projet de loi. Je commencerai par une citation du juge Sopinka de la Cour suprême du Canada:
    Indépendamment des opinions personnelles de chacun sur la question de savoir si les distinctions établies entre, d'une part, la cessation de traitement et les soins palliatifs et, d'autre part, l'aide au suicide sont en pratique convaincantes, le fait demeure qu'elles sont maintenues et peuvent être défendues de façon persuasive.
    Dans l'arrêt Rodriguez, en 1993, la Cour suprême a eu du mal à définir le rôle de l'État en fin de vie pour ce qui est de l'euthanasie ou de l'aide médicale à mourir. Le rôle de l'État devait-il être passif — et se limiter ainsi aux soins palliatifs, aux mesures d'aide et de réconfort et au soulagement de la douleur —, ou plutôt actif?
    Le juge Sopinka, qui faisait partie des juges majoritaires en 1993, a dit que la ligne de démarcation entre le rôle passif et le rôle actif de l'État pouvait être défendue de façon persuasive. La Cour s'est exprimée en ces termes. Les Canadiens se souviennent, tout comme l'a rappelé le député de Thornhill, des tragiques circonstances vécues par Mme Rodriguez ainsi que de ses arguments convaincants. Le projet de loi C-14 porte sur le rôle de l'État. Il ne s'agit pas uniquement de suicide. C'est la raison pour laquelle il faut adopter une mesure législative qui soit conforme à l'arrêt Carter, mais qui ait aussi l'aval des Canadiens et qui puisse être défendue de façon persuasive.
(1730)
    Ma deuxième citation est tirée du paragraphe 117 de l'arrêt Carter. La Cour y explique pourquoi elle trouve convaincants les arguments de la juge de première instance.
    Nous sommes d’accord avec elle pour dire qu’un système de garanties soigneusement conçu et surveillé peut limiter les risques associés à l’aide médicale à mourir.
    Au paragraphe 120, elle dit:
    Nous ne devons pas supposer à la légère qu’un tel régime fonctionnera mal [...]
    La Cour suprême a ainsi permis au Parlement d'instaurer un régime de réglementation efficace. Les deux arrêts, celui du juge Sopinka et l'arrêt Carter rendu récemment à l'unanimité, soulignent qu'il faut absolument protéger les personnes vulnérables qui ne sont pas en mesure de prendre une décision. Cet aspect ressort clairement des deux arrêts. J'estime donc que le projet de loi C-14 ne fonctionne pas à cause de cet aspect fondamental, parce qu'il aurait fallu instaurer un régime réglementaire à toute épreuve et parce que le projet de loi risque de provoquer des dérapages. Voilà pourquoi je ne l'appuie pas.
    Dans l'arrêt Carter, la Cour a affirmé qu'elle n'était pas liée par sa décision de rejeter l'euthanasie dans l'arrêt Rodriguez, et qu'elle a étudié la question à la lumière de récentes décisions fondées sur la Charte. Cependant, elle veut que le Parlement mette en place un système pour protéger les personnes vulnérables dans la prise de leur décision, c'est-à-dire les personnes frappées d'un terrible diagnostic et dont la maladie leur fait subir une telle pression qu'ils en viennent à vouloir mettre fin à leurs jours avec l'aide de l'État. Les deux tribunaux ont reconnu que ce sont des Canadiens vulnérables qui doivent être protégés. Ce qui me préoccupe, c'est que le projet de loi dont la Chambre est saisie ne permettrait pas de le faire.
    Si on se penche sur l'excellent travail réalisé par les membres du comité multipartite, notamment sur ses recommandations à l'égard des mesures du projet de loi C-14 dont nous sommes saisis, on remarque que le projet de loi reflète davantage le travail que l'opposition conservatrice a réalisé au sein de ce comité. Cependant, il donne certainement une idée de ce que pourrait devenir le régime d'aide à mourir. Il pourrait à l'avenir inclure les mineurs matures et les personnes atteintes d'une maladie mentale, car cela faisait partie des recommandations du comité multipartite.
    Ayant représenté les anciens combattants pendant des années avant de me joindre au Parlement, et ayant déjà eu le privilège d'occuper la fonction de ministre des Anciens Combattants, j'ai rencontré des dizaines d'anciens combattants qui auraient fait partie des personnes vulnérables dans la prise de leur décision lorsqu'elles souffraient de dépression, de trouble de stress post-traumatique ou d'un autre trouble lié au stress opérationnel, mais qui mènent désormais une vie productive en tant que mère ou père de famille. Certains ont repris leurs fonctions militaires. Bon nombre d'entre eux représentent et soutiennent d'autres anciens combattants.
     Je suis donc préoccupé à l'idée de mettre en place un régime qui pourrait s'engager dans cette voie. Je sais que le projet de loi C-14 ne contient pas de telles dispositions. Cependant, le risque de dérapage souligné par le juge Sopinka et la juge McLachlin indique que c'est le genre de situation à laquelle on pourrait s'attendre dans quelques années. Bien que la Chambre des communes soit bien intentionnée, je considère que, compte tenu de l'impossibilité de mettre en place un régime de réglementation adapté à toutes les situations, le projet de loi C-14 ne permet pas d'établir les balises nécessaires de façon claire et convaincante.
    Je rappellerai également que la famille Carter s'est elle-même dite préoccupée par le projet de loi C-14. Cependant, dans le discours réfléchi qu'elle a prononcé en cette enceinte et que j'ai beaucoup aimé, la ministre de la Justice a laissé entendre que les demandes des deux appelantes en ce qui concerne l'aide médicale à mourir auraient été prévues dans le projet de loi C-14. Ce n'est pas ce que pense la famille. La ministre a dû parler d'un état qui peut conduire à une mort « raisonnablement prévisible ». Par conséquent, même la distinction entre la demanderesse nommée dans le cas en question, la position des membres de la famille et les personnes qui les ont défendus va à l'encontre du projet de loi C-14 et de la position de la ministre.
(1735)
    Si quelque chose montre qu'il y a déjà un dérapage dangereux et qu'il est très difficile d'élaborer un cadre, je crains que cette mesure législative ait été faite à la hâte et qu'elle ne protège pas les personnes vulnérables dans la prise de leur décision.
    Le projet de loi C-14 pourrait-il être amélioré ou le Parlement pourrait-il, s'il avait plus de temps, se pencher sur cette question soulevée dans l'affaire Carter? Après avoir soupesé tous les enjeux et, je le répète, en tâchant de m'appuyer sur ma propre expérience, comme tout le monde le fait ici, je ne crois pas que le projet de loi C-14 assure cette protection. Je continue de penser que la ligne de démarcation tracée dans l'arrêt Sopinka et brillamment défendue ne se retrouve pas dans le projet de loi C-14. En outre, le projet de loi ne répond pas non plus à de nombreuses préoccupations concernant le dérapage soulevées par la Cour suprême.
    Je me réjouis néanmoins que les gens se soient exprimés sur cette question cruciale. Le Parlement ne devrait pas craindre les débats importants. Les députés devraient avoir ici une attitude respectueuse et pondérée.
(1740)
    Madame la Présidente, mis à part le fait que les délais sont serrés en raison de l'inaction du gouvernement précédent et que la Cour suprême a déjà accordé un sursis, ce qui m'inquiète est l'idée selon laquelle les personnes souffrant de troubles psychiatriques — je crois qu'on a évoqué le trouble de stress post-traumatique — seraient en mesure de se prévaloir beaucoup trop facilement de l'aide médicale à mourir.
    Le député n'a-t-il pas réfléchi aux dispositions qui exigent que la personne qui demande l'aide à mourir fasse l'objet d'un examen psychiatrique de la part d'un médecin ou du personnel médical? Ces précautions, qui sont basées sur l'état psychologique du patient au moment de la demande, ne permettraient-elles pas de prévenir un événement fâcheux?
    Ces précautions ne sont-elles pas suffisantes pour éviter qu'une erreur soit commise? Sinon, ne pourrait-on pas les renforcer à l'étape de l'étude en comité?
    Madame la Présidente, compte tenu de la façon dont le député présente les choses, et puisqu'il laisse entendre que des erreurs peuvent être commises, il montre en quelque sorte qu'il sera très difficile pour le Parlement, les responsables d'un régime réglementaire ou les personnes qui pratiquent ces professions d'établir la certitude nécessaire. En fait, l'une de mes principales inquiétudes en ce qui concerne le projet de loi C-14, c'est qu'essentiellement, il renvoie la question aux tribunaux, car il s'appuie sur le concept de prévisibilité raisonnable, qui est en quelque sorte le pivot de la common law.
    Prenons par exemple un ancien combattant qui est atteint d'un trouble de stress post-traumatique. La mort de cette personne n'est pas raisonnablement prévisible si on intervient correctement. J'ai discuté avec des militaires, qu'il s'agisse de simples soldats ou de hauts gradés. Comme le disait Winston Churchill, lorsque le chien noir s'attaque à une personne, celle-ci pense qu'elle n'a qu'une seule solution, soit s'enlever la vie. Cela dit, j'ai rencontré d'anciens combattants qui aident maintenant des dizaines d'autres anciens combattants, car ils ont retrouvé la santé; ils ont participé à divers programmes et ont décidé d'aller chercher de l'aide au lieu de commettre l'irréparable.
    Le simple fait que le comité spécial intègre les troubles mentaux au cadre relatif à l'euthanasie, alors que bon nombre de ces troubles peuvent être traités, montre à quel point il sera difficile d'établir un juste équilibre.
    Madame la Présidente, je tiens à souligner qu'il y a eu des discussions ici au sujet de la souffrance psychologique. Le projet de loi inclut très clairement les souffrances psychologiques parmi les critères et le paragraphe 241.2(2) parle de souffrances physiques ou psychologiques comme étant un critère. Le député illustre, avec raison, comment ces dispositions pourraient créer un environnement plus permissif pour le suicide de manière plus générale. Nous avons entendu ses préoccupations au sujet des anciens combattants. Le député de Winnipeg-Centre a parlé avec beaucoup d'éloquence de l'effet d'une partie de cela sur la communauté autochtone.
    Le député serait-il d'accord avec moi pour dire que nous devrions simplement supprimer la mention de souffrances psychologiques du projet de loi? Ce serait plus net et plus clair si nous parlions précisément des souffrances physiques et cela ne créerait pas ces problèmes soulevés par le député ainsi que par d'autres.
    Madame la Présidente, j'aimerais remercier mon savant collègue qui a fourni beaucoup de points de vue dans ce dossier. Le problème dont il parle relativement au projet de loi C-14 doit être réglé au comité ou immédiatement, car c'est la preuve que, déjà, le projet de loi et le cadre sont défectueux.
    Si je reviens à mes observations précédentes, la situation est difficile. En tant que parlementaires, nous sommes aux prises avec un sentiment de compassion pour les deux parties. Le député de Thornhill et moi, qui avons partagé notre temps de parole, sommes en désaccord sur les lacunes du projet de loi C-14, ce qui prouve la gravité de la décision, l'importance de tenir le présent débat, et l'importance pour les députés d'être présents et de faire part de leur opinion personnelle à l'égard des préoccupations des deux parties.
(1745)
    La période de cinq heures pour cette partie du débat est terminée. Nous passons maintenant aux interventions de 10 minutes, suivies de périodes de questions et observations de cinq minutes.
     Nous reprenons le débat avec le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale.
    Madame la Présidente, je trouve passablement encourageants les propos et les échanges qu'ont tenus les deux derniers intervenants. C'est la preuve que c'est un sujet qui suscite d'importantes discussions au sein des partis. Je tiens pour un fait que c'est le cas dans nos rangs.
    J'avoue avoir beaucoup de difficulté à mettre de l'ordre dans mes pensées, car il s'agit d'une question qui va au plus profond de nos croyances, de nos valeurs et de ce que nous avons vécu. Pour dire vrai, certaines de ces croyances ou de ces valeurs sont inconciliables avec certains aspects de cette question.
    Tout d'abord, je profite de l'occasion pour féliciter le gouvernement de sa décision de permettre le vote libre, une chose particulièrement importante pour les députés de ce côté-ci de la Chambre. Dans un débat comme celui-ci, il est primordial que les députés se sentent libres de dire ce qu'ils veulent, comme il est important, autant que faire se peut, de retenir les flèches à saveur partisane que les députés de la Chambre ont l'habitude de se lancer. Le fait qu'il s'agisse d'un débat libre et d'un vote libre donne encore plus de valeur au vote. Après tout, il est essentiel que nous traduisions la position des Canadiens en la matière. Ce sont eux qui nous ont placés ici, et c'est de leur opinion que nous devons rendre compte.
    Dans le dialogue constant entre le Parlement et la cour, il est important qu'il y ait un certain respect pour les deux institutions, qui sont aussi essentielles l'une que l'autre à nos libertés et à notre démocratie. Je pense que le fait que le vote soit libre donnera plus de poids à l'avis du Parlement sur le projet de loi C-14.
    Certains ont dit aujourd'hui que cette décision découle de l'arrêt Carter et, en effet, le projet de loi C-14, dont nous sommes saisis, est une réponse à cette décision. Toutefois, je dirais que le débat avait commencé bien avant l'arrêt Carter, il y a au moins plusieurs décennies, à mesure que le Canada se détachait de son héritage judéo-chrétien.
    Le sixième commandement dit simplement: « Tu ne tueras point. » D'une manière ou d'une autre, il forme la base de notre législation et de notre jurisprudence depuis 4 000 ans. En termes religieux et séculaires, c'est la doctrine du caractère sacré de la vie.
    La dernière fois que la Cour suprême s'est penchée sur cette question, comme on l'a maintes fois mentionné, c'est dans l'arrêt Rodriguez. À l'époque, le juge Sopinka a parlé pour la majorité lorsqu'il a dit: « Cet argument est axé sur la croyance généralement véhiculée et profondément enracinée dans notre société que la vie humaine est sacrée ou inviolable. »
    Il cite ensuite l'article 7 de la Charte et déclare qu'il trouve sa source dans « le respect profond de la valeur de la vie humaine », qui est le droit à la vie auquel il ne peut être porté atteinte qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
    Mon propre point de vue, honnêtement, est parallèle à celui du juge Sopinka, et il explique en partie pourquoi je m'oppose à la peine capitale. Si je suis contre, c'est qu'il nous arrive souvent de nous tromper. De même, je suis pro-vie et conscient du fait que, à ce titre, je fais partie de la minorité. J'essaie d'être, de ma propre façon philosophique, aussi cohérent que possible.
    Qu'est-il arrivé pour que les juges fassent volte-face et désavouent leur propre décision? Je sais que certains diront que la Charte est en constante évolution, mais cela reste tout de même un changement de position très important, et même un désaveu de leur décision antérieure, au cours d'une période de moins de 25 ans.
    Selon moi, c'est la rapidité avec laquelle les Canadiens ont désavoué leur héritage judéo-chrétien sur le caractère sacré de la vie pour le remplacer par le critère de la fonctionnalité de la vie. Pour avoir un sens, la vie doit être fonctionnelle. La vie pour la vie, à plus forte raison celle qui est créée à l'image de Dieu, ne respecte pas le critère de la fonctionnalité.
(1750)
    Je comprends que nous sommes tous profondément touchés par les images de personnes qui éprouvent de grandes souffrances. Comme l'intervenant précédent l'a affirmé, il y a de la compassion des deux côtés de la question.
    J'espère que le gouvernement a vraiment l'intention de faire ce qu'il dit dans le préambule:
que le gouvernement du Canada s’est engagé à élaborer des mesures non législatives visant à soutenir l’amélioration d’une gamme complète d’options de soins de fin de vie, à respecter les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé et à explorer d’autres situations — chacune ayant des incidences qui lui sont propres [...]
    Je serais désolé d'apprendre que ce n'était que des mots, mais je suis porté à croire que le financement prévu servira à aider les personnes en fin de vie qui ont peu de solutions de rechange, voire aucune. Je pense qu'avec le vieillissement de la société, la question deviendra de plus en plus pressante.
    Cependant, les représentants des populations vulnérables ont aussi soulevé des préoccupations, lesquelles sont légitimes.
    Les pays qui ont choisi de légaliser le suicide assisté affichent un bilan plutôt mitigé, bien franchement. Une fois que la pratique est institutionnalisée, il semble y avoir une pression à la hausse sur le nombre de catégories et de cas qui dépassent même les interprétations les plus généreuses de la loi. Ces pressions à la hausse sont parfaitement compréhensibles. Il est certain que ceux qui placent l'autonomie individuelle au-dessus de toutes les autres valeurs contesteront cette loi. C'est une certitude.
    Cependant, si l'on envisage d'étendre les catégories d'aide, il y a lieu de craindre pour ceux qui sont incapables de s'exprimer ou pour lesquels l'acte de consentir est, au mieux, problématique. J'ai l'air de brandir la menace de la pente savonneuse, car c'est exactement le sens de mon argument.
    Il ne fait aucun doute qu'il y aura une contestation judiciaire, quel que soit le projet de loi présenté par le gouvernement du Canada et le vote du Parlement, ce qui explique peut-être la réticence à agir du gouvernement précédent.
    Bien que j'appuie le projet de loi C-14 parce qu'il me semble être la meilleure solution possible dans les circonstances et bien que j'aie l'intention de voter pour, j'aurais aimé qu'il comprenne deux autres mesures.
    Premièrement, j'aurais aimé que l'on prévoie des comités multidisciplinaires plutôt que l'approche actuelle. En Ontario, les décisions concernant l'aptitude d'un patient à consentir à un traitement sont prises par un comité formé d'un médecin, un avocat et une autre personne.
    Il m'apparaît évident que si les professionnels de la santé ont l'entière responsabilité du processus, les préoccupations médicales se retrouveront au premier plan et on négligera les questions relatives aux procédures, au consentement et à l'éthique, qui relèvent des avocats, des spécialistes de l'éthique et d'autres professionnels.
    Puisqu'il faut un groupe de professionnels de divers horizons pour évaluer la capacité mentale d'une personne de consentir à un traitement, une décision réversible, on devrait avoir pour norme de faire appel à un groupe de trois professionnels de divers horizons lorsqu'il s'agit d'une décision irréversible. Ainsi, on réduirait grandement le risque que certains se mettent à la recherche d'un médecin favorable à leurs demandes. On aurait aussi plus d'uniformité dans l'ensemble du pays.
    La deuxième mesure porte sur les objections de conscience. Certains ont souligné qu'aucun professionnel de la santé ne serait forcé de participer à ces soins, ce qui est peut-être vrai. Pourquoi ne pas le dire clairement et explicitement dans le projet de loi?
    Finalement, certains ont soutenu que les groupes religieux ne devraient pas avoir le droit de commenter ce projet de loi. Rappelons que les rabbins, les imams, les pasteurs, les prêtres, les religieuses, et ainsi de suite, ont été au chevet de millions de personnes au moment de leur décès. Ils ont tout à fait le droit d'exprimer leur opinion, une opinion forgée par des milliers d'années d'expérience.
(1755)
    En terminant, j'aimerais citer Jean Vanier, mais le temps me manque. Je suis certain que vous voudrez entendre cette citation dans les réponses aux questions, madame la Présidente.
    Madame la Présidente, le député a formulé des observations très judicieuses. Je suis d'accord avec lui sur de nombreux points concernant la nécessité d'améliorer le projet de loi C-14, la surveillance du groupe d'experts, les protections relatives à la liberté de conscience, etc.
    Ma question porte sur la profession juridique. Comme je ne suis pas avocat, je vais la poser au député, qui lui, est avocat. Il a indiqué que dans l'arrêt Rodriguez, en 1993, la Cour suprême a décidé que le bien commun était plus important que le soulagement des souffrances d'une seule personne. Cette décision a été confirmée dans l'affaire Latimer, en 1997.
    Je me demande si le député pourrait nous dire ce qui a changé sur le plan législatif, selon lui, et qui a contribué à ce que la Cour suprême revienne sur sa position sur une question fondamentale, alors que de mon point de vue, rien n'a changé dans les lois.
    J'aimerais beaucoup, s'il en a le temps, qu'il cite les paroles de Vanier.
    Madame la Présidente, je doute que les lois aient changé à ce point. Je crois cependant que les conditions sociales ont évolué, et que les valeurs sont en train de changer: la conception de la vie axée sur la communauté devient axée sur l'autonomie personnelle. Cette conception est exprimée par Jean Vanier, philosophe, théologien, humaniste, fondateur de l'Arche et ancien officier de la Marine royale canadienne, qui a déclaré:
    Une société qui écarte les non-productifs et les faibles risque de surdévelopper la raison, l'organisation, l'agressivité et le sentiment de domination. Elle devient une société sans coeur ni gratuité, une société rationnelle et triste, sans célébration, vouée aux divisions internes, à la compétition, à la rivalité et, finalement, à la violence.
    Je crois que nous n'en sommes pas encore là, mais honnêtement, ce sont là des préoccupations qui ont été exprimées et dont il vaut la peine de tenir compte.
    Madame la Présidente, les néo-démocrates ne sont pas certains que la mesure législative à l'étude ait atteint l'équilibre recherché.
    La démarche que nous avons entreprise nous a été imposée par la Cour suprême du Canada, qui a établi une série de règles auxquelles nous devons donner suite. Fort bien, mais une question demeure: où sont les normes régissant les soins palliatifs au Canada?
    Beaucoup de choses relèvent des provinces, mais le gouvernement fédéral joue un rôle important dans la prestation des soins de santé, sans compter qu'il doit assumer d'importantes responsabilités à l'égard des aspects qui sont de son ressort. Or, jusqu'ici, le gouvernement est demeuré les bras croisés.
    À la dernière législature, le Parlement a adopté une motion proposant une stratégie nationale de soins palliatifs, mais il n'y avait rien à ce sujet dans le budget du gouvernement. Et même s'il semble profiter du débat sur l'aide médicale à mourir pour promettre des sommes faramineuses, nous avons encore les mains vides.
    La Chambre sera bientôt saisie de la motion M-46, qui porte sur l'établissement d'une stratégie nationale cohérente en matière de soins palliatifs et l'amélioration des prestations de l'assurance-emploi pour les aidants afin d'offrir un soutien aux familles. Elle demandera en outre au gouvernement fédéral d'établir des normes relevant de sa compétence.
    J'aimerais que mon collègue nous dise quel rôle il voit le Parlement jouer dans ce débat d'une grande importance.
    Madame la Présidente, je remercie mon collègue de son travail auprès des habitants d'Attawapiskat au cours des derniers mois.
    Il présente la question d'une façon très particulière. Nous sommes un peu coincés. Nous ne disposons que d'un court délai pour faire adopter un projet de loi qui a une incidence sur le Code criminel.
    Lorsque la ministre de la Santé a répondu à une question semblable plus tôt pendant la période des questions, elle a affirmé qu'elle était fermement résolue à présenter une stratégie de soins palliatifs. Je suis disposé à la croire sur parole. Comme je la connais personnellement, que je connais ses antécédents personnels et que je la sais intègre, je suis tout à fait disposé à croire qu'elle demandera des fonds pour financer cette stratégie.
    Je crois que le député a soulevé une question légitime, et nous serions tous beaucoup plus à l'aise de débattre du projet de loi dans le contexte d'une stratégie de soins palliatifs déjà présentée.
(1800)
    Madame la Présidente, le Canada est un État laïc, mais il n'est pas immoral toutefois. Notre moralité est définie par notre ensemble de valeurs, qui favorisent le pluralisme, et notre liberté d'expression permet à la société civile d'examiner et d'établir ce que nous considérons comme étant bien et ce que nous considérons comme étant mal.
    Les lois et les politiques établies par les parlementaires ont également pour effet de façonner les normes sociales. Je demande donc à mes collègues, alors que nous examinons le projet de loi, d'assumer la responsabilité qui nous incombe, en tant que parlementaires, pour ce qui est de définir la moralité de notre pays. Il s'agit d'un lien sacré entre nous et les Canadiens que nous représentons.
    La Charte canadienne des droits et libertés garantit certains droits politiques aux citoyens canadiens et les droits civils de tous les habitants du Canada par rapport aux politiques et aux actes de tous les ordres de gouvernement. Elle a également pour effet d'élargir considérablement le champ de compétence de l'examen judiciaire au Canada.
    La décision de la Cour suprême du Canada visant l'aide médicale à mourir, ou l’arrêt Carter, est au cœur de la moralité de notre pays parce qu'elle traite du caractère sacré de la vie humaine et de la meilleure façon dont nous devrions en assurer le respect. L'arrêt impose au Parlement la responsabilité d'établir un nouveau cadre législatif pour aborder la question de l'aide médicale à mourir en fonction de la portée de la décision. Il oblige aussi les Canadiens à participer activement à l'un des débats nationaux les plus transformateurs depuis une génération.
    Lors de son intervention sur le projet de loi, la ministre de la Justice a dit ceci:
    D'entrée de jeu, la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter nous fait comprendre qu'il n'est plus question de déterminer si l'aide médicale à mourir doit être offerte, mais plutôt de définir la façon dont elle le sera.
    Je ne suis pas d'accord.
    Le débat que nous avons à la Chambre porte sur la façon dont nous devons répondre à l'arrêt Carter, et pas simplement sur la façon dont l'aide médicale à mourir doit être offerte. C'est pertinent parce que cet arrêt ne nous permet pas de renoncer à notre responsabilité de déterminer si de l'aide médicale à mourir devrait être offerte ou dans quel contexte elle devrait être autorisée.
    Que les choses soient claires: en présentant ce projet de loi, le gouvernement a choisi de donner suite à l'arrêt Carter en permettant à l'aide médicale à mourir d'être offerte dans le contexte qui y est défini. Il aurait pu répondre à la décision de nombreuses façons, y compris en invoquant la disposition de dérogation de la Charte.
     J’ai plusieurs raisons de m’inquiéter de l’approche adoptée par le gouvernement à l’égard de l'arrêt Carter, mais l’élément le plus troublant pour moi, c’est que sa réponse semble se baser pour une bonne part sur la perception que la Cour suprême a forcé le Parlement à établir un cadre pour l’aide médicale à mourir.
    Dans cette affaire très préoccupante et délicate pour tous les Canadiens, quel que soit leur point de vue, cette explication ne suffit pas pour préciser les intentions du gouvernement quant à la façon d’aborder les questions plus générales liées à l’aide médicale à mourir.
    Cela ne constitue pas seulement une accusation portée contre le gouvernement. C’est aussi une invitation à la réflexion pour tous. Même si l'arrêt Carter a été rendu il y a plus d’un an, nos plates-formes politiques et nos débats nationaux n’ont pratiquement pas abordé cette affaire au cours de la dernière campagne électorale fédérale.
     Les groupes d'étude et les comités parlementaires ont fait un travail remarquable dans un très court laps de temps, alors qu’une mesure législative semblable a mis près de six ans pour aboutir au Québec, entre la consultation publique et l’adoption du projet de loi. Même après cette période, l’Assemblée nationale du Québec était encore divisée.
     Il y a des aspects que le gouvernement a abordés dans le contexte de l'arrêt Carter sur lesquels, à mon avis, les Canadiens ne nous ont pas clairement donné le mandat de légiférer.
     Je crois aussi que le projet de loi, dans sa forme actuelle, laissera les assemblées législatives provinciales et les associations médicales se débattre avec des questions législatives non réglées, ce qui mènera à un ensemble incohérent de mesures et de processus dans ce domaine.
     Je sais que le gouvernement doit répondre à l'arrêt Carter dans un délai prescrit, mais je m’inquiète du fait qu’il n’a pas clairement défini sa position préliminaire sur de nombreuses questions soulevées dans le rapport du comité conjoint et semble s’être résigné à affronter de futures contestations en vertu de la Charte.
     Dans ce contexte, j’exhorte respectueusement mes collègues et le gouvernement à concentrer leur attention sur notre responsabilité, comme parlementaires, de répondre à l'arrêt Carter avec fermeté et clarté et de faire ce qui suit.
     Premièrement, faire passer la fréquence de l’examen parlementaire de cette mesure législative de cinq à deux ans après son entrée en vigueur, et élaborer une stratégie visant à faire participer un vaste éventail de Canadiens à la discussion.
     Cela encouragerait les parlementaires et notre électorat à engager une discussion éclairée sur les meilleurs moyens de dispenser des soins de fin de vie et de soulager la souffrance des Canadiens, dans l’espoir d’amener davantage de citoyens à réfléchir aux questions soulevées dans le rapport du comité conjoint, sur lesquelles nous n’avons pas clairement le mandat de légiférer et qui dépassent la portée de l'arrêt Carter. Cet examen anticipé permettrait aussi au Parlement d’évaluer l’efficacité des mesures de sauvegarde proposées par le gouvernement. L’examen de la loi devrait également se faire sur une base régulière, et non une seule fois. Un rapport annuel au Parlement sur la réponse du gouvernement à l'arrêt Carter serait également utile.
     Deuxièmement, le gouvernement a signalé qu’il était nécessaire d’étudier les questions liées à l’utilisation de directives préalables relatives à l’aide médicale à mourir, à la disponibilité de cette aide pour les mineurs matures et à la définition des conditions dans lesquelles l’aide médicale à mourir serait disponible à l’avenir au-delà de la portée de l'arrêt Carter.
(1805)
     Jusqu’ici, le gouvernement n’a pas décrit le cadre, le calendrier ou la portée de ces études. Il faudrait immédiatement remédier à cette lacune avec l’apport, nous l’espérons, d’un vaste éventail de représentants de la communauté. De plus, le gouvernement devrait s’engager à soumettre à l’électorat les politiques retenues avant de les mettre en œuvre.
     Troisièmement, le projet de loi ne dit rien de la liberté de conscience des médecins et des établissements religieux de soins quant à l’obligation d’accorder une aide médicale à mourir. Ce faisant, nous obligeons les assemblées législatives provinciales et les associations médicales à trancher la question. En s’abstenant d’aborder cette question, le gouvernement se décharge de sa responsabilité envers l’électorat puisque l'arrêt Carter met en évidence la nécessité pour le Parlement de respecter les droits garantis par la Charte tant des patients qui souhaitent obtenir une aide médicale à mourir que des fournisseurs de services de santé qui soulèvent des objections de conscience. Je m’inquiète aussi de la sélection d’un comité d’approbation, par opposition à la façon dont le projet de loi prévoit la sélection.
    Quatrièmement, je m’inquiète de voir que la réponse du gouvernement à l'arrêt Carter se limite à ce projet de loi, laissant de côté un important élément de cet arrêt. Dans sa conclusion, la Cour se fonde sur l’hypothèse qu’un cadre législatif autorisant l’aide médicale à mourir garantirait que les médecins informeraient adéquatement leurs patients du diagnostic, du pronostic et de la gamme possible d’options de soins, y compris les soins palliatifs visant à réduire la douleur et la perte de la dignité personnelle, avant d’autoriser l’aide médicale à mourir. À cet égard, je crois que les Canadiens ont la responsabilité de veiller à ce que la gamme d’options offerte aux patients soit assez large et permette aux gens, dans toutes les situations, de souffrir moins pendant leur vie.
    En disant cela, je n’essaie pas du tout de minimiser le droit légitime des patients de choisir eux-mêmes les soins qu’ils souhaitent en fin de vie. Toutefois, notre pays les aurait trahis si notre réponse à l'arrêt Carter est simplement basée sur des mécanismes législatifs permettant l’aide médicale à mourir au lieu de mettre à nouveau l’accent sur l’accroissement et l’amélioration des options offertes aux patients souffrant de maladies graves et irrémédiables.
     Notre réponse devrait également être claire quant aux restrictions à imposer sur l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir. Cela comprend une réponse officielle de tous les ordres de gouvernement, de la société civile, des organisations non gouvernementales, des organismes religieux du Canada et des particuliers au sujet des enjeux suivants: souffrance morale que connaissent les personnes atteintes de maladies graves et irrémédiables; soutien à donner à ceux qui soignent les personnes qui souffrent; réduction des obstacles à l’accès aux soins de fin de vie, y compris l’isolement, la disponibilité et le coût; réduction de la honte liée aux maladies mentales au Canada et prestation de soins à ceux qui affrontent ce problème; mesures pour empêcher l’établissement d’une culture dans laquelle le suicide serait considéré comme normal; mise en place prioritaire de stratégies de prévention du suicide; formation solide et complète des professionnels de la santé en matière de soins de fin de vie; élaboration et financement d’une stratégie complète de soins palliatifs à mettre en œuvre dès l’entrée en vigueur du projet de loi; mesures pour empêcher l’aide médicale à mourir de se transformer en réaction privilégiée à un diagnostic de maladie grave et irrémédiable; encouragement des établissements de recherche et des conseils subventionnaires à engager une discussion sur les moyens de financement et de gestion de la recherche liée aux soins de fin de vie; et mesures destinées à transposer efficacement ce que nous aurons appris dans des politiques publiques et des pratiques cliniques.
    Cette discussion ne devrait pas être statique. Un mécanisme devrait être immédiatement mis en place pour assurer le succès des programmes et des initiatives et pour s’occuper de ces questions sur une base régulière, en coordination avec les provinces et les territoires, les fournisseurs de services de santé, la société civile et le grand public.
    Dans notre réponse collective, nous devons d'abord et avant tout faire preuve de compassion envers les personnes qui souffrent. Nous devons reconnaître dans notre réponse l'esprit de l'arrêt Carter, à savoir que les Canadiens ont au final le droit de choisir les soins qu'ils veulent.
    Cependant, nous ne pouvons pas renoncer à notre responsabilité de répondre à ces questions devant les tribunaux ou les autres ordres de gouvernement. Notre réponse globale à l'arrêt Carter ne devrait pas non plus prendre la forme d'un cadre juridique qui permet l'aide médicale à mourir. Nous devrions plutôt nous assurer que notre réponse est exhaustive, claire et mûrement réfléchie et s'appuie sur un mandat confié par les Canadiens. Le pacte conclu avec les électeurs et le respect à l'égard du caractère sacré de la vie n'exigent rien de moins.
(1810)
    Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement les nombreux commentaires de la députée. Il y avait plusieurs idées très pertinentes. J'ai écouté les débats d'aujourd'hui, et elle et d'autres députés ont volontiers fait part de leurs nombreuses opinions au sujet du projet de loi, et avec raison.
    Nous avons clairement exprimé notre souhait de saisir un comité du projet de loi, et nous sommes bien au fait du délai fixé par la Cour suprême du Canada, qui approche à grands pas.
    J'aimerais demander à la députée d'au moins reconnaître l'importance de saisir un comité du projet de loi pour que des députés comme elle et d'autres puissent expliquer les améliorations qu'ils apporteraient au projet de loi. Parallèlement, ils pourraient aussi donner l'occasion aux Canadiens de partout dans notre grand pays de participer directement aux travaux du comité permanent.
    La députée ne serait-elle pas d'accord pour saisir le plus tôt possible un comité du projet de loi pour recevoir cette rétroaction, d'autant plus qu'il faut respecter le délai fixé par la Cour suprême du Canada et que le Sénat du Canada doit également adopter le projet de loi?
    Madame la Présidente, je reconnais que le gouvernement doit donner suite à la décision Carter dans un délai prescrit, mais pour les raisons que j'ai exposées dans mon discours, je trouve que la mesure qu'il a présentée laisse à désirer.

[Français]

    Madame la Présidente, je remercie ma collègue de son intervention.
    Toutefois, comment peut-elle affirmer à la Chambre qu'il n'est pas forcément de notre devoir de répondre favorablement à la décision de la Cour suprême et d'accorder ce droit? La Cour a stipulé que l'aide médicale à mourir était désormais un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.
    En tant que législateurs, comment pouvons-nous refuser d'accorder ce droit qui a été promu par la décision de la Cour suprême?
    Qu'envisage-t-elle, si ce n'est pas de répondre favorablement à cette décision et de comprendre qu'il s'agit maintenant d'un droit garanti par la Charte qu'il faut accorder à tous les Canadiens?

[Traduction]

    Madame la Présidente, comme je l'ai dit dans mon discours, les parlementaires ont l'embarras du choix lorsqu'ils sont appelés à donner suite à une décision de la Cour suprême. Le gouvernement a choisi de présenter ce projet de loi qui, selon moi, n'est pas à la hauteur étant donné qu'il ne propose aucun cadre pour les soins palliatifs et ne donne aucune indication... Par exemple, les libéraux ont évoqué la possibilité d'aborder en plus grand détail les situations dans lesquelles l'aide médicale à mourir aurait lieu.
    J'estime qu'il est du devoir du gouvernement de faire une déclaration claire à ce sujet avant la mise aux voix du projet de loi à la Chambre des communes. Sauf erreur, il n'a jusqu'à présent fait aucune déclaration du genre. J'estime effectivement qu'il reste encore un bout de chemin à faire avant de pouvoir considérer comme adéquate la réponse à la décision Carter.
    Madame la Présidente, ma collègue a exprimé bien des préoccupations de nombreux députés à la Chambre. Tout au long du débat d'aujourd'hui, nous avons entendu les députés du gouvernement nous assurer que le projet de loi C-14 prévoyait la protection de la conscience. Je ne partage pas leur optimisme parce que je ne vois pas cela, à part dans le préambule, et c'est associé à l'intention de permettre aux mineurs et aux personnes qui ont des problèmes psychologiques d'obtenir l'aide médicale à mourir. C'est un engagement plutôt faible.
    Ce qui me préoccupe plus encore, c'est que le projet de loi reste muet sur la protection des établissements de santé. Nous savons que de nombreux centres de soins palliatifs du Canada ont été ouverts dans le but précis d'améliorer la qualité de vie des personnes en fin de vie, et nombre d'entre eux sont appuyés par de très généreux donateurs. Si nous insistons pour qu'ils participent à l'aide médicale à mourir, je crains que nous perdions de nombreux établissements de soins de santé au pays. Est-ce que ma collègue veut nous faire part de son opinion au sujet de la protection des établissements?
(1815)
    Madame la Présidente, l'arrêt Carter énonce clairement qu'il faut reconnaître à la fois les droits des patients de choisir leurs soins de fin de vie et les droits des médecins conformément à la Charte. Je ne crois pas que le projet de loi le fait de façon adéquate. Il laissera cela entre les mains des provinces et des associations médicales et, à mon avis, nous nous soustrayons à notre responsabilité de parlementaires.
    Madame la Présidente, je me réjouis de cette occasion de pouvoir discuter de l’engagement du gouvernement du Canada à établir un cadre pour l’aide médicale à mourir.
     Le 16 avril, j’ai organisé une séance de discussion ouverte sur le sujet pour les résidents de Don Valley-Est. Comme nous le savons, il s’agit d’un sujet très émouvant et très personnel. C’était important pour moi d’entendre les préoccupations de mes électeurs et de m’assurer que ces préoccupations soient entendues. Certains électeurs souhaitent que l’aide médicale à mourir couvre également la démence et la maladie d’Alzheimer, d’autres voudraient des directives anticipées et d’autres, une assurance que les plus vulnérables seront protégés.
     Afin de m’assurer qu’il n’existe aucune confusion sur la véritable teneur de ce projet de loi, je saisis l’occasion pour me pencher sur le sujet.
    Comme je suis de confession abrahamique, j’ai dû mettre de côté mes propres principes pour écouter mes électeurs et, en tant que parlementaire, assurer une approche équilibrée. Certains de mes électeurs pensent que ce projet de loi ne va pas assez loin. D’autres sont d’avis qu’il ne doit pas être adopté. Pour permettre à mes électeurs d’avoir leur mot à dire sur la question, je leur ai dit que, lorsque le comité de la justice serait saisi de l’examen de ce projet de loi, ils pouvaient faire une présentation au comité.
     L’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Carter a d’importantes répercussions sur les gouvernements provinciaux et territoriaux, tout comme elle touche beaucoup de Canadiens sur un plan purement personnel. Un certain nombre de personnes s’est déjà vu accorder des dérogations par des cours supérieures des provinces pour accéder à de l’aide médicale à mourir. Cela concorde avec la condition fixée par l’arrêt de la Cour suprême de prolonger jusqu’au 6 juin 2016 la date de l’entrée en vigueur de sa décision. Le temps est maintenant venu pour nous d’établir un cadre législatif pour permettre que l’aide médicale à mourir fasse légalement partie des options offertes aux Canadiens dont la vie tire à sa fin.
     Le projet de loi C-14 conférerait aux Canadiens une plus grande autonomie à l’égard des soins de santé prodigués en fin de vie, tout en assurant la protection des fournisseurs de soins de santé et des personnes vulnérables. Il fournirait aux provinces et aux territoires une solide assise pour la mise en oeuvre de l’aide médicale à mourir.
     Le Canada ne fait pas figure de pionnier pour ce qui est d'offrir l’aide médicale à mourir. Trois pays européens, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, ont déjà réglementé l’accès à l’aide médicale à mourir. Aux États-Unis, quatre États l’ont fait.
     Là où le Canada se distingue, c’est dans les complexités relatives aux compétences. Au Canada, le droit pénal relève exclusivement du gouvernement fédéral. Cependant, les soins de santé sont un domaine de compétence partagée entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. La principale responsabilité pour la planification et la prestation des services de soins de santé est assumée par les provinces et les territoires. Les provinces sont responsables des hôpitaux, de la prestation des soins de santé et de la réglementation de la profession médicale, entre autres choses.
     Comme les provinces et les territoires sont les premiers responsables de la mise en oeuvre de l’aide médicale à mourir, le champ d’application de la loi fédérale a sur eux une incidence considérable.

[Français]

    C'est pourquoi notre gouvernement travaille en collaboration avec les autres gouvernements, tout en respectant leur rôle et leurs responsabilités dans les diverses administrations.

[Traduction]

    À leur rencontre de janvier dernier, les ministres de la Santé ont convenu qu’il était dans l’intérêt supérieur des Canadiens de mettre en place un régime pancanadien robuste et cohérent. Santé Canada s’est également engagé à maintenir un dialogue constant avec les représentants de la santé des provinces et territoires afin d’entendre leurs points de vue sur de nombreux aspects de cette importante question.
(1820)

[Français]

    En établissant des normes nationales d'admissibilité et des mesures de protection, ce projet de loi permettra d'assurer une uniformité dans l'ensemble du pays et de veiller à ce que les critères sous-jacents de la Loi canadienne sur la santé soient respectés.

