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Bonjour, tout le monde.
Conformément à l'ordre de renvoi adopté le mardi 27 mars 2007, nous étudierons le projet de loi .
[Traduction]
Nous accueillons cet après-midi, du Centre canadien de la statistique juridique de Statistique Canada, Mme Lynn Barr-Telford, directrice, M. John Turner, chef du Programme des services policiers et Craig Grimes, gestionnaire de projet pour le programme des tribunaux.
Je crois que vous avez préparé une présentation. Qui la fera?
Je vous laisse la parole, madame Barr-Telford.
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Je tiens à remercier le comité de nous offrir cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour présenter les statistiques aux fins de l'examen du projet de loi , sur le renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté en cas d'infraction mettant en jeu une arme à feu.
Permettez-moi de commencer par vous dire quelles données nous pouvons ou ne pouvons pas fournir relativement à ce projet de loi. Nous ne pouvons fournir de statistiques sur les libérations sous caution — par exemple, à quelle fréquence des libérations sous caution ont été accordées quand un inculpé était accusé d'une infraction mettant en jeu une arme à feu. Nous ne pouvons pas non plus déterminer où une infraction a été commise par un accusé pendant qu'il était en liberté provisoire.
Ce que nous pouvons vous dire, c'est le nombre d'infractions commises avec une arme à feu qui ont fait l'objet de rapports de police, et auxquelles le projet de loi s'applique spécifiquement.
Nous pouvons présenter des statistiques nationales sur les trois types d'infractions examinés: le vol qualifié, la décharge d'une arme à feu avec l'intention d'infliger un préjudice corporelle et le trafic d'armes. Nous pouvons aussi fournir des chiffres sur le kidnapping, l'extorsion, la tentative de meurtre et les agressions sexuelles de niveau 2 et 3 extraits des données de sous-groupes de services policiers représentant un peu plus de 60 p. 100 du volume national de crimes. De plus, nous pouvons fournir des données sur notre programme de statistiques sur les tribunaux au sujet du règlement des cas de délits mettant en cause des armes à feu. Enfin, nous avons des statistiques sur la détention avant le procès, tirées de nos données des services correctionnels. Les limites de nos données sont indiquées au bas des diapositives.
Si vous passez à la deuxième diapositive, pour les trois types d'infractions déclarés par la police qui font l'objet d'une couverture nationale, nous constatons qu'en 2005, il y a eu un peu plus de 3 500 vols commis avec une arme à feu. De ce nombre, 1 117 ont été classés par mise en accusation par la police. Il y a eu 252 incidents de décharge intentionnelle d'une arme à feu, et 111 ont été classés par mise en accusation. De plus, en tant que groupe, il y a eu 147 infractions de trafic d'armes, qui englobent, dans notre série de données, les infractions prévues aux articles 99, 100, 101, 103 et 104 du Code criminel.
La troisième diapositive, sur les autres infractions visées par le projet de loi , illustre des données sur le nombre d'incidents mettant en jeu une arme à feu, extraites d'un échantillon de services policiers représentant 62 p. 100 du volume de cas national; c'est dire que ce graphique pourrait sous-représenter le nombre total de ces incidents.
Le kidnapping comprend l'isolement forcé et la prise d'otage. Il y a eu 258 de ces incidents qui ont été déclarés en 2005, dont 134 ont été classés par mise en accusation. Nous savons aussi que, d'après cet échantillon de services policiers, en ce qui concerne les infractions visées par le projet de loi , les vols avec une arme à feu comptent pour la grande majorité de ces infractions, soit environ 80 p. 100. C'est le délit le plus fréquent, par volume, de la liste.
Si nous passons à la quatrième diapositive, nous savons aussi que le nombre de vols commis avec une arme à feu est en baisse depuis une dizaine d'années. Il a baissé d'environ 50 p. 100. Au total, il y a eu près de 29 000 vols en 2005, ce qui représentait 3 p. 100 de plus qu'en 2004; c'était néanmoins 15 p. 100 de moins qu'il y a 10 ans et 25 p. 100 de moins que la pire année, 1991.
Plus de la moitié des vols déclarés à la police en 2005 ont été commis sans arme. Des armes à feu ont été utilisées dans 12 p. 100 des vols en 2005, et un peu moins d'un tiers d'entre eux ont été commis avec un autre type d'armes.
