Conformément à l'ordre de renvoi adopté le 27 mars 2007, nous allons poursuivre notre examen du . Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui .
Bienvenue, monsieur le ministre.
[Français]
Nous recevons également, à titre de témoins du ministère de la Justice, Mme Catherine Kane, avocate générale principale intérimaire à la Section de la politique en matière de droit pénal, ainsi que Mme Julie Besner, avocate à la Section de la politique en matière de droit pénal également.
Bienvenue mesdames.
[Traduction]
La parole est à vous, monsieur Nicholson. Vous pouvez commencer.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis très heureux d'être ici. Ce projet de loi propose de modifier le Code criminel afin de prévoir un renversement du fardeau de la preuve dans le cas des enquêtes sur cautionnement pour les infractions mettant en jeu des armes à feu et autres armes réglementées.
[Traduction]
Le renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté pour certaines infractions graves impliquant une arme à feu est l'une des priorités du gouvernement en matière de justice pénale. À mon avis, les réformes législatives proposées dans le répondent de manière adaptée aux préoccupations soulevées récemment par de nombreux Canadiens quant à la mise en liberté d'individus accusés de crimes graves commis avec une arme à feu, qui continuent de représenter une menace pour la sécurité publique.
Le propose d'appliquer le renversement du fardeau de la preuve dans le cas de huit infractions graves commises avec une arme à feu: tentative de meurtre, vol qualifié, décharge d'une arme à feu avec intention de blesser, agression sexuelle avec une arme à feu, agression sexuelle grave, enlèvement, prise d'otage et extorsion.
Il propose d'appliquer le même principe à tout acte criminel commis avec une arme à feu ou avec d'autres armes réglementées par une personne faisant l'objet d'une ordonnance d'interdiction de port d'arme à feu. Il faut savoir que ce renversement du fardeau de la preuve n'est pas limité aux infractions pour lesquelles une arme à feu ou autre a été effectivement utilisée. De plus, on propose d'appliquer ce principe lorsqu'il y a trafic d'armes, possession d'armes dans le but d'en faire le trafic et contrebande d'armes.
Le propose une autre modification selon laquelle les tribunaux devraient tenir compte de l'utilisation présumée d'une arme à feu dans la perpétration d'un acte criminel, lorsqu'ils doivent décider si l'accusé doit demeurer en détention, pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice.
Enfin, cette mesure législative propose que les tribunaux soient tenus d'envisager l'imposition d'une peine d'emprisonnement d'au moins trois ans pour toute infraction commise avec une arme à feu.
La présomption d'innocence et le droit de ne pas se voir refuser la liberté sous caution sans motif valable sont tous deux garantis par notre Constitution. Cependant, la mise en liberté sous caution peut être refusée dans certaines circonstances, et le Code criminel prévoit des motifs précis qui permettent aux tribunaux de maintenir une personne en détention pendant qu'elle est dans l'attente de son procès. Ainsi, le renversement du fardeau de la preuve pourrait se justifier dans le cas où une personne est susceptible d'échapper à la justice, de constituer un danger pour la sécurité du public ou de briser la confiance du public dans l'appareil judiciaire.
[Français]
Le poursuivant a normalement la charge de démontrer pourquoi il est justifiable de détenir l'accusé sous garde avant son procès. Cependant, dans certaines circonstances précises, ce fardeau incombe à l'accusé, c'est-à-dire qu'il incombe à l'accusé de démontrer pourquoi sa détention ne serait pas justifiée.
[Traduction]
La protection du droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable a suscité quelques importantes contestations constitutionnelles faites devant la Cour suprême du Canada.
Il convient de noter que ce tribunal a confirmé la validité constitutionnelle de certaines circonstances ayant donné lieu à un renversement du fardeau de la preuve. Il a d'ailleurs reconnu que cette règle particulière était nécessaire pour réduire le taux de récidive et de fuite des prévenus dans l'attente d'un procès, en les obligeant à prouver qu'ils ne présentent aucun danger.