[Traduction]

     Le projet de loi établira les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir ainsi que les mesures de sauvegarde auxquelles les médecins praticiens devront adhérer pour être à l’abri de la responsabilité pénale.
    Les provinces et territoires ne peuvent modifier ces exemptions prévues au Code criminel par le biais de leurs propres lois ou règlements.

[Français]

    Toutefois, les provinces et les territoires peuvent légiférer ou adapter des mesures politiques relativement aux aspects de l'aide médicale à mourir relevant de leurs compétences. Il pourrait s'agir de déterminer toute formation spéciale requise pour offrir une aide médicale à mourir, si des formulaires particuliers doivent être remplis ou comment la cause du décès devrait être consignée.

[Traduction]

     Afin de respecter le principe d’accessibilité garanti par la Loi canadienne sur la santé, les provinces, les territoires et les organismes de réglementation devront cependant tenir compte de l’incidence de toute nouvelle ligne directrice ou de tout nouveau règlement sur l’accessibilité des patients.
     Le projet de loi confère au ministre de la Santé le pouvoir de prendre des règlements concernant les renseignements à fournir et les modalités selon lesquelles ils devront être fournis. Il sera essentiel de travailler en collaboration avec les provinces et les territoires pour déterminer, entre autres éléments, comment un mécanisme de surveillance pancanadien peut être mis en place, quel genre de renseignements seront recueillis et quelles seront les exigences en matière de rapports.
     À la lecture du projet de loi, je constate que le gouvernement a pris en compte les préoccupations exprimées par certains fournisseurs de soins de santé, notamment la protection de la liberté de conscience. La Cour suprême a clairement établi que les fournisseurs de soins ne doivent pas être contraints de fournir l’aide à mourir. Cependant, le gouvernement est également conscient que l’exercice de ce droit peut constituer un obstacle à l’accès à ce service.
     Pour régler ces questions, le gouvernement travaillera de concert avec les provinces et les territoires afin de faciliter l’accès à l’aide médicale à mourir, tout en respectant les convictions des fournisseurs de soins de santé. Cela pourrait nécessiter, par exemple, la mise en place d’un système pancanadien permettant de diriger des patients vers des travailleurs de la santé disposés à les aider à mourir.

[Français]

    Tout au long des consultations sur l'aide médicale à mourir, nous avons entendu clairement les Canadiens qui demandent plus de ressources pour des soins palliatifs et de fin de vie de qualité.

[Traduction]

     Avec le vieillissement de la population et la progression constante des maladies chroniques au Canada, nous devons envisager des façons d’offrir une gamme complète d’options améliorées de soins de fin de vie. Cela comprend l’intégration et l’élargissement de l’accès à des services à domicile, notamment de soins palliatifs.
    L’aide médicale à mourir est une question complexe et importante pour les Canadiens et elle nécessite la collaboration entre les divers paliers de gouvernement pour faire en sorte que nous disposions d’un cadre adapté au contexte particulier de notre pays.
     Voilà pourquoi je souhaite que ce projet de loi soit renvoyé en comité où, grâce à notre capacité de réflexion collective et de consultation approfondie, il en ressortira dans une version améliorée, à la satisfaction de tous. Je pense que ce projet de loi constitue, à tout le moins, une base justifiant la poursuite de notre collaboration.
(1825)
    Madame la Présidente, j’ai écouté avec plaisir l’intervention de la députée. J’ai bien aimé ce qu’elle a dit, au début de son discours, au sujet de ses convictions personnelles et de la tradition abrahamique. Un certain nombre de députés libéraux ont mentionné leurs croyances religieuses personnelles, mais ils ont aussi dit qu’ils allaient devoir d’une façon ou d’une autre en faire fi.
     Quand je pense au lien entre foi et raison, je reviens souvent à l’Euthyphron, un des dialogues de Platon, et j’en recommande la lecture à mes honorables collègues. Il y est question de l’origine du bien; Platon se demande en particulier si une chose est bonne parce qu’elle est dictée par la religion, ou si la religion déclare que cette chose est bonne parce qu’elle l’est intrinsèquement. Je pense que la majorité d’entre nous conviendrait que les religions tranchent entre le bien et le mal en fonction de qualités intrinsèques. Elles ne peuvent pas faire qu’une chose soit bonne ou mauvaise simplement par voie de déclaration.
     La députée peut ne pas tenir compte de ses convictions religieuses, mais elle ne peut pas ignorer les réalités et les vérités sous-jacentes à ces convictions.
     Je veux demander à la députée de développer ce thème. J’aimerais savoir si elle croit dans la dignité humaine universelle et immuable en tant que réalité, et non pas simplement en tant que dogme arbitraire. La députée croit-elle qu’il s’agit d’une réalité et en tiendra-t-elle compte au moment de se prononcer sur le projet de loi?
    Madame la Présidente, pour moi et conformément aux croyances religieuses de toute la tradition abrahamique, la vie est sacrée. Toutefois, nous parlons ici de personnes atteintes de maladies insupportables, et l’arrêt Carter est très clair. Nous qui avons des convictions religieuses, nous devons veiller à ce que le Parlement respecte les lois du pays et la Charte des droits et libertés. Selon moi, si nous voulons adopter ce projet de loi et aider nos électeurs et les Canadiens à vivre dans la dignité, nous devrions renvoyer le projet de loi à l’étape de l’étude en comité pour écouter d’autres points de vue et formuler un projet de loi solide.
    Madame la Présidente, j’ai suivi avec un vif intérêt la très profonde discussion que nous tenons ce soir. La question des services qui seront accessibles en fin de vie n’a pas été présentée à la Chambre seulement en raison de l’arrêt Carter, ni, comme l’ont laissé entendre quelques-uns de nos collègues, parce que nous voulons revoir le libellé de la loi. Si nous devons revoir la loi, nous devons nous attaquer aux graves carences des soins de fin de vie pour ceux qui veulent vivre — les besoins en matière de soins palliatifs pour les malades et leurs familles. Seuls de 16 à 30 % des Canadiens ont accès à des soins palliatifs. Seulement quatre provinces ont un cadre de travail pour les soins palliatifs. Il incombe au gouvernement fédéral de travailler de concert avec les provinces, mais aussi d’octroyer des fonds pour que des soins palliatifs en fin de vie puissent être offerts. Pourtant, le gouvernement n'a prévu aucun financement à cette fin dans son budget.
    Si le projet de loi entre en vigueur d’ici le mois de juin, nous aurons au Canada une situation où les personnes auront, techniquement, le droit de mettre fin à leurs jours si elles traversent des souffrances intolérables, mais où elles n’auront pas toutes le même accès à des services de santé de qualité pour leurs familles, selon la région où elles vivent. Je voudrais savoir pourquoi le gouvernement actuel, avant de présenter le projet de loi, n'a pris aucune mesure pour corriger les énormes lacunes que présentent les soins palliatifs dans notre pays.
    Madame la Présidente, les soins palliatifs sont un aspect important des services de santé. Je crois que, dans mon exposé, j’ai dit que les soins palliatifs s'inscrivaient dans le cadre global de nos travaux. Il y a dans certains pays des services palliatifs qui sont pratiquement luxueux. Les personnes qui ont accès à ces soins palliatifs sont les premières à réclamer l’aide médicale à mourir. Je ne dis pas que les soins palliatifs sont superflus. Ils sont extrêmement importants, et il est également important d’avoir des choix. Toutefois, il nous faut un projet de loi solide, et pour ce faire nous devons maintenant passer à l’étape de l’étude en comité.
(1830)
    Madame la Présidente, le 24 avril dernier, le Globe and Mail publiait un rapport au sujet d’une jeune fille de 13 ans, Sheridan Hookimaw, qui a mis fin à ses jours sur les bords de la rivière qui serpente dans le village d’Attawapiskat. Cette jeune fille malade allait chaque semaine en avion à divers rendez-vous chez des médecins. Elle voulait mettre un terme à ses souffrances et, ce faisant, elle a déclenché une réaction en chaîne non seulement dans sa collectivité, mais dans les collectivités de tout le pays, et nous en ressentons encore les répercussions aujourd’hui.
     Notre débat porte sur la définition même de la vie, mais aussi sur la bureaucratie et sur les soins que nous prodiguons aux personnes les plus vulnérables de notre société. On m’a dit et on m’a répété que cette situation était différente, qu’il n’y avait aucun lien.
     Pour les Autochtones, tout est lié. La vie est un tout, c’est-à-dire que, si l’on change quelque chose à un endroit donné, l’effet s’en fait sentir ailleurs, et on ne peut pas les séparer l’un de l’autre. Dans l’univers occidental, souvent, nous cloisonnons les choses. Nous croyons que nous avons du jeu, que nous pouvons contrôler certaines situations, que nous pouvons changer quelque chose ici sans rien modifier ailleurs. Surtout, nous en sommes venus à croire que nous pouvons tout prédire et tout contrôler, contrôler l’avenir. Cela ne signifie toutefois pas que nous ne devrions rien faire.
    L'incidence de ce projet de loi sur les gens de Toronto sera peut-être très différente de celle sur les gens du Nunavik ou d’Attawapiskat. Les parlementaires que nous sommes doivent se mettre à la place des autres, marcher dans leurs mocassins si l’on peut dire. Nous devons sortir de nos propres expériences pour regarder le monde à travers une cosmologie différente afin de voir les effets que nos décisions auront sur les autres.
     Nous apportons des changements profonds à des notions qui touchent à la vie. Nous ne pourrons plus renverser ces changements à l’avenir. La tradition et la philosophie autochtones exigent que nous prévoyions les effets qu’auront nos décisions sur les sept générations à venir. Si je me trompe, s’il n’y a aucun lien entre Attawapiskat et l’aide médicale à mourir ou le suicide médicalement assisté, si les gens ordinaires n’y voient pas de lien et si cette notion n’augmente pas le stress des communautés, alors je serai heureux d'avouer que je me suis trompé. Toutefois, si ce que nous faisons a des répercussions causées par la valorisation du suicide, alors qu’allons-nous faire?
     Quand la Chambre a adopté des modifications au Code criminel à propos d’autres aspects de notre système de justice pénale, qui aurait pu prédire que les Autochtones finiraient par composer 23,2 % des détenus dans nos établissements correctionnels? On dirait que Dame Justice est aveugle aux souffrances d’un grand nombre de ses concitoyens. Nous sommes régis par les mêmes lois et, pourtant, des gens de partout au pays sont traités différemment et subissent des répercussions différentes. Bien souvent nous rédigeons des lois pour les gens ordinaires, mais ceux qui vivent en marge de la société en subissent les contrecoups les plus durs.
    Malgré l’arrêt Gladue et d’autres causes qui nous invitent à tenir compte du milieu dans lequel les gens ont grandi, de leur passé, on ne le voit pas dans notre système judiciaire. Alors comment savons-nous si les changements que nous apportons aujourd’hui à la Chambre n’auront pas des effets tout aussi nocifs sur autrui?
     Un de mes premiers souvenirs, un souvenir puissant, remonte à l’époque où j’avais six ans. Ma mère venait de perdre notre maison. Nous traversions une période économique très dure à Calgary, en Alberta, et elle ne pouvait plus prendre soin de nous. Elle était seule pour nous élever, alors elle est partie chercher du travail. Elle a décidé qu’elle ne pourrait plus prendre soin de moi ni de mon petit frère à elle seule et qu’elle avait besoin d’aide, alors elle s’est adressée à son ex-conjoint, mon père. Mon père avait souffert dans les pensionnats indiens, il était alcoolique et faisait partie de gangs. Nous savions tout cela.
     Nous savions qu’il piquait des colères terribles. On nous l’avait dit quand nous étions petits et nous en avions peur. On nous a amenés là où il vivait, chez ses parents, chez ma grand-mère et mon grand-père, et nous étions bouleversés. C’est la seule fois que j’ai vu mon frère faire pipi au lit à cause du stress, parce que ma mère devait trouver du travail pour nous sortir des difficultés économiques qu’elle traversait.
    Je me souviens d’avoir grimpé dans un arbre derrière la maison et d’avoir enroulé une corde autour de mon cou à l’âge de six ans. C’est tout à fait vrai. Les gens pensent que cela ne se peut pas, mais cela arrive dans notre pays, comme pour cette jeune fille de 13 ans à Attawapiskat.
(1835)
     J’ai enroulé la corde autour de mon cou, puis je me suis demandé: « Est-ce que je devrais sauter dans cet univers qui est devant moi? » J'étais dans cette cour et, d’une façon ou d’une autre, j’ai pris la décision de descendre de l'arbre et de desserrer la corde.
    Si, au cours de ma vie, j’avais vu ou j’avais su que ma grand-mère avait eu recours à l’aide médicale à mourir ou s’était suicidée avec l’aide d’un médecin, si j’avais appris qu’un autre membre de ma famille avait commis cet acte irréparable, j’aurais probablement eu de la difficulté à continuer.
     Nous pouvons penser qu’il n’y aura pas d’incidences, mais nous ne le savons pas. Nous imaginons connaître ces choses. Nous décidons de l’avenir ou de la fin de quelques personnes.
     Dans le cas de Sheridan Hookimaw, nous avons été incapables, comme société, de lui donner les soins, l’amour et la protection nécessaires. Nous avons manqué à notre devoir envers les plus vulnérables d’entre nous.
    La bureaucratie canadienne n’a pas été en mesure de répondre aux besoins d’une adolescente de 13 ans. Comment pouvons-nous être sûrs qu’elle sera maintenant capable de répondre aux besoins de tout le monde dans la société future?
    Ce débat traite de la vie elle-même. Les Autochtones ne connaissaient pas le suicide. C’était un phénomène inconnu dans les populations autochtones. Aujourd’hui, néanmoins, c’est le fléau de nos communautés. L’esprit du suicide semble être présent partout.
     La vie n’est pas facile. C’est un combat constant au jour le jour. Si les Autochtones s’étaient suicidés, compte tenu de toutes les épreuves et les tribulations qu'ils ont vécues, nous ne serions pas ici aujourd’hui.
     Je participe à l’une des grandes cérémonies qui font partie des coutumes et des traditions des Cris des plaines. Je veux parler de la danse du soleil, qui est une cérémonie de quatre jours. Pendant trois jours et trois nuits, je ne peux rien manger ni rien boire. Je perce mon corps comme sacrifice et comme prière pour les autres. Je le fais non pour moi-même, mais pour les autres.
     Dans la hutte de la danse du soleil, le chef David Blacksmith parle de l’esprit du suicide, qui vient chercher nos jeunes, qui commence à s’en prendre à nos aînés, qui touche notre société et qui détruit notre sens de la collectivité. Je dois l’écouter, je dois être ému par ses paroles parce que les gens qui m’entourent dans la hutte sont tous touchés.
    Nous nous plaçons maintenant en marge de la nature. La vie dans la nature est ardue; il faut lutter constamment pour vivre une journée de plus. Il s'agit d'un combat noble. En mettant les responsabilités entre les mains de l'État, nous nous éloignons de la nature et nous disons à l'État que, désormais, c'est lui qui nous permettra de faire ces choses. Quelqu'un d'autre décidera à notre place; c'est la bureaucratie qui prendra les décisions.
    D'autres pourraient avoir l'impression d'être un fardeau ou dire qu'ils sont bel et bien un fardeau. Je pense qu'il y a quelque chose de noble dans le sacrifice, dans le combat pour la vie elle-même. Je trouve qu'il est noble de tenir la main d'une personne qui vit ses derniers moments, de prendre de la maturité et de refuser de dire simplement: « Au lieu de demander à quelqu'un d'autre de prendre soin de toi, je vais m'asseoir ici et tenir ta main à cet instant précis. Même dans ton dernier soupir et même si c'est difficile, nous allons continuer ensemble. »
    Il s'agit peut-être d'une autre étape dans le processus de relativisme moral dans lequel nous nous trouvons actuellement, mais même notre appareil judiciaire ne peut pas trouver un point d'équilibre entre les différentes sociétés qui constituent le Canada. Nous sommes dans une situation lamentable. Nous sommes vraiment entrés dans une nouvelle ère, l'ère du consommé-jeté où toutes les frontières commencent à s'effriter.
     Pour terminer, j’aimerais reprendre les paroles de l’aîné Winston Wuttunee, « Si tu pleures, tes enfants mourront. » Il est dangereux de s’abandonner à son chagrin. Le chagrin mine le courage et le désir de recommencer à vivre.
    D’un point de vue autochtone, je ne peux pas appuyer le projet de loi, parce qu’il nous mène dans une direction où, selon moi, nous ne respectons pas les intérêts de tous les membres de notre société. Il ne nous permet pas de bien comprendre les besoins de tous les membres de la société canadienne et, au fond, il nous entraîne sur un terrain très dangereux et mal défini.
     La Chambre doit faire preuve d’une grande prudence et prendre tout le temps nécessaire pour bien peser ses décisions.
(1840)
    Madame la Présidente, je veux remercier mon honorable collègue de son intervention.
    Je sais qu’on me le reprochera, mais je dois dire que je suis déçu du peu de respect manifesté par une de ses collègues qui est passée non pas une, mais bien deux fois devant lui en faisant du bruit alors qu’il prononçait ce discours empreint de sincérité.
     Le projet de loi m’inspire de sérieuses inquiétudes, et mes commentaires ne porteront pas tant sur ses points forts et ses faiblesses que sur notre échéancier et le temps dont nous disposons pour en discuter, de l’empressement avec lequel nous voulons le faire adopter. Le Québec a mis six ans pour bien faire les choses, du moins faut-il l’espérer.
     J’ai une enfant adulte. Elle a 28 ans. Elle paraît mûre et elle est belle, mais elle souffre de troubles du développement. Je crains que le projet de loi, sous sa forme actuelle, ne contienne pas suffisamment de mesures pour protéger les personnes atteintes de troubles cognitifs. On y lit qu’un adulte « capable » a le droit de présenter cette demande. Qui détermine si l’adulte est en mesure de prendre cette décision, et a-t-on prévu des précautions suffisantes pour les personnes souffrant de troubles cognitifs?
    Madame la Présidente, je ne suis pas avocat, je n’ai pas de réponse à proposer. Toutefois, je sais que, lorsque nous aurons entamé le processus, quand nous nous serons engagés dans cette voie, nous ne pourrons pas revenir en arrière. Il nous faut prendre le temps de voir ce qui se passe au Québec, comment les choses évoluent dans cette province, avant de commencer à agir ailleurs.
     Je sais qu’il y a des personnes qui souffrent, mais je ne crois pas que nous ayons pris des mesures adéquates pour régler les souffrances que vivent de nombreuses collectivités. Nous n’avons pas pris le temps de bien comprendre ni d’agir pour qu’elles se sentent protégées.
     Je n’ai pas beaucoup de commentaires à présenter au député, mais cela m’inquiète aussi.
    Madame la Présidente, il est vraiment regrettable que, dans le cadre du présent débat, mon collègue ait invoqué le nom de la jeune Sheridan à la Chambre. Cette jeune fille n'est pas décédée parce qu'elle souffrait d'un mal incurable comme la maladie de Lou Gehrig. Elle est morte à cause de l'indifférence et de la négligence des autorités fédérales et provinciales, de la pauvreté et de la pénurie d'intervenants en santé mentale. Ce n'est qu'au terme de plusieurs mois de formalités administratives que son corps a été ramené chez elle, où sa famille avait peine à se remettre de la tragédie.
    Il est question ici de l'obligation que nous a imposée la Cour suprême. C'est à nous qu'incombe cette responsabilité. Toutefois, j'estime extrêmement dangereux et peu professionnel d'invoquer la souffrance de certains enfants pour sous-entendre que le Parlement ne s'acquitte pas de sa tâche.
    La Cour suprême nous a confié une tâche, mais nous avons également une responsabilité à l'égard de ces enfants, pour qu'on ne refuse jamais de fournir des services de santé mentale à des jeunes comme Sheridan parce que certains fonctionnaires en ont décidé ainsi et pour que des jeunes n'aient plus à vivre dans des baraques sordides parce qu'un quelconque fonctionnaire refuse signer les ententes en matière de logement. Ce sont là des situations fondamentalement différentes.
    Je connais la famille de cette jeune fille et je sais ce que ces enfants vivent au quotidien, alors je trouve fort regrettable que mon collègue se serve de ces événements pour établir un lien avec la question dont nous sommes saisis. Ce sont deux questions fondamentalement différentes.
    Madame la Présidente, malheureusement, le député ne comprend peut-être pas la philosophie autochtone, selon laquelle tout est étroitement interrelié. Le député pourrait penser qu'il s'agit d'événements qui n'ont aucun rapport entre eux, mais ils sont bel et bien liés. Nous pourrions débattre de la définition du projet de loi. Nous pourrions parler de « suicide assisté » ou d'« aide médicale à mourir ». La terminologie employée est très importante. L'expression « aide médicale à mourir » est chargée de connotations que les gens pourront comprendre. Je suis sûr qu'à un moment donné, il y aura des gens qui iront aux services d'urgence pour dire qu'ils sont en train de souffrir, qu'ils veulent en finir et qu'ils ont besoin d'aide.
    Je m'excuse si j'ai offensé qui que ce soit en prononçant le nom de la jeune fille, mais son nom figure dans les journaux et son cas est bien connu. Si nous ne pouvons pas dire la vérité et que nous ne pouvons pas parler de cas réels à la Chambre des communes, alors où d'autre va-t-on le faire?
(1845)
    Avant que nous reprenions le débat, je tiens à rappeler aux députés que lorsqu'une personne a la parole, il serait bon de la laisser parler sans interruption. Je veux m'assurer que nous maintenons ce niveau de respect à la Chambre.
    Nous reprenons le débat. Le député de Calgary Shepard a la parole.
    Madame la Présidente, les graves implications du projet de loi C-14 me rappellent un proverbe yiddish, qui dit: « Il n'y a qu'un pas entre le bonheur et le malheur; il y a loin du malheur au bonheur. » Je crains que le projet de loi du gouvernement actuel ne soit qu'à un pas du malheur et qu'il y ait loin jusqu'aux mesures de sauvegarde appropriées.
    C'est un sujet difficile, mais il incombe à la Chambre des communes de débattre de sujets lourds de conséquences, de définir la façon dont nous vivons au sein de la Confédération, de rechercher la vérité objective et d'adopter de bonnes mesures législatives.
    La Chambre s'est penchée plusieurs fois sur cette question au cours des dernières décennies. En 1983, la Commission de réforme du droit du Canada a recommandé de ne pas légaliser ni décriminaliser l'euthanasie ou l'aide au suicide. En 1993, la Cour suprême a débouté Sue Rodriguez, qui contestait les dispositions du Code criminel interdisant l'aide médicale à mourir. En 2006, le projet de loi C-407, qui aurait autorisé l'aide médicale à mourir dans certaines circonstances, est mort au Feuilleton. Ce récapitulatif témoigne des réticences que suscite, à juste titre, la légalisation de l'aide médicale à mourir.
     Le projet de loi C-14 aurait une incidence sur la valeur que les Canadiens accordent à leur vie et à celle de leurs êtres chers. Tous les Canadiens conviendront qu'il faut mettre en place des mesures qui protégeront les gens des abus en ce qui concerne le suicide assisté. Nous devons veiller à ce que la mesure législative que nous élaborons limite autant que possible le préjudice inhérent à la légalisation du fait de donner la mort à des êtres humains.
    En outre, je rappelle à mes collègues que la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Carter c. Canada va directement à l'encontre de celle qu'elle avait prononcée en 1993 dans l'affaire Rodriguez c. Colombie-Britannique. Dans cette décision, le tribunal avait clairement établi la constitutionnalité du paragraphe 241 b) du Code criminel, qui précise ceci:
     Est coupable d'un acte criminel [...] quiconque [...]
aide ou encourage quelqu'un à se donner la mort,
que le suicide s'ensuive ou non.
    À l'époque, il avait été statué que la Charte canadienne des droits et libertés confirmait la légalité de cette disposition.
    Des millions de Canadiens croient que la Cour suprême s'est trompée dans son interprétation des articles 1 et 7 de la Charte. Je reconnais néanmoins que la Cour a rendu une décision unanime. Par conséquent, il ne s'agit plus de déterminer si le suicide assisté devrait être légalisé ou non, mais de nous conformer à la décision Carter quant à la teneur de la loi et aux mesures de protection. Voilà ce dont nous devons débattre.
    Un grand nombre des électeurs de ma circonscription m'ont fait part de leurs inquiétudes quant à l'orientation que prend cette mesure législative. Le projet de loi C-14 n'imposerait pas de limites rigoureuses. Il ne permettrait pas de tenir à l'écart la menace mortelle de l'abus et de la mauvaise application.
    Des électeurs, comme Alexia Blackwell, m'ont écrit ceci: « La loi doit indiquer clairement les protections prévues par la Charte des droits et libertés pour que les fournisseurs de soins et leur organisation soient protégés contre la coercition et la discrimination ».
    Les Canadiens doivent pouvoir recevoir des soins palliatifs avant de pouvoir recourir à l'aide au suicide et en même temps que celle-ci pour que leur première option en fin de vie soit toujours une mort paisible et naturelle vécue dans la compassion.
    Les soins palliatifs sont des soins en fin de vie conformes à l'éthique et dispensés avec compassion aux personnes à qui des problèmes de santé graves et irrémédiables causent des souffrances intolérables. Ils devront toujours être proposés comme solution de rechange possible au suicide assisté.
    J'aimerais aussi mentionner qu'en 2014, la Chambre a voté en faveur d'une motion présentée par le député de Timmins—Baie James, qui disait:
    Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait adopter une stratégie pancanadienne de soins palliatifs et de fin de vie [pour que] tous les Canadiens aient accès à des soins palliatifs et de fin de vie de première qualité à domicile et en établissement...
    Voilà le genre de soins que nous devrions nous efforcer d'améliorer.
     Une précaution très importante, que le projet de loi à l’étude, à mon avis, n'aborde que partiellement, touche au conflit d’intérêts qui surgira immanquablement si nous ne veillons pas à interdire aux médecins de bénéficier directement ou indirectement de la recommandation ou de l’exécution d’un suicide assisté. Je le mentionne parce que comme des millions de Canadiens je crois que personne au Canada ne devrait tirer un quelconque avantage de la mort. Comme les médecins au Canada sont payés directement par les autorités provinciales de la santé, ils ne peuvent pas être placés dans une situation où le fait d’aider un patient à choisir le suicide assisté, un programme détaillé de soins palliatifs ou un programme de traitement pour une maladie chronique puisse être influencé par des considérations d’ordre monétaire.
    Dans d’autres États où la procédure est maintenant légale, notamment en Allemagne, en Suisse et dans l’Oregon, des interdictions semblables ont été prévues pour que les médecins ne puissent bénéficier de la prestation de tels services. Ces lois ont leur raison d’être. L’idée peut nous paraître détestable, mais il est possible que des médecins peu scrupuleux encouragent la solution du suicide assisté de préférence à d’autres options de soins de santé s’ils peuvent en tirer un avantage.
     Le gouvernement des Pays-Bas, inquiet au sujet d’accusations concernant le recours impropre à l’euthanasie, a mené des études en 1990, en 1995 et en 2001. On accordait aux médecins l’anonymat et l’impunité relativement aux infractions qu’ils révélaient. Les constatations de ces études reflètent donc bien la situation au sein de la profession.
     Il est rapidement devenu évident que la moitié des médecins néerlandais n’hésitaient pas à suggérer à leurs patients d’envisager l’euthanasie, ce qui minait la nature nécessairement volontaire du processus. En outre, 50 % de ces cas n’étaient pas déclarés, d’après une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Gand à Amsterdam.
(1850)
     Il est encore plus inquiétant de constater que le quart des médecins affirmaient avoir mis un terme à la vie de leurs patients sans avoir obtenu au préalable leur consentement explicite. Le tiers des médecins affirmaient qu’ils pouvaient concevoir de le faire; ils ne pensaient pas simplement qu’ils pourraient le faire.
    Nous ne devons pas écarter naïvement les risques de coercition. C’est pour cette raison que je demande au gouvernement d’amender l’alinéa 241.2(6)b) et d’éliminer le passage « autre que la compensation normale pour les services liés à la demande », pour que la décision de recourir au suicide assisté soit exempte de toute considération financière.
    J’ai aussi souvent entendu dire que l’expression « souffrances intolérables » était trop vague. C’est une question dont on m’a beaucoup parlé. La définition de souffrances intolérables devrait-elle englober les souffrances liées à la maladie mentale, aux problèmes financiers peut-être, ou même à un ennui incommensurable? Nous devrions protéger les gens contre leurs idées suicidaires plutôt que de les y encourager. Après tout, n’est-ce pas là ce que vise l’excellente initiative de Bell en matière de santé mentale, la campagne Cause pour la cause, que nous appuyons tous?
    Nous ne pouvons pas d’une part travailler à éliminer la dépression et le suicide et d’autre part adopter une loi qui permettrait aux personnes de demander une aide à mourir simplement parce qu’elles jugent que leurs souffrances personnelles sont intolérables ou que leur décès est raisonnablement prévisible. Soyons réalistes, cela modifierait de fond en comble la pratique de la psychiatrie, qui vise essentiellement à promouvoir la santé mentale pour prévenir le suicide et à faire comprendre à l’intéressé la valeur de la vie et la dignité inhérente à sa condition.
    Étant donné cette incohérence, nous devons nous assurer que les demandes d'aide au suicide seront examinées en toute objectivité par un organe d'examen judiciaire qui veillera à ce qu'elles soient volontaires, réfléchies, motivées en toute connaissance de cause et inchangées avec le temps. Cet organisme de contrôle devra s'assurer que le consentement a bel et bien été donné par le patient qui demande l'aide au suicide, et que toutes les demandes lui sont rapportées. Compte tenu de ce qui se passe dans d'autres administrations où l'aide au suicide est légale, le besoin d'un organisme de contrôle de ce type est évident.
    Selon une étude publiée dans le Journal of Oncology Practice, aux Pays-Bas, plus de 500 personnes sont euthanasiées chaque année sans avoir donné leur consentement. En 2005, on a rapporté 2 400 morts par euthanasie ou par suicide assisté, ce qui correspond à 1,7 % de tous les décès recensés aux Pays-Bas. Parmi ces morts, 560 se sont produites sans les documents de consentement appropriés. En Belgique, le nombre de morts par euthanasie qui se produisent sans consentement explicite est trois fois plus élevé qu'aux Pays-Bas.
    Parlant d'exigences ambiguës, rappelons que l'une des choses inévitables de la vie, c'est qu'elle doit se terminer. Dès notre première respiration au sortir du ventre de notre mère, notre mort est raisonnablement prévisible. Voilà un autre terme vague qui sème la confusion et qui ne parvient pas à donner de ligne directrice pertinente aux médecins ou à leurs collègues des provinces qui évalueront les demandes des patients. Une autre notion vague est la définition que l'on donne à « médecin », lequel serait une personne autorisée par le droit d’une province à exercer la médecine. Voilà qui est problématique puisque la définition change de province en province. Dans la province d'où je viens, l'Alberta, les ostéopathes — aussi appelés chiropraticiens — font partie de cette catégorie.
    Lorsqu'ils doivent décider s'ils offriront ou non l'aide médicale à mourir, les médecins doivent pouvoir écouter leur conscience, sans discrimination. Personne ne devrait être contraint ou forcé d'offrir de l'aide à une personne qui veut se suicider. La semaine dernière, j'ai organisé une table ronde, à laquelle ont participé des personnes qui étaient en faveur de l'aide au suicide et des gens qui étaient contre. J'ai posé une question à tous les participants, qu'ils appuient ou non l'aide au suicide. Je leur ai demandé quelle était, selon eux, la partie la plus importante du projet de loi. Ils ont dit que ce sont les mesures de protection de la liberté de conscience. Ces gens veulent une prolongation pour que l'on puisse protéger les gens qui veulent refuser d'offrir l'aide médicale à mourir pour des raisons morales et éthiques.
    Nous devons être très prudents; le projet de loi C-14 ne doit pas obliger les médecins canadiens qui ont de profondes convictions religieuses, morales ou éthiques liées au caractère sacré de la vie humaine à poser des gestes qui vont à l'encontre de leur conscience ou du serment d'Hippocrate. Je crois que l'article 2 de la Charte des droits et libertés, qui protège la liberté de conscience et de religion, de même que la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, s'applique dans ce cas. Par ailleurs, à quoi servent ces droits si nous ne pouvons pas les exercer? Nous devons pouvoir les exercer, que ce soit par nos actions ou par notre refus d'agir, sans subir de pressions de l'État.
    Je pourrais parler encore longtemps des raisons pour lesquelles le projet de loi C-14 va au-delà des recommandations de la Cour suprême, expliquer pourquoi on n'y trouve pas les mesures de protection strictes dont il est question dans l'arrêt Carter, ou souligner à quel point les définitions très générales qu'il renferme posent problème. Je pourrais souligner qu'il est irresponsable de définir de façon aussi peu précise les personnes qui ont le droit de demander l'aide au suicide ou d'offrir cette aide.
    Ce projet de loi est fondé sur les recommandations malavisées d'un comité qui n'a pas fait les recherches requises et qui n'a pas non plus consulté un large éventail de Canadiens ayant diverses convictions et opinions. L'Assemblée nationale du Québec a bien fait les choses puisqu'elle a débattu de cette question pendant six ans. Cet enjeu a été abordé par trois législatures différentes, qui ont étudié la situation et pris en compte tous les aspects pertinents.
    En terminant, j'invite le gouvernement à proposer des amendements importants à cette mesure législative ou à la laisser tomber complètement et à en proposer une meilleure. Il s'agit d'un enjeu beaucoup trop important pour qu'on adopte le projet de loi actuel, qui donnera lieu à des situations regrettables.
(1855)
    Madame la Présidente, je suis sûr que le député est au courant que la Cour suprême a rendu ce jugement il y a plus d'un an. Le gouvernement précédent n'a pratiquement rien fait pour régler le problème. Il a mis sur pied un groupe d'experts, j'en conviens, mais il est loin d'avoir réussi à présenter une mesure législative. Durant les journées de l'opposition, nous avons encouragé le gouvernement conservateur à prendre des mesures, mais il a choisi de ne rien faire.
    En rétrospective, le député ne croit-il pas que l'ancien gouvernement avait l'obligation, à tout le moins, de faire avancer le dossier plus rapidement? S'il l'avait fait, qui sait où nous en serions aujourd'hui. Il faut au moins reconnaître les contraintes que nous impose actuellement la Cour suprême du Canada. Nous devons encore renvoyer le projet de loi au Sénat. Selon le député, est-il important de le renvoyer au comité afin que nous puissions discuter des nombreuses idées que nous entendons aujourd'hui et écouter ce que les Canadiens ont à dire, dans l'espoir que...
    À l'ordre, s'il vous plaît. Il faut laisser au député le temps de répondre afin qu'ensuite, d'autres personnes puissent aussi poser des questions.
    Le député de Calgary Shepard a la parole.
    Madame la Présidente, j'ai craint un instant que les résultats des élections manitobaines aient presque rendu le député muet.
    L'ancien gouvernement a lancé des consultations nationales et commencé à demander aux Canadiens ce qu'ils souhaitaient voir dans ce projet de loi. C'est se réfugier derrière des prétextes que de prétendre que le temps presse. Quelques mois se sont déjà écoulés depuis le 19 octobre. Le gouvernement aurait très bien pu présenter un projet de loi, et nous aurions alors pu l'étudier. Nous aurions eu beaucoup plus de temps pour débattre de la question en profondeur.
    La réponse est simple: le gouvernement aurait dû présenter un projet de loi dès décembre ou janvier afin de donner le coup d'envoi au processus. Les libéraux connaissaient les échéanciers et ils savaient quand il aurait fallu agir pour ne pas qu'il soit trop tard. Ils ont au contraire tellement attendu que le temps nous manquera pour débattre et étudier leur mesure législative.
    Monsieur le Président, j'ai entendu beaucoup de députés qui étaient d'accord, mais en ce qui me concerne, j'aimerais parler de la correspondance que m'envoient les habitants de ma circonscription, Nanaimo—Ladysmith.
    Voici ce que dit une des lettres que j'ai reçues: « Je veux pouvoir choisir le moment de ma mort et la manière dont je mourrai. Il ne suffit pas d'ouvrir des maisons de soins palliatifs; il faut que ces soins soient de meilleure qualité, qu'on en offre davantage et qu'ils soient aussi offerts chez les gens et dans les résidences. À mon sens, il s'agit d'un droit fondamental, et même si j'y accorde personnellement une grande importance pour mes vieux jours, j'estime que tous les Canadiens, quel que soit leur âge, devraient pouvoir choisir leur fin en pouvant compter sur du soutien. »
    Cette question est dans l'air depuis longtemps, et j'ai l'impression que la population et le Parlement sont mûrs pour prendre une décision. Cela dit, pour revenir sur ce que disait mon collègue d'en face, les conservateurs ont eu l'occasion de consulter la population, mais ils n'ont rien fait à part traîner les pieds.
    Je crois que tous les partis s'entendent: le leadership dont le Québec a fait montre jusqu'ici mérite l'admiration, tout comme les consultations complètes et rigoureuses qu'il a menées. Les conservateurs étaient encore au pouvoir lorsque l'arrêt Carter a été rendu; pourquoi, dans ce cas-là, n'ont-ils pas pris sur eux d'organiser les consultations dont le pays avait besoin?
(1900)
    Monsieur le Président, évidemment, je ne faisais pas partie du gouvernement au cours de la législature précédente, mais les conservateurs ont tenu des consultations nationales, nommé un comité et écouté les Canadiens leur dire ce qu'ils voulaient voir dans le projet de loi. Faut-il le répéter, le gouvernement actuel aurait pu déposer un projet de loi en décembre ou en janvier et en commencer l'étude aux Communes pour que le comité ait le temps de l'examiner soigneusement, article par article, et pour que le Sénat puisse également prendre part au débat.
    Nous pourrions débattre des échéances fixées, qui sont peut-être un bon choix ou un mauvais choix, mais que nous ne pouvons plus changer. Nous avons jusqu'au 6 juin pour que le comité présente son rapport et pour que les deux Chambres adoptent un projet de loi. Avant toute chose, c'est le contenu du projet de loi qui compte. C'est ce dont nous débattons présentement. Nous ne débattons pas de l'opportunité de l'échéancier choisi. C'est le contenu, les mesures de sauvegarde et la conformité avec l'arrêt Carter qui importent.
    Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui pour participer au débat sur le projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications à d’autres lois concernant l'aide médicale à mourir.
    Je voudrais commencer par dire que je reconnais la nature profondément personnelle et difficile de ce sujet pour beaucoup des citoyens de notre grand pays. Chacun de nous connaît au moins une personne qui est morte ou qui est en train de mourir dans des douleurs intolérables. Cette situation est difficile pour les familles qui voient leurs proches souffrir, et encore plus difficiles pour l’intéressé qui n’a aucun contrôle sur sa situation et qui estime avoir le droit de choisir une mort paisible. Mes amis, c’est la raison pour laquelle nous devons avoir cette discussion et adopter ce projet de loi.
     Beaucoup de nos collègues, des deux côtés de la Chambre et du Sénat ont beaucoup travaillé ces derniers mois au sein du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir en vue de créer un cadre complet permettant d’appliquer les éléments essentiels de l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Carter. Cet arrêt établit un certain équilibre entre différents intérêts et protège les personnes vulnérables. Je voudrais remercier tous nos collègues du comité mixte, les membres de leur personnel, les analystes de la Bibliothèque du Parlement, la greffière et tous les témoins qui ont comparu ou ont présenté des mémoires au comité.
     Ce n’est pas un sujet facile pour ceux qui témoignent et ceux qui écoutent ou lisent les témoignages un jour après l’autre et qui sont soumis à de fortes tensions psychologiques. En même temps, les témoins qui ont participé aux consultations méritent des félicitations pour leur participation à un épisode mémorable de l’histoire du Canada, qui nous a permis de modifier notre législation afin de permettre à nos citoyens de mourir dans la dignité.
     L’année dernière, un groupe consultatif provincial-territorial sur l’aide médicale à mourir avait été établi, sous la direction de l’Ontario, avec la participation de la plupart des provinces et des territoires. Cela témoigne de l’intérêt que les gens portent à l’adaptation de nos lois pour permettre une mort digne.
     Le rapport produit demande sans équivoque que le Code soit modifié pour permettre à des professionnels de la santé réglementés d’aider des patients à mourir et pour protéger les professionnels qui le font. Nous attendons avec intérêt l’occasion de collaborer avec ces partenaires provinciaux et territoriaux. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons prévu dans notre budget le financement d’un accord pluriannuel sur la santé ainsi que l’affectation de 3 milliards de dollars sur les quatre prochaines années pour l’amélioration des soins à domicile et des soins palliatifs.
     Le 6 février 2015, la Cour suprême du Canada a déclaré à l’unanimité que l’interdiction de l’aide médicale à mourir prévue dans le Code criminel était inconstitutionnelle dans le cas d’adultes capables qui ont clairement consenti à mourir parce qu’ils éprouvaient de grandes souffrances et que leur décès était raisonnablement prévisible. J’aimerais citer un passage clé de cette décision de la Cour suprême:
     Au Canada, le fait d’aider une personne à mettre fin à ses jours constitue un crime. Par conséquent, les personnes gravement et irrémédiablement malades ne peuvent demander l’aide d’un médecin pour mourir et peuvent être condamnées à une vie de souffrances aiguës et intolérables. Devant une telle perspective, deux solutions s’offrent à elles: soit mettre fin prématurément à leurs jours, souvent par des moyens violents ou dangereux, soit souffrir jusqu’à ce qu’elles meurent de causes naturelles. Le choix est cruel.
    Voilà ce qui est au coeur du débat, et le comité mixte spécial a démontré qu'il a compris les arguments de la Cour suprême. Le rapport du comité le démontre également. Je le cite: « La réponse du gouvernement à l’arrêt Carter doit être axée sur les besoins et les volontés des patients. Le Comité a reconnu à l’unanimité la nécessité absolue de mettre en place des mesures de protection des personnes vulnérables. »
    Ainsi, ce projet de loi permet d'atteindre un juste équilibre entre les principaux objectifs qui ressortent de la discussion sur ce sujet, notamment: reconnaître l'autonomie et la dignité des personnes; reconnaître la valeur inhérente et l'égalité de chaque vie humaine; admettre les personnes adultes capables dont la mort est raisonnablement prévisible et qui éprouvent des souffrances intolérables; établir l'équilibre entre les divers intérêts, y compris l'autonomie personnelle en fin de vie et la protection des personnes vulnérables; favoriser une approche cohérente dans l'ensemble du pays.
(1905)
    Le projet de loi C-14 tient compte des demandes formulées par différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des médecins et des infirmiers praticiens, des patients et des familles, des groupes de défense des droits civiques, des plus grands spécialistes, des groupes religieux ou des gouvernements provinciaux et territoriaux, pour ne nommer que ceux-là.
     Pour permettre l’aide médicale à mourir, on changera le Code criminel afin que les médecins, les infirmiers praticiens et les gens qui les assistent puissent administrer l’aide à mourir aux patients admissibles sans s’exposer à des accusations d’homicide ou d’assistance au suicide. Il y aura des mécanismes garantissant que l’aide à mourir ne sera fournie qu’aux personnes qui sont admissibles, qui donnent un consentement éclairé et qui en font volontairement la demande. La ministre de la Santé aura les pouvoirs voulus pour instaurer par voie de règlement un mécanisme de surveillance et de rapport visant l’aide médicale à mourir. Il est crucial que les médecins ne soient pas les seuls à pouvoir administrer cette aide.
     Les infirmiers praticiens devront être un des piliers du régime, si l’on veut que toute la population ait un accès équitable à une mort paisible. Les infirmiers praticiens sont autorisés à dispenser une bonne partie des services médicaux autrement réservés aux médecins de famille. Ils peuvent évaluer les patient, les diagnostiquer, leur rédiger des ordonnances et les traiter. Ils pratiquent de façon autonome dans toutes les provinces et territoires, sauf au Québec, où ils exercent sous la direction d’un médecin. Voilà pourquoi ils sont visés par le projet de loi C-14.
     Pour garantir la sécurité de toutes les personnes vulnérables, nous avons inclus les mesures de protection suivantes, qui sont obligatoires: obtention d’un premier avis médical; obtention d’un deuxième avis médical, indépendant du premier; présentation d’une demande déposée par écrit ou par procuration devant deux témoins indépendants; droit de retirer la demande à tout moment; période d’attente de 15 jours, sauf si la mort ou la perte de capacité est imminente; et confirmation du consentement immédiatement avant l’administration de l’aide médicale à mourir.
    Comme gouvernement qui valorise la prise de décision fondée sur des éléments probants, nous croyons que les dispositions relatives à la surveillance sont essentielles pour assurer la transparence et la reddition de comptes dans le régime d’aide médicale à mourir; elles permettront aussi d’évaluer si la loi remplit l’objectif de respecter l’autonomie des personnes admissibles qui se prévalent de l’aide médicale à mourir, tout en protégeant les personnes vulnérables et en garantissant la liberté de conscience des professionnels de la santé.
     Pratiquement partout où l’on a autorisé une forme d’aide médicale à mourir, on a mis en place un système de surveillance visant les mêmes objectifs. Le gouvernement collaborerait avec les provinces et les territoires pour élaborer la réglementation requise et pour mettre en place un système transitoire jusqu’à ce qu’on institue un système permanent. Comme le texte prévoit un examen parlementaire cinq ans après l’adoption de la loi, les données recueillies dans le cadre des activités de surveillance serviraient aussi à améliorer le régime.
    Il y a ceux qui disent que cette loi ne va pas assez loin. Nous les avons écoutés attentivement et apprécions leur apport et la passion avec laquelle ils prônent un encadrement complet de l'aide médicale à mourir. Ce sont leurs efforts infatigables qui feront en sorte que nous aurons la meilleure loi possible dans ce domaine des plus délicats.
    Cela étant dit, nous n'en savons pas assez à l'heure actuelle au sujet des risques ou des avantages de l'aide médicale à mourir dans le cas de mineurs. Il nous faudrait certainement plus de temps pour étudier cette question, ainsi que celle des demandes anticipées dans les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale motivant la demande.
     Il s'agit là d'éléments importants du problème qui ne peuvent pas être décidés et insérés à la hâte. Ils seront étudiés indépendamment après l'adoption du projet de loi afin que nous puissions, en tant que gouvernement, assumer notre responsabilité de protéger toutes les personnes vulnérables contre d'éventuels abus ou erreurs.
     En conclusion, je dirai que nous n'avons certes pas une tâche facile devant nous. Mais la plupart des choses qui méritent d'être faites ne sont pas faciles. Nous avons été élus pour prendre des décisions difficiles et pour travailler sans relâche dans l'intérêt de nos commettants et de tous les Canadiens. Les Canadiens se sont exprimés clairement sur cette question, et nous savons que la majorité d'entre eux est favorable à l'aide médicale à mourir. Nous leur devons de débattre énergiquement ce projet de loi, puis de l'adopter afin de leur permettre de choisir comment ils termineront leur vie.
(1910)
    Monsieur le Président, le député a terminé son intervention en faisant allusion aux sondages d'opinion. Nous savons bien sûr que les Canadiens sont en faveur de solides mesures de sauvegarde, notamment en ce qui concerne le respect de l'objection de conscience. Une certaine forme de suicide assisté sera permise au Canada, mais les Canadiens veulent nous voir accomplir la rude tâche de mettre en place des mesures de sauvegarde.
     Le député a parlé précisément de l'arrêt du tribunal. Il doit savoir que, lorsqu'elle a accepté que le délai soit prolongé de quatre mois, la Cour a mis en place un système permettant, certes, aux gens de demander l'euthanasie ou le suicide assisté entretemps, mais les obligeant à se présenter d’abord devant un juge. Dans sa sagesse, la Cour a bien compris la nécessité de prévoir une certaine forme d'examen juridique.
     En raison de ses critères ambigus, de l'absence d'examen juridique préalable et de la possibilité accordée aux gens d'aller de médecin en médecin jusqu'à obtenir le bon résultat ou le résultat qu'ils désirent, le système proposé ne permet pas de garantir la moindre forme de contrôle valable.
    Le député serait-il d'accord avec moi, et franchement d'accord avec l'orientation que la Cour semble nous avoir donnée quand elle a accordé le nouveau délai, à savoir que nous devons mettre en place un quelconque système prévoyant un examen juridique préalable réalisé par une autorité compétente — système qui n'a pas à être excessivement complexe — pour faire en sorte que, dans tous les cas, on satisfasse aux critères qui seront éventuellement inscrits dans le texte de loi?
    Monsieur le Président, le gouvernement a défini un cadre clair pour assurer la protection des personnes les plus vulnérables de notre société. Dans le cas d'adultes mentalement capables dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de leurs capacités, qui sont atteints d'une maladie grave et incurable et chez qui la mort est raisonnablement prévisible, il devra y avoir non seulement une, mais bien deux opinions médicales indépendantes.
     Nous avons aussi affirmé notre intention de collaborer avec les provinces et les territoires pour nous assurer d'avoir une réglementation qui soit conforme aux intérêts de tous les Canadiens.
    Monsieur le Président, nous voulons que le projet de loi franchisse les étapes jusqu'à l'adoption. Nous voulons que ce service médical soit accessible à tous. Nous voulons également bien faire les choses jusque dans les détails.
    En campagne électorale, le chef du Parti libéral a publié une déclaration indiquant qu'il estime que la Cour suprême a pris la bonne décision et que les lois du Canada doivent respecter la décision de la cour, car c'est la bonne chose à faire.
    Si des experts qui ont témoigné dans l'affaire Carter constatent qu'en fait le projet de loi ne respecte pas l'orientation et la décision de la cour, le premier ministre et son parti appuieront-ils toujours l'orientation du projet de loi, ou vont-ils présenter des amendements au comité afin de rendre le projet de loi conforme à la décision de la Cour suprême? Vont-ils demander un renvoi à la Cour suprême pour s'assurer que leur proposition est entièrement conforme à la Charte?
    Monsieur le Président, le projet de loi C-14 représente une réponse directe à l'arrêt Carter. Il établit un cadre pour faire en sorte que nous ayons l'aide médicale à mourir au Canada à l'intérieur d'un cadre qui protège de l'abus les personnes les plus vulnérables.
    À l'étape de la deuxième lecture, la procureure générale a dit que le gouvernement rendra publics les documents qui examinent l'incidence du projet de loi au regard de la Charte pour que tous les Canadiens ainsi que la Chambre puissent les consulter.
    Nous collaborerons avec les provinces et les territoires pour nous assurer qu'une réglementation protège ce cadre, car il s'agit d'un sujet très sensible pour tous les Canadiens. Le projet de loi est une excellente réponse à l'arrêt Carter, et l'examen parlementaire après cinq ans fera en sorte que le cadre législatif entourant cette question continuera de s'améliorer.
(1915)
    Monsieur le Président, j'ai écouté le député parler des détails relatifs à la prise de décisions par les médecins et les infirmiers praticiens.
    Est-ce que le député convient que la mesure législative laisse la responsabilité aux provinces et, de façon particulière, aux organismes de réglementation? Cela ouvre la porte à toutes sortes de décisions réglementaires au Canada, qui ne seront pas uniformes ni cohérentes.
    Monsieur le Président, mon collègue sait très bien que les soins de santé relèvent à la fois de la compétence des provinces et de celle du gouvernement fédéral, et nous devons travailler avec nos partenaires, les provinces et les territoires, pour adopter ce projet de loi et établir un cadre.
    Nous avons clairement dit que nous étions prêts à travailler avec nos partenaires pour veiller à ce que notre confédération serve au mieux tous les Canadiens, surtout pour des questions comme l'aide médicale à mourir, et que nous avions à coeur l'intérêt supérieur des Canadiens.