Si nous passons aux données des tribunaux de 10 instances, qui indiquent les infractions commises avec des armes à feu, nous pouvons voir ce qu'il advient des cas d'infractions visées par le projet de loi . Pour 2003-2004, nous avons constaté que 871 cas, représentant 6 633 accusations pour une infraction identifiée dans le projet de loi , on été portés devant un tribunal pour adulte. Dans ces 871 cas, il y en avait où de multiples accusations avaient été portées, dont au moins une pour une infraction visée par le projet de loi . Elle ne peut, cependant, avoir été classée comme la plus grave infraction. Donc, même si le délit est indiqué sur le graphique comme étant un cas de trafic de drogues, il y a dans ce cas une infraction visée par le projet de loi C-35.
Compte tenu de ce que nous avons vu avec les données déclarées par la police, il n'est pas étonnant de constater que le vol compte pour plus de 40 p. 100 des cas liés au projet de loi qui ont été classés en 2003-2004. Le trafic d'armes représente 15 p. 100 des infractions visées par le projet de loi C-35, dans environ deux tiers des cas — 563 sur les 871 — une accusation liée au projet de loi C-35 était la plus grave infraction dans ce cas.
Passons à la sixième diapositive, qui est aussi extraite des données des tribunaux, nous voyons que le taux global de condamnation, pour les infractions visées par le projet de loi est de 40 p. 100. C'est nettement moins que le taux global de condamnation, de 58 p. 100, pour toutes les infractions à des lois fédérales en 2003-2004, et moins que le taux global de 48 p. 100 pour les crimes contre la personne. Une raison possible à cela, comme nous l'avons vu dans nos données, c'est qu'une personne accusée est moins susceptible de plaider coupable à une accusation plus grave ou qui est passible d'une sentence minimale obligatoire, ou les deux, laquelle s'applique, nous le savons, à plusieurs des infractions visées par le projet de loi C-35.
Une fois qu'il y a déclaration de culpabilité pour une infraction visée par le projet de loi , 70 p. 100 des cas aboutissent à une peine d'emprisonnement. La durée moyenne des peines, pour ces cas, est de 1 101 jours. Ceci reflète la sentence moyenne imposée pour le plus grave délit commis dans l'affaire. Dans l'ensemble, les délais moyens de traitement d'un cas pour les infractions visées par le projet de loi C-35 étaient de 221 jours, soit presque la même chose que pour la durée moyenne des peines pour toutes les infractions à des lois fédérales en 2003-2004.
Si vous regardez la diapositive suivante —
Donc, pour les infractions qui ont entraîné une condamnation, le taux d'emprisonnement était de 85 p. 100 et la durée moyenne de la peine d'emprisonnement était de 1 554 jours.
Autre chose qui n'est pas non plus dans la diapositive, mais que j'indique à titre de renseignement, c'est que la durée moyenne du traitement des cas d'infraction visée par le projet de loi qui était la plus grave infraction était de 227 jours.
J'invite le comité à passer à la huitième diapositive. Elle comporte des renseignements sur la détention préventive et d'autres formes de détention provisoire découlant du programme des Services correctionnels. Nous avons constaté une chute de la population provinciale-territoriale de condamnés avec sursis sous surveillance, qui a coïncidé avec une augmentation de la population détenue sans condamnation.
En 1995-1996, les adultes non condamnés représentaient 28 p. 100 de l'ensemble des détenus après condamnation en milieu provincial ou territorial.
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Je n'ai vraiment que quelques questions à poser, très rapidement, aux fins d'éclaircissement.
Vous avez commencé en disant que vous ne pouvez donner des statistiques sur les libérations sous caution. Je vois que vous pouvez déterminer qui a été condamné pour un vol, etc., ce genre d'infraction. Je peux le comprendre. L'avant-dernière diapositive nous apprend que vous pouvez nous dire combien de personnes, ou quelles personnes, font l'objet de certains types de détention, avec ou sans condamnation. Pourquoi ne pouvez-vous expliquer la ligne rouge? Dans la traduction française, elle est d'une autre couleur. Je ne savais pas que les couleurs se traduisaient. Mais j'aime la traduction française, parce qu'il s'y trouve plus de rouge. J'ai trouvé cela intéressant.
