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CC35 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-35


NUMÉRO 008 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 15 mai 2007

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bon après-midi. Ceci est la huitième réunion du comité législatif au sujet du projet de loi C-35, et voici l'ordre du jour. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 27 mars 2007, nous allons étudier le projet de loi C-35, Loi modifiant le Code criminel (renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté en cas d'infraction mettant en jeu une arme à feu).
    Notre témoin, aujoud'hui, est M. Gary Mauser, un criminologue de l'Université Simon Fraser.
    Nous vous souhaitons la bienvenue, M. Mauser. Nous sommes prêts à entendre votre présentation.
    Après quelques mots en guise de préambule, je vous parlerai des tableaux inclus dans le document qui vous a été distribué. Je crois connaître bon nombre d'entre vous mais, juste au cas où mon visage vous serait étranger, je vais vous exposer quelques grandes lignes de mes antécédents de sorte que vous sachiez un peu mieux à qui vous avez affaire.
    Je suis professeur à l'Université Simon Fraser où j'enseigne à la fois à l'Institut d'études et de recherches canadiennes urbaines en criminologie et à la Faculté de gestion des affaires. Mon doctorat a porté sur l'utilisation des méthodes quantitatives en psychologie sociale. J'effectue des recherches et je publie des travaux dans le domaine de la criminologie, principalement pour les questions liées aux armes à feu et à la violence, depuis plus d'une quinzaine d'années.
    Je comparais devant vous aujourd'hui parce que j'appuie le projet de loi C-35. Je crois qu'il constitue un pas dans la bonne direction en matière d'amélioration de la sécurité des Canadiens. Ce n'est peut-être qu'un petit pas, mais c'est quand même un pas dans la bonne direction.
    Malgré mon appui au projet de loi C-35, je souhaiterais exprimer quelques réserves.
    Selon moi, l'accent devrait être mis sur les infractions avec violence, et non uniquement sur celles commises avec une arme à feu, et ce, pour deux raisons. Premièrement, les crimes violents commis avec une arme à feu ne représentent qu'une petite proportion de toutes les infractions graves avec violence. Deuxièmement, les armes blanches sont à l'origine de plus de blessures, et de blessures plus graves, que les armes à feu.
    Pour vous montrer à quel point ces proportions sont faibles, je vous dirai que seulement 3 p. 100 des crimes considérés comme violents impliquent une arme à feu. Les victimes blessées par une arme à feu représentent une proportion beaucoup plus petite encore que 3 p. 100, soit généralement autour de 1 p. 100. Le tiers des homicides sont commis au moyen d'une arme à feu, alors qu'un couteau est utilisé pour un autre tiers. En outre, 15 p. 100 des vols qualifiés sont effectués au moyen d'une arme à feu. Comme vous pouvez le constater, les armes à feu ne sont pas les seules à être utilisées pour les infractions avec violence.
    Pour examiner l'incidence des blessures causées par un couteau, je vous invite à regarder les tableaux 1 et 2 — en espérant que le document vous a été distribué. Le tableau 1 traite des victimes de voies de fait; au tableau 2, il est question des vols qualifiés.
    Nous examinons donc le tableau 1. À la première ligne, vous pouvez voir que 6 p. 100 des victimes blessées par arme à feu ont des blessures graves, alors que cette proportion atteint 11 p. 100 dans le cas des voies de fait avec couteau, suivant la définition que Statistique Canada donne des blessures physiques graves.
    Ces informations ont été obtenues par le truchement d'une demande spéciale adressée à Statistique Canada qui a répondu en s'appuyant sur ses données annuelles. Comme j'ai fait cette demande en 2004, on présente ici les données de 2003. Je suis persuadé, même si je n'ai pas répété l'exercice, que nous obtiendrions à peu près la même ventilation pour les années 2004, 2005 et les autres.
    Je veux également faire ressortir au tableau 1 les cas où aucune blessure n'est signalée. Plus de 50 p. 100 des victimes blessées par arme à feu n'ont pas signalé de blessures, ce qui fait que ces blessures sont considérées comme inexistantes par Statistique Canada. De la même façon, dans le cas des voies de fait à l'arme blanche, aucune blessure n'a été rapportée dans 47 p. 100 des cas. Autrement dit, les victimes agressées au moyen d'un couteau risquaient beaucoup plus de subir une blessure — et le cas échéant, une blessure grave — que les victimes de voies de fait avec arme à feu.
    Les résultats sont assez similaires pour les victimes de vols qualifiés. Dans 2 p. 100 des vols qualifiés mettant en cause une arme à feu, les victimes avaient subi des blessures physiques graves; cette proportion atteignait 3 p. 100 pour les personnes volées à la pointe du couteau.
(1535)
    De même, pour les incidents ne donnant lieu à aucune blessure, 80 p. 100 impliquaient une arme à feu, comparativement à 83 p. 100 pour les armes blanches. Je ne veux pas dire par là que les armes à feu ne sont pas dangereuses; je veux seulement faire valoir que les couteaux peuvent aussi causer d'importants dégâts et qu'il serait bon que le Parlement considère tout autant les criminels à l'arme blanche que ceux qui brandissent une arme à feu.
    Les tableaux 3 et 4 présentent quelques-unes des rares statistiques disponibles concernant les criminels après leur sortie de prison. Au tableau 3, on constate que plus de 40 p. 100 des contrevenants bénéficiant d'une libération d'office ont vu cette libération révoquée pour avoir violé les conditions imposées ou commis un nouveau crime. Il s'agit dans 3 p. 100 des cas d'infractions avec violence.
    Nous disposons donc effectivement de quelques données. Comme elles sont plutôt rares, nous ne pouvons toutefois pas compter sur une base de renseignements probante ou approfondie, mais c'est le mieux que nous puissions faire. On peut considérer que le verre est à moitié plein ou à moitié vide, mais si nous essayons d'évaluer la menace pour la population canadienne, on peut voir que 40 p. 100 des prisonniers relâchés ne sont pas dignes de confiance et retournent rapidement derrière les barreaux. Ils constituent donc un danger pour les Canadiens et les Canadiennes.
    Au tableau 4, nous avons quelques données sur les taux de récidive. Selon l'infraction pour laquelle le prisonnier a été incarcéré la dernière fois, de l'introduction par effraction jusqu'aux crimes liés à la drogue, les prisonniers récidivent dans les trois ans suivants leur libération dans une proportion variant de 30 p. 100 jusqu'à plus de 63 p. 100. On ne dispose d'aucune donnée sur les taux de récidive à plus long terme, soit pour une période de cinq à dix ans. On pourrait faire valoir ainsi que malgré les coûts associés et la liberté dont on prive certaines personnes, on protège la population en gardant incarcérés les délinquants les plus dangereux.
    Nous nous intéressons ensuite aux coûts de la criminalité que doivent assumer les victimes. Il ne s'agit pas des coûts des services policiers, des procédures judiciaires ou des services correctionnels qui sont tous à la charge du gouvernement, mais simplement des coûts pour les citoyens qui ont été victimes d'un crime.
    Les tableaux 5 et 6 comportent deux dimensions. La première est le nombre de crimes. Nous avons deux façons d'estimer le nombre de crimes, aucune d'elles n'est très bonne, mais comme elles sont différentes, cela nous donne une bonne approximation du nombre véritable.
    On peu d'abord évaluer le nombre de crimes commis en fonction de ceux qui sont signalés à la police. En 1996, lorsque cette étude a été rendue publique, 254 000 infractions avec violence étaient connues des services policiers. En 2005, dernière année pour laquelle les données sont disponibles auprès de Statistique Canada, ce nombre dépassait les 300 000.
    On peut également mener des enquêtes pour déterminer le nombre de crimes commis. Il existe différents types d'enquêtes, mais celle qui a peut-être donné les meilleurs résultats au Canada invitait les gens à signaler les crimes sur une base régulière. De 254 000 infractions avec violence, on est ainsi passé à quelque 2 millions. Il n'y a donc généralement qu'une faible proportion du total des infractions commises qui sont portées à la connaissance des services policiers.
(1540)
    Nous croyons que les infractions connues de la police figurent habituellement parmi les plus graves, mais ce n'est pas toujours le cas. Comme nous ne savons pas grand-chose sur les infractions qui ne sont pas signalées, c'est une inconnue parmi les inconnues.
    La seconde dimension, qui nous cause beaucoup plus de problèmes, est la manière d'évaluer les coûts qu'une personne doit assumer lorsqu'elle est victime de voies de fait, de vol qualifié, d'agression sexuelle ou de meurtre. C'est très difficile. J'ai essayé ici de me servir des résultats d'enquêtes où l'on demande aux victimes d'indiquer les coûts qu'elles ont dû éponger. J'ai limité mes estimations aux coûts financiers, dans une large mesure, et j'ai essayé de m'en tenir à l'évaluation la plus basse possible. Cela demeure très problématique — j'en conviens volontiers — mais c'est le mieux que nous puissions faire.
    Si l'un d'entre vous a déjà été impliqué dans une infraction avec violence — plutôt en tant que victime qu'agresseur, je présume — il sait pertinemment que de nombreux coûts émotifs plus subtils y sont associés. Certaines personnes ne peuvent pas réintégrer leur appartement après avoir été victimes d'un cambriolage. Des gens évitent certains endroits où ils ont été agressés, voire où ils craignent une agression. D'importants coûts psychologiques sont associés aux infractions avec violence et aux crimes contre les biens.
