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Mesdames et messieurs, bienvenue à la 15
e séance du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration.
À l'ordre du jour, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 22 avril 2009, nous avons l'étude du projet de loi C291, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, en particulier l'entrée en vigueur des articles 110, 111 et 171. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire de M. St-Cyr.
Nous recevons aujourd'hui des représentants du ministère, notamment le sous-ministre, Richard Fadden, qui vous a distribué son mémoire. Je vais le laisser nous présenter ses collègues, s'il le veut bien.
Chers collègues, voici comment on propose de procéder: M. St-Cyr pourrait d'abord commencer par une déclaration de dix minutes, puis ce serait au tour de M. Fadden pour dix autres minutes. Par la suite, on pourrait passer à la période des questions jusqu'à 10 heures, au plus tard. Une fois la période des questions terminée, on pourrait passer à l'étude article par article du projet de loi. S'il n'y a pas d'objection, c'est ainsi qu'on procédera.
Monsieur St-Cyr, à vous la parole.
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Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'étudier le projet de loi que j'ai présenté, soit le projet de loi
D'entrée de jeu, j'aimerais rappeler le texte de la motion.
La Section d’Appel des Réfugiés est incluse dans La loi sur L’immigration et la protection des réfugiés.
Le Parlement a voté La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et qu’il est donc en mesure de s’attendre à sa mise en oeuvre.
La Chambre des Communes et les parlementaires sont en droit de s’attendre à ce que ses engagements soient respectés par le Gouvernement du Canada.
Le comité de la Citoyenneté et de l’Immigration exige que le Gouvernement, par sa ministre, mette en application la Section d’Appel des Réfugiés, et ce, sans délai.
Cette motion a été adoptée à l'unanimité par ce comité, le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes, le 14 décembre 2004. Il y a près de cinq ans, les quatre partis politiques présents autour de la table croyaient que la Section d'appel des réfugiés devait être mise en vigueur, et ce, sans délai. Je suis convaincu — et c'est mon souhait le plus cher — que les quatre mêmes partis politiques ici réunis aujourd'hui considéreront que cinq ans d'attente, c'est beaucoup trop lorsque l'on croit que quelque chose doit être mis en vigueur sans délai. Il faut adopter rapidement le projet de loi .
À la Chambre, j'ai eu l'occasion de nommer un certain nombre d'organismes qui appuyaient formellement ce projet de loi. Je ne les nommerai pas tous de nouveau, mais j'aimerais souligner un certain nombre d'organismes qui en représentent eux-mêmes plusieurs, ou qui représentent plusieurs personnes. Il s'agit des organismes suivants: Amnistie Internationale, l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, le Barreau du Québec, l'Association du Barreau canadien, le Conseil canadien pour les réfugiés, la Fédération des femmes du Québec et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.
Le projet de loi reçoit un aval très étendu, pour ne pas dire unanime, des organismes qui gravitent autour de la défense des droits des immigrants et des réfugiés, ainsi que du milieu juridique.
Les motifs de ce projet de loi sont fort simples et se divisent en deux importantes catégories. La première catégorie porte sur la justice naturelle. La deuxième catégorie est importante pour des raisons d'efficacité.
Je commencerai par la question de justice naturelle. Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le président, que dans notre système juridique canadien, il est toujours possible de porter une cause en appel. C'est la même chose dans des cas de crimes ou de litiges beaucoup moins graves, c'est-à-dire dont les conséquences sur les individus sont beaucoup moins importantes que les conséquences liées à l'expulsion vers le pays d'origine d'une personne qui cherche refuge au Canada parce que sa vie est menacée.
Pourtant, présentement, il n'existe pas de possibilité d'interjeter appel sur le fond auprès de la Section d'appel des réfugiés. Or, ce sont des décisions qui peuvent avoir de graves conséquences sur la vie d'un individu. Cette personne peut être envoyée à la torture, voire à la mort. Si on prévoit la possibilité d'interjeter appel dans des cas où la vie d'une personne n'est pas menacée, on devrait le faire tout autant dans ces cas-ci.
Il s'agit de justice naturelle, et il faut mettre fin à l'arbitraire qui règne actuellement. L'arbitraire vient naturellement dans tout organisme constitué d'êtres humains. Inévitablement, les humains commettent des erreurs et ne sont pas parfaits. C'est pour cette raison que notre système de justice prévoit la possibilité d'interjeter appel.
