STFC Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE
SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 25 mai 1999
Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le sous-comité reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec enfants à charge.
Cet après-midi, je suis heureux d'accueillir, de la Coalition de l'action pour la famille au Canada, son directeur des affaires nationales, M. Peter Stock; de l'Alliance évangélique du Canada, son directeur des affaires nationales, M. Bruce Clemenger; de l'Université de Toronto, M. Gordon Cleveland, professeur au département d'économie; et de l'Association canadienne d'études fiscales, son directeur, M. Robin MacKnight.
Je m'excuse. Voilà que certains députés commencent à arriver. Ils ont dû faire tout le chemin depuis la Colline, ce qui explique leur léger retard. Au nom des membres du comité, je souhaite la bienvenue à nos invités.
Voici comment nous procédons. Chaque groupe a cinq à dix minutes pour présenter son exposé, ce qui laisse amplement de temps pour les questions et les observations.
Je demanderais à M. Stock de commencer. Au nom du comité, je vous souhaite encore une fois la bienvenue.
M. Peter Stock (directeur des affaires nationales, Coalition de l'action pour la famille au Canada): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici. Notre organisation est ravie que le Comité des finances ait décidé de consacrer une partie de son temps précieux à ce sujet extrêmement important. Nous sommes encouragés par ces audiences ainsi que par les propos qu'ont tenus les députés, indépendamment de leur allégeance politique.
Dans notre perspective, la surimposition est le grand problème de la plupart des familles canadiennes. Celles-ci affirment sans équivoque qu'elles croulent sous les impôts, et un certain nombre de raisons expliquent leur sentiment. Elles sont peut-être d'avis que le régime fiscal en soi manque d'équité, mais de façon générale, elles estiment que le fardeau fiscal est trop lourd au Canada et qu'il est possible de l'alléger. Ce qui dérange beaucoup les gens, c'est de voir que l'argent qu'ils ont durement gagné est gaspillé pour des projets et des subventions avec lesquels ils ne sont pas d'accord.
Un exemple en a été cité à la Chambre il y a quelques semaines. Apparemment, le film pornographique Bubbles Galore a reçu une somme substantielle du gouvernement. C'est le genre de choses qui amène bien des familles canadiennes à se dire que les 60 000 $ en question auraient été dépensés à meilleur escient ailleurs, pour régler un problème qui les intéresse.
Je suis donc heureux que le comité examine divers moyens d'abaisser les impôts des familles et de leur assurer un traitement équitable.
• 1540
Il y a quelque temps, notre organisme a eu l'occasion de
présenter une pétition de 100 000 signatures au sujet de la
pornographie juvénile. C'était il y a quelques semaines à peine et
certains députés s'en souviendront. Il y était question de
protection et d'application de la loi. À notre avis, le
gouvernement n'est pas en mesure de résoudre les problèmes. Chose
certaine, la pornographie juvénile n'a pas été inventée par le
Parlement. Mais nous en savons long au sujet des pédophiles; nous
savons qu'ils s'attaquent aux faibles. Et la première ligne de
défense, ce n'est de toute évidence pas le gouvernement, ce sont
les familles. Voilà donc un autre domaine où, en adoptant une
politique favorisant une dynamique familiale plus vigoureuse, nous
pouvons mieux protéger nos enfants contre des fléaux comme la
pédophilie, les agressions sexuelles et la pornographie juvénile.
Je tiens à attirer votre attention sur les résultats d'un sondage. Vous vous rappellerez peut-être le sondage mené au cours de l'Année de la famille. Il s'agit de l'un des sondages les plus exhaustifs effectués ces dernières années. Depuis, pratiquement chaque année, il y a eu des sondages similaires, cette fois sur la question du régime fiscal et de la famille. Effectué par la maison Angus Reid et commandité par le réseau CTV, la Banque de Montréal, le magazine Maclean's et un certain nombre d'autres organisations, ce sondage a révélé clairement que 71 p. 100 des familles avaient un parent qui restait à la maison à l'heure actuelle ou qui souhaitait pouvoir le faire. Soit dit en passant, nous constatons que d'année en année, le résultat de ce sondage se maintient, encore jusqu'à aujourd'hui. Je tenais à le signaler. C'est une minorité de parents qui restent à la maison avec leurs enfants, mais il y a dans la population active un pourcentage imposant de parents qui souhaiteraient rester à la maison et qui ne le font pas à l'heure actuelle. Au total, 71 p. 100 des familles comptent un parent qui reste à la maison ou qui voudrait y demeurer.
Dans le passé, nous avons évoqué certains changements qui s'imposent et je sais que vous avez entendu une multitude d'experts sur le sujet. L'un des domaines où le besoin d'une réforme est le plus criant est celui de la déduction pour frais de garde d'enfants. Nous voudrions que cette déduction soit accessible à tous les parents, indépendamment de leur choix en matière de services de garde. À l'heure actuelle, elle est uniquement accessible aux parents qui fréquentent des garderies qui donnent des reçus. Le problème, bien entendu, c'est qu'un grand nombre de personnes choisissent des services de garde moins formels qu'une garderie offrant des reçus. Elles peuvent faire appel à une grand-mère ou à une voisine ou encore à un service de garde informel qui n'offre pas de reçus. Elles peuvent payer pour faire garder leurs enfants mais, faute de reçu, elles ne peuvent bénéficier de cette déduction.
Nous souhaitons que les critères soient élargis. Les parents assument des frais de garde, peu importe qui assure cette garde, et nous estimons qu'il serait plus équitable d'accorder cette déduction à tous les parents, indépendamment du type de service de garde choisi.
En dernière analyse, il y a lieu de se demander comment assumer le coût de ces mesures qui, en effet, représentent beaucoup d'argent. Leur adoption coûterait des milliards de dollars. C'est vrai qu'il y a un excédent dans le budget fédéral à l'heure actuelle—et c'est une option—, mais il y a d'autres priorités pour lesquelles on envisage d'utiliser cet argent, notamment la réduction de la dette et des allégements fiscaux généralisés. Dans ce cas, d'où viendra l'argent?
Je vous renvoie à une étude effectuée il y a quelques années à l'intention d'un des membres du comité siégeant du côté libéral, M. Szabo. Dans le contexte de cette étude, la Bibliothèque du Parlement s'est livrée à un exercice de simulation fiscale. La question était la suivante: Que se passerait-il si un petit pourcentage de parents qui travaillent à l'heure actuelle et qui touchent la déduction quittaient la population active pour s'occuper de leurs enfants? S'ils étaient en mesure d'agir ainsi, si l'avantage financier lié à l'application généralisée de cette déduction leur permettait de changer de mode de vie et de rester à la maison pour s'occuper d'un enfant, cela serait-il profitable ou nuisible à l'économie?
D'après cette étude, le gouvernement fédéral et d'autres paliers de gouvernement verraient leurs dépenses diminuer sensiblement grâce aux économies réalisées au titre de l'assurance-emploi et de l'assistance sociale. En effet, les postes ainsi libérés sur le marché pourraient être comblés par des personnes qui sont présentement en chômage. Évidemment, ce n'est qu'une hypothèse et nous ne saurons pas vraiment quelle est la réponse tant que cette situation ne se présentera pas, mais il est fort possible qu'une telle mesure puisse coûter beaucoup moins cher au gouvernement que ne le laisserait entendre une analyse linéaire.
Quoi qu'il en soit, nous encourageons le comité à poursuivre ses délibérations pour voir ce qu'il y a lieu de faire pour rendre le régime fiscal plus efficace et, évidemment, alléger le fardeau de toutes les familles.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Stock.
Monsieur Clemenger, je vous prie.
M. Bruce Clemenger (directeur, Affaires nationales, Alliance évangélique du Canada): L'Alliance évangélique du Canada apprécie l'occasion qui lui est donnée de participer à ces discussions sur l'équité fiscale.
L'Alliance évangélique du Canada est une association regroupant quelque 32 confessions religieuses protestantes et autres organismes religieux, des églises et des particuliers. En tant que groupe confessionnel, nous croyons que le rôle de la famille est d'offrir un soutien physique, affectif et spirituel à ses membres. L'importance de la famille s'articule autour de son rôle de soutien et de soins aux enfants, ce que le gouvernement a reconnu dans sa législation.
• 1545
Je ne lirai pas intégralement notre mémoire. J'en ai remis des
exemplaires à la greffière.
Nous insistons beaucoup sur le rôle important de la famille. Nous faisons état des facteurs de stress qui jouent sur la vie familiale—problèmes financiers, manque de temps chronique, pression pour s'acquitter des responsabilités familiales—et nous faisons un lien avec l'éclatement de la cellule familiale, phénomène qui est destructeur pour la société et qui a certes un lourd coût social. Ensuite, nous relevons les diverses initiatives fédérales qui ont été proposées et nous en mettons quelques-unes en relief, dont celles de M. Szabo.
Nous faisons référence au rapport du Comité permanent de la santé intitulé Objectif mieux-être: Stratégies pour assurer la santé des enfants, et ainsi de suite. En fait, nous insistons sur deux points: les services de garde, dont vous entendrez largement parler dans quelques minutes, si je ne m'abuse, et le traitement fiscal des familles.
Pour ce qui est des services de garde, l'une des tâches premières de la famille est de s'occuper de ses membres, ce qui englobe les enfants à charge. Les parents doivent trouver des moyens de s'occuper de leurs enfants et de les faire vivre. La décision d'un parent de rester à la maison pour s'occuper des enfants peut se traduire—ce qui est souvent le cas—par des problèmes financiers importants.
D'après l'Institut Vanier de la famille, les familles de deux adultes et un revenu affichent un taux de pauvreté plus élevé, 27 p. 100, que les familles qui comptent deux parents et deux revenus. Les décisions concernant la garde des enfants sont cruciales. En effet, des études récentes révèlent que les premières années de l'enfance sont cruciales pour le développement de la personne. Il s'agit d'une période critique pour l'apprentissage, la formation de liens affectifs et le développement mental. D'après ces études, il est préférable que cette période de développement qu'est la petite enfance se déroule sous l'oeil attentif des parents.
En outre, les sondages montrent que les Canadiens veulent exercer un choix en matière de garde d'enfants. Étant donné qu'il s'agit d'une décision des plus importantes dans la vie d'une famille, il importe que les parents aient de véritables choix quant à la façon dont ils s'occuperont de leurs enfants.
La déduction pour frais de garde d'enfants qu'offre le régime fiscal considère l'éducation des enfants comme une dépense liée au travail. En effet, cette déduction n'est accessible qu'aux parents qui travaillent. Le parentage ne saurait être considéré comme un coût lié à l'emploi, au même titre que le transport ou le perfectionnement professionnel. Le parentage a un coût financier pour toutes les familles, indépendamment du type de service de garde qu'elles choisissent. Par conséquent, pour véritablement offrir un choix aux parents, il faudra peut-être transformer la déduction pour frais de garde d'enfants en crédit, ce qui le rendrait disponible à toutes les familles chargées d'enfants.
En ce qui concerne le traitement fiscal des familles, l'objectif de la politique fiscale est de s'assurer que les citoyens sont traités équitablement, que le régime fiscal est équitable et efficient. Le régime fiscal est également un véhicule qui permet d'atteindre des objectifs de politique sociale, et il est légitime que la politique sociale vise à assurer le bien-être des familles et des enfants. Compte tenu des avantages liés au fait d'élever des enfants dans des familles intactes, comportant deux parents, particulièrement lorsque les parents sont mariés, le gouvernement devrait trouver des moyens d'encourager et d'appuyer ces familles et de réduire leurs facteurs de stress.
Parmi ces facteurs, citons les problèmes financiers, qui peuvent être atténués grâce au régime fiscal. Sur le plan de l'imposition, il y a une différence fondamentale entre les familles à revenu unique et les familles à double revenu. Lorsqu'ils ont comparu devant le comité, les hauts fonctionnaires du ministère des Finances ont dit que la différence entre l'impôt d'une famille à revenu unique et celui d'une famille à double revenu qui touchent toutes les deux 60 000 $, s'établissait approximativement à 6 000 $. Pourquoi devrait-il y avoir une différence aussi importante entre le fardeau fiscal respectif des familles à simple et à double revenu?
Cela reflète peut-être un problème plus profond, soit la façon dont le régime fiscal reconnaît les soins aux personnes à charge. Nous notons que le régime fiscal traite les couples avec enfants et les couples sans enfant essentiellement de la même manière. On ne tient guère compte des coûts qu'assument toutes les familles pour élever des enfants.
À l'occasion de leur comparution devant le comité, les hauts fonctionnaires du ministère des Finances ont affirmé que si l'on compare deux familles touchant 60 000 $, l'une à revenu unique et avec deux enfants et l'autre sans enfant, les deux paient les mêmes impôts. La seule différence, c'est que le couple avec enfants à charge touchait la prestation fiscale pour enfants, qui se chiffrait à 713 $. Il va sans dire que le coût lié à l'éducation de deux enfants représente beaucoup plus que 713 $ par an pour une famille.