    Je n'ai pas essayé d'évaluer ces coûts, mais je cite tout de même les résultats de Welsh et Waller qui ont établi ce qu'ils ont appelé un indice de « vies brisées ». Comme vous pouvez le voir à la troisième ligne à partir du bas du tableau 6, cela représente des sommes assez considérables.
    Nous présentons donc essentiellement ici une estimation des coûts du crime pour le citoyen moyen. En 1996, nous avons chiffré ces coûts à 4,6 milliards de dollars pour les citoyens canadiens — pas pour le gouvernement, mais bien pour les Canadiens — dans le cas des infractions contre les biens, et à plus de 700 millions de dollars pour les infractions avec violence. Il s'agit là d'estimations minimales. Comme c'est le cas pour bien des variables en criminologie, je suis persuadé que des recherches plus poussées nous auraient donné des chiffres plus élevés encore, que l'on parle de consommateurs de marijuana, de crimes, de coûts ou de victimes. Je me suis efforcé de m'en tenir au strict minimum.
    Au tableau 6, nous avons effectué une répartition plus détaillée, de manière à vous exposer les différentes composantes, plutôt que seulement les totaux pour les infractions avec violence et contre les biens. Vous pouvez donc voir les chiffres pour les pertes pécuniaires directes, les pertes de productivité, les coûts d'hospitalisation et, bien sûr, l'indice plus subjectif des « vies brisées ».
    Je vous signale en terminant que j'ai joint une liste de référence qui vous permet de vérifier mes allégations. Vous y trouverez, par exemple, l'étude de Welsh et Waller, différents documents de Statistique Canada ainsi que des études économétriques fort intéressantes.
    En conclusion, j'appuie ce projet de loi parce qu'il vise un objectif louable: réduire les souffrances humaines. Les recherches ont démontré que maintenir les criminels violents en prison permettait de protéger le public en les mettant hors d'état de nuire. J'ai essayé de vous exposer les coûts que les citoyens doivent assumer de manière à vous en offrir un aperçu plus concret.
    Cependant, en ne visant que les crimes commis avec des armes à feu, le Parlement ne lutte pas contre les crimes violents aussi efficacement qu'il le pourrait. Comme vous le savez très certainement, il ne faut pas, pour rédiger un bon projet de loi, se contenter de réagir à ce que diffusent les médias. Les armes à feu font les manchettes; les armes blanches sont moins intéressantes. Cette distinction n'est pas nécessairement représentative des dangers qui planent sur la population.
    Nous savons tous que ce sont les nouvelles qui sortent de l'ordinaire qui intéressent les médias. Les écrasements d'avion font davantage les manchettes que les accident de la route, alors que les Canadiens sont beaucoup plus nombreux à perdre la vie dans des accidents de la circulation que dans des tragédies aériennes. Je vous exhorte donc à inclure les armes blanches dans ce projet de loi. C'est un aspect marginal qui risque d'être négligé. Je vous suis reconnaissant de prendre en compte cette considération.
    Merci.
(1545)
    Merci, monsieur Mauser.
    Nous passons maintenant aux questions du comité; chaque parti disposera de sept minutes dans un premier temps.
    Monsieur Bagnell, nous vous écoutons.
    Merci de votre présence. Il s'agit là de renseignements fort intéressants. Je prends bonne note de votre argument concernant les armes blanches. Je crois qu'il est tout à fait pertinent. Vos autres statistiques pourront nous être utiles pour différentes raisons. Certaines d'entre elles ne sont pas directement liées à ce projet de loi, mais c'est très bon que nous les ayons. Nous vous remercions de les avoir compilées.
    J'ai une interprétation différente du tableau 4. J'en conclus que nous ne devrions pas garder les gens en prison. Ces données indiquent — comme nous l'avons toujours soutenu du côté libéral — que ce sont les programmes de recyclage et les mesures de réhabilitation qui ne produisent pas les résultats escomptés. Une fois libérés, les criminels récidivent. Et tout le monde finit par en sortir; en fait, l'incarcération contribue à ce phénomène.
    Mais ma question concerne la libération sous caution, parce que c'est là que réside le problème. J'ai l'impression que vous êtes aussi frustrés que nous le sommes en raison du manque de statistiques. On refuse de libérer un certain nombre de détenus et nous n'avons aucune idée de la proportion de ceux qui commettent une infraction avec violence pendant qu'ils sont libérés sous caution. Êtes-vous du même avis?
    Je suis tout à fait d'accord avec vos témoins précédents. Statistique Canada et le système judiciaire négligent de compiler ou de diffuser de telles données. On note également que lorsque les gens parlent des crimes commis par un détenu en libération, ils s'assurent, parfois même avec jubilation, de confondre libération sous caution, probation, libération conditionnelle et libération d'office.
    Tout à fait.
    Comme nous devons limiter notre discussion aux éléments pour lesquels nous disposons de statistiques, je voudrais m'assurer de bien saisir le contenu du tableau 3. Faut-il comprendre que 58 p. 100 des détenus respectent toutes les conditions associées à leur libération?
    C'est exact.
    Alors si seulement 3 p. 100 commettent des infractions avec violence, ce qui n'est pas nécessairement acceptable... Mais selon les statistiques que nous a fournies un autre témoin, environ 40 p. 100 des gens qui sont accusés se révèlent innocents. Comme on ne peut pas établir leur culpabilité, ils sont innocents aux yeux de la loi.
    Effectivement.
    Alors, pour 3 p. 100 des détenus libérés qui commettent des crimes avec violence, nous gardons en prison les 40 p. 100 qui sont innocents, après libération sous caution — si le fardeau de la preuve est renversé.
    « Innocent » n'est peut-être pas le terme approprié. D'un point de vue technique, il faudrait peut-être mieux de dire « non reconnu coupable ». Il est toutefois possible qu'ils soient innocents.
    Et il peut y avoir des personnes reconnues coupables qui sont innocentes.
    C'est exact.
    Mais si on s'en tient aux données brutes, un certain nombre de personnes faisant l'objet d'accusations sont innocentes.
    Tout dépend du bout de la lorgnette par lequel vous regardez. La vaste majorité des criminels violents sont des hommes, mais la vaste majorité des hommes ne sont pas des criminels violents. Aussi, une faible proportion des détenus commettent de nouveaux crimes après leur libération, mais ils en commettent un grand nombre.
    Comme vous l'avez indiqué, les statistiques indiquent qu'une grande partie des infractions sont commises par des récidivistes. C'est pourquoi j'ai présenté ce tableau qui peut être interprété de deux façons, selon que l'on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide. J'aimerais que vous portiez votre attention sur les coûts que doivent assumer les victimes, sans vous limiter aux seuls détenus, quelle qu'en soit la raison.
(1550)
    Mais si l'on s'en tient encore une fois à des données approximatives, on se retrouve avec 40 p. 100 de victimes — lorsqu'un innocent est incarcéré, on peut certes le considérer comme une victime — comparativement à 3 p. 100 qui commettent des infractions avec violence si on les laisse sortir.
    Ne vous servez pas des statistiques pour tirer des conclusions qui ne sont pas suffisamment étayées.
    Ce sont vos statistiques que j'utilise.
    Il y a certaines choses que nous ne savons pas. Ces statistiques présentent uniquement les données que nous avons compilées. Il s'agit d'estimations minimales.
    Mais je m'appuie uniquement sur vos statistiques pour formuler des hypothèses générales. L'écart est tellement prononcé que je ne crois pas que quelques manipulations statistiques pourraient changer quoi que soit à mon argument.
    Quel écart?
    L'écart entre 40 et 3 p. 100. Vous faites 40 p. 100 de victimes en gardant ces individus en prison, plutôt que 3 p. 100 si vous les libériez.
    On pourrait aussi dire que vous n'avez absolument aucun problème à permettre que 3 p. 100 des Canadiens soient blessés, violés ou assassinés afin de protéger les droits de 97 p. 100 des détenus.
    Ce serait plutôt 40 p. 100.
    Non, non. Disons que 97 p. 100 des individus libérés de prison demeurent tout à fait sans taches — aussi innocents, formidables et agréables que les membres de ce comité — pour le reste de leur existence, et que 3 p. 100 se révèlent être des meurtriers, des violeurs ou d'horribles individus semblables. Il incombe à ce comité, au Parlement ou aux législateurs de trouver le juste équilibre à cet égard. Devons-nous assurer la protection de la population et risquer ainsi de garder en prison un certain nombre de futurs saints? C'est un affreux dilemme; il est impossible d'en sortir gagnant.
    Je voudrais en fait que l'on examine certains des problèmes et des coûts auxquels sont confrontés les Canadiens, ainsi que les coûts pour le système judiciaire, notamment au chapitre de l'incarcération.
    D'accord, c'est un jugement de valeur dont on pourrait débattre.
    Par ailleurs, seriez-vous d'accord avec un certain nombre d'autres témoins qui nous ont dit que ce projet de loi serait essentiellement sans effet véritable? En fait, vous avez appuyé leur argumentation en faisant valoir que les crimes avec armes à feu ne représentaient qu'une très faible proportion de toutes les infractions avec violence. Ces témoins ont également souligné que la plupart des criminels violents risquant de récidiver sont déjà gardés incarcérés par les juges à l'issue de l'enquête sur cautionnement, ce qui fait que ce projet de loi ne ferait pas une grande différence. Vous avez même poussé l'argumentation plus loin en soulignant que très peu des crimes alors commis ne seraient de toute façon visés par ce projet de loi.
    Il faut dire qu'une seule personne qui est agressée sexuellement ou assassinée, c'est déjà une tragédie. Si ce Parlement est d'avis qu'il est sans intérêt de réduire ce pourcentage, quel qu'il soit, ne serait-ce que de moitié, alors je suppose que cela est effectivement sans intérêt.