Il faut dire qu'on a malheureusement fait très peu d'études au Canada et ailleurs sur le taux de récidive des gens en liberté sous caution. C'est le cas pour les infractions en général et, par conséquent, pour celles impliquant des armes à feu.
Jusqu'à présent, le Centre canadien de la statistique juridique n'a pas recueilli de données là-dessus. Certains services de police compilent des statistiques pour savoir si une personne qui vient d'être arrêtée est sous le coup d'une ordonnance de surveillance, c'est-à-dire en liberté sous caution, frappée d'une interdiction, en libération conditionnelle ou tenue, par engagement, de ne pas troubler l'ordre public. Je crois que le ministère a fourni ces données car elles étaient nécessaires pendant la séance d'information technique qui a eu lieu peu après le dépôt de la mesure législative.
Cependant, il est important de mentionner que le projet de loi est tout à fait conforme aux principes qui sous-tendent le régime actuel de cautionnement. La réforme proposée dans le projet de loi se fonde sur le principe de renversement du fardeau de la preuve existant pour intégrer certaines infractions graves perpétrées avec une arme à feu.
À mon avis, le projet de loi prévoit non seulement des mesures très sensées et ciblées, mais il tient aussi compte des directives de la Cour suprême du Canada sur le régime de libération sous caution. Le projet de loi C-35 propose une approche très semblable au régime déjà existant, mais il se concentre sur le problème des infractions impliquant des armes à feu, particulièrement des infractions graves ou des contrevenants qui ignorent les ordonnances de la cour de ne pas posséder d'armes. On y reconnaît également que les opérations liées au trafic et à la contrebande d'armes à feu ressemblent à celles du trafic de drogues, en ce sens que ces activités illégales s'inscrivent dans un cadre plus large du crime organisé.
J'espère que le comité, après examen du projet de loi , conviendra que cette mesure législative permettra d'améliorer l'état du droit et, par conséquent, de mieux protéger les Canadiens contre la menace de crimes perpétrés avec une arme à feu.
Mes collègues et moi serions heureux de répondre à vos questions. D'ailleurs, j'ai le plaisir d'être accompagné de Julie Besner ainsi que de Catherine Kane, toutes deux du ministère de la Justice.
Merci, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de faire cette déclaration préliminaire.
:
Monsieur le président, d'autres comités qui traitent de justice sont assez stricts aussi, alors nous ne verrons aucune différence.
Monsieur le ministre, merci d'être venu. C'est un plaisir de vous voir et de vous avoir avec nous pour étudier un projet de loi sur lequel il y a, dans une large mesure, accord de principe. Cependant, comme vous le savez sans doute, le but des comités est de passer en revue certains aspects techniques pour s'assurer qu'on fait preuve de diligence raisonnable non seulement au niveau ministériel, mais évidemment aussi au niveau législatif.
Juste pour résumer, je crois que votre ministère et vous-même, monsieur le ministre, travaillez sur un certain nombre de modifications concernant la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, à commencer par la règle de 1869 selon laquelle celle-ci est toujours discrétionnaire. Il y a eu de nombreuses réformes, particulièrement ces 30 dernières années, avec la Loi sur la réforme du cautionnement et d'autres mesures législatives, qui ont restreint le pouvoir discrétionnaire pour beaucoup de types d'infraction.
En somme, si je comprends bien, le ministère s'appuierait sur les arrêts Regina c. Hall et Regina c. Pearson, deux causes entendues par la Cour suprême auxquelles j'ai jeté un coup d'oeil. Je mentirais si je disais que je les avais lues au complet — je suis désolé, monsieur Moore, je ne les ai pas lues du début jusqu'à la fin. Toutefois, j'ai constaté avec intérêt que ces décisions n'étaient pas unanimes et qu'elles ne traitaient certainement pas du même type d'infraction étant donné que cette mesure législative n'existait pas encore.
Ces deux cas — je pense particulièrement à celui de Pearson — traitaient d'infractions liées à la drogue. Je conviens que certains principes peuvent s'appliquer dans le projet de loi qui nous occupe. Toutefois, on a soulevé certaines préoccupations au sujet desquelles je veux m'assurer qu'on a fait preuve de diligence raisonnable sur le plan législatif.