Le régime fiscal ne tient pas compte des coûts liés à l'éducation des enfants. Comme l'a fait remarquer un fiscaliste, «le régime fiscal ne fait aucune différence entre la décision d'avoir des enfants et celle de s'acheter un bateau de luxe». Or, les enfants ne sont pas un article de luxe que les parents peuvent s'acheter à leur guise.
Une hausse des avantages fiscaux consentis aux familles avec enfants à charge augmenterait les coûts du gouvernement. J'estime néanmoins que ce genre de soutien aux familles améliorerait la situation des enfants et partant, les avantages sociaux. Le soutien aux familles chargées d'enfants est une mesure de prévention susceptible d'atténuer le stress familial. À court terme, cela permet de réduire la possibilité de l'éclatement de la famille, ce qui est bénéfique pour les enfants et pour l'ensemble de la société à long terme.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Clemenger.
Monsieur Cleveland, je vous prie.
M. Gordon Cleveland (professeur, département d'économie, Université de Toronto): Je pense que vous avez des exemplaires de mon mémoire. J'en lirai des passages entiers. Je l'ai organisé sous forme de multiples questions. D'ailleurs, j'aborderai certains des sujets qu'ont abordés les témoins précédents, ce qui ne manquera pas d'être intéressant.
• 1550
Je suis économiste de formation et j'exerce à l'Université de
Toronto les fonctions de professeur adjoint et de directeur des
études à la division de la gestion et de l'économie. Mon champ de
recherche est l'économie des services de garde et la participation
des femmes à la population active. Dans le cadre de mon expérience
professionnelle, j'ai déjà été économiste auprès du comité
parlementaire spécial sur la garde d'enfants présidé par la députée
Shirley Martin, au milieu des années 80.
Quelles sont mes principales préoccupations? Essentiellement, j'en ai trois. Je crains que le comité n'ait été amené à croire que la déduction pour frais de garde d'enfants est un privilège spécial pour les familles qui font appel à des services de garde et qu'elle privilégie les familles à deux revenus par rapport aux familles à revenu unique. Au contraire, je pense que la déduction pour frais de garde d'enfants est une disposition clé qui tend à créer l'égalité, c'est-à-dire une égalité horizontale pour ce qui est du traitement fiscal applicable à ces deux types de familles.
Deuxièmement, je crains que le comité n'ait été persuadé que les familles à revenu unique sont plus lourdement taxées à l'heure actuelle que les familles à double revenu et que l'élimination de cette disparité est par conséquent une priorité de la politique familiale et de la politique fiscale. Je ne suis pas convaincu que les familles à revenu unique soient de façon générale plus lourdement imposées, et je vous expliquerai pourquoi.
Troisièmement, je crains que le comité n'ait été amené à croire qu'une déduction fiscale universelle ou une exemption pour enfants serait la meilleure façon pour le gouvernement fédéral de fournir une aide à toutes les familles ayant des enfants. Je crois au contraire qu'il serait préférable, sur le plan des priorités, de financer l'expansion des services préscolaires pour tous les enfants. Ce serait également une meilleure façon de venir en aide aux familles.
La déduction pour frais de garde d'enfants assure l'équité fiscale et non un avantage fiscal. Elle a été recommandée à l'origine par la Commission d'enquête Carter sur la fiscalité dans les années 60. Elle a été conçue pour assurer une certaine équité fiscale dans le traitement des familles qui se prévalent de services de garde d'enfants, par rapport aux familles qui assurent elles-mêmes ces services. La déduction pour frais de garde d'enfants est nécessaire parce que les parents qui restent à la maison, habituellement les mères, et qui offrent des services de garde valables, ainsi que d'autres services à leur famille, ne sont pas imposés sur la valeur de cette production.
Évidemment, il serait très difficile de chiffrer exactement la valeur de la production domestique, que ce soit pour les soins aux enfants ou d'autres services. Par conséquent, personne, moi y compris, ne recommanderait d'imposer la valeur de la production domestique. Cependant, il faut reconnaître que la non-imposition de la production domestique crée un avantage fiscal important pour les familles où un seul des conjoints travaille. En fait, c'est l'argument fondamental qui a dicté la façon dont le régime fiscal traite à l'heure actuelle les familles à simple et double revenus.
La déduction pour frais de garde d'enfants vise à compenser partiellement l'important avantage fiscal conféré aux familles à un seul soutien. Étant donné que ces familles ne paient pas d'impôt sur la valeur des services de garde fournis à domicile, la déduction pour frais de garde d'enfants supprime les impôts sur les frais de garde que doit payer une mère lorsqu'elle accède au marché du travail rémunéré. Par conséquent, la déduction pour frais de garde d'enfants vise à faire en sorte que le régime fiscal traite équitablement les familles à deux revenus et à un seul revenu en ce qui a trait à la garde d'enfants.
Voilà mon premier argument au sujet de l'équité. Le deuxième consiste à se demander si ce premier point a beaucoup d'importance.
L'élimination de la déduction pour frais de garde d'enfants constituerait une forme punitive de discrimination fiscale à l'endroit des mères qui travaillent. À mon avis, cela aurait pour effet de forcer les mères de jeunes enfants à quitter la population active. Il arrive souvent que l'on comprenne mal les répercussions potentielles de l'élimination de la déduction pour frais de garde d'enfants ou de sa réduction car, de façon générale, les commentateurs calculent incorrectement l'effet de cette déduction.
Je sais que ce genre d'exercice ne me rend guère populaire auprès de mes étudiants, et que ce sera la même chose avec vous, mais permettez-moi de faire quelques calculs pour illustrer l'incidence de la déduction pour frais de garde d'enfants. J'essaierai de faire en sorte que cela soit aussi simple que possible.
Prenons le cas d'une mère d'enfant d'âge préscolaire qui dépense 7 000 $ par an en services de garde. Supposons que cette mère, pour simplifier les choses, ait un taux d'imposition marginal de 50 p. 100. C'est une mère dont le revenu est élevé. Je choisis cet exemple uniquement parce que 50 p. 100 est un pourcentage qui facilite le calcul. Je vais vous donner des chiffres plus réalistes dans un instant.
• 1555
En l'absence de la déduction pour frais de garde d'enfants,
quel revenu cette mère devra-t-elle gagner simplement pour payer
ses frais de garde? Elle devra gagner 14 000 $ de plus pour payer
les 7 000 $ de frais de garde d'enfants. Si elle gagne 14 000 $ de
plus, dont la moitié disparaît en impôt—souvenez-vous qu'elle est
assujettie à un taux d'imposition marginal de 50 p. 100—, il lui
reste 7 000 $ pour payer ses frais de garde. Avec la déduction pour
frais de garde d'enfants, elle doit uniquement gagner 7 000 $ de
plus pour payer 7 000 $ de frais de garde. Sans la déduction, elle
devrait gagner 14 000 $ de plus.
J'estime qu'il est injuste de percevoir des impôts sur un revenu qui sert à payer des services de garde rendus nécessaires par le fait d'avoir un emploi. Le revenu qui sert à payer les frais de garde d'enfants n'est pas véritablement un revenu discrétionnaire pour la famille et ne devrait pas faire partie de l'assiette de l'impôt. La déduction pour frais de garde d'enfants a simplement pour effet de soustraire ce revenu de l'assiette de l'impôt avant que s'applique le taux d'imposition.
Je vous ai dit que je vous donnerais des estimations plus réalistes. Dans le cas d'une mère à faible revenu, le coût de 7 000 $ pour les services de garde serait 9 333 $. Autrement dit, cette femme devrait gagner 9 333 $ de plus, à un taux d'imposition de 25 p. 100 pour qu'il lui reste 7 000 $ pour payer ses frais de garde. C'est ce qui se passerait en l'absence de la déduction pour frais de garde d'enfants. Grâce à cette déduction, cette mère ne doit payer que 7 000 $ pour obtenir 7 000 $ de frais de garde. Elle n'est pas tenue de gagner 9 333 $ pour payer 7 000 $ de frais de garde. Quant à une mère à revenu moyen, elle devrait gagner 11 600 $ pour payer 7 000 $ de frais de garde.
Il est évident, d'après ces calculs, que la déduction pour frais de garde d'enfants n'abaisse pas le prix des services de garde. Il demeure à 7 000 $. La déduction permet de ne pas payer d'impôt sur le revenu qui sert à acheter des services de garde facilitant l'emploi. L'élimination ou la réduction de la déduction pour frais de garde d'enfants imposerait un fardeau sensiblement plus lourd à la fois aux mères de familles à double revenu et aux chefs de familles monoparentales. Un grand nombre de mères jugeraient qu'il ne vaut plus la peine de travailler. Cela aurait des conséquences sérieuses pour le revenu des familles et la situation financière des gouvernements.
En tant qu'économistes, nous savons que pour une mère, la décision d'aller sur le marché du travail est extrêmement délicate. Il existe une forte élasticité de la main-d'oeuvre disponible. C'est une décision qui est sensible aux différences en matière d'impôt, de revenu et ainsi de suite, de sorte que la façon dont nous traitons la déduction pour frais de garde d'enfants a beaucoup de poids.
Je vais passer le point cinq. Il s'agit d'une citation du ministère des Finances reprenant précisément la position qui est la mienne, soit que la déduction pour frais de garde d'enfants assure la neutralité entre les deux types de familles et ne favorise pas les familles à double revenu par rapport aux familles à simple revenu. Sans la déduction pour frais de garde d'enfants, le régime fiscal défavorisera les familles à double revenu au lieu d'être équitable. D'ailleurs, Andrew Coyne appuie cette position. Des représentants de presque tous les points du spectre politique appuient cette position sur la déduction pour frais de garde d'enfants, mais malheureusement en nombre insuffisant.
Je pense qu'il n'est pas du tout évident qu'en général, les familles à soutien unique sont plus lourdement imposées que celles à deux soutiens. Il est vrai que les familles à un soutien paient davantage d'impôt sur le revenu que les familles à deux soutiens, mais il n'est pas évident que cela soit injuste à leur endroit.
Votre comité a sans doute pris connaissance des calculs du ministère des Finances dans le mémoire soumis à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies à la suite des questions soulevées par Beverley Smith. Il vaut la peine de revoir ces calculs. Je ne vous les présente pas, car je suppose qu'ils ont fait partie de la discussion du comité.
On fait un calcul mettant en scène Dennis et Julie d'une part et Louis et Sandra d'autre part. Dennis et Julie forment une famille à un soutien qui gagne 60 000 $. Louis et Sandra représentent une famille à deux soutiens gagnant au total 60 000 $ à eux deux. D'après ce calcul, la famille à un soutien paie environ 4 000 $ de plus en impôt sur le revenu, en faisant abstraction de la déduction pour frais de garde d'enfants mais au bout du compte, la famille à deux soutiens se retrouve avec un salaire réel d'environ 4 400 $ de moins que la famille à un soutien, après avoir payé ses frais de garde. Ces calculs ne prennent même pas en compte la valeur additionnelle que représente pour la famille à un seul revenu le travail non imposé et non rémunéré que fournit Julie au ménage. Même si la valeur de ce travail domestique ne représentait que 10 000 $ par année, il s'ensuit que la famille de Dennis et Julie se retrouverait avec 15 000 $ de plus que la famille à double revenu de Louis et Sandra. En l'occurrence, où est l'iniquité envers la famille à un seul revenu?
• 1600
Il serait préférable de financer le réseau de services
préscolaires destiné à l'ensemble des jeunes enfants plutôt que de
donner davantage d'argent directement aux parents. Dans le contexte
de ce bref exposé, je n'ai pas vraiment eu le temps d'énoncer
entièrement mes vues sur le traitement des enfants et des familles
avec enfants dans le Canada d'aujourd'hui. En général, j'estime que
la société se doit de consacrer davantage de ressources aux soins
et à l'éducation des enfants, et surtout des enfants d'âge
préscolaire.
Il est peut-être vrai, comme mes collègues l'ont mentionné, que 71 p. 100 des familles aimeraient s'occuper de leurs enfants à la maison, mais de façon générale, elles ne le font pas. En fait, d'après les chiffres, plus de 75 p. 100 de tous les enfants canadiens entre 18 mois et cinq ans inclusivement sont gardés à l'heure actuelle par d'autres personnes que leurs parents chaque semaine. Malheureusement, ces arrangements se limitent souvent à l'aspect garde et ne sont guère stimulants. Ce sont des arrangements qui ne tirent pas parti—mes collègues l'ont souligné—du potentiel très riche des jeunes enfants, de leur capacité de s'épanouir sur les plans intellectuel, social et affectif.
Auparavant, la plupart des jeunes enfants étaient gardés par leur mère à la maison pendant la semaine. Tel n'est plus le cas, et il n'y a guère de possibilité que ce passé puisse être ressuscité. D'excellentes études montrent que tous les enfants, qu'ils aient un parent à la maison pendant la semaine ou non, peuvent bénéficier énormément d'une participation à un programme préscolaire de bonne qualité avec d'autres enfants.