[Français]

    Merci beaucoup.
     Monsieur Ménard, s'il-vous-plaît.
    Vous êtes un habitué de ce comité. Vous êtes évidemment une référence qu'affectionne tout particulièrement le gouvernement. Cette appréciation ne se limite pas au gouvernement, tous les membres du comité considèrent que vous êtes le bienvenu. Cependant, j'avoue avoir de la difficulté à comprendre en quoi le témoignage que vous nous avez rendu aujourd'hui éclaire de quelque manière que ce soit l'à-propos de ce projet de loi. Il me semble que si on s'en tient aux statistiques que vous nous avez présentées, si on les interprète stricto sensu, cela voudrait dire que le gouvernement devrait rédiger un projet de loi qui ne permettrait pas la remise en liberté sous caution, non pas pour les infractions mettant en jeu des armes à feu, mais pour des infractions mettant en jeu des couteaux ou des armes blanches.
(1555)
    Il faudrait un registre des couteaux.
    M. Petit nous dit qu'il faudrait un registre des couteaux, mais sachez que c'est plutôt son esprit tranchant qui l'amène à dire cela.
    Des voix: Ah, ah!
    C'est notre sens de l'humour de fin de session.
    Sérieusement, la question que je vous pose est la suivante. On peut comprendre l'intention du gouvernement, mais vous devez admettre, comme homme de science ayant les pieds dans une université et comme détenteur d'un doctorat ayant étudié la criminologie, qu'il n'y a pas de données probantes et concluantes donnant à penser que les juges de paix remettent en liberté indûment les individus à l'étape de la comparution pour la remise en liberté. Au contraire, les avocats de la défense et tous ceux qui ont pratiqué devant les tribunaux nous ont bien fait valoir que ce n'est pas la règle que de remettre un individu en liberté et d'autoriser la caution lorsque celui-ci a commis une infraction avec une arme à feu.
    Finalement, pouvez-vous admettre que sur le plan de l'évidence scientifique et des données probantes et concluantes, le gouvernement n'a étayé son projet de loi sur aucune donnée disponible?