Monsieur le ministre, sans vouloir ignorer l'avis éclairé du conseil de la reine et membre du Barreau que vous êtes depuis un certain temps, selon moi, le ministère doit assurer tous les membres du comité que la présomption d'innocence, garantie aux articles 11 et 7 de la Charte, est respectée, autant sur le plan de la procédure que sur le plan de la substance, dans le projet de loi. Je pourrais peut-être demander à l'un de vos adjoints ou à l'un des témoins, monsieur le ministre, de confirmer au comité que cette mesure législative ne fera pas l'objet de contestations fondées sur la Charte si elle reprend les principes énoncés dans les arrêts Pearson et Hall et n'entraîne pas les problèmes qui ont été évoqués, entre autres, par les juges dissidents.
:
Tout d'abord, je vais évidemment laisser Mme Besner faire quelques remarques si elle le veut bien.
Ce projet de loi s'appuie sur trois décisions, dont deux que vous avez citées, qui ont été rendues au cours des 17 dernières années par la Cour suprême du Canada. Je suis d'avis, et je pense que c'est très clair, que nous nous fondons sur les principes qui ont été affirmés par la Cour suprême et que nous clarifions même dans le projet de loi l'un des arrêts — si je ne me trompe pas, l'arrêt Hall.
Avant que je cède la parole à ma collègue, permettez-moi de dire que je suis heureux de savoir que vous appuyez cette mesure législative. J'ai cru vous entendre dire qu'il y avait « dans une large mesure, accord de principe ». En tant qu'ancien leader du gouvernement à la Chambre, je suis toujours inquiet de ne pas avoir un appui sans réserve, mais, chose certaine, nous allons tirer parti de cet appui, et je peux vous assurer que, tout comme moi, vous serez convaincu du bien-fondé et de la nécessité de cette initiative.
Madame Besner, si vous souhaitez faire des remarques, n'hésitez pas à prendre la parole.
En ce qui concerne les divergences d'opinion dans les décisions de la Cour suprême, particulièrement dans l'arrêt Pearson, je crois que Mme le juge McLachlin était l'un des juges dissidents dans cette décision et avait souligné que l'alinéa du Code n'établissait pas de distinction entre le trafiquant de drogue commerciale sur une grande échelle et le trafiquant de drogue « à la petite semaine ».
Quant au , je peux affirmer que les infractions relatives au trafic et à la contrebande d'armes visées par ce projet de loi sont les plus graves dans cette catégorie. Le Code criminel prévoit d'autres infractions de moindre importance, par exemple la « cession illégale » qui, si je ne m'abuse, figure à l'article 102 ou 103, et l'« importation non autorisée », qui est une infraction équivalente et moins grave que celle relative à la contrebande.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il existe d'autres infractions qui visent des délits moins importants, même si évidemment, lorsqu'il y a quelque chose qui préoccupe énormément les responsables de l'application de la loi, le Code criminel prévoit des outils, comme cette nouvelle disposition sur le renversement du fardeau de la preuve, pour les trafiquants d'armes à feu.
Si vous le souhaitez, je pourrais vous dresser la liste des infractions prévues dans le Code criminel. Elles sont toutes décrites aux articles de 99 à 103.
Il ne s'agit vraiment que de la Charte. Je suis désolé de ne pas avoir été clair... De toute évidence, nous sommes toujours exposés à des contestations en vertu de la Charte, et nous le savons tous. Je voulais tout simplement avoir le sentiment que nous avions bien fait notre travail en demandant au personnel du ministre et au ministère lui-même si ces contestations pouvaient être jugées recevables.
Ce n'est pas seulement la juge en chef actuelle, mais aussi un juriste très respecté du Nouveau-Brunswick, le juge La Forest, qui a émis une opinion dissidente en invoquant des motifs solides qui, d'après ce que vous m'avez expliqué de façon satisfaisante, je pense, n'arriveraient pas à convaincre aujourd'hui une majorité de juges.