Je considère que l'usage le plus prudent des fonds publics limités disponibles pour la petite enfance consisterait à subventionner généreusement l'accès à des services éducatifs de qualité pour les jeunes enfants, indépendamment du statut professionnel de leurs parents.
Je suis à la disposition du sous-comité pour préciser l'un ou l'autre de ces arguments ou points de vue.
Le président: Monsieur Cleveland, je suis sûr que vous avez suscité beaucoup d'intérêt.
Et pour conclure, monsieur MacKnight, je vous prie.
M. Robin J. MacKnight (directeur, Association canadienne d'études fiscales): Je n'envie pas les membres du sous-comité qui devront tenter de dérouler l'écheveau emmêlé d'une politique sociale incohérente et apparemment contradictoire. Votre tâche relève tout autant de la politique sociale que de la politique fiscale.
L'impôt sur le revenu des particuliers peut être—et a été—conçu pour offrir diverses solutions à divers problèmes de nature sociale. Cependant, les législateurs et les responsables des politiques doivent avoir une bonne idée de la façon dont la collectivité souhaite façonner les enjeux politiques et sociaux. Pourquoi devriez-vous nous écouter?
L'Association canadienne d'études fiscales a été fondée en 1945. Il s'agit d'une organisation de recherche fiscale indépendante, financée par ses membres, plus de 7 800 au total, qui comprennent des fiscalistes, des avocats, des comptables, des économistes, des universitaires et des hauts fonctionnaires gouvernementaux. Son mandat consiste à promouvoir le débat sur le meilleur régime fiscal et les meilleures politiques fiscales pour le Canada. Nous ne défendons aucun enjeu en particulier. Nous voulons simplement susciter un débat. Dans ce contexte, il importe de noter qu'aux fins de l'impôt sur le revenu des particuliers, l'unité fiscale, à tout le moins au Canada, a toujours été l'individu.
Lorsque l'impôt sur le revenu a vu le jour en tant que mesure temporaire en 1918, l'unité fiscale était le particulier. Lorsque la première conférence sur la réforme fiscale a eu lieu en 1923, l'un des sujets de débat a été le traitement fiscal qu'il convenait d'accorder à l'unité familiale. Lorsque le régime fiscal canadien a fait l'objet d'une analyse critique 40 ans plus tard, dans les années 60, sous l'égide de la Commission Carter, cette question est revenue sur le tapis. Au cours du débat qui a suivi, le consensus a été que le Canada n'était pas prêt à adopter l'unité familiale aux fins de l'imposition et le particulier est resté l'unité fiscale.
En l'absence d'un débat éclairé et ouvert sur la question de l'unité fiscale appropriée, la conception de l'ensemble du régime fiscal ne changera pas. L'absence de changement ne devrait pas être considérée comme une indication que le système actuel est le meilleur ou même qu'il est acceptable. Il signifie simplement que personne n'a proposé de meilleure solution.
Depuis la dernière fois où cette question a fait l'objet d'un examen, il y a eu de profonds changements dans les attitudes sociétales à l'égard du travail, de la retraite, du partage du revenu, de la redistribution du revenu, de l'éducation et de la nature de la cellule familiale elle-même. Au cours des 30 ans qui se sont écoulés depuis le rapport de la Commission Carter en 1967, certains de ces changements ont donné lieu à des politiques gouvernementales qui ont été reflétées dans le régime fiscal. De nombreux gouvernements différents ont mis en place de nombreuses politiques différentes qui ont une incidence sur la famille. L'un des problèmes auxquels nous nous heurtons à l'heure actuelle tient précisément à l'absence d'une politique déterminante cohérente en ce qui a trait à l'imposition des membres de la famille. Nous avons créé une mosaïque de politiques et d'objectifs parfois contradictoires.
• 1605
Les nombreux changements apportés par l'État en matière de
soutien aux enfants ont engendré un système qui offre aux enfants
dans le besoin beaucoup plus de soutien qu'il n'avait été prévu à
l'origine avec le régime des allocations familiales et de la
déduction pour enfants. Les mesures traditionnelles d'aide
destinées à tous les enfants ont fait place à un soutien accru pour
ceux qui sont dans le besoin et qui fréquentent ou envisagent de
fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.
Si le système actuel semble avoir un parti pris inhérent contre certains groupes, les mesures qui ont donné lieu à ces partis pris apparents ont été instaurées dans le but d'éliminer des cas de partialité encore plus graves à l'endroit d'autres groupes. Dans le cadre de son examen des options de changement, votre comité ne devrait pas supposer que le statu quo représente le consensus de la collectivité ou même le résultat d'une politique fiscale délibérée. Il se peut fort bien qu'un courant ou une nouvelle orientation ait produit des conséquences inattendues. Il se peut aussi que le laissez-faire ait donné lieu au meilleur compromis pour ces problèmes épineux.
J'aimerais parler de trois aspects du problème de l'imposition de la famille. Le premier est le taux marginal d'imposition élevé appliqué aux personnes qui entrent sur le marché du travail ou qui y retournent. Le deuxième est la discrimination entre les familles à simple ou double revenu, lequel est aggravé par le problème du taux d'imposition. Et le troisième est le fait qu'on ne reconnaît pas les coûts que doivent assumer les parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants.
En ce qui concerne le premier aspect, le taux d'imposition, le régime fiscal canadien a toujours été fondé sur l'imposition du particulier et de ses personnes à charge. Lorsque plus d'un membre d'une famille a des sources de revenus différentes, chaque membre est imposé séparément. Dans le cadre d'une structure d'impôt progressif, chaque membre de la famille tire pleinement parti des faibles taux d'imposition appliqués au revenu en deçà de la tranche supérieure. Cette situation semble conférer un avantage à la famille qui compte deux soutiens par rapport à une famille semblable ayant le même revenu total et un seul soutien. L'un des pires désavantages liés à l'imposition de la famille par opposition au particulier, c'est qu'à moins qu'il y ait deux barèmes pour les divers types de familles, le conjoint qui vient d'entrer ou de retourner sur le marché du travail est dans les faits imposé au taux marginal supérieur, ce qui constitue un obstacle de taille à l'entrée ou au retour sur le marché du travail, comme vient de l'expliquer M. Cleveland.
La position des gouvernements qui se sont succédé depuis 30 ans n'a pas changé, mais la société canadienne, la main-d'oeuvre et le régime fiscal, eux, ont évolué. Il est devenu courant que des femmes mariées et des mères travaillent et le régime fiscal a changé pour reconnaître cette réalité. L'introduction d'une déduction pour frais de garde d'enfants en 1972 a été la première réforme fiscale visant à régler le problème des pères et des mères qui travaillent. Les changements subséquents ont multiplié les économies d'impôt dont peuvent bénéficier les parents qui doivent payer pour des services de garde.
À mesure qu'il devenait plus courant pour les deux parents de travailler, la société a commencé à se préoccuper davantage d'assurer un traitement équitable aux conjoints effectuant un retour au travail. Les responsables de la politique fiscale se sont inquiétés du taux marginal d'imposition élevé applicable au petit revenu des femmes lorsqu'elles gagnaient suffisamment pour réduire la prestation de conjoint de leur mari. Souvent, la réduction de la prestation fiscale, alliée à l'impôt sur les gains de la femme, se traduisait par un taux d'imposition très élevé. Chose certaine, ces nouveaux venus sur le marché du travail ne pouvaient faire concurrence aux particuliers. Le problème a été réglé par un revenu admissible très faible pour le conjoint, allié à un seuil plus généreux pour l'impôt, mais la menace demeure. Si le conjoint qui retourne au travail influe sur la situation fiscale du conjoint qui travaille déjà, il y a une différence énorme entre la situation fiscale des personnes mariées ou célibataires qui entrent ou retournent sur le marché du travail.
La structure de notre système est telle que le taux marginal fait un bond considérable juste au moment où les particuliers commencent à toucher des niveaux de revenu qui ne sont que moyens. L'effet est exagéré lorsque la personne qui réintègre le marché du travail gagne un revenu moyen et doit faire face à un taux d'imposition élevé, en sus des prélèvements fiscaux additionnels au titre du régime de pensions du Canada ou du Québec et de l'assurance-emploi, sans compter la récupération des crédits provinciaux ou fédéraux remboursables pour enfants ou encore le fardeau des taxes de vente ou des taxes foncières.
Nous continuons d'être schizophrènes dans notre traitement de la famille. Même si le particulier est la base de l'impôt sur le revenu, les régimes de pensions du Canada et du Québec, l'assurance-emploi et le revenu familial sont les facteurs qui déterminent les prestations fiscales pour enfants, tant au niveau fédéral que provincial, le crédit remboursable de la TPS ainsi que les programmes de crédit remboursable des provinces.
• 1610
Le débat actuel sur la meilleure façon d'imposer la famille
doit dépasser la simple question du partage du revenu et
l'interaction de l'impôt sur le revenu, des prélèvements pour la
sécurité sociale et de la récupération des avantages sociaux. Si
nous embrassons un système entièrement fondé sur la famille, que
va-t-il se passer pour les autres membres de la famille? Les
enfants adultes qui restent à la maison vont-ils faire partie de
l'unité d'imposition de la famille, particulièrement s'il y a une
véritable mise en commun des ressources? La même chose
s'appliquera-t-elle dans le cas de parents âgés qui vivent avec
leurs enfants afin de bénéficier de soins convenables sans recourir
à des établissements publics coûteux? Et comment traiter les frères
et soeurs qui habitent ensemble?
Si vous me permettez d'aborder maintenant la question de la discrimination, je vous dirai que le traitement équitable des familles risque d'être tout aussi offensant à d'autres égards du régime fiscal. Les cotisations au RPC ou au RPQ et à l'AE font doubler le coût de la sécurité sociale pour le couple dont les deux conjoints travaillent une fois qu'ils ont atteint des niveaux de revenu maximums. Cette discrimination est en partie compensée par le fait que ces derniers pourront tirer parti du double des avantages. De même, le seuil maximum des contributions autorisées pour les pensions et les REER pourrait jusqu'à doubler les économies de retraite pour les familles à deux soutiens, réduisant ainsi considérablement l'avantage lié au REER de conjoint aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Dans tous les cas, ces avantages additionnels conférés aux couples à deux revenus sont majorés par le partage du revenu possible lorsque les avantages sont imposés. Si tous ces aspects du régime fiscal étaient convertis selon une base familiale, le problème des taux d'imposition deviendrait encore une fois critique. Si le taux marginal applicable à un deuxième salarié est plus élevé que le taux applicable à un contribuable célibataire, ce dernier fait l'objet d'une discrimination inhérente. En effet, il constate qu'après impôt, le coût de ses déductions au titre des pensions, des REER, des services de garde, par exemple, est plus élevé que celui de son homologue marié.
Jusqu'où pouvons-nous aller dans notre quête d'égalité? De toute façon, comment définir l'égalité? L'apparente discrimination du système actuel peut être renversée si le conjoint qui reste à la maison dans une famille est considéré comme n'ayant pas touché un revenu réel, mais un revenu théorique, qui pourrait alors être imposé. Si tel était le cas, la famille à un salarié serait carrément privilégiée, comme l'a fait remarquer M. Cleveland. Cependant, au Canada, nous avons toujours répugné à imposer un revenu théorique. C'est une théorie intéressante, mais une politique désastreuse.
Passons maintenant à la troisième question, soit le fardeau que représentent les enfants et le parent qui reste à la maison. Le Canada ne reconnaît pas les enfants comme un fardeau pour leurs parents. Si le revenu familial est suffisamment élevé, les prestations fiscales pour enfants ne sont plus offertes. Contrairement à bon nombre de nos concurrents, nous n'offrons dans le régime fiscal aucun allégement au titre des enfants à charge; en effet, nos ressources ont été remobilisées au début des années 90 afin de canaliser toute l'aide gouvernementale destinée aux enfants par le biais des crédits d'impôt pour enfants. On croyait à ce moment-là que le problème de la pauvreté des enfants justifiait une justice aussi approximative. Maintenant que nous entrevoyons la possibilité d'une réduction du fardeau fiscal global, le moment est peut-être venu de réorienter certaines de nos ressources vers les familles à revenu élevé—si ce n'est déjà fait.
L'enrichissement du régime enregistré d'épargne-études offre sans doute une aide précise aux familles qui estiment qu'il leur incombe de favoriser l'éducation de leurs enfants, responsabilité qui se conjugue à merveille au souci de l'État de se doter d'une main-d'oeuvre plus scolarisée. Les crédits d'impôt au titre des études postsecondaires et de l'éducation permanente facilitent la réalisation des objectifs de la famille et de la nation, mais la réalité étant ce qu'elle est, seules les familles à revenu élevé peuvent tirer parti de ces programmes.
