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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent des langues officielles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 21 avril 2004




¹ 1535
V         Le président (l'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.))
V         M. Tory Colvin (président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law)

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC)
V         M. Tory Colvin
V         M. James Lunney
V         M. Tory Colvin

¹ 1555
V         M. James Lunney
V         M. Tory Colvin
V         M. James Lunney
V         Le président
V         M. Scott Reid (Lanark—Carleton, PCC)
V         M. Tory Colvin
V         M. Scott Reid
V         M. Tory Colvin
V         Le président
V         M. Christian Jobin (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Lib.)

º 1600
V         M. Tory Colvin
V         M. Christian Jobin
V         M. Tory Colvin
V         M. Christian Jobin
V         M. Tory Colvin
V         M. Christian Jobin
V         M. Tory Colvin
V         M. Christian Jobin
V         M. Tory Colvin
V         M. Christian Jobin
V         M. Tory Colvin
V         M. Rénald Rémillard (directeur général, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law)

º 1605
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ)
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau

º 1610
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)
V         M. Tory Colvin
V         M. Rénald Rémillard
V         M. Raymond Simard

º 1615
V         M. Rénald Rémillard
V         M. Raymond Simard
V         M. Tory Colvin
V         M. Rénald Rémillard
V         M. Raymond Simard
V         Le président
V         M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD)
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin

º 1620
V         M. Yvon Godin
V         M. Rénald Rémillard
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         Le président

º 1625
V         M. Tory Colvin
V         Le président
V         M. Tory Colvin
V         Le président
V         M. Tory Colvin
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         M. Tory Colvin
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         M. Benoît Sauvageau
V         Le président
V         Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.)

º 1630
V         M. Tory Colvin
V         Mme Yolande Thibeault
V         M. Rénald Rémillard
V         Mme Yolande Thibeault
V         Le président
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         M. Yvon Godin
V         M. Tory Colvin
V         Le président

º 1635
V         M. Christian Jobin
V         Le président
V         M. Christian Jobin
V         Le président
V         M. Christian Jobin
V         Le président
V         M. Raymond Simard
V         M. Tory Colvin
V         Le président
V         M. Tory Colvin
V         M. Raymond Simard
V         Le président










CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 009 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 21 avril 2004

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Français]

+

    Le président (l'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)): À l'ordre.

    Conformément à l'article 108(3) du Règlement, nous faisons une étude sur la nomination des juges nommés par le gouvernement fédéral et la question du bilinguisme et de la dualité linguistique.

    Nos témoins d'aujourd'hui sont membres de la Fédération des associations des juristes d'expression française de common law. Monsieur Colvin, soyez le bienvenu. Nous vous demandons de nous présenter votre directeur général. La parole est à vous.

+-

    M. Tory Colvin (président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law): Merci, monsieur le président.

    Honorables députés, bonjour. C'est avec le plus grand plaisir que nous nous retrouvons encore une fois avec vous. Si j'ose dire, cela devient une très bonne habitude. Nous nous sentons très privilégiés et c'est un grand plaisir pour nous. D'abord, merci de nous avoir invités.

    Je me présente, car certains d'entre vous ne me connaissent peut-être pas. Je m'appelle Tory Colvin et je suis le président de la Fédération des associations de juristes d'expression française de common law. Je suis accompagné de Me Rénald Rémillard, qui est notre directeur.

    Permettez-moi d'abord de vous expliquer un peu qui nous sommes. Notre fédération regroupe sept associations de juristes d'expression française et a pour mandat de promouvoir et défendre les droits linguistiques des minorités francophones, notamment mais pas exclusivement en matière d'administration de la justice. La partie la plus importante est l'accès au système judiciaire dans les provinces à majorité anglophone. Nous avons des membres, c'est-à-dire des associations de juristes d'expression française en Colombie-Britannique, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Notre association est aussi membre de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Une de nos plus grandes préoccupations est d'assurer qu'il y ait quelque chose en justice auquel on puisse accéder, c'est-à-dire une ouverture en français.

    Notre présentation d'aujourd'hui porte sur la question de la nomination de juges bilingues à la magistrature fédérale, au niveau des tribunaux provinciaux de première instance. Nous n'allons donc pas traiter de la nomination des juges à la Cour fédérale, bien qu'il semble y avoir là certains problèmes d'accès en français, aux cours d'appel des différentes provinces, où il y a aussi des problèmes, ou encore à la Cour suprême du Canada. Nous allons seulement traiter des nominations des juges aux cours supérieures, qui portent des noms différents selon la province. Par exemple, il y a la Cour du Banc de la Reine au Manitoba, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick et en Alberta. En Nouvelle-Écosse, on parle de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, de même qu'en Colombie-Britannique. En Ontario, on parle de la Cour supérieure.

    Comme vous le savez probablement, ces tribunaux entendent les causes de droit pénal, surtout en vertu du Code criminel, des causes de droit de la famille, c'est-à-dire le divorce et la garde des enfants, et des causes civiles, qui portent notamment sur les contrats, les successions et les délits civils. Ce sont donc les tribunaux qui traitent des problèmes quotidiens de M. et Mme Tout-le-Monde.

    Bien que ces tribunaux soient créés et financés par les provinces en vertu de l'article 96 de notre Loi constitutionnelle, les juges sont nommés par le gouvernement fédéral et font partie de la magistrature fédérale. Avant de voir si le processus de nomination des juges respecte les droits linguistiques, il serait peut-être important de décrire brièvement comment fonctionne le processus actuel de nomination. Les juristes qui veulent accéder à la magistrature fédérale doivent poser leur candidature. Ils remplissent une fiche qui fournit les antécédents personnels et les données fondamentales nécessaires aux fins d'une évaluation. Cette évaluation est faite par un comité consultatif qui existe dans chaque province et territoire, sauf en Ontario, où il y trois comités régionaux, et au Québec, où il y en a deux. Chaque comité est formé de sept membres: un représentant du barreau de la province ou du territoire, un représentant de la division provinciale ou territoriale de l'Association du Barreau canadien, un juge représentant le procureur général de la province ou le ministre de la Justice du territoire, et trois membres représentant le ministre de la Justice du Canada. Toutes les délibérations et consultations sont confidentielles.

    Il y a une liste de critères dont on doit tenir compte concernant le caractère d'un bon juge. Ces critères touchent la compétence, l'expérience professionnelle, les qualités personnelles, la conscience sociale et les obstacles possibles à une nomination. Le critère du bilinguisme, malheureusement, n'est qu'un critère parmi plusieurs autres. On demande au comité d'évaluer les candidatures en fonction de trois catégories: « recommandé », « fortement recommandé » et « sans recommandation ».

¹  +-(1540)  

    La responsabilité ultime des nominations incombe au ministre de la Justice. Les nominations à la magistrature fédérale sont faites par le Gouverneur général sur l'avis du Cabinet. Le ministre de la Justice fait au Cabinet les recommandations relatives aux nominations des juges des tribunaux supérieurs et le premier ministre, celles relatives aux juges en chef.

    Que donne ce processus de nomination en termes d'accès à la justice en français? Eh bien, à notre avis, le processus actuel mène trop souvent à des résultats inacceptables. Certaines juridictions sont bien bilingues. L'Acadie, au Nouveau-Brunswick, et la région d'Ottawa offrent un accès égal à la justice pour les deux langues. D'autres juridictions peuvent au mieux accommoder, avec préavis et avec des délais, les gens qui veulent avoir accès à des procédures en français. D'autres sont très embêtées face à des demandes de services en français. D'ailleurs, ce constat est confirmé par nos membres qui, depuis plusieurs années, font part de situations alarmantes, cela dans plusieurs provinces.