Soyons sérieux. Vous pouvez nous dire combien de personnes sont en détention préventive, ou d'autres formes de détention. Je comprends que ce pourrait être des gens à qui on donne « 24 heures pour se calmer »; ce sont des gens visés par l'article 4, du moins au Nouveau-Brunswick, l'instabilité mentale et ce genre de choses. Mais pour la vaste majorité de cette ligne au-dessous de celle des détentions provisoires, est-ce que ce ne devrait pas être des gens qui sont en détention provisoire en attendant un procès, qui n'ont pas obtenu de libération sous caution? Ce pourrait être tout un tas de gens qui n'ont pas encore eu leur audience sur la libération sous caution. La loi stipule que l'audience de libération sous caution doit avoir lieu assez rapidement, alors la plupart de ces gens se sont fait refuser la libération sous caution — n'est-ce pas — s'ils l'ont demandée, et tout le monde la demande.
J'aimerais faire un dernier commentaire.
Ce que vous nous apportez pour notre projet de loi est probablement exactement ce qu'il nous faut, mais le fait d'être député n'est pas une garantie d'intelligence, et vous devez dire les choses simplement pour que nous puissions vous comprendre.
Une voix: Parlez pour vous!
L'hon. Larry Bagnell: Ce serait très utile à l'avenir. Vous travaillez avec ces statistiques tout le temps, alors vous prenez tout pour acquis. Mais ce sont d'excellents renseignements.
Une voix: Nous ne faisons que prétendre être intelligents.
Compte tenu de ce que vous venez de dire, en raison de la manière dont les registres de la Cour sont produits, il vous est impossible de dire quel pourcentage de personnes, une année sur l'autre, sont inculpées. Vous pouvez nous dire combien sont inculpées pour des infractions visées par le , mais vous ne pouvez pas dire quel pourcentage obtiennent une libération sous caution avant le procès, ou ne l'obtiennent pas à un moment donné avant qu'un jugement, en tant que tel, dans leur cas, soit rendu public. Est-ce que c'est pour cela que, lorsque l'on essaie de trouver des preuves scientifiques, des études longitudinales tangibles sur l'efficacité même de la libération sous caution, si c'est un outil vraiment efficace pour prévenir le crime, pour une justice efficace, pour protéger efficacement les communautés, il est impossible de trouver des recherches sérieuses, du moins ici, au Canada, qui ont été faites sur le sujet au fil des années? Est-ce que c'est parce qu'il n'existe pas de telles statistiques? Statistique Canada n'en a pas. Est-ce pour cela?
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C'est plus que seulement le système de rôle d'audience. C'est ce système en plus de la manière dont nous recueillons et traitons les renseignements.
La libération sous caution m'est apparue comme un enjeu, dans ma carrière, pour la première fois il y a une dizaine d'années. C'est depuis ce temps, sinon plus, que nous essayons de déterminer combien de personnes sont libérées sous caution et si certaines commettent des infractions pendant cette période de liberté provisoire.
Le problème, comme nous le disions plus tôt, c'est qu'on ne sait pas, avec ce système de registre, si la personne est ou non sous surveillance quand elle comparaît la première fois devant le tribunal. Il y a aussi moyen d'obtenir ce renseignement quand elles comparaissent devant le tribunal, que ce soit ou non pour être libérées ou gardées en détention provisoire. Les données que nous avons actuellement indiquent en même temps le type de comparution et les résultats de la comparution dans le même champ.
Je peux m'expliquer. Maintenant que nous avons des micro-données des services correctionnels et d'autres micro-données, qui sont des données détaillées des tribunaux, nous allons pouvoir établir un lien entre ces deux types de statistiques pour pouvoir, pour la première fois, répondre à certaines des questions au sujet des personnes libérées sous caution et si elles commettent d'autres délits ou pas.
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Monsieur le président, je veux exprimer tout mon étonnement. C'est la deuxième fois qu'on nous demande, comme parlementaires, de voter des projets de loi sans nous fournir de données probantes et concluantes. Ce n'est pas de la faute des gens qui sont devant nous, encore qu'on aurait pu nous fournir plus de détails. Je ne comprends que le gouvernement puisse présenter un projet de loi aux parlementaires alors qu'on ne connaît même l'ampleur réelle de la mise en liberté par voie judiciaire. J'avoue que cela me dépasse qu'on puisse demander à des gens d'agir avec rigueur alors qu'on n'a même pas de statistiques. Cela prouve que le projet de loi est purement idéologique et qu'il ne repose sur aucune réalité statistique sur l'administration de la justice. Cela me déçoit parce que je pense du bien de vous, mais on ne peut pas travailler de cette façon.