[Traduction]

    Quand mes étudiants me posent des questions difficiles...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Gary Mauser: ... Je reformule souvent la question pour pouvoir mieux la comprendre et être capable de donner une réponse acceptable. Permettez-moi donc d'abord de reformuler votre question en étant persuadé que vous me corrigerez si je fais fausse route.
    Les données mises à la disposition des législateurs sont vraiment déficientes. Pour moi, comme pour tout autre témoin, il est tout simplement impossible de vous fournir des données de qualité pour étayer vos décisions. D'autre part — et ce ne sera sans doute pas une surprise pour vous — ce n'est pas de ma faute. Si je pouvais contrôler Statistique Canada, j'apporterais des améliorations mais, dans l'état actuel des choses, nous devons composer avec ce que nous avons.
    Votre question porterait donc, si je ne m'abuse, sur la qualité, la valeur des données. N'hésitez surtout pas à rectifier le tir, si je vous ai mal interprété.

[Français]

     Quand un professeur ne répond pas à ma question, je l'évalue mal à la fin de la session, mais je suis certain que ce n'est pas votre volonté.
    Les faits sont les suivants. Les avocats qui se sont présentés devant nous ont dit que lorsqu'il y a commission d'infractions avec armes à feu, les juges ou les juges de paix ne remettent pas les individus en liberté. Alors, voilà ce qu'il faut savoir. Le gouvernement a-t-il bâti un projet de loi avec des données qui sont peu probantes? Que vous nous parliez des gens qui ont commis des voies de fait avec des armes à feu ou avec des couteaux, cela n'a rien à voir avec le fond du projet de loi. Vous appuyez le projet de loi, mais sur la base de quelle évidence et en vertu de quel objectif? Votre présentation n'a rien à voir avec le fond du projet de loi.

[Traduction]

    Peut-être aurais-je dû m'exprimer de façon plus explicite. Je ne suis pas avocat. Je n'avais pas l'intention et je ne crois pas avoir traité de la lettre de ce projet de loi. Si je ne vous l'ai pas bien fait comprendre en me présentant comme spécialiste des sciences sociales, je vous prie de m'en excuser. Peut-être que les avocats se considèrent eux aussi comme des sociologues.
    Il est bien certain que vous pouvez rejeter les arguments que je vous ai présentés si vous êtes d'un autre avis, mais j'estimais important que le comité puisse mieux comprendre les aspects actuariels du crime et ses coûts pour le Canada.
    Même s'ils évoluent dans le monde juridique, les avocats doivent aussi s'accrocher à la réalité. Les travaux des législateurs ont des effets très réels sur des gens très réels. Je conviens très certainement que je n'ai traité aucunement des détails de ce projet de loi. Je vous ai fourni des renseignements dont ne disposaient pas les autres témoins qui vous ont présenté des statistiques et que j'estime importants. Je voulais en effet faire valoir que les armes à feu ne sont pas les seules dont il faut se préoccuper lorsqu'il est question d'infractions avec violence. Comme le libellé du projet de loi parle expressément d'armes à feu, j'estime que cette distinction est pertinente du point de vue juridique. Par ailleurs, compte tenu de l'importance des coûts pour les victimes, ainsi que pour les détenus et les contribuables, je pense que cet aspect n'est pas suffisamment pris en compte.
    Par exemple, dans les tableaux concernant la récidive, c'est encore une fois la question du verre à moitié plein versus le verre à moitié vide. La réhabilitation est un objectif fort louable, mais elle n'est pas toujours possible. La libération de détenus non réhabilités entraîne des coûts considérables pour la population canadienne. La libération d'office oblige les établissements de détention à laisser sortir des individus avant même qu'ils n'aient reçu le traitement auquel ils auraient légalement droit. En procédant à de telles libérations d'office, non seulement mettons-nous en danger nos propres citoyens, mais nous manquons également à nos engagements en matière de réhabilitation.
    Je suis pleinement conscient des coûts que doivent assumer les détenus eux-mêmes.
(1600)

[Français]