    Je vous donne quelques exemples. Au Manitoba, les citoyens ont le droit d'utiliser la langue de leur choix devant les tribunaux. En dépit de ce droit, au Manitoba, depuis des années, il n'y a aucun juge bilingue à la Division de la famille de la Cour du Banc de la Reine. Donc, les justiciables francophones au Manitoba qui veulent divorcer en français doivent faire venir un juge de la Division générale de la Cour du Banc de la Reine. Concrètement, cela veut dire que le justiciable qui veut divorcer ou régler des questions de pension alimentaire en français doit souvent attendre plus longtemps que s'il acceptait de procéder en anglais. Donc, le système encourage les gens à demander des services non pas en français, mais en anglais. Dans beaucoup de cas aussi, il y a des coûts additionnels pour le justiciable à cause des délais.

    Je me permets de vous rappeler l'arrêt Beaulac de notre Cour suprême. En 1999, en parlant du bilinguisme judiciaire, la Cour suprême nous a dit:

Quand on instaure le bilinguisme institutionnel dans les tribunaux, il s'agit de l'accès égal à des services de qualité égale pour les membres des collectivités des deux langues officielles au Canada.

    Donc, nous avons maintenant depuis cinq ans cet énoncé.

    Au Manitoba, le justiciable francophone n'a pas un accès égal à des services de qualité égale, tout simplement à cause du manque de juges bilingues qui perdure à la Division de la famille. Tout cela laisse croire que le système actuel de nomination des juges à la magistrature fédérale semble peut-être violer certains droits constitutionnels au Manitoba.

    Comme vous le savez sans doute, les citoyens du Nouveau-Brunswick ont aussi le droit constitutionnel d'utiliser la langue de leur choix devant leurs tribunaux. Bien qu'en Acadie, cela semble marcher très bien, j'entends dire que dans le reste de la province, il n'est pas aussi facile d'avoir accès à des services en français. Il faut faire la demande et faire venir des juges, un peu comme dans le cas de la Division de la famille au Manitoba.

    En Ontario, la Cour supérieure doit être en mesure d'entendre des procès en français dans les régions désignées en vertu de lois provinciales, la Loi sur les services en français et la Loi sur les tribunaux judiciaires. En dépit de ce droit, à Windsor, dans le sud-ouest, et à Welland, dans le sud, la Cour supérieure de l'Ontario a perdu des compétences bilingues. Des juges bilingues ont été remplacés par des juges unilingues anglophones. Quatre-vingt-dix pour cent des Ontariens vivent dans des régions désignées bilingues et ont donc droit à la justice soit en anglais, soit en français. Par exemple, à London, en Ontario, où je pratique, nous avons une juge bilingue parmi les quelque 30 juges qu'il y a dans cette région. Le client qui veut obtenir d'urgence une ordonnance de garde intérimaire ou de pension alimentaire provisoire doit soit attendre que Mme la juge Morissette soit disponible, soit renoncer à son droit de procéder en français.

    Notre juge en chef en Ontario, Mme la juge Smith, s'est déclarée contente de la nomination de M. le juge Rouleau dans la région de Toronto. Nous le sommes aussi, mais il remplace le juge Beaulieu, qui prend sa retraite. Donc, ce n'est que le statu quo qui a été protégé et non pas un progrès.

¹  +-(1545)  

Si je ne me trompe, cela fait que la région de Toronto, qui compte environ 3 millions de personnes, a une cinquantaine de juges, dont deux qui sont bilingues.

    Toutes les provinces à majorité anglophone ont accepté d'être liées au minimum, c'est-à-dire à la partie XVII du Code criminel. Cela permet à un accusé--pardon, on doit maintenant dire « prévenu »--de subir son procès en français lorsqu'il est accusé en vertu du Code criminel. C'est aussi la procédure qui s'applique à toute infraction qui découle de toute loi fédérale.

    Par conséquent, la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que les territoires doivent tous aussi compter un nombre adéquat de juges bilingues s'ils veulent respecter la partie XVII du Code criminel. Étant donné qu'il n'existe pas de statistiques officielles en ce qui a trait au nombre de juges bilingues au sein de la magistrature fédérale, cela reste très difficile à établir. En Alberta, il y a un juge qui parle français. À l'Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve, on n'en est pas sûr. En Saskatchewan, il n'y a qu'un seul juge bilingue à la Cour du Banc de la Reine. Si ce juge est malade, en congé de maladie, en vacances ou en conflit, la Saskatchewan perd toute compétence bilingue pour les causes pénales. C'est un droit qui, je dirais, est très précaire et c'est aussi, je crois, une situation qui pourrait nuire énormément à l'administration de la justice au Canada.

    Je me permets de vous donner un exemple qui ne touche pas directement le gouvernement fédéral, mais il s'agit d'une situation que je vis. Lorsque l'Ontario a transféré la responsabilité des poursuites des infractions provinciales aux municipalités, celles-ci ont aussi hérité de l'obligation de faire des poursuites en français. J'ai honte de l'avouer, mais je suis, par conséquent, le poursuivant dans le cas des infractions provinciales dans certaines petites villes dans le sud-ouest de l'Ontario. Voici comment on accorde ce droit aux procès en français: le seul juge de paix de la région du sud-ouest fait une tournée, suit un circuit et passe quatre fois par an dans chaque tribunal. Par conséquent, chaque ville bénéficie de quatre jours de procès en français par an. C'est maintenant un fait connu. Par conséquent, tous ceux qui parlent un peu français demandent de procéder en français. À mon avis, c'est tant mieux. Ils ont ce droit. Qu'ils l'exercent.

    Par contre, parce que les services de police ne doivent prendre qu'un des quatre jours, ils sont obligés d'envoyer les policiers pour témoigner les jours où ces derniers sont peut-être en congé. Par conséquent, cela représente des heures supplémentaires. Je dirais qu'il n'y a qu'une poursuite sur quatre en français qui n'est pas abandonnée, parce que dans le cas des trois autres il n'y a pas de témoin ou parce que cela coûterait trop cher au service de police de payer les heures supplémentaires.

    Dans le cas d'un excès de vitesse, ce n'est pas grave si je retire les accusations. Par contre, si cette même mentalité, cette même façon d'exercer le droit se transmet au niveau pénal ou au niveau des cours de la famille, ainsi que pour les faillites et les autres questions de compétence fédérale, tout d'un coup, des poursuites pénales risquent de tomber à l'eau et des gens qui devraient peut-être être reconnus coupables, ou du moins subir un procès, ne le seront pas parce que les ressources ne sont pas là, comme l'a établi l'arrêt Beaulac, de façon égale.

    Par conséquent, nous faisons quelques recommandations. Je crois que les faits démontrent que le processus des juges et des comités consultatifs ne tient pas suffisamment compte des enjeux linguistiques dans les différentes régions et des obligations constitutionnelles et même non constitutionnelles dont le gouvernement fédéral doit s'acquitter en nommant un nombre suffisant--et je crois que c'est le mot « suffisant » qui est important--de juges bilingues partout au Canada.

    Les pressions et plaintes de nos membres auprès des diverses instances du gouvernement ont été nombreuses au cours des années et ne semblent pas donner de résultats. Une réforme des processus de nomination s'impose, et je vois que le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile étudie justement cet aspect. C'est peut-être donc le moment opportun de considérer aussi le côté linguistique.

¹  +-(1550)  

    Je crois que la capacité des candidats doit être évaluée avant de recommander ou de nommer tout juge à titre de bilingue. La capacité n'est aucunement mesurée en ce moment. On accroche que oui, on est bilingue, quelle que soit la langue, qu'il s'agisse de l'allemand, de l'italien ou du français. Il n'y a aucune mesure de cette capacité. Donc, on peut tout simplement se déclarer bilingue.

    L'expérience nous montre qu'il y a des gens qui se déclarent bilingues alors qu'en fait, ils peuvent se débrouiller pour voyager, pour commander dans un restaurant, mais ne veulent pas siéger en tant que juges en français. Je crois aussi que ce serait bien de nommer un nombre minimal de juges bilingues dans chacune des provinces ou régions, en tenant compte des obligations linguistiques constitutionnelles de la province et des facteurs démographiques, de la possibilité de conflit d'intérêts et, surtout, du principe de l'accès égal à des services de qualité égale.