Essayons quand même de savoir de quel type d'information nous avons besoin. Je vais rappeler de bons souvenirs à M. Petit, qui a souvent été devant les tribunaux. Le paragraphe 515(6) du Code criminel dit que le fardeau de la preuve est renversé dans le cas de sept infractions, dont la criminalité, la terrorisme, un manquement aux conditions, et que le juge n'ordonnera pas la mise en liberté. Sinon, la personne est libérée.
Je m'attendais donc à ce qu'on parle de la mise en liberté sous caution.
Je vais revenir sur des questions précises par rapport aux chiffres que vous avez avancés. Quand le fardeau de la preuve est renversé et qu'on a des raisons de penser que la preuve sera détruite, qu'un individu constitue une menace pour la sécurité ou qu'il ne se présentera pas à son procès — cela se trouve au paragraphe 515(10) du Code criminel —, il ne doit pas être remis en liberté. C'est le projet de loi dont on discute. Le gouvernement dit qu'on va renverser le fardeau de la preuve pour sept autres infractions. Les sept infractions qu'il se propose d'ajouter au paragraphe 515(6) sont le vol qualifié, la décharge d'une arme à feu, le trafic d'armes, l'enlèvement, la tentative de meurtre, l'extorsion et l'agression sexuelle.
Aux pages 2 et 3, vous énumérez les sept infractions qui s'ajouteront au paragraphe 515(6). Le chiffre de 3 505, je suppose, correspond au nombre d'accusations qui ont été portées par les corps policiers ou le ministère public. De ces 3 505 infractions pour vol qualifié, 1 117 ont fait l'objet d'une mise en accusation, donc pas par procédure sommaire.
Est-ce bien ce que veulent dire ces chiffres?
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Je vous arrête immédiatement. Il peut y avoir un ensemble de facteurs pour lesquels on a moins recours à la mise en liberté avant caution. Il peut s'agir de gens qui sont accusés en vertu de l'article 469 du Code criminel qui ne sont pas éligibles à une mise en liberté sous caution ou parce que le juge, en vertu du paragraphe 515(10), est convaincu que les gens vont détruire de la preuve, qu'ils ne se présenteront pas à leur procès ou qu'ils représentent une menace pour la sécurité.
Ces trois types d'infraction pour lesquelles la détention n'est pas possible ne disent rien à propos des armes à feu ou des délits commis avec des armes à feu. C'est pour cela que la logique du gouvernement est extrêmement difficile à suivre dans ce projet de loi. D'un côté, vous nous dites qu'il y a de moins en moins de délits commis avec des armes à feu, et pour ceux qui sont commis avec des armes à feu, on ne sait pas comment le juge se comportera lorsqu'il statuera sur la remise en liberté par voie judiciaire. En même temps, on demande aux parlementaires d'allonger le renversement du fardeau de la preuve.
Est-ce que vous vous rendez compte de la situation dans laquelle nous nous trouvons sur le plan de la rigueur et quant à notre capacité de faire notre travail sérieusement?
Le projet de loi du gouvernement — et je ne veux pas vous mettre dans l'embarras; vous connaissez ma diplomatie tout à fait proverbiale — n'est pas étayé par une réalité statistique. Nommez-moi une seule page de votre présentation qui pourrait nous amener à conclure que l'argumentaire du gouvernement pour allonger le renversement du fardeau de la preuve, dans le cas où des armes à feu sont en jeu, est fondé. Y a-t-il une seule statistique qui pourrait, de près ou de loin, donner un peu de créance au projet de loi du gouvernement?
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Nous avons besoin de savoir si, lorsque des infractions sont commises avec des armes à feu et que cela s'apparente à ce qu'un juge peut faire en vertu de l'article 515 ou du paragraphe 506(10), les juges remettent les gens en liberté, oui ou non.
C'est sur cette question, monsieur le président, qu'on nous demande de voter. On nous demande d'allonger la liste des infractions, en ajoutant celles commises avec des armes à feu, où le fardeau de la preuve pèse sur le prévenu.