Le dernier irritant pour beaucoup de familles à soutien unique est l'absence de mesures comparables à la déduction des frais de garde d'enfants qui est accordée aux familles à deux revenus. On semble ainsi ne pas reconnaître ce qu'il en coûte d'avoir un parent qui reste à la maison, ce qui semble constituer une forme de discrimination à l'égard de ceux qui accordent une grande valeur à la famille et au foyer. En fait, en ne tenant pas compte du revenu théorique que gagne cette famille en ayant quelqu'un qui ne fait pas partie de la main-d'oeuvre rémunérée, on donne à la famille à un seul soutien un avantage important mais extrêmement abstrait. Le problème semble demander l'ajout d'une déduction ou d'un crédit pour les parents qui restent à la maison, tout comme c'est le cas pour le taux d'imposition. Les décideurs politiques doivent être conscients des ressources qui sont actuellement consacrées aux enfants au moyen de la prestation fiscale pour enfants et des avantages qu'il y a à renforcer ce programme tout en augmentant de façon concomitante l'argent mis à la disposition de toutes les familles dans le cadre d'un programme enrichi dont les prestations commencent à diminuer à un niveau plus élevé de revenu.
Le système actuel fournit aussi des ressources aux familles à revenu élevé au moyen du programme REEE, étant donné l'importance qu'accordent à l'éducation supérieure le gouvernement actuel et les familles qui constituent l'audience cible de ce programme, mais il serait peut-être peu judicieux de détourner des ressources des arrangements actuels en direction des familles qui ne bénéficient pas actuellement de ce programme.
En bref, votre sous-comité s'est vu confier une tâche très difficile, beaucoup plus complexe qu'elle ne peut sembler à première vue. Il faut essentiellement résoudre deux grandes questions sociales. La première consiste à savoir dans quelle mesure il faudrait reconnaître davantage les familles qui ont des enfants et dans quelle mesure les programmes existants ne viennent pas en aide à la famille canadienne moyenne avec enfants.
• 1615
La deuxième question fait intervenir un problème beaucoup plus
fondamental: l'assiette de l'imposition. Le système actuel reflète
un certain nombre de priorités qui sont peut-être celles d'une
époque révolue. Si la nation peut se mettre d'accord sur l'égalité
entre la famille à un seul soutien et la famille qui a deux
soutiens ou plus, il deviendra peut-être moins critique d'établir
le traitement approprié des enfants et des frais de garde
d'enfants.
À mesure que les finances fédérales continuent de s'assainir, une réduction globale du fardeau d'imposition devient plus probable. C'est dans ce contexte que la question du traitement fiscal équitable de la famille est encore un autre exemple de la sagesse de faire une réforme fiscale avant de réduire les impôts. S'il faut apporter des changements dans le domaine de la fiscalité des familles, ces changements devraient être combinés à une réduction du fardeau fiscal, de manière que les gagnants puissent se frotter doucement les mains, tandis que les perdants économiseraient eux aussi de l'argent.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur MacKnight.
Nous allons commencer, chers collègues, par une ronde de dix minutes.
[Français]
Monsieur Cardin, s'il vous plaît.
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Bonjour, messieurs, et merci de vos présentations. Nous recevons des témoins depuis plusieurs jours. À vous quatre, vous avez passé en revue plusieurs des éléments dont nous ont fait part les autres témoins.
Je rejoins personnellement M. Cleveland lorsqu'il dit ne pas voir d'iniquité dans la situation telle que présentée dans l'énoncé du mandat; je n'en vois pas non plus. Par contre, les témoins nous ont quand même dit que les familles se sentaient un peu défavorisées, et c'est pour cela que l'élément famille est important dans l'énoncé.
En entendant des témoins, nous nous sommes rendu compte que les gens voudraient que nous orientions de plus en plus nos actions vers les enfants, vers les familles ayant des enfants. Durant toute la semaine où nous avons fait des consultations, on nous a dit que certaines personnes veulent élever leurs enfants à la maison alors que d'autres sont prêtes à travailler et à les faire garder, et on ne voudrait pas que le gouvernement oriente les gens vers un choix ou un autre mais plutôt qu'il les appuie dans leur choix.
Les gens intéressés à aller sur le marché du travail demandent un service de garde de qualité et de l'aide à la petite enfance, alors que ceux qui demeurent à la la maison, dans un contexte de services de garde fortement subventionnés par le gouvernement, voudraient une prestation de services de garde à leurs propres enfants.
La question du travail non rémunéré a été soulevée. Les gens voudraient que ce travail soit reconnu. Au même titre qu'une personne qui travaille à l'extérieur peut déduire des frais de garde d'enfant, celle qui demeure à la maison pourrait aussi avoir un avantage similaire orienté surtout vers l'enfant.
Il y a donc une multitude de possibilités et d'éléments à prendre en considération. Pour les gens qui désirent rester à la maison de façon temporaire, il y a aussi les congés parentaux.
En ce qui concerne le travail rémunéré, on a de la récupération à faire au niveau de l'exemption de base, autant l'exemption personnelle que celle pour la personne mariée; on est vraiment loin de se rapprocher du coût de la vie réel. Aucun ajustement n'est fait. On a souvent parlé des enfants pauvres, mais on nous a dit, au comité, qu'il n'y avait pas d'enfants pauvres mais des parents pauvres. S'il y avait des ajustements au niveau des exemptions de base, il y aurait un remboursement d'impôt.
Il pourrait y avoir, au niveau du travail non rémunéré, une reconnaissance ou un salaire présumé qui permettrait à la personne à la maison d'être reconnue aux fins de sa participation à un REER, au Régime de pensions du Canada ou au Régime des rentes du Québec.
J'ai énuméré rapidement plusieurs situations et plusieurs possibilités. J'aimerais vous entendre sur le travail rémunéré, la reconnaissance du travail non rémunéré et l'opportunité de mettre davantage l'accent sur l'aide directe orientée vers les enfant et non pas nécessairement vers les parents. Les enfants pourraient également faire l'objet d'une exemption de base supplémentaire en fonction de l'âge; on sait que les coûts sont différents selon l'âge.
• 1620
Donc, de façon générale, je vous demande si vous
partagez l'orientation qu'adoptent de plus en plus de
gens, voulant qu'on aide les enfants et non
pas nécessairement les parents.
[Traduction]
Le président: Professeur Cleveland, je vous prie.
M. Gordon Cleveland: Vous avez certainement soulevé beaucoup de questions, mais je suis d'accord avec vous pour dire que le comité doit se pencher sur les besoins de toutes les familles, pas seulement un type de famille, et qu'il y a des besoins très différents.
Je suis professeur d'économie; j'ai des responsabilités. Vous êtes politiciens et vous avez donc vous aussi des responsabilités. L'une de vos responsabilités est de vous pencher sur la disjonction entre la réalité et la croyance populaire et il y a là une disjonction très importante, surtout en ce qui concerne les questions à l'étude. Par exemple, beaucoup de témoins peuvent venir vous parler du manque de reconnaissance des mères ou des parents qui restent à la maison. Du point de vue de l'économiste, il y a des tonnes de reconnaissances du fait qu'une certaine valeur est produite à la maison et qu'elle fait l'objet d'une déduction pleine et entière, pas seulement d'une déduction limitée, mais d'une déduction complète. Il n'y a en effet aucun impôt sur le travail à la maison. C'est une reconnaissance énorme, en un sens, de la valeur de ce travail.
Si, comme vous semblez le laisser entendre, Robin, il y avait en fait un revenu théorique quelconque et que vous trouviez le moyen de chiffrer la valeur de ce que les gens produisent à la maison, alors les familles que nous appelons à revenu unique seraient désormais imposées beaucoup plus lourdement. Vous trouveriez le moyen de calculer la valeur de la production du parent à la maison et la famille en question serait beaucoup plus imposée qu'elle ne l'est actuellement. Eh bien, ce n'est pas ainsi que notre système fonctionne. Mais étant donné cette reconnaissance accordée par le régime fiscal, les familles à soutien unique sont, dans les faits, imposées plus lourdement que les familles à deux revenus, afin de reconnaître qu'en fait, les premières ont une ressource productive au foyer.
Vous avez soulevé des questions au sujet des exemptions au titre des enfants et vous avez demandé si l'aide devrait plutôt être accordée aux enfants. Je suis d'accord pour dire que l'aide devrait probablement, dans bien des cas, cibler directement les enfants, parce que bon nombre des problèmes dont on pourrait discuter sont des problèmes mettant en cause la façon dont les enfants eux-mêmes sont soignés, élevés, etc. On peut se demander si l'aide qui est accordée entièrement à la famille bénéficie en bout de ligne aux enfants. C'est donc une préoccupation valable à l'égard de toute recommandation que le comité pourra formuler, je veux dire que l'aide accordée doit en fin de compte bénéficier aux enfants. Et c'est une préoccupation majeure.
C'est l'un des éléments qui m'incite à croire que des services à la petite enfance pour tous les enfants seraient peut-être une solution. Ma réflexion... vous avez peut-être entendu parler du récent rapport publié en Ontario par Fraser Mustard et le juge McCain du Nouveau-Brunswick qui ont recommandé que des services à la petite enfance—ils ont parlé de centres d'épanouissement des jeunes enfants et des habiletés parentales—soient établis partout en Ontario pour tous les enfants, peu importe que les enfants restent à la maison ou que leurs deux parents soient sur le marché du travail. On y traite des récents travaux sur le cerveau et de l'importance des premières années pour le développement de l'enfant, expliquant que ces années sont critiques pour le développement de l'enfant d'âge préscolaire, et c'est un secteur négligé. Dans cette optique, je conviens avec vous que l'aide devrait être accordée aux enfants le plus directement et efficacement possible.
M. Bruce Clemenger: Sur ce dernier point, professeur, nous ne sommes pas d'accord. À nos yeux, l'unité primordialement responsable d'élever les enfants, c'est la famille, non pas l'État ni aucun autre type d'association. Nous trouvons que tout rajustement doit d'abord viser à mieux permettre aux familles, surtout aux familles à faible revenu, de répondre aux besoins de leurs enfants directement, à titre de parents. Si l'on veut accorder des mesures additionnelles ciblant directement les enfants, elles doivent s'inscrire dans la foulée du soutien offert à la famille. C'est la famille qui doit bénéficier en premier des efforts dans ce domaine car c'est elle qui assume à notre avis la responsabilité primordiale d'élever les enfants. Nous pourrions peut-être envisager ensuite d'autres types de programmes.
Le président: Avez-vous une autre question? Je vous laisse quelques autres minutes si vous le voulez.
M. Serge Cardin: L'aide est accordée directement aux enfants, mais c'est la famille qui la gère. C'est basé sur les besoins réels de l'enfant et pas nécessairement sur la situation des parents.
Monsieur Cleveland, vous avez de la facilité à jongler avec les chiffres. Vous dites que les personnes à la maison ne sont pas taxées sur la valeur du travail qu'elles font. J'ai de la difficulté à admettre cela parce qu'il faudrait quand même que quelqu'un en obtienne la déduction.
Supposons qu'on reconnaisse le travail à la maison et qu'on parle d'un salaire, selon la situation. Un conjoint ou une conjointe est à la maison et prend soin de deux ou trois enfants, et on lui reconnaît un salaire réputé qui pourrait servir au calcul du revenu du couple; à ce moment-là, l'autre conjoint pourrait être taxé pour cela. Son taux marginal d'imposition en serait affecté. Donc, à ce niveau-là, un montant serait récupéré. Cependant, quand on taxe quelqu'un qui produit un travail non rémunéré, ce n'est pas un cadeau qu'on lui fait.
[Traduction]
M. Gordon Cleveland: J'en conviens parfaitement. Je comprendrais tout à fait qu'à titre de politicien, vous refusiez d'aborder cette question. L'idée même de taxer les ménages sur la valeur théorique du travail domestique est inacceptable au départ et personne ne l'envisage. Ce que je veux dire, en fait, c'est qu'à mon avis, on ne peut pas comprendre l'imposition des familles à revenu unique dans notre régime fiscal sans reconnaître qu'elle fait partie intégrante du système. Si vous prenez une famille à revenu unique qui gagne 60 000 $ et que vous la compariez à une famille à deux revenus qui gagne 60 000 $, vous faites une mauvaise comparaison. La famille à revenu unique qui gagne 60 000 $ est en meilleure posture que celle qui gagne 60 000 $ au total de deux revenus, parce qu'elle a une source supplémentaire de revenu potentiel, de production, qui n'est pas prise en compte quand on énonce simplement le chiffre du revenu, qui est de 60 000 $. D'où l'importance de ce point. Je n'essaie pas de dire qu'il faut l'imposer, mais c'est un élément clé qui nous aide à comprendre pourquoi le régime est ainsi fait.