    Les comités consultatifs devraient obligatoirement dresser une liste des candidats bilingues recommandés ou très recommandés, et je souligne encore qu'il s'agit de candidats bilingues. Le critère linguistique ne devrait pas être, comme il l'est maintenant, tout simplement un critère parmi les autres. La recommandation des candidats bilingues est entièrement aléatoire, puisque plusieurs comités consultatifs ne tiennent pas compte des obligations linguistiques des gens ou du gouvernement lors de la nomination des juges. Donc, une liste de candidats bilingues serait une façon de résoudre ce problème.

    À notre avis, le gouvernement doit s'acquitter de cette obligation linguistique. Il doit assurer que ceux qui sont de langue française puissent avoir un accès égal à la justice au Canada. Le processus de nomination date de 1988. Il est peut-être temps de le moderniser, de le rendre conforme à la récente jurisprudence de la Cour suprême du Canada et aux engagements du gouvernement fédéral, qui se trouvent entre autres, d'après nous, dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles et dans le plan d'action fédéral en matière de langues officielles.

    Pour conclure sur une note pratique, je dirai qu'il est important de noter qu'un juge bilingue ne coûte pas plus cher qu'un juge unilingue.

    Merci, messieurs.

+-

    Le président: Bien dit, maître Colvin, et merci pour votre intervention.

    Maintenant, nous allons passer aux questions. J'en aurai une ou deux moi-même un peu plus tard.

    Nous allons débuter avec M. Lunney.

[Traduction]

    C'est à votre tour, monsieur.

+-

    M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, PCC): Merci.

    Je crois comprendre qu'il y a environ 16 comités consultatifs, selon les notes qui nous ont été fournies par la Bibliothèque du Parlement. Coordonnez-vous le travail de ces 16 comités? Ce renseignement est-il exact?

+-

    M. Tory Colvin: Non, ces comités n'ont rien à voir avec notre organisation. Les comités sont composés d'un représentant du barreau de la province ou du territoire, d'un représentant de la branche provinciale ou territoriale de l'Association du barreau canadien, de même que de trois membres nommés par le ministre de la Justice de la province. En d'autres termes, ces comités sont tout à fait indépendants de notre groupe.

+-

    M. James Lunney: Y a-t-il 16 de ces comités dans tout le pays?

    On les retrouve dans les provinces ou les régions. Cela explique-t-il le grand nombre de ces comités?

+-

    M. Tory Colvin: Il y a un comité dans chaque province. En Ontario, je crois qu'il y en a trois. Il y en a un pour la région de Toronto. Je crois qu'il y en a un pour le sud-ouest de l'Ontario, un pour l'est, et un pour le nord. Je ne suis pas certain de la distribution géographique exacte. Il me semble que le Québec en compte deux, un pour la région métropolitaine de Montréal et un pour le reste de la province. Ensuite, je crois qu'il y a un comité par province, c'est-à-dire un en Colombie-Britannique, un en Alberta, etc.

    Je crois qu'il y a un comité pour chacun des territoires, mais je suis désolé, je ne suis pas certain de la répartition dans les territoires.

¹  +-(1555)  

+-

    M. James Lunney: Si je vous comprends bien, parmi les questions entourant les compétences requises, figure simplement une question de compétence linguistique. Celle-ci est souvent évaluée par des gens qui peuvent ne pas être bilingues. Est-ce exact?

    Recommandez-vous qu'il y ait un comité ou, à tout le moins, une liste spéciale de candidats qui ont fait l'objet d'une évaluation préalable et sont reconnus comme candidats bilingues?

+-

    M. Tory Colvin: À l'heure actuelle, le formulaire pose seulement la question suivante : Parlez-vous une autre langue? Vous cochez « oui » et ensuite vous précisez de quelle langue il s'agit : espagnol, français, allemand ou italien. Si les candidats indiquent qu'ils parlent français, on suppose généralement qu'ils sont en mesure de faire un bon travail en français.

    Cela n'est pas toujours le cas. Je connais plusieurs avocats, des amis, qui parlent français mais qui n'oseraient jamais plaider une cause en français. Ils peuvent entretenir une conversation en français. Ils pourraient à la rigueur affirmer qu'ils sont bilingues, mais ils ne plaideraient pas de causes en français.

    Je plaide des causes en français. C'est amusant, en fait, de plaider des causes en anglais aussi. Ce n'est pas aussi amusant, mais c'est intéressant néanmoins.

+-

    M. James Lunney: Monsieur le président, j'aimerais vous demander de faire un rappel à mon collègue au sujet du temps qui m'est alloué.

[Français]

+-

    Le président: Allez-y, monsieur Reid.

+-

    M. Scott Reid (Lanark—Carleton, PCC): Merci.

    Vous avez indiqué qu'il n'y avait aucune mesure de bilinguisme pour les juges. Il y a juste une question, comme celle qu'il y a au recensement à propos de la capacité de parler les deux langues officielles. Pouvez-vous nous indiquer le nombre de candidats bilingues qui existent pour ces postes dans les différentes parties du pays?

+-

    M. Tory Colvin: Cela fait partie de la difficulté. Ça reste un peu une énigme. On est parfois conscients que certains collègues ont posé leur candidature, mais on n'a jamais accès aux listes totales de tous ceux qui se sont portés candidats. On dit toujours que c'est un peu comme la nomination des papes: on sait qu'il y aura une nomination de juge quelque part et on attend de voir la couleur de la fumée pour savoir qui ce sera.

+-

    M. Scott Reid: Non, je parle des candidats potentiels, éventuels. Je parle de l'univers des avocats qui seraient capables de fonctionner dans les deux langues officielles dans le rôle de juge.

+-

    M. Tory Colvin: Il n'y a aucune mesure. D'abord, d'après ce que je comprends, le formulaire et les comités ne prennent pas cela suffisamment en compte. Deuxièmement, la magistrature elle-même ne tient pas compte du nombre de juges qui sont capables de siéger en français.

    Lorsqu'il y a un juge qui parle un peu français, il arrive souvent--et je le sais, parce que cela m'est arrivé--qu'on va le voir pour lui dire qu'il y a une cause qu'on veut faire en français, que ce n'est pas compliqué, que c'est quelque chose de très simple et qu'on va plaider coupable, et on lui demande s'il pourrait le faire. Il répond que si ce n'est pas plus compliqué que cela, il le fera, mais que son français ne serait pas à la hauteur s'il s'agissait d'une cause constitutionnelle, par exemple.

    Le résultat est qu'il faut presque aller chercher son juge et lui demander de siéger. À ce moment-là, il pourrait se dire qu'il est bilingue parce qu'il a siégé en français. Par contre, le jour où vous voudrez lui soumettre une procédure compliquée en droit constitutionnel, il vous dira qu'il n'est pas de ce niveau. Et franchement, dans un tel cas, je le remercie, parce que ce serait dommage qu'on plaide cela et qu'il nous dise, à la fin de deux ou trois journées de processus, qu'il n'a malheureusement rien compris.

    Alors, très souvent, le résultat est qu'on doit aller chercher ailleurs un juge qui parle français à un niveau adéquat. Souvent, même à London, on doit aller à Toronto chercher son juge. Si je fixe une date de procès à London, je pourrai tenir ce procès d'ici trois mois. Par contre, si je veux un procès en français, parce qu'il n'y a qu'une seul juge, si elle est prise dans un autre procès, en vacances ou Dieu sait quoi, je devrai probablement attendre six ou huit mois avant qu'elle soit disponible.

+-

    Le président: On pourra revenir lors d'un deuxième tour, si vous le permettez.