Toute autre statistique est beaucoup moins pertinente. J'ai besoin de savoir, avant de voter, si oui ou non les juges remettent en liberté des individus qui commettent des infractions avec des armes à feu, comme ce qui nous est proposé aux pages 1 et 2, et qui sont admissibles à une remise en liberté. On s'entend là-dessus. Si nous n'avons pas ces statistiques, nous ne pourrons pas voter avec rigueur. Je regrette de dire à mes collègues ministériels que nous allons faire de la pure idéologie. Je ne dis pas que la commission d'acte avec des armes à feu n'est pas un phénomène important dans la société, mais je suis surpris qu'on ne puisse pas étayer cela. C'est important.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins d'être ici aujourd'hui.
En fait, contrairement à ce que peut penser M. de ces statistiques, je vois ici des données qui reflètent vraiment, ou appuient, il me semble, ce que nous essayons de faire avec ce projet de loi. Je vois bien que certaines données sont un peu plus précises que d'autres, mais au moins, elles racontent une histoire.
J'aimerais seulement dire, à l'intention de l'opposition, de ne pas oublier ce qui nous pousse à présenter ce projet de loi, et c'est pour lutter contre les pires des pires crimes mettant en cause une arme à feu : les fusillades au volant d'une voiture, les vols, les infractions commises avec une arme à feu et qui mettent en péril la vie d'autres personnes. Nous pouvons nous faire aussi techniques que nous le voulons, mais c'est l'objet de ce projet de loi, et ces délinquants sont ceux que ce projet de loi vise.
Si nous regardons les statistiques de la troisième page, vous indiquez le nombre total d'incidents, extrait des rapports de police sur l'utilisation d'armes à feu, et puis vous avez le nombre de dossiers classés par mise en accusation. J'aimerais savoir si la différence entre les deux, c'est l'un reflète l'incident avec l'arme à feu et l'autre une comparution devant un tribunal?
C'est une assez grande différence.
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Je serai très bref. Je vais poser une question, simplement pour que ce soit clair dans mon esprit. Je dois admettre que lorsque je regarde ces données, il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas. Je devrais peut-être m'en excuser, mais je ne le ferai pas, parce que j'ai examiné ces données de près et je les trouve très ambiguës.
Mais il y a une chose que je sais, et je m'adresse à M. Ménard en réaction à ses propos. Dans ma circonscription, en milieu rural, quand je suis devenu député, il y a quelques années, un individu âgé de 27 ans s'est arrêté à une résidence pour demander des indications. Une jeune dame, qui était seule à la maison à ce moment-là, l'a renseigné. Une vingtaine de minutes plus tard, l'homme en question est revenu, armé d'un fusil, a forcé la femme à se déshabiller puis l'a violée. Il a ensuite été appréhendé et emprisonné. Environ une semaine plus tard, lorsqu'on l'a libéré sous caution, il est revenu sur les lieux de son crime. Il a fait feu sur la femme — qui a d'ailleurs survécu miraculeusement — et a abattu son mari avant de s'enlever la vie.
Il va sans dire que cet homme n'aurait jamais dû être libéré sous caution. Maintenant, nous nous retrouvons avec deux morts sur la conscience et une personne gravement blessée, et c'est tout ce dont j'ai besoin comme statistiques. Ces événements m'ont bouleversé au point que j'ai voulu prendre les choses en main de sorte que lorsque je suis revenu à la Chambre, j'étais déterminé à tout faire pour empêcher les auteurs de crimes aussi sauvages — même ceux qui n'impliquent pas d'arme à feu — d'être libérés sous caution.
J'attends depuis 1994 que mon nom soit tiré au sort pour présenter mon initiative. Je n'ai jamais été chanceux à la loterie. Mais ce sont toutes les « statistiques » dont j'ai besoin.
Toutefois, j'aimerais vous poser cette question : Savez-vous combien de personnes ont commis un crime violent tout de suite après leur mise en liberté sous caution?
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Personne d'autre ne veut se risquer à répondre? Très bien.
C'est dommage, parce que si nous n'avons aucun renseignement là-dessus, et bien sûr, ce n'est pas votre faute —, nous agirons à l'aveuglette. Cette mesure législative n'aura pas l'effet souhaité. Je tiens à préciser que j'avais l'intention de l'appuyer, mais à mon plus grand regret, il nous manque des données.