    Monsieur Ménard, c'est terminé.
    Est-ce déjà terminé? Comme le temps passe vite quand on est en bonne compagnie.
    Monsieur Comartin.
    Je n'ai pas de question à poser, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Hanger.
    Monsieur Mauser, selon certaines de vos statistiques, de nombreux contrevenants, une fois libérés, auraient tendance à commettre un crime similaire à l'intérieur d'un certain laps de temps.
    C'est exact.
    Le projet de loi que nous étudions traite bien évidemment des remises en liberté — il est question de renverser le fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté en cas d'infractions mettant en jeu une arme à feu. Le contrevenant ainsi libéré se retrouve à nouveau au sein de la communauté. Ce faisant, nous rendons-nous coupables de revictimisation ou de victimisation d'un plus grand nombre d'individus, ou bien ne créons-nous pas davantage de victimes en refusant la libération et en gardant les détenus incarcérés?
    Ce n'est pas l'intention du...
    Selon vos informations?
    Oui.
    Je l'ai lu dans vos données. Je sais qu'elles ne portent pas précisément sur la mise en liberté.
    Vous vous penchez surtout sur le fait que si un contrevenant commet un certain crime, il risque de récidiver, qu'il soit libéré sous caution ou qu'il ait terminé de purger sa peine. Est-ce bien votre argument?
    Oui. Comme nous n'avons pas de chiffres sur la mise en liberté, je suis obligé d'étudier les données sur les libérations d'office et les autres formes de libérations conditionnelles. Nous constatons que les personnes coupables des crimes les plus graves ont une forte propension à récidiver. Les statistiques sont bien insuffisantes, mais c'est ce qu'elles montrent. L'un des aspects positifs de ce projet de loi, c'est qu'il met l'accent sur les personnes qui commettent les crimes les plus graves. Si on les garde en détention plus longtemps, ils ne seront pas dans la collectivité en train de commettre des crimes. Le renversement du fardeau de la preuve pousse les témoins à témoigner, et c'est une excellente idée pour garder les personnes les plus dangereuses en détention.
    Je me rappelle bien du moment où la Loi sur la réforme du cautionnement est entrée en vigueur. J'étais policier à l'époque. Nous avons vu un changement radical dans les rues quand la Loi sur la réforme du cautionnement a été promulguée.
    Le concept que le prisonnier avait le droit d'être libéré s'il n'avait pas encore été jugé était primordial. À partir de ce moment, depuis l'adoption de la Loi sur la réforme du cautionnement jusqu'à aujourd'hui, et nous avons vu assez de statistiques pour le savoir, le nombre de crimes a augmenté radicalement.
    En droit, les deux raisons pour garder quelqu'un en prison avant le jour de son procès sont de s'assurer qu'il se présente devant le tribunal et de protéger le public. Ce n'est pas une punition. La personne n'est pas punie. Ces deux objectifs sont très simples, très pratiques.
    Ce projet de loi favorise un prolongement de la détention des personnes les plus dangereuses, ce qui protège le public du même coup. L'idée me semble judicieuse.
(1605)
    Je peux vous raconter que quand j'arrêtais des individus ayant commis un certain type de crime et qu'ils étaient libérés sous caution, beaucoup d'entre eux retournaient commettre d'autres crimes jusqu'au jour de leur procès.
    Il est déplorable que Statistique Canada n'ait pas été poussé à recueillir des données à cet égard. Ce que vous racontez de votre expérience personnelle a au moins autant de valeur que les statistiques, puisqu'il n'y en a pas.
    Eh bien, c'est malheureux.
    Comme tout porte à croire que le nombre de victimes augmente à cause des libérations anticipées, sous caution ou non, il y a tout lieu de s'interroger sur les coûts réels du crime. À part vous, monsieur, je pense n'avoir jamais entendu personne témoigner devant un comité de la justice sur le coût réel du crime, bien que je n'aie pas siégé à tous les comités de la justice. Je parle de la façon dont le crime touche personnellement quelqu'un.
    Tout l'objectif des droits des contrevenants, c'est de faire en sorte que les contrevenants ne soient pas écrasés par l'État. C'est un objectif important. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de personnes. Par contre, la société en paie le prix quand les contrevenants et les récidivistes, particulièrement les personnes coupables de crimes graves, se retrouvent dans la collectivité.
    Ce comité doit trouver l'équilibre entre ces besoins, et la seule façon pour lui d'y parvenir convenablement, c'est de se pencher sur les coûts du crime pour les citoyens. Ma contribution à ce titre est minime.
    Merci.
    Je pense qu'il s'agit d'informations nécessaires.
    Je sais que c'est un argument qui semble évoqué beaucoup plus au sud de notre frontière qu'ici. La victimisation est un problème là-bas, tout comme ici. La victimisation inutile est un sujet de discussion là-bas, je dois le souligner, et c'en est de plus en plus un ici aussi. Cette discussion ne semble toutefois pas toucher les législateurs, comme vous le soulignez. Nous avons la responsabilité d'équilibrer la situation.
    Que devrions-nous faire d'un projet de loi comme celui-ci à votre avis? Vous aimeriez en élargir la portée pour qu'il vise plus de crimes violents...
    J'en élargirais la portée pour qu'il vise les crimes graves et violents.
    Merci.
    Ce projet de loi concerne la mise en liberté, et j'étudierais volontiers aussi les libérations d'office, mais c'est bien au-delà du mandat du comité.
    Merci.
    Merci.
    Nous allons maintenant passer à M. Murphy et à Mme Jennings, ensemble, l'un après l'autre.
    Mais pas en même temps.
    Non, l'un après l'autre, s'il vous plaît.
    Je vais être bref.
    J'ai lu vos statistiques. Elles m'intéressent beaucoup. Je ne comprends pas tout à fait ce que nous pouvons en faire. L'erreur des gens qui recueillent des statistiques est assez évidente: nous n'avons pas de statistiques concrètes sur la mise en liberté sous caution, sur la mise en liberté provisoire.
    Quoi qu'il en soit, je trouve vos références fort intéressantes. Je ne sais pas si vous pouvez répondre à ces questions par oui ou non et je ne voudrais pas vous y limiter, mais certains sujets d'études piquent ma curiosité.
    L'étude intitulée « Would Banning Firearms Reduce Murder and Suicide? » permet-elle de répondre à la question par oui ou non?
    C'est une question très complexe, et pour cette étude tout comme pour mon exposé, nous sommes seulement limités par les statistiques disponibles. Notre étude était en fait une enquête sur les enquêtes: il y a tant de statistiques qui ne sont pas disponibles dans tant de pays.
    En gros, il ne semblait pas y avoir de lien entre le taux de suicide et d'homicide, d'une part, et la rigidité ou la souplesse des lois d'un pays ou le nombre de propriétaires de fusils dans un pays, d'autre part. Par exemple, il est clair que dans des pays comme l'Inde...
    Je ne veux pas que nous parlions de l'Inde et je ne veux vraiment pas vous éloigner du sujet.
    Vous vouliez une réponse par oui ou non. Très bien.
    Je vais vous demander une dernière petite chose, parce que je dois laisser du temps à la porte-parole officielle, qui pourrait me faire des faveurs au comité un moment donné, donc je dois être gentil avec elle, voyez-vous.
    Concernant l'incidence des libérations de prisons et de l'agrandissement des prisons sur le crime et les homicides, nous craignons que si l'on emprisonne une personne qui serait relativement récupérable autrement et qu'on la laisse trop longtemps en prison, sa vie soit anéantie après un certain temps et qu'elle récidive constamment. C'est ce que vos statistiques montrent. Je pense que ce n'est une surprise pour personne.
    En règle générale, l'incidence de l'agrandissement des prisons sur les homicides, l'incidence des libérations sur les homicides... Est-ce que le fait d'incarcérer quelqu'un plus longtemps peut réduire l'incidence de la criminalité chez cette personne ou ce groupe de personnes?