Même si ce n'est pas le cas de la majorité des commissaires, il en existe un certain nombre qui sont carrément incompétents. On peut s'en convaincre en regardant le taux de rejet de certains d'entre eux, qui frôle les 100 p. 100. On est en droit de se demander sérieusement si certains d'entre eux ne sont pas carrément racistes.
J'aimerais encourager les députés à faire la simulation suivante dans leur tête. Imaginez que vous vous présentez devant un juge — j'espère que vous n'aurez jamais le faire — parce qu'il y a une accusation contre vous et que vous apprenez que ce juge condamne 98 p. 100 des personnes qui se présentent devant lui. Inévitablement, vous allez vous dire que tout cela n'est que mascarade, que vous n'avez aucune chance. Pourtant, on tolère cela pour les réfugiés.
À l'autre extrémité, certains commissaires ont des taux d'acceptation de presque 100 p. 100. Ainsi, des personnes qui ne sont pas des réfugiés au sens de loi font une demande et ont la chance d'avoir affaire à un commissaire plutôt bonasse qui accepte leur demande et accepte qu'ils entrent au pays à titre de réfugiés.
Monsieur le président, j'aimerais rappeler qu'il n'existe aucune possibilité d'appel sur le fond. Bien sûr, il existe un certain nombre d'autres mécanismes qui gravitent autour de questions connexes, mais aucun d'entre eux ne permet de faire un véritable appel sur le fond. L'ERAR, l'examen des risques avant renvoi, permet à un demandeur débouté de présenter de nouvelles preuves avant son expulsion. Toutefois, si le travail a été bien fait lors de la demande de statut de réfugié, si toutes les preuves ont été soumises et qu'il n'y a aucun élément nouveau à apporter, l'ERAR n'est d'aucun recours.
En ce qui a trait à la possibilité de demander une révision judiciaire à la Cour fédérale, d'une part, il faut souligner que cette procédure est rarement acceptée et, d'autre part, même si elle l'est, elle ne peut porter que sur la forme, sur la légalité de la décision. En aucun cas un demandeur débouté ou même le ministre — car la Section d'appel des réfugiés pourrait être utilisée par le ministre — ne peut demander à la Cour fédérale de se prononcer sur le fond.
Finalement, la demande de résidence permanente pour motif humanitaire n'est pas, elle non plus, une avenue viable. De par sa nature même, il s'agit d'une voie purement discrétionnaire, donc tout aussi arbitraire, et les personnes qui font une telle demande sont toujours susceptibles d'être expulsées avant même que la décision ne soit rendue.
Monsieur le président, quant à la justice naturelle, la Section d'appel des réfugiés va permettre une cohérence des décisions. Présentement, il n'existe aucune façon de savoir dès le début, de façon raisonnablement certaine, quelle sera la décision des commissaires. On a eu l'exemple de deux frères palestiniens qui étaient dans la même situation et qui ont fait des demandes identiques. L'un d'eux a vu sa demande acceptée par un commissaire, alors que l'autre a vu la sienne rejetée par un autre. Cela rend le système complètement inefficace.
Je passe justement à la question de l'efficacité. On peut penser qu'avec une Section d'appel des réfugiés, il y aura moins de demandes de révision judiciaire. Présentement, les avocats utilisent, un peu en désespoir de cause, ce mécanisme, cette possibilité, parce qu'ils estiment que leur client a été victime d'une erreur. C'est à peu près la seule méthode qu'ils voient, mais elle ne fonctionne pas très bien. La révision judiciaire est une méthode très coûteuse. Ce sont des tribunaux très lourds et peu spécialisés, contrairement à ce que serait une Section d'appel des réfugiés.
Finalement, l'augmentation de la prévisibilité des décisions des commissaires devrait nous amener à recevoir moins de demandes frivoles dès l'entrée, puisque le ministre pourra également faire appel de décisions. Donc, une personne qui n'a aucune chance de voir sa demande acceptée verra sûrement son avocat lui conseiller de ne pas présenter une demande, puisque ce sera inutile. Présentement, on entend de plus en plus parler de « loto commissaire »: on fait une demande, on lance les dés et, si on a la chance d'avoir affaire à un bon commissaire, on voit sa demande acceptée, alors que si on a affaire à un mauvais commissaire, la demande est refusée. C'est ce dont il faut s'extirper.