Ensuite, à mon avis, il y a deux statistiques dignes de mention dans le dossier que vous avez fourni. On devrait d'ailleurs les considérer comme des points de repère. La première indique que seulement 40 p. 100 des infractions visées par le débouchent sur un verdict de culpabilité. Cela représente un taux de condamnation de 40 p. 100.
Ai-je raison de dire que si nous avions eu un taux d'incarcération avant le procès supérieur à 40 p. 100, nous aurions probablement maintenu en détention des gens innocents?
Vous ne pouvez peut-être pas répondre.
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Une des questions que je voulais poser — Tout d'abord, j'aimerais obtenir des éclaircissements au sujet des commentaires de M. Lee.
Je crois comprendre que le renversement du fardeau de la preuve signifie qu'il incombe à l'accusé de prouver qu'il ne devrait pas être maintenu en détention, mais plutôt libéré sous caution. Par contre, si j'ai bien interprété ses propos, tous les détenus, en vertu du projet de loi, resteront en prison jusqu'à leur audience. Je me trompe peut-être, c'est pourquoi je veux tirer les choses au clair.
Ma question porte précisément sur... Un de vos graphiques indique que le nombre de vols qualifiés commis avec une arme à feu continue de fléchir, et j'en conviens si je me fie aux statistiques. J'aimerais toutefois savoir en quoi cela est lié au fait que les « détenus non condamnés représentent une proportion croissante des adultes en détention ».
Si j’interprète bien vos statistiques, oui, en effet, le nombre de vol qualifiés commis avec une arme à feu est en baisse, mais en réalité, la plupart de ces délinquants qui sont en attente d’un jugement — à tout le moins, selon les données jusqu'en 2005 — sont détenus sous une forme ou une autre sans même avoir été déclarés coupables de quoi que ce soit.
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J'ai une très courte question.
D'abord, je vous remercie d'être venus. Vos statistiques, même si elles sont difficiles à comprendre, me donnent une indication importante. Je vous dirai comment j'agirais en tant qu'avocat dans certaines situations, et vous me direz par la suite comment vous considérez ces mêmes statistiques.
Quelqu'un commet un vol qualifié, une invasion de domicile, et tue quelqu'un. Vous avez donc trois actes criminels couverts par le projet de loi C-35. En plus, l'individu commet une agression sexuelle avant de tuer la personne. Il s'agit donc de quatre actes criminels. Il est accusé de meurtre. Au bout du compte, la seule accusation portée est l'accusation de meurtre. Les trois autres crimes passent inaperçus parce qu'ils sont de moindre importance. En tant qu'avocat, je sais que c'est ainsi que les choses se passent.
La personne est accusée de meurtre. Une accusation de meurtre est portée contre elle, mais les trois autres crimes sont négligés parce que l'accusation ne retient que le plus grave. Lorsque l'individu est condamné, reconnu coupable ou qu'il plaide coupable, il est reconnu coupable de l'infraction la plus grave. Il y a donc trois autres infractions qui, en réalité, devraient être considérées mais ne le sont pas. Par exemple, un vol qualifié est commis avec une arme à feu, mais il y a d'autres infractions couvertes par le projet de loi C-35 qui devraient aussi être considérées.
Prenons un autre cas où une personne est accusée d'un acte criminel grave commis avec arme à feu. On négocie le chef d'accusation très tôt, au moment où la personne demande, par exemple, à son avocat d'être présent au poste de police. L'avocat négocie avec la police parce que dans certains cas, c'est elle qui dépose les plaintes. Chez nous, dans la province de Québec, c'est le procureur. On négocie donc le type d'infraction pour lequel cette personne sera accusée. Par exemple, pour s'assurer que le client s'en tire assez bien, on demande qu'il soit accusé de vol qualifié sans ajouter qu'il a commis une agression sexuelle grave avec l'intention d'infliger des lésions corporelles. On diminue le fardeau et on négocie déjà à la baisse. L'individu se retrouve devant la cour et il n'a même pas à demander la liberté sous caution. Il est sera l'abri parce qu'on aura allégé l'infraction.
Cela reflète-t-il ce que vous pouvez trouver? C'est le métier des avocats, c'est ce qu'ils font, c'est ce que je fais et c'est ce qui se fait dans les autres provinces. Cela prouve une chose : vos chiffres sont bons, mais en réalité, ils devraient être multipliés et non pas réduits, parce que vous n'êtes pas capables de déterminer le nombre d'infractions réelles commises.