    Le prochain intervenant sera M. Jobin.

+-

    M. Christian Jobin (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Lib.): Je suis très surpris d'entendre votre rapport aujourd'hui. Je me rends compte que les gens des minorités francophones ou anglophones ne sont pas sûrs d'avoir un procès dans leur langue d'origine partout au Canada à l'heure actuelle. J'aimerais savoir si on peut prétendre qu'il y a actuellement certains individus qui sont brimés dans leurs droits fondamentaux.

º  +-(1600)  

+-

    M. Tory Colvin: Je dirais que oui, parce qu'ils doivent souvent attendre davantage. Quand on veut procéder en français, il faut beaucoup plus de temps pour fixer la date, parce qu'il faut trouver un procureur, un juge, un greffier qui parlent français. Cela pose des complications, parce que ce n'est pas un système égal. C'est surtout, du moins en Ontario, un système qui accommode.

    Quand on parle aux gens, ils disent qu'on a tout à fait le droit de procéder en français, qu'ils ne vont pas toucher à ce droit, mais ils nous demandent de revenir deux semaines plus tard parce qu'ils connaîtront alors les dates disponibles. En revanche, si cela se faisait en anglais, ils répondraient immédiatement qu'ils ont telle date au mois de juin et telle date au mois de juillet. Il y a donc un problème.

    Mais il y a plus grave encore. En droit pénal, d'habitude, les accusés sont très contents d'attendre. Ils pourraient attendre leur procès 10 ans, et ce serait tant mieux pour eux. Ce qui est plus grave, c'est que, quand les gens veulent faire avancer des causes civiles comme un divorce ou une faillite, on leur dit qu'ils peuvent procéder le lendemain en anglais et qu'on leur donnera un interprète, et que c'est tout à fait la même chose. Non, je regrette, ce ne l'est pas. Mais c'est ce qu'on leur dit. Ou encore, on leur déclare que, s'ils reviennent un mois plus tard, on saura peut-être les dates où la juge qui parle français sera disponible.

    Quel est le résultat? Si une femme a besoin, de façon urgente, d'une pension alimentaire ou d'une ordonnance de garde provisoire de ses enfants, elle va dire qu'elle veut procéder le lendemain et renoncer à son droit à un procès en français. Si quelqu'un qui veut se faire libérer d'une faillite désire le faire en français et qu'on lui répond que cela ne pourra se faire que six mois plus tard, alors qu'en anglais, cela pourrait être fait la semaine suivante, que croyez-vous qu'il va dire?

+-

    M. Christian Jobin: Tout à l'heure, vous avez dit qu'il y avait en Ontario, si je me souviens bien des chiffres, 27 juges anglophones et un juge francophone ou bilingue. Est-ce bien cela que vous avez dit?

+-

    M. Tory Colvin: Je parlais des régions. L'Ontario est divisé en cinq régions judiciaires--en trois régions pour les comités consultatifs--, et chacune a un juge en chef. Il y a six ou sept juges dans chacune des régions du Nord, qui sont vastes mais très peu peuplées, et une bonne cinquantaine de juges dans la région de Toronto. Maintenant, nous avons des régions autour de Toronto qui sont presque aussi grandes que Toronto. La région où je suis est la région sud-ouest, qui est basée à London. Elle compte une trentaine de juges. À part le comté de Huron, le village de Goderich, tout le reste de la région sud-ouest est désigné bilingue. Donc, sauf dans le comté de Huron, on a en théorie le droit de procéder en français dans toute cause civile, pénale, quelle qu'elle soit, avec un seul juge.

+-

    M. Christian Jobin: Donc, si je comprends bien, ceux qui ont la responsabilité de nommer les juges n'ont pas la préoccupation de desservir adéquatement la population à l'heure actuelle, surtout les minorités dans le pays.

+-

    M. Tory Colvin: À notre avis, non.

+-

    M. Christian Jobin: Que faudrait-il faire pour s'assurer que ce soit corrigé?

+-

    M. Tory Colvin: Je crois tout d'abord que la capacité linguistique, la capacité de faire des procédures en français, devrait être beaucoup plus importante au niveau de la sélection des juges. On parle d'accès à la justice. S'il n'y a rien à quoi accéder, comment peut-on y avoir accès? Si on ouvre une porte et qu'il n'y a rien, on n'a pas d'accès. Je crois que les critères doivent d'abord être revus de façon à ce que le critère du bilinguisme devienne un critère essentiel.

+-

    M. Christian Jobin: Pour chaque juge?

+-

    M. Tory Colvin: Pas forcément pour chaque juge. Je crois qu'une région qui compte une vingtaine de juges pourrait peut-être en compter au moins cinq qui soient capables de siéger dans les deux langues.

+-

    M. Christian Jobin: Il en faudrait donc 25 p. 100 pour satisfaire la population.

+-

    M. Tory Colvin: La région de Toronto, qui compte 50 juges, pourrait sûrement en compter une dizaine qui soient bilingues.

+-

    M. Rénald Rémillard (directeur général, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law): Si vous me permettez d'intervenir, je vous dirai qu'on entend souvent dire, en ce qui concerne la nomination des juges, qu'il n'y a pas forcément de candidats bilingues qui se soient présentés ou qui aient obtenu la cote « hautement recommandé » d'un comité. Mais, d'après ce qu'on entend, les comités n'ont pas pris en considération l'importance de l'obligation linguistique. Ce n'est même pas dans leurs critères. Pour eux, cela ne fait même pas partie du concept du mérite. C'est tout simplement quelque chose de facultatif. Si la personne a travaillé avec Centraide, cela compte autant que si elle est parfaitement bilingue. On oublie les obligations linguistiques.

    Je vous donne l'exemple du Manitoba parce qu'il m'est familier. La question de procéder devant des juges pour obtenir un divorce est une question réelle. Il y a des gens, des clients et clientes, des avocats et avocates qui nous disent que leurs clients, qui sont francophones, veulent divorcer. Souvent, quand on veut divorcer, c'est parce qu'on veut se remarier rapidement. La question des délais est donc importante. On ne veut pas attendre. Bien des gens attendent à la dernière minute, et la seule raison pour laquelle ils veulent le divorce, parfois après cinq ou six ans de séparation, est qu'ils veulent se remarier. Donc, comme je vous le dis, le délai est une question importante. Si on procède en français et qu'on présente la demande de divorce en français, cela va prendre plus de temps, ce sera plus coûteux, ce sera plus compliqué après, etc. À ce moment-là, on laisse tomber et on se dit qu'on va procéder en anglais. Et après cela, on dit qu'il n'y a pas de demande. Je pense que c'est une question problématique.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: On y reviendra lors d'un deuxième tour. On me dit que nos témoins devront quitter assez tôt, et je veux donner l'occasion à chacun des membres du comité d'intervenir. C'est pour cela que je suis peut-être un peu dictatorial dans le contrôle du temps.

+-

    M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Cela ne vous ressemble tellement pas, monsieur le président.

+-

    Le président: C'est vrai. Monsieur Sauvageau, vous ne devriez pas dire cela puisque c'est votre tour. Vous êtes le premier et vous allez en bénéficier tout de suite.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je voudrais avoir deux minutes de plus.

    Messieurs, bonjour. Comme vous l'avez souligné dans votre intervention, au moment même où on discute de la nomination des juges et de la question du bilinguisme, au 705, édifice de La Promenade, le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile se penche sur la nomination des juges, point. Est-ce que vous avez été invité à témoigner à ce comité pour parler de l'importance constitutionnelle du bilinguisme dans la nomination des juges?

    Je tiens à vous dire que notre porte-parole à ce comité est Richard Marceau. Cet après-midi, je lui ai remis le document d'information du service de recherche pour qu'il en fasse mention au Comité de la justice, qui est actuellement, comme je le disais, en train d'étudier le processus de nomination des juges. J'aimerais savoir si vous avez été invité à y comparaître. Sinon, avez-vous l'intention, par l'entremise de notre comité, de la Sainte Trinité ou je ne sais quoi, de vous faire inviter à ce comité pour faire valoir nos droits constitutionnels?