Y a-t-il une décision plus récente faisant intervenir les articles 11 et 7 qui pourrait nous être utile? C'est ce qui me préoccupe un peu. Je remonte assez loin dans le temps. Très rapidement, pourriez-vous nous citer un cas plus récent? Les arrêts Hall et Pearson ainsi que l'autre datent des années 1990.
:
En effet, les arrêts
Morales et
Pearson traitaient de l'alinéa 11
d), qui concerne la présomption d'innocence; de l'alinéa 11
e), sur le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable; de même que de l'article 7. Il était aussi question dans l'arrêt
Morales de l'article 9 sur la détention illégale.
Dans l'arrêt Pearson, on a invoqué l'article 9 et les alinéas 11d) et e) et, dans l'arrêt Hall, on s'est plutôt concentré sur ces derniers alinéas, soit la présomption d'innocence et le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement, et pas beaucoup sur l'article 7.
Ce qui est intéressant dans l'arrêt Hall, toutefois, c'est que le tribunal a été saisi du motif « d'intérêt public » qui avait été rejeté dans l'arrêt Morales et, cinq ans plus tard, le Parlement a adopté ce qui est aujourd'hui le troisième motif, soit la justification des tribunaux de refuser une mise en liberté sous caution afin de préserver la confiance du public dans l'administration de la justice. C'était un long jugement long dans lequel le tribunal a confirmé que ce motif était suffisant sur le plan légal.
:
Bonjour, monsieur le ministre. Bonjour, mesdames.
Ce n'est pas tellement l'aspect présomption d'innocence qui m'inquiète. J'ai l'impression que la cour ayant déjà statué là-dessus, ce n'est pas cet aspect qui est problématique. Je me demande seulement en quoi c'est nécessaire.
D'abord, il faut se rappeler où on en est dans les procédures. On est à l'étape de la remise en liberté potentielle par voie judiciaire. Il y a déjà des dispositions dans le Code criminel qui font en sorte que, dans des circonstances très particulières, un prévenu ne peut pas être remis en liberté, que ce soit des infractions en vertu de l'article 469, des infractions de criminalité organisée ou des infractions liées au terrorisme.
Ce que je trouve de particulier, c'est que M. le ministre commence son discours en disant ne pas avoir de statistiques sur la remise en liberté sous caution à la suite d'un crime mettant en jeu des armes à feu. Or, c'est précisément là-dessus que porte le projet de loi.
Comment se fait-il qu'on rédige un projet de loi et qu'on ne soit pas en mesure de nous donner de l'information concrète? Dans la façon dont les cours administrent la justice — les juges de paix, par exemple, en ce qui concerne le Québec —, a-t-on des indications que lorsqu'on a des raisons de penser... On ne statue pas sur la culpabilité à cette étape des procédures.
Comment pouvez-vous vous présenter devant nous sans avoir de statistiques sur le nombre de remises en liberté sous caution lorsque des armes à feu sont en jeu, alors que vous nous demandez d'adopter un projet de loi qui porte spécifiquement là-dessus? Si votre ministère a fait parvenir des statistiques, moi, je ne les ai pas vues. Je ne sais pas si d'autres collègues les ont vues. J'aimerais que vous nous fournissiez des documents démontrant un peu à quelles lacunes du système vous voulez répondre en nous présentant ce projet de loi.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, monsieur Ménard, pour vos questions.
Nous croyons que ce projet de loi renforcera les dispositions du Code criminel qui permettent à un juge de prendre une décision allant dans le sens de la protection du public. Dans mes remarques préliminaires, j'ai indiqué que les types de statistiques — et nous en avons déjà fourni à ce sujet aux membres du comité — que vous nous demandez ne sont pas disponibles. Je suppose qu'il est toujours difficile de trouver des statistiques qui prouvent de manière concluante ce que sera le comportement d'une personne.