Par ailleurs, il y a la déduction pour frais de garde d'enfants. Mes amis ici ont eu tendance à dire que les familles à revenu unique devraient se voir accorder le même traitement fiscal pour la garde des enfants que les familles à deux revenus, et qu'il y a là quelque chose de très injuste. À ma connaissance, les deux familles se voient accorder le même traitement fiscal actuellement. Autrement dit, la déduction pour frais de garde d'enfants permet de ne pas prélever d'impôt sur les 7 000 $ qu'a coûtés la garde des enfants. Si vous gardez les enfants dans votre propre maison, vous n'êtes pas non plus imposé sur la valeur de ces services de garde d'enfants que vous fournissez. Par conséquent, la situation pour la déduction des frais de garde est tout à fait équivalente quant au traitement des deux familles.
Je dirai donc à mes amis que je suis entièrement d'accord pour que ces deux familles soient traitées également, et elles le sont, pour ce qui est de la garde des enfants. C'est la raison même de la déduction des frais de garde d'enfants. Si vous retournez demander au ministère des Finances de vous expliquer la raison d'être de cette déduction, c'est exactement ce que l'on va vous dire: un traitement équitable des frais de garde d'enfants payés par la femme qui entre sur le marché du travail, en comparaison du régime fiscal qui s'appliquait à cette femme quand elle restait à la maison.
Le président: Merci, monsieur Cleveland.
Monsieur Herron, vous avez dix minutes.
M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président. Merci beaucoup de vos exposés. Je suis fort heureux d'avoir entendu vos points de vue. Nous avons entendu un grand nombre de points de vue différents d'un bout à l'autre du pays et, bien que nous disions n'avoir rien entendu de nouveau, chaque fois que nous entendons un exposé, nous découvrons une nuance que nous n'avions pas envisagée.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Je m'excuse d'interrompre, mais Mme Redman doit aller à un autre comité.
M. John Herron: Je me ferai un plaisir de céder la parole à ma collègue si elle doit partir et si elle veut poser ses questions tout de suite.
M. Paul Szabo: Je pense qu'elle avait une ou deux questions à poser. Êtes-vous d'accord?
M. John Herron: Si le président y consent.
Le président: Très bien, madame Redman, vous avez la parole.
Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Je remercie mon collègue de m'avoir cédé son temps de parole.
• 1630
Monsieur Cleveland, j'ai bien aimé votre présentation, parce
que je crois que l'un des défis, quand on se penche sur un aspect
quelconque du gouvernement, c'est de jeter un regard neuf sur la
question, et vous nous avez présenté un point de vue que nous
n'avons pas beaucoup entendu jusqu'ici.
Vous parlez de la déduction pour frais de garde d'enfants. Nous avons notamment appris durant les audiences de notre comité que seulement 17 p. 100 des gens qui y ont droit réclament en réalité cette...
M. John Herron: Vous ne pouvez pas me voler mes questions.
Mme Karen Redman: Je suis désolée. Était-ce votre question? C'est parce que nous buvons tous les deux le même café.
La déduction moyenne est d'environ 2 600 $, ce qui représente un gain net d'environ 700 $. De mon point de vue, cela semble un avantage intéressant, mais très peu de gens en profitent. Je pense que tous les membres du comité ont été surpris de l'apprendre. Vous secouez la tête. Ce n'est pas le cas?
M. Gordon Cleveland: Ce n'est pas vrai.
Mme Karen Redman: Voudriez-vous vous expliquer?
M. Gordon Cleveland: J'ai fait des recherches en fouillant dans l'étude nationale canadienne sur la garde des enfants. Cette étude a été effectuée par Statistique Canada en 1988 et portait sur 25 000 familles d'un bout à l'autre du Canada—donc une étude de grande envergure, un échantillon très important.
Quand on examine ces données, on constate que l'on peut ranger les gens dans diverses catégories selon le type de services de garde qu'ils utilisent et se demander quel pourcentage dans chaque catégorie a dit «en réponse aux questions posées dans ce questionnaire, oui, je prévois de réclamer tel montant dans ma déclaration». Nous ne savons pas s'ils l'ont fait vraiment, mais ils ont dit qu'ils prévoyaient le faire et ils répondaient à une série de questions sur le coût de leurs services de garde d'enfants. On peut donc raisonnablement croire que ce sont de bonnes réponses.
Nous avons constaté qu'entre 95 et 100 p. 100 de ceux qui utilisent des services de garde d'enfants réglementés, prévoyaient de réclamer la déduction pour frais de garde d'enfants. Mais les chiffres sont beaucoup plus bas pour ceux qui utilisent des services de garde non officiels. Pour les familles qui embauchent une gardienne, une bonne d'enfants à la maison, ou même qui font appel aux services d'un parent, environ 30 à 35 p. 100 d'entre eux affirmaient qu'ils obtiendraient la déduction pour frais de garde d'enfants.
Tous ces chiffres sont beaucoup plus élevés que 17 p. 100. Maintenant, bien sûr, certains n'y ont pas droit et j'ai seulement examiné les données pour les enfants d'âge préscolaire, de sorte qu'il est peut-être vrai que pour les enfants d'âge scolaire, les enfants de huit, neuf, dix et onze ans, moins de gens réclament la déduction. Je soutiens que ce n'est pas une question extraordinairement importante sur le plan de la politique. Mais pour les enfants d'âge préscolaire, qui représentent le gros du problème, le chiffre le plus bas est d'environ 35 p. 100 et pour certains types de garde, c'est même plutôt de l'ordre de 85 à 95 p. 100.
De plus, un collègue et moi-même avons fait ce que l'on appelle une analyse de régression des prix des services de garde d'enfants payés par différentes personnes, et il se trouve que ceux qui ont dit qu'ils n'allaient pas réclamer la déduction pour frais de garde d'enfants ont utilisé des services de garde meilleur marché. Maintenant, il y a diverses interprétations possibles de cet état de choses, mais l'une des interprétations possibles, bien d'autres facteurs étant constants par ailleurs, est qu'en fait, les gens qui n'obtiennent pas de reçu de leur fournisseur de services de garde concluent un marché avec cette personne. Ils obtiennent en retour des services de garde moins chers et le fournisseur des services, qui évite probablement de payer l'impôt, obtient pour sa part de ne pas être connu du fisc. C'est un marché conclu entre eux. Mais cela veut dire que même la personne qui ne réclame pas la déduction pour frais de garde d'enfants bénéficie sensiblement de l'existence de cette déduction sous forme de frais de garde à moindre prix.
Mme Karen Redman: Mais en toute logique, si l'on applique votre raisonnement—et je veux simplement préciser que les chiffres que nous donnons sont tirés de rapports publiés par Revenu Canada—la conclusion est qu'en offrant un avantage au chapitre des frais de garde d'enfants, on encourage les gens à entrer dans la clandestinité. Cela fait baisser le coût de la garde d'enfants; par conséquent, les gens sont avantagés en dépit du fait qu'ils ne réclament pas cette déduction dans leur déclaration d'impôt.
M. Gordon Cleveland: Je ne pense pas que ce soit la déduction des frais de garde d'enfants qui incite les gens à faire appel à l'économie souterraine. C'est plutôt le fait que le revenu est imposé, n'est-ce pas?
Mme Karen Redman: Je vous remercie de cette précision, parce qu'il me semblait que vous faisiez un lien de cause à effet.
M. Gordon Cleveland: Non, je n'essayais pas de dire que ce phénomène était causé par la déduction pour frais de garde d'enfants. Mais je pense que ce qui ressort de nos recherches, c'est qu'en comparaison du chiffre de 17 p. 100 que vous citez... Peut-être cela a-t-il à voir avec la différence d'âge des enfants en question, parce que la déduction pour frais de garde d'enfants s'applique jusqu'à l'âge de 16 ans et peut-être que beaucoup de gens ne la réclament pas pour des dépenses très minimes à l'égard d'un enfant de 14, de 13 ou de 16 ans. Il peut y avoir une foule de gens qui ne prennent pas la peine de la réclamer. C'est une interprétation possible. C'est une explication que j'avance à tout hasard.
• 1635
Mais les faits montrent qu'au moins 33 p. 100 des familles qui
ont des enfants d'âge préscolaire réclament la déduction pour frais
de garde d'enfants et qu'un nombre considérable de ceux qui ne
réclament pas cette déduction n'en bénéficient pas moins pour
autant, ce qui constitue en fait un avantage fiscal.
Le président: Je voudrais une précision. Vous dites que 33 p. 100 avaient l'intention de la réclamer.
M. Gordon Cleveland: Ils ont dit avoir l'intention de la réclamer en réponse à la question portant sur la déduction des frais de garde d'enfants.
Le président: Vous ne dites pas qu'ils l'ont effectivement réclamée.
M. Gordon Cleveland: Non.
Le président: Vous ne contestez pas les chiffres de Revenu Canada selon lesquels seulement 17 p. 100 des contribuables ont effectivement réclamé cette déduction dans leur déclaration, n'est-ce pas?
M. Paul Szabo: Soyons précis. Ce chiffre de 17 p. 100 ne s'applique pas aux familles admissibles, mais à l'ensemble des familles.
M. Gordon Cleveland: Très juste.
M. Paul Szabo: En 1996, d'après les statistiques du revenu, l'analyse des déclarations d'impôt de 1996, il y a eu 759 000 personnes qui ont réclamé la déduction, pour des déductions totales de deux milliards de dollars. La réclamation moyenne était donc de 2 600 $. Ces déductions coûtent au gouvernement tout près de 500 millions de dollars; par conséquent, l'avantage moyen était de presque 700 $.
Donc, il y a un petit malentendu sur ce chiffre de 17 p. 100. Mais au sujet du tiers, fait assez intéressant, vous vous fiez à ce sondage selon lequel le tiers des gens ont dit qu'ils réclameraient la déduction. Voilà pourquoi les sondages sont mauvais, parce que quiconque répondrait oui, j'ai en effet des frais de garde d'enfants, mais je n'ai pas l'intention de réclamer la déduction, se trouverait essentiellement à admettre qu'il fraude l'impôt.
Le président: Madame Redman.
Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président. Je m'excuse. Je vais vraiment être impolie, mais je vais essayer de rester pour entendre la réponse. Je pose la question que voici à quiconque voudra l'entendre.
Un renseignement vraiment révélateur qui est ressorti des audiences de notre sous-comité découle des travaux de M. Shillington, qui s'est penché sur le nombre des familles où les deux parents travaillent, ou bien l'un des parents reste à la maison, ou bien l'un des parents travaille à temps partiel. Essentiellement, les statistiques donnent un tiers, un tiers, un tiers, quel que soit le niveau de revenu.
Je trouve cela vraiment intéressant, parce qu'au départ—et nous avions probablement tous nos propres préjugés et partis pris dans ce dossier; le mien était que nous ne devrions pas faire de l'ingénierie sociale, mais bien offrir aux familles le plus grand choix possible.
J'ai trouvé cela très intéressant, étant donné que—je crois que c'est M. Stock qui en a parlé—les parents qui disent souhaiter rester à la maison sont plus nombreux que ceux qui y restent effectivement. Pourtant, quand on examine la situation, à tous les niveaux de revenu, que ce soit plus de 100 000 $ ou 60 000 $, les statistiques demeurent assez constantes. Je me demande si vous voudriez nous donner votre point de vue là-dessus.
M. Peter Stock: Volontiers.
Je suppose qu'il est fort possible que quelqu'un qui gagne 100 000 $ et qui habite à Toronto ait besoin de la totalité de son revenu disponible simplement pour payer l'hypothèque. À l'inverse, quelqu'un qui habite à la campagne, peut-être même dans une ferme ou qui travaille à son compte, peut vivre avec un revenu beaucoup plus faible et subvenir à tous ses besoins. Par conséquent, je ne suis pas certain que 60 000 $ ou 100 000 $ soit nécessairement un revenu familial élevé de nos jours, et cela n'influe pas nécessairement sur les choix que les gens font pour ce qui est de la garde des enfants.
Mme Karen Redman: Les autres témoins voudraient-ils répondre? Non?
Le président: Monsieur Herron, voulez-vous poursuivre?
M. John Herron: Karen doit acheter le café la prochaine fois. Elle...
M. Paul Szabo: Elle a pris votre café et votre question.
M. John Herron: Et certaines de mes questions aussi.
Je voudrais revenir sur certains aspects. Je pense que la réflexion de Karen se rapproche de la mienne.
Premièrement, je vais essayer d'aborder la question plutôt sous l'angle de la garde des enfants que sous celui de l'impôt sur le revenu, parce que je pense que l'on oublie parfois les enfants dans l'équation.
À mon avis, nous devons nous pencher sur la réalité et voir ce qu'il en est. Les statistiques de Revenu Canada—Paul, vous pouvez écouter d'une oreille et me reprendre si je me trompe—disent essentiellement que seulement un tiers des parents qui ont droit à la déduction des frais de garde d'enfants réclament effectivement cette déduction, et parmi ceux qui la réclament, la moyenne est d'environ 2 600 $, ce qui veut dire environ 700 $ de gain net pour chaque famille. Ce sont les données de Revenu Canada; voilà à peu près la situation actuelle.