[Français]

    Monsieur le Président, je suis très fier de participer à ce débat en tant que porte-parole pour les gens de Timmins—Baie James.
    Il s'agit d'un débat historique pour notre pays. La question de l'aide médicale à mourir constitue un enjeu très complexe et très touchant. En tant que parlementaires, nous avons l'obligation de travailler ensemble, de trouver un équilibre, de respecter la décision de la Cour suprême concernant l'affaire Carter, de mettre en place des protections pour les gens vulnérables et les personnes âgées, et enfin, de lancer un plan national afin de garantir l'accès aux soins palliatifs.

[Traduction]

    Pour commencer la discussion, je crois qu'il est très important de dire qu'aucun d'entre nous n'aborde ce débat avec une quelconque supériorité morale. Cette question nous touche tous. Elle touche nos familles. Nous ne pouvons pas en parler sans penser à notre vie personnelle et à celle des personnes que nous connaissons.
    Alors que nous débattions de la question, j'étais à l'hôpital avec une personne très proche. Les médecins ont dit qu'il n'y avait plus rien à faire, que la personne devait aller dans un centre de soins palliatifs, qu'il ne lui restait que quelques jours. Cette personne, dont je suis très proche, a dit que, s'il ne lui restait que quelques jours à vivre, elle voulait se faire coiffer et acheter de beaux souliers, à 600 $ la paire. Comme elle vient d'une famille écossaise, c'était étonnant. Elle a dit que, s'il ne lui restait que quelques jours à vivre, elle voulait sortir et manger un bon repas. Ces derniers jours se sont transformés en semaines.
    Chaque jour est un miracle. Nous devons le reconnaître. Le pouvoir et la volonté de vivre sont incroyables. Nous devons encourager cela. Nous devons également reconnaître les personnes qui vivent avec des douleurs intolérables et respecter celles dont les espoirs pour l'avenir sont anéantis par une maladie débilitante. Cela nous place dans une position très particulière et nous devons être prudents.
    Je tiens à affirmer, d'entrée de jeu, que je reconnais l'importance et la primauté de la Cour suprême du Canada. Je crois toutefois qu'elle a fait fausse route dans sa façon de traiter les Canadiens. Selon moi, si elle a exigé que le Parlement agisse avant une date précise, c'est parce que le gouvernement de l'époque semblait refuser de donner suite à plusieurs décisions judiciaires.
    La Cour suprême aurait pu, dans un esprit d'équité, reconnaître que les élections d'octobre marquaient le début d'un nouveau mandat et d'un nouveau gouvernement. Le gouvernement aurait dû avoir la possibilité de tenir des discussions partout au pays. Un débat comme celui-là devrait être ouvert à tous les Canadiens, et non réservé aux parlementaires. On ne m'accusera jamais de donner des chèques en blanc au gouvernement, mais des circonstances indépendantes de sa volonté l'obligent malheureusement à adopter cette loi d'ici juin.
    À tous ceux qui trouvent ce projet de loi fort préoccupant et à certains de mes collègues conservateurs, je tiens à rappeler que, si le Parlement n'agit pas, s'il n'établit pas de paramètres dans ce domaine, nous serons aux prises avec un vide juridique. Les tribunaux du pays prennent déjà des décisions sur l'aide médicale à mourir. Ils comblent le vide juridique actuel.
    Nous devons réagir. Il ne suffit pas d'affirmer que nous lutterons contre cette mesure, que ce n'est pas le travail de la Cour suprême et que le Parlement devrait reprendre le contrôle. Les gens peuvent dire ce qu'ils souhaitent, mais, en fin de compte, si nous n'agissons pas d'ici juin, nous nous retrouverons avec un vide juridique dans ce pays. Je dirais à n'importe lequel de mes collègues qui sont très préoccupés par ce projet de loi de bien regarder ce qui se passe lorsqu'il y a un vide juridique, lorsque des gens retournent voir la Cour suprême et demandent que les règles soient élargies davantage.
    Où cela nous mène-t-il? L'une de mes préoccupations, c'est que, si nous parlons du droit constitutionnel qu'ont les gens, où qu'ils se trouvent au pays, de mettre fin à leur vie s'ils se retrouvent dans une situation médicale difficile, comment pouvons-nous tenir un tel débat sans mentionner que les gens ont également droit à des soins palliatifs de fin de vie de qualité?
    Dans l'ensemble du pays, seuls 16 % à 30 % de Canadiens ont accès à des soins palliatifs de qualité. Six provinces seulement ont défini les soins palliatifs dans leur cadre de travail. En fait, seulement quatre provinces ont un cadre de soins palliatifs. La situation est très inégale partout au pays.
(1920)
    À la Chambre, nous respectons le fait qu'une bonne partie des services de santé sont offerts par les provinces, mais le gouvernement a un rôle fondamental à jouer dans sa collaboration avec elles. Voilà pourquoi, au cours de la dernière législature, le Nouveau Parti démocratique a milité en faveur d'une stratégie nationale de soins palliatifs qui respecterait la compétence des provinces et des territoires, mais qui chercherait à trouver des façons d'offrir des services de soins palliatifs adéquats. La quasi-totalité des parlementaires ont voté en faveur de cette proposition, mais aucune mesure n'a encore été prise à cet égard. Le gouvernement actuel n'a encore rien fait, ce qui constitue une erreur fondamentale si on parle de faire adopter cette mesure législative d'ici juin.
    Aujourd'hui, c'est la première fois que j'entends un ministériel parler du financement promis pendant la campagne électorale, qui devait s'élever à 3 milliards de dollars. On peut maintenant oublier ce montant. Encore une fois, il est remis à plus tard. C'est inadmissible. J'ai entendu des gens parler de choix limités cruels et de compassion, mais cela arrive constamment. Une personne malade vivant en région rurale dans le Nord de l'Ontario et dont les enfants vivent en Alberta ou en Colombie-Britannique est forcée de prendre des décisions très difficiles sans aide. J'ai parlé à des gens dans cette situation à mon bureau, et ce manque d'accès à des soins palliatifs de qualité est déchirant.
    Le Nouveau Parti démocratique a présenté durant l'actuelle législature la motion M-46, où l'on réclame la mise en oeuvre d'une stratégie pancanadienne de soins palliatifs en fin de vie. La motion a déjà été appuyée par la Chambre mais on n'y a pas donné suite. Nous réclamons que des mesures soient prises pour rétablir le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie et lui consacrer des fonds. Il aurait été possible de le faire dans le cadre de l'actuel budget. Nous pourrions encore agir pour lancer une campagne nationale de sensibilisation sur les soins de fin de vie et entamer une discussion publique sur le sujet. J'entends souvent dire qu'il est important d'en débattre à la Chambre. Selon moi, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer pour faire avancer le dialogue.
    Autre point: les prestations de compassion pour les personnes devant prendre soin de leurs proches. Enfin, un pan important de la législation fédérale traite du régime de soins de santé pour les Autochtones, les militaires et les détenus.
    Selon l'article 12.1 de la loi fédérale sur la santé, un Autochtone qui quitte sa réserve par avion pour aller finir ses jours ailleurs ne peut en aucune circonstance être accompagné par son conjoint durant le vol. La personne doit mourir seule. On précise que les dispositions de l'article 12.1 ne sont pas assujetties à la procédure d'appel en usage. Le premier point sous cet article de ces normes sur la santé exclut la compassion en toutes circonstances. Voilà qui pourrait être changé dès demain. La ministre de la Santé pourrait déclarer ces normes inacceptables et cruelles, et refuser que le gouvernement fédéral laisse une personne âgée mourir seule, sans la présence de son conjoint, et qu'il permette qu'en aucune circonstance on ne puisse invoquer la compassion pour faire le contraire. Quelle sorte de nation considérerait des normes administratives de ce genre comme parfaites? Elles ne le sont pas.
    Par conséquent, si nous allons tenir une discussion sur l'idée de permettre aux gens atteints d'une maladie incurable d'avoir un tel choix, et si nous allons étendre une telle mesure à l'échelle nationale, alors il incombe à la Chambre de dire que toute famille ayant un proche en proie à des souffrances aura le soutien dont elle a besoin, parce que se relever de la mort d'un être cher est une expérience de découverte de soi. Parfois, une famille s'en sort plus forte et plus unie, mais d'autres fois, c'est tout le contraire: des familles peuvent éclater en raison du fardeau imposé par un système qui les a laissées tomber à maintes reprises, et ce, au moment le plus vulnérable de leur vie, quand elles ont le plus besoin d'un coup de main.
    C'est pourquoi j'invite mes collègues à réfléchir à ceci. Nous pourrions viser un objectif supérieur à la Chambre. Nous pourrions nous montrer à la hauteur de notre responsabilité, qui est d'établir une vision pour notre pays. Il s'agit d'une occasion, mais il faudra aller au-delà d'un simple projet de loi. Cette mesure devra être assortie d'un plan pour les soins palliatifs dans l'ensemble du pays.
(1925)
    Monsieur le Président, je suis heureux d'entendre les nombreux commentaires sur les soins palliatifs. Lorsque j'étais porte-parole en matière de santé au Manitoba, j'ai passé beaucoup d'heures à discuter avec des personnes qui souhaitaient ardemment qu'on élargisse l'accès à des soins palliatifs. C'est une question à laquelle toutes les provinces doivent s'attaquer, tandis qu'elles tentent de gérer leur budget. Ce n'est pas facile.
    La ministre de la Santé et le premier ministre ont pris un engagement à cet égard, et nous voulons faire preuve d'un leadership solide dans ce dossier. Nous parlons d'un investissement de 3 milliards de dollars. Nous parlons du renouvellement de l'accord sur la santé, qui a été signé en 2004.
    Il s'agit pour les parlementaires d'une occasion de reconnaître qu'il faut investir dans les soins palliatifs. Or, le député ne convient-il pas que, pour faire preuve de ce leadership, il est absolument essentiel que nous collaborions avec des intervenants provinciaux et d'autres acteurs afin de nous assurer que nous fournissons un service et que, quelle que soit la région du pays, tous les Canadiens ont accès à au moins des soins palliatifs de base?
    Monsieur le Président, si nous avons voté en faveur de la stratégie sur les soins palliatifs durant la précédente législature, c'est bien parce qu'il était précisé, en tête de page, que le travail devait se faire en collaboration avec les provinces et les territoires, mais, jusqu'à présent, rien n'a été fait. On n'a pas donné suite à la motion demandant l'établissement d'une stratégie sur les soins palliatifs. On a beau en parler, mais ce n'est que du vent si on ne prend pas la peine de dresser la stratégie ou de créer le secrétariat.
    C'est bien beau, 3 milliards de dollars, mais il n'y a rien dans le budget. Pas un traître sou dans le budget pour combler les lacunes dans les soins de santé.
    Mon collègue a beau secouer la tête, cela ne change rien au fait qu'une promesse électorale ne vaut pas grand-chose. Pour mettre en place un régime de soins palliatifs, il faut avoir la volonté politique de le faire, et la volonté politique se manifeste lorsque l'on déclare dans un budget ou dans un discours du Trône son intention de fonder un secrétariat qui mettra enfin le processus en branle.
    C'est aujourd'hui la première fois que les libéraux ont fait une telle déclaration. Ô surprise, de quelle question sommes-nous saisis? Il suffit de parler de l'aide médicale à mourir pour faire naître comme par magie la volonté politique des députés d'en face. Quoi qu'il en soit, seul le gouvernement a le pouvoir de concrétiser sa volonté.
    J'aimerais donc que les libéraux nous expliquent pourquoi ils n'ont pas accordé un traître sou aux services de santé destinés aux Premières Nations qui relèvent de leur compétence afin de combler leurs énormes lacunes. Les libéraux ont beau parler de soins palliatifs, ils vont devoir en établir les structures et ils n'ont encore rien fait à cet égard.
    Monsieur le Président, le député a souvent parlé du vide que l'on créera si l'initiative tombe à l'eau. J'aimerais qu'il nous dise ce qui se passera, selon lui, si la Chambre rejette le projet de loi.
    Monsieur le Président, je crois qu'il serait incroyablement irresponsable de dire à la Cour suprême que nous avons eu l'occasion de donner suite à son jugement, mais que nous ne le ferons pas. La Cour suprême se contentera-t-elle de nous répondre que c'est parfaitement raisonnable? La Cour suprême nous répondra que nous avons eu l'occasion de rédiger un projet de loi prévoyant des règles et des limites précises et que, compte tenu du vide juridique, d'autres décisions seront prises.
    Des groupes se manifesteront pour contester le jugement de la Cour suprême. Ils diront qu'ils ont pris connaissance de l'arrêt Carter, qu'ils pensent que cela ne va pas assez loin et qu'ils veulent établir d'autres droits. Ces droits seront établis parce que le Parlement l'aura permis en vertu du mandat. Je crois que nous devrions avoir plus de temps, mais ce n'est pas le cas. Si nous disons à la Cour suprême que nous n'assumerons pas notre responsabilité, ici, à la Chambre des communes, de rédiger un projet de loi, devant le vide juridique, de nombreuses mesures seront prises, et les députés ne pourront rien y faire, si ce n'est de prononcer des déclarations de députés pour fulminer encore une fois contre la Cour suprême.
    C'est notre responsabilité; nous avons ce devoir, et nous pouvons le faire maintenant. Je propose de travailler tous ensemble parce que nous sommes tous concernés. Nous devons adopter un projet de loi. Autrement, le vide juridique sera potentiellement très difficile à gérer, voire destructeur, sur le plan social.
(1930)

[Français]

    Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends part au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-14, qui porte sur l'aide médicale à mourir au Canada.
    J'ai eu le privilège de faire partie du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, et j'ai appuyé chacune des recommandations du rapport.
    Toutefois, comme bon nombre d'entre nous le reconnaissons aujourd'hui, l'aide médicale à mourir est une question complexe, délicate et infiniment personnelle.
    Depuis que la Cour suprême a rendu sa décision dans l'affaire Carter, l'année dernière, les Canadiens et les Canadiennes ont pris part à la discussion d'un bout à l'autre du pays. La question continue aussi de faire l'objet de débats et de réflexions approfondies dans le monde entier, des États-Unis à l'Europe, en passant par l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
    Presque partout dans le monde, le fait d'enlever la vie de façon délibérée et d'aider quelqu'un à mettre fin à ses jours sont des crimes graves punis par de lourdes peines.
    Cependant, comme bon nombre de gens le savent, le Canada n'est pas le seul à légiférer et à autoriser l'aide médicale à mourir. Quatre États américains, soit l'Oregon, Washington, le Vermont et la Californie, de même que la Colombie et trois pays européens, soit la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, disposent d'un régime législatif autorisant une forme ou une autre d'aide médicale à mourir.
    Après avoir écouté plus de 60 témoins experts lors des audiences du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, j'ai été profondément marqué par les témoignages de l'honorable Steven Fletcher, de Me Benoît Pelletier, de Me Jean-Pierre Ménard, du Québec, de la présidente de l'Association médicale canadienne, Dre Cindy Forbes, et de la représentante de la Société canadienne des médecins en soins palliatifs, Dre Monica Branigan.
    Par contre, la semaine dernière, j'ai reçu l'appel à mon bureau de comté de Mme Bibianne Gauthier, la mère de Jean Truchon. À la suite de cette discussion, j'ai pu mettre un visage sur une demande réelle d'aide médicale à mourir.
    Après avoir rencontré Mme Gauthier et son fils Jean, j'ai décidé de faire part à tous mes collègues de la Chambre de ce cas réel, et de lire ici la lettre que Jean Truchon a écrite à son équipe traitante le 20 janvier dernier.
    Je tiens à informer la Chambre que j'ai obtenu personnellement l'autorisation de M. Jean Truchon de lire cette lettre ici, au Parlement canadien. Je le fais également à la demande des parents de M. Truchon:
    « J'ai 48 ans et je suis atteint de paralysie cérébrale depuis ma naissance. J'ai vécu 22 belles années en appartement.
     Le 11 mars 2012, ma vie a complètement basculé lorsque l'équipe médicale du Centre hospitalier universitaire de Montréal m'a diagnostiqué une hernie cervicale dégénérative inopérable. Ce jour-là, j'ai mis, bien malgré moi, un pied dans la tombe, et j'ai la ferme intention d'y mettre le reste de mon corps le 1er septembre 2016. J'ai dû me résigner à vivre en hébergement, et malgré les bons soins et mes efforts pour m'adapter, cela reste impensable pour moi de prolonger ma vie dans ces conditions.
    Ma demande est celle-ci. Comme je crois ne pas satisfaire aux critères d'admissibilité de l'aide médicale à mourir [en janvier de cette année], mon intention est de refuser que le personnel m'alimente et m'hydrate, car je ne peux manger seul. Je vous demande donc d'octroyer à mon médecin du centre le droit de m'administrer une médication pour au moins soulager mes douleurs.
    Je me regarde dans le miroir et je ne reconnais plus l'homme que j'ai connu auparavant. Et à ce moment-là, je me dis “À quoi bon continuer à vivre dans ces conditions“. Parfois, je me dis qu'on n'est pas obligé d'être en fin de vie pour atteindre des souffrances intolérables comme je le ressens actuellement. Les médecins m'ont expliqué qu'un jour indéterminé, je deviendrai incontinent, et simplement d'envisager de me rendre là, c'est trop pour moi. J'ai encore trop de dignité pour vivre ce genre d'affront.
(1935)
    À un moment donné, j'étais au lit et on n'a pas répondu à ma cloche d'appel. J'ai dû faire mes besoins au lit. À ce moment-là, j'ai compris que la vie en institution n'était pas pour moi. Je sais que d'autres personnes qui ont une vie et des conditions similaires font des choix différents. Toutefois, dans mon cas, j'ai pris la décision mûrement réfléchie que l'année 2016 serait la dernière pour moi.
    Je suis conscient que mourir avant mes parents, ce n'est pas la meilleure façon de partir, car cela défie la logique, mais je n'en peux plus. Ma famille et mes amis sont au courant, et ils respectent ma décision même s'ils ne sont pas d'accord, car ils vont me perdre. Ils comprennent tout le mal que je vis, et je les remercie de leur prise de conscience.
    J'ai déjà pensé à un suicide de manière plus draconienne, mais la crainte de survivre dans une condition pire que la mienne m'empêche de le faire. En outre, pour apaiser la peine de ma famille, je choisis de partir de manière plus honnête en faisant la démarche avec eux. Les antidépresseurs qui m'ont été offerts, avec une explication des bienfaits possibles, ne pourront jamais me redonner l'usage de mes membres supérieurs ni changer mon pronostic de détérioration physique. En toute conscience et de mon plein gré, j'ai refusé ce médicament qui ne me redonnera pas le goût à une vie qui me semblerait artificielle.
    Si cette lettre peut permettre une prise de conscience plus objective envers ceux qui souffrent et qui ne sont pas en fin de vie, j'aurai atteint un de mes objectifs.
    Comme je n'ai aucune attente que mon cas soit admissible à une aide médicale à mourir, je fais aussi appel au Comité de Bioéthique CIUSSS pour que mon équipe traitante respecte mon choix et pour recevoir les soins de confort et les médicaments nécessaires pour alléger mes souffrances lorsque j'arrêterai de m'alimenter.
    Je vous remercie d'avoir pris le temps de lire cette lettre et je vous prie d'agréer mes salutations les plus distinguées. »
    La lettre a été signée par Jean Truchon.
    La décision de cet homme extraordinaire de 48 ans n'est que l'un des visages de la réalité de l'aide médicale à mourir au Canada, mais le courage de Jean m'aide à croire que le Comité a fait de bonnes recommandations dans son rapport.
    La ministre de la Justice a consulté toute la législation existante dans le monde pour procéder à la réponse législative du gouvernement dans la décision Carter.
    Le projet de loi précise trois critères d'admissibilité: les adultes ayant les capacités mentales et qui sont dans un état avancé de déclin irréversible; qui sont atteints d'une maladie ou d'un handicap grave et irrémédiable, et dont l'état de santé leur occasionne des souffrances persistantes et intolérables; et donc la mort est devenue raisonnablement prévisible, compte tenu de l'ensemble de leur situation médicale.
    Le projet de loi a aussi prévu un volet non législatif. On prévoit des études supplémentaires sur trois sujets précis: les mineurs matures, les demandes anticipées et la maladie mentale.
    Je suis aussi heureux de voir que le projet de loi C-14 prévoit des mesures de sauvegarde solides qui préviendront les erreurs et les abus. Je me permets de les citer à nouveau: il faut l'avis de deux médecins indépendants et il faut une demande écrite; le patient a le droit de retirer la demande; il y a une période d'attente de 15 jours; et il y a la confirmation du consentement immédiatement avant l'administration de l'aide médicale à mourir.
     En terminant, j'invite tous les députés à lire le document intitulé « Résumé législatif du projet de loi C-14: Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois (aide médicale à mourir) », déposé à la Chambre par la ministre de la Justice. Il contient des renseignements importants sur les lois et les régimes internationaux qui ont influé sur l'approche du gouvernement envers l'aide médicale à mourir au Canada.
    Le gouvernement a cherché à tirer une leçon des expériences des autres juridictions. L'approche envisagée est plus large que celle des États-Unis, qui permet l'accès seulement aux personnes souffrant d'une maladie incurable. En effet, l'approche considérée offre plutôt la possibilité d'une mort paisible à toutes les personnes qui approchent de leur fin de vie, et pas seulement à celles souffrant de maladies incurables. Du même coup, il écarte certains des risques qu'un régime élargi peut comporter. Parallèlement, le gouvernement s'est engagé à continuer à examiner ces questions de portée plus générale, et il continuera à observer ce qui se fait ailleurs dans le monde en ce qui concerne l'aide médicale à mourir.
    J'exhorte tous les députés à appuyer ce projet de loi, de répondre ainsi à la demande de notre Cour suprême de légiférer dans ce domaine et de l'envoyer en comité pour étude.
(1940)

[Traduction]

    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de ses bons mots et j'aimerais lui poser une question.
    Le gouvernement libéral a présenté ce projet de loi parce qu'il croit que la Cour suprême du Canada a pris une décision responsable dans le dossier. Le Cabinet du premier ministre fait preuve d'un leadership solide auprès des ministres à qui il incombe de présenter le projet de loi. Par ailleurs, on nous parle souvent de l'importance non seulement du projet de loi, mais aussi de la question des soins palliatifs.
    Je me demande si le député veut profiter de l'occasion pour nous dire à quel point ses concitoyens et lui-même trouvent que la prestation de soins palliatifs est importante dans tout ce débat.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
    Lors de ma participation au comité mixte, j'ai pleinement pris conscience du fait que la question soulevée par le jugement dans la cause Carter nous a vraiment amené à nous questionner sur la qualité des soins palliatifs au Canada.
    C'est donc avec grande joie que j'ai accueilli la décision de la ministre de la Santé d'investir 3 milliards de dollars de plus, dans les quatre prochaines années, pour améliorer les soins palliatifs. En effet, comme nous l'avons dit dans le comité, l'aide médicale à mourir ne doit pas remplacer les soins palliatifs. Ceux-ci sont des soins en fin de vie, et l'aide médicale à mourir doit être considérée comme une fin de soins palliatifs. Je suis donc vraiment fier de la décision de notre gouvernement et de la décision de la ministre de la Santé.
    Monsieur le Président, c'est mon tour de saluer mon collègue avec qui j'ai siégé au comité mis sur pied par le gouvernement. Ce comité comprenait à la fois des députés et des sénateurs de tous les partis politiques.
    J'aimerais connaître la position de mon collègue concernant le texte du projet de loi. Celui-ci utilise des mots qui ont soulevé beaucoup de questionnements, au Québec et partout au Canada, concernant ce qui est raisonnablement prévisible: la mort raisonnablement prévisible. Or, au Québec, on définit clairement que les soins doivent être prodigués à des gens qui sont en fin de vie.
    Le député est-il à l'aise avec les mots utilisés: « mort raisonnablement prévisible », ou préférerait-il une définition qui s'apparente davantage à celle du Québec, c'est-à-dire: « fin de vie »?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
    En fait, je comprends bien les arguments de mon collègue et je l'ai souvent entendu répéter ces mots dans les médias, durant les dernières semaines. Ce qu'il est important de rappeler aux Canadiens, c'est que la question que soulève mon collègue est l'une des quatre conditions requises pour avoir accès à l'aide médicale à mourir. C'est important d'expliquer aux Canadiens qu'il n'y a pas une condition pour obtenir l'aide médicale à mourir, mais bien quatre.
    J'en profite pour rappeler à mon collègue de Louis-Saint-Laurent ses propos de ce matin en réponse à une question de notre collègue, de l'autre côté de la Chambre. J'en ai été profondément attristé. En effet, selon le député de Louis-Saint-Laurent, il qualifie de « dérive humaine » les cas comme celui de M. Truchon, que j'ai évoqué tout à l'heure. Je reprends ses mots, en réponse à la question de mon collègue.
    Je veux informer le député que je suis vraiment en désaccord avec lui. Je l'invite à communiquer avec les parents de M. Truchon. Il verra que M. Truchon et sa famille sont infiniment remarquables et ne correspondent pas du tout aux cas de « dérive humaine » allégués par le député de Louis-Saint-Laurent ce matin.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je sais d'expérience à quel point il peut être difficile d'accompagner des personnes en fin de vie. En fait, je me suis déjà trouvée en compagnie de personnes qui avaient décidé de cesser de s'alimenter afin de précipiter leur mort.
    Je crains notamment que ce projet de loi ne s'applique pas aux personnes aux prises avec des problèmes de santé qui leur causent des souffrances intolérables, mais qui, dans certains cas, sont très loin de la fin. Voici ma question: selon le député, comment le projet de loi pourrait-il s'appliquer à ces cas et comment pouvons-nous appuyer les personnes qui ont fait preuve de diligence raisonnable, qui peuvent penser librement et qui sont prêtes à mourir lorsqu'elles sont aux prises avec des souffrances intolérables?
(1945)

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie ma collègue de sa question.
    Je regarde la situation que vivent M. Truchon et sa famille et je vois la loi actuelle au Québec. Me Ménard nous expliquait qu'il aurait sûrement préparé le projet de loi au Québec un peu différemment s'il y avait eu le jugement dans la cause Carter.
    Aujourd'hui, nous nous posons une grande question avec le projet de loi soumis par la ministre de la Justice et dont nous discutons. Je vais prendre l'exemple concret de la famille de M. Truchon. Cette famille va-t-elle devoir assister aux souffrances du fils pendant cinq, sept ou huit jours, ou, avec notre projet de loi, va-t-elle pouvoir vivre cette mort en douceur, pendant quatre à cinq minutes?