Par ailleurs, monsieur Ménard, nous devons maintenir la confiance du public envers le système de justice pénale et, comme nous le savons, le renversement du fardeau de la preuve fait déjà partie des dispositions relatives à la mise en liberté sous caution. Le fait de l'étendre aux autres infractions et aux infractions graves mettant en jeu une arme à feu est, à mon avis, parfaitement conforme à cet objectif. Cela correspond tout à fait aux préoccupations du public à l'égard de la prolifération des armes à feu dans notre société. Pas une semaine ne s'écoule sans que des gens ne me fassent part, par écrit ou de vive voix, de problèmes liés aux crimes impliquant une arme à feu au Canada. Le fait de rendre les juges plus aptes à protéger le public semble donc être une idée valable en soi.
:
Monsieur le ministre, la question que je me pose est celle-ci. Bien sûr, tout comme vous, on est inquiet de l'utilisation des armes à feu. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'on défend avec pas mal plus de vigueur que vous ne le faites vous-même le contrôle des armes à feu au moyen d'un registre public. Mais il y a une chose que je ne comprends pas. C'est peut-être déjà le cas en ce moment, mais qu'est-ce qui nous donne à penser que les juges de paix vont remettre en liberté des gens qui ont commis des infractions avec des armes à feu? Il y a des gens qui disent que dans 90 p. 100 des cas, il n'y aura pas de remise en liberté.
C'est comme quand le gouvernement a présenté le projet de loi sur l'emprisonnement avec sursis. Si on avait écouté votre prédécesseur, on aurait pensé que c'était un phénomène généralisé dans le système, alors que lorsqu'on a progressé dans nos travaux, monsieur le président, on s'est rendu compte que l'emprisonnement avec sursis comptait pour 3 p. 100 des sentences prononcées dans les cours de justice.
Alors, je m'attends à ce que, si on fait écrire un projet de loi, on aie la rigueur d'appuyer par des données le phénomène. Que voulez-vous corriger dans le système? Avez-vous des indications, comme ministre de la Justice, que les juges de paix remettent en liberté des individus qui ont commis des infractions avec des armes à feu?
Vous nous demandez d'adopter du droit nouveau. On est prêts à le faire, mais reconnaissez qu'on doit agir avec la rigueur qu'on attend des parlementaires. Pour ma part, je pense que cet après-midi, vous vous en tenez à des généralités qui ne sont pas étayées par grand-chose sinon des impressions. Malheureusement, on ne peut pas légiférer ainsi. J'espère que chemin faisant, votre ministère sera en mesure de nous alimenter davantage.
:
Oui, nous sommes populaires également. Notre programme de répression du crime contribue certainement à la situation favorable de notre gouvernement en ce moment.
Je pense que l'une des choses qu'il faut souligner ici, c'est que les juges de la paix de votre exemple ont, en définitive, le droit de prendre la décision qu'ils estiment être dans l'intérêt du public. Leur donner davantage d'outils, leur expliquer les options qui s'offrent à eux, ou même charger du fardeau de la preuve une personne qui doit très clairement, à mon avis, démontrer pourquoi elle devrait être libérée, constituent des pas dans la bonne direction. Toutefois, au bout du compte, si les juges de paix de votre circonscription ou d'autres juges concluent qu'on peut libérer toutes ces personnes, et que cela ne pose pas de problème pour ce qui est de la protection du public, du respect des gens à l'égard de l'administration de la justice et des risques de récidive, ils ont le droit de le faire. Ils peuvent d'ailleurs remettre en liberté n'importe quel d'entre eux. Mais je crois qu'il nous incombe, en tant que législateurs, de leur donner des balises qui correspondent à ce que, selon moi, la plupart des Canadiens jugeraient très raisonnable.
Dans ma déclaration d'ouverture, j'ai dit que nous ne faisions qu'appuyer les principes contenus dans le Code criminel en ce moment, qui ont été affirmés par la Cour suprême du Canada.