M. Paul Szabo: Oui, en moyenne.
M. John Herron: En effet.
Je voudrais vraiment insister sur le mot «choix»; nous ne devrions pas favoriser un type de services de garde plutôt qu'un autre, mais nous ne devrions pas non plus pénaliser les gens ni leur imposer une autre façon de faire les choses.
Nous avons donc discuté de la question au comité et, si ce chiffre de 700 $ d'avantage net par famille est exact, qu'y aurait-il de mal à offrir aux gens le choix entre la méthode de la déduction des frais de garde et un crédit d'impôt remboursable de 700 $. Cela coûterait au Trésor entre un milliard et un milliard et demi de dollars, et l'on peut donc dire que c'est quasiment abordable. À ce moment-là, il n'y aurait pas de discrimination et l'on ne favoriserait pas un type de services de garde par rapport à un autre.
Quelqu'un voudrait-il me dire ce qu'il pense de ce scénario?
M. Peter Stock: Volontiers.
Je pense que l'élément clé—je ne suis pas certain qu'on ait parlé précisément de cet aspect auparavant, mais M. Szabo a effleuré la question—est de savoir qui réclame vraiment la déduction? D'après les études dont j'ai pris connaissance, il semble qu'il y ait un très petit pourcentage des familles, probablement moins du tiers, qui peuvent bénéficier pleinement de la déduction. Elles peuvent obtenir un avantage beaucoup plus important que les 700 $. C'est un chiffre moyen pour ceux qui réclament la déduction. Il y en a qui réclament la totalité des 7 000 $ ou encore 5 000 $, selon... et qui ont un gain net de 1 500 $ ou plus. En fait, cela pourrait même atteindre...
M. Paul Szabo: Jusqu'à 3 500 $.
M. Peter Stock: Oui, 3 500 $, ce qui est évidemment un avantage énorme pour ceux qui ont des reçus leur permettant de réclamer le plein montant de la déduction. Beaucoup d'autres font garder leurs enfants dans le cadre d'arrangements non officiels et peuvent réclamer un petit montant, et ces derniers sont peut-être beaucoup plus nombreux que les premiers, ce qui fait baisser la moyenne à 2 600 $. Il y a des gens qui réclament peut-être seulement 500 $ ou 1 000 $ pour un camp de vacances l'été ou toute autre activité dont le coût peut être réclamé au titre des frais de garde selon le règlement.
En fait, peut-être que seulement 10 p. 100 des familles peuvent vraiment tirer profit de cette déduction. Donc, oui, nous trouvons que la situation est tout à fait inéquitable et nous aimons bien l'idée de traiter tout le monde sur le même pied.
Je ne suis pas vraiment d'accord avec l'idée que le fait qu'un parent reste à la maison pour élever les enfants... C'est certainement un avantage et il est probablement possible d'attribuer une valeur chiffrée à cet avantage. C'est le travail des économistes, non? C'est vrai, mais je ne crois pas que ce soit raisonnable de procéder ainsi—et je ne prétends pas que l'un ou l'autre des témoins l'ait donné à entendre non plus. Mais je ne crois pas que le calcul de nos impôts soit fondé là-dessus; je pense que nos impôts sont en général calculés en fonction du revenu. Si nous calculions l'impôt sur la base du travail bénévole, si l'on peut dire, il faudrait alors tenir compte des impôts que les chefs scouts et les professeurs de catéchèse du dimanche devraient payer également, et je ne pense pas que ce serait raisonnable.
Par conséquent, oui, il faut examiner la déduction et se demander comment on peut accorder cet avantage à d'autres...
M. John Herron: Et que dites-vous de laisser le choix aux gens?
M. Peter Stock: Nous préférons encore la déduction, parce qu'il est clair qu'il en coûte quelque chose d'élever des enfants, peu importe que les enfants soient confiés à une garderie qui émet des reçus ou à un service de garde officieux qui ne donne pas de reçu. Quelqu'un disait que, d'une façon ou d'une autre, il y a...
M. John Herron: Paul va probablement en parler.
M. Gordon Cleveland: Cela peut faire l'objet de reçus.
M. Peter Stock: En effet.
M. Paul Szabo: Qui a dit qu'il fallait un reçu?
M. Peter Stock: Pourquoi a-t-on besoin d'un reçu? Voilà vraiment la question.
M. Paul Szabo: On n'exige pas de reçu dans la loi de l'impôt.
M. Gordon Cleveland: On exige des preuves.
M. Paul Szabo: La loi stipule qu'il faut déclarer l'identité du dispensateur de soins, que ce soit une organisation ou un particulier, auquel cas il faut donner le numéro d'assurance sociale. Aucun reçu n'est exigé.
M. John Herron: J'ai une autre question à poser et j'ignore si je vais me retrouver minoritaire au comité à ce sujet, mais on verra bien.
Je suis d'accord avec le mot que M. MacKnight a utilisé, quand il a dit que le régime fiscal est schizophrène compte tenu du nombre de déductions qui sont fondées sur le revenu familial, tandis que nous prélevons l'impôt sur le revenu des particuliers. Étant donné que notre société est en général surtaxée, la question du fractionnement du revenu ou de la déclaration conjointe, peu importe comment on présente l'affaire, a fait l'objet d'un débat.
• 1645
Je pense que l'observation de M. Cleveland est juste, et vous
direz que l'on ne reconnaît pas la valeur du travail, que nous
n'imposons pas le travail qui se fait à la maison. Mais par
ailleurs, nous ne reconnaissons pas non plus les familles qui font
des sacrifices et qui renoncent à un deuxième revenu. Je trouve que
nous devrions tenir compte de cette perspective familiale. Certains
émettent des réserves au sujet du fractionnement du revenu, à cause
du fait que 16 p. 100 de nos familles sont monoparentales et
qu'elles n'en bénéficieraient pas. Ceux qui se situent dans les
tranches inférieures du taux marginal n'en bénéficieraient pas non
plus. Pourtant, au sommet de la pyramide, il y a des professionnels
qui fractionnent à tour de bras et nous donnons notre bénédiction
à cette pratique pour ces gens-là qui sont au sommet de l'échelle,
mais pas pour les Canadiens moyens. Cela m'inquiète.
Je veux dire aussi que l'on m'a fait une observation—et c'est encore la question de Karen, et c'est donc Karen qui m'a lancé dans cette voie. Peu importe le niveau de revenu, d'après les travaux de M. Shillington, le taux de participation des femmes à la population active ne fluctue pas à la hausse ou à la baisse selon le niveau de revenu. Dans ce contexte, l'argument au sujet de la garde des enfants, à savoir que le fractionnement du revenu pourrait être un obstacle au retour sur le marché du travail, n'est-il pas vide de sens?
M. Robin MacKnight: Oui, je pense qu'il vaudrait mieux préciser ce que l'on entend exactement par fractionnement du revenu, premièrement. Le fractionnement du revenu, c'est quand on prend un revenu d'une source et qu'on le sépare en deux. Nous, nous parlons de deux sources distinctes de revenu. Il ne s'agit pas du tout du fractionnement du revenu.
M. John Herron: Je vois.
M. Robin MacKnight: Le fractionnement du revenu, c'est lorsque, au lieu de cotiser à mon REER, je cotise plutôt au REER de mon conjoint, de sorte que quand nous prendrons notre retraite, c'est ma femme et non pas moi qui touchera le revenu. C'est ça, le fractionnement du revenu.
Je ne pense pas que nous parlions du fractionnement du revenu quand il a été question tout à l'heure du revenu théorique. Je suppose qu'on pourrait l'appeler un manque à gagner. Aux fins de la discussion, je vais donner un exemple simpliste de la façon dont on pourrait chiffrer cela. Supposons une famille à deux revenus qui embauche une bonne au coût de 18 000 $ par année, après impôt; ou bien, nous avons une famille à revenu unique dont l'un des conjoints reste à la maison et fournit les services que la bonne fournit pour l'autre famille. Eh bien, on pourrait dire que cette dernière famille a un revenu théorique de 18 000 $, parce que c'est ce qu'il en aurait coûté pour embaucher une bonne.
Donc, si l'on met en parallèle la situation financière des deux familles, il y a d'une part la famille à deux revenus qui gagne 60 000 $ et qui dépense 18 000 $, pour un revenu net de 42 000 $. D'autre part, il y a la famille à revenu unique qui gagne également 60 000 $ plus une autre tranche de 18 000 $, pour un revenu total de 78 000 $, en comparaison de 42 000 $. Maintenant, tout cela est bien beau sur papier. C'est de la mauvaise politique, mais c'est une bien belle théorie.
M. John Herron: Je ne songerais même pas à m'engager dans cette voie. Je parlais plutôt du sens traditionnel du terme dans ce débat sur...
M. Robin MacKnight: Bien. C'est pourquoi je veux que l'on sache exactement ce que nous voulons dire par fractionnement du revenu. Ce n'est pas le fractionnement du revenu. C'est une notion complètement différente.
M. John Herron: Je parle du soutien unique qui gagne peut-être 60 000 $ à l'extérieur de la maison et dont le conjoint a un revenu nul en travaillant à la maison.
M. Robin MacKnight: En effet. Il ne s'agit pas du fractionnement du revenu.
M. John Herron: Et si l'on base cela sur le revenu familial... Je suppose que ça n'a pas d'importance.
M. Robin MacKnight: Eh bien, ce n'est pas le fractionnement du revenu. Je vais vous dire ce que c'est: c'est un revenu d'une part, et un manque à gagner d'autre part. Or, le manque à gagner ne compte pas aux fins de l'impôt, parce que l'on n'attribue aucune valeur chiffrée à ce travail. Ce n'est donc pas le fractionnement du revenu. Il n'y a qu'un seul revenu et il est gagné par une personne.
M. John Herron: D'accord. Nous utiliserons donc l'expression déclaration conjointe, fondée sur le revenu familial par opposition au revenu des particuliers.
M. Robin MacKnight: C'est un concept différent.
M. John Herron: C'est ce dont je parlais.
M. Robin MacKnight: C'est ce que l'on fait aux États-Unis. Si vous voulez appliquer le concept du revenu conjoint, alors vous devez vous demander si nos taux d'imposition sont suffisants ou raisonnables. Si l'un des conjoints gagne 55 000 $ et que le taux maximal s'applique à partir de 60 000 $, dès que l'autre conjoint décide de travailler et gagne 6 000 $, tout à coup, ces gens-là vont payer 40 p. 100 d'impôt sur la première tranche de 5 000 $ et 50 p. 100 d'impôt sur les derniers 1 000 $.
• 1650
Voilà ce qui arrive quand on applique le taux marginal, la
question du taux marginal élevé, et l'élasticité des forces du
marché dont Gordon a parlé tout à l'heure dans son étude. C'est une
question sérieuse. Le problème, c'est le taux d'imposition.
Le président: Monsieur Szabo.
M. Paul Szabo: Merci, messieurs. À vous quatre, vous avez traité de tout l'éventail des dilemmes auxquels le comité est confronté.
La déduction pour frais de garde d'enfants est régressive de nature puisqu'elle avantage ceux qui gagnent un revenu élevé par rapport à ceux qui gagnent moins, en termes d'avantages réels pour le même montant de dépenses. À l'origine, cette mesure visait uniquement les parents seuls. Ensuite, quelqu'un a eu la brillante idée d'étendre la portée du programme. L'affaire Symes a établi que les frais de garde d'enfants ne sont pas des dépenses d'entreprise.
Par ailleurs, quand on considère toutes les autres dépenses d'emploi qui sont bien réelles et qui ne sont pas déductibles, on peut toujours prétendre que c'est absolument nécessaire pour occuper un emploi, mais c'est un point de discussion. En fait, étant donné l'identité des gens qui réclament cette déduction et le petit nombre des gens qui la réclament, il est évident que ce n'est pas un facteur déterminant en termes de choix parentaux.
Les renseignements obtenus grâce aux travaux de Shillington ou qui émanent de Développement des ressources humaines ont confirmé que les choix parentaux sont manifestement non élastiques par rapport au revenu familial—il n'y a pas d'élasticité. Peu importe que le revenu familial soit de 100 000 $ ou de 20 000 $, il n'y a pas d'élasticité. C'est toujours un tiers, un tiers et un tiers, point à la ligne.
Prétendre qu'en modifiant le montant d'un avantage, on peut inciter les gens à quitter le marché du travail ou à y revenir est un argument absolument faux qui ne repose sur rien. Ce n'est pas fondé sur ce qui se passe en réalité, sur ce qui s'est effectivement passé dans le cas de la déduction des frais de garde d'enfants.