En guise de conclusion, monsieur le président, j'aimerais rappeler que le Parlement s'est prononcé à plusieurs reprises sur cette question. Tout d'abord, il l'a fait en 2001 en adoptant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ensuite, en 2004, il a appuyé à l'unanimité une motion présentée par les quatre partis demandant que soit mise en application la Section d'appel des réfugiés, et ce, je le rappelle, sans délai.
Lors de la dernière législature, la Chambre des communes a adopté à toutes les étapes le projet de loi C-280, dont l'intention était exactement la même. Le Sénat a fait de même. Malheureusement, comme vous le savez, monsieur le président, ce projet de loi est mort au Feuilleton, car la Chambre des communes a manqué de temps pour adopter les amendements du Sénat.
J'encourage tous les membres de ce comité à être cohérents avec la position qu'ils ont prise en 2004 et à appuyer de façon unanime le projet de loi C-291.
Merci, monsieur le président.
Puis-je commencer par présenter mes deux collègues?
Micheline Aucoin est directrice générale de la Direction générale des réfugiés au sein du ministère, et Luke Morton est avocat principal dans notre unité des services juridiques.
Je tiens d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de comparaître devant le comité pour parler du projet de loi C-291.
Comme les membres du comité le savent bien, le gouvernement du Canada est un fervent partisan de la dimension humanitaire du programme d'immigration canadien. Toutefois, le gouvernement n'appuie pas le projet de loi présenté. Bien qu'on ait consacré jusqu'à présent beaucoup de temps et de mots à la mise en oeuvre proposée de la Section d'appel des réfugiés, la position du gouvernement peut être exprimée de façon très simple. Si le projet de loi C-291 est adopté, il ne permettra pas de remédier aux problèmes du système de détermination du statut de réfugié, et il risque même de les aggraver.
Comme je l'expliquerai tout à l'heure, un système comprenant de multiples recours et appels n'en a pas besoin d'autres. En effet, les retards excessifs du système actuel peuvent, du point de vue de certains, profiter à certains demandeurs. Toutefois, je ne pense pas qu'il s'agit là de la réalité, car beaucoup trop de temps est consacré à des demandeurs dont la demande n'est pas fondée, au détriment de véritables réfugiés envers lesquels nous avons la responsabilité de traiter leurs demandes dans des délais raisonnables.
[Français]
Chaque année, le Canada accueille près de 250 000 nouveaux résidents permanents qui adoptent les valeurs canadiennes que sont la liberté, la démocratie, le respect des droits de la personne et la primauté du droit. Parmi eux se trouvent des milliers de réfugiés attirés par nos valeurs et la chance de commencer une nouvelle vie. Au cours des trois dernières années uniquement, plus de 80 000 réfugiés de partout dans le monde ont été acceptés par le biais du Programme de réinstallation des réfugiés et du système d’octroi de l’asile au Canada. En fait, le Canada est l'un des trois pays du monde occidental qui admet le plus de réfugiés à des fins de rétablissement. Nous savons également que le nombre de demandeurs d'asile au Canada a augmenté à un rythme plus élevé que dans la plupart des autres pays du monde.
[Traduction]
En 2008, près de 37 000 nouvelles demandes d'asile ont été présentées comparativement à un peu plus de 28 500 demandes en 2007, ce qui représente une augmentation de près de 29 p. 100. Un rapport récent des Nations Unies indique que, dans l'ensemble, l'augmentation des demandes d'asile au Canada représente presque le triple de la moyenne observée dans les 51 autres pays étudiés. L'accueil que nous réservons à ces réfugiés nous a d'ailleurs valu la réputation de champion de la dignité humaine à l'échelle internationale. Néanmoins, monsieur le président, le système est soumis à de fortes pressions. Il semble de plus en plus évident que notre système de détermination du statut de réfugié, tout en étant reconnu à l'échelle internationale comme l'un des plus équitables et généreux du monde, fait face à de nombreux défis.
Nous sommes conscients que le système de détermination du statut de réfugié au Canada est complexe et qu'il peut s'avérer lent. À l'heure actuelle, il faut beaucoup trop de temps pour régler même la demande d'asile la plus simple. Mais, c'est le nombre important et croissant de demandes d'asile non fondées qui exerce une pression énorme sur le système. Par exemple, on a observé dernièrement une brusque augmentation du nombre de demandeurs d'asile en provenance de pays dont le taux d'acceptation à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est relativement bas. Le Mexique en est un bon exemple. Près de 90 p. 100 des demandes d'asile présentées par des citoyens mexicains ont été refusées l'année dernière par la CISR. En fait, et il ne faut pas l'oublier, la commission a déterminé que seulement 42 p. 100 de toutes les demandes d'asile traitées l'année dernière étaient légitimes.