+-

    M. Tory Colvin: Non, jusqu'à présent, nous n'avons pas été invités. Par contre, ce serait avec le plus grand plaisir que nous nous présenterions devant ce comité.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Parfait, merci.

    Le commissaire à la magistrature fédéral, David Gourdeau, est venu témoigner le 4 novembre 2003 devant le comité. Je n'ai pas relu les « bleus », mais il me semble que c'est moi qui lui ai posé la question suivante. Actuellement, il y a 1 029 juges de nomination fédérale au Canada, et je lui ai demandé combien de ces 1 029 juges étaient bilingues. Le commissaire, qui est responsable des 16 bureaux de nomination et de tout cela, disait ignorer ce chiffre. Sur les 1 000 et quelques juges, combien y en a-t-il à peu près qui sont bilingues? Est-ce qu'il y a une façon d'obtenir cette information?

+-

    M. Tory Colvin: Je crois que ce serait presque impossible à identifier. Certains juges sont bilingues; ils parlent parfaitement les deux langues, même sans accent. Il y en a d'autres qui font un effort pour accommoder les gens. Parfois, à London, je suis allé frapper à la porte de certains d'entre eux, comme je vous l'ai expliqué. Ils pourraient se dire bilingues, bien qu'ils reconnaissent très sincèrement qu'ils ne seraient pas capables de siéger dans une affaire qui serait plutôt complexe. Donc, cette statistique, à ma connaissance, n'a jamais vraiment été prise en compte.

    Ce serait quelque chose de très difficile à prendre en compte, parce que la capacité linguistique est différente chez chacun. Il y a des gens qui ont un accent affreux mais qui parlent très bien, d'autres qui ont un accent excellent mais un vocabulaire épouvantable. Ce sont des choses très difficiles à juger. Donc, à ma connaissance, il n'y a pas vraiment de statistiques là-dessus.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Je ne suis pas linguiste non plus, mais il doit y avoir des tests d'évaluation assez fiables. Si, dans la fonction publique fédérale, même si la loi n'est pas respectée, on en tient compte à l'occasion, si on est capables de faire des tests d'évaluation linguistique, on est peut-être capable de faire la même chose au niveau des juges.

    J'ai beaucoup apprécié vos recommandations sur les manières d'améliorer la situation de la nomination des juges. Si l'article 133 de la Loi constitutionnelle garantit l'utilisation des deux langues officielles dans les plaidoiries, si le paragraphe 19(1) de la Charte canadienne des droits et libertés donne cette obligation aussi, si les articles 14, 15, 16, 17, 18, 19 et 20 de la Loi sur les langues officielles obligent aussi les tribunaux à offrir les services dans les deux langues, et si les articles 530 et 530.1 du Code criminel rappellent les mêmes obligations et que ces obligations sont bafouées, quels sont les recours des Canadiens et des Canadiennes qui veulent avoir un recours devant les tribunaux dans la langue de leur choix, qui est bafouée? Quels sont leurs droits, quels sont leurs recours? Est-ce qu'on se plaint à la commissaire aux langues officielles? Comment peut-on porter plainte contre une cour de la Reine qui ne respecte pas la Constitution, la Charte, le Code criminel et la loi d'un pays?

º  +-(1610)  

+-

    M. Tory Colvin: Vous posez cette question à un avocat qui adore défendre des causes linguistiques. C'est très simple: vous prenez un accusé et vous lui dites que vous avez soulevé ces points, qui sont le droit constitutionnel, le droit linguistique, etc. et vous continuez jusqu'au niveau de la Cour suprême du Canada s'il le faut. C'est exactement ce qu'a fait Beaulac pour avoir droit à un procès en français.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Après la décision de la Cour suprême, on continue à bafouer la Constitution, la Charte, la loi et le Code criminel. C'est ce que je dois comprendre?

+-

    M. Tory Colvin: Et on continue à remonter l'échelle avec des causes jusqu'au niveau de la Cour suprême du Canada. On arrive tout le temps avec plusieurs causes. On est toujours en train de soulever des causes comme celle-là. J'en ai quatre chez moi en ce moment, et je sais qu'au moins trois d'entre elles vont finir aux cours d'appel, peut-être même une à la Cour suprême du Canada. C'est tant mieux, car cela serait « le fun », comme on dit au Québec.

+-

    M. Benoît Sauvageau: S'il me reste un peu de temps, je vous dirai que, pour corriger en aval cette situation, si je comprends bien--ce n'est pas une affirmation, mais une question--, il faudrait que le ministre de la Justice du gouvernement fédéral oblige les comités consultatifs à tenir compte de la Constitution, de la Charte, de la loi et du Code criminel. Autrement dit, si le ministre de la Justice dit qu'il faut respecter la justice, dans 15, 20 ou 30 ans, il ne devrait plus y avoir de problèmes.

+-

    M. Tory Colvin: Et vous me priverez des arguments que j'adore présenter devant les tribunaux.

+-

    M. Benoît Sauvageau: C'est très bien.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Sauvageau.

    Monsieur Simard, vous avez la parole.

+-

    M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, messieurs. Vous avez répondu à plusieurs de mes questions dans votre excellente présentation. Ma question portera sur les comités qui ont été créés.

    Il me semble qu'ils ont été créés pour assurer une certaine intégrité et une certaine transparence dans le processus de nomination des juges, mais nous constatons maintenant que le problème se trouve au niveau de ces comités. À qui revient la responsabilité d'assurer que nous remplissons nos obligations? Est-ce que c'est aux membres de ce comité? Est-ce que c'est au bureau des commissaires? Comme ces gens nous ont dit qu'ils ne tenaient pas compte du bilinguisme, ce n'est évidemment pas leur rôle. À qui cette responsabilité appartient-elle? Est-ce au gouvernement fédéral? Qui doit assumer cette responsabilité?

+-

    M. Tory Colvin: Je dirais que c'est le gouvernement fédéral qui doit l'assumer, parce qu'en fin de compte, c'est le ministre de la Justice qui nomme au moins trois des membres du comité, donc la moitié. En fin de compte, c'est le ministre et le Cabinet qui choisissent parmi les candidats qui sont recommandés. Donc, je crois que c'est au niveau politique qu'il faut examiner les critères et peut-être donner plus d'importance aux critères qui ont, comme il l'a été souligné, un aspect constitutionnel.

+-

    M. Rénald Rémillard: L'article 96 dit que c'est le gouvernement fédéral qui a l'obligation de nommer les juges à la magistrature fédérale. Donc, en bout de ligne, c'est la responsabilité du gouvernement fédéral que de s'assurer que lors des nominations, il y ait un processus en place pour s'assurer que les obligations linguistiques constitutionnelles ou non constitutionnelles envers les Canadiens et Canadiennes soient respectées.

+-

    M. Raymond Simard: Je ne connais pas le processus, mais j'ai déjà discuté avec certaines personnes du fait que pour certains procès, il faut plus d'un juge bilingue ou un juge francophone en milieu minoritaire. Pouvez-vous m'expliquer cela un peu? En d'autres mots, au Manitoba français--je vais prendre l'exemple du Manitoba encore une fois parce que c'est quelque chose qui est près de moi--, vous avez dit que sur 40 juges à la Division de la famille, il n'y avait aucun juge bilingue. Si on nommait un juge bilingue, est-ce que ce serait adéquat?

º  +-(1615)  

+-

    M. Rénald Rémillard: Non. La raison en est que, souvent, il y a des conflits d'intérêts. Ce sont de petites communautés, et les gens se connaissent.