[Traduction]

    Monsieur le Président, c'est toujours un honneur pour moi de prendre part à un débat à la Chambre, quel que soit le sujet abordé. Il faut néanmoins reconnaître que certains débats sont plus importants que d'autres. J'oserais même dire que dans 5, 10, voire 50 ans d'ici, les historiens parlementaires ne se pencheront pas sur le compte rendu des délibérations du dernier projet de loi d'exécution du budget. Toutefois, le débat d'aujourd'hui revêt une importance particulière. La participation des parlementaires, à titre de représentants élus du peuple, à ce débat aura, dans les mois et les années à venir, une incidence profonde sur la société canadienne et sur la valeur que nous accordons à la vie.
    Nous sommes ici pour débattre du projet de loi C-14, qui porte le titre court de loi sur l'aide médicale à mourir. J'estime que ce titre minimise l'importance de la décision que nous devons prendre à titre de parlementaires. Le projet de loi C-14 supprimerait dans certaines situations l'interdiction pénale concernant le fait de donner la mort à une personne ou de l'aider une personne à se donner la mort. Voilà la dure, la cruelle réalité à laquelle nous confronte cette mesure législative. Ce n'est pas une quelconque procédure médicale. On ne peut pas aseptiser le projet de loi avec des termes non offensants. Il s'agit d'un enjeu sérieux qui entraînera un changement fondamental dans la société canadienne, et le fait de l'aborder en des termes neutres et moins choquants n'y changera rien.
    Nous sommes ici en raison de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter. Même si la Cour avait précédemment statué que les dispositions du Code criminel sur l'euthanasie et l'aide au suicide étaient constitutionnelles et qu'elles ne violaient pas la Charte, en février dernier elle a fait volte-face en invalidant certains articles du Code criminel. Elle a donné au Parlement jusqu'en juin pour adopter une loi qui respecte sa décision et qui impose des restrictions aux circonstances dans lesquelles il est possible de pratiquer l'euthanasie et d'offrir de l'aide au suicide sans encourir de sanction pénale.
    Le Conseil des Canadiens avec déficiences et l'Association canadienne pour l'intégration communautaire ont fait d'excellentes observations sur la décision de la Cour, en signalant que celle-ci met en danger les personnes handicapées, y compris les personnes souffrant de graves maladies mentales et troubles émotifs. Ils ont également fourni des statistiques qui font réfléchir:
[...] en Belgique, le nombre de décès attribuables à l'aide au suicide a augmenté, en moyenne, de 47,77 % par an depuis 2003, alors qu'aux Pays-Bas il a augmenté de 64,13 % depuis 1995, et rien ne laisse entrevoir une baisse.
     Ces deux organismes ont demandé au Parlement d'« [...] assortir le jugement de la Cour de mesures de sauvegarde cruciales afin de limiter l'accès à l'aide au suicide ».
     Malheureusement, le rapport du comité parlementaire mixte sur l’aide au suicide est allé dans l’autre sens, disant que l’aide au suicide devait être offerte même à des mineurs et à des personnes atteintes de maladie mentale. Les membres conservateurs du comité ont donc présenté un rapport minoritaire recommandant des protections plus solides pour les personnes vulnérables. Heureusement, le projet de loi C-14 a donné suite à la plupart de leurs recommandations.
     J’ai entendu des centaines de mes électeurs qui s’opposent à l’aide au suicide et à l’euthanasie. Ils sont fondamentalement convaincus que la décision de la Cour suprême et le projet de loi à l’étude nous entraînent sur une pente dangereuse. Certains s’y opposent pour des motifs religieux, convaincus de la valeur sacrée de la vie à toutes ses étapes. D’autres s’y opposent pour diverses raisons logiques ou éthiques.
     J’ai également été contacté par des électeurs qui appuient l’idée d’euthanasie en principe et dans certaines circonstances. Comme j’ai moi-même vu un certain nombre de membres de ma famille et d’amis, âgés de 13 à 85 ans, mourir du cancer, je comprends qu’on veuille alléger le plus possible les souffrances d’êtres chers dans leurs derniers jours. Je crois que, au lieu d’envisager l’euthanasie et l’aide au suicide comme des moyens souhaitables de soulager les mourants, le gouvernement fédéral devrait en faire plus, de concert avec les provinces, pour promouvoir et étendre les services de soins palliatifs dans l’ensemble du Canada.
    Au cours de la dernière législature, nous nous sommes prononcés presque à l’unanimité en faveur de services élargis en soins palliatifs et d’un plan à cet égard. Pendant la campagne électorale, le gouvernement a promis d’injecter 3 milliards de dollars dans les soins palliatifs. Toutefois, son budget ne prévoit pas de fonds pour cet effort et il n’annonce aucunement que cela pourrait venir bientôt. Encore aujourd’hui, la ministre de la Santé a fait allusion à son engagement au sujet des soins palliatifs pendant la période des questions. Mais les mots ne suffisent pas. Il faut des mesures concrètes, et elles auraient dû accompagner le projet de loi, au lieu d’arriver après coup.
     Je voudrais parler de ma grande inquiétude au sujet de l’aide au suicide dans le contexte du projet de loi et de l’arrêt de la Cour suprême.
     Nous devons poursuivre le débat national sur l’amélioration de notre système de soins en santé mentale qui, actuellement, laisse insatisfaits de trop nombreux Canadiens. La Semaine de la santé mentale débute aujourd’hui. L’Association canadienne pour la santé mentale nous invite à agir énergiquement pour éliminer la stigmatisation de la maladie mentale.
(1950)
     Justement pour cela, un grand nombre d’entre nous ont participé ou participeront à des activités cette semaine. Nous portons des rubans verts. Nous avons assisté à des dîners en l’honneur des champions de la santé mentale. Nous applaudissons ceux qui ont osé s’exprimer et expliquer comment ils se sont arrachés aux ténèbres dans lesquels ils ont souvent vécu pendant des années. Nous prions ceux qui ont des problèmes de santé mentale de demander de l’aide. Nous leur disons que de l’aide leur est proposée. Nous sommes peinés chaque fois que des gens s’enlèvent la vie à cause de la maladie mentale.
     Certes, nous avons eu à la Chambre bien des débats, et des députés de tous les partis ont livré des discours empreints de sincérité, et nous avons essayé de trouver comment nous pouvons aider au mieux ceux qui souffrent d’une maladie mentale. Pourquoi l’avons-nous fait? Parce que nous croyons qu’il faut donner de l’espoir à ceux qui souffrent. Nous croyons que chaque vie mérite d’être sauvée, qu’il est possible de traiter et d’aider les malades et, peut-on espérer, les amener à recouvrer la santé.
    On nous dit que nous, parlementaires, devrions distinguer l’aide au suicide et le suicide attribuable à la maladie mentale. Nous ne devrions pas avoir l’impression de devoir décider si ces deux questions doivent être amalgamées ou non. Si l’aide au suicide est normalisée, nous ne devrons pas nous étonner que l’attitude sociale à l’égard des autres types de suicide évolue également.
    Je l'admets: l'aide au suicide ou l'euthanasie ne serait pas permise en cas de maladie mentale, mais le gouvernement a dit qu'il entreprendra de nouvelles études sur les conséquences particulières des situations où la maladie mentale est le seul facteur médical sous-jacent. Lors de la séance d'information sur le projet de loi C-14, les libéraux ont dit que cette étude irait de l'avant.
    Pourquoi le gouvernement veut-il approfondir la question si ce n'est dans le but de présenter un jour un projet de loi modificatif? Nous ne pouvons pas laisser la porte ouverte à une mesure qui permettrait aux personnes ayant une maladie mentale d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
    J'ai récemment parlé du projet de loi avec une personne atteinte de troubles bipolaires de type II. Cette personne a eu recours à tous les outils qui s'offraient à elle pour se soigner. Elle m'a dit ce qui suit:
    Ma maladie est un défi quotidien. Parfois, je m'efforce de minute en minute de calmer mes symptômes. La souffrance est inévitable. Pourtant, j'ai de nombreux moments de joie et d'espoir et j'ai beaucoup de raisons de vivre. Mais qu'arriverait-il si je tombais vraiment malade, si je n'arrivais plus à gérer mes troubles pendant une période prolongée et si je sombrais dans une dépression profonde et insoutenable? Dois-je communiquer des directives anticipées à mon médecin pour qu'il sache que je refuse l'euthanasie? Pour lui demander de m'aider à me battre pour ma survie si je ne pouvais pas le faire lors d'une période de désespoir absolu?
     Nous devons dire haut et fort que le suicide n’est pas la réponse à la maladie mentale, qu’il soit fait avec une aide médicale ou non.
     Comme je n’ai pas beaucoup de temps, je passe à une autre inquiétude que j’ai. Il s’agit de la possibilité que deux infirmiers praticiens signent les demandes d’aide au suicide ou d’euthanasie pour un patient. Ces infirmiers et infirmières jouent un rôle essentiel dans bien des localités éloignées, rurales et du Nord, mais lorsqu’il s’agit d’une question aussi grave et irréversible, avec ce genre de conséquence, je crois que non seulement deux médecins devraient signer les demandes, mais aussi qu’on devrait exiger un examen psychologique ou un contrôle indépendant exercé par un travailleur social avant que les patients ne puissent obtenir l’aide au suicide ou l’euthanasie.
     Ce serait là un niveau de protection supplémentaire. On s’assurerait que les patients sont vraiment capables de prendre des décisions au sujet de leur santé et que la demande de mettre fin à leur vie n’est pas le résultat de pressions extérieures, comme le précise l’article 241.2 du projet de loi.
    Enfin, le projet de loi C-14 ne garantit pas le droit des professionnels de la santé, comme les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et les dispensateurs de soins de refuser d’offrir les services d’aide au suicide ou d’aiguiller les patients vers quelqu’un d’autre si leur conscience, leurs croyances ou leur éthique le leur interdisent. C’est là une lacune d’importance cruciale.
    Comme le projet de loi ne protège pas suffisamment les personnes vulnérables ni le droit des professionnels de la santé d’agir selon leur conscience, je ne peux malheureusement pas l’appuyer.
(1955)
    Monsieur le Président, j’ai écouté avec un vif intérêt l’intervention du député, et je comprends que ces questions lui rappellent des souvenirs et des expériences profondément personnels, et je ne veux pas trop ressasser tout cela. J’espère donc que le député saura me pardonner ma question.
     Dans les situations où, très clairement, des personnes exercent un droit personnel et font un choix personnel, le député pourrait-il réfléchir à cette question: quel droit avons-nous d’imposer une lourde bureaucratie, des couches multiples de prise de décisions, des intervenants supplémentaires et des soucis additionnels à des personnes qui essaient de faire un choix pour elles-mêmes, puisqu’il peut fort bien s’agir de la décision la plus personnelle qu’elles auront jamais à prendre?
    Monsieur le Président, j'accepte la question dans l'esprit dans lequel elle a été posée.
    Je pense que ce que la cour nous a demandé, c'est de fixer des limites. Elle n'a pas ouvert complètement la porte. Elle a imposé ses conditions quant aux problèmes de santé graves et irrémédiables. Dans sa décision, elle a demandé au Parlement d'examiner précisément quand et où on peut avoir accès au suicide assisté ou à l'euthanasie. À mon avis, c'est ce que nous faisons ici aujourd'hui.
    Nous avons débattu toute la journée. Certains croient que le projet de loi n'est pas assez permissif, d'autres, comme moi, estiment qu'il ne suit pas d'assez près la décision de la cour. Diverses opinions seront exprimées, mais c'est exactement ce que nous faisons. Nous parlons des limites qui devraient, selon nous, être imposées au suicide assisté et à l'euthanasie, car c'est ce que la cour nous a demandé de faire.
    Monsieur le Président, nous avons effectué un virage à 180 degrés: auparavant, donner la mort était un acte criminel régi par le Code criminel, mais maintenant, on peut tuer en disant qu'il s'agit de suicide assisté et faire couvrir l'acte par l'assurance-maladie.
    Le député nous dirait-il si les membres du personnel médical et infirmier dotés d'un jugement moral qui leur interdit de poser un tel geste seront protégés par le projet de loi?
    Monsieur le Président, je dirais certainement que non. Il est certes fait mention de la liberté de conscience dans le préambule, mais nous avons déjà vu que le préambule n'est pas la substance du projet de loi. Ce qui y est dit n'a pas le même effet que s'il s'agissait d'une disposition du projet de loi.
    Je me suis entretenu avec beaucoup de professionnels de la santé depuis que le projet de loi a été présenté, depuis que la décision de la Cour suprême est sortie, et la participation à ce genre de programme soulève de grandes inquiétudes. Je veux qu'on comprenne bien que si les raisons sont parfois d'ordre religieux, elles sont souvent aussi d'ordre éthique. Ce sont des gens qui ont passé toute leur vie à tenter de sauver des vies et qui sont allés à l'école parfois pendant plus d'une décennie pour le faire et à qui on dit maintenant que, dans le système médical, on fournit des services d'euthanasie ou d'aide au suicide. Ces gens s'y opposent pour des raisons d'ordre moral ou éthique.
    Je ne pense pas que le projet de loi va assez loin pour protéger les personnes qui ne veulent pas participer au système et c'est l'une des raisons pour lesquelles je ne l'appuierai pas.
    Monsieur le Président, j'apprécie vraiment ce débat. Je vais encore une fois déclarer que je crains que nous n'ayons pas suffisamment de temps pour tenir un long débat, mais j'apprécie les observations faites de part et d'autre de la Chambre.
    Mes commentaires ne sont ni pour ni contre, à ce stade-ci. Toutefois, il est dit qu'un consentement éclairé doit être donné, mais le projet de loi ne prévoit pas de directives anticipées. Les personnes mêmes que le projet de loi pourrait aider, comme les personnes souffrant de la SLA, ou maladie de Lou Gehrig, à un stade avancé, pourraient ne pas pouvoir donner de consentement à ce moment-là. N'est-ce pas préoccupant et comment pouvons-nous rectifier cela?
    La date limite approche rapidement. Mon collègue partage-t-il mes préoccupations?
(2000)
    Monsieur le Président, pour dire bien franchement, je crois que c'est l'une des choses regrettables qui se sont produites durant le débat sur cette question. Étant donné le moment où le Parlement a été dissous pour la tenue des élections, il s'est passé plusieurs mois sans que nous puissions débattre de cela à la Chambre. De nombreux mois se sont écoulés sans que ce soit au programme.
    On nous demande maintenant de presser notre examen du projet de loi. Or, je ne peux penser à aucun autre projet de loi qui demanderait plus de temps, plus de réflexion et plus de discussions que celui dont nous sommes saisis. La cour nous a néanmoins fixé une date limite arbitraire. C'est vraiment l'aspect le plus navrant de ce débat, et j'espère que nous n'aurons jamais à le regretter.

[Français]

    Monsieur le Président, je vous remercie de me donner la chance de partager mes réflexions relativement au projet de loi C-14.
    J'ai eu le privilège de siéger au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. Avec les membres de ce comité, formé de 11 de nos collègues et de cinq sénateurs, je crois être en mesure d'affirmer avoir été au coeur même des témoignages et des opinions provenant de différents groupes d'intervenants, d'experts en la matière ou de simples citoyens.
    Le débat sur l'aide médicale à mourir soulève les passions. Cela s'explique du fait qu'il traite du dernier des tabous de toute société, c'est-à-dire prévoir réellement sa propre mort et, en quelque sorte, se faire aider pour l'organiser.
    Selon que l'on soit religieux, laïc, athée, philosophiquement libéral ou conservateur d'esprit, toutes les opinions se valent sur l'aide médicale à mourir. Les opinions divergent et nos plus profondes valeurs morales semblent maintenant nous écorcher l'esprit au lendemain de la décision dans l'affaire Carter. L'argumentaire, dans un sens comme dans l'autre, au sujet de l'aide médicale à mourir est source d'inquiétude et à la fois d'espoir. Il ne laisse personne indifférent, mais avant tout il soulève les passions les plus sincères et honnêtes.
    Il s'agit bien là du danger potentiel de perdre de vue l'objectif du débat. En fait, l'aide médicale à mourir, peu importe ce que représentent nos valeurs personnelles, n'est pas un concept que l'un d'entre nous doit imposer ou interdire à son voisin. J'exhorte tous mes collègues à garder à l'esprit que l'aide médicale à mourir est maintenant un droit individuel reconnu par la Cour suprême du Canada, un droit qui ne regarde personne d'autre que soi-même et, en même temps, un droit qui n'oblige personne d'autre, dans le respect des convictions morales individuelles les plus profondes.
    La moralité, les tabous, le sujet de la mort annoncée et les passions que cela provoque ne doivent pas noyer la rationalité de l'affaire Carter. Si l'on fait abstraction de notre moralité individuelle comme ingrédient d'analyse à l'affaire Carter, celle-ci est assez simple au départ.
    Premièrement, deux articles du Code criminel sont en jeu, en l'occurrence l'article 14 et le paragraphe 241b) du Code criminel. Ces dispositions prohibent ou interdisent à quelqu'un de conseiller ou d'aider un autre à se suicider.
    Deuxièmement, en raison de ces dispositions du Code criminel du Canada, une personne atteinte d'une maladie grave et irrémédiable pourrait mettre fin prématurément à sa vie, sachant que personne ne pourra l'aider à mourir lorsqu'elle ne sera plus en mesure de se suicider d'elle-même en raison de l'évolution de sa maladie. Bref, la prohibition des dispositions susmentionnées du Code criminel du Canada fait en sorte qu'une personne souffrant d'une maladie irrémédiable pourrait mettre à sa vie pendant qu'elle jouit toujours d'une certaine qualité de vie, afin d'anticiper le moment où elle ne pourra plus mettre fin à ses jours d'elle-même.
    Troisièmement, l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés prévoit entre autres que chacun a droit à la vie. C'est au nom de ce principe que la Cour suprême, dans l'affaire Carter, nous dit que l'on ne peut soustraire ce droit à la vie à une personne malade dont le diagnostic la conduira inévitablement à la mort. Autrement dit, cette aide médicale à mourir maximisera le temps qu'il lui reste à vivre. Voilà l'objet du projet de loi C-14, qui consiste à amender le Code criminel du Canada afin de permettre une aide médicale à mourir.
    À l'unanimité, et dans sa sagesse, la Cour suprême du Canada nous montre la voie nous permettant d'amender l'article 14 et le paragraphe 241b) du Code criminel qui, dans leur forme actuelle, portent atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne garanti par l'article 7 de notre Charte.
    Les paramètres de l'affaire Carter qui doivent nous guider dans l'élaboration du projet de loi C-14 se retrouvent au paragraphe 127 de la décision, paragraphe que j'invite mes collègues à lire attentivement, puisqu'il méritera notre attention, lorsqu'il s'agira de débattre de ce sujet.
(2005)
    En résumé, la Cour suprême du Canada nous dit:
    [Ces articles sont nuls]  dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition. [...]
    La Cour suprême du Canada nous dit, dans ce même paragraphe 127, que:
    Cette déclaration est censée s’appliquer aux situations de fait que présente l’espèce et [qu'elle ne se prononce pas] sur d’autres situations où l’aide médicale à mourir peut être demandée.
    Enfin, j'appuierai ce projet de loi en seconde lecture, tout en souhaitant — je m'en confesse — que le comité puisse le réexaminer pour tenter de peaufiner ce projet de loi, car j'ai certaines inquiétudes.
     En guise d'exemple, ce projet de loi suggère peut-être une approche assez restrictive par rapport à l'affaire Carter, surtout lorsqu'on y lit des mots qui n'apparaissent dans cette décision. Par exemple au paragraphe 241.2(2), on y lit: « [Une personne] est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables ». Le mot « incurable » n'apparaît jamais dans l'affaire Carter, et cela peut sembler peut-être un peu trop restrictif.
    En outre, dans ce projet de loi, on fait allusion à une « situation médicale qui se caractérise par un déclin avancé ». Les mots « déclin avancé » n'apparaissent pas la décision de l'affaire Carter et ils pourraient être interprétés comme étant un langage assez restrictif.
    Une autre de mes inquiétudes tient du fait que ce projet de loi semble faire abstraction, pour l'instant, de toute demande anticipée d'aide médicale à mourir. Comme l'affaire Carter elle-même nous suggère qu'il peut y avoir d'autres demandes dans d'autres circonstances extraordinaires, je me permets de croire qu'il est fort probable que des gens atteints d'une maladie qui les laisse dans des conditions graves et irrémédiables peuvent avoir également comme conséquence la détérioration de leurs facultés cognitives et intellectuelles.
     Selon moi, le comité devrait peut-être réexaminer cette possibilité d'une demande anticipée, afin d'éviter, en guise d'exemple, que quelqu'un qui souffre de la maladie d'Alzheimer ou d'un cancer du cerveau ne puisse donner un deuxième avis ou un deuxième consentement fort et éclairé pour obtenir cette aide médicale à mourir, en raison de la détérioration de sa capacité mentale et cognitive.
    Également, dans ce projet de loi, il apparaît à l'alinéa 241.2(3)h) de la page 6, le langage suivant:
immédiatement avant de fournir l’aide médicale à mourir, donner à la personne la possibilité de retirer sa demande et s’assurer qu’elle consent expressément à recevoir l’aide médicale à mourir.
     Il me semble que cet alinéa est assez sévère de sorte qu'une personne, par exemple, en face terminale et fortement médicamentée, pourrait perdre conscience ou toutes ses facultés intellectuelles en raison de la forte médication, et qu'il lui soit impossible de consentir dans un deuxième avis à cette aide médicale à mourir.
    Enfin, voilà un peu mes réflexions sur ce projet de loi. J'espère que le comité qui aura la tâche de le réexaminer pourra se pencher sur ces quelques commentaires.
(2010)
    Monsieur le Président, à nouveau, c'est mon tour de saluer mon collègue du Nouveau-Brunswick pour qui j'ai respect et estime. Au comité, nous avons travaillé beaucoup avec lui de façon positive et constructive. J'ai appris à le connaître. Je crois comprendre que c'est réciproque.
    Notre collègue a mentionné tout à l'heure qu'on trouvait dans le projet de loi des mots comme « incurables » et « déclin avancé », qui n'étaient dans l'arrêt Carter. Il y a aussi les mots comme « mineur » et  « raisonnablement prévisible » qui n'étaient pas dans l'arrêt Carter. Pourquoi j'évoque l'aspect « mineur »? C'est parce que cela faisait partie du rapport majoritaire. Quant à « raisonnablement prévisible », à notre point de vue, ce n'est pas assez clair.
     J'aimerais entendre les observations de mon collègue sur ce débat qui a cours, depuis déjà quelques semaines, partout au Canada, à propos de la définition que l'on doit donner à « raisonnablement prévisible ».
    Monsieur le Président, mon honorable collègue de Louis-Saint-Laurent a posé une excellente question.
    Effectivement, les mots « raisonnablement prévisible », du point de vue juridique, peuvent porter à confusion. Qu'est-ce qui est raisonnablement prévisible? Il y a plusieurs façons d'interpréter ces mots. Effectivement, je concède que ces mots n'apparaissent pas dans l'affaire Carter et qu'on gagne à ce qu'ils soient soustraits du projet de loi.
    Mon collègue a souvent fait allusion à la version québécoise de la loi, dans laquelle on parle plutôt du moment où la personne est en fin de vie. Or les mots « fin de vie » portent également à confusion, du point de vue strictement juridique. Être en fin de vie, cela commence à quelle étape? Est-ce 24 heures avant la mort d'une personne, une semaine avant sa mort, un mois avant sa mort, ou est-ce au moment où le médecin confirme qu'aucun traitement ne pourra la sauver?
    Ce sont des mots sur lesquels le comité devra se pencher, afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'ambiguïté pouvant ouvrir la porte à une contestation judiciaire.

[Traduction]

    Monsieur le Président, dans le document d'information, le gouvernement parle d'avoir un accès égal. J'aimerais savoir pourquoi les dispositions pour protéger les convictions personnelles des praticiens de la santé ne sont pas consignées directement dans le projet de loi.

[Français]

    Monsieur le Président, je ne suis pas certain d'avoir bien compris la question de ma collègue.
    L'indépendance des médecins n'est pas incluse dans le présent projet de loi. Les médecins pourront effectivement être indépendants lorsque deux médecins devront se prononcer sur le consentement d'une personne adulte capable qui sollicitera l'aide médicale à mourir. Il s'agit bel et bien de l'indépendance de deux médecins par rapport à la personne qui fait la demande d'aide médicale à mourir. Si j'ai bien compris la question, c'est ce que je crois.
(2015)

[Traduction]

    Monsieur le Président, je salue les observations judicieuses de mon collègue.
    Aujourd'hui, j'ai soulevé la question des soins palliatifs à plusieurs reprises. Au fil de nos débats sur le projet de loi, beaucoup de députés ont souligné l'importance des soins palliatifs. Le député peut-il nous dire un mot sur la position de sa circonscription sur toute la question des soins palliatifs? C'est un sujet qui a été débattu en long et en large dans le cadre de cet examen. Le député a-t-il des idées dont il voudrait nous faire part à ce sujet?

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de son excellente question.
    Il a certainement dû lire le rapport du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, qui recommande d'entamer une forte réflexion sur les soins palliatifs et de développer une politique en la matière.
    Dans le cadre de l'affaire Carter, nous sommes pressés par le temps. Répondre à l'affaire Carter, c'était de répondre à une aide médicale à mourir en fonction de la Charte et du Code criminel, qui empêchait cette aide médicale à mourir. Alors, les soins palliatifs n'étaient pas au coeur du débat sur l'affaire Carter, bien que l'on conçoive qu'il s'agit d'un service sur lequel il faut réfléchir et qu'il faut assurer à la communauté canadienne.

[Traduction]

    Monsieur le Président, « chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale ». C'est ce que dit l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.
    L'année dernière, en février, la Cour suprême du Canada s'est appuyée sur cet énoncé pour invalider la prohibition criminelle de l'aide à mourir.
    En matière d'administration, cette décision est la bienvenue. L'interdiction généralisée n'est pas une bonne façon de réglementer une conduite qui n'est pas foncièrement répréhensible. Le droit pénal est un instrument radical dont les coûts dépassent souvent les bienfaits recherchés, et il faut l'utiliser avec modération.
    La meilleure forme d'administration serait d'adopter des dispositions législatives nuancées qui protègent les plus vulnérables sans empêcher d'autres personnes de prendre leurs propres décisions et de mener leur propre vie comme ils l'entendent.
    En réponse à l'arrêt Carter de la Cour suprême, le gouvernement a élaboré le projet de loi C-14. Le gouvernement affirme, à juste titre, que la question n'est plus de savoir s'il faut légaliser l'aide à mourir, mais de déterminer comment le faire. Autrement dit, il est futile de soulever de nouveau la question qui a été tranchée dans l'affaire Carter, puisque la Cour suprême s'est déjà prononcée, et à l'unanimité de surcroît.
    Il est tout de même utile de comprendre comment nous en sommes arrivés là. Si nous voulons pouvoir apporter une solution satisfaisante pour la Cour suprême, il nous faut avoir une compréhension exhaustive de ce que les juges nous disent. Comme j'ai étudié en profondeur l'article 7 de la Charte, je voudrais expliquer brièvement à la Chambre les exigences de la Cour suprême.
    L'article 7 de la Charte garantit le droit de chacun à la vie, la liberté et la sécurité de sa personne, et il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. Une violation du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne n'est anticonstitutionnelle que s'il y a transgression d'un principe de justice fondamentale.
    La Cour suprême nous indique que ces principes sont en fait les principes fondamentaux du système juridique. Le principe clé qu'il faut comprendre est celui de la trop grande portée ou de ce que nous appelons l'« atteinte minimale », conformément au critère classique de l'arrêt Oakes, qui repose sur l'article 1. Si une loi restreint le droit à la vie, à la liberté ou à la sécurité de la personne, le principe de la trop grande portée exige que cette loi soit nécessaire pour atteindre un objectif gouvernemental important.
    Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême a premièrement déterminé qu'interdire totalement, dans le droit pénal, toute forme d'aide à mourir enfreint le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Les juges disent ceci:
    La liberté protège « le droit de faire des choix personnels fondamentaux sans intervention de l’État » [...] La sécurité de la personne englobe « une notion d’autonomie personnelle qui comprend [...] la maîtrise de l’intégrité de sa personne » [...]
    Deuxièmement, la cour a statué que l’interdiction générale était trop large. L’objet de la législation, défini par l’ancien juge Sopinka dans l’arrêt Rodriguez, antérieur, était de « […] protéger la personne vulnérable qui, dans un moment de faiblesse, pourrait être incitée à se suicider […] » De l’avis de la Cour, l’interdiction absolue de l’aide à mourir allait trop loin. Bien que l’objectif de la loi soit de protéger les personnes vulnérables, elle s’appliquait aussi à des personnes qui ne répondaient pas à cette description: les personnes capables, bien renseignées et libres de toute coercition ou contrainte, et qui choisissaient pourtant de mettre un terme à leur vie.
    Nous sommes maintenant en présence d’un nouveau texte, le projet de loi C-14.
     Notre premier travail, c’est d’évaluer le texte pour voir s’il respecte les critères établis par la Cour suprême. Nous devons pour cela évaluer l’objectif du gouvernement, qui est maintenant double: premièrement, donner aux personnes qui ont des souffrances graves et irrémédiables le moyen de mourir dans la dignité et, deuxièmement, protéger des contraintes et des influences indues celles qui veulent continuer à vivre.
     Le projet de loi est-il raisonnablement nécessaire pour atteindre ces deux fins? Malheureusement, la réponse n’est pas un oui retentissant. C’est plutôt un « presque » retentissant.
     Je crains vraiment, par exemple, que le fait de limiter l’accès aux personnes dont la mort est « raisonnablement prévisible », peu importe comment on définit l’expression, n’eût empêché l’un des appelants dans l’affaire Carter de recourir au nouveau régime.
     Le gouvernement n’a aucunement prouvé qu’il fallait limiter l’accès au régime aux malades en phase terminale afin de protéger les personnes vulnérables, pourvu que d’autres garanties soient mises en place. Et la question de la constitutionnalité de cette disposition reste ouverte.
     Un de mes électeurs a fort bien décrit la situation: « Le projet de loi C-14 dit ceci: je peux exprimer le désir de mourir si je suis en phase terminale, mais si je ne suis pas considéré comme capable, cela ne comptera pas; je peux exprimer le désir de mourir si je suis capable, mais si je ne suis pas en phase terminale, cela ne comptera pas non plus. » Il faudrait régler ce problème avant d’adopter le projet de loi.
     Le reste du texte peut fort bien se retrouver dans la gamme des options raisonnables et donc être conforme à la Charte, mais ce ne peut pas être ce à quoi la Chambre aspire. La Cour nous a peut-être demandé de régler le problème d’inconstitutionnalité des lois actuelles, mais les Canadiens nous demandent d’aller plus loin. La loi que nous proposerons ne devrait pas simplement se situer dans la gamme des options raisonnables. Elle devrait être la meilleure que nous puissions rédiger.
     Ces dernières semaines et ces derniers mois, j’ai rencontré de nombreux électeurs pour discuter de la question. Au début d’avril, par exemple, nous y avons consacré une assemblée publique. Pour bien des gens, et ils ont raison, il s’agit d’un sujet délicat.
(2020)
     Les opinions de mes électeurs m’ont inspiré les réflexions suivantes, qui gravitent toutes autour de l’importance du choix.
     D’abord, une écrasante majorité de mes électeurs sont en faveur des directives anticipées. Il est vrai que la question est complexe. C’est une chose d’évaluer une telle directive en cas de coma irréversible et c’en est une autre de l’évaluer dans le cas de degrés variables de démence. Mais ce n’est pas parce qu’une question est complexe ou difficile qu’il faut éviter de s’y attaquer. Nous devons étudier plus sérieusement la question des directives anticipées, et bien des inquiétudes au sujet des décisions périmées peuvent se dissiper grâce à des dispositions de caducité.
    Comme l’ancien juge en chef Lamer l’a dit dans l’affaire Rodriguez, le système juridique ne devrait pas refuser le consentement, mais s’assurer qu’il est « aussi indépendant et informé qu'il est raisonnablement possible ». Si des mesures de sauvegarde adéquates sont en place, si on exige des témoins, des évaluations de la capacité, on devrait respecter le consentement informé qui est donné dans des directives anticipées.
     Deuxièmement, la très grande majorité de mes électeurs souhaitent que l’aide à mourir s’inscrive dans le contexte de l’ensemble des soins en fin de vie. Aux termes de la Charte, l’accès à l’aide à mourir ne peut pas dépendre de la disponibilité de soins palliatifs, mais dans notre cadre politique, pour qu’il y ait un choix réel, nous devons investir généreusement dans ces soins. La promesse d’injecter 3 milliards de dollars dans les soins à domicile est un bon début, mais ce n’est qu’un début.
     Troisièmement, le choix dépend de la compétence et de la capacité. L’adulte capable ne doit pas être défini par l’âge, mais par l’aptitude à comprendre et à choisir.
    Quatrièmement, un groupe d’électeurs, restreint mais sachant se faire entendre, a demandé pour les médecins le droit d’objection de conscience. Il est important que le gouvernement prenne acte des convictions profondes de certains médecins, et nous devons faire de notre mieux pour concilier ces convictions et l’importance de l’accès à l’aide à mourir dans tout le Canada. Il est raisonnable de respecter les choix des médecins, ce qui est une approche prudente, et on fournirait aux patients une liste publique de professionnels de la santé des quatre coins du Canada qui acceptent d’offrir ces services.
     Cinquièmement, et pour finir, une approche tout aussi prudente se justifie en ce qui concerne la santé mentale. La décision de la cour reposait sur les notions d’autonomie et de dignité. Or, la maladie mentale, y compris la dépression, peut compromettre l’exercice d’un choix pleinement informé et libre. La loi n’exige de personne de choisir entre la vie et la mort, mais elle permet aux Canadiens de faire pour eux-mêmes ce choix profondément personnel. Aux yeux de certains, le droit à la vie exclut l’aide à mourir, mais pour d’autres, dont l’ancien juge Cory, le droit à la vie englobe le droit à la mort.
     Je vais appuyer le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, et j’espère que le comité pourra l’améliorer.
    Monsieur le Président, je suis tout à fait d’accord avec le député d’en face pour dire que l’option des soins palliatifs devrait exister. Pourrait-il dire, dans ce cas, pourquoi il n’est pas question de ces soins dans le projet de loi C-14 et pourquoi cette notion n’apparaît même pas dans le budget de 2016?
(2025)
    Monsieur le Président, j’ai moi aussi été surpris de ne pas voir de crédits pour les soins palliatifs dans le budget 2016. Si j’ai bien compris, nous nous sommes engagés à consacrer 3 milliards de dollars aux soins à domicile, mais comme je ne dépense pas cet argent à titre personnel, je ne peux pas faire ce choix de ma propre initiative.
    Toutefois, je sais que nous avons pris l’engagement de travailler avec les provinces, d’abord et avant tout pour établir un nouveau cadre pour la santé. Je suis persuadé que le gouvernement investira dans les soins à domicile par l’entremise de ce cadre.
    Monsieur le Président, le député a présenté un excellent exposé. En fait, j’ai écouté tous les discours présentés jusqu’ici, et je les ai tous trouvés très bons. Certains sont en faveur du projet de loi, et d’autres sont contre. Presque tous les députés qui ont pris la parole en faveur ou contre le projet de loi ont dit qu’ils avaient de sérieuses préoccupations. Le problème, c’est que la Cour suprême du Canada a déjà prolongé le délai prescrit, et que la nouvelle échéance est le 6 juin.
     Par conséquent, nous admettons tous que le projet de loi suscite de sérieuses préoccupations. Il a été étudié par un comité de parlementaires, un comité du Sénat, et le Comité de la justice l’examine en ce moment. Devons-nous aller de l’avant à toute vapeur? C’est une question de la plus haute importance. Nous convenons tous que le projet de loi n’est pas parfait et qu’il est possible de l’améliorer. La question est donc de savoir s’il ne faut pas demander une autre prolongation pour les députés et les sénateurs puissent consacrer plus de temps à la question.
    Avant de donner la parole au député de Beaches—East York pour lui permettre de répondre, je veux remercier le député de Dufferin—Caledon d'avoir fait remarquer que d'excellents discours nous sont présentés ce soir des deux côtés de la Chambre. J'ajoute que j'apprécie le ton du débat et le désir de tous les députés d’y prendre part avec sérieux et respect.
     Le député de Beaches—East York a la parole.
    Monsieur le Président, un comité parlementaire a fait un travail remarquable en tenant des audiences et en produisant en peu de temps un rapport qui aurait normalement pris des mois et des mois. Nous sommes maintenant saisis d’un projet de loi qui présente certaines lacunes, oui, mais qui répond à l’essentiel des préoccupations de la Cour suprême.
     Je ne crois pas qu’une prolongation du délai soit nécessaire. Je ne crois pas non plus qu’une prolongation serait accordée si le gouvernement la demandait. Je pense qu’il incombe à la Chambre d’agir avec célérité et d’adopter le projet de loi.
    Monsieur le Président, je comprends que le député mette l'accent sur l'absence de disposition concernant les directives anticipées dans le projet de loi. Je partage son inquiétude. J'aimerais examiner un peu plus la question avec lui. Il pourrait peut-être faire la lumière sur la raison pour laquelle cette lacune n'a pas été constatée et nous dire comment nous pourrions la corriger.
    Aux paragraphes 13 et 14 de l'arrêt Carter, la Cour suprême fait référence au choix cruel devant lequel se trouvent les patients aptes sur le plan juridique qui sont atteints d'une maladie dégénérative, et ceux qui doivent choisir entre mettre fin prématurément à leurs jours ou perdre leurs capacités plus tard. Le député en a parlé dans son discours. La solution proposée par le comité multipartite, que je salue, est de leur permettre d'enregistrer leurs volontés lorsqu'ils sont encore capables de le faire, et de donner ainsi des directives anticipées qui seraient soumises aux mêmes rigoureuses mesures de protection médicale et juridique que la demande instantanée dont il est davantage question dans le projet de loi.
    J'espère que le député peut faire la lumière sur les raisons pour lesquelles le gouvernement n'a pas tenu compte de cette recommandation très précise et très constructive.
    Monsieur le Président, je sais que l'Association médicale canadienne a exprimé des préoccupations et a soulevé certains doutes au sujet des directives anticipées. Je pense que ces préoccupations ont incité le gouvernement à procéder avec plus de prudence.
    Nous remarquons que, dans le rapport parlementaire lui-même, il est question des directives préalables, mais seulement pour les personnes ayant reçu un diagnostic. Même selon les défenseurs des directives anticipées, et d'après ce que nous voyons dans ce rapport parlementaire, nous pouvons aller plus loin. Personnellement, je pense que nous devrions aller plus loin.
    Même si, malheureusement, les directives anticipées n'ont pas été incluses dans le projet de loi, j'espère que les parlementaires des deux côtés de la Chambre peuvent travailler ensemble afin de garantir que les gens puissent faire un choix pleinement éclairé — qu'ils soient atteints d'une maladie en phase terminale ou non, qu'ils aient reçu un diagnostic ou non — grâce aux directives anticipées.
(2030)
    Monsieur le Président, je vais tout d'abord commencer par dire que je n'ai pas l'intention d'offenser qui que ce soit ici ce soir, mais je pense tout de même que le moment est venu de dire les choses comme elles sont.
    Ce projet de loi porte à la fois sur les choix et sur les droits. Même si je n'apprécie guère que la Cour suprême ait fait fi des 15 décisions rendues par le Parlement, qui a choisi de ne pas légiférer dans ce dossier, je respecte le fait que nous devons présenter une mesure législative sur le sujet d'ici le 6 juin. Évidemment, si nous n'adoptons pas de mesure législative d'ici cette date, je pense que les conséquences seront probablement moins importantes que celles associées au projet de loi C-14, que nous devons adopter à toute vitesse. Je crois savoir que si nous n'adoptons pas de mesure législative sur le sujet, la situation demeurera la même qu'à l'heure actuelle; l'arrêt Carter fera jurisprudence, mais il n'y aura aucune loi autorisant ou interdisant l'aide médicale à mourir.
    J'ai dit que ce projet de loi porte à la fois sur les choix et sur les droits. Parlons d'abord des choix. À l'heure actuelle, au Canada, je peux faire le choix de tuer quelqu'un, que ce soit moi-même, mon bébé ou une autre personne. Chacun de ces choix a des conséquences, pas seulement pour moi, mais aussi pour de nombreuses autres personnes. Si je me suicide, les membres de ma famille subiront les répercussions de mon choix puisqu'ils ne recevront pas d'argent de ma compagnie d'assurance. Ils devront aussi composer avec un traumatisme émotif et encaisser le choc de mon départ; du moins, j'ose espérer que je leur manquerai.
    Si je tue mon foetus avant sa naissance, je devrai vivre avec cette décision, tout comme le père de l'enfant, mais ce geste n'entraînera pas d'autre conséquence.
    Si je tue une autre personne, je risque d'être jetée en prison. Je comprends que l'arrêt Carter vise à donner à ceux qui sont incapables d'utiliser une arme la possibilité d'obtenir de l'aide pour se suicider.
    Leur choix a toutefois des répercussions sur d'autres personnes, notamment sur les fournisseurs de soins de santé. Ceux-ci sont censés participer à ces suicides assistés, mais, dans sa version actuelle, le projet de loi C-14 ne protège pas adéquatement leur liberté de religion ni leur droit de refuser.
    Le choix du patient a aussi des répercussions sur les contribuables. Ceux-ci devront assumer le coût de plusieurs consultations médicales et, si certains amendements sont adoptés, celui des examens psychiatriques ou judiciaires supplémentaires, sans oublier les médicaments servant à donner la mort. Dans un contexte général, une personne qui se suicide paie elle-même la corde ou les balles qu'elle utilise.
    Regardons de plus près si le projet de loi répond aux exigences de l'arrêt Carter. Tout d'abord, je rappelle que la portée de l'arrêt Carter se limite aux personnes de plus de 18 ans atteintes d'une maladie en phase terminale et aptes à donner leur consentement. Le droit de mourir ne figure nulle part dans la Charte des droits et libertés; il n'y est question que du droit de vivre. L'arrêt Carter me paraît donc défaillant.
    Cependant, la décision a limité la portée aux personnes âgées de plus de 18 ans qui sont en phase terminale et qui sont en mesure de donner leur consentement. C'est pourquoi je trouve inconcevable que le projet de loi dont nous sommes saisis vise à étendre ce droit aux mineurs matures, aux personnes ayant essentiellement des problèmes psychologiques et à celles qui ne sont pas jugées aptes mentalement à donner leur consentement.
    J'ai été leader de la jeunesse pendant plus de 30 ans et j'ai connu des jeunes qui, après avoir rompu avec leur petit ami ou leur petite amie, se sont enlevé la vie. Ces tragédies auraient pu être évitées si on avait pu leur offrir de l'espoir et des conseils. De nombreuses autres vies seront perdues prématurément si on permet à des mineurs matures de demander une aide médicale à mourir.
    Nous nous engageons dans une voie sombre. Nous ne devrions ni étudier ni même envisager une telle mesure.

[Français]

    En ce qui concerne les études sur ceux qui souffrent psychologiquement afin qu'ils puissent demander une mort assistée, je demande que le projet de loi soit modifié pour qu'il ne l'envisage même pas.
    La dépression est une affection dont souffrent beaucoup de personnes et qui est traitable. Je connais beaucoup de gens qui prennent des antidépresseurs ainsi que des médicaments venant avec des mises en garde sur un effet secondaire possible, celui d'avoir des pensées suicidaires. Si nous commençons à tuer des gens qui ne sont pas en voie de mourir, c'est certainement comme si on allait les assassiner.
    Pour ceux qui veulent donner leur consentement préalable afin de pouvoir être tués par la suite, je leur demande: pourquoi attendre? Pourquoi ne pas les laisser choisir le suicide alors qu'ils peuvent encore le commettre au lieu de laisser quelqu'un d'autre le faire pour eux? Ils choisissent de ne pas se suicider au début parce qu'ils veulent vivre aussi longtemps et aussi bien qu'ils le peuvent. C'est pourquoi le Canada a besoin de bons soins palliatifs.
(2035)

[Traduction]

    Dans ma circonscription, Sarnia—Lambton, nous avons accès à d'excellents soins palliatifs. Le centre de soins palliatifs St. Joseph compte des employés exceptionnels, et nous collaborons avec la Bluewater Health, les Infirmières de l'Ordre de Victoria, des fournisseurs de soins communautaires et de nombreuses autres organisations, ainsi que des spécialistes du domaine des soins palliatifs, qui donnent aux personnes en fin de vie dignité et importance.
    Toutefois, comme les soins palliatifs ne sont pas entièrement financés par le gouvernement au Canada, le centre doit organiser chaque année des activités pour recueillir environ 1,4 million de dollars. Le gouvernement ne paie que 43 % des coûts. La nourriture, l'entretien de l'immeuble, le salaire des coordonnateurs de programme, les programmes de jour et le soutien en cas d'urgence ne sont pas couverts.
    Le coût des soins palliatifs à domicile ou dans des centres de soins palliatifs correspond au quart de ce que ces mêmes services coûtent dans des établissements de soins de courte durée. Cependant, le projet de loi C-14 ne fera pas ce qu'il pourrait si facilement faire, c'est-à-dire modifier la Loi canadienne sur la santé, de sorte que les soins palliatifs soient couverts, que tous les Canadiens puissent y avoir recours en fin de vie et que ceux-ci soient ainsi motivés à choisir la vie. En effet, parmi les personnes qui ont accès à de bons soins palliatifs, 95 % d'entre elles choisissent de vivre aussi longtemps qu'elles le peuvent et aussi bien qu'elles le peuvent. Voilà un des éléments qui manquent dans le projet de loi.
    Maintenant que nous avons parlé de choix, parlons de droits. La plupart des gens qui veulent mettre fin à leurs jours peuvent, entre autres, se servir d'un fusil, prendre une surdose de médicaments ou se pendre. Il n'est pas ici question d'un pourcentage élevé de personnes incapables de prendre une seringue ou d'avaler une pilule, mais bien d'une infime minorité de personnes. Par contre, des millions de travailleurs de la santé, de médecins et d'infirmiers refusent de participer au suicide de patients pour des raisons religieuses ou autres, et le projet de loi n'en parle absolument pas. Lorsque le projet de loi a été déposé, on disait que les fournisseurs de soins de santé pourraient refuser de participer ou de recommander leurs patients à un autre médecin. Cependant, compte tenu du nombre d'engagements que le gouvernement n'a pas respectés, je voudrais voir cette promesse noir sur blanc dans le projet de loi pour être certaine qu'il y est bien question de l'intention de protéger les droits des travailleurs de la santé.

[Français]

    Continuons sur le sujet des droits des contribuables. Lorsqu'un individu décide de se tuer, il paie pour ses propres balles ou pilules. Maintenant, ce projet de loi veut transférer ce fardeau sur les contribuables et couvrir les consultations médicales et les formalités administratives incluses. Je suis opposée à ce que mes taxes soient utilisées pour tuer des individus.
    Je crois que si des individus veulent se tuer, ils devraient payer le processus au complet. Vous pouvez dire que tuer des individus coûte moins cher que les soigner, mais c'est une pente glissante, n'est-ce pas? Cela crée la rhétorique selon laquelle on peut commencer à calculer le prix pour maintenir des individus en vie. La mort peut alors devenir un avantage économique en fonction du temps.
    Cela a été le cas dans tous les autres pays qui ont mis en place une mesure législative similaire à celle-ci. La Belgique, les Pays-Bas et le Danemark ont tous commencé avec un processus de garantie stricte. Pourtant, ces garanties ont été difficiles à mettre en vigueur et ont finalement été mises de côté.
    Après cela, il est devenu facile et pratique de se débarrasser des vulnérables et des indésirables. En fait, le pourcentage de morts est passé de moins de 1 % à 6 %. Je ne crois pas qu'il y a assez de vérification de comptes dans ce projet de loi et je voudrais voir une amélioration à cet égard.