:
Vous faites ressortir un élément très important. En fait, ce projet de loi a reçu un vaste soutien. Juste avant la période de questions, j'ai rencontré l'Association canadienne des policiers. Globalement, l'ACP est très favorable aux initiatives adoptées par notre gouvernement et soutient des mesures législatives semblables au . Les gouvernements provinciaux, les municipalités et les procureurs nous ont dit ce qu'ils en pensaient. Récemment, à Niagara Falls, la ville d'où je viens, des policiers m'ont abordé à deux reprises dans la rue pour me dire qu'ils approuvaient nos initiatives, y compris celle-ci. Mon collègue, M. Dykstra, pourrait vous dire ce qu'il en est pour la police régionale de Niagara; beaucoup se sont prononcés entièrement en faveur de ce projet de loi.
Je crois donc que l'appui est généralisé, et j'en suis ravi. Très franchement, je me réjouis à l'idée que nous puissions l'adopter. Le Parti libéral s'est prononcé à diverses reprises en sa faveur. Aujourd'hui, les libéraux ont dit approuver globalement et en principe ce projet de loi, et j'espère que les détails ne poseront pas problème. J'espère que nous l'adopterons dans sa forme actuelle. Le Nouveau Parti démocratique s'est dit favorable à ce projet de loi, et j'espère que le Bloc fera preuve de bon sens et emboîtera le pas aux autres partis afin d'améliorer le système de justice pénale canadien. Je leur dis ceci: je suis certain que lorsqu'ils rentreront chez eux et expliqueront ce principe à leurs électeurs, ceux-ci leur diront, dans une énorme proportion, que cette mesure législative est un pas dans la bonne direction.
Alors, en définitive, monsieur Moore, j'espère que ce projet de loi recevra l'appui unanime du Parlement car, en fin de compte, il ne peut, ni ne doit être un sujet partisan. Il améliore seulement le Code criminel et le rend plus sécuritaire pour tous les Canadiens.
:
J'aimerais m'arrêter sur deux aspects. La Bibliothèque du Parlement a produit un document qui passe en revue le projet de loi et qui indique que, selon l'étude d'une faculté de droit, dans 90 p. 100 des cas de crimes armés, la mise en liberté sous caution est refusée d'emblée. C'est probablement une bonne chose. Le projet de loi règle la question et codifie ce qui se produisait sans doute dans la grande majorité des cas.
J'aimerais vous interroger à propos de deux choses qui ne sont pas directement liées au principe du projet de loi. Celui-ci aura pour effet d'augmenter, en théorie et de façon marginale, les détentions avec possibilité de mise en liberté sous caution, même si, comme je l'ai fait remarquer plus tôt, 90 p. 100 des cas de crimes impliquant une arme à feu ne donnent pas lieu à une mise en liberté. Il y aura plus de détenus pour qui le temps passé en prison va compter double ou triple. Si c'est vrai — et je suis certain que ce n'était pas un effet voulu — beaucoup de détenus seront dans cette situation.
Cela existe parce que le tribunal reconnaît que la période d'incarcération précédant la déclaration de culpabilité compte pour le double ou le triple de celle qui la suit. Les tribunaux ont confirmé ce principe. Nous allons donc nous retrouver avec beaucoup de personnes qui seront condamnées alors qu'elles ont déjà commencé à purger leur peine, et qui deviendront immédiatement ou presque admissibles à une libération, sans possibilité de mise en liberté sous caution, qui présente l'avantage d'imposer des conditions sévères à la libération.
Je me demande seulement si le ministère a tenu compte de cela, parce qu'il pourrait y avoir un résultat non désiré. Certains individus devraient peut-être être soumis à des conditions assez strictes après leur incarcération.
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Je pense que vous avez couvert beaucoup de matière, monsieur Lee. Vous avez indiqué que c'était possible, et qu'il y a bien des cas où les gens accusés de graves infractions avec armes à feu sont déjà détenus. Comme vous l'avez dit dans vos remarques, cela donne des outils, indique la direction à prendre et envoie un message concernant la mise en liberté sous caution. Il pourra y avoir, et il y aura sans doute plus de gens qui ne seront pas admissibles à une mise en liberté sous caution une fois les changements apportés.