    Deuxièmement, dans certains cas aussi, s'il y a une procédure judiciaire, le juge qui a entendu une enquête préliminaire ne peut pas être celui qui va entendre le procès. Donc, il serait impossible d'avoir un seul juge bilingue. Il faut qu'il y ait au moins deux juges différents pour s'occuper de la même affaire. C'est la même chose en droit de la famille. Il y a certaines des procédures, en tout cas au Manitoba--je ne sais pas si c'est le cas ailleurs--pour lesquelles il faut deux juges différents. Donc, pour assurer des services adéquats en français, il faut au moins deux juges bilingues. Et il y a également les conflits, les vacances, etc. Donc, il en faut un minimum de deux.

+-

    M. Raymond Simard: Les communautés en milieu minoritaire mettent beaucoup l'accent sur le plan Dion. Prévoyez-vous que des changements seront proposés dans le plan Dion pour rectifier ce problème?

+-

    M. Tory Colvin: À ma connaissance, le plan qui a été annoncé pour les langues officielles a un volet  justice, mais je n'ai jamais entendu dire que cela touchait la question des nominations à la magistrature. Cela devrait être le cas, oui.

+-

    M. Rénald Rémillard: Le plan Dion a une composante d'accès à la justice dans les deux langues officielles. S'il est question d'accès à la justice dans le plan Dion et dans la philosophie qui sous-tend ce plan, je pense qu'il serait normal que toute la question de la nomination des juges, qui est quand même l'un des pouvoirs importants du gouvernement fédéral, soit conforme à la philosophie et à l'approche du plan d'action. Il serait tout simplement logique que l'un fonctionne avec l'autre.

+-

    M. Raymond Simard: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Godin.

+-

    M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci, monsieur le président. Nous sommes heureux que vous soyez parmi nous aujourd'hui, monsieur le président. Vous n'êtes pas à l'école.

+-

    Le président: Non, pas à l'école. Pour votre gouverne, je vous dirai que j'avais été invité à l'ouverture d'une école en ma qualité de président du Comité des langues officielles, mais comme il y a un vote ce soir sur le budget, le whip m'a interdit de partir.

+-

    M. Yvon Godin: Je suis vraiment fier de votre whip. Il vous a ramené à la raison.

+-

    Le président: Voilà.

+-

    M. Yvon Godin: Je vais lui parler ce soir et le féliciter.

    Cela nous fait plaisir de vous avoir parmi nous aujourd'hui. Vous parliez plus tôt du Nouveau-Brunswick, de la péninsule acadienne ou de la région de Bathurst, au nord-est, où il y a des juges bilingues. Je pense qu'il faudrait parler davantage du nord-est du Nouveau-Brunswick que du sud-est. Dans quel autre endroit au Nouveau-Brunswick manque-t-on de juges bilingues, selon vous? Est-ce que ce serait le cas dans la région de Saint-Jean?

+-

    M. Tory Colvin: Nous avons parlé brièvement avec le président de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick. Nous lui avons montré une ébauche de notre document, et c'est lui qui nous a indiqué--je croyais qu'il n'y avait pas vraiment de problème au Nouveau-Brunswick à cause de son statut constitutionnel--que dans certaines régions situées plutôt vers le sud, il n'y avait pas un accès égal, mais un accommodement. C'est pourquoi je le souligne. Nous serons au Nouveau-Brunswick au mois de mai et nous allons justement revoir cela avec lui plus en détail.

    D'après ce que je comprends, c'est plutôt la partie majoritaire anglophone qui manque à son obligation de répondre de façon vraiment égale aux demandes de services.

+-

    M. Yvon Godin: Si je me rappelle bien, lorsque la réunion des juristes a eu lieu à Moncton, au Nouveau-Brunswick, un juge de la Cour suprême, le juge Bastarache, y avait assisté. À l'époque, il y avait des plaintes selon lesquelles il n'y avait pas assez de services en français. Par exemple, à Saint-Jean, il y a 17 000 francophones. Il s'agit d'un bon nombre pour une petite ville et il n'y a pas de services adéquats.

    Je trouve que c'est terrible. On parle de justice, et c'est justement le ministère de la Justice qui ne rend pas justice aux gens. J'ai hâte d'entendre le ministre de la Justice lorsqu'on va lui poser ici ces mêmes questions.

    Avez-vous déposé une plainte officielle--et je vous recommanderais de le faire, si ce n'est déjà fait--au Bureau de la commissaire aux langues officielles du Canada?

+-

    M. Tory Colvin: Nous en avons discuté et, à ma connaissance, il n'y a pas eu de plainte officielle comme telle. Je me rappelle cependant qu'on avait un peu soulevé cette question de leurs compétences et des sujets dont ils peuvent traiter. Je crois que la façon dont on discutait posait problème. De toute façon, ce n'était pas quelque chose qu'ils pouvaient traiter, mais il faut revoir cela. Ce serait une autre façon de procéder.

º  +-(1620)  

+-

    M. Yvon Godin: Est-ce parce qu'il est hors de question de toucher à la justice? Seraient-ils protégés, tout comme les ministres et les sous-ministres qui ne parlent qu'anglais?

+-

    M. Rénald Rémillard: Il y a un problème au niveau des comités. Je vais être très franc. Souvent, c'est assez difficile parce que les gens se relancent la balle. On dit que c'est le comité qui a la responsabilité de faire les recommandations...

+-

    M. Yvon Godin: Cela, c'est vraiment se relancer la balle, je suis d'accord. On parle ici du gouvernement fédéral, qui a une responsabilité en vertu de la Constitution du Canada. Notre pays est bilingue; il a deux langues. Vous nous dites qu'il y a des régions de notre pays où des gens, par exemple des francophones, ne peuvent pas être servis dans leur langue. Il y a peut-être aussi des anglophones, ailleurs, qui sont en minorité et qui ne peuvent recevoir des services dans leur langue.

+-

    M. Tory Colvin: C'est exact.

+-

    M. Yvon Godin: Ne croyez-vous pas qu'il faudrait s'adresser à la commissaire aux langues officielles? Est-ce que la commissaire aux langues officielles dit que ce n'est pas de sa compétence?

+-

    M. Tory Colvin: Je ne suis pas sûr. Je me rappelle en avoir discuté, une fois, avec des représentants de la commissaire aux langues officielles. Il y avait un problème, je crois, face au type de plaintes qu'ils peuvent recevoir. Cela n'était pas de leur ressort, je crois. Cependant, c'est certainement quelque chose à revoir de façon plus détaillée. C'est un peu le problème des avocats. Nous avons parfois une vision étroite. Je ne pense souvent qu'aux tribunaux et au processus de plaintes constitutionnelles.

+-

    M. Yvon Godin: J'aimerais vous donner un exemple. Lorsque la commissaire aux langues officielles a donné son opinion sur la question de la délimitation des circonscriptions, le juge qui avait été nommé à la Commission de délimitation des circonscriptions a dit à la commissaire que cette question n'était pas de son ressort. Elle a donc remis un rapport. Les 3 et 4 mai, au Nouveau-Brunswick, une cour fédérale siégera et étudiera ce sujet. Un juge devra décider qui a compétence en cette matière et si on a violé la loi ou non. C'est pourquoi j'aimerais vous recommander de faire une demande et de laisser les autres répondre.

+-

    M. Tory Colvin: C'est noté, monsieur le député. On va le faire et je vous remercie.

+-

    Le président: J'aimerais à mon tour poser quelques questions. Je pourrais les formuler et vous demander d'y répondre ensemble.

    Pendant sept ans et demi, jusqu'à tout récemment, j'ai été ministre et, à ce titre, j'ai souvent participé à la nomination des juges. Vous dites qu'il est très difficile de savoir qui est bilingue, et je vous donne totalement raison.