[Traduction]

    Comme je l'ai mentionné, ce projet de loi porte sur les choix et les droits. Je crois qu'il ne va pas assez loin pour protéger les droits des travailleurs de la santé, des jeunes et des personnes vulnérables. Je crois que le choix de se suicider devrait entraîner des conséquences, qui ne sont pas bien décrites dans ce projet de loi, comme renoncer à l'assurance et assumer le coût de l'aide médicale à mourir.
    Je recommande que le projet de loi soit amendé à l'étape du comité pour assurer aux travailleurs de la santé le droit de refuser sans risque de représailles; énoncer la responsabilité de la personne qui demande une aide médicale à mourir d'assumer les coûts du processus; et enlever de la portée du projet de loi l'étude des mineurs matures, du consentement préalable et des personnes qui souffrent de troubles psychologiques.
(2040)
    Monsieur le Président, j'aimerais commencer par revenir sur les propos de l'intervenant précédent. Il disait qu'il se réjouissait du ton et du niveau de respect qui caractérisaient le débat.
    Ma collègue, elle, a commencé par dire qu'elle ne voulait offenser personne, que ce n'était pas son intention. Il faudrait alors qu'elle prenne conscience qu'il s'agit d'un sujet extrêmement personnel, qui touche de très nombreuses personnes. Voilà pourquoi à mon avis, elle a pu offenser profondément bon nombre des électeurs de ma circonscription et du reste du pays en dépeignant l'aide médicale à mourir comme elle l'a fait. Les personnes qui requièrent ce type d'aide méritent un certain niveau de respect. Leurs souffrances sont si graves et si intolérables que nous devons respecter leur décision et leur permettre de se faire entendre. C'est ce que fait le projet de loi. Nous devons absolument garder à l'esprit qu'il renferme de nombreuses mesures de sauvegarde destinées à protéger les personnes vulnérables.
    Comme elle a parlé de choix et de droits, j'aimerais savoir ce que la députée dirait à une personne qui souffre tellement qu'elle souhaiterait faire ce choix.
    Monsieur le Président, je répète qu'il y a différents points de vue sur cette question. S'il est important de protéger celui des personnes qui choisissent ce moyen, n'oublions pas non plus que ce choix choque bon nombre de citoyens. Il faut en être conscient. C'est le message que je voulais transmettre.
    Monsieur le Président, on peut dire qu'on sait toujours à quelle enseigne loge ma collègue de Sarnia—Lambton. Franchement, la question qu'elle soulève touche au coeur du débat. Assurément, la députée n'offenserait personne, car soit qu'on vit ou qu'on meurt. Ne nous leurrons pas: la Cour suprême a donné aux médecins le droit de tuer des gens, rien de moins.
    Rien dans le projet de loi ne répond au point que pose la situation suivante. Prenons par exemple des personnes en phase terminale et en train de mourir d'un cas grave de cancer. Ce n'est peut-être pas le cancer qui va les emporter, mais le poison qui leur sera administré. Je me demande quelle cause de décès serait inscrite sur le certificat de décès. Si nous n'enregistrons pas la cause réelle du décès, nous ne serons pas en mesure d'établir de statistiques et de déterminer ce qu'accomplit le projet de loi.
    Monsieur le Président, d'après ce que je comprends, on n'enregistrera pas le suicide assisté comme cause du décès, mais plutôt le problème de santé dont souffrait la personne avant de faire une demande d'aide à mourir. Je suis d'accord: cela brouillera les pistes et nous ne saurons pas à quelle fréquence la chose se produit. Tous les pays qui ont adopté une telle loi avaient à l'origine de bonnes intentions et un bon processus, mais les gens ne se sont pas montrés aussi rigoureux que prévu. La collecte de données s'est donc avérée difficile. Les portes ont fini par être grandes ouvertes, et c'est ce qui m'inquiète avec ce projet de loi.
    Monsieur le Président, j'aimerais connaître l'opinion de la députée puisqu'elle faisait partie pendant des années du gouvernement qui a laissé l'accord canadien sur les soins de santé, conclu en 2004, arriver à échéance. Chaque année, nous, dans l'opposition, faisions valoir que le gouvernement conservateur aurait dû renouveler l'accord. Les conservateurs ne manquent pas de culot en affirmant que nous n'en faisons pas assez dans le dossier des soins palliatifs, question qui aurait certainement fait partie intégrante d'un nouvel accord sur les soins de santé. La députée ne pense-t-elle pas que les soins palliatifs doivent occuper une place importante dans la prestation des soins de santé à l'avenir?
    Monsieur le Président, je suis tout à fait d'accord pour dire que les soins palliatifs doivent jouer un rôle central dans l'avenir du régime des soins de santé.
    Plus tôt, j'ai entendu des députés demander quand commence la fin de la vie. Les experts en soins palliatifs nous disent que même jusqu'à un an avant la mort, voire deux, de bons traitements palliatifs — offerts non seulement dans les hôpitaux, mais aussi à domicile et dans les centres de soins — présentent certains avantages. J'exhorte donc le gouvernement au pouvoir à faire son possible pour réaliser la promesse qu'il a faite dans le budget.
(2045)
    Monsieur le Président, je peux assurer à la députée que le gouvernement libéral fera tout ce qu'il peut pour adopter une politique en matière de soins palliatifs à l'échelle du pays. C'est une chose en laquelle nous croyons depuis de nombreuses années et que nous préconisons. Par conséquent, c'est avec fierté que je me tourne vers le premier ministre et la ministre de la Santé quand je parle de l'investissement futur dans les soins palliatifs.
    Avant de parler davantage des soins palliatifs, je veux parler de la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
    C'est en raison d'une décision de la Cour suprême, une décision unanime — il faut le souligner — dans le cadre de laquelle tous les juges ont conclu que les Canadiens qui endurent des souffrances intolérables ont le droit de demander de l'aide afin d'y mettre un terme. Nous respectons cette décision. La question dont nous sommes saisis aujourd'hui est la suivante: si le Canada devait offrir de l'aide médicale à mourir, comment la rendre accessible? C'est là le fond de la question.
    Il est important que nous reconnaissions que cette décision a été prise en février 2015. Le gouvernement précédent est demeuré les bras croisés et n'a pratiquement rien fait. Puis, les Canadiens ont élu un nouveau gouvernement le 19 octobre et, quelques semaines plus tard, le premier Cabinet libéral depuis une décennie a été formé. Une partie de son mandat consistait à régler cette question.
    Nous n'avons pas le choix. La Cour suprême a rendu cette décision. À titre de parlementaires, nous avons la responsabilité d'y donner suite.
    Des efforts considérables ont été déployés par les membres du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, qui ont travaillé pratiquement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, avec leurs collègues du Sénat. Ils ont fait un travail phénoménal pour nous amener au stade où nous en sommes aujourd'hui, c'est-à-dire au débat sur le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture.
    Avec un peu de chance, le projet de loi franchira plus tard cette semaine l'étape de la deuxième lecture. Les parlementaires, dont beaucoup ont mentionné toutes sortes d'idées, pourront soumettre leurs idées ou exprimer leur opinion à l'étape de l'étude en comité, qui permettra également aux parties intéressées et aux particuliers de faire part de leur expérience incroyable. Au bout du compte, je peux assurer aux députés que le gouvernement du Canada est ouvert à améliorer le projet de loi si nous le pouvons. Nous n'avons pas peur d'accepter des amendements s'ils peuvent en fait améliorer la qualité du projet de loi.
    Les députés constateront que le projet de loi prévoit un mécanisme d'examen automatique. Quatre ans après son entrée en vigueur, le projet de loi sera examiné par le Parlement. J'estime que c'est la chose responsable à faire.
    En tant que parlementaires, nous avons tous, selon moi, un rôle à jouer pour adopter ce projet de loi rapidement. Non seulement le projet de loi doit être étudié par un comité puis adopté par la Chambre, il doit également franchir les étapes législatives au Sénat, et il est important que le tout soit terminé avant le 6 juin. Nous devons faire cela, car c'est un moyen de nous assurer que des normes sont en place dans tout le pays pour remédier à la lacune actuelle.
    Examinons ce que le projet de loi ferait exactement.
     L'aide médicale à mourir ne serait accessible qu'aux personnes qui réunissent certaines conditions. Premièrement, la personne doit être un adulte mentalement capable et ses capacités doivent être à un stade de déclin avancé et irréversible. Deuxièmement, elle doit avoir une maladie, une affection ou un handicap grave et incurable qui lui cause des souffrances persistantes intolérables. Troisièmement, sa mort doit être devenue raisonnablement prévisible, compte tenu de l'ensemble de sa situation médicale. Nous estimons que cela répond à ce que la Cour suprême du Canada nous a demandé.
(2050)
    Bien sûr, c'est une question chargée d'émotivité. Nous avons tous des histoires qui nous font réfléchir. En 1999, j'étais au chevet de mon père mourant. Grâce à de bons soins palliatifs, j'ai pu être présent au moment de sa mort. Je comprends l'importance de la gestion de la douleur. Il était dans un établissement fantastique, qui lui a permis de terminer sa vie de façon très positive. C'était très important pour moi, mais aussi pour ma famille, d'entretenir de bonnes relations avec les personnes qu'il estimait et aimait.
    Je me souviens qu'avant d'être transféré au centre de santé Riverview, nous avions de la difficulté à communiquer avec mon père en raison des douleurs intenses qu'il endurait. Lorsqu'il a été pris en charge avec soin et amour par les professionnels de la santé de l'unité de soins palliatifs, qui lui ont donné les médicaments et antidouleurs appropriés, son état a changé du tout au tout. Je me souviens avoir dit au médecin que nous envisagions de le ramener à la maison, parce qu'il allait beaucoup mieux.
    Nos travailleurs de la santé rendent un grand service aux Canadiens. Il faut le reconnaître. Il ne faut pas craindre que la mesure législative oblige les médecins, le personnel infirmier ou les infirmers praticiens à poser un geste qui va à l'encontre de leurs valeurs ou qu'ils soient pénalisés.
    Nous avons cependant les garanties voulues à cet égard, que ce soit en vertu de la Charte des droits ou parce que les ministres eux-mêmes nous l'ont assuré lorsqu'ils ont présenté le projet de loi et en ont parlé. Nous avons ces garanties. Nous fournirons un service nécessaire, et c'est la bonne chose à faire.
    Ce n'est pas quelque chose qui a été proposé par un parti politique ou un pan de la société. Cette question a été débattue par les tribunaux. Neuf juges de la Cour suprême ont rendu un jugement unanime. Nous croyons au Canada et nous croyons à la primauté du droit. Nous reconnaissons que le présent projet de loi est nécessaire.
    Comme je l'ai indiqué, nous avons toujours la possibilité d'examiner des manières d'améliorer le projet de loi. J'ai hâte qu'un comité en soit saisi pour voir si ses délibérations permettront de l'améliorer.
    J'ai eu l'occasion d'écouter une grande partie des débats à ce sujet. Je tiens à rappeler qu'il est important de nous pencher sur les soins palliatifs et que le gouvernement du Canada a l'occasion de faire preuve de leadership dans ce dossier, tout comme l'a fait le premier ministre actuel en présentant le projet de loi sous sa forme actuelle et en demandant au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir de collaborer pour en arriver à l'étape où nous en sommes aujourd'hui.
    Nous souhaitons voir le même genre de leadership — et je crois que c'est le cas — en ce qui concerne les soins palliatifs. Il faut un leadership solide à l'échelle nationale dans ce dossier. C'est pourquoi j'ai été très heureux de constater que la ministre de la Santé s'était engagée à investir 3 milliards de dollars dans les soins palliatifs.
    Il ne faut pas se leurrer: ce ne sera pas une sinécure. J'ai été porte-parole en matière de santé à l'échelle provinciale. Pour mettre en oeuvre un programme universel, c'est-à-dire offert à tous les Canadiens, peu importe la région où ils habitent, nous devrons négocier très longuement avec nos homologues provinciaux et les autres intervenants, en particulier les communautés autochtones, afin d'élaborer un système de soins palliatifs de calibre mondial.
    Il ne faut pas se leurrer: le défi sera de taille. C'est pourquoi je suis très heureux de constater l'engagement du Cabinet du premier ministre et de la ministre de la Santé, notamment, pour faire en sorte que des ressources financières suffisantes soient investies et pour réunir tous les intervenants afin d'atteindre l'objectif visé. C'est ce qui différencie énormément l'approche adoptée par le gouvernement actuel de celle préconisée par le gouvernement précédent.
(2055)
    Le gouvernement libéral croit à la collaboration avec les autres ordres de gouvernement et avec la population. Je pense que, au bout du compte, c'est ce qui fera la différence.
    Aujourd'hui, nous débattons d'une question très importante, qui intéresse tous les Canadiens au plus haut point. Tous les Canadiens ont une opinion à ce sujet. C'est pour moi un privilège d'exprimer la position que, à mon sens, la majorité de mes concitoyens souhaitent me voir adopter dans ce dossier, et je suis très fier de ce que le gouvernement a pu accomplir dans un délai relativement court.
    Monsieur le Président, j’ai noté avec plaisir que le député et l'intervenant avant lui nous ont remerciés pour le ton du débat et son caractère impersonnel et non partisan, même si nous avons entendu quelques propos de nature plus personnelle de la part de notre collègue là-bas.
    Comme une question que j'ai posée plus tôt a reçu une réponse différente, je vais la poser de nouveau. D'après ce que j'ai lu, deux médecins et deux infirmiers praticiens devront signer ou donner leur consentement. Dans les régions rurales que je connais, il pourrait être difficile de trouver autant de médecins et d'infirmiers praticiens. On m'a répondu que c'était pour cette raison qu'il y a autant d'infirmiers praticiens. Dans les régions rurales que je connais, il y a davantage de médecins que d'infirmiers praticiens. Les infirmiers praticiens ne sont pas si nombreux.
    Nous en revenons aux difficultés qui existent dans les régions rurales. Il est très difficile, dans une petite collectivité, d’attribuer un rôle de ce genre à des professionnels de la santé. Comment mon collègue réglerait-il le problème dans les régions rurales, compte tenu du fait que les infirmiers praticiens n'y sont pas aussi nombreux qu’ailleurs?
    Monsieur le Président, en ce qui concerne les infirmiers praticiens, même s'ils existent depuis bien des années, ce n’est que dans la dernière décennie que certaines provinces ont envisagé d’étendre leur rôle.
     Je comprends qu’il y a beaucoup de questions délicates touchant la santé et la prestation des services de santé, y compris les médecins, dans beaucoup de régions rurales. Plus une région est isolée, plus les conditions peuvent y être difficiles. Il y a cependant beaucoup de collectivités rurales qui ne manquent pas du tout de médecins.
     La réponse à la question réside probablement dans la collaboration avec nos professionnels de la santé et différents intervenants, comme les provinces, pour voir si les préoccupations soulevées par le député peuvent être réglées. Je n’ai pas de solution toute faite à proposer, mais il est à espérer que cela l’aidera à mieux comprendre ce que je voulais dire à ce sujet.
    Monsieur le Président, j’ai apprécié le discours du secrétaire parlementaire. Dans l'arrêt Carter, par laquelle la Cour suprême a accueilli l’appel, « adulte capable » est défini comme étant une personne qui consent clairement à mettre fin à ses jours parce qu’elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables qui lui causent des souffrances persistantes intolérables.
    Le sous-alinéa 241.2(2)d) du projet de loi C-14 prévoit qu’une mort naturelle doit être raisonnablement prévisible. J’aimerais connaître le point de vue du député sur cette disposition particulière du projet de loi. Croit-il qu’elle est conforme à l'arrêt Carter? Le gouvernement est-il disposé à renvoyer cette mesure législative devant la Cour suprême à un moment donné afin de s’assurer que nous ne risquons pas des contestations futures en vertu de la Charte?
    Monsieur le Président, je suis passablement convaincu que la version actuelle du projet de loi respecte les exigences de l'arrêt de la Cour suprême. Cela dit, je rappelle au député — comme je l'ai dit tout à l'heure — que, lorsque le projet de loi sera à l'étape de l'étude en comité, les membres du comité auront l'occasion d'entendre des spécialistes et les personnes qui ont rédigé la mesure législative. Bon nombre de ces questions pourront être étudiées.
    Bien des choses dépendront de ce qui se passera au comité. Cela ne veut pas dire que je ne connais pas la réponse, mais j'aimerais vraiment mieux, quand on sait qui siège au comité... Je sais les efforts que les gens ont déployés pour rédiger le texte du projet de loi. Une petite modification du libellé pourrait grandement changer la façon dont la mesure législative sera interprétée.
    Il vaut mieux comprendre l'intention que nous avons exprimée, puis laisser aux professionnels et aux rédacteurs le soin de faire les choses correctement, en collaboration avec les différents intervenants. Je suis convaincu qu'au final, les choses seront bien faites.
(2100)
    Monsieur le Président, je remercie les députés de se pencher sur cette question non pas seulement en s'appuyant sur leur savoir juridique, dont nous avons eu l'occasion de mesurer l'excellence ce soir, mais également en parlant de l'incidence de leur vie sur la façon dont ils évaluent la mesure législative dont nous sommes saisis.
    Je vais, moi aussi, parler de ma vie sur cette terre et de la difficulté qu'on éprouve à voir s'éteindre un être cher. Dans mon cas, il s'agit de ma mère. Il y a eu 20 ans en janvier dernier qu'elle est partie. Elle a rendu les armes après 15 ans de lutte acharnée contre le cancer. À la fin, elle a obtenu des soins palliatifs, ce qui était une excellente chose. Pourtant, il est arrivé un moment où elle en a eu assez. Elle nous a fait venir, mes deux soeurs et moi, et nous a dit qu'elle n'en pouvait plus. Elle a retiré son masque à oxygène et nous a fait ses adieux en nous disant qu'elle nous aimait et en nous demandant de ne pas la ranimer.
    Pendant trois ou quatre mois — il est presque impossible de mesurer le temps —, nous avons regardé ma mère se battre  pour s'assurer de pouvoir dire au revoir à tous ses enfants, à ses amis et à sa famille. De toute évidence, après 15 ans, elle en avait assez.
    Nous étions assis au chevet de ma mère, à la regarder, tandis que la vie commençait à l'abandonner. Pour moi qui étais en ville et qui prenais soin d'elle à la fin, pratiquement tous les jours, c'était trop dur à supporter. Je n'en pouvais plus. J'ai quitté la chambre d'hôpital en me disant que j'avais fait mes adieux et que la fin était venue. Lorsque je suis revenu le lendemain matin, ma mère était assise dans son lit et elle disait: « Eh bien, cela n'a pas fonctionné. » Les soins palliatifs ont continué de lui être administrés dans les semaines qui ont suivi. Ils sont devenus de moins en moins efficaces, et la douleur a augmenté. Elle a souffert sans cesse davantage, et nous avons eu de plus en plus de peine à gérer la situation. Mais à la fin, elle est morte.
    Elle avait obtenu une ordonnance de non-réanimation. Nous débattons actuellement d'une question, mais nous avons déjà trouvé, dans le passé, des moyens d'aider les gens à prendre des décisions, même lorsqu'ils ne sont pas en mesure de les prendre.
    Voilà la question avec laquelle nous sommes aux prises aujourd'hui. Comment procéder de manière plus proactive et plus éclairée tout en tenant compte de plusieurs dimensions, de plusieurs outils de diagnostic et de plusieurs éventualités?
    Nous sommes en train de chercher à déterminer comment étendre l'application des ordonnances de non-réanimation dans une nouvelle sphère de l'aide médicale. C'est essentiellement ce que nous essayons de faire. Néanmoins, la discussion dévie dans d'autres domaines. Au cours du présent débat, j'ai entendu des députés dire que le projet de loi est bon, mais qu'il ne contient pas telle ou telle disposition. Or, ces autres dispositions devraient en fait se retrouver dans d'autres projets de loi. Nous nous égarons au lieu de nous concentrer sur notre objectif.
    Le projet de loi est la réponse que nous sommes tenus de fournir à l'arrêt de la Cour suprême, comme le veut la Constitution. Je n'en suis pas vexé. C'est une responsabilité extraordinaire que de devoir apporter une réponse à un arrêt de la Cour suprême lorsque celle-ci trouve des lacunes dans nos lois ou lorsque les besoins de la population ne sont pas remplis. Nous cherchons à réussir un parcours sans faute à l'intérieur d'un cadre prédéfini.
    Au moment même où nous tenons le présent débat, certains de nos concitoyens et leur famille souffrent. Je me réjouis de voir que nombre d'intervenants estiment que nous devons nous employer à ce que la mesure législative soit la plus parfaite possible. Elle se doit de l'être, et nous nous efforçons tous d'atteindre cet objectif. Cependant, la recherche de la perfection ne doit pas empêcher de prendre des mesures nécessaires et positives. Le projet de loi comporte des éléments valables parce qu'il vise à limiter la souffrance. A-t-on fait suffisamment en ce qui concerne les soins palliatifs et la qualité de vie? Évidemment pas. Avons-nous fait suffisamment en termes de recherche médicale? Bien sûr que non.
     La mort est encore un sujet très difficile pour un trop grand nombre d'entre nous. Toutefois, le comité s'emploiera à améliorer le projet de loi C-14 qui donne suite de façon très particulière à une contestation judiciaire. J'ai bon espoir que le comité renvoie à la Chambre une mesure législative améliorée. J'ose espérer que nous renverrons le projet de loi au comité dans les meilleurs délais pour qu'il dispose de suffisamment de temps pour l'améliorer, ce qui vaudrait mieux que de continuer à en faire la critique à la Chambre. Nous devons renvoyer le projet de loi au comité pour qu'il en fasse l'étude, en précise le libellé et permette de mieux en comprendre les possibilités et pour qu'il en circonscrive plus clairement les restrictions. Nous devons renvoyer le projet de loi au comité le plus rapidement possible.
(2105)
    Toutefois, nous ne devons pas craindre le projet de loi, car on imaginerait des choses que nous n'avons pas envisagées, comme lorsqu'on parle d'une pente glissante, lorsqu'on s'inquiète de ce qui arrivera à telle ou telle personne dans cinq et dix ans, si les conditions changent. Nous devons examiner la mesure législative dont nous sommes saisis, la renvoyer au comité accompagnée des critiques, puis nous faire confiance et avoir la certitude que nos collègues et tous les parlementaires qui se penchent sur ce dossier peuvent améliorer le projet de loi pour la prochaine étape, puis pour le travail et la résolution au Sénat.
    Ne nous leurrons pas. Tout projet de loi adopté durant cette législature finira par être contesté, à une date ultérieure, devant la Cour suprême. Toute nouvelle réflexion, idée ou circonstance nous amènera à revoir le projet de loi d'ici un, deux, trois, cinq ou dix ans. Nous vivons sur cette planète depuis des millénaires et nous n'avons jamais réussi à perfectionner l'art de mourir. C'est une question épineuse. Ce n'est pas facile. Si nous perdons de vue le fait que notre incapacité d'accepter la mort exacerbe et prolonge la souffrance d'un individu, nous aurons alors réellement failli à notre tâche de parlementaires. Nous sommes appelés à prendre une décision difficile. Le projet de loi définirait ce que nous estimons être un bon jugement et une bonne approche.
    J'ai pu entendre de bonnes idées. Toutefois, le débat réclamé par de nombreux groupes sur l'amélioration des soins palliatifs n'avait pas besoin d'un tel projet de loi. Nous aurions dû perfectionner les soins palliatifs il y a des années. Nul besoin d'un tel projet de loi pour lancer un débat sur la nécessité de faire en sorte que les personnes vulnérables soient mieux protégées et que leur qualité de vie soit améliorée. On aurait dû consulter les personnes vulnérables et répondre à leurs besoins bien avant que le projet de loi soit présenté.
    Toutefois, je trouve qu'il est inadmissible d'utiliser cela pour empêcher de mettre fin à la souffrance est inadmissible, à mon avis, et nous devons respecter la date limite qui nous a été imposée par un tribunal auquel on a déjà demandé de le reporter et qui a déjà invoqué la souffrance pour ne pas le reporter encore une fois. Il est de notre devoir, ce soir et au cours des prochains jours, de renvoyer ce projet de loi au comité le plus rapidement possible, puis d'écouter les propos que nous avons échangés au cours des dernières heures. Je ne pense pas que qui que ce soit ait présenté un point de vue sans aucune utilité et qui ne nous aide pas à discuter de ce projet de loi de manière plus résolue et plus réfléchie, et c'est une bonne chose.
    Apportons-y des amendements. Appuyons-nous sur les comités parlementaires que nous avons ici. Faisons-nous mutuellement confiance pour rendre de bonnes idées encore meilleures. C'est ce à quoi est censée servir l'étude au comité et c'est ce qui va se faire, j'en suis certain. Mesurons la portée de ce débat tout au long de ce processus et veillons à ce que nos voix et les voix des électeurs soient entendues dans ce débat et se répercutent dans la mesure législative. En fin de compte, soyons honnêtes avec nous-mêmes. Nous reviendrons à cette question dès que le projet de loi recevra la sanction royale. Nous y reviendrons parce que la vie nous réserve des défis aussi sûrement qu'elle met la mort sur notre chemin. Nous devons être, sur ce genre de questions, assez intelligents pour nous faire mutuellement confiance, avoir assez de compassion pour apprendre à nous connaître les uns les autres et, en fin de compte, assez disciplinés pour veiller à ce que le Parlement travaille pour ceux qui souffrent, qui sont vulnérables et qui veulent vivre leurs derniers jours dans la dignité.
     Ma mère m'a appris beaucoup de choses à propos de la vie au fil du processus qui a mené à son décès, et je suis convaincu que nous avons tous appris quelque chose de nos proches qui ont dû passer par une période très difficile. Cela dit, je me souviens que ma mère disait, pendant ce temps, qu'elle nous aimait et qu'elle n'essayait pas seulement de gérer sa propre souffrance; elle essayait aussi de gérer la nôtre. Par conséquent, ce n'est pas seulement notre propre décision difficile que nous essayons de gérer aujourd'hui; c'est la décision difficile de notre pays.
    Je suis convaincu que tous les députés prennent cette question au sérieux, et je suis convaincu qu'ils appuieront les efforts que nous déploierons pour améliorer les soins palliatifs et la qualité de vie des personnes vulnérables au pays, de même que pour donner des choix aux Canadiens quant à leur avenir, en leur offrant un soutien lorsqu'ils se trompent et en faisant preuve de compréhension lorsqu'ils prennent une bonne décision.
    J'espère que ce projet de loi nous permettra de trouver une solution appropriée. J'espère aussi que le comité trouvera une solution appropriée, et je souhaite que le prochain débat sur la question donne lieu à un plus vaste consensus sur le sujet.
(2110)
    Monsieur le Président, je remercie le député de Spadina—Fort York de nous avoir fait profiter de ses observations et de son expérience.
    Le député a parlé de confiance à plusieurs reprises et il a souligné qu'il fallait trouver la solution appropriée. Quand il s'agit d'une décision, d'un projet de loi aussi crucial que celui-là, nous cherchons, grâce à nos discussions — car ce sont bien des discussions, et non des débats —, à trouver une solution aussi appropriée que possible. Le pouvoir se trouve de l'autre côté de la Chambre. La population canadienne et les juges de la Cour suprême, un peu plus loin sur la rue, voient que nous tenons ces discussions. Je crois donc que, si le gouvernement traversait la rue et demandait un peu plus de temps à la Cour, sa demande serait approuvée.
    Qu'on opte pour une disposition de dérogation ou qu'on se contente de demander à reporter une fois de plus le délai, le député d'en face convient-il au moins que le gouvernement ferait preuve d'un véritable leadership s'il demandait à la Cour qu'elle nous laisse un peu plus de temps pour tenir ces discussions essentielles?
    Monsieur le Président, je siégeais à la Chambre pendant la dernière législature, lorsque les libéraux étaient dans l'opposition. Nous avons présenté une motion qui visait à accélérer le débat afin de nous donner cette latitude, mais la motion a été rejetée. Étant donné que nous avons déjà demandé une prolongation à la Cour suprême, je crois que nous n'avons pas le droit de prolonger les souffrances d'autrui. Nous avons la responsabilité de passer à l'action.
    La question est là depuis bien plus longtemps que le projet de loi dont nous sommes saisis. Le comité a pris son temps et il a fait un travail remarquable. Il a exploré la question et il a fait tout le travail de terrain nécessaire. Des travaux ont aussi été réalisés pendant la législature précédente, mais pas assez rapidement, loin de là.
    La question qu'il nous faut accepter en tant que parlementaires, c'est que nous ne pouvons pas produire de loi parfaite. Cela n'arrivera jamais. Nous ne sommes que des humains qui font tout leur possible. En ce qui concerne ce projet de loi — dans le cadre duquel tous les députés de ce côté-ci de la Chambre se sont vu donner le droit de voter librement, comme pour les députés d'en face, je présume —, nous sommes rendus à un point où il serait possible de mener les choses à bien. La date limite donnée par la Cour suprême n'a pas à être remise en question.
    Il est temps de passer à l'action. Il est temps de mettre fin aux souffrances de certains et de clarifier les choses pour d'autres, alors je ne crois pas qu'il serait responsable de demander à prolonger le délai. Nous devons prendre une décision, quitte à la revoir quand d'autres problèmes feront surface, ce qui ne manquera pas de se produire, vous pouvez en avoir la certitude.
    Monsieur le Président, je remercie le député de son discours très convaincant. J'ai surtout retenu que c'est essentiellement une question de procédure.
    Il a parlé de la nécessité de renvoyer le projet de loi au comité afin qu'il puisse être amélioré. Voilà quelque chose que j'aimerais voir. Je pourrais parler de certains des points où le gouvernement, selon moi, a erré dans le projet de loi. Toutefois, puisqu'un comité spécial, qui a fait de l'excellent travail, a présenté un rapport et que le projet de loi du gouvernement n'en tient à peu près pas compte, pourquoi devrions-nous croire que le gouvernement réagira de façon adéquate aux travaux du prochain comité qui se penchera sur le projet de loi?
    Monsieur le Président, je suis tenté de citer l'un de mes films préférés: « Il faut garder espoir. »
    Le comité qui a jeté les bases du projet de loi dont nous sommes saisis s'est penché sur de nombreuses questions, et, en fin de compte, la ministre de la Justice a présenté un projet de loi qui, de l'avis du gouvernement, fait fondamentalement ce qu'il faut, en fonction de la décision de la Cour suprême. Il fait disparaître certaines des autres questions, il affirme qu'essentiellement c'est ce que nous devons faire et il laisse au gouvernement le soin d'apporter des améliorations. Nous devons, en tant que parlementaires, profiter de l'occasion pour montrer que le Parlement est capable de collaborer en ce qui concerne, notamment, des questions difficiles.
    Notre défi, c'est de trouver comment traiter de certaines des idées que nous souhaitons explorer, et pas seulement dans ce projet de loi en particulier. Le consentement préalable — quels que soient les différents noms qui lui sont attribués, comme directives préalables — représente un problème pour moi. Il s'agit d'une lacune fondamentale du projet de loi, et j'aimerais que le comité se penche concrètement sur la question. Le volet soins palliatifs, le devoir de diligence à l'égard des personnes vulnérables, toutes ces questions doivent aussi faire l'objet d'un examen par la Chambre, et nous devons faire preuve d'autant de créativité et de compassion en ce qui les concerne.
    Nous en arrivons à croire que les projets de loi ministériels doivent être irréprochables, qu'il faut les approuver ou les rejeter en bloc. Ce n'est pas comme cela que les choses sont censées fonctionner au Parlement. Nous représentons notre parti et nos concitoyens à la Chambre; nous devons tenir compte de leurs diverses positions dans l'exercice quotidien de nos responsabilités législatives plutôt que nous contenter de respecter en tout temps la discipline de parti. C'est une des libertés parlementaires qu'il vaudrait la peine d'examiner; notre chef aimerait d'ailleurs nous saisir de la question, mais, pour ce faire, il a besoin de l'appui des députés.
(2115)
    Avant la reprise du débat, j'aimerais faire quelques observations à l'intention de tous les députés. Je tiens d'abord à féliciter les députés de tous les partis, comme d'autres l'ont déjà fait, de leurs interventions des plus sincères dans ce dossier chargé d'émotion qui va droit au coeur de la condition humaine.
    La présidence fait de son mieux pour ne pas interrompre les députés et donner au plus grand nombre d'entre eux l'occasion de parler. Nous en sommes aux discours de 10 minutes suivis de périodes de questions et d'observations de cinq minutes, ce qui laisse généralement le temps d'entendre deux interventions.
    Nous ferons de notre mieux, mais si les députés constatent que beaucoup de leurs collègues souhaitent intervenir, peut-être décideront-ils de poser de courtes questions afin de les laisser participer en grand nombre.
    Nous tâcherons de nous montrer justes et judicieux afin, entre autres, que tous les députés aient le temps de finir.
    Reprenons le débat, la députée de North Island—Powell River a la parole.
    Monsieur le Président, la Chambre discute aujourd'hui du projet de loi C-14. Ce faisant, nous devons prendre au sérieux cette importante responsabilité. La Cour suprême s'est prononcée. Le travail de la Chambre consiste à créer une loi pour établir clairement les balises qu'il faudra dorénavant respecter.
    En février 2015, la Cour suprême du Canada a conclu que l'interdiction absolue de l'aide à mourir va à l'encontre des droits que la Charte garantit aux Canadiens qui sont voués à d’intolérables souffrances causées par des problèmes de santé graves et irrémédiables, et qui, en tant qu'adultes considérés comme capables de prendre des décisions, chercheraient, dans d'autres circonstances, à obtenir une aide médicale afin de pouvoir mourir comme ils l'entendent.
    En réponse à cette décision, le comité mixte spécial du Parlement a reçu le mandat de consulter des spécialistes et des Canadiens qui représentent les divers points de vue sur cette question. Il a examiné la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Carter ainsi que la décision de 400 pages de la Cour suprême de la Colombie-Britannique qui l'a précédée. Il a étudié la nouvelle loi du Québec sur l'aide à mourir ainsi que les rapports de deux importants groupes de spécialistes sur l'aide médicale à mourir, qui ont consulté 13 000 Canadiens et plus de 100 organismes. Le comité a ensuite tenu 11 audiences, entendu 61 témoins experts et reçu plus de 100 mémoires soumis par des groupes de partout au pays.
    J'ai lu son rapport et je le remercie de son excellent travail, qui a donné lieu aux 21 recommandations qui ont guidé la rédaction du projet de loi. Ces recommandations étaient équilibrées et dénotaient une grande sensibilité, en plus de respecter l'autonomie des patients, les droits des professionnels de la santé et des personnes vulnérables ainsi que la nature fondamentalement personnelle de cette question pour l'ensemble des Canadiens.
    J'ai aussi écouté ce que m'ont dit les électeurs de la circonscription de North Island—Powell River, que je représente. Je dois dire qu'ils sont très inquiets. Bon nombre d'entre eux trouvent qu'on ne soutient pas assez les soins palliatifs et de fin de vie. Ils veulent qu'on leur garantisse que les personnes vulnérables seront protégées et que celles qui souffrent pourront décider de mourir dans la dignité. J'ai reçu de très nombreuses lettres des habitants de ma circonscription, et je suis persuadée que j'en recevrai de très nombreuses autres. Ce sujet mérite d'être débattu en long et en large dans toutes les circonscriptions du pays.
    Le projet de loi C-14 me touche personnellement moi aussi. Il y a longtemps, j'ai fait du bénévolat dans une maison de soins palliatifs et j'en ai vu des gens mourir. Je me suis retrouvée aux côtés de personnes qui souffraient si fort et qui voulaient tellement que la mort vienne les libérer qu'elles se sont laissé mourir de faim. C'était leur seule solution. Je me rappelle leur agonie et la peine de leur entourage, alors que la seule chose qu'elles voulaient, c'est que la douleur cesse.
    J'ai aussi côtoyé des gens qui, chaque jour, luttaient pour se rendre jusqu'au lendemain. Leur soif de vivre malgré la douleur était époustouflante.
    J'ai travaillé bénévolement à cet endroit pendant des années. J'y ai appris que la mort est une démarche des plus personnelles durant laquelle il est important de respecter les mourants et leur famille.
    Aujourd'hui, je veux prendre part au débat sur le projet de loi C-14, la réponse du gouvernement libéral à l'arrêt Carter.
    Le projet de loi libéral soulève de nouvelles préoccupations et, selon moi, laisse beaucoup de questions sans réponse.
    Les universitaires, les professionnels de la santé, les groupes confessionnels et le public s'entendent sur le fait que les Canadiens méritent de meilleurs soins palliatifs et de fin de vie.
    Le gouvernement fédéral a un rôle à jouer auprès des provinces, des territoires, des Premières Nations et des communautés inuites et métisses afin de trouver des stratégies qui fonctionnent.
    Nous avons une excellente occasion d'améliorer les services partout au pays. Pourtant, le gouvernement ne fait nullement mention des soins palliatifs dans le budget, malgré sa promesse électorale d'investir 3 millions de dollars dans les soins à domicile. Exiger que le gouvernement rende des comptes par rapport à cette promesse demeure une de nos priorités tandis que nous contribuons à l'élaboration de la réponse législative à l'arrêt Carter.
    Lorsque le gouvernement a présenté le projet de loi, il n'a pas pris de nouvel engagement à l'égard des soins palliatifs, bien qu'il en soit question dans le préambule. Les gens de ma circonscription veulent voir cet investissement se produire.
    Le NPD a fait des progrès importants durant la dernière législature, lorsque la Chambre a donné un appui quasi unanime à la motion du député de Timmins—Baie James pour la mise en oeuvre d'une stratégie pancanadienne de soins palliatifs et de fin de vie.
    Les soins palliatifs visent les dimensions physique, psychologique et spirituelle de la personne. Ils sont axés à la fois sur le patient et sur sa famille.
    La mort est inéluctable. Toutes les familles doivent composer avec la perte d'un être cher. L'absence de soins palliatifs de qualité rend ces moments traumatisants encore plus difficiles et coûteux. Étant donné le vieillissement de la population, il est crucial que le gouvernement fédéral fasse dès maintenant preuve de leadership.
(2120)
    Le document d'information du gouvernement parle d'un système qui assure l'égalité d'accès. Je le cite:
    Le gouvernement se propose de travailler avec les provinces et les territoires à l'élaboration de mécanismes pour coordonner les soins de fin de vie pour les patients qui veulent avoir accès à l'aide médicale à mourir. Ce système aiderait à mettre les patients en contact avec un médecin ou une infirmière praticienne acceptant de fournir une aide médicale à mourir et respecterait les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé qui préféreraient ne pas participer. Il protégerait aussi l'identité de ceux qui seraient disposés à fournir cette aide. Ce système pourrait aussi offrir d'autres options de soins de fin de vie aux patients et aux fournisseurs.
    Toutefois, ce système n'est pas du tout mentionné dans le projet de loi, ce qui entraîne un manque de clarté et ouvre la porte à de mauvaises décisions. Il est important de respecter la liberté de conscience des professionnels de la santé, tout en respectant en même temps les besoins des patients.
    Après avoir vu les mesures législatives du gouvernement précédent faire continuellement l'objet de contestations judiciaires, les Canadiens veulent un gouvernement méthodique. Il est temps de nous assurer que le projet de loi résistera à toute contestation fondée sur la Charte en éliminant les contradictions qui existent entre lui et la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter. Les Canada ont attendu assez longtemps. Faisons bien les choses du premier coup.
    Il ne s'agit pas non plus d'une critique partisane. Le coprésident, le sénateur conservateur Kelvin Ogilvie, a dit au Hill Times que le projet de loi tel qu'il a été présenté fera l'objet de contestations devant les tribunaux, et il est déçu que le gouvernement n'ait pas suivi plus de recommandations du comité.
    Ce n'est pas un cas dans lequel il suffit que le projet de loi soit passable. Il s'agit d'une question de vie ou de mort, alors élaborons le projet de loi approprié.
    Les gens de ma circonscription se préoccupent des mesures de protection. Ils connaissent la valeur de la vie et veulent s'assurer que l'on ne considère pas que certaines vies ont moins de valeur que d'autres. Je suis tout à fait d'accord. Certains membres de ma famille souffrent de troubles mentaux graves et n'ont pas les mêmes capacités que tout le monde. Je les chéris et je ne voudrais pas qu'ils disparaissent.
    À l'heure actuelle, le projet de loi C-14 légaliserait l'aide médicale à mourir pour les adultes capables de 18 ans ou plus qui répondent aux critères suivants: ils souffrent de maladies graves ou incurables, de maladie ou d'incapacité; ils affichent un déclin avancé et irréversible des capacités; ils éprouvent des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui leur sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’ils jugent acceptables; leur mort naturelle est raisonnablement prévisible, compte tenu de leur situation médicale, sans qu'un pronostic ait été établi quant à leur espérance de vie.
     Le projet de loi exige également que chaque critère soit confirmé par deux médecins ou infirmiers praticiens indépendants. La demande doit être faite par écrit lorsque possible et signée devant un témoin adulte indépendant. Une période de réflexion de 15 jours doit être observée. Pour aider à protéger les personnes en situation vulnérable, le témoin de la demande ne peut être bénéficiaire de la succession testamentaire du patient, ni recevoir un avantage de la mort du patient, ni participer directement à la prestation de soins au patient. Les deux médecins ou infirmiers praticiens doivent également être indépendants l'un de l'autre. Des mécanismes de sauvegarde doivent être en place pour offrir le soutien dont ont besoin les patients et leur famille en cette période difficile.
    Nous savons que la question est délicate et qu'elle touche bien des gens sur le plan personnel. Il y a amplement de matière à discuter et nous espérons que la discussion sera exhaustive. Par conséquent, je vais appuyer le projet de loi, mais je sais qu'il sera renvoyé à un comité spécial et j'espère que, à son retour à la Chambre, de nombreux changements y auront été apportés.
    Bien des intervenants aujourd'hui ont dit qu'ils n'arrivent pas à croire que le projet de loi C-14 refuserait le droit de choisir l'aide médicale à mourir à Kay Carter, l'une des deux femmes au nom de qui cette affaire a été portée devant la Cour suprême. Mme Carter souffrait d'une maladie grave et incurable, mais non mortelle.
    Selon de nombreux experts, le seul recours d'un malade pour répondre au dernier critère du projet de loi serait de se laisser presque mourir de faim, comme nous l'avons vu au Québec en raison des critères d'admissibilité de la province. J'ai été témoin de cela, et c'est une terrible façon de mourir.
    Au fil de leur étude méticuleuse de cette mesure législative, les néo-démocrates vont consulter des experts et des personnes touchées. Comme l'a écrit Amy Engel, « Je veux être une personne assez forte et courageuse pour prendre des décisions difficiles, mais je veux être assez juste et aimante pour prendre les bonnes décisions. »
(2125)
    Monsieur le Président, la députée fait référence aux paragraphes (5) et (6), à la page 7, qui parlent des témoins indépendants et de l'indépendance des médecins et infirmiers praticiens, de l'obligation qu'il n'y ait pas de relation d'affaires ni avantage financier possible émanant de la mort accélérée d'une personne.
    Certes, je suis d'accord avec ces principes. Ce qui m'inquiète, c'est qu'une personne pourrait dire qu'elle est indépendante et tout, mais qu'il n'y a aucun moyen de vérifier si c'est bel et bien le cas.
    Est-ce que ma collègue appuierait l'idée d'un examen préalable, par l'entremise d'un tribunal, d'une révision judiciaire, ou d'un groupe qui superviserait et vérifierait les faits énoncés?
    Monsieur le Président, voilà justement une partie des problèmes à régler.
    Comme nous le savons, certaines de ces décisions doivent être prises en collaboration avec les provinces, qui ont certaines compétences et certaines responsabilités dans ce dossier.
    Selon moi, tout cela revient à la nécessité d'obtenir le soutien des provinces, pour éviter qu'on se retrouve avec un ensemble disparate de mesures aux quatre coins du Canada. Nous voulons que les services offerts soient sensés et que ces questions difficiles soient posées.
    J'ai bon espoir que les travaux du comité permettront de répondre judicieusement à certaines de ces questions et que le processus suivra son cours en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux.
    Monsieur le Président, la question des soins palliatifs est effectivement très importante.
    Bien des députés estiment que le projet de loi va trop loin. De nombreux autres pensent qu'il ne va pas assez loin. Je suis généralement de cet avis. Je crois que nous pourrions aller beaucoup plus loin, mais je suis content du compromis que représente le projet de loi.
    Le député de Spadina—Fort York, qui a pris la parole tout à l'heure, a raison de dire que tout ce que nous ferons sera contesté. Que ce soit une bonne chose ou non, je ne pense pas que ce dossier sera un jour complètement clos. Cette question touche de trop près aux convictions intimes des gens. Je crois que tous les députés en conviendront.
    La députée souhaite régler un certain nombre d'incompatibilités qu'elle voit entre le projet de loi et l'arrêt de la Cour suprême. Compte-t-elle saisir le comité d'amendements qui permettront de les régler? Admet-elle que l'étude en comité est la meilleure façon de régler ces questions, étant donné notre échéancier très serré?
    Monsieur le Président, j'espère que le comité poursuivra le travail une fois qu'il aura été saisi du projet de loi.
    L'une des choses qui me dérangent, c'est que le projet de loi n'a pas donné suite à bon nombre des recommandations réfléchies qui avaient été proposées par le comité précédent.
    Je souhaite que les excellentes recommandations qui ont déjà été faites soient passées en revue afin que nous ne répétions pas le travail qui a déjà été réalisé.
(2130)
    Monsieur le Président, il s'agit d'une question difficile, et, en général, je suis d'accord avec les observations de la députée.
    Plus tôt aujourd'hui, le secrétaire parlementaire du premier ministre a déclaré que le projet de loi pourrait faire l'objet d'amendements. Je me demande si la députée de North Island—Powell River a pensé à des amendements que son parti pourrait proposer et si elle pense que le gouvernement libéral sera ouvert aux amendements que pourraient présenter des députés de l'opposition.
    Monsieur le Président, il est très important que toutes les voix puissent se faire entendre au cours de ce processus.
    Pour ma part, les conversations que j'ai eues avec des résidants de ma circonscription ont été très inspirantes. Les gens s'intéressent vivement à cette question. Certains sont très favorables au processus, tandis que d'autres sont résolument contre.
    Il est important que le gouvernement poursuive son travail afin que les résidants de toutes les circonscriptions du pays puissent se faire entendre.