Nous devons déterminer s'il s'agit d'une utilisation efficace des ressources ou si, en fait, les demandes non fondées alourdissent le système et ralentissent le traitement des demandes de ceux qui ont véritablement besoin de la protection du Canada. Dans ce contexte, je veux souligner que même sans la Section d'appel des réfugiés proposée par M. St-Cyr, le système de détermination du statut de réfugié du Canada respecte les dispositions de la Charte et les obligations internationales du pays.
Monsieur le président, le gouvernement maintient son engagement d'examiner différentes options pour améliorer le processus de détermination du statut de réfugié et ce, afin qu'il puisse mieux venir en aide aux personnes mêmes qu'il est censé protéger et que, ajouterais-je, les Canadiens veulent protéger. La question reste de savoir si le projet de loi représente vraiment la voie à suivre.
Les demandeurs d'asile déboutés ont déjà accès à trois mécanismes de recours qui garantissent qu'ils ne sont pas renvoyés du Canada avant que tous les aspects de leur cas n'aient fait l'objet d'un examen approfondi. Les demandeurs d'asile déboutés peuvent présenter auprès de la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire visant la décision rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ils peuvent également demander un examen des risques avant renvoi et présenter une demande de résidence permanente pour motifs d'ordre humanitaire. De plus, les demandeurs peuvent utiliser ces recours deux ou trois fois, ou même plus.
Je voudrais également dire quelques mots sur l'exhaustivité du contrôle judiciaire offert aux demandeurs d'asile déboutés. Vous vous rappellerez que M. St-Cyr a également insisté sur cet aspect. On affirme parfois que la Cour fédérale n'examine pas les décisions de la Section de la protection des réfugiés s'il est question d'erreurs de fait. Cette affirmation n'est pas appuyée par la législation ou la jurisprudence de la Cour fédérale. Le Parlement a accordé à la Cour fédérale la compétence législative d'infirmer une décision du tribunal pour plusieurs motifs, y compris une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance du tribunal. Il existe de nombreux exemples dans la jurisprudence où la Cour fédérale a renvoyé un cas à la Section de la protection des réfugiés en raison d'une conclusion de fait erronée.
Là où je veux en venir, monsieur le président, c'est que la Cour fédérale est un mécanisme d'appel global par rapport à la Section de la protection des réfugiés. La Cour fédérale peut examiner des questions de droit, des questions de fait et des questions mixtes de fait dans la loi. Il s'agit en fait du mécanisme d'appel dont M. St-Cyr parle sous un angle différent.
[Français]
La mise en oeuvre du projet de loi proposé ajouterait une étape supplémentaire d'examen qui rallongerait encore le processus. En outre, le projet de loi C-291 ne propose qu'un examen sur papier des demandes d'asile rejetées sur des questions de fait et de droit. Il ne prévoit ni la présentation de preuves nouvelles ni une audience en personne.
Par contre, il aura sans aucun doute pour effet d'augmenter les coûts et de ralentir davantage un système déjà surchargé. Le coût associé à la mise en oeuvre de la Section d'appel des réfugiés est estimé en dizaine de millions de dollars, en plus des coûts annuels permanents qui devront être assumés par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. De plus, il rallongerait d'au moins cinq mois le temps de traitement des dossiers de demandeurs déboutés.
Monsieur le président, le fait que nombre de demandeurs d'asile ne soient pas de véritables réfugiés donne à réfléchir. Cela signifie que nous consacrons une grande partie de notre temps à traiter des demandes présentées par des personnes qui ne sont pas de véritables réfugiés et qui sont finalement déboutées. Comme je l'ai déjà dit, notre capacité de porter assistance aux personnes qui ont véritablement besoin d'aide en est d'autant réduite.
[Traduction]
Le ministre Kenney a déclaré qu'il avait l'intention d'examiner la possibilité de modifier le système dans son ensemble. La mise en oeuvre de la Section d'appel des réfugiés à l'heure actuelle compliquerait les efforts d'amélioration de l'efficacité et de l'efficience du système de détermination du statut de réfugié, et ne ferait qu'alourdir le système en place. Par conséquent, je demanderai aux membres du comité de ne pas aller de l'avant avec le projet de loi C-291.