(1610)
    Il y a deux questions qui soulèvent des débats passionnés aux États-Unis. Il semble que nous n'ayons pas fait de recherche à cet égard ici et que nous nous fondions surtout sur des présomptions, mais c'est un débat qui soulève une grande polémique aux États-Unis. La première question est celle de savoir si le fait d'incarcérer des criminels plus longtemps fait diminuer le taux de criminalité. Selon la meilleure preuve, il semble que oui.
    Il ne s'agit pas de réhabilitation. Il ne s'agit pas de moyens de dissuasion. Il s'agit simplement de neutralisation. Quand une personne est en prison, elle ne commet pas de crime à l'extérieur. Plus il y a de criminels violents en dedans, moins il y en a en dehors. L'étude la plus approfondie et la plus récente sur le sujet est celle de Marvell et Moody. Si vous voulez y jeter un coup d'oeil ou si vous voulez que votre personnel y jette un coup d'oeil, vous allez le voir.
    La deuxième question connexe, c'est qu'arrive-t-il quand ces criminels sortent? Il y a une théorie en criminologie selon laquelle nous ne devrions incarcérer les gens que pour de courtes périodes parce qu'il n'est pas agréable d'être en prison et que l'incarcération irrite les gens. Une fois sortis, ils deviennent méchants. Dans certaines études, nous nous demandons ce qui arrive quand les gens sortent. Y a-t-il une augmentation de la criminalité l'année où tant de criminels sortent? Non, il ne semble pas y avoir de preuve empirique le démontrant.
    Mais comme je l'ai dit, ce sont des questions dont on ne peut débattre longtemps, et il y a beaucoup de chercheurs de renommée de tous les côtés, pas seulement de deux.
    Madame Jennings, vous avez le même temps.
    Je vous remercie beaucoup de votre exposé.
    Nous avons reçu le professeur Anthony Doob, un criminologue de la région de Toronto, si je ne me trompe pas. En gros, il a dit ce que certains de mes collègues ont dit, c'est-à-dire que les criminalistes affirment ne pas s'opposer vraiment au principe du projet de loi C-35, parce que dans la réalité, à l'heure actuelle, si quelqu'un commet un acte criminel, qu'il est accusé d'avoir commis un acte criminel avec une arme à feu, il n'est pas mis en liberté. Bref, le projet de loi C-35 ne changerait rien dans les faits, il ne ferait que codifier une pratique existante.
    Si c'est bien vrai, il n'y a aucun coût à adopter ce projet de loi.
    Exactement.
    Il a souligné, cependant, que le gouvernement se vante que ce projet de loi fait partie de son programme pour maintenir la loi et l'ordre. Il a terminé son exposé en disant aux membres du comité — et il a utilisé le mot « vous », donc je pense que cela va au-delà de notre comité —, à tous ceux qui appuient ce projet de loi, de ne pas prétendre que s'il est adopté, il va rendre les collectivités plus sûres et que les Canadiens seront plus en sécurité. Il va avoir un effet neutre.
    Voici la question que je veux vous poser. Les libéraux ont accepté d'accélérer le traitement de ce projet de loi précisément parce que selon nos recherches, on n'obtient pas de mise en liberté dans la réalité. Cependant, nous sommes en faveur de votre projet de loi, donc voudriez-vous que je présente quelque chose...
    Madame Jennings, je vous prie de poser votre question.
    Voici ma question: selon les statistiques que vous nous avez fournies, les actes criminels commis à l'arme blanche ou avec d'autres objets, dont des objets contondants, n'importe quoi, comme un bâton de baseball, je suppose...
    N'importe quel objet contondant.
    ... semblent poser beaucoup plus de problèmes que les actes criminels commis avec des armes à feu. Par conséquent, recommandez-vous au gouvernement de modifier son projet de loi pour englober non seulement les actes criminels commis avec une arme à feu, mais aussi tout acte criminel où l'on utilise une arme, qu'il s'agisse d'une arme blanche, d'un objet contondant ou de n'importe quoi? Serait-ce la recommandation que vous seriez prêt à faire à ce gouvernement?
    J'inciterais le gouvernement à envisager de modifier ce projet de loi ou d'en déposer un autre plus tard exactement pour cela.
    Si je me rappelle bien de ce que M. Doob a dit, il est vrai que les avocats ne libèrent habituellement pas les personnes visées par ce projet de loi.
(1615)
    Pas les avocats, les juges.
    Ce serait une infime amélioration que cela devienne obligatoire, ce serait mieux que rien du tout. Ce serait un petit pas dans la bonne direction.
    La loi, outre son effet immédiat, donne également un objectif aux policiers et aux tribunaux. Je pense que si le gouvernement met son sceau sur un projet de loi qui dicte qu'il faut être plus sévère envers les personnes responsables de crimes graves, il va faire plus que veiller à ce que 200 ou 300 personnes de plus ne soient pas mises en liberté pour commettre des meurtres ou des viols. Il est clairement avantageux que ces 200 ou 300 personnes ne soient pas en liberté.
    Merci, monsieur Mauser.
    Nous allons entendre M. Thompson.
    D'accord, merci.
    Encore une fois, je pense que l'information que vous nous donnez dans ces tableaux est utile. Je suis d'accord qu'elle ne s'applique peut-être pas directement au projet de loi C-35 dont nous sommes en train de parler, mais je pense que ce sont des choses que nous avons besoin de savoir.
    Elle laisse entendre aussi que les coûts qui entourent une victime sont difficiles à mesurer en dollars et en cents. J'ai pu observer les résultats tragiques d'un crime violent sur les victimes, et ils ne calculent pas en dollars, mais en conséquences tragiques à long terme.
    Il y a un témoin qui a dit que si quelqu'un commet un crime avec un fusil, l'usage est de ne pas le laisser en liberté. J'ai toutefois parlé à des policiers personnellement, et ils connaissent plusieurs personnes qui ont été mises en liberté sous caution. Ils en connaissent et j'en connais aussi. Les gens qui font les arrestations savent assez bien ce qui se passe. Donc oui, il y en a, et ce projet de loi est nécessaire.
    J'ai également préparé un projet de loi d'initiative parlementaire pour inclure tous les crimes violents, pas seulement ceux commis avec des fusils. Je veux que les couteaux et tout le reste soient compris. J'ai également entendu dire qu'il y avait d'assez bonnes chances que ce projet de loi ne soit pas jugé conforme à la Charte. Je n'en revenais pas, mais c'est ce qu'on m'a dit.
    Je tiens à souligner encore une fois que la seule statistique que nous avons, c'est qu'une personne a commis un crime violent avec une arme à feu. Cette personne est en état d'arrestation et est incarcérée. Elle a montré qu'elle était capable de commettre ce crime. On ne prend pas de risque. Il ne faut tout simplement pas prendre de risque. C'est comme un chien: s'il mord, on l'attache. On ne court pas le risque qu'il morde de nouveau, parce qu'il pourrait le faire. Il ne le fera peut-être pas, mais on ne court pas de risque.
    Je me demande simplement si vous êtes d'accord que cette statistique indique simplement qu'effectivement, la personne est arrêtée et accusée d'avoir commis tel crime, qu'elle l'a fait une fois et que c'est assez. Je sais que certains de mes collègues de l'autre côté pensent que c'est ridicule, mais je m'excuse, une fois, c'est assez pour moi. Cette personne n'aura pas d'autre fusil si je peux l'en empêcher.
    Je me demande si vous êtes d'accord avec ce scénario.
    Je suis tout à fait d'accord que nous devons y réfléchir. J'encourage les législateurs à réfléchir sérieusement au coût que le citoyen moyen paie, et je suis d'accord avec vous qu'on n'en tient pas suffisamment compte.
    Quand des prisonniers, particulièrement des prisonniers violents, sont remis en liberté, ils sont très susceptibles de commettre d'autres crimes. Ces crimes font mal. Ils ont des coûts élevés, comme j'essaie de le montrer aux tableaux 5 et 6.
    Très bien. Merci.