[Français]

    Monsieur le Président, je voudrais féliciter mon honorable collègue pour son excellent discours très bien posé et très bien expliqué. Vraiment, je n'aurais pas pu faire mieux.
    Je voudrais aussi remercier mes honorables collègues de Saint-Hyacinthe—Bagot et de Victoria, qui ont fait un excellent travail dans ce comité spécial pour arriver aux conclusions que l'on connaît.
    Du discours de ma collègue, j'ai beaucoup retenu la question des soins palliatifs. Le NPD a travaillé très fort pour mettre en place justement une stratégie pour les soins palliatifs. Dans ma circonscription, il y a la Maison René-Verrier qui fait un excellent travail pour les gens qui sont malheureusement en fin de vie. Il est très important d'accompagner ces gens-là, d'être très près d'eux et de pouvoir leur permettre de vivre ce passage obligé que nous avons tous à faire.
    J'aimerais que mon honorable collègue puisse faire encore quelques commentaires sur l'importance à accorder aux soins palliatifs. Malheureusement, le gouvernement libéral n'a pas encore mis en place ses promesses concernant les soins palliatifs.

[Traduction]

    Monsieur le Président, voilà une excellente question.
    Les soins palliatifs sont très importants. La population canadienne est vieillissante. Au crépuscule de leur vie, les gens veulent avoir l'assurance qu'ils auront les services dont ils ont besoin. Je représente une vaste circonscription comptant de nombreuses localités rurales. Nous avons beaucoup de difficulté à aider les gens à rester parmi les leurs pendant un certain temps, lorsqu'ils arrivent à un âge avancé.
    Il est essentiel d'établir une stratégie canadienne à laquelle les provinces et les territoires adhéreront vraiment, dans un esprit de collaboration, pour répondre aux besoins de la population dans l'ensemble du pays. Nous avons déjà adopté presque à l'unanimité une motion du député de Timmins—Baie James.
    Nous connaissons l'importance des soins palliatifs. J'espère que nous allons poursuivre notre travail pour que ces soins soient effectivement fournis.
    Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de participer au débat en deuxième lecture du projet de loi C-14, c'est-à-dire l'approche législative proposée concernant l'aide médicale à mourir dans notre pays.
    Il s'agit d'un projet de loi historique, qui porte sur une question d'un grand intérêt et d'une grande importance pour de nombreux Canadiens. C'est aussi un projet de loi qui fait l'objet de points de vue personnels divergents et profondément ancrés. C'est pourquoi il a fallu tenir de vastes consultations auprès de divers groupes et de diverses organisations avant de pouvoir rédiger le texte du projet de loi, puis le soumettre au Parlement.
    Les députés savent qu'un comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat a étudié cette question récemment, soit en janvier et en février derniers. Le comité a eu l'occasion d'entendre 61 témoins et d'examiner plus de 100 mémoires.
    D'autres consultations ont été menées récemment, soit par le Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada, entre juillet et décembre 2015, et par le groupe consultatif d'experts des provinces et des territoires sur l'aide médicale à mourir, entre août et décembre 2015. Ce comité et ce groupe ont chacun rencontré des dizaines de groupes intéressés et ont reçu de nombreux mémoires leur ayant été soumis par diverses organisations clés, y compris dans le secteur médical et parmi les groupes de défense des droits des handicapés, les associations de juristes, les organismes de défense des libertés civiles et les groupes confessionnels. De plus, beaucoup d'organisations ayant été consultées ont elles-mêmes consulté leurs membres, parfois sur une période de plusieurs années. Elles ont communiqué au comité et au groupe le résultat de ces consultations.
    Nous avons aussi bénéficié des années de consultations faites par le gouvernement du Québec, qui ont mené à sa propre mesure législative dans ce domaine. Les vastes travaux faits au Québec ont été examinés attentivement et je remercie la province de son leadership sur cette question. Ils ont aussi contribué à cette mesure législative.
    Les vastes consultations approfondies qui ont eu lieu au cours de l'année dernière partout au pays ont sans aucun doute enrichi le processus d'élaboration des orientations qui a mené à la présentation du projet de loi C-14. Je suis heureux de voir, dans le document intitulé « Contexte législatif: aide médicale à mourir (projet de loi C-14) », qui accompagne le projet de loi et a été déposé ici par la ministre de la Justice, que l’élaboration du texte législatif proposé se fonde sur les éléments de preuve déposés devant toutes les instances dans l’affaire Carter, des travaux de recherche, des études en sciences sociales, des études parlementaires et des rapports gouvernementaux canadiens et internationaux.
    Ce document nous dit également qu'il se fonde sur l’expérience de régimes internationaux existants, ainsi que sur de nombreuses activités récentes de consultation sur l’aide médicale à mourir, notamment le travail du comité mixte spécial, du comité fédéral externe, du Groupe consultatif provincial-territorial d’experts, de l’Association médicale canadienne, du Collège des médecins de famille du Canada, et celui des collèges provinciaux de médecins et chirurgiens.
    Le processus de consultation a été solide et exhaustif. Il a donné l'occasion aux diverses parties concernées d'exprimer leurs opinions et de tenir compte du point de vue d'autres parties qui n'est pas nécessairement le leur.
    Je vais souligner brièvement les préoccupations que certains des principaux intéressés ont soulevées concernant cette question. L'un des principaux groupes intéressés, étant donné le rôle actif qu'il jouera en réponse aux demandes d'aide médicale à mourir, est celui de la profession médicale, soit les divers fournisseurs de soins de santé, comme les médecins, le personnel infirmier, les pharmaciens, les infirmiers praticiens, ainsi que leurs organismes de réglementation.
    L'importance de cette question pour la profession médicale a été soulignée par un représentant de l'Association médicale canadienne qui a comparu devant le comité mixte spécial; il a indiqué que l'aide médicale à mourir est une question difficile et controversée pour la profession médicale et qu'elle représente un changement radical pour les médecins au Canada.
    Bon nombre des personnes qui ont exprimé le point de vue de la profession médicale ont insisté sur la nécessité de clarifier la loi afin que les fournisseurs de soins de santé comprennent très clairement ce qui est permis et ce qui ne l'est pas en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Elles ont également indiqué qu'une loi fédérale est nécessaire pour assurer l'uniformité nationale.
    Je me réjouis que la mesure législative proposée réponde à la demande de clarté et de cohérence. Le projet de loi C-14 explique en détail qui peut faire quoi à qui et quelles sont les mesures de protection auxquelles il faut se conformer. En outre, comme il s'agit d'une modification au Code criminel, il s'appliquera uniformément partout au Canada.
    La décision unanime de la Cour suprême dans l'arrêt Carter porte essentiellement sur le rôle que les médecins pourraient jouer dans l'aide médicale à mourir. Je suis heureux de constater que le projet de loi C-14 prévoit explicitement des exemptions pour d'autres fournisseurs de soins de santé, comme les infirmiers praticiens, les pharmaciens et quiconque aide un médecin ou un infirmier praticien à procurer une aide médicale à mourir à quelqu'un qui en fait la demande.
(2135)
    Le projet de loi tient compte de la mine de renseignements obtenus de représentants d'organismes de soins infirmiers et d'associations de pharmaciens au cours des diverses consultations.
    Par ailleurs, les membres de la profession médicale ont expressément demandé que soit respectée la liberté de conscience des professionnels de la santé qui pourraient s'opposer à l'aide médicale à mourir. Je tiens à souligner que le respect des convictions personnelles des fournisseurs de santé est explicitement mentionné dans le préambule du projet de loi.
    Je ferai également remarquer que le gouvernement s'est engagé à travailler avec les provinces et les territoires afin de soutenir l'accès à l'aide médicale à mourir en mettant les patients en rapport avec les fournisseurs de soins de santé consentant à fournir une telle aide. À mon avis, cet engagement établit un juste équilibre entre l'aide à l'accès au service et le respect de la liberté de conscience des fournisseurs de soins tout en reconnaissant les compétences des provinces et des territoires.
    Enfin, les membres de la profession médicale, entre autres parties intéressées, ont dit souhaiter vivement la mise en place d'un système national de surveillance pour l'aide médicale à mourir. Je suis ravi de constater que le projet de loi C-14 donnerait au ministre de la Santé le pouvoir d'édicter un règlement établissant un tel système assorti de l'exigence, pour les fournisseurs de soins, de présenter les demandes reçues afin de permettre cette surveillance.
    Plusieurs intervenants clés, plus particulièrement des représentants des groupes de défense des droits des personnes handicapées, ont souligné qu'il est nécessaire de mettre en place de solides mesures de protection pour protéger le droit à la vie de tous les habitants du pays. Bien entendu, cela comprend les personnes malades, âgées ou handicapées. Les représentants de certains groupes de défense des droits des personnes handicapées ont aussi mentionné que des mesures de protection rigoureuses sont nécessaires pour veiller à ce que les personnes qui présentent une demande d'aide médicale à mourir le fassent de manière tout à fait volontaire, sans subir de pressions, en donnant leur consentement éclairé; l'objectif est de s'assurer que le patient a la capacité de prendre cette décision.
    Les consultations qui ont été menées jusqu'à maintenant et qui se poursuivront la semaine prochaine sont essentielles, car elles nous permettront d'adopter un projet de loi adéquat. J'ai très hâte d'entendre les témoins qui comparaîtront devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne la semaine prochaine. Je suis membre de ce comité. J'ai hâte d'entendre l'opinion de tous ces gens au sujet de l'aide médicale à mourir. J'ai aussi bien hâte de travailler avec mes collègues au comité pour que nous puissions présenter de nouveau le projet de loi au Parlement et mettre en place un cadre rigoureux d'ici le 6 juin, qui est la date limite fixée par la Cour suprême.
    Au cours des deux dernières décennies, le Parlement a abordé à plusieurs reprises la question de l'aide médicale à mourir. Chaque fois, il n'est pas parvenu à adopter les modifications au Code criminel qui s'imposaient pour que les Canadiens puissent avoir recours à l'aide médicale à mourir. Le moment est venu d'apporter ces modifications. Je crois que nous devrions adopter la mesure législative qui a été proposée. J'appuie le contenu du résumé législatif déposé par la ministre de la Justice, qui indique que la mesure législative proposée établit un juste équilibre entre l'autonomie de ceux qui veulent avoir accès à l'aide médicale et l'intérêt des personnes vulnérables. J'invite tous les députés à appuyer le projet de loi C-14 à l'étape de la deuxième lecture.
(2140)
    Monsieur le Président, je tiens à remercier mon collègue, qui a souligné que, à plusieurs reprises ce soir, on a entendu dire « quand ce projet de loi ira au comité ». En réalité, il est déjà au comité, et le comité a déjà commencé son travail. Je crois comprendre qu'il a déjà étudié le projet de loi pendant quatre heures, et qu'il poursuivra son étude demain.
    Mon collègue a parlé à plusieurs reprises d'une vaste consultation. Il a fait allusion au groupe de spécialistes. Nous avons le rapport de ce groupe. Malheureusement, le gouvernement libéral a décidé de n'accepter aucune recommandation du groupe de spécialistes. C'est donc dire que cette vaste consultation est en quelque sorte limitée.
    Par ailleurs, puisqu'on parle de vaste consultation, certains groupes qui ont demandé à comparaître devant le comité mixte n'ont pas pu le faire à cause des contraintes de temps. Il est donc un peu exagéré de parler d'une vaste consultation. Cependant, j'espère certainement que la consultation sera plus vaste lors de la prochaine semaine d'étude au comité de la justice.
    Mon collègue a dit que cette aide devrait être accordée de façon cohérente dans l'ensemble du Canada. Je me demande s'il convient que, si nous pouvons offrir une aide médicale à mourir partout au Canada, nous pourrions au moins veiller à ce que la liberté de conscience des médecins, des autres professionnels de la santé et des établissements qui offrent des soins de santé soit également protégée dans l'ensemble du pays.
    Monsieur le Président, nous menons une vaste consultation. Le comité mixte a entendu plus de 60 témoins et reçu plus de 100 mémoires. Pendant la prochaine semaine, mes collègues et moi entendrons 42 témoins et recevrons un nombre encore inconnu de mémoires, qui dépassera probablement le nombre de témoins. Nous entendons une grande diversité de points de vue de la part de particuliers, de groupes religieux, d'associations médicales et d'associations du Barreau.
    Le député a aussi parlé de la liberté de conscience et demandé s'il serait possible de l'enchâsser dans la loi. Il s'agirait fondamentalement d'une modification au Code criminel. Le projet de loi à l'étude n'obligerait pas les médecins à poser quelque geste que ce soit. Nous devons respecter la compétence des provinces, qui réglementent les professions médicales, tout comme les collèges indépendants de médecins, de chirurgiens, d'infirmières et ainsi de suite. Les provinces ont le droit de légiférer dans ce domaine, et il faut le respecter.
    Monsieur le Président, le député de St. Catharines a raison: le processus se poursuit. Nous avons plus de témoins à entendre, d'études à mener, de détails à régler.
    Le député pourrait-il rappeler à la Chambre ce qui se produira si nous n'adoptons pas le projet de loi C-14? L'arrêt Carter ne prévoit pas le maintien du statu quo après la date limite. Il y aura des conséquences concrètes si nous n'adoptons pas ce projet de loi. Le député pourrait-il nous les décrire?
(2145)
    Monsieur le Président, la Cour suprême a été sans équivoque et nous a donné jusqu'au 6 juin pour adopter une loi. Il ne s'agit plus de déterminer si l'aide médicale à mourir est légale ou pas; il faut maintenant l'encadrer par une loi.
    Je verrais d'un très mauvais oeil que nous nous retrouvions dans un vide juridique, sans aucune règle. Nous devons agir. La Cour suprême nous a même accordé une prolongation. Nous avons le temps nécessaire pour faire notre devoir. Je sais que certains trouvent que les choses vont vite, mais le comité de la justice est prêt à redoubler d'ardeur pour que le projet de loi soit renvoyé à la Chambre à temps. Il faut absolument, cependant, que nous fassions notre travail et que nous renvoyions le projet de loi à l'autre endroit avant que le pays ne se retrouve dans un vide juridique.

[Français]

    Monsieur le Président, tout à l'heure, une députée a parlé de respecter la compétence des provinces.
     Le gouvernement sait-il comment il va faire cela tout en s'assurant que la pratique ne sera pas très différente d'un bout à l'autre du pays? Autrement dit, comment va-t-il éviter la fragmentation tout en respectant la compétence des provinces?

[Traduction]

    Monsieur le Président, je considère que le projet de loi est rédigé de telle sorte que les provinces pourront s'asseoir avec leur collège des médecins respectif et encadrer elles-mêmes la manière dont l'aide médicale à mourir sera offerte. Comme les députés le savent, la prestation des soins de santé est du ressort des provinces. Nous le respectons, et c'est dans cet esprit que le projet de loi a été rédigé. La ministre a d'ailleurs dit qu'elle aiderait avec plaisir les provinces à se doter d'un cadre.

[Français]

    Monsieur le Président, chacun de nous a sa propre histoire, ses expériences, son chemin de vie et sa propre relation face à la vie et face à la mort.
    Cependant, personne — je dis bien personne — ne reste indifférent devant ce projet de loi que nous nous apprêtons à voter bientôt. Il est important de respecter les opinions personnelles et intimes de tous nos collègues, et ce, des deux côtés de la Chambre.
    Il y a à peine 15 ans, nous n'aurions possiblement jamais eu cette discussion ou ce discours. Or le Québec a ouvert la voie avec son projet de loi concernant les soins de fin de vie. Pendant plus de six ans, grâce à d'innombrables rencontres et un grand nombre de discussions, les parlementaires de cette province ont été capables de faire adopter, non sans un débat de société, ce projet de loi devenu une réalité pour le Québec.
    Un de mes anciens collègues à la Chambre des communes, l'honorable Steven Fletcher, avait déposé deux projets de loi en ce sens en 2014, ouvrant ainsi la voie à la réflexion à l'échelle nationale. La Cour suprême avait aussi invalidé l'article du Code criminel qui interdit à un médecin d'aider quelqu'un à s'enlever la vie dans des circonstances bien précises, en 2015.
     Il reste donc peu de temps avant que le gouvernement du Canada mette en place une loi canadienne pour encadrer l'aide médicale à mourir.
    Un comité mixte spécial a été mis sur pied, et pendant plus de six semaines, des rencontres, des discussions et des témoignages ont eu lieu. Ce comité a ensuite déposé un rapport à la Chambre des communes. Un projet de loi a vu le jour pour y donner suite. Maintenant, il faut s'entendre et travailler ensemble pour que ce projet de loi voie le jour.
    On se doit de prendre en compte l'opinion des Canadiens et des Canadiennes. Ce n'est pas un enjeu partisan; c'est un enjeu de société qui se doit de rassembler les gens et qui doit, d'abord et avant tout, viser à protéger les plus vulnérables d'entre nous. Le gouvernement du Canada a le devoir de statuer sur cette question si difficile. Ce projet de loi touche nos valeurs profondes. Il ne fera jamais l'unanimité.
    Cependant, nous devons répondre à des préoccupations qui ont été soulevées sur un sujet encore empreint de fragilité et d'émotions pour nous tous. Toutefois, nous nous devons d'avoir une discussion franche et éclairée pour faire avancer le débat à la suite de la demande de la Cour suprême du Canada.
    Il m'apparaît important de laisser de côté l'émotion que nous pouvons ressentir face à un sujet aussi personnel et sensible. Il devient essentiel de s'assurer que la mesure législative comprend des garanties pour protéger les personnes les plus vulnérables de notre société, de même que le droit de conscience des médecins et des autres professionnels de la santé.
    En tant que législateurs, nous devons avoir une discussion ouverte et respectueuse de ce que nous sommes, libres de pouvoir voter selon ce que nous pensons au plus profond de nous-mêmes.
    Il est aussi nécessaire d'apporter quelques amendements pour s'assurer que cette législation soit très bien encadrée.
    Nous devons à la fois respecter les droits des malades, mais également le droit des médecins de dire non, car présentement, un flou laisse place à l'interprétation des provinces. Il est important d'avoir une unité nationale sur la protection des médecins, des pharmaciens et des institutions, voire de tout le personnel des soins de santé.
    Le gouvernement du Canada doit s'assurer que ceux qui auront recours à cette loi le feront de façon lucide et éclairée et qu'ils auront tous les éléments pour prendre une décision réfléchie.
    Cela amène une certaine préoccupation, surtout dans les détails de la loi, notamment celle voulant que les infirmières aient le même pouvoir décisionnel que les médecins dans l'offre de l'aide médicale à mourir.
(2150)
    Il faut se rappeler que le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir est la réponse du gouvernement à l'arrêt dans la cause Carter. Celui-ci a déterminé que les gens ont droit à l'aide médicale à mourir s'ils sont adultes, s'ils souffrent de problèmes de santé graves et irrémédiables et s'ils ont donné un consentement clair.
     Il faut faire attention à la définition de « consentement clair ». Il faut le faire de façon précise, de sorte que la population canadienne soit consciente de ce que cela implique, en toute lucidité.
    Nous devons aussi réfléchir et apporter des solutions aux gens qui veulent vivre malgré la maladie, à ceux qui veulent être auprès des leurs malgré la conscience de leur fin de vie. Investir beaucoup plus dans les soins palliatifs m'apparaît tout aussi essentiel.
    Nous parlons beaucoup de l'aide médicale à mourir, mais j'ai l'impression que, dans ce débat, on oublie l'essentiel, le malade lui-même. Il y a peu ou pas de référence à ceux qui ne feront jamais appel à cette loi.
    Sur une note plus personnelle, j'ai dû réfléchir à cette question moi aussi. J'ai longtemps pesé le pour et le contre. J'ai cherché dans mes propres expériences les réponses à mes questions. J'ai fouillé dans mon passé. J'ai regardé, dans mon miroir, ma vision de la vie et de la mort. J'y ai vu le visage de mon père, qui s'est vu cloué à une chaise roulante pendant plus de six ans. Il n'y a pas une journée où il n'a pas versé de larmes. Combien de fois m'a-t-il dit qu'il aurait aimé mieux mourir qu'être là, paralysé, incapable de marcher ou incapable d'être totalement autonome?
    D'un autre côté, j'ai pensé au jour où je suis devenue, par la force des choses, accompagnatrice en phase terminale de mon amie Rachel, qui souffrait du sida mais qui voulait vivre à tout prix, malgré la maladie qui la grugeait.
     Puis, il y a moi, à la fois législatrice et être humain, qui dois, en toute honnêteté, réfléchir de façon logique à ce que je ferais moi-même si j'étais en fin de vie et devais faire un choix. Ce n'est pas tellement évident. Pourtant, je refuse l'acharnement thérapeutique, et tout est déjà écrit noir sur blanc.
    Ce débat m'a forcée à pousser ma réflexion plus loin que la mort elle-même, à aller jusqu'à l'acceptation de celle-ci et jusqu'au processus du deuil qui doit être fait, soit par la personne elle-même soit par les proches.
    La loi sur l'aide médicale à mourir n'est pas parfaite. Il reste quelques éléments à redéfinir et quelques amendements à incorporer, mais il faut garder en tête que la Cour suprême nous presse d'adopter une loi d'ici le 6 juin prochain. C'est pourquoi je voterai en faveur de cette motion, afin que ce projet de loi se retrouve encore au comité et que le comité, qui est dûment nommé, puisse en étudier les dispositions de sorte que tous les Canadiens et les Canadiennes soient protégés. En effet, c'est d'eux qu'il est question ici, d'abord et avant tout.
(2155)

[Traduction]

    Monsieur le Président, je remercie ma collègue pour son intervention émouvante. J'ai beaucoup aimé qu'elle nous parle de son père et de son amie. Je la remercie de nous avoir donné ces exemples.
    J'aimerais que ma collègue nous en dise plus sur l'importance de cette mesure législative, notamment pour ceux de nos concitoyens qui sont à un point de leur vie où ils envisagent cette décision importante.

[Français]

    Monsieur le Président, je pense que ce projet de loi en est un de société. Comme je l'ai dit, on ne doit pas être partisan, mais bien être à l'écoute de ce que les Canadiens et les Canadiennes veulent que nous fassions en tant que législateurs. Ce projet de loi inquiète beaucoup de gens, parce qu'ils trouvent qu'il n'est pas suffisamment encadré. C'est pourquoi je veux qu'il soit déposé, si nous devons le faire, de telle sorte qu'il respecte tous les Canadiens et les Canadiennes. Ce projet de loi doit comporter des balises pour ceux qui vont s'en réclamer. Celles-ci sont également importantes pour nous, les législateurs, mais elles les sont d'abord et avant tout pour les Canadiens et les Canadiennes.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je remercie la députée d'avoir donné un visage humain à la conversation en mentionnant des membres de sa famille. Je lui en suis reconnaissante.
    J'aimerais revenir sur la question des soins palliatifs. Je tiens à remercier les membres conservateurs du comité spécial qui ont, dans leur rapport dissident, mis l'accent sur l'importance des soins palliatifs et le défaut de gouvernements antérieurs successifs d'agir dans ce dossier.
    Je tiens à souligner de nouveau le travail de mon collègue de Timmins—Baie James sur la question des soins palliatifs et le fait qu'il a réussi à obtenir l'appui de tous les partis. Ce fut un rare moment d'entente il y a quelques années.
    J'aimerais que la députée parle un peu plus des mesures que la Chambre et le gouvernement pourraient prendre pour réaliser certaines des recommandations portant sur les soins palliatifs.

[Français]

    Monsieur le Président, je remercie ma collègue de sa question.
    On parle beaucoup d'aide médicale à mourir, mais il y a aussi de grands besoins en matière de soins palliatifs. J'ai été accompagnatrice pour des gens qui étaient en phase terminale et qui souffraient. Nous avons besoin de cela afin que les gens qui veulent rester en vie malgré la maladie qui les gruge puissent le faire dans un milieu qui leur est propice, où ils sont bien encadrés et où ils sont soulagés de leurs malaises.
    Certains d'entre eux veulent vivre plus que tout, tandis que d'autres veulent mourir. Alors, il faut voir les deux côtés de la médaille. C'est un débat qu'on devrait avoir, parce que ce n'est pas un débat partisan, mais un débat de société.
(2200)
    Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de plaisir et d'émotion que nous avons écouté notre collègue qui est nouvellement élue, mais qui a été élue en d'autres temps également. Nous voyons qu'elle a de l'expérience.
    Dans la circonscription de ma collègue, les gens lui parlent-ils de cet enjeu? Qu'est-ce qu'ils lui disent?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question.
    Oui, on me parle évidemment de cette question. Je vois les deux côtés de la médaille, et ils sont très bien définis. Lorsque je vais du côté urbain de mon comté, je constate que les gens sont en faveur du projet de loi. Lorsque je vais du côté rural, je commence à entendre de bonnes questions qui font réfléchir à l'importance d'inclure dans un tel projet de loi les deux parties, c'est-à-dire ceux qui sont en fin de vie et ceux qui veulent vivre. C'est cela qui manque à ce projet de loi. Les soins palliatifs ont été franchement oubliés. J'entends donc une chose de la part de la population urbaine et une autre de la part du milieu rural.
    En tant que législateurs, nous voulons avoir une loi qui favorise tous les Canadiens et Canadiennes, qu'ils soient en droit de mourir ou non.

[Traduction]

    Monsieur le Président, c'est un plaisir de prendre part à ce débat des plus importants. Il nous concerne tous, y compris mon épouse Melissa, ma fille de sept ans Aurora, mon fils de quatre ans Dawson, moi, tout le monde. Pas tous les projets de loi concernent tous les Canadiens, mais celui-ci, oui. C'est un débat absolument critique.
    Lorsque la Chambre a été saisie d'une telle mesure la première fois, j'ai voté contre, parce qu'il y a malheureusement beaucoup d'abus envers les aînés au Canada, beaucoup de gens qui profitent de ceux qui ont les capacités réduites. J'encourage toutes les législatures, tous les ordres de gouvernement au Canada, tous les employés du gouvernement et tous les journalistes à faire tout en leur pouvoir pour enrayer la maltraitance des aînés, notamment en mettant en place les protections nécessaires dans le projet de loi en question.
    J'ajoute également que je ne trouve guère réconfortante la situation dans certains pays européens ayant adopté une loi semblable. On aide beaucoup de gens à mourir sans leur consentement.
    Il y a six arguments qui m'ont convaincu. Le premier est le grand soin avec lequel les dispositions visant à protéger les patients ont été rédigées. Tout consentement doit être autorisé par deux médecins ou infirmiers praticiens totalement indépendants.
    Le consentement éclairé est obligatoire pour lancer le processus et aussi juste avant la mort. La personne doit éprouver des souffrances intolérables. Elle doit donner son consentement par écrit. Elle doit être en train de mourir, et elle est assujettie à une période d'attente de 15 jours.
     Qui plus est, la loi fera l'objet d'un examen quinquennal où seront abordées les suggestions faites durant le débat.
    De plus, j'ai été convaincu par l'appui massif des gens de ma circonscription, qui m'ont dit qu'on devrait avoir de l'aide pour choisir le moment de mettre fin à d'intolérables souffrances.
    J'ai aussi été convaincu par la profonde conviction du gouvernement, qui s'assurera de la qualité des soins palliatifs de sorte que l'absence de tels soins ne soit pas ce qui pousse à prendre une autre décision en vertu de la loi.
    Je suis également convaincu par l'approche prudente adoptée par le gouvernement pour veiller à ce que cette importante décision sur la vie et la mort soit prise de la bonne façon.
    Enfin, je suis convaincu qu'aucune sanction ne sera prise contre les travailleurs de la santé qui ne veulent pas participer. J'ai parlé à un administrateur médical très expérimenté qui croit que près de 90 % des médecins pourraient choisir de ne pas participer. Pour les gouvernements provinciaux et territoriaux, cela représentera un défi administratif dans les petites communautés qui ne comptent parfois qu'un seul médecin.
    Par la voie des journaux, j'ai demandé aux gens de ma circonscription de me faire part de leurs commentaires à ce sujet. J'ai reçu des remerciements chaleureux et des points de vue sincères sur tous les volets de ce projet de loi, comme en ont sûrement reçu les 338 autres députés. Bien sûr, ils n'allaient pas tous dans le même sens.
    Contrairement à de nombreux députés, je n'ai pas eu de mauvaises expériences. Cependant, j'ai été touché par leurs tristes histoires, qui se rapportaient essentiellement aux membres de leur famille.
    Je me rappelle avoir reçu l'appel d'un maire qui m'avait raconté comment un membre de sa famille avait souffert terriblement. Ses souffrances s'étaient prolongées inutilement. La personne n'en tirait aucun avantage. Elle ne voulait plus vivre.
    Je me rappelle aussi avoir reçu l'appel d'un des mes amis dans une situation très similaire, qui a dénoncé le mythe voulant qu'il était très important de ne pas recourir à l'aide médicale à mourir parce qu'elle empêcherait la personne de mourir paisiblement, entourée des membres de sa famille. En effet, dans ce cas particulier, le malade souffrait tellement, et sa douleur le gênait tant, à la fin de sa vie qu'il n'a pas voulu ni pu voir personne.
    J'ai reçu des commentaires d'une personne dans ma circonscription dont le père et d'autres parents souffraient de la maladie d'Alzheimer. La fin de leur vie a été terrible. Ce n'est pas ce qu'ils voulaient, et on aurait pu mettre fin à leurs souffrances plus tôt.
    J'ai reçu un vaste éventail d'opinions différentes de la part d'autres habitants de ma circonscription. Une personne a dit que si nous laissions des animaux souffrir autant, des accusations seraient portées contre nous. Une autre a parlé de son mari dont l'état se détériorait rapidement. Il voulait mourir chez lui, entouré de sa famille, et ce n'était pas possible. Le médecin lui a expliqué pourquoi. Les derniers jours que les deux conjoints ont passé ensemble à l'hôpital ont été terriblement pénibles.
(2205)
    D'autre part, une infirmière qui a communiqué avec moi est totalement contre le projet de loi et estime que nous ne devrions pas l'adopter.
    Il y a deux écoles de pensée à l'égard des personnes qui sont laissées derrière dans ces situations. Certains ne veulent pas que les souffrances de leur parent ou ami s'éternisent. Ils veulent mettre fin à sa vie pour mettre un terme à ces souffrances. À l'opposé, quelqu'un m'a dit ne pas vouloir priver la famille et les amis de la capacité merveilleuse de prendre soin de la personne jusqu'à la toute fin.
    Quelqu'un d'autre m'a indiqué qu'il faut nous assurer que tous les établissements de soins de santé financés par les fonds publics permettent l'aide médicale à mourir.
    Une personne qui travaille auprès des aînés m'a également dit souhaiter qu'on légalise la directive anticipée, un peu comme dans la Loi sur le consentement aux soins en vigueur au Yukon.
    En résumé, la majorité des résidants de ma circonscription sont en faveur de l'aide médicale à mourir. Certains sont contre, comme une femme qui habite dans la petite localité de Haines Junction. Un certain nombre des personnes en faveur de l'aide médicale à mourir souhaitent qu'on adopte certaines des idées proposées ici aujourd'hui. Bon nombre souhaitent l'adoption de directives médicales anticipées. Je dirais que c'est là l'amendement le plus important qu'ils souhaitent voir être adopté à l'étape de la deuxième lecture.
    En terminant, j'aimerais faire deux suggestions au comité. La première porte sur les directives médicales anticipées. Les gens qui souffrent d'une maladie débilitante doivent donner leur consentement éclairé à la toute dernière minute. Ils risquent toutefois de ne pas être en état de le faire. Il faudrait peut-être réserver ce processus aux personnes qui ne seraient pas capables de donner leur consentement à la dernière minute, de telle sorte que, comme cela s'est déjà produit par le passé, on ne profite pas des personnes qui, à la fin, ne souhaitent pas que soient mises en oeuvre les directives médicales anticipées.
    La deuxième suggestion porte sur la définition de la prévisibilité raisonnable. D'une part, elle peut procurer aux gens la souplesse nécessaire pour pouvoir prendre la bonne décision au bon moment. D'autre part, la définition n'est peut-être pas assez précise. Les travailleurs de la santé souhaitent une définition plus précise afin d'être à l'abri de poursuites criminelles.
    Un étudiant m'a posé une question intéressante: que se passerait-il si une personne atteinte d'une maladie physique lui causant des souffrances intolérables avait aussi une maladie mentale et, par conséquent, ne pouvait pas donner son consentement éclairé? Je suis heureux de constater que le comité va étudier plus à fond la question des maladies mentales. Un certain nombre de personnes m'ont suggéré que le projet de loi devrait aborder les maladies mentales, la maladie d'Alzheimer et même les jeunes matures.
    Je tiens à remercier les résidants de ma circonscription et les députés de participer à ce débat non partisan et réfléchi sur une question de vie et de mort pour chacun d'entre nous. J'espère que, au bout du compte, nous trouverons une solution qui sera satisfaisante pour la plupart des Canadiens.
(2210)

[Français]

    Monsieur le Président, mon collègue a fait une très belle présentation. Il a décrit le territoire très vaste de sa circonscription, tout comme l'est celui de la mienne — je crois cependant que sa circonscription est encore plus vaste que la mienne.
    Les régions rurales ont souvent de la difficulté à obtenir des services. Les soins palliatifs peuvent être, selon moi, une façon de compenser l'offre desservie aux personnes qui ont besoin d'aide en fin de vie. J'aimerais que mon collègue nous parle de la pertinence, à l'intérieur du projet de loi, d'augmenter les services et les soins dans les centres adaptés à cette fin.