Merci, monsieur le président. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.
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Bonjour, monsieur Fadden, et bienvenue encore une fois au comité.
Votre ministre affirme que ce système fonctionne. Je porte à votre attention, monsieur, deux cas présentés au ministre. Il s'agit de personnes venant de la Chine continentale. Les familles sont venues ici et ont revendiqué le statut de réfugié. Une personne s'est mariée. Elle a un enfant d'environ cinq mois. Votre ministère, monsieur, envisage de la déporter. L'agent ayant examiné la DRP lui a dit: « Obtenez un passeport pour le petit Kevin, parce que nous allons vous déporter. » Alors, voici qu'une mère, Mme Guo, qui allaite son enfant, va être déportée. Le système ne fonctionne pas, monsieur. Il est brisé.
Si la mère choisit de ne pas amener l'enfant avec elle parce que le père pourrait ne pas signer le passeport, qu'adviendra-t-il de la relation entre la mère et l'enfant? On chasse la mère sans tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. L'agent veut qu'elle obtienne rapidement le passeport de l'enfant pour qu'on puisse la déporter.
Expliquez-moi, monsieur, comment le système fonctionne. Dites-moi où sont les droits de cet enfant de cinq mois né au Canada. Le père, un résident permanent, est propriétaire d'une entreprise qui emploie des personnes. Comment cette famille restera-t-elle unie et que se passera-t-il si elle doit être séparée pendant un an?
J'ai aussi le cas d'une mère ayant sa citoyenneté canadienne qui, après avoir donné naissance à son enfant, est tombée malade et a dû être placée dans une clinique pour se faire soigner. Mais voici que le père de l'enfant apprend qu'il va être déporté. Il doit faire le choix de quitter sa famille et de retourner en Chine pendant que sa femme est à l'hôpital. On a dit que sa femme pourrait peut-être le ramener au Canada, mais comme elle ne travaille pas et qu'elle se trouve dans un établissement psychiatrique, une clinique, elle ne sera pas en mesure de subvenir à ses besoins.
Le système ne fonctionne pas.
Alors dites-moi, monsieur, que suis-je sensé dire à ces deux familles?
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Vous m'avez probablement vu sursauter à quelques reprises pendant sa présentation. Je suis content de l'occasion que vous m'offrez de réagir à quelques commentaires dont je ne conviens pas.
En fait, je réagirai d'abord à quelque chose dont je conviens. M. Fadden soulignait que l'on a observé dernièrement une brusque augmentation du nombre de demandeurs d'asile provenant de pays dont le taux d'acceptation à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est relativement bas. On donnait l'exemple du Mexique et, finalement, on ajoutait qu'au bout du compte, seulement 42 p. 100 de toutes les demandes sont traitées et acceptées de façon légitime. C'est vrai.
À mon avis, cela démontre à quel point le système est dysfonctionnel. Existe-t-il un autre système au palier gouvernemental ayant un taux de succès aussi faible? Imaginez si seulement 42 p. 100 des demandes de passeport étaient acceptées! Quelqu'un dirait que quelque chose ne fonctionne pas quelque part.
Pourquoi en arrive-t-on là? Contrairement à ce que M. Fadden disait, la Section d'appel des réfugiés n'est pas seulement pour les demandeurs déboutés; le paragraphe 110(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés dit que « La personne en cause et le ministre peuvent [...] en appeler [...] ».
Que se produit-il présentement? Comme c'est arbitraire, qu'il n'y a pas de jurisprudence et que cela fonctionne comme une loterie — « le loto-commissaire » —, une foule de personnes font des demandes en espérant tomber sur un commissaire qui sera sympathique. Si on avait un système ayant une bonne jurisprudence bien intégrée, une section d'appel efficace, que les gens savaient dès le début qu'ils n'ont aucune chance, car même s'ils tombent sur le commissaire X, le ministre interjettera appel et ils perdront, ces gens ne feraient pas cette démarche. Ça ferait en sorte que ce taux de succès ne serait pas aussi bas.
Il y a un autre commentaire auquel je voulais réagir. Il s'agit de la possibilité d'interjeter appel. Il n'existe pas de possibilité d'interjeter appel sur le fond. J'ai d'ailleurs noté dans le texte que, prudemment, lorsqu'on parle des autres mécanismes, on parle des mécanismes de recours, mais jamais on ne parle de véritables mécanismes d'appel. La raison en est fort simple.