Maintenant, cela dit, je m'étonne vraiment que tout le monde s'acharne à vouloir comparer deux familles, l'une à un revenu et l'autre à deux revenus, mais qui ont toutes les deux le même revenu familial. C'est une analyse économique entachée de malhonnêteté intellectuelle flagrante, qui ne répond pas à la question fondamentale. On sait que dans notre régime d'impôt sur le revenu progressif et d'imposition individuelle, un seul salarié doit nécessairement payer plus d'impôt que deux salariés, pour un revenu familial total identique, soit 60 000 $ dans un cas ou deux revenus de 30 000 $ dans l'autre.
L'Institut C.D. Howe... c'est essentiellement là-dessus qu'a porté le débat à la Chambre; c'est ce qui a suscité la motion du Parti réformiste sur l'iniquité. Les porte-parole de l'Institut ont comparu devant nous et ont dit, écoutez, l'écart est presque complètement attribuable à la progressivité et à l'imposition individuelle. Faisons donc table rase de cela. Tout ce qui reste, c'est la déduction pour frais de garde d'enfants, contrebalancée dans une certaine mesure par le montant pour conjoint que le soutien pourrait obtenir si l'un des conjoints se retirait du marché du travail. Et il y a certains rajustements minimes au titre de la prestation fiscale pour enfants.
Maintenant, cela dit... Judith Maxwell, des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, a comparu devant nous ce matin. Judith et son organisation ont réuni beaucoup de renseignements sur la question. Je trouve qu'elle a bien présenté les choses. Elle a dit que lorsque l'un des parents se retire du marché du travail, cela revient à renoncer à un revenu. On renonce à un beau revenu net, à de l'argent disponible. Même si ce conjoint ne gagne que 25 000 $ par année, la famille perd quand même entre 15 000 $ et 20 000 $ de revenu disponible à la suite de cette décision de cesser de travailler. C'est de loin beaucoup plus considérable que tout ce que pourra jamais coûter la garde des enfants.
La famille perd aussi crédit de pension et la possibilité de cotiser à un REER ou de participer au RPC. Elle perd également des possibilités du point de vue promotionnel. Elle perd une foule de choses. Mais Mme Maxwell a aussi confirmé—c'était en partie anecdotique, mais en partie tiré, je crois, des recherches que son organisme a effectuées—qu'il y a un niveau de participation plus élevé à la collectivité, au secteur bénévole et au secteur des oeuvres caritatives, lorsque l'un des parents reste à la maison, par opposition aux familles dont les deux parents travaillent. Ces gens-là donnent davantage à la collectivité.
Alors, cette histoire de revenu théorique... il y a aussi le revers de la médaille. Je sais que c'est très embrouillé.
Je veux vous demander votre opinion à vous tous, parce que je pense que c'est le noeud de l'affaire. Judith Maxwell est allée à mon avis au fond des choses. N'est-il pas vrai que nous ne devrions pas comparer une famille à une autre famille, mais plutôt nous attarder à une seule famille et voir quelles sont les conséquences économiques des deux options?
• 1655
Je vais commencer par deux personnes qui gagnent
respectivement 40 000 $ et 25 000 $, pour un revenu total de
65 000 $. Puis l'enfant apparaît. J'ai deux choix. Je peux choisir
de payer une tierce partie pour garder l'enfant et de réclamer la
déduction pour frais de garde. Mon autre option est que l'un de
nous deux quitte le marché du travail et s'occupe de l'enfant. Je
peux aussi calculer très clairement le coût de chaque option.
L'écart est énorme. C'est un revenu familial de 65 000 $ en
comparaison d'un revenu familial de 40 000 $, à mon avis,
contrebalancé quelque peu par l'avantage fiscal de la déduction des
frais de garde d'enfants, le montant pour conjoint et un
rajustement minime de la prestation fiscale pour enfants. Êtes-vous
d'accord ou non?
Le président: Voilà la question. Qui voudrait y répondre?
M. Bruce Clemenger: Je vais commencer. J'ai fait seulement un cours de premier cycle en économie. Je n'ai pas fréquenté le même établissement que vous. Certains de vos propos m'ont fait penser aux coûts d'opportunité. Je pense que c'est ce que vous voulez dire. Faut-il comparer deux familles différentes ou comparer les choix qu'une famille peut faire? Je suis d'accord. Cela renvoie peut-être à l'optique dans laquelle certaines questions et réponses ont été formulées.
Peut-être que la déduction pour frais de garde d'enfants équivaut à renoncer à des impôts sur le revenu gagné pour assumer ces frais de garde. Les gens ont le sentiment que les familles dont l'un des parents reste à la maison s'occupent elles aussi de leurs enfants. Cela est-il pris le moindrement en compte dans la structure de l'impôt sur le revenu? La question m'est venue à l'esprit en lisant le rapport du Comité des finances. On y compare deux familles à revenu unique. Une famille a deux enfants âgés de quatre et de huit ans et l'autre famille n'a pas d'enfant. Les deux paient exactement les mêmes impôts, la seule différence tenant à la prestation fiscale pour enfants. La famille qui a deux enfants touche 713 $ de plus que la famille qui n'a pas d'enfant. Cela veut-il dire qu'elle a le même revenu discrétionnaire ou même 713 $ de plus? Non, pas du tout, parce qu'elle s'occupe d'un enfant de quatre ans et d'un enfant de huit ans.
Je me demande si la question fondamentale est vraiment de savoir si notre régime fiscal tient pleinement compte du coût que doivent assumer les familles qui ont des personnes à charge. Encore une fois, on a étendu la portée du régime pour englober non seulement les enfants, mais aussi les personnes âgées, les infirmes et d'autres. Je conviens avec vous que la bonne façon de mesurer, c'est d'examiner la situation de la famille et de prendre en considération le coût d'opportunité associé au renoncement au travail rémunéré pour rester à la maison et s'occuper des enfants plutôt que d'être sur le marché du travail. Y a-t-il une quelconque équité dans les choix que doivent faire ces familles?
M. Gordon Cleveland: Oui, il y a une différence entre les deux familles dont vous parlez. La famille à revenu unique est en meilleure posture.
M. Paul Szabo: J'ai parlé d'une seule famille.
M. Gordon Cleveland: Une même famille qui a le choix entre deux options—peu importe que l'on expose le problème en prenant l'exemple de deux familles ou d'une seule. La famille à revenu unique, comme mon collègue ici présent l'a dit, après avoir fait l'analyse, se retrouve dans une situation financière meilleure et non pire. Je pense que c'est ce qui ressort essentiellement de la présentation du ministère des Finances dans l'audience Beverley Smith.
M. Paul Szabo: Une famille à deux revenus qui gagne 65 000 $ est dans une moins bonne situation financière qu'une famille à un revenu qui gagne 40 000 $.
M. Gordon Cleveland: Êtes-vous en train de dire que la valeur des services produits dans la maisonnée est de zéro? C'est le coeur même du problème. Autrement dit, vous dites que si une famille décide qu'un des parents va rester à la maison, rien de ce que cette personne produit au foyer ne mérite d'être pris en compte. C'est de toute évidence erroné.
M. Paul Szabo: Donnez-nous des exemples.
Le président: Permettez-moi d'intervenir un instant, Paul. Pourriez-vous me dire quelle valeur un parent qui reste à la maison produit qu'un parent qui travaille ne produit pas également. Donnez-nous des exemples de cette valeur ajoutée dans le cas du parent qui reste à la maison.
M. Gordon Cleveland: La garde des enfants.
Le président: Mais le parent qui travaille obtient un crédit à ce titre.
M. Gordon Cleveland: Non, il n'en a pas.
Le président: Oui, il en a un.
M. Gordon Cleveland: Non, il n'en a pas.
Le président: Au bout du compte, il touche de l'argent, un montant net.
M. Gordon Cleveland: Non.
Le président: Je ne suis pas d'accord.
M. Gordon Cleveland: Excusez-moi. Je m'excuse, je n'essaie pas d'ergoter. Mais avant le début de la séance, je me suis amusé avec mon ami Peter à faire un petit exercice intellectuel qui m'a paru instructif.
Si l'on prend une famille qui a 7 000 $ de frais de garde d'enfants et que l'on suppose que cette famille se situe dans une certaine tranche d'imposition qui fait que la déduction pour frais de garde d'enfants lui rapporte 3 000 $, combien la garde des enfants coûte-t-elle à cette famille? Les frais coûtent 7 000 $ et la déduction des frais rapporte 3 000 $.
Mon ami a répondu à la question en disant que la garde des enfants coûte 4 000 $ à cette famille, mais c'est la mauvaise réponse. Pour comprendre pourquoi c'est la mauvaise réponse, il faut comprendre comment fonctionne la déduction des frais de garde d'enfants. En fait, le coût de la garde d'enfants pour cette famille est encore de 7 000 $. Elle a seulement économisé les 3 000 $ qu'elle aurait payés en impôt en sus des 7 000 $. C'est tout l'argument invoqué pour expliquer pourquoi la déduction pour frais de garde d'enfants n'est pas inéquitable envers...
M. Paul Szabo: Sauf votre respect, je comprends comment vous arrivez à ce résultat, si vous prenez en compte uniquement la déduction des frais de garde d'enfants et rien d'autre. Mais si vous examinez la situation financière globale de la famille, en termes d'argent disponible, ce que vous venez de dire ne tient pas debout. J'ai peut-être des frais théoriques de 7 000 $ pour la garde des enfants, mais j'ai par ailleurs renoncé aussi à un salaire de 25 000 $ par année, ce qui fait que ma famille voit son revenu net amputé de 20 000 $ à cause de cette décision. C'est également un élément de l'équation. Vous ne pouvez pas faire tout simplement abstraction du revenu net auquel on renonce.
M. Gordon Cleveland: Je n'en fais pas abstraction, mais je crois simplement—et la science économique démontre que c'est vrai—que la personne n'a pas pris une décision irrationnelle en choisissant de rester à la maison, mais plutôt que la décision rationnelle est fondée sur le fait que la valeur de ce qu'elle va produire à la maison est supérieure, pour elle et pour sa famille, à ce qu'elle aurait produit à l'extérieur.
M. Paul Szabo: Je dois vous dire que le seul exemple que l'on m'ait jamais donné de la valeur ajoutée à la maison, c'est quelqu'un qui reste à la maison, qui s'occupe des enfants et qui cultive aussi des carottes dans son jardin, ce qui évite d'avoir à acheter des carottes.
M. Gordon Cleveland: L'élément prédominant est qu'ils produisent des services de garde d'enfants et qu'ils sont convaincus...
M. Paul Szabo: Ils réparent aussi leur toit; ils font aussi le ménage de la maison.
M. Gordon Cleveland: Les témoins ici présents ont laissé entendre que ces services de garde d'enfants...
M. Robin MacKnight: Il y a aussi toutes les dépenses qu'ils évitent. Mais si vous voulez mesurer le manque à gagner dans votre exemple, il ne faut pas s'attarder au montant avant impôt; il faut voir le chiffre après impôt. Il faut tenir compte de la nouvelle déduction pour conjoint et de la déduction familiale sur le revenu de 40 000 $. C'est minime.
Mais il y a aussi autre chose dont il faut tenir compte et je crois que c'est là que se situe la différence. Quand un conjoint prend délibérément la décision de rester à la maison, cela permet d'éviter une foule de dépenses qu'il faudrait payer autrement.
M. Paul Szabo: Bien sûr.
M. Robin MacKnight: Il faut tenir compte de ces dépenses. On peut supposer qu'une famille qui a pris cette décision a tenu compte de ces dépenses et s'est dit: «Nous aurons plus d'avantage à ne pas dépenser cet argent et à rester à la maison pour fournir nous-mêmes les services de garde». C'est un élément social que l'on ne peut pas quantifier.
M. Paul Szabo: C'est l'aspect économique, mais voulez-vous répondre à la question que j'ai posée, à savoir s'il faut faire l'analyse en examinant la situation d'une même famille qui a le choix entre deux possibilités, ou bien s'il faut procéder comme l'a fait l'Institut C.D. Howe en comparant un revenu de 60 000 $ à deux revenus de 30 000 $ chacun? Quelle est la bonne méthode pour analyser la question que nous étudions?
M. Robin MacKnight: Personnellement, je pense qu'il faut examiner le cas de chaque famille, et c'est pourquoi on commence à se demander si c'est vraiment une question qu'il y a lieu d'aborder au moyen du régime fiscal.
M. Paul Szabo: On veut éviter à tout prix la discrimination à l'endroit des familles qui ont des enfants, mais il est intéressant de constater que notre Loi de l'impôt sur le revenu exerce une discrimination envers les familles qui sont intactes, en comparaison des familles divorcées, toutes choses étant égales par ailleurs. La famille intacte dont les deux conjoints travaillent bénéficie de deux montants personnels à titre de crédits d'impôt non remboursables et de la prestation fiscale pour enfants, dans la mesure où elle l'obtient pour son enfant. Par contre, si vous êtes divorcé, vous avez deux montants personnels, l'équivalent du montant de marié pour l'enfant, plus la prestation fiscale pour enfants. Cela fait 5 380 $ de crédit d'impôt non remboursable d'après les chiffres de 1996. Voilà qui représente un avantage de 1 345 $ pour un couple divorcé par opposition à un couple marié. C'est le double de l'avantage moyen tiré de la déduction des frais de garde d'enfants. Par conséquent, si l'on veut vraiment jouer avec les chiffres, on peut montrer que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'égard des familles intactes. C'est vraiment honteux.