Vous avez évoqué le système de crédits qui s'applique, dans notre pays ou notre système de justice pénale, aux individus qui passent du temps en prison avant d'être condamnés. Je vous dirais qu'au bout du compte, les juges bénéficient d'un grand pouvoir discrétionnaire en ce qui a trait à la peine maximale applicable. En ce qui concerne la détermination de la peine, les juges peuvent et devraient prononcer des sentences — et je suis certain qu'ils le feront — qui correspondent à la gravité du crime qui leur est soumis.
Donc, je ne partage pas votre crainte qu'il y ait un grand impact ou qu'on libère ces personnes rapidement. Je pense qu'une personne reconnue coupable d'avoir utilisé une arme à feu pour tenter de commettre un meurtre ne sera pas mise en liberté à la hâte, même si elle obtient des crédits pour la détention préalable à son procès.
Je ne considère pas cela comme un problème important, mais je suis toujours intéressé à entendre vos commentaires et opinions sur ces questions.
:
Je ne m'attends pas à une contestation en vertu de la Charte dont l'issue serait défavorable. Il me semble, en tout premier lieu, que nous n'aurions pas présenté ce projet de loi si nous n'avions pas cru qu'il résisterait à l'épreuve d'une contestation en vertu de la Charte. Voilà pour l'un des aspects.
Comme je l'ai dit en réponse à une question posée plus tôt, le ministère a examiné très soigneusement les décisions de la Cour suprême du Canada sur le sujet, surtout les trois dernières, qui ont été rendues au cours des 17 dernières années. Dans un des cas, nous avons même retenu une opinion dissidente — comme l'a souligné Mme Besner — et nous avons contribué à codifier dans le projet de loi certains des éléments relevés par la Cour suprême, que nous avons par ailleurs clarifiés.
Je ne m'en fais pas, parce que c'est dans la continuité des autres dispositions concernant le renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté sous caution. Nous n'effectuons qu'un prolongement, un ajout à ces dispositions. Je sais que ces dispositions ont résisté jusqu'ici à l'examen des tribunaux, alors j'espère que nous continuerons dans ce sens; je ne vois aucun problème à cela. Je suis certain que c'est l'une des raisons pour lesquelles votre parti appuie le projet de loi.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci de ces renseignements et de votre comparution devant notre comité.
J'étais policier à l'époque où il était très fréquent qu'on renvoie le fardeau de la preuve à l'accusé, au moins pour prouver certaines situations. La Loi sur la réforme du cautionnement a changé tout cela. L'une des dispositions, alors, prévoyait la nécessité d'expédier le procès. Bien souvent, l'accusé plaidait coupable plutôt que de se soumettre à une période de détention pré-condamnation qui n'était pas, à ce moment-là, prise en compte dans quelque disposition sur la détermination de la peine que ce soit. La plupart du temps, l'accusé se voyait infliger une peine à la suite d'une déclaration ou d'un plaidoyer de culpabilité.
Les tribunaux fonctionnent de façon très différente maintenant, et il y a un véritable arriéré dans le traitement de ces questions de détention. Je n'entrevois pas que cela changera. Il pourrait n'y avoir aucune augmentation importante — j'en conviens — et cela pourrait ne toucher que peu de gens. L'aspect détention, lorsque celle-ci est préalable au procès, ne sera pas en cause ici.
L'autre aspect problématique concernant les tribunaux est que bon nombre de cas de crimes commis avec une arme à feu — et cela se produit encore aujourd'hui — sont réglés avant même qu'il y ait un plaidoyer de culpabilité. Vous ne verrez jamais d'ordonnance de cautionnement, ni de violation de celle-ci, pas plus qu'une ordonnance de probation. Je serais curieux de savoir comment, s'il y a lieu, on réglera ces aspects.
:
Certes, nous voulons que les tribunaux disposent de ressources qui leur permettent d'entendre ces causes. C'est pourquoi je passe une partie de mon temps, en tant que ministre de la Justice — et c'est ma responsabilité de le faire —, à nommer des juges de la Cour supérieure, pour m'assurer que nos tribunaux sont pourvus en magistrats et qu'ils sont en mesure d'entendre les causes dont ils sont saisis.