    Il est arrivé qu'on me remette des listes qui étaient en quelque sorte l'inventaire de ceux qui étaient disponibles. Il s'agissait soit de ceux qui avaient été bénis par le groupe auquel vous venez de faire allusion, soit de candidats hautement qualifiés ou qualifiés. Or, pour ceux qui ne se sont pas du tout qualifiés, c'est comme s'ils n'avaient pas fait de demande; par conséquent, on n'en sait rien. Ce sont les avocats qui veulent que les choses se passent ainsi parce que, semble-t-il, ils sont parfois un peu bavards, ce qui fait que lorsque quelqu'un échoue au test, ils ébruitent la nouvelle. Par conséquent, ce sont les avocats qui ne veulent pas rendre la chose publique. Pour ce qui est de cet aspect, ça va.

    Cependant, dans la structure actuelle, d'après ce que je peux observer, le problème suivant se pose. D'abord--et je vous demanderai d'émettre vos commentaires à ce sujet--, on doit le plus vite possible utiliser la liste que le Cabinet a en banque, si je peux l'appeler ainsi, et déterminer quels candidats sont vraiment bilingues. Ensuite, on doit établir le bilinguisme en tant que critère pour les nouveaux candidats, du moins pour un certain nombre d'entre eux, comme vous venez de le dire. Il reste que c'est un critère et qu'il faut leur accorder de vrais points pour cela. Enfin, il faut établir pour chaque région un nombre minimum de postes devant être comblés par ces personnes reconnues bilingues qu'on vient de sélectionner ou par celles qui se trouvent déjà dans l'inventaire dont j'ai parlé au début.

    Je tiens ces propos, entre autres raisons, à cause d'une expérience que j'ai vécue. Il fallait trouver un juge bilingue. Or, dans la région en question, la pénurie était à cet égard tout simplement épouvantable. J'ai communiqué avec un avocat très bien coté, bilingue, et bien vu dans le milieu du droit criminel. Bien sûr, je ne le nommerai pas.

    Il a présenté sa demande, et nous avons été estomaqués d'apprendre qu'il n'avait pas réussi le test: il n'avait été ni hautement recommandé ni même simplement recommandé. C'était absurde. Vous le connaissez, d'ailleurs. J'en ai déduit qu'on ne lui avait certainement pas accordé de points pour son bilinguisme, ce qui était épouvantable. Or, c'est d'un candidat bilingue que nous avions besoin. J'aimerais entendre vos commentaires sur tout ce que je viens de dire.

º  +-(1625)  

+-

    M. Tory Colvin: Eh bien, je crois que les modifications aux critères que vous proposez sont de bonnes idées. Or, je crois que le problème auquel a été confronté l'avocat dont vous parliez provient des comités. Il y a très souvent des batailles internes dans les comités du fait que certains des candidats qui s'y trouvent veulent obtenir de l'avancement. Ainsi, s'il leur est possible de soumettre une liste d'environ cinq candidats et d'en mettre de côté une vingtaine, ils se trouvent alors à avoir fait un tri qui favorise ceux dont, pour une raison ou une autre, ils veulent retenir la candidature.

    Les cinq candidats retenus n'incluent pas forcément le candidat bilingue dont a besoin la région ou la province en question, par exemple, pour la Division de la famille de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba . Enfin, je crois, exactement comme vous l'avez dit, qu'il serait important d'énoncer plus clairement les critères et d'accorder plus d'importance à ce que j'appellerais les critères constitutionnels, dont le bilinguisme.

+-

    Le président: Des collègues ont soulevé la question des candidats bilingues. Bien sûr, les candidats déjà choisis, vous ne les connaissez pas et vous ne pouvez donc pas les évaluer.

    Cependant, j'aimerais vous demander si vous avez un inventaire d'avocats bilingues qui inclut certains membres de votre organisme de même que des avocats qui n'en sont pas membres mais que vous savez bilingues.

+-

    M. Tory Colvin: Il existe certainement un nombre assez important d'avocats qui sont capables de plaider en français.

+-

    Le président: Quel est ce nombre?

+-

    M. Tory Colvin: En Ontario, l'AJEFO compte environ 600 membres. Certains ne sont pas parfaitement bilingues, certes, mais sur les 600 membres, au moins 300 sont présents à l'assemblée annuelle, et la plupart d'entre eux parlent un français impeccable.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Sauvageau.

+-

    M. Benoît Sauvageau: Monsieur le président, je pensais à quelque chose pendant que vous parliez et que je vous écoutais respectueusement.

    On doit intégrer des immigrants qui arrivent d'un peu partout. On ne les connaît ni d'Ève ni d'Adam et on ne connaît pas leur passé, mais ils ont des tests à passer et une évaluation linguistique qui comporte des points. Toutefois, on ne peut pas connaître l'évaluation linguistique des avocats qui ont été formés dans notre pays.

    Je voudrais que vous confirmiez l'exactitude de la phrase suivante, qui se trouve dans une note de recherche:

C’est le ministre fédéral de la Justice qui a le derniermot pour nommer un candidat à la magistrature.

+-

    M. Tory Colvin: Selon ce que je comprends, c'est le Cabinet. Cependant, tout cela est un peu entouré de mystère, parce qu'on ne connaît pas le résultat du comité consultatif, par exemple. Donc, si on pose sa candidature, on ne saura jamais si on a été recommandé, fortement recommandé ou quoi que ce soit. Le candidat ne sait même pas si son nom est passé. Cela reste entièrement dans le mystère. C'est pour cela qu'on dit que c'est un peu comme la nomination des papes: il faut attendre de voir la fumée.

+-

    M. Benoît Sauvageau: D'accord.

    Maintenant, si vous me le permettez, puisque vous vous êtes montrés intéressés, et si le comité est d'accord, je vais demander à notre président d'écrire une lettre ou de poser un geste pour qu'on s'assure que vous soyez invités au Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile pour parler des obligations linguistiques dans le cadre du processus de nomination des juges.

+-

    Le président: En faites-vous la proposition?

+-

    M. Benoît Sauvageau: J'en fais la proposition.

+-

    Le président: D'accord. Je trouve d'ailleurs que c'est une excellente idée. Je pense qu'on pourrait faire deux choses dans la lettre. On pourrait faire état de notre rencontre d'aujourd'hui et, en même temps, demander, voire même exiger que l'autre comité entende ces témoins également. Ça va?

+-

    M. Benoît Sauvageau: Oui.

+-

    Le président: Continuez.

+-

    M. Benoît Sauvageau: J'ai terminé.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Le prochain intervenant est Mme Thibeault.

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Monsieur le président, messieurs, plus on discute, plus on s'aperçoit qu'il y a toute une culture à changer dans ce processus de sélection, d'une façon ou d'une autre. En ce qui concerne les comités consultatifs, par exemple, je me demande si quelqu'un prend soin de s'assurer qu'au moins un de leurs membres soit de langue française. Si vous avez des comités consultatifs où il n'y a qu'une langue représentée, d'après moi, c'est clair que ces gens-là, sans penser à mal, ne vont jamais songer au phénomène du bilinguisme. Cela ne va pas leur venir à l'esprit. N'est-ce pas là qu'il faudrait changer quelque chose?

º  +-(1630)  

+-

    M. Tory Colvin: C'est justement quelque chose que nous faisons depuis un moment. Au Manitoba, il y a un membre du comité qui est un Franco-Manitobain, mais c'est seulement une voix parmi toutes les autres.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Oui, je comprends. Mais s'il rappelle aux autres membres de ne pas oublier cet aspect, ça peut aider.

+-

    M. Rénald Rémillard: En réalité, c'est assez difficile quand on est un membre francophone, parce que c'est comme si on prêchait pour sa propre paroisse. Je pense que les avocats qui sont au comité pourraient se sentir mal à l'aise. En effet, si on met toujours de l'avant la question linguistique, comme on est le francophone, les six autres personnes, qui sont probablement anglophones dans bien des cas, vont dire qu'on veut avoir un francophone. Il ne s'agit pas d'avoir un francophone, mais de respecter des obligations constitutionnelles et non constitutionnelles. En fin de compte, c'est de cela qu'il s'agit, mais la perception sera tout simplement qu'on pousse pour avoir un francophone. Souvent, il n'y a qu'un membre sur sept qui est francophone. C'est donc très minoritaire dans certaines provinces.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Mais c'est souvent comme cela qu'il faut agir pour arriver à quelque chose dans notre lutte.