[Français]

    Monsieur Lemay.
    Monsieur Mauser, je veux comprendre des choses dans votre exposé. Premièrement, les statistiques que vous avez ici ne concernent que des crimes qui relèvent de la juridiction de la Commission nationale des libérations conditionnelles, donc des peines de pénitencier. C'est exact?
    D'accord.

[Traduction]

    Les tableaux 3 et 4.

[Français]

    Oui, les tableaux 3 et 4 ne portent que sur des peines de pénitencier dont des individus ont écopé. C'est ce que je comprends.
(1620)

[Traduction]

    Le tableau 3 porte sur les libérations d'office, celles qui surviennent quand ils obtiennent l'autorisation juridique que leur peine se termine avant l'expiration de leur peine totale. C'est ce qu'on entend par libération d'office, d'après ce que je comprends.
    Est-ce votre question?

[Français]

    Oui.
    Si j'ai bien compris le tableau 3, 58 p. 100 des personnes libérées complètent leur libération conditionnelle sans aucun problème.

[Traduction]

    C'est juste.

[Français]

    Ensuite, 10 p. 100 font l'objet d'une révocation pour des infractions sans violence. Donc, ce peut être quelqu'un...

[Traduction]

    Pour paraphraser, 10 p. 100 des détenus libérés d'office commettent une infraction non violente, puis sont renvoyés en prison.

[Français]

    Hélas, 3 p. 100 font l'objet d'une révocation pour infraction avec violence. Avez-vous des chiffres qui indiquent à quel stade de leur libération conditionnelle en étaient ces individus? Étaient-ils au sixième, au tiers ou aux deux tiers de leur sentence? Avez-vous cela?

[Traduction]

    Non, je ne suis pas certain d'avoir compris la dernière question. À quel...?

[Français]

    Je vais vous l'expliquer. Si vous recevez une sentence, vous avez le droit d'être libéré après avoir purgé le sixième, le tiers ou les deux tiers de votre sentence.

[Traduction]

    Si j'ai bien compris, c'est à la fin de leur libération d'office. Habituellement, ils ont purgé les deux tiers de leur peine et dans les trois ans qui suivent leur libération, quelle que soit la durée de leur peine, 3 p. 100 sont reconnus avoir commis des crimes violents.

[Français]

    D'accord.
    Au tableau 6, vous parlez du coût de la criminalité pour les victimes. Le coût pour les infractions contre les biens, selon la police, s'élève-t-il à 4,6 milliards de dollars ou 4,6 millions de dollars? Parlez-vous de milliards de dollars ou de millions de dollars?

[Traduction]

    Au tableau 5, il s'agit de 4,6 milliards de dollars.
    Est-ce que j'ai bien compris?

[Français]

    C'est le tableau 6 qui m'intéresse.
    Le tableau 6, d'accord.
    Est-ce qu'on parle bien de 4,6 milliards de dollars?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Comment se fait-il que le coût selon les enquêtes sur les victimes de la criminalité s'élève à 11,5 milliards de dollars, alors que le coût selon la police s'élève à 4,6 milliards de dollars? Est-ce que quelqu'un exagère quelque part?

[Traduction]

    Non. Ni l'une ni l'autre de ces méthodes n'est parfaite pour estimer le nombre de crimes. La principale différence, c'est que l'une se fonde sur des sondages et l'autre, sur les rapports de police.
    La police n'est au courant que d'un certain nombre de crimes. Beaucoup de crimes ne sont pas signalés. Par exemple, il y a des victimes qui sont gênées, des victimes qui ont peur de menaces de représailles et des victimes qui pensent qu'il n'y a personne qui se soucie d'elles, donc qu'il ne vaut pas la peine de signaler le crime. La police n'en connaît qu'une parcelle. Les policiers n'écrivent même pas toujours les signalements, selon leur budget, le temps dont ils disposent et leurs priorités. C'est donc probablement une estimation minimale.
    Pour ce qui est des sondages, les scientifiques sociaux déploient beaucoup d'efforts et d'énergie pour suivre les gens et les interroger. On présume que c'est une façon beaucoup plus facile de signaler des crimes et que de cette façon, des crimes qui ne sont pas vraiment graves ou qui n'existent peut-être même pas vraiment sont signalés. Ces estimations pourraient donc être à la hausse.
    Il y a deux méthodes différentes que les scientifiques sociaux utilisent pour évaluer les chiffres, et c'est la différence entre les deux colonnes présentées au tableau 6. Elles se fondent toutes les deux sur la même estimation de coûts. Prenez la colonne à l'extrême droite, où sont donnés les coûts par victime. Ces coûts par victime sont repris dans les deux colonnes du tableau 6.
    Est-ce que cela vous aide?
(1625)

[Français]

    Oui, merci.
    Monsieur Petit.
    Monsieur Mauser, tout à l'heure, en réponse à une question d'un député libéral, je crois, vous avez mentionné que si on incarcérait les gens, il y aurait moins de criminels. Vous avez dit également qu'il y avait des statistiques. Avez-vous ces statistiques ou était-ce seulement une réflexion personnelle?

[Traduction]

    Des statistiques sur... Je m'excuse, il y a un mot que je n'ai pas entendu.

[Français]

    Je parle de statistiques démontrant que lorsqu'on enferme des personnes dans un pénitencier ou dans une prison provinciale, il y a une diminution des actes criminels ou diminution du nombre de criminels.

[Traduction]

    Ce n'est pas ce que j'ai déclaré aujourd'hui, comme vous le savez. J'ai à peine fait quelques allusions à cet égard.
    Il s'agit d'une recherche économétrique très complexe. Des statistiques simples comme celles que j'ai présentées peuvent facilement semer la confusion; en économétrie, il est impossible de comprendre. Je vous épargne les analyses économétriques faites par ces chercheurs, mais elles existent, si vous les voulez.

[Français]

    Pourriez-vous les faire parvenir au comité le plus tôt possible, afin que je puisse en prendre connaissance?
    Sans vouloir vous avancer trop loin, croyez-vous que Statistique Canada pouvait retrouver ces statistiques?

[Traduction]

    Je suis désolé, je dois monter le volume, le son est très bas.
    Pourriez-vous répéter ce que vous venez de dire? Je m'excuse.

[Français]

    Nous avons reçu des représentants de Statistique Canada. Les députés de l'opposition membres de ce comité leur posent chaque fois les mêmes questions, mais les gens de Statistique Canada n'ont jamais les bonnes statistiques. Ils sont toujours mêlés dans leurs tableaux, et on n'arrive jamais à savoir où on va.
    Est-ce que Statistique Canada pouvait trouver les statistiques contenues dans travail que vous avez fait.