• 1705
Ma dernière question est celle que je pose toujours au sujet
des principes. Je vais vous lire cinq principes généraux qui, à mon
avis, devraient servir de fondement à toute politique.
Bien sûr, si nous faisons des suggestions—et je ne suis pas certain que nous en fassions—beaucoup de gens nous ont parlé des enfants, de l'épanouissement des enfants, d'investir dans les enfants et de l'importance de tout cela. On semble donc laisser entendre que notre politique devrait être axée sur l'enfant d'abord ou sur les intérêts supérieurs des enfants. Quelqu'un a-t-il des objections à cette façon de voir les choses? Probablement pas.
Deuxièmement, la plupart des gens semblent reconnaître que les parents sont les premiers dispensateurs de soins et qu'ils sont les mieux placés pour décider des meilleurs arrangements possibles pour la garde de leurs enfants. Étant donné la complexité ou la diversité des configurations familiales et des options disponibles, nous croyons que personne n'est mieux placé que les parents pour décider des meilleurs arrangements possibles quant à la garde des enfants. Des objections à cela?
Nous sommes convaincus qu'il ne serait pas sage de dresser les parents les uns contre les autres quant aux choix à faire, et qu'en fait, étant donné les innombrables situations familiales possibles, notamment les parents seuls, idéalement, nous devrions chercher à donner aux familles la plus grande souplesse possible, le plus grand nombre possible d'options ou de choix. La politique choisie, que ce soit l'impôt ou le système de transfert, de façon générale, ne devrait ni pénaliser les parents ni les inciter à faire un choix donné.
M. Robin MacKnight: C'est le principe de l'équité horizontale.
M. Paul Szabo: Et enfin, il faut inclure toutes les réalités sociales existantes, par exemple les cas de parents seuls. Nous devons éviter d'adopter une mesure, par exemple donner une déduction dont ne pourrait se prévaloir un parent seul assisté social, qui aurait pour effet d'exclure des gens. Il est évident qu'il faut chercher à tenir compte de toutes les situations possibles.
Ce sont les principes qui semblent s'être imposés avec le temps. Vous remarquerez aussi qu'ils sont neutres quant au sexe. C'est aux familles de choisir.
M. Gordon Cleveland: J'ai deux ou trois choses à dire. Premièrement, je soutiens que ces principes vous amèneraient à appuyer la déduction pour frais de garde d'enfants. Et deuxièmement, cela ne tient pas compte des exigences quant au rôle que joue l'État relativement aux enfants. Par exemple, je pourrais soutenir qu'en toute logique, vos principes exigeraient l'élimination de l'école maternelle, parce que cela impose un certain choix aux familles pour des enfants d'un certain âge. Mais ce serait un résultat absurde et je suis certain que vous ne seriez pas d'accord avec une telle conclusion.
Autrement dit, l'État a certains rôles...
M. Paul Szabo: Vous n'êtes pas obligé d'envoyer votre enfant dans une école quelconque, si vous ne le voulez pas.
M. Gordon Cleveland: Non, mais je dis seulement que cela restreint les choix qui s'offrent aux familles, parce que c'est très fortement subventionné; c'est gratuit. Cela incite donc les familles à choisir la maternelle, ce qui n'est pas conforme à vos principes.
L'État a décidé de jouer certains rôles relativement à la protection de la qualité des soins dispensés aux enfants. Il y a des règles qui précisent le ratio enfant-soignant, etc. Je ne pense pas que vous soyez en désaccord avec ces règles, mais ce n'était pas inclus dans votre liste de principes.
Le président: Quelqu'un d'autre veut répondre? Monsieur MacKnight.
M. Robin MacKnight: Monsieur le président, je voudrais faire deux observations au sujet de ces principes. La première est qu'aucun d'eux ne met en cause le revenu, ce qui m'amène à une deuxième observation. S'il n'y a pas de rapport avec le revenu, alors pourquoi sommes-nous en train de discuter de l'impôt sur le revenu? Peut-être devrions-nous plutôt envisager un prélèvement séparé, une sorte de prélèvement pour la garde des enfants? Imposons une cotisation uniforme, une sorte de taxe de 20 $ par tête, qui serait consacrée exclusivement à la garde des enfants. Ces principes s'appliquent autant à une mère célibataire qui gagne 14 000 $ par année qu'au chef d'une multinationale canadienne qui gagne 400 000 $ par année. Ces principes devraient s'appliquer uniformément. Et si ces principes s'appliquent, alors pourquoi nous tourner nécessairement vers l'impôt sur le revenu pour en financer l'application? Peut-être devrions-nous trouver une source différente. Je lance cela comme une possibilité.
M. Paul Szabo: Eh bien, notre mandat ne comprend pas seulement l'impôt sur le revenu, mais aussi le système des transferts.
M. Robin MacKnight: Eh bien, c'est clairement un transfert et peut-être qu'on devrait l'examiner sous cet angle. Appelons cela un transfert. C'est une dépense fiscale. S'il est question de la garde des enfants...
M. Paul Szabo: On ne peut pas séparer la politique fiscale de la politique sociale dans ce dossier.
M. Robin MacKnight: Non, parce que les transferts fiscaux doivent être financés d'une façon ou d'une autre, ce qui passe par le régime fiscal. Mais vous vous demandez si l'impôt sur le revenu est le mécanisme approprié. Peut-être que vous devriez trouver un autre mécanisme de financement.
M. Peter Stock: Brièvement, cela nous ramène à votre question précédente au sujet de la famille unique. Il semble clairement établi que les familles font un choix au moment où elles s'apprêtent à avoir des enfants, elles font le calcul, comme vous l'avez dit. Il y a une chose qui a probablement changé depuis 20 ou 30 ans, c'est le fardeau fiscal global des familles, peu importe qu'elles aient des enfants ou non. Vous avez tout à fait raison: la déduction pour frais de garde d'enfants est négligeable en comparaison du revenu auquel on renonce ou que l'on décide de maintenir en choisissant d'envoyer les enfants à la garderie.
Cela pose donc la question plus générale du niveau global d'imposition à laquelle il faut s'attaquer. Cependant, cela dit, je pense qu'il y a des familles qui font ce calcul jusqu'au dernier sou et qui font un choix. Bien des gens se situent juste à la limite, ou tout près dans un sens ou dans l'autre. Par conséquent, tout ce que nous pourrions faire dans ce créneau précis de la politique fiscale pour aider les familles à faire ce choix... On a dit tout à l'heure que 71 p. 100 des gens disent qu'ils restent à la maison pour élever les enfants ou qu'ils voudraient le faire, mais il y a aussi des gens qui veulent continuer à travailler. Je crois que dans ce dernier cas, il s'agit plutôt de familles dont les enfants sont un peu plus vieux et vont à l'école. Ces gens-là n'ont pas nécessairement besoin de rester à la maison à plein temps avec les enfants. C'est pourquoi je pense que nous devons nous pencher spécifiquement sur le groupe des parents qui ont des enfants à charge...
M. Paul Szabo: Mais cela contredit votre propre déclaration, quand vous dites qu'il y a un élément social.
M. Peter Stock: Oui.
M. Paul Szabo: Les autres éléments qu'on nous a présentés montrent essentiellement que les choix des parents ne sont pas dictés par un allégement fiscal minime. Les décisions des familles se fondent beaucoup plus sur les valeurs familiales, les options qui leur sont offertes et, fondamentalement, sur un système de valeurs sociales. Les travaux de Shillington montrent que peu importe que le revenu annuel du mari soit de 10 000 $, de 20 000 $, de 30 000 $, de 40 000 $ ou de plus de 100 000 $, à tous les niveaux de revenu, c'est toujours le tiers des familles qui choisissent d'avoir un parent qui reste à la maison.
Le président: Monsieur Cleveland, je voudrais faire une observation. Ce n'est pas vraiment une question. Je ne suis pas d'accord avec votre histoire de calcul. Si je disais ce soir à ma femme: «Chérie, la valeur tangible de ton travail domestique est de 10 000 $ et c'est avantageux pour toi puisque le gouvernement ne prélève pas d'impôt là-dessus et c'est donc très avantageux pour nous que tu restes à la maison», j'aurais beaucoup de peine à la convaincre. Et je sais que si je ne peux pas convaincre ma femme, je ne peux pas non plus convaincre l'électorat.
Je vous ai déjà posé la question—M. Szabo vous l'a posée aussi—et je pense que c'est la question pertinente. Ce n'est pas pertinent de comparer deux revenus de 30 000 $, ou bien un revenu de 40 000 $ et un autre de 20 000 $, à un revenu unique de 60 000 $, parce que ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Dans le vrai monde, la décision que doit prendre le soutien du ménage est celle-ci: je dois décider maintenant si je veux gagner un salaire comme deuxième soutien de famille... Par exemple, nous devons renoncer maintenant à tel ou tel montant... Je n'ai jamais vu de famille où l'unique soutien du ménage a dit: «Très bien, je vais maintenant réduire mon salaire à 60 000 $ pour que mon conjoint puisse gagner 20 000 $, de manière que notre revenu demeure à 80 000 $». Ce n'est tout simplement pas ainsi que ça se passe. C'est donc une comparaison boiteuse.
Je vous pose donc de nouveau la question, parce que je ne pense pas avoir obtenu de réponse. Je ne vois pas quelle valeur produit le parent qui reste à la maison qu'un parent qui travaille ne peut pas produire. Par conséquent, si vous attribuez une valeur au travail domestique effectué par le parent qui reste à la maison, vous devez attribuer, à mon avis, le même montant au parent qui travaille, parce que les deux font la même chose. La seule différence est que l'un des deux est compensé ou touche un avantage, peu importe comment on appelle cela, pour le coût des services de garde. Je suis d'accord avec l'argument selon lequel les frais de garde d'enfants sont des dépenses liées à l'emploi et doivent donc faire l'objet d'une déduction. Par contre, je ne suis pas d'accord avec l'argument voulant que ce soit une compensation pour l'impôt... Je pense que vous avez dit que c'était un impôt non prélevé sur les revenus gagnés.
Nous devrons convenir de ne pas être d'accord. Mais comme vous avez affirmé tout à l'heure vouloir dire quelque chose, j'ai pensé vous faire part de mes commentaires avant de vous donner le dernier mot.
M. Gordon Cleveland: Je ne veux pas dire que ce n'est pas une dépense liée à l'emploi. En fait, les deux arguments vont de pair. C'est une dépense liée à l'emploi qui ne doit donc pas être imposée. Il faut l'assumer avec le revenu avant impôt et non pas après impôt.
La raison pour laquelle c'est important... tient à de nombreux facteurs. M. Szabo a dit que beaucoup de dépenses liées à l'emploi ont été supprimées, c'est-à-dire qu'on a éliminé la protection prévue à l'égard de ces dépenses dans le régime fiscal, qu'il n'y a plus d'arrangement particulier à cet égard. C'est vrai. Mais la raison pour laquelle le ministère des Finances a conservé celle-ci, c'est qu'elle se situe dans une zone pointue où les décisions sont très sensibles aux fluctuations, en dépit de ce qu'en dit M. Szabo, parce que les recherches en économie montrent assez clairement la sensibilité des choix. La décision d'aller travailler ou de rester à la maison a des incidences profondes sur les avantages offerts aux familles et il importe par conséquent de reconnaître que c'est une dépense liée à l'emploi.
Donc, parce que les mères qui restent à la maison et qui produisent leurs propres services de garde d'enfants, ce qui est le travail fondamental qu'elles accomplissent à la maison, ne sont pas imposées sur la valeur de cette production, la façon dont on traite, sur le plan fiscal, les frais de garde d'enfants peut faire une grande différence.
Les frais de garde influent donc fortement sur la décision de travailler à l'extérieur ou de rester à la maison, mais ils sont traités comme une dépense relative à l'emploi. C'est la logique de l'affaire: parce qu'ils sont une dépense relative à l'emploi, ils ne font pas partie du revenu discrétionnaire et il faut donc les déduire de son revenu avant de calculer l'impôt à payer.
Le président: Merci.
Y a-t-il d'autres questions?
Au nom des membres du comité, je voudrais vous remercier pour vos présentations. Comme vous l'avez dit, nous n'avons pas une tâche facile, mais votre témoignage nous a certainement donné matière à réflexion et a peut-être quelque peu allégé notre tâche. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie encore une fois et vous souhaite un bon voyage de retour. Merci.
La séance est levée.