[Traduction]

    Monsieur le Président, je suis entièrement d'accord avec le député. Je suis très content que les soins palliatifs tiennent tant à coeur à la ministre de la Santé. Ces soins doivent faire partie intégrante de l'ensemble du processus pour que les gens ne demandent pas l'aide médicale à mourir pour la seule et unique raison qu'ils n'ont pas accès à de bons soins palliatifs.
    Ma mère a reçu d'excellents soins palliatifs en Colombie-Britannique. J'aimerais que tous les Canadiens puissent avoir accès à de tels soins.
    Monsieur le Président, j'aimerais revenir sur les observations que les gens de sa circonscription lui ont fait part en ce qui concerne les objections de conscience des professionnels de la santé et des médecins.
    Les membres néo-démocrates du comité multipartite ont clairement recommandé qu'aucun professionnel de la santé ne soit obligé de participer à l'aide médicale à mourir et qu'ils soient juridiquement protégés contre les conséquences injustes qui pourraient découler d'une décision aussi personnelle.
    Je compte appuyer le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture pour qu'il soit renvoyé au comité, mais il subsiste encore des inquiétudes quant au fait qu'aucune disposition législative ne donne suite à cette recommandation, bien que le gouvernement dise que certaines options non législatives pourraient l'intéresser.
    Le député sait-il si le gouvernement choisira ou non de réglementer en ce sens? Pense-t-il comme moi qu'il vaudrait mieux inscrire ces protections et ces garanties dans la loi pour le bien des professionnels de la santé?
    Monsieur le Président, aucun des professionnels de la santé avec qui je me suis entretenu ne s'inquiétait du fait que le projet de loi ne prévoit pas de mesures de protection pour eux, mais j'espère sincèrement que le comité se penchera sur la question.
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue, le député de Yukon, de ses observations. Il a de toute évidence consulté abondamment les gens de sa collectivité et de sa circonscription.
     Il a soulevé quelques points, dont l'un porte sur les directives médicales.
    Il a été amplement question des directives médicales, mais d'après ce qui se passe dans le monde, du moins aux Pays-Bas, même lorsque celles-ci sont autorisées, la plupart du temps, les médecins sont réticents à s'y fier; nous innoverions donc en cette matière dans un laps de temps très court. Le député aimerait peut-être nous faire part de ses réflexions à cet égard.
    Le deuxième point se rapporte, selon moi, davantage à la circonscription du député: la mesure législative dont nous sommes saisis comporte quelque chose qui est relativement propre au Canada, soit le rôle accru des infirmiers praticiens. En élargissant le rôle de ces professionnels, le gouvernement a certainement voulu assurer ou accroître l'accès aux services dans les collectivités rurales ou éloignées. Le député pourrait-il nous dire si c'est important dans une région comme le Yukon?
(2215)
    Le député de Yukon dispose d'au plus 30 secondes.
    Monsieur le Président, en 30 secondes, tout ce que je puis dire au sujet des directives médicales anticipées, c'est qu'il est essentiel que le comité étudie la question en profondeur. C'est pourquoi je me réjouis qu'on puisse revenir là-dessus au cours de l'examen quinquennal de la mesure législative, si ce n'est pas possible au comité de le faire.
    Pour ce qui est des infirmiers praticiens, dans certains endroits comme les régions rurales, d'immenses territoires, probablement plus vastes que les pays d'Europe, n'ont pas un seul médecin. Les infirmiers praticiens y jouent donc de plus en plus un rôle fort important. Je pense que c'est pour cela que le gouvernement les a inclus dans le projet de loi.
    Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour poursuivre le débat sur le projet de loi C-14.
    Je pense sincèrement que ce débat, compte tenu de la qualité des interventions que j'ai entendues pendant toute la journée, marquera un moment décisif pour notre pays. Il aura sûrement sa place dans les livres d'histoire, puisque, en raison d'une contestation en vertu de la Charte, la Cour suprême nous force, le corps législatif, le pays, à nous pencher ni plus ni moins sur la signification de la vie et de la mort et la façon dont nous, comme société, traitons ces deux notions d'approche difficile.
    Il n'est pas facile de parler de la mort. Depuis des milliers d'années, les humains s'interrogent sur cette notion et ont de la difficulté à y faire face. Un grand nombre d'entre nous se tournent vers la spiritualité pour trouver des réponses et d'autres sont plus terre à terre. Quoi qu'il en soit, le débat sur la vie et la fin de vie est maintenant au Parlement et il nous appartient comme parlementaires de porter le flambeau et de traiter ce sujet avec tout le sérieux qu'il mérite.
    À titre de recrue au Parlement et de député de la formidable circonscription de Cowichan—Malahat—Langford, je reçois de la correspondance de la part des gens que je représente. Je dois dire à ceux qui regardent le débat d'aujourd'hui que je n'ai jamais été aussi fier d'être leur porte-parole aux Communes. Ils m'ont écrit sur un ton qui marque un très grand respect, qu'ils soient pour ou contre le projet de loi.
    Les gens expriment diverses objections. Certains voudraient que les travailleurs de la santé soient mieux protégés. Ils craignent que le projet de loi ne respecte pas assez la liberté de conscience et la liberté de religion. Inversement, d'autres personnes pensent que le projet de loi ne va pas assez loin. Elles ont pris connaissance de l'arrêt et, l'ayant comparé au projet de loi C-14, elles ont jugé ce dernier lacunaire.
    J'ai entendu d'autres députés dire que, peu importe le texte de loi qui recevra la sanction royale, il fera l'objet de contestations judiciaires, mais qu'il nous revient à nous, les parlementaires, de faire le mieux que nous pouvons dans le délai qui nous est accordé.
    Puisqu'il est question du projet de loi, je tiens à souligner que je l'appuierai à l'étape de la deuxième lecture, car j'estime qu'il s'agit d'un bon point de départ. Je pense que pour nous en faire une idée juste nous devons le renvoyer au comité, qui pourra étudier davantage ses diverses dispositions et entendre des témoins sur le sujet. De plus, nous devons examiner les recommandations formulées par le comité mixte spécial et déterminer si certaines d'entre elles peuvent être appliquées correctement.
    J'appuie ce projet de loi, car je crois en une approche axée sur le patient. Je me rends compte que certains électeurs de ma circonscription seront bouleversés d'apprendre que j'appuierai cette mesure législative. C'est l'une des difficultés auxquelles je suis confronté à titre de député. Je dois essayer de concilier le point de vue des électeurs et mes propres valeurs. C'est l'éternel dilemme auquel nous sommes tous confrontés ici, à la Chambre, au quotidien.
    Cela dit, puisqu'il est question de valeurs, je pense qu'il est important de mentionner que nous ne devons pas tenter d'imposer nos valeurs aux autres; nous devons plutôt chercher à respecter les valeurs de nos semblables. Si, en raison de ses valeurs, une personne choisit de mettre fin à des souffrances que nous, qui sommes en santé, pouvons à peine imaginer, nous devons respecter son choix. Je le crois sincèrement.
    La Cour suprême indique, dans l'arrêt Carter, qu'il doit s'agir d'une personne adulte capable qui consent clairement à mettre fin à sa vie et qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, y compris une affection, une maladie ou un handicap, lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
    Quant à l'article 7 de la Charte, il dit ceci:
     Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
    La Cour a déterminé que la prohibition de l’aide médicale à mourir porte atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale. C'est ce qui nous amène ici aujourd'hui.
    Je m'attarderai sur 3 des 21 recommandations du comité mixte, puisqu'il me serait impossible de les aborder toutes en 10 minutes. Voyons d'abord la recommandation no 7, à propos des demandes anticipées.
(2220)
    Il a été recommandé que les directives anticipées soient autorisées, mais, malheureusement, le projet de loi C-14 ne mentionne les directives anticipées que dans le préambule. Dans le préambule, on s'engage à étudier la question, mais le projet de loi ne contient aucun engagement ferme.
    L'autre recommandation que je souhaite examiner davantage, c'est le numéro 10, qui a trait à la liberté de conscience. Dans le préambule, le gouvernement s'engage à prendre des mesures non législatives à cet égard. Il y a un modèle que le gouvernement aurait pu suivre. Il y a un précédent quant à la protection de la liberté de conscience et la liberté de religion. Il remonte à 2005, lorsque le Parlement a adopté la Loi sur le mariage civil.
    Je signale à tous les députés ce que prévoit l'article 3 de la Loi sur le mariage civil: « Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses. » À l'article 3.1, on lit: « Il est entendu que nul ne peut être privé des avantages qu’offrent les lois fédérales ni se voir imposer des obligations ou des sanctions au titre de ces lois pour la seule raison qu’il exerce [...] ». Il y avait un modèle, et j'espère que c'est un aspect sur lequel le comité pourra se pencher davantage.
    L'autre recommandation que je veux examiner est la deuxième. Elle fait essentiellement suite à l'arrêt Carter. Elle dit: « Que l'aide médicale à mourir soit accessible aux personnes atteintes de maladies terminales et non terminales graves et irrémédiables ». Malheureusement, l'alinéa 241.2(2)d) du projet de loi dit: « sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible ».
    J'ignore pourquoi le gouvernement a rédigé l'article ainsi, car cela va à l'encontre de ce qui est précisé dans l'arrêt Carter et à l'encontre de ce qu'a recommandé le comité mixte spécial, et pourtant, c'est là. Je crois que cela ne causera que des problèmes. Il y aura des contestations fondées sur la Charte.
    Les Canadiens méritent que nous ayons un projet de loi convenable dès le départ, et non qu'ils soient obligés de s'adresser aux tribunaux durant des années de plus, et que nous ayons encore à revoir cette mesure législative. C'est la même chose pour les directives anticipées. Des gens recevront un diagnostic de démence. Nous connaissons tous l'aboutissement de la maladie d'Alzheimer. Ils demanderont pourquoi ils sont exclus et pourquoi leurs directives anticipées ne sont pas respectées.
    Je vais parler un peu des soins palliatifs. Je sais que c'est un sujet dont on a beaucoup parlé à la Chambre. Lorsque le projet de loi recevra la sanction royale, en juin, il figurera parmi les lois du pays. Les soins palliatifs sont tellement mal en point dans tant de régions du Canada, actuellement, que je ne voudrais pas que des Canadiens qui sont dans un lit d'hôpital, quelque part, où ils reçoivent des soins de mauvaise qualité pensent que leur seule porte de sortie, c'est de mettre fin à leurs jours. Voilà pourquoi nous parlons des soins palliatifs avec tant d'empressement, car lorsque le projet de loi deviendra loi, les Canadiens pourraient penser que c'est là leur seule option. Nous devons traiter ce problème avec toute la célérité nécessaire.
    J'aimerais maintenant parler de l'excellent travail du député de Timmins—Baie James. Il ne faudrait surtout pas oublier qu'en 2014, la Chambre a adopté une motion avec l'appui de tous les partis. Nous voilà pourtant en 2016 à en discuter encore et encore. J'aurais aimé que le budget contienne des engagements financiers fermes. Car pour le moment, nous n'avons droit à rien sauf de belles paroles. Nous avons absolument besoin d'une stratégie pancanadienne sur les soins palliatifs. En fin de semaine, j'ai eu l'honneur de participer à une randonnée de financement pour la maison de soins palliatifs de ma circonscription. De très nombreux électeurs y ont pris part eux aussi.
    Je terminerai en mettant en opposition les concepts de sympathie et d'empathie. Jusqu'ici, les Canadiens ont abordé ce sujet avec sympathie, alors que la véritable empathie exige des gens qu'ils cessent de simplement se désoler pour l'autre et s'efforcent concrètement de voir la situation avec ses yeux. Voilà ce que le projet de loi cherche à faire: voir le monde avec les yeux des personnes qui souffrent. Nous n'avons aucune idée de ce qu'elles vivent, et il est grand temps que nous fassions tous un effort pour être plus empathiques et leur offrir un véritable soutien.
(2225)
    Je vais m'arrêter ici. Je suis reconnaissant d'avoir pu prendre la parole.
    Monsieur le Président, le député a ajouté un discours de plus à la liste des excellents discours qui ont été prononcés par tous les partis ce soir. Je l'en félicite.
    Cette question suscite bien des émotions et des opinions conflictuelles chez de nombreuses personnes. Je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir tenu compte de ces différents points de vue, d'avoir su concilier ces diverses perspectives avec les exigences de la décision de la cour, et d'avoir élaboré cet excellent projet de loi.
    Est-ce que je voudrais aller plus loin? Oui, j'aimerais le faire. En ce qui me concerne, j'aimerais que l'on puisse inclure l'aide à mourir dans un testament biologique, c'est-à-dire accorder son consentement à l'avance, comme le député l'a souligné. Je sais aussi que personne ne s'entend sur cette question pour diverses raisons. D'ailleurs, bon nombre de nos collègues aimeraient que ce projet de loi soit plus restrictif à certains égards.
    Je tiens également à féliciter le comité spécial de son travail exceptionnel et d'avoir produit un rapport aussi détaillé qui tient compte des nuances et des conflits importants qui sont au coeur de cette question. Compte tenu de toutes les circonstances auxquelles nous devons faire face, le gouvernement a fait de son mieux pour concilier ces différentes perspectives afin de présenter ce projet de loi dans les délais très serrés qui ont été imposés.
    Je me demande si le député convient que, même sur les points où il n'est pas d'accord, le gouvernement a réussi à établir un terrain d'entente qui permet au pays d'avancer dans ce dossier très important, et que le risque de proposer un projet de loi voué à l'échec parce qu'il en fait trop est plus grand que les avantages d'avoir un projet de loi qui offre tout ce que veulent les plus progressistes d'entre nous.
    Monsieur le Président, je conviens que l'échéancier n'est pas idéal. Nous voilà le 2 mai et la date butoir est en juin, le mois prochain. Le projet de loi doit être renvoyé au comité, revenir à la Chambre pour l'étape du rapport et de la troisième lecture, puis passer au Sénat avant de recevoir la sanction royale de la part du gouverneur général. Nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous appliquer à la tâche, mais il faut faire avec les circonstances.
    En ce qui concerne les dispositions dont le député a parlé, j'aurais aimé que le gouvernement se montre un peu plus à l'écoute et suive davantage les recommandations du comité mixte spécial. Par exemple, il y a une omission flagrante par rapport à l'alinéa 241.2(2)(d). Toutefois, je le répète, j'appuie son renvoi au comité qui, j'espère, proposera des amendements qui remédieront à ces lacunes.
    Monsieur le Président, d'après les propos du député et des intervenants précédents, il semble que les partis de l'opposition s'entendent sur le fait que la liberté de conscience doit être mieux et plus clairement protégée. Les libéraux affirment que cela est important pour eux. Pourquoi alors ne pas en faire mention dans le projet de loi comme le député le suggère, c'est-à-dire en suivant le modèle de la Loi sur le mariage civil?
    J'invite le député à ne pas accorder tant de mérite au comité mixte spécial, dont il ne faisait pas partie. Ce qui me préoccupe, c'est le véritable parti pris qui a influencé le choix des témoins qui ont comparu. Par exemple, nous avons entendu trois groupes de témoins du groupe de pression Mourir dans la dignité, alors que des témoins de l'autre camp, des personnes qui sont intervenues dans l'arrêt Carter et ont témoigné devant le groupe fédéral d'experts, n'ont pas été entendus par le comité mixte spécial. D'après ce que j'ai entendu, le comité de la justice s'apprêterait à entendre un groupe de témoins plus représentatif, ce dont je me réjouis. J'invite quand même le député à prendre en considération le processus qui a mené aux résultats que l'on connaît. Espérons que le groupe de témoins qu'entendra le comité de la justice sera plus diversifié.
    Au sujet des directives anticipées, le gros problème, c'est qu'elles sont utilisées dans des cas très précis où l'issue et toutes les étapes y menant peuvent être prévues d'avance. Cela dit, il est très difficile de prédire avec précision l'effet d'une maladie sur un patient donné et la façon dont elle se manifestera. J'aimerais que le député nous parle des difficultés associées à l'utilisation de telles directives lorsque l'évolution de la condition et de la disposition du patient est difficile à prédire exactement.
(2230)
    Monsieur le Président, je sais très bien que, d'une façon ou d'une autre, tous les députés ont éprouvé la mort d'un être cher. Dans mon cas c'était la grand-mère de mon épouse, qui souffrait de démence. Si nous avions pu revenir quelques années en arrière à l'époque où elle était encore lucide, et si elle avait pu entrevoir le sort que la vie lui réservait, peut-être aurait-elle choisi un autre parcours. Il n'est pas facile de voir quelqu'un progressivement perdre ses facultés mentales au point de ne plus pouvoir prendre ses propres décisions.
    Je suis d'accord avec le député. C'est une question très épineuse, mais j'estime qu'elle mérite une étude plus approfondie. Des personnes chez qui la démence a été diagnostiquée vont dire que leurs droits en vertu de l'article 7 de la Charte ne sont pas respectés. Elles pourraient ensuite s'adresser à la Cour suprême, et je suis passablement certain qu'elles auraient gain de cause. Mais pour l'instant, c'est à nous de nous pencher sur la question.
    Monsieur le Président, j'interviens ce soir pour commenter le projet de loi C-14. Je tiens tout d'abord à remercier les députés pour la sensibilité dont ils font preuve pendant ce débat. L'enjeu à l'étude provoque de fortes réactions, qu'on soit pour ou contre, car le caractère sacré de la vie humaine se trouve confronté à l'indépendance propre à chaque personne. Il m'apparaît utile de reculer de quelques décennies pour situer un peu le contexte juridique du débat.
    Quand le Parlement a adopté le Code criminel en 1892, les tentatives de suicide et l'aide au suicide y étaient considérées comme des crimes. En 1972, donc 80 ans plus tard, la Chambre a éliminé du Code criminel l'infraction relative aux tentatives de suicide, jugeant une mesure de dissuasion juridique inutile dans ce contexte. La prohibition concernant l'aide au suicide est toutefois demeurée en vigueur. Elle se trouve à l'article 241 du Code criminel et représente, selon moi, la principale faiblesse de la loi actuelle.
    À l'heure actuelle, les Canadiens physiquement aptes peuvent s'enlever la vie sans la moindre conséquence juridique. Ceux qui en sont physiquement incapables sont victimes de discrimination car ils ne peuvent le faire légalement. Ce qui nous mène à l'arrêt Carter, une décision unanime de la Cour suprême du Canada qui a annulé la décision rendue en 1993 dans l'affaire Rodriguez. L'arrêt Carter soutient, entre autres, que la prohibition de l'aide à mourir qui se trouve à l'article 241 du Code criminel est inconstitutionnelle pour la raison que le refus aux personnes handicapées du droit à l'aide au suicide est contraire à la Charte des droits et libertés.
    L'interdiction législative actuelle qui se trouve dans le Code criminel a été jugée trop large en ce sens qu'elle prohibe l'aide d'un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui, premièrement, consent clairement à mettre fin à sa vie et, deuxièmement, est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables, y compris une affection, une maladie ou un handicap, lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
    Cela nous mène à aujourd'hui. La décision de la Cour exige l'imposition de limites strictes scrupuleusement surveillées. Le gouvernement propose un cadre qui prend en considération différents intérêts, y compris l'autonomie personnelle d'une personne vers la fin de sa vie, la protection des personnes vulnérables et le droit à la liberté de conscience, toutes des valeurs profondément importantes pour les Canadiens.
    Le débat sur l'aide médicale à mourir est important pour chacun d'entre nous pour des raisons différentes et, dans bien des cas, profondément personnelles. Pour tous les Canadiens, c'est une question difficile et extrêmement délicate qui est liée à leurs expériences et croyances personnelles.
    Bon nombre de mes concitoyens m'ont fait part de leurs opinions sur le projet de loi, y compris certains qui sont aux prises avec des problèmes de santé graves et, parfois, inimaginables. Aujourd'hui, j'ai reçu un courriel d'une femme de ma circonscription qui souffre d'une forme lente de la SLA. Cette horrible maladie lui a petit à petit fait perdre le contrôle volontaire de ses muscles, et elle a maintenant de la difficulté à signer son nom, à parler et même à former les phrases les plus élémentaires.
    Elle m'a décrit sa situation de cette manière, et je la cite: « Nos coeurs continuent de pomper. Nous sommes conscients de tout ce qui nous arrive et de tout ce qui se passe autour de nous, mais nous devenons incapables de faire les choses les plus simples nous-mêmes. Nous ne pouvons pas prédire combien de temps nous resterons en vie. » Elle exhorte la Chambre, par mon entremise, à revenir sur la question des directives anticipées. Elle fait partie des nombreux Canadiens qui seront touchés directement par le projet de loi C-14.
(2235)
    Les députés se demanderont peut-être pourquoi je raconte cette histoire. C'est parce que le projet de loi C-14 énonce clairement qu'une mort naturelle doit être prévue dans un avenir suffisamment rapproché pour que l'aide médicale à mourir soit prodiguée. Pour de nombreux Canadiens qui souffrent et pour qui l'avenir est synonyme d'autres douleurs et souffrances, il n'y a pas de chemin clair et distinct vers la mort, mais cela ne devrait pas diminuer leur choix. Pour certaines personnes, l'absence de ce choix pour le futur peut signifier une perte de confort, une perte de sécurité et une perte d'autonomie.
    Aussi, la fin de semaine dernière, j'ai eu l'occasion de m'asseoir avec quelques-uns de mes collègues de la région d'York et d'écouter les préoccupations et questions importantes au sujet du projet de loi C-14. Cette séance de micro ouvert a permis aux participants d'exprimer leur point de vue et leurs opinions sur l'aide médicale à mourir, et m'a permis de rencontrer personnellement, dans un contexte plus convivial, les gens de ma communauté qui seraient directement touchés par les résultats de ce débat.
    Bien que ces discussions soient importantes, il est tout aussi important de ne pas prendre à la légère la décision d'une personne de mettre fin à ses jours. Souvent, cette décision est prise après des années de questionnements personnels et des conversations que j'imagine très difficiles avec les proches et les membres de la famille.
    Pour toutes ces raisons et bien d'autres encore, le projet de loi C-14 ne peut pas — ne doit pas — être pris à la légère. Même s'il y aura toujours des gens pour trouver qu'il ne va pas assez loin, il y en aura toujours aussi pour trouver qu'il va trop loin.
    La Cour suprême du Canada a conclu à l'unanimité que les Canadiens qui éprouvent des souffrances intolérables ont le droit de demander de l'aide pour mettre fin à leurs souffrances. Le projet de loi respecte cette décision. Cela dit, j'invite les députés à discuter de cette question importante avec les gens de leur circonscription et à faire part de leurs points de vue au comité.
    L'aide médicale à mourir constitue un changement de cap radical dans le paysage médical canadien, et le gouvernement a consulté de nombreux spécialistes avant d'agir. Plusieurs médecins ont dit qu'ils seraient plus à l'aise d'offrir cette option aux patients qui approchent de la mort si elle s'ajoutait aux autres options qui s'offrent à eux, comme les soins palliatifs, l'arrêt des traitements ou la sédation palliative. En soi, ces options sont toutes importantes et sont intégrées au projet de loi afin que les patients soient protégés, que leurs intérêts soient bien servis et que les risquent que courent les médecins soient atténués.
    Alors que, de son côté, le gouvernement s'engage à collaborer avec les provinces et les territoires à l'élaboration d'un régime pancanadien de surveillance, de collecte et d'analyse des données, à surveiller les tendances et à faire rapport sur l'aide médicale à mourir, j'invite les députés à prendre le temps de consulter les gens de leur circonscription.
    Même si je suis ouvert au projet de loi C-14 du gouvernement et que j'appuierai son renvoi au comité, j'estime que certains amendements devraient y être apportés. Nous ne ferions pas notre travail de législateurs si nous refusions d'écouter constamment l'avis des Canadiens et si nous ne menions pas de consultations dignes de ce nom, surtout quand il s'agit d'une question aussi importante et fondamentale que celle-là.
    Je presse tous les députés d'appuyer eux aussi le projet de loi. Je remercie également le Président de m'avoir permis de prendre la parole au sujet d'un enjeu aussi important et de dire ce que j'en pense.
(2240)
    Monsieur le Président, le député a parlé de la possibilité d'amendements. J'aimerais en suggérer un et entendre son opinion là-dessus.
    Le projet de loi énonce des critères, mais ceux-ci n'ont de sens que s'il y a une certaine évaluation préalable. Si la seule évaluation de chaque cas est rétrospective, il n'existe pratiquement aucun moyen de déterminer si une personne satisfait aux critères. Il est impossible de protéger les personnes vulnérables, parce que même si on soupçonne que quelque chose ne va pas, la personne est déjà décédée.
    Notre priorité devrait être d'empêcher que les personnes qui ne veulent pas de l'aide médicale à mourir soient poussées à la demander.
    Le député conviendrait-il avec moi qu'un simple système d'examen juridique préalable par une autorité compétente quelconque est nécessaire pour que les personnes qui ne le veulent pas ne se fassent pas malencontreusement enlever la vie? Cette autorité pourrait être un juge ou un comité de vérification du consentement et d'évaluation de la capacité à donner son consentement, et le modèle pourrait varier d'une province à l'autre.
    Monsieur le Président, il est rare que nous ayons l'occasion d'entendre le député de Sherwood Park—Fort Saskatchewan. Je le remercie de sa question fort pertinente.
    Je pense que nous serions tous très déçus d'adopter une loi qui ferait en sorte que des gens se feraient enlever la vie contre leur gré. Je reconnais avec le député que, si le mécanisme en place pouvait être appliqué rapidement sans prolonger les souffrances du patient, c'est une mesure de protection qui devrait être intégrée dans le système. Nous voulons nous conformer à la décision de la Cour suprême, selon laquelle le patient doit consentir à ce qu'on mette fin à ses jours. Je serai heureux d'appuyer tout ce qu'il faudra pour que ce soit prévu dans la loi.
    Monsieur le Président, le député de Newmarket—Aurora n'est pas secrétaire parlementaire ni ministre, mais, comme il fait partie du gouvernement libéral majoritaire, j'aimerais lui poser la question suivante. Pense-t-il que le comité sera ouvert à des amendements et que le parti au pouvoir autorisera des amendements?
    J'ai été très déçue de voir aujourd'hui des députés libéraux être forcés de voter en faveur d'une motion que je les avais implorés de ne pas appuyer. Aujourd'hui, j'ai eu pour la première fois la très forte impression que le respect envers les députés et leur capacité de proposer des amendements à l'étape de l'étude en comité qui refléteraient sa volonté sont peut-être plus limités que je l'aurais espéré.
    Monsieur le Président, la députée a raison de dire que, comme elle, je ne suis pas ministre ni secrétaire parlementaire. Toutefois, comme elle, je suis diplômé en droit de l'Université Dalhousie et j'éprouve un profond respect pour le processus juridique. Pour que le processus juridique et législatif soit efficace, je pense que les comités de la Chambre doivent avoir la capacité et le pouvoir d'apporter des amendements qui traduisent leur volonté ou celle de la Chambre. Je suis convaincu que le comité de la justice sera disposé à apporter des amendements à l'étape de l'étude en comité et qu'il sera en mesure de le faire.
    Monsieur le Président, j'apprécie la contribution du député à la discussion ce soir. Une des choses qui me dérangent dans cette mesure législative découle de mon expérience lorsque je siégeais à un comité qui tentait de concevoir des ordonnances de non-réanimation avec des médecins. Il leur a fallu quelques années pour les accepter et nous nous sommes retrouvés avec quatre niveaux d'ordonnances de non-réanimation. Puis, nous avons constaté que les médecins trouvaient quand même moyen de ne pas les appliquer. Ils disaient que, si le comité avait décidé de la politique, eux ne voulaient pas l'appliquer.
    Ma question pour mon collègue est la suivante. Nous avons 10 provinces et territoires. Comment nous y prendrons-nous avec les professionnels qui ne veulent vraiment pas suivre cette procédure?
    Monsieur le Président, je ne suis pas nécessairement aussi pessimiste que mon collègue quant à la capacité des provinces à appliquer des procédures qui peuvent ou non émaner du fédéral. Je ne suis pas nécessairement d'accord non plus pour dire qu'elles pourraient ne pas vouloir les appliquer. Si nous mettons en place un bon système de consultation auprès des provinces, des associations médicales et des professionnels de la santé dans toutes les provinces et si nous travaillons ensemble, en sachant très bien que, quel que soit le processus en place, il doit être considéré comme acceptable par la Cour suprême du Canada, j'ai bon espoir et je suis même convaincu que nous pourrons trouver un processus raisonnable qui garantira à la fois la protection des médecins et des professionnels de la santé et la protection des droits des patients.
(2245)
    Monsieur le Président, j'aime bien la façon dont tous les députés abordent cette question et je suis heureuse de constater que tous s'expriment de façon respectueuse, car je sais que c'est un enjeu susceptible de nous diviser. Il est question du caractère sacré de la vie, d'enjeux qui revêtent une grande importance pour nous tous et de la souffrance humaine, une situation qui nous bouleverse tous. Nous interprétons ici une décision de la Cour suprême. Dans le cadre de nos discussions entourant le projet de loi C-14, nous devons faire preuve de pondération, de délicatesse et de respect.
    D'autres députés ont parlé de ce qu'ils ont appris au contact des électeurs de leur circonscription. Je veux moi aussi raconter ce qui m'est arrivé lorsque je suis devenue la députée de Saanich—Gulf Islands. À cette époque, je n'aurais pas été à l'aise d'appuyer ce projet de loi. Les électeurs de ma circonscription sont probablement les membres les plus actifs de l'organisation Dying With Dignity.
    Il y a deux divisions de l'organisation Dying With Dignity dans Saanich—Gulf Islands. Des membres de la division de Salt Spring Island et de la division de Victoria m'ont rendu visite. Au fil du temps, j'ai constaté que les électeurs de ma circonscription étaient probablement sensibilisés à ce dossier, car Sue Rodriguez vivait dans ma circonscription.
    Son décès, en 1994, a touché tous les Canadiens lorsqu'ils ont vu tous les efforts qu'elle avait déployés pour obtenir l'aide des tribunaux et la permission de recourir à l'aide médicale à mourir. En fin de compte, le système judiciaire ne lui a pas permis d'obtenir ce qu'elle désirait. Nous nous rappelons tous son courage et son décès tragique.
    Lorsque Sue Rodriguez a appris qu'elle ne pouvait pas avoir accès à l'aide médicale à mourir, elle a dit: « Si je ne peux pas consentir à ma propre mort, à qui est ce corps? À qui appartient ma vie? »
    Ce sont là des questions profondes qui sont encore en suspens. Certains d'entre nous répondront que notre vie ne nous appartient pas, qu'elle appartient au Créateur. Peu importe ce à quoi on croit, chacun a le droit de prendre ses propres décisions. Les personnes dont la foi dicte une manière de penser n'ont pas le droit d'empêcher quelqu'un d'autre de prendre la décision qu'il souhaite, de planifier une façon de mourir dans la dignité.
    Après avoir écouté ce que disaient les habitants de ma circonscription, en particulier dans le cadre d'une série d'assemblées publiques tenues au cours des cinq dernières années, et avoir lu les questions et les commentaires qu'ils m'ont écrits, je suis à présent convaincue que ma tâche, comme députée qui les représente, est d'appuyer l'accès à l'aide médicale à mourir.
    Mon expérience d'avocate de carrière m'a aussi beaucoup inspirée, et j'étais très soulagée de voir la teneur de l'arrêt Carter. Je me suis dit qu'enfin, cette question allait faire l'objet de questions juridiques claires et que le Parlement pourrait commencer à résoudre le problème. Les tribunaux ayant dû se pencher très souvent sur la question, je me suis dit que le temps était venu pour les législateurs que nous sommes de donner suite à l'arrêt Carter.
    Je rappelle simplement aux députés que, selon la Cour suprême, les articles du Code criminel qui interdisent l'aide d'un médecin pour mourir violent l'article 7 de la Charte, ce qui a la conséquence suivante:
[ces articles] sont nuls dans la mesure où ils prohibent l’aide d’un médecin pour mourir à une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition.
    Les juges nous disent clairement que la possibilité qu'une personne puisse prendre une décision à la place d'une autre personne au sujet de l'aide médicale à mourir est totalement à exclure. Il s'agit d'une décision personnelle et, selon la Cour suprême, elle peut être prise par une personne adulte capable. Pour que l'aide médicale à mourir puisse être fournie, la Cour a fixé une condition à remplir: la personne doit être atteinte de problèmes de santé graves et irrémédiables.
    Le projet de loi C-14 m'a déçue. Après avoir pris connaissance du rapport du comité spécial, je m'étais dit que les auteurs du projet de loi tenteraient de prévoir les décisions judiciaires futures et éviteraient les interminables procès grâce à des dispositions judicieuses régissant l'aide médicale à mourir au Canada.
(2250)
    Comme le projet de loi ne respecte pas les exigences décrites par la Cour suprême dans l'arrêt Carter, il entraînerait des poursuites judiciaires et ajouterait aux souffrances des gens qui savent maintenant que, d'après la Cour suprême, il est contraire à la Charte de les laisser souffrir dans de telles circonstances. Si nous adoptons le projet de loi C-14 dans sa forme actuelle, nous allons à l'encontre des droits prévus par la Charte.
    D'autres députés l'ont déjà souligné. Nous sommes conscients que ce projet de loi tente de trouver un juste équilibre entre plusieurs enjeux épineux, soit la présence de mesures de sauvegarde robustes — leur robustesse a déjà fait l'objet de discussions —, le caractère sacré de la vie humaine et la protection des personnes vulnérables.
    Le projet de loi arrive presque à un équilibre acceptable. Je trouve toutefois très étonnant que le gouvernement ait choisi, au lieu de s'en tenir au terme « irrémédiable », d'ajouter à l'alinéa 241.2(2)d), comme d'autres l'ont souligné, que la mort naturelle doit être devenue « raisonnablement prévisible ». Cela me laisse perplexe, car la Cour suprême nous a donné des indications claires. Elle n'a pas décrit la situation « irrémédiable » comme une maladie incurable ou terminale. L'ajout de ce « raisonnablement prévisible » représente l'une des faiblesses du projet de loi. En plus de décevoir les personnes souffrantes, il semble remettre en question la capacité de la Chambre à interpréter la décision de la Cour suprême du Canada de manière à protéger les droits garantis par la Charte.
    Bien des gens ont aussi parlé de ce deuxième aspect. En lisant le projet de loi, je me suis dit que ce devait être une erreur attribuable à une rédaction bâclée, que ce ne peut pas être ce qu'on voulait dire. En examinant toutes les conditions, on se rend compte qu'il y a des mesures de sauvegarde. Il faut faire appel à plusieurs professionnels de la santé indépendants, et veiller à ce qu'il n'y ait aucune influence indue. Je ne vais pas passer en revue tous les éléments, mais il faut passer par un processus très long pour faire une déclaration à valeur légale devant des témoins indépendants. Ensuite, après tout ce processus, à l'alinéa 241.2(3)h), on voit que, immédiatement avant de fournir l’aide médicale à mourir, on donnerait à la personne la possibilité de retirer sa demande, et on s’assurerait qu’elle consent expressément à recevoir l’aide médicale à mourir.
    C'est profondément décevant. La personne qui prend la décision de recourir à l'aide médicale à mourir se voit maintenant refuser cette aide si elle est dans une situation où sa mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, ou si, au moment où elle a prévu recourir à cette aide après être passée par le long processus prévu à cette fin, elle n'est plus saine d'esprit et capable de réaffirmer son souhait. Cette mesure aurait sûrement pour effet de priver de leur droit bien des groupes de personnes qui voient l'arrêt Carter comme une façon de garantir leur droit de choisir de mourir dans la dignité avec l'aide d'un professionnel de la santé.
    Bien des gens ont mentionné ces lacunes du projet de loi C-14. L'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, l'un des intervenants dans l'affaire Carter, a signalé d'autres lacunes auxquelles je ne suis pas moins sensible, mais dont nous devrions peut-être parler plus tard.
    Je ne vois pas comment le Parlement pourrait décider de remettre à plus tard les mesures que nous devrions prévoir pour que le projet de loi que nous allons adopter maintenant soit conforme aux directives que nous avons reçues de la Cour suprême du Canada.
    À la lecture du projet de loi C-14, je me demande, en m'appuyant sur mon expérience à titre d'avocate, et en me rappelant mon engagement envers les gens de ma circonscription, comment nous pouvons adopter un projet de loi qu'un tribunal jugerait contraire à l'article 7 de la Charte pour les Canadiens qui répondent au critère énoncé dans l'arrêt Carter, mais qui ne remplissent pas le critère qui s'appliquerait avec le projet de loi C-14. Voilà une question extrêmement difficile.
    Je respecte énormément tous les points de vue exprimés à la Chambre durant ce débat de deuxième lecture. Je voterai en faveur du projet de loi à cette étape, mais j'espère que nous sommes prêts à en corriger les défauts en comité.
(2255)
    Monsieur le Président, je remercie la députée de Saanich—Gulf Islands, dont les observations sont toujours réfléchies.
    Je veux toutefois réagir à ses propos qui laissent entendre que le projet de loi est voué à être contesté en cour, en lui posant les trois questions suivantes. Ne convient-elle pas que la Cour suprême n'a pas défini dans son arrêt ce qu'elle entend par des « problèmes de santé graves et irrémédiables »? Est-elle d'accord qu'il revient au Parlement de définir ce terme? Reconnaît-elle que la Cour suprême a déclaré à la page 98 de son jugement qu'il fallait accorder une grande déférence à la mesure réglementaire complexe que le Parlement mettra en place à la suite du jugement?
    Monsieur le Président, je rends la pareille à mon ami, le député de Charlottetown et secrétaire parlementaire. J'aime bien travailler moi aussi avec lui.
    Toutefois, pour répondre à sa question, bien que la cour n'ait pas défini l'expression « graves et irrémédiables », il aurait été logique de conclure, ce que je ne ferai pas, que la cour n'était pas en train d'étudier l'affaire précise dont elle était saisie. Autrement dit, l'affaire Kay Carter portait sur une personne ayant des problèmes de santé graves et irrémédiables, mais sa mort naturelle n'était pas prévisible à ce moment-là. Ce qui a amené la cour à statuer ainsi, c'est le fait qu'il y avait violation des droits reconnus par la Charte, pas de façon abstraite, mais il y avait bien une violation des droits de la plaignante. La cour a décrit les problèmes de santé comme étant « graves et irrémédiables ». Dans cette décision, elle n'a pas insisté sur le fait que nous devions savoir ou que ses médecins devaient savoir si sa mort était prévisible. En d'autres mots, les faits établis dans cette affaire ne nécessitaient pas l'existence d'une maladie en phase terminale.
    Monsieur le Président, je tiens à remercier ma collègue de ses observations réfléchies, bien que je ne sois pas tout à fait d'accord avec certaines de ses conclusions.
    La députée convient-elle que de meilleures mesures de protection doivent être incluses dans le projet de loi afin que les professionnels de la santé qui offrent des soins de fin de vie ne soient pas tenus d'offrir l'aide médicale à mourir si leur conscience ne le leur permet pas?
    Ensuite, en ce qui concerne l'avenir de ce régime, peu importe sa forme finale, la députée est-elle préoccupée par les répercussions sur l'absence possible de confiance entre le patient et le médecin? Quelle serait l'incidence sur la relation de confiance entre le patient et le médecin, tout particulièrement pour les personnes âgées qui pourraient avoir à prendre des décisions en fin de vie?
    Monsieur le Président, je ne crois pas qu'il y ait de conflit — eh bien, je ne devrais pas dire qu'il n'y a aucun conflit — entre le député et moi. Il est tout à fait normal qu'un professionnel de la santé puisse refuser de participer dans une telle situation.
    Pour ce qui est de savoir si je crois que cela remettrait en question la relation entre un patient et son médecin, je ne le crois pas. Je crois que les médecins qui ne sont pas prêts à aider leurs patients de cette façon leur recommanderont de trouver un médecin qui est prêt à le faire. Les patients savent qu'ils devront obtenir l'avis médical indépendant de plus d'un professionnel de la santé.
    J'ai beaucoup de respect pour la profession médicale. Je ne peux pas imaginer que le corps médical insiste pour qu'une personne ait recours à une option comme l'aide médicale à mourir si ce n'est pas ce que la personne a choisi d'elle-même, parce qu'elle connaît des souffrances intenses et que c'est ce qu'elle souhaite. Je ne vois pas comment cela pourrait contaminer la relation entre le médecin et son patient.
(2300)
    Monsieur le Président, avant de commencer, j'aimerais souligner le travail accompli par la ministre de la Justice, la ministre de la Santé, les secrétaires parlementaires, ainsi que leurs équipes dans le cadre du projet de loi. Je les remercie de leurs efforts. Je remercie également le président et les membres du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, les personnes qui ont témoigné et les innombrables Canadiens qui ont pris part aux consultations tenues un peu partout au Canada. Il ne s'agit pas d'un sujet de discussion facile, et je félicite toutes les personnes qui ont participé pour le travail sérieux et exhaustif et pour la compassion dont elles ont fait preuve.
    Le jugement rendu dans l'affaire Carter a fait état d'un objectif clair, c'est-à-dire que les parlementaires devaient établir un cadre législatif permettant aux Canadiens aux prises avec des souffrances intolérables de demander une aide médicale à mourir. Le projet de loi C-14 est la réponse du gouvernement à l'égard de cet objectif essentiel. Je prends la parole aujourd'hui pour appuyer fièrement cet important projet de loi.
    J'ai entendu le point de vue d'habitants qui s'opposent catégoriquement à toute aide médicale à mourir et celui de personnes qui estiment que le projet de loi ne va pas assez loin. J'ai également entendu le point de vue de personnes qui se réjouissent de l'excellent travail fait sur ce projet de loi et qui m'ont exprimé leur gratitude.
    À cet égard, il est important de souligner et de répéter ce qui a été mentionné de nombreuses fois à la Chambre. En présentant cette mesure législative, notre tâche n'était pas de déterminer si l'aide médicale à mourir est nécessaire, mais de déterminer la meilleure façon de l'offrir. Il s'agit là d'un élément névralgique, et il vaut la peine de le répéter.
    Dans le cadre de l'examen de ce projet de loi, il était absolument essentiel pour moi de déterminer s'il tient bien compte des différents intérêts en conciliant, notamment, le droit d'une personne à l'autonomie personnelle à la fin de sa vie et la nécessité de mettre en place de solides mesures de protection pour les membres les plus vulnérables de notre société. Je crois que le projet de loi atteint cet équilibre et qu'il comporte les mesures nécessaires pour veiller à ce que les droits de tous soient respectés.
    En ce qui concerne l'autonomie personnelle, le projet de loi tient compte de la décision de la Cour suprême du Canada qui, comme on l'a dit plus tôt, a affirmé que les Canadiens qui endurent des souffrances intolérables ont le droit de demander de l'aide afin d'y mettre un terme.
    Je ne suis pas avocate. Je ne parlerai donc pas des conséquences juridiques du projet de loi. Je ne suis pas non plus en mesure de parler de ses nuances constitutionnelles. Toutefois, étant une personne croyante, il était essentiel pour moi que l'alinéa 2a) de la Charte des droits et libertés, qui accorde aux Canadiens la liberté de conscience et de religion, soit pris en compte et protégé.
    Il y a quelques semaines, j'ai rencontré les représentants de l'église catholique Saint-Jean-l'Évangéliste, de Whitby. Ils sont venus à mon bureau. Même s'ils comprenaient que le Parlement devait encadrer l'aide médicale à mourir d'une loi, ils tenaient mordicus à ce que nous protégions la liberté de conscience des professionnels de la santé. Ils voulaient avoir l'assurance que la liberté de conscience des fournisseurs de soins de santé serait protégée.
    Généralement, c'est aux provinces de trouver l'équilibre entre les droits des fournisseurs de soins médicaux et ceux des patients. Notre gouvernement s'est malgré tout engagé à explorer, en collaboration avec les provinces et les territoires, les options permettant de faciliter l'accès aux soins et d'en assurer la coordination tout en tenant compte des convictions personnelles des professionnels de la santé.
    J'ai travaillé dans le domaine de la recherche en santé pendant l'essentiel de ma carrière, j'ai donc eu l'occasion de côtoyer de près des professionnels de la santé oeuvrant dans toutes sortes de disciplines. Je tenais absolument à ce que la mesure législative que nous allions adopter respecte les droits et les convictions personnelles des fournisseurs de soins. Je suis ravie de constater que le texte à l'étude y fait allusion, tout en reconnaissant que cette démarche requerra des échanges continus avec les provinces et les territoires.
(2305)
    La considération et les mesures de protection robustes à l'égard des membres les plus vulnérables de notre société inhérentes au projet de loi sont également d'une importance particulière. Le projet de loi établit les critères selon lesquels des professionnels de la santé pourront déterminer si un patient souffre ou non d'une maladie grave et irrémédiable. Ces critères sont: la personne est atteinte d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables; sa situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de ses capacités; le déclin avancé et irréversible de ses capacités lui cause des souffrances physiques ou psychologiques persistantes qui lui sont intolérables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu’elle juge acceptables; et sa mort naturelle est devenue raisonnablement prévisible.
    En tant que mère de trois enfants et députée des communautés-dortoirs de ma circonscription, Whitby, je suis contente que le projet de loi prévoit également des critères stricts d'admissibilité qui protègent les mineurs. Une réflexion et une considération minutieuse sont requises pour comprendre et évaluer la capacité d'un mineur de prendre la décision de mettre fin à ses jours. Je félicite le gouvernement de sa décision d'étudier davantage cet aspect de la loi et je suis impatiente de participer activement à ces travaux.
    De plus, cette mesure législative garantirait que ceux qui font une demande d'aide à mourir le feraient sans coercition, donneraient un consentement éclairé et auraient la possibilité de retirer leur consentement à n'importe quel moment et de n'importe quelle manière. Ces mesures de protection sont fondamentales dans le projet de loi C-14. Le projet de loi prévoit des mesures de sauvegarde pour que les personnes puissent retirer leur consentement. La nécessité que la demande soit volontaire et que la personne détermine elle-même qu'elle veut de l'aide médicale à mourir est tout aussi importante que la possibilité de retirer son consentement.
    Je suis fière que le gouvernement ait écouté les intéressés de tout le pays et se soit engagé à veiller à ce que tous les Canadiens puissent recevoir des soins de qualité en fin de vie, y compris des soins palliatifs. Notre engagement de 3 milliards de dollars pour améliorer et accroître l'accès aux soins à domicile est une autre mesure très importante et j'ai hâte de voir comment ce portefeuille vital progressera au cours des prochains mois.
    Enfin, j'aimerais remercier et saluer mes collègues à la Chambre pour le ton réfléchi, mesuré et respectueux qu'ils ont adopté au cours de ce débat. Ce n'est pas un sujet facile. Il nous force à examiner nos croyances fondamentales sur la vie et la mort. Je les félicite tous pour leur travail dans ce dossier.
    Monsieur le Président, il est bon d'entendre la députée nous dire la grande importance qu'elle attache à la protection de la liberté de conscience, mais je voudrais simplement lui demander: pourquoi ne pas protéger cette liberté dans le projet de loi? Évidemment, il existe un précédent. Nous avons parlé de la Loi sur le mariage civil, qui, à l'échelon fédéral, protège la liberté de conscience. Un modèle semblable pourrait être employé.
    Essentiellement, le gouvernement nous dit que cette proposition fait l'objet de discussions et que nous devons le croire sur parole. Mais la parole du gouvernement ne suffit tout simplement pas. Nous voulons que la liberté de conscience soit protégée dans le projet de loi.
    En outre, la députée est-elle bien consciente que la liberté de conscience comprend le droit de ne pas renvoyer le patient à un autre médecin? La confusion s'est installée dans l'esprit de certains députés à cet égard. Respecter la liberté de conscience d'une personne signifie non seulement que la personne a le droit de ne pas fournir un service, mais aussi qu'elle a le droit de ne pas être complice d'une autre personne qui fournirait ce service, c'est-à-dire de ne pas renvoyer officiellement le patient à cette autre personne. Bien entendu, les médecins n'ont pas d'objection à transmettre de l'information et à faciliter le transfert ordonné des dossiers médicaux, mais il y a une grande différence entre ce genre de communication et l'acte de renvoyer formellement un patient à un autre médecin. J'aimerais entendre la députée à ce sujet également.
    Monsieur le Président, comme je l'ai dit dans mes observations en ce qui concerne le droit d'un médecin de ne pas renvoyer un patient à un autre médecin, il reviendra aux provinces et aux territoires de déterminer, avec l'aide du gouvernement, ce que signifie concrètement le respect de la liberté de conscience des médecins.
    La question du renvoi à un autre médecin a été soulevée dans ma circonscription. Beaucoup de gens s'y intéressent. J'espère qu'elle fera partie du dialogue continu avec les provinces, les territoires et les professionnels de la santé.
(2310)

[Français]

    Monsieur le Président, en tant que secrétaire parlementaire du premier ministre, la députée aurait-elle un peu plus d'information pour nous sur le financement auquel on peut s'attendre pour les soins palliatifs?
     Comme elle le sait, il n'y avait aucun montant à cet égard dans le dernier budget. Il n'y a aucun nouvel engagement non plus dans le projet de loi C-14. Peut-elle nous fournir un peu plus d'information à ce sujet?