[Traduction]

    Il y a deux réponses à cette question, selon les statistiques dont on parle. En grande partie, le problème n'est pas de trouver ces statistiques dans les relevés de Statistique Canada, puisqu'elles n'ont jamais été recueillies. Le personnel de Statistique Canada ne peut pas recueillir toutes les statistiques possibles, donc il n'en recueille que quelques-unes importantes, soit pour des raisons de coûts, soit pour des raisons de limites à la liberté d'information. Comme les membres de ce comité le savent très bien, il n'y a pas de statistiques sur les mises en liberté. Elles ne sont tout simplement pas recueillies.
    La seconde réponse à votre question, c'est que comme vous pouvez le voir aux tableaux 1 et 5, Statistique Canada a des statistiques, mais elle ne les fait pas ressortir ni ne les affiche de la même façon que moi ou d'autres chercheurs. Ce sont donc de bonnes statistiques, mais il faut aller les chercher et les faire ressortir. Elles n'ont rien de forcé ou d'étrange; ce ne sont tout simplement pas les statistiques que Statistique Canada produit habituellement. Elles dépendent d'autres analyses, et c'est la raison pour laquelle j'estimais important de vous les présenter.
    Est-ce que cela répond à votre question?

[Français]

    Il me reste une dernière question.
    Allez-y.
    Quand je regarde vos statistiques aux tableaux 1 et 2, je remarque qu'il existe des victimes de voies de fait avec arme à feu et couteau et qu'il existe des victimes de vol qualifié avec arme à feu et couteau. Si je regarde la colonne « Couteau », je remarque qu'il y a plus de violence physique avec des couteaux qu'avec des armes à feu. Cela voudrait dire, si l'on se fie à ce que vous dites, qu'il devrait y avoir un registre de tous les couteaux au Québec et au Canada, plutôt qu'un registre des armes à feu.
    Une voix: C'est vous qui le proposez?
    M. Daniel Petit: Non, je pose ma question. C'est ce qu'on appelle de l'intervention, monsieur le président.
    Allez-y.
    Je ne suis pas certain si vous êtes de mon côté ou contre moi. Ce sera un autre cas comme celui de Guy Lauzon. Faites attention.
(1630)

[Traduction]

    L'une des conclusions de l'article de Kate et Mauser, qui se trouve dans la bibliographie, c'est qu'il y a un nombre infini de façons de tuer les gens si c'est ce que l'on a en tête.
    Bien sûr, ce stylo est une arme mortelle si telle est mon intention. Heureusement pour nous tous, nous n'avons pas l'intention de l'utiliser de cette façon. Il y a des armes blanches partout, il est facile de s'en procurer et de les utiliser comme armes contondantes. Il y a moins de gens qui sont tués à l'aide de téléphones de nos jours parce que les téléphones ne sont plus ces gros objets lourds, laids et noirs, mais de tout petits bouts de plastique légers et roses. Par chance, nos criminels locaux ne regardent pas plus la télévision, parce qu'ils se rendraient compte que les bombes sont beaucoup plus mortelles que les fusils.
    Je vous remercie beaucoup de participer à notre séance.
    Monsieur Hanger, vous pouvez poser une dernière question. Allez-y.
    Je n'ai pas de question, mais j'ai une observation sans lien avec la comparution de M. Mauser ici à faire.
    Elle concerne le sondage effectué auprès des membres du comité pour déterminer s'ils sont disposés à siéger une heure demain pour conclure l'étude article par article que nous avons commencée ce matin. Nous n'avons qu'une heure demain. Nous pourrions terminer notre étude article par article pendant cette heure.

[Français]

    Voulez-vous qu'on se réunisse de 16 h 30 à 17 h 30? C'est ce que vous voulez faire?

[Traduction]

    Oui, ce pourrait même être encore moins long.
    Nous pourrions essayer. Je veux seulement savoir ce que nos collègues en pensent.
    Je dois faire office de président de toute façon.
    Je ne sais pas si l'un ou l'autre de nos collègues ont des amendements à proposer à ce projet de loi. Je n'en ai aucune idée.
    Pouvez-vous attendre pendant que nous vérifions nos horaires?
    Oui.
    Allez-y. Nous pouvons attendre une minute. Il n'y a pas de problème.
    Le problème aussi, c'est qu'il y a au moins un député parmi nous qui n'a pas prévu d'être ici demain, ce qui implique un remplacement.

[Français]

    J'ai un substitut seulement pour une durée d'une heure. On parle de deux heures, donc je devrai vérifier.

[Traduction]

    Je pense que nous avons examiné la plupart des amendements litigieux.

[Français]

    Je pense qu'il faut finir l'étude du projet de loi C-23 le plus rapidement possible. Ce n'est pas un projet de loi qui nous pose problème. Je n'ai donc aucun problème à cet effet.

[Traduction]

    Est-ce que les libéraux sont d'accord?
    Eh bien, au moins deux libéraux sont d'accord. Voulez-vous procéder à l'étude article par article demain?
    Nous l'avons déjà commencée. Nous sommes à la fin de l'étude du projet de loi C-23, que nous avons commencée ce matin. Nous voulons la terminer.
    D'accord. J'avais mal compris. Je pensais que vous parliez du projet de loi C-35.
    Vous parlez de continuer l'étude article par article du projet de loi C-23 de 16 h 30 à 17 h 30 le mercredi 16 mai.
    Exactement.
    Très bien. Cela signifie que nous allons devoir trouver des remplaçants.
    Ce n'est pas de mes affaires. Je veux simplement que vous me donniez une réponse.

[Français]

    Excusez-moi, monsieur le président. Est-ce que ce sera au même endroit?

[Traduction]

    Oui. Nous n'allons pas changer de salle demain. Nous allons recevoir des témoins.
    À notre retour, mardi prochain, nous allons entreprendre l'étude article par article du projet de loi C-35. Nous allons également être avisés que le ministre va comparaître le 5 juin sur le projet de loi C-27.

[Français]

    Monsieur le président.
    Oui, madame, allez-y.
    Je viens de vérifier. On sait que pour trois membres libéraux du comité, il n'y a aucun problème à continuer l'étude article par article du projet de loi C-23 demain, de 16 h 30 à 17 h 30. Si jamais ça pose des difficultés pour le quatrième membre libéral du comité, on tentera de le remplacer. Si les autres membres du comité sont d'accord, on peut procéder tel que suggéré.

[Traduction]

    Je tiens simplement à souligner que je ne suis pas président de l'autre comité et que le greffier ici présent n'est pas le président. Les députés du gouvernement vont devoir y réfléchir.
    Nous allons y réfléchir.
    Ce n'est pas mon devoir. Je voulais simplement vous en informer.
    Ce ne sont que des formalités. Vous n'avez rien à faire.
(1635)
    Merci.

[Français]

    On informe les autres membres du comité via la présidence.

[Traduction]

    Merci, c'est excellent.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Mauser, merci de votre comparution d'aujourd'hui.
    La séance est levée.