    Je vous remercie beaucoup, messieurs.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Godin, c'est à votre tour.

+-

    M. Yvon Godin: Merci.

    Maintenant, peut-être pourriez-vous m'éclairer en ce qui a trait au procureur de la Couronne. Qui le nomme?

+-

    M. Tory Colvin: Pardon, monsieur?

+-

    M. Yvon Godin: Je parle du procureur de la Couronne. En effet, dans votre témoignage, vous disiez qu'on avait aussi de la difficulté à avoir un procureur de la Couronne et un greffier francophones. C'est bien beau de régler le problème des juges, mais il faut aussi le faire pour les autres. Pour faire un gâteau, il faut mêler tous les ingrédients de la recette.

    Je veux savoir ce qu'il en est du reste de l'équipe, parce que c'est une équipe, en réalité. Je voudrais savoir qui nomme les procureurs de la Couronne et les greffiers. Est-ce qu'on ne devrait pas se concentrer sur toute l'équipe?

+-

    M. Tory Colvin: Vous parlez de recette, et c'est peut-être un bon exemple, parce que vous avez en fait deux cuisiniers: le cuisinier fédéral et le cuisinier provincial. Les juges des cours supérieures sont nommés par le fédéral, mais il y a deux sortes de procureurs. Il y a ceux qui sont nommés par les provinces, qui font les poursuites liées au Code criminel, et ceux qui sont nommés par le fédéral, qui font les poursuites ayant trait aux lois sur les stupéfiants et à d'autres lois qui découlent du fédéral. Tout ce qui est greffier ou sténographe relève de la responsabilité provinciale. Donc, c'est un peu cela qui mène.

    J'ai justement eu des causes où nous étions devant un juge qui parlait français. Nous étions prêts à procéder en français, mais nous avons découvert que la sténographe ne parlait pas français. J'ai la transcription. Cela a été publié par l'AJEFO dans son bulletin L'Expression. Chaque fois qu'on parlait anglais, la transcription était faite tout à fait correctement, mais chaque fois qu'on parlait français, la sténographe inscrivait « Language other than English ». Alors, à la fin, le juge a décidé de remettre le procès au lendemain et de tenter de trouver un sténographe qui parlait français.

+-

    M. Yvon Godin: À propos de cette recette dont on a parlé et qui vise à régler le problème, que suggérez-vous pour le procureur ou le greffier? Si on demande que le problème soit réglé au niveau des juges et qu'on commence à les affecter dans les régions, mais qu'il n'y a pas d'équipe pour les appuyer, il y a un problème. Que suggérez-vous qu'on fasse dans un tel contexte?

+-

    M. Tory Colvin: C'est un travail qui demande la collaboration du gouvernement fédéral et de celui des provinces. Je peux vous dire qu'en tant qu'avocat, la question est pour moi très simple. Si je me présente en cour, que le juge parle français mais que l'avocat de la poursuite, le greffier et le sténographe ne le parlent pas, je dis au juge que cette cour a perdu sa compétence et que nous ne sommes conformes ni à l'article 530, ni à la Charte des droits et libertés, ni à l'égalité linguistique. Je lui demande alors de rejeter cette accusation étant donné qu'on n'est pas en mesure de siéger comme on devrait le faire. Certains juges disent : « C'est vrai, sortez, c'est fini » alors que d'autres disent : «Nous allons patienter. Revenons demain matin et nous verrons ce que nous pourrons faire. » Cela dépend des juges.

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    Le président: Comme il ne reste, semble-t-il, que quelques minutes avant que votre taxi vous emmène à l'aéroport, nous allons procéder très rapidement.

    Monsieur Jobin et monsieur Simard, si vous le voulez bien, vous pouvez poser chacun une question. Il faudra ensuite terminer la séance.

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    M. Christian Jobin: Ce sera très rapide, étant donné que la motion que j'avais l'intention de proposer était la même que celle déposée par M. Sauvageau. En fin de compte, vous m'avez enlevé les mots de la bouche, ce qui n'est pas très hygiénique.

    Je propose qu'on détermine s'il serait opportun de recevoir le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale, qui est en charge de la nomination des juges. On pourrait ainsi voir à ce qu'ils assurent le respect du bilinguisme.

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    Le président: Les gens du Bureau du commissaire à la magistrature ont déjà comparu devant le comité, mais les nominations sont l'affaire du ministre. Or, il va venir la semaine prochaine.

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    M. Christian Jobin: D'accord.

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    Le président: En fait, à la demande de M. Simard, nous avions intentionnellement prévu de faire comparaître les témoins d'aujourd'hui avant le ministre de façon à pouvoir nous inspirer de leur témoignage pour formuler nos questions de la semaine prochaine.

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    M. Christian Jobin: Très bien.

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    Le président: Monsieur Simard, la dernière question est à vous.

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    M. Raymond Simard: Ce sera plutôt un commentaire qu'une question.

    Quand M. Gourdeau a comparu devant notre comité, il a indiqué que depuis 1988, le ministre de la Justice n'avait jamais recommandé un candidat qui n'avait pas été suggéré par les comités. En fin de compte, le rôle des comités est très important. Je me demande donc si on pourrait utiliser comme argument le fait qu'on n'a pas d'avocats bilingues suffisamment compétents pour répondre à toutes les exigences des comités.

    Essentiellement, cela signifie qu'il n'existe aucun candidat bilingue répondant suffisamment aux exigences des comités pour que nous puissions le recommander au Cabinet. Est-ce un argument qu'on pourrait utiliser? À mon avis, le bilinguisme est un des critères importants, mais il n'est évidemment pas le seul. Les candidats doivent aussi être compétents dans d'autres domaines.

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    M. Tory Colvin: Il y a 600 membres de l'AJEFO en Ontario, il y en a environ 250 qui font partie de l'association du Manitoba, et environ 250, je crois, qui sont membres de l'Association des juristes d'expression française du Nouveau-Brunswick.

    Supposons, pour les fins de notre discussion, que la moitié d'entre eux soient des incompétents, ce que je n'admets pas. Il reste malgré tout un bassin assez important.

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    Le président: J'aimerais ajouter, monsieur Colvin, qu'il y a présumément un grand nombre d'avocats qui, sans être membres, ont néanmoins les compétences requises. Est-ce exact?

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    M. Tory Colvin: Ils ont forcément ces compétences. Je dirais que pour le recrutement des procureurs autant que pour celui des juges, le nombre de candidats est amplement suffisant. Ainsi, quand on parle d'un nombre insuffisant, je ne suis absolument pas d'accord.

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    M. Raymond Simard: Merci beaucoup.

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    Le président: Merci beaucoup, monsieur Colvin et monsieur Rémillard, d'avoir comparu aujourd'hui. Il n'y a pas de doute que vous avez suscité notre désir d'intervenir lors de la comparution du ministre, dans quelques jours, de même qu'à d'autres occasions. Votre témoignage nous aidera grandement à accomplir notre travail. Nous en profitons pour vous remercier et vous souhaiter un bon voyage de retour.

    Avant de terminer, je rappelle à tous les collègues que la comparution du ministre de la Justice est prévue pour le 27 avril à 9 heures, pour le moment dans la salle 253-D, et celle du ministre des Travaux publics pour le 28 avril à 15 h 30, pour le moment dans la pièce 371 de l'édifice de l'Ouest. Ce sont les deux réunions que nous avons au programme la semaine prochaine.

    La séance est levée.