Encore une fois, ce projet de loi ne traite pas du sujet dont vous parlez. Des négociations ont lieu. Dans une autre vie, avant de devenir un député, vous avez oeuvré au sein du système de justice pénale. Lorsque j'étais avocat en droit criminel, au cours des années 1980, et que je représentais mes clients, j'ai à maintes occasions rencontré les procureurs de la Couronne pour discuter avec eux de la possibilité de retenir certaines accusations et pas d'autres. Il me semble que c'est un aspect de notre système de justice pénale. Mais il importe qu'il y ait des juges, des tribunaux et des ressources pour régler adéquatement ces questions.
Bon nombre de ces questions, comme vous le savez, sont administrées au niveau provincial. Notre travail, au fédéral, est d'établir la loi telle qu'elle devrait être, à nos yeux, pour les Canadiens, et c'est essentiellement ce que nous faisons. Nous déclarons comment les gens devraient être traités, et comment nous pouvons le mieux protéger le public. C'est un exercice d'équilibre, monsieur Hanger, et ce projet de loi atteint ses objectifs.
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Je pense que l'appui dont nous bénéficions est plus important que cela. Partout au pays, je pense que les gens approuvent ce que nous faisons. Je sais que vous avez une opinion à l'égard du registre des armes à feu. Nous avons été très clairs à propos du gaspillage qu'il a causé. Nous croyons que le registre des armes à feu a moins à voir avec la lutte au crime qu'avec la création d'un système bureaucratique. Nous avons donc de sérieuses préoccupations à cet égard.
Vous demandez s'il est cohérent de notre part d'être à la fois contre le registre et contre la criminalité. Eh bien, j'estime que nous sommes conséquents. Le projet de loi , ainsi que d'autres mesures législatives qui sont ou qui ont été soumises à l'étude de votre comité, font partie des initiatives que nous prenons pour sécuriser nos rues, protéger nos quartiers et, bien franchement, accroître la confiance des gens à l'égard du système de justice pénale. C'est toujours une préoccupation pour moi, comme ça devrait l'être, selon moi, pour tous les Canadiens. Nous voulons que les gens pensent que le système fonctionne et qu'il sert à les protéger.
En fait, vous êtes probablement au courant que j'ai annoncé il y a quelques semaines la création du poste d'ombudsman pour les victimes, pour que nous ayons une personne et un bureau expressément chargés de s'occuper des préoccupations et des problèmes des victimes d'actes criminels. Vous conviendrez sans doute avec moi que, parfois, ces personnes sont laissées pour compte dans le processus. Je suis très confiant qu'avec cette mesure législative que nous proposons, ainsi que d'autres initiatives, nous nous attaquons directement à la criminalité. Mais vous et moi devrons peut-être accepter notre désaccord au sujet du registre des armes à feu.
Bonjour, monsieur Nicholson, madame Kane et madame Besner. La question que je vais vous poser vise à déterminer à peu près vers quoi on se dirige avec le projet de loi . Je veux être certain qu'on a bien compris. Dans les documents qui nous ont été remis par les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement, un expert qui se nomme Gary Mauser, criminologue, mentionne que d'après les statistiques sur les crimes violents citées par le gouvernement du Canada, sur près de 1 000 crimes commis avec des armes à feu ou des armes à utilisation restreinte en 2006 à Toronto, près de 40 p. 100 ont été commis par quelqu'un qui était en liberté sous caution, en liberté conditionnelle, en absence temporaire ou en probation. Donc, selon la police, 70 p. 100 des personnes accusées d'homicide en 2006 étaient visées par une ordonnance de la cour au moment de l'infraction.
Ce qui est dit au sujet de Toronto, une ville de 3 à 4 millions d'habitants, je l'applique à Montréal, où on a le même problème, malgré tout ce que l'on dit. Dans le comté d'Hochelaga-Maisonneuve, les gangs sont forts. Dans ce secteur, les gens tirent les uns sur les autres dans la rue et on a beaucoup de difficultés. Je voudrais savoir, quand vous avez préparé...