D'abord, très peu de demandes de révision judiciaire sont acceptées par la Cour fédérale du Canada. Et lorsque les demandes sont refusées, elles ne sont pas motivées. On ne peut donc savoir si la cour les a refusées parce qu'elle ne veut pas étudier la question sur le fond ou parce qu'il y a des questions de procédure: elle ne motive pas ses décisions. Par conséquent, je ne comprends pas comment M. Fadden peut en arriver à la conclusion que la cour fait des appels sur le fond: elle ne motive pas ses décisions de rejet.
Ensuite, il a — cette fois, correctement — rappelé que la Loi sur les Cours fédérales permet à la Cour fédérale de renverser une décision qui serait basée « sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ». Ce sont ces critères qui enlèvent la majorité des cas. Évidemment, dans un cas extrême où cela serait abusif et arbitraire, quelqu'un aurait peut-être une chance, en Cour fédérale, de faire valoir son point. Il n'en reste pas moins que, dans la majorité des cas — la Cour fédérale l'a dit elle-même dans des jugements —, il n'y a pas de possibilité d'appel sur le fond.
Je ne suis pas le seul à penser cela. Il y a le Barreau du Canada, qui connaît assez bien les lois. Il y a l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, qui connaît aussi assez bien les lois.
En décembre 1997, le Groupe consultatif sur la révision de la législation, mandaté par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, publiait un rapport intitulé « Au-delà des chiffres : l'immigration de demain au Canada ». Selon la page 94 du rapport, ce groupe, mandaté par le ministre, estimait que le système de contrôle judiciaire des décisions concernant les réfugiés était trop restrictif, à cause de l'exigence d'obtention d'une autorisation d'appeler et du fait que les motifs d'appel étaient limités à la légalité de la décision.
En terminant, je vous fais un petit compte rendu de la discussion qui a eu lieu devant ce comité le mardi 10 février 2009. M. Thierry St-Cyr a dit: « Or, le tribunal des réfugiés est le seul tribunal du système de justice canadien qui ne prévoit pas d'appel sur le fond. Ai-je raison de dire qu'il n'est pas possible d'en appeler sur le fond?" ». En réponse, l'honorable Jason Kenny a dit: « Techniquement, vous avez raison, monsieur St-Cyr [...] ».
Or, à mon avis, quand on fait des lois, on les fait de façon à ce qu'elles fonctionnent. On ne peut pas dire que techniquement, il n'y a pas d'appel sur le fond, mais que dans certains cas, les tribunaux auront peut-être la latitude nécessaire pour en prévoir un.
Bien qu'il faille admettre qu'il existe d'autres mécanismes, d'autres recours, il n'y a pas d'appel sur le fond, et c'est une faille majeure du système de justice. Au Canada, les réfugiés sont les seuls à ne pas bénéficier de cette élémentaire procédure de droit.
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Monsieur le président, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés considère qu’un mécanisme d’appel constitue un élément fondamental et nécessaire du processus de détermination du statut de réfugié. Il permet non seulement de corriger des erreurs commises en première instance, mais aussi d’assurer un processus décisionnel cohérent. Le Canada, l’Italie et le Portugal sont les seuls pays industrialisés qui ne donnent pas aux demandeurs d’asile déboutés la possibilité de faire examiner des points de fait et de droit de la décision de la première instance.
Ces propos remontent à 2002. Je trouve tout à fait déplorable que six ans après, le Canada n'ait toujours pas mis sur pied la Section d'appel des réfugiés, même si cette question a été débattue et approuvée plusieurs fois au Parlement, qui a essentiellement donné le feu vert pour qu'on mette en place cette unité.
En fait, nous allons à l'encontre d'une obligation juridique internationale. Nous avons signé la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés afin de protéger ces gens. Pourtant, nous n'avons pas de mécanisme d'appel. Quelle en est la conséquence? Eh bien, dans le cas d'une personne qui est renvoyée, une mauvaise décision pourrait vouloir dire la torture, la persécution, et même parfois la mort.
En 2002, le Parlement a réduit le nombre des commissaires. Autrefois, il y en avait trois, puis on a réduit leur nombre à deux et, en 2002, à un seul. Cela signifie que le sort de certains de