[Traduction]

    Monsieur le Président, comme la ministre de la Santé l'a indiqué à maintes reprises à la Chambre, elle maintient un dialogue constant avec les provinces et les territoires afin de renouveler l'accord sur la santé. Le budget prévoit un montant de 3 milliards de dollars pour l'examen des soins de fin de vie, y compris les soins à domicile et les soins palliatifs.
    Monsieur le Président, pour faire suite à ma question précédente, pour bien exprimer la situation, la politique actuelle de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario est d'exiger l'aiguillage si un service correspond à des soins de santé, ou en situation d'urgence, afin de demander la prestation de ce service. Cette question ne peut pas faire l'objet de plus amples consultations, car si le projet de loi est adopté, alors tout de suite après le 6 juin, ou peu importe la date à laquelle il entrera en vigueur, les médecins de l'Ontario devront soit aiguiller les patients, soit leur fournir ce service.
    Si la députée croit à la liberté de conscience, sachant que cela pourrait devenir réalité dans sa circonscription lorsque le projet de loi sera adopté, n'appuierait-elle pas des modifications immédiates au projet de loi qui protégeraient officiellement et directement la liberté de conscience?
    Monsieur le Président, les compétences des différents ordres de gouvernement nous dictent les limites que nos mesures législatives doivent avoir. L'aspect dont parle le député relève des provinces et des territoires, et le gouvernement va continuer de collaborer avec eux et de tout faire pour que le projet de loi tienne compte de la liberté de conscience des professionnels de la santé.

[Français]

    Monsieur le Président, ce soir, j'ai le plaisir d'être avec mes collègues pour parler du projet de loi sur l'aide médicale à mourir.
    C'est un enjeu majeur, et je dois admettre qu'il s'agit pour moi d'un enjeu qui m'a bien fait comprendre le nouveau rôle que je joue ici, comme député représentant les citoyens de ma circonscription, le nouveau rôle que je joue à la Chambre des communes pour notre pays.
    Depuis le début, nous parlons souvent de budget, de transport, de déficit, de terrorisme, bref de toutes sortes de sujets qui sont tous aussi importants les uns que les autres pour notre pays. Cependant, rarement un projet de loi, comme celui dont nous allons discuter, va susciter autant de gêne et d'inconfort lorsque nous en parlons avec nos citoyens.
    Depuis janvier, il ne se passe pas une journée où je ne parle pas de l'aide médicale à mourir avec des citoyens et des citoyennes de mon comté, Mégantic—L'Érable. Alors que je m'attendais candidement à ce que les gens me donnent des réponses claires et tranchées, c'est tout le contraire qui se produit quand on parle plus de deux ou trois minutes avec les gens. Ils sont conscients de l'importance de l'enjeu, mais en même temps, les personnes à qui j'en parle hésitent à se prononcer.
    Mon rôle comme député, je le vois comme celui de prendre position dans le respect de mes valeurs et de mes convictions, tout en représentant la volonté de celles et ceux qui m'ont fait le privilège de m'élire en tant que leur député.
    Je dois dire que mon idée n'est pas encore arrêtée concernant ce dossier, cet enjeu. Chaque fois que je suis sur le point de pencher en faveur d'une option ou d'une autre, il y a toujours certaines personnes qui me font part d'arguments qui me poussent encore une fois à remettre en question mon opinion.
    C'est une question complexe qui touche le coeur et les valeurs des gens. Quand on parle de l'aide médicale à mourir avec nos citoyens, on ne parle pas d'un projet de loi comme les autres. C'est un projet de loi qui nous amène à nous tourner vers nous-mêmes. Tout de suite, nous pensons à nos parents, à nos grands-parents, à nos frères, à nos soeurs, à nos amis et à nous-mêmes. À ce moment-là, un projet de loi qui est discuté très loin de ma circonscription, à Ottawa, devient quelque chose de vraiment très personnel pour les gens à qui j'en parle.
    Qu'on me permette d'expliquer cela avec un cas. Comment pourrait-on réagir si un de nos proches en arrivait, à la fin de sa vie, à une souffrance telle que ses derniers moments seraient insupportables? La plupart d'entre nous avons connu cela. Nous avons connu ce genre de situation en accompagnant un de nos proches en fin de vie. La plupart du temps, ces proches ont souffert d'un cancer, un cancer qui peut causer des souffrances abominables, et personne — je dis bien personne — ne veut voir souffrir quelqu'un qu'il aime.
    J'ai vécu un cas personnel. En effet, mon père est décédé d'un cancer de la gorge après huit mois de lutte acharnée contre cette terrible maladie. Il n'avait même pas 50 ans. Cela a été des mois difficiles. Je pense qu'on a tous un exemple comme cela, près de nous, où on a dû accompagner un de nos proches qu'on aimait beaucoup, dans une période très difficile.
    Quand la période commence, on ne s'attend pas à ce que ce soit la dernière période de la vie de cette personne. Quand les médecins commencent à vouloir traiter cette personne, on ne s'attend pas à ce que ce soit peut-être le début de la fin pour elle. Par conséquent, on embarque avec notre proche dans le processus de guérison, et on travaille fort avec cette personne parce qu'on l'aime, et qu'on veut réussir à combattre et à gagner cette guerre contre le cancer.
    À l'issue de ce combat, quand mon père a su que la médecine ne pouvait plus rien pour lui, comment aurais-je réagi s'il avait demandé que l'on mette fin à ses jours? Je ne le sais pas, car j'ai été le dernier des membres de ma famille à lui dire qu'il pouvait partir et cesser sa lutte. Je ne voulais pas qu'il parte, même si je savais, en mon for intérieur, que c'était la seule issue qui restait pour lui.
    Heureusement, mon père a reçu des soins palliatifs qui lui ont permis de ne pas trop souffrir dans ses derniers moments. Je tiens ici à souligner le courage de ma mère et de mon frère qui l'ont accompagné dans ses derniers moments, parce qu'ils résidaient dans la même ville que lui. Moi, j'étais un peu plus loin et je le voyais les fins de semaine. Or tous ces gens et sa famille l'ont accompagné jusqu'à la fin.
(2315)
    De là-haut, je suis sûr qu'il est aujourd'hui très fier de me voir ici, à la Chambre des communes. Mon histoire, c'est l'histoire de milliers de Canadiens et de Canadiennes. C'est l'histoire de notre volonté de vivre, et c'est aussi l'histoire de notre rapport avec la mort.
     Bientôt, je devrai me prononcer sur le projet de loi C-14. Je devrai choisir de quelle manière notre pays répondra à la décision de la Cour suprême qui reconnaît à certains Canadiens le droit de choisir d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Ma décision, je le répète, n'est pas encore prise.
     Je reconnais que les personnes en fin de vie doivent pouvoir mourir dans la dignité. Mourir dans la dignité ne veut pas nécessairement dire recourir à l'aide médicale à mourir. Mourir dans la dignité, c'est pouvoir partir entouré de ses proches, quand c'est possible, recevoir des soins médicaux respectueux des derniers moments et, surtout, ne pas trop souffrir.
    J'ai été estomaqué d'apprendre, pendant le processus législatif, que les soins palliatifs ne sont pas accessibles à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes. Plus de 60 % de nos compatriotes en fin de vie n'auraient pas l'accompagnement nécessaire pour que cette étape ultime se déroule dans la dignité. Avant même que je prenne position sur l'aide médicale à mourir, je crois que nous avons le devoir de changer cela.
     Le but de tous les députés de la Chambre n'est pas de tout faire pour que le plus de Canadiens possible choisissent d'avoir recours à l'aide médicale à mourir — je l'espère et j'en suis convaincu. La Cour suprême nous oblige à prendre position rapidement pour encadrer le recours à l'aide médicale à mourir et faire en sorte de définir les balises de tout le processus. Qui sont les Canadiens qui peuvent y avoir recours? Comment protéger les plus vulnérables? Qui sont celles et ceux qui accompagneront les malades et autoriseront le geste de l'aide médicale à mourir? Comment protéger les personnes qui seront impliquées dans le choix de la personne en fin de vie?
    Au cours des prochaines semaines, je vais encore soumettre le texte du projet de loi C-14 à mes concitoyens. Je vais notamment organiser, dans quelques jours, une rencontre avec un organisme communautaire de mon comté, Le Havre. Il s'agit d'un groupe d'aide et d'entraide pour la personne vivant avec un problème de santé mentale. Nous ferons une table ronde où il sera possible d'échanger sur l'aide médicale à mourir, sur la fin de vie et sur les capacités des gens à prendre des décisions. J'espère que ces discussions me permettront d'avoir encore une meilleure idée du choix que je devrai faire dans quelques semaines.
     Heureusement, le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir a réussi, dans un temps définitivement trop court, à faire en sorte que nous avons eu l'occasion d'entendre les points de vue de plusieurs groupes et de plusieurs citoyens. Je n'ai pas assisté à toutes les réunions — seulement à une — mais elle a été marquante pour moi. J'y reviendrai plus tard.
     Je tiens à remercier tous mes collègues de la Chambre et du Sénat qui ont participé aux travaux du comité. Il n'y a pas de réponse unique à l'arrêt dans la cause Carter, car il n'y a pas deux situations identiques. La bonne volonté de tous a permis aux parlementaires de bénéficier de deux rapports, dont un rapport dissident déposé par nos collègues de Louis-Saint-Laurent, de Langley—Aldergrove, de Kitchener—Conestoga et de St. Albert—Edmonton. Je suis heureux de constater que le projet de loi C-14 s'inspire largement du rapport de mes collègues, puisqu'il correspond davantage à mes préoccupations à cette étape-ci de ma réflexion.
    Comme je l'ai déjà mentionné, il ne s'agit pas d'une course à l'aide médicale à mourir. Nous devons faire en sorte de protéger les droits des Canadiens en vertu de la Charte, que ce soit pour ce qui est de recourir à l'aide médicale à mourir ou de protéger celles et ceux qui seront volontairement ou non mis devant ce choix difficile au cours des prochaines années. Dans le contexte actuel, je pense que le projet de loi C-14 aurait dû s'inspirer davantage du rapport dissident, parce qu'il ne va pas assez loin pour protéger les personnes vulnérables, leurs familles et les professionnels de la santé. Quels en sont les principes? Comme le mentionnait plus tôt aujourd'hui mon collègue de Louis-Saint-Laurent, il s'agit de la protection des mineurs, de la protection des gens souffrant de maladie mentale et de la protection de la conscience pour les médecins et les professionnels de la santé.
     Le projet de loi ne devrait s'adresser qu'aux personnes en fin de vie. L'important pour les Canadiens, c'est le choix aussi de recevoir des soins palliatifs. Devant le comité mixte, Steven Fletcher a mentionné une chose: « Plus vous vous éloignez de l'arrêt Carter, plus vous risquez d'empiéter sur la compétence des provinces. Quand vous en serez là, je prédis que vous allez vous enfoncer dans les ténèbres constitutionnelles et qu'on ne vous retrouvera plus jamais. » Il faut prendre la bonne décision, une décision éclairée. Je pense que le rapport dissident nous montre la voie. Bientôt, j'aurai à prendre position, et j'espère que mes concitoyens vont m'aider à le faire.
(2320)

[Traduction]

    Monsieur le Président, je comprends les commentaires de mon collègue d'en face, mais je m'étonne qu'il insiste autant sur les soins palliatifs quand on sait que nous avons jusqu'au 6 juin pour agir.
    Si ne devions nous aventurer sur le terrain des soins palliatifs et chercher à les intégrer au texte du projet de loi, nous devrions d'abord en discuter avec les provinces, car ce sont elles qui les offriront, ces soins. Nous devrions commencer par définir ce qui constitue des soins palliatifs de qualité, et ce ne serait pas une mince tâche, parce que, dans certains cas, les membres de la famille sont impliqués, mais pas toujours. Moi-même, mes deux grands-mères avaient plus de 100 ans quand elles sont mortes, et les deux avaient des enfants âgés de 80 ans. J'ai du mal à imaginer une définition qui puisse englober ce genre de situation.
    Vu l'échéancier qui est le nôtre et le rôle des provinces, comment mon collègue propose-t-il que nous puissions même aborder la question des soins palliatifs?

[Français]

    Monsieur le Président, dans un monde idéal, nous aurions le temps de réaliser les choses dans l'ordre. Malheureusement, la Cour suprême nous a imposé un délai. Je considère que les choix relatifs à la fin de vie sont des choix globaux. On ne peut pas uniquement proposer aux gens une aide médicale à mourir sans leur proposer également la possibilité de nous quitter doucement, dans la dignité, avec des soins palliatifs. Nous devons offrir les deux options aux Canadiens et aux Canadiennes.
    En ce qui concerne la manière de faire, c'est un juge qui a décidé de nous forcer la main pour que nous procédions plus rapidement. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour rendre les soins palliatifs accessibles. C'est notre devoir, en tant que députés.
(2325)

[Traduction]

    Monsieur le Président, en ce qui concerne les soins palliatifs, d'aucuns ont proposé d'inclure dans le texte une disposition précisant que les gens ont droit à des soins palliatifs. Nous ne pourrions sans doute pas régler tous les détails dès maintenant, mais nous pourrions très certainement instaurer un droit dont les gens pourraient ensuite se prévaloir. Je crois que cela cadrerait parfaitement avec notre démarche.

[Français]

    Par ailleurs, ce projet de loi ne prévoit aucune protection du droit à la liberté de conscience des médecins et infirmières. Si le Parlement soutient ce projet de loi, les médecins en Ontario n'auront pas la possibilité de refuser de participer à l'euthanasie, et il est possible que certains médecins quittent la profession. Je prie le gouvernement d'inclure la protection du droit à la liberté de conscience des médecins dans ce projet de loi.
    Le député est-il d'accord?
    Monsieur le Président, il est évident qu'on ne peut demander à quelqu'un d'agir contre ses valeurs. On ne peut pas forcer un professionnel de la santé à faire un tel geste. La loi, comme le mentionnait le rapport dissident, doit protéger le droit à la liberté de conscience des médecins, des professionnels de la santé et de tous ceux et celles qui seront appelés à participer à ce processus.
     C'est une excellente question, et la réponse doit se manifester elle-même, car je ne vois pas comment le contraire pourrait se réaliser sans que l'on se retrouve à nouveau devant la Cour suprême, dans une autre cause, parce qu'on aura échoué lamentablement à cette étape.

[Traduction]

    Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre aujourd'hui pour exprimer mon appui au projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et apportant des modifications connexes à d’autres lois, aussi connu sous le nom de projet de loi sur l'aide médicale à mourir. En janvier, j'ai été nommé au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. C'était un honneur pour moi de prendre part à cette discussion importante au sein de la société canadienne.
    Sur une période de quelques mois, mes collègues du Comité et moi avons passé beaucoup de temps à tenter de comprendre cet enjeu complexe qu'est l'aide médicale à mourir. Nous avons eu des discussions et des débats. Nous avons même eu des désaccords sur certains sujets mais, au bout du compte, nous avons rédigé un rapport qui, à mon avis, est la meilleure solution possible à cet enjeu social et juridique complexe.
    Il peut être difficile de rédiger tout projet de loi, mais c'est particulièrement difficile quand son titre inclut les termes « mort » ou « mourir ». La plupart d'entre nous sommes chatouilleux sur cette question, et nous avons de la difficulté à nous y attaquer.
    Le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir s'est attaqué de front à de nombreux problèmes épineux. Nous nous sommes plongés dans ce travail pendant six semaines. Nous avons examiné des rapports du groupe de spécialistes provinciaux et territoriaux sur l'aide médicale à mourir. Nous avons entendu ce qu'avaient à dire les organismes de réglementation de la santé dans l'ensemble du pays, ainsi que le Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c. Canada, entre autres.
    Nous avons eu la tâche ardue de débattre des grandes questions qui sont au coeur du projet de loi C-14, notamment l'admissibilité de l'aide médicale à mourir pour les mineurs matures ou les patients atteints d'une maladie mentale, le consentement préalable, l'objection de conscience, et l'inévitable question des mesures de sauvegarde à mettre en place pour protéger les plus vulnérables.
    Le 25 février, le comité mixte spécial a fait son rapport au Parlement. La ministre de la Justice et la ministre de la Santé ont étudié le rapport et ont commencé à élaborer le projet de loi C-14, dont je souhaite parler aujourd'hui.
     Le projet de loi C-14 tient compte de plusieurs recommandations du comité mixte spécial qui portent sur six objectifs principaux: permettre l'euthanasie et l'aide au suicide; rendre cette aide accessible aux résidents permanents du Canada de manière à ne pas encourager ce que certains appellent le tourisme du suicide ou de la mort; exiger une demande d'aide médicale à mourir par écrit; exiger la présence de deux témoins au moment de soumettre la demande; exiger que deux médecins ou professionnels de la santé confirment que la personne qui soumet la demande répond à tous les critères pour l'aide médicale à mourir; et prévoir un examen législatif obligatoire.
    Ce que je retiens surtout de cette discussion très difficile à laquelle j'ai pris part et à laquelle les Canadiens sont maintenant en train de participer, c'est que cette discussion doit être axée sur le patient. J'encourage tous les parlementaires à mettre de côté leurs valeurs et leurs croyances personnelles afin de se concentrer sur l'intérêt supérieur du patient. L'aide médicale à mourir est une question qui concerne le patient et qui ne devrait concerner que lui.
    Après avoir réfléchi au travail que nous, les membres du comité, avons accompli, je me suis rendu compte que nous sommes maintenant plus à l'aise avec la question de l'aide médicale à mourir que la majorité des Canadiens. Je me réjouis de constater que le gouvernement a tenu compte de la perspective globale des Canadiens à ce sujet et qu'il est prêt à utiliser la mesure législative comme point de départ et disposé à ce qu'elle soit étudiée de façon plus approfondie et réexaminée.
    Au cours des derniers mois, j'ai organisé des assemblées publiques sur l'aide médicale à mourir, que ce soit seul ou en compagnie d'autres personnes. Je me suis adressé directement aux électeurs de ma circonscription. J'ai écouté leurs préoccupations et les préoccupations exprimées par de nombreux Canadiens partout au pays, et pas plus tard que la semaine dernière, des gens ont manifesté à mon bureau de circonscription en lien avec le projet de loi C-14. J'ai entendu des choses positives et négatives. Des gens m'ont fait part de leurs inquiétudes à propos de la mesure législative, tandis que d'autres m'ont dit qu'ils l'appuyaient. Même si j'appuie entièrement le projet de loi, je crois qu'il y a quelques lacunes qui doivent être comblées.
    Tout d'abord, pendant la manifestation qui a eu lieu la semaine dernière, les gens ont parlé des critères importants du projet de loi, ou plutôt, ils ont mentionné de l'absence de tels critères. Comment peut-on maintenir des mesures de protection appropriées quand on traite avec d'autres professionnels de la santé? Le projet de loi C-14 prévoit des mesures de protection pour les autres professionnels de la santé qui participent à l'aide médicale à mourir, y compris ceux qui prescrivent une substance à une personne, à la demande de celle-ci, afin qu'elle se l'administre, en modifiant l'article 241 du Code criminel et en proposant un nouvel article 227, qui autoriserait l'aide médicale à mourir si les conditions nécessaires sont respectées.
    Mais quelle disposition prend-on pour veiller à ce que le personnel non-médical suive les lignes directrices en la matière? Par exemple, juste avant d'administrer l'ordonnance mortelle, il faut demander au patient s'il souhaite toujours recevoir l'aide médicale à mourir, mais comment sait-on que ces parties indépendantes respectent cette consigne, entre autres? Comment savoir qu'on ne cherche pas à profiter de la situation ou de la vulnérabilité du patient? Voilà les questions auxquelles les électeurs de ma circonscription aimeraient qu'on s'attarde.
    J'ai également parlé à une personne très investie dans l'affaire Carter c. Canada qui se demandait si Kay Carter elle-même aurait été admissible à l'aide médicale à mourir en vertu de la version actuelle du projet de loi. Certains articles affirment qu'elle l'aurait été puisqu'elle répond aux critères. Cela dit, peut-on dire que tous les professionnels de la santé s'entendraient à l'unanimité pour dire que Kay Carter aurait répondu aux critères d'admissibilité tels qu'ils sont énoncés dans le projet de loi à l'étude?
(2330)
    Quand je pense au cas de Kay Carter et à bien d'autres encore, l'ambiguïté des critères associés à la mort imminente me laisse perplexe. Comment peut-on savoir qu'on ne se fera pas refuser l'aide médicale à mourir à cause du flou des critères? Qui a la responsabilité d'établir les critères pour la mort imminente? Y aura-t-il des incohérences dans la définition de la mort imminente? Comment nous y prendrons-nous, en tant que société, pour répondre à ces questions?
    Enfin, le délai ferme entre la date de la demande et le jour de la mort assistée par médecin suscite lui aussi des réserves. Bon nombre des électeurs de ma circonscription craignent qu'un si court délai risque d'avoir pour effet de hâter la mort. Le comité mixte spécial avait recommandé une période variable en fonction de la nature de la maladie plutôt que de l'imminence de la mort. On avait proposé que l'on s'intéresse plutôt à la rapidité avec laquelle progresse la maladie ainsi qu'à la nature de l'état de santé du patient plutôt qu'à l'imminence et à la compétence seules lorsqu'on détermine la durée de la période de réflexion.
    Voilà certaines des dispositions du projet de loi qu'il y aurait lieu, selon les électeurs de ma circonscription et moi-même, de préciser et de resserrer avant l'adoption de la version finale de la mesure en prévision du 6 juin.
    Toutefois, je me dois également de reconnaître que le projet de loi réussit très bien à tenir compte de nombreuses préoccupations exprimées par les citoyens de ma circonscription et par bien d'autres. Par exemple, la première idée fausse que j'aimerais éliminer est que le projet de loi C-14 ne tient pas compte des objections de conscience que pourrait soulever le personnel médical. Au contraire. Rien dans le projet de loi proposé n'obligerait un fournisseur de soins à offrir une aide médicale à mourir ou à aiguiller un patient vers un autre médecin. L'équilibre entre les droits des médecins et ceux des patients est généralement du ressort des provinces et des territoires, et nous devons respecter cela. Cela dit, le gouvernement fédéral s'est engagé à collaborer avec les provinces et les territoires pour appuyer l'accès à l'aide médicale à mourir tout en respectant les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé.
    Le projet de loi C-14 reconnaît également l'autonomie des personnes qui ont une maladie grave et irrémédiable leur causant des souffrances persistantes et intolérables et qui souhaitent recourir à l'aide médicale à mourir, tout en reconnaissant l'importance de protéger les personnes vulnérables et de veiller à ce que des mécanismes de sauvegarde adéquats soient en place.
    Au cours des quatre derniers mois, j'ai lu et entendu un large éventail d'opinions à propos de cette question complexe et difficile. Certains sont extrêmement restrictifs; d'autres sont extrêmement permissifs. Certains estiment que le projet de loi va trop loin; d'autres estiment qu'il ne va pas assez loin.
    Je crois que le projet de loi C-14 est un premier pas important pour le Canada. C'est un projet de loi prudent, voire conservateur, mais il fournit une première réponse nécessaire à l'arrêt Carter ainsi qu'un engagement à continuer d'en étudier les effets et à revisiter les questions importantes liées à l'aide médicale à mourir dans l'avenir.
    Je tiens à ce qu'on évite de créer un vide juridique le 6 juin. C'est pourquoi j'ai l'intention d'appuyer le projet de loi C-14. J'invite mes collègues des deux côtés de la Chambre à appuyer les droits des Canadiens et à accorder la priorité aux patients en appuyant le projet de loi.
    Monsieur le Président, je dirai respectueusement que le député s'est prêté à un tour de passe-passe en ce qui concerne les dispositions en matière de liberté de conscience qui sont absentes du projet de loi. Il a affirmé que ceux qui croient que le projet de loi n'aborde pas cette question ont tort, pour ensuite dire que rien dans le projet de loi ne porterait atteinte à la liberté de conscience. Le fait est que le projet de loi ne protège nullement celle-ci.
    Le député a raison de dire que le projet de loi ne porterait pas atteinte à la liberté de conscience, mais il reste qu'il ne protégerait pas celle-ci non plus. Dès l'entrée en vigueur du projet de loi, l'absence de protection de la liberté de conscience aura pour effet  — en Ontario du moins et peut-être dans d'autres provinces — d'inclure l'euthanasie parmi les soins que les médecins seront obligés de recommander ou même de fournir dans certaines circonstances. Le député doit se rendre compte que ce sera un des effets directs du projet de loi. Il devrait le reconnaître.
    Encore une fois, si le député accorde de l'importance à la liberté de conscience, pourquoi le gouvernement ne propose-t-il pas des amendements qui la protégeraient véritablement? Cessons ces tours de passe-passe autour du langage. Si nous convenons tous de l'importance de la liberté de conscience, pourquoi ne pas la protéger avec fermeté dans le projet de loi?
(2335)
    Monsieur le Président, comme l'a dit un de mes collègues plus tôt, le commentaire est que les provinces et les territoires devront traiter de la question de l'objection de conscience. Les collèges devront aborder la question de l'aiguillage. J'ai parlé à certaines personnes de ma province, la Colombie-Britannique, et elles croient que les administrations provinciales et territoriales devront intervenir, et que c'est le lieu approprié pour aborder la question de l'objection de conscience au sujet de l'aide médicale à mourir.
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Cloverdale—Langley City. C'est un véritable changement par rapport aux débats précédents que d'entendre un si grand nombre de députés du parti au pouvoir exprimer clairement leurs propres inquiétudes au sujet d'une mesure législative du gouvernement.
    Je demande à mon collègue s'il sait si le gouvernement, la ministre ou le comité pourront accepter les amendements. Le comité pourra-t-il agir en toute indépendance du Cabinet du premier ministre ou de la ministre?
    Monsieur le Président, je crois sincèrement que nous avons une bonne mesure législative. Comme je l'ai dit dans mon allocution, c'est un point de départ pour une question fort délicate.
    Le gouvernement a indiqué très clairement que la mesure législative présentée est un point de départ. Nous en sommes à l'étape de la consultation. Nous tenons un débat. Je crois que, si des arguments convaincants sont avancés, ils seront à tout le moins pris en considération quand la version définitive du projet de loi sera présentée. Je vais surveiller avec mes concitoyens de quoi aura l'air le projet de loi définitif.
    Monsieur le Président, je tiens à remercier le député de son discours. J'aimerais aussi féliciter les députés du ton de ce débat, qui se prolonge tard dans la nuit.
    Comme tous les députés, j'ai passé la dernière semaine dans ma circonscription, York-Centre, où j'ai pu prendre le pouls de mes concitoyens sur cet enjeu et le projet de loi à l'étude aujourd'hui. On m'a surtout dit que le projet de loi permettait d'établir un équilibre. Des personnes de tous les horizons ont appelé à mon bureau ou sont venues me voir en personne pour dire que le projet de loi permettait d'établir un équilibre et qu'il restait du travail à faire, mais que, selon elles, il s'agissait d'un excellent point de départ alors que nous sommes sur le point de passer à l'étape de l'étude en comité.
    Je crois qu'il est nécessaire d'examiner les directives médicales anticipées visant des personnes atteintes de maladie mentale et bien d'autres questions.
    Selon le député, quelles questions le comité devrait-il notamment examiner au cours de cette prochaine étape, puisque, à mon avis, la Chambre devrait adopter le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et le renvoyer à un comité?
    Monsieur le Président, j'encourage le comité à écouter les observations faites, tant les questions que les préoccupations, et à tenter de convoquer des témoins qui pourront y répondre, comme l'a fait le comité mixte spécial. Nous serons ensuite en mesure de soupeser les éléments de preuve, puisque nos politiques sont fondées sur des données probantes, et de déterminer quelles recommandations pourront être faites pour renforcer possiblement le projet de loi C-14.
(2340)

[Français]

    Monsieur le Président, je suis probablement un des derniers à prendre la parole aujourd'hui, vu que nous allons changer de jour bientôt.
    En premier lieu, puisque c'est ma première intervention d'une longue durée, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les 105 000 électeurs que je représente. Ce ne sont pas les 105 000 qui ont voté pour moi, mais plus de 44 % des citoyens de la circonscription Portneuf—Jacques-Cartier. Je les remercie.
    On gagne une campagne électorale, mais on ne la gagne jamais seul. On gagne cela en famille. Pour moi, la famille, c'est important. J'aimerais profiter de l'occasion pour remercier ma conjointe, Isabelle, qui, par un pur hasard, est ici cette semaine. Elle n'est pas dans la tribune parce qu'il est tard, mais j'apprécie sa présence ici, à Ottawa. Il y a également mes enfants qui, eux, dorment présentement. Charles-Antoine et Ann-Frédérique ont participé à cette campagne électorale et ont sacrifié du temps et de la qualité de vie que leur père leur offrait, avant cette campagne électorale. Je profite de cette tribune pour leur dire merci.
    L'année 2015 a été pour moi très difficile. J'en parle avec beaucoup d'émotions. Il y a eu une élection. Les 338 députés qui sont ici ont fait une campagne électorale, mais malheureusement le sort a fait en sorte que mon père est décédé en pleine campagne électorale, le 19 août dernier. Malheureusement, il ne me verra pas ici, à la Chambre. Il aurait été probablement très fier. À cela s'ajoute le décès de ma mère au mois de mai. Mes deux parents sont décédés, dans la même année, en 2015. J'avais deux bénévoles loyaux qui étaient en haut et qui veillaient sur moi. Ma mère a malheureusement été victime d'un cancer, comme de nombreux Canadiens et Canadiennes. Nous avons tous notre histoire. Je partage la mienne, aujourd'hui. Mon père et ma mère sont décédés en 2015, mais l'année s'est bien finie, car j'ai été élu.
    Chez ma mère, on a diagnostiqué un cancer deux ans avant sa mort. C'est pour cela que je participe à ce débat ce soir, dans le sens où j'ai accompagné ma mère. Malheureusement, elle est décédée le 1er mai 2015. Elle a vécu cette agonie — j'utiliserais cette expression — mais elle était sereine. Pendant deux ans, elle a vécu de beaux moments. Les rassemblements que nous avons vécus dans les deux dernières années ont été agréables pour elle. Je l'ai vue sourire. Je l'ai vue être positive. Je l'ai vue être une battante. Malheureusement, le 1er mai, à 18 h 50, j'ai eu la désagréable expérience de la découvrir dans son lit d'hôpital, morte. Elle venait de commencer ses soins palliatifs. Malheureusement, c'est arrivé quelques minutes avant que j'entre dans la chambre. C'est pour cela que ce débat est bien important pour moi. Je l'ai accompagnée. Elle n'a vraiment pas eu la possibilité d'améliorer son état, qui déclinait vraiment à un rythme accéléré.
    Le principe du projet de loi C-14 est de permettre aux Canadiens de mourir dans la dignité. Quelle est la définition du terme « dignité »? Je vais en lire une définition parmi tant d'autres: « La dignité est le respect, la considération ou les égards que mérite quelqu'un ou quelque chose. La dignité de la personne humaine est le principe selon lequel une personne ne doit jamais être traitée comme un objet ou comme un moyen, mais comme une entité intrinsèque. »
    Par respect, je peux affirmer que ma mère a eu droit à la dignité, qu'elle a eu droit au respect tout au long de son agonie. Elle a été respectée jusqu'à la fin. La loi n'existait pas. Est-ce que la loi est indispensable? La Cour nous oblige à prendre une décision, à voter une loi, à accepter une loi et à la mettre en place. Cependant, ce qui m'inquiète au sujet de cette loi, ce sont les balises. Il faut comprendre que nous devons permettre aux gens d'avoir accès à l'aide médicale à mourir.
(2345)
    Toutefois, l'être humain étant ce qu'il est, il est difficile de lui retirer des droits après avoir mis en place une loi trop large. J'invite donc les parlementaires et le comité qui sera invité à étudier la loi à être minutieux et restrictifs.
    Commençons par la définition de « raisonnablement prévisible ». J'annonce à la Chambre que, selon mon espérance de vie, mon décès aura lieu en 2044, à l'âge de 79 ans. C'est raisonnable et prévisible. Nous avons donc un problème: ce n'est pas assez défini ou précis. C'est une définition trop large.
    La Cour suprême du Canada nous a donné le mandat de déterminer les critères définissant les problèmes de santé graves et irrémédiables. Pourquoi avons-nous peur de définir les critères avec les données de la science, qui peut affirmer que les gens sont en fin de vie? La science peut nous le dire. Nous avons peur d'utiliser les termes « phase terminale ». Cela ne laisse pas vraiment de place à l'interprétation. Si la science nous dit que nous sommes en phase terminale, c'est que nous sommes en phase terminale et que nous devons nous attendre à mourir bientôt.
    J'invite les gens qui vont évaluer la loi à s'assurer d'être très précis. Il faut restreindre l'accès à cette procédure. À mon avis, le critère premier doit être une accessibilité réservée aux gens qui, malheureusement, sont en phase terminale. J'insiste sur le fait de restreindre cet accès au moyen de balises. Nous devons instaurer des balises très strictes et limitatives.
    Le médecin est là pour sauver des vies. Il faut respecter son serment d'Hippocrate. De plus, on ajoute les infirmiers praticiens et les infirmières praticiennes. Lorsque ceux-ci ont suivi leur formation, ils ne s'attendaient pas à poser des gestes qui donneraient la mort. Ce sont des professionnels qui désirent donner des traitements afin de permettre à leurs patients d'améliorer leur santé. Pourquoi demander l'inverse à ces professionnels? Allons-nous demander à d'autres groupes qui travaillent dans les hôpitaux de pratiquer ces interventions? Les ordres des infirmières et des infirmiers que j'ai consultés ont été très surpris de recevoir cette nouvelle responsabilité et de faire partie de ce débat.
    On nous sert l'argument qu'il y a des régions au pays qui n'ont pas accès à des médecins. S'il n'y a pas d'infirmiers praticiens ou d'infirmières praticiennes, à qui va-t-on demander de procéder? Le projet de loi prévoit 15 jours. À ma connaissance, dans ce très beau pays qu'est le Canada, le deuxième au monde en fait de superficie, nous ne sommes jamais à 15 jours de transport pour aller procéder à des traitements prêtés par des médecins. Nous ne devons pas confier la responsabilité de poser ce geste à un autre corps professionnel qu'au corps médical.
    Mes collègues savent-ils qu'une autre personne que les infirmiers praticiens et les médecins peut se promener avec le fameux médicament qui donnera la mort? L'article 4 du projet de loi le stipule clairement:
    Ne commet pas l'infraction prévue à l'alinéa (1)b) le pharmacien qui délivre une substance à une personne, autre qu'un médecin ou un infirmier praticien, s'il la délivre sur ordonnance médicale rédigée, dans le cadre de la prestation de l'aide médicale à mourir en conformité avec l'article 241.2, par un médecin ou un infirmier praticien.
    C'est dangereux. On va pouvoir se promener dans la rue avec un médicament qui va donner la mort. En plus, il faut protéger nos aînés. Ce sont des personnes vulnérables. Des héritiers, des polices d'assurance, des aidants et des familles peuvent profiter des aînés. Protégeons nos aînés. Soyons limitatifs et mettons des balises pour imposer le plus de limites possible.
    Dans ma circonscription, on trouve un centre qui s'appelle Cité Joie. Je peux comprendre que des gens soient à bout de souffle à un moment donné. On y offre un service de répit. Je peux affirmer que j'y ai vu des gens avec un sourire extraordinaire.
(2350)
    Je ne peux pas me permettre de ne plus voir ce genre de sourire. Nous nous devons de soutenir les gens. Nous ne pouvons pas leur donner cette possibilité. J'ai beaucoup de choses à dire, mais en terminant, j'aimerais informer la Chambre que ma décision n'est pas encore prise par rapport au projet de loi final. Je demande au comité qui l'étudiera de mettre des balises des plus restrictives pour que l'on puisse croire en la vie et que l'on ait recours à cette loi seulement en fin de vie.
    Monsieur le Président, j'apprécie l'histoire personnelle et les commentaires de mon collègue de Portneuf—Jacques-Cartier. C'est un débat très personnel, très émotif et très important. Comme moi, il est un nouveau député et il ne siégeait pas ici quand la décision a été rendue dans l'affaire Carter.
    Toutefois, cela me frustre un peu que rien n'ait été fait au cours des quatre mois qui se sont écoulés entre la décision de la Cour suprême et la fin de la 41e législature.
    Étant donné qu'une courte échéance nous a été imposée, mon collègue croit-il que d'adopter ce projet de loi en deuxième lecture permettrait d'améliorer la situation, même si les balises ne sont pas à son goût, ou se contenterait-il du vide créé par une défaite de ce projet de loi en troisième lecture, dans le cas où les changements qu'il souhaite ne seraient pas acceptés?
    Monsieur le Président, on ne peut pas changer le passé, mais on peut changer l'avenir.
    Nous, les députés de l'opposition, sommes ici pour travailler avec les députés du gouvernement. Je ne veux pas faire de partisanerie dans ce débat, car cet enjeu est trop important.
     Maintenant, est-ce qu'on peut faire avancer le projet de loi? J'apprécie beaucoup la question de mon collègue, et je ne suis pas ici pour bloquer ce projet de loi. Je le respecte. Je suis ici pour travailler avec l'ensemble des parlementaires afin que l'ensemble des Canadiens et Canadiennes, que ce soit mes concitoyens ou ceux de mes collègues, soient satisfaits de notre travail et de la façon dont nous les représentons dans ce dossier qui est non partisan.
    Monsieur le Président, la vérité a ses droits.
     Il y a un an, lorsque la Cour suprême a ordonné au Parlement d'adopter une loi, alors nous n'avions pas vraiment le choix. La Cour suprême savait qu'il s'agissait d'une année électorale. Le Parlement ne disposait donc que de trois mois d'opération avant le déclenchement des élections à la reprise de l'automne.
    Pendant ce temps, le gouvernement dirigé par le très honorable député de Calgary Heritage a mis sur pied un comité de trois experts canadiens indépendants pour étudier la situation. Prétendre que le précédent gouvernement n'a rien fait est un mensonge. Ce comité a pondu un rapport volumineux qui contenait plusieurs recommandations et qui a aidé énormément le comité parlementaire qui a accouché du rapport principal et du rapport dissident. Ce sont les faits.
    Au Québec, nous en avons parlé pendant six ans. Ici, à la Chambre des communes, nous sommes limités dans le temps. Malgré cela, est-ce que le député est à l'écoute de ses concitoyens, et est-ce que ses concitoyens lui parlent de ce sujet très délicat?
    Monsieur le Président, je remercie mon collègue de Louis-Saint-Laurent, qui a beaucoup d'expérience, notamment dans ce domaine. Il a eu le privilège de travailler à l'Assemblée nationale, au Québec, et il a participé au débat pendant six ans. Comme il le mentionnait, c'est assez particulier de faire en six mois un travail qui a pris six ans au Québec. On comprend donc pourquoi nous sommes encore ici, ce soir, à une heure pareille. En tant que parlementaires, nous mettons les bouchées doubles.
    C'est évident que je rencontre plusieurs citoyens de ma circonscription. Ils sont tous prêts à discuter de ce sujet, qui est très délicat. Dans ce dossier, personne n'a une opinion normalisée, et personne n'acquiesce de façon aveugle. Il faut être à l'écoute. Comme je le mentionnais dans ma présentation, chacun a vécu un rapport différent avec la mort, que ce soit en raison du décès d'un ami, d'un membre de la famille ou d'un enfant.
    C'est donc un sujet très émotif, et mes concitoyens m'en parlent. Je les écoute et je leur pose des questions pour m'assurer de bien les représenter. Ainsi, lorsqu'on votera sur ce projet de loi à la Chambre, je ferai le choix le plus représentatif des convictions de mes concitoyens de la circonscription de Portneuf—Jacques-Cartier.
(2355)
    Comme plus aucun député ne veut prendre la parole, conformément à l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, le débat est réputé ajourné et la Chambre s'ajourne jusqu'à demain, à 10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.
     (La séance est levée à 23 h 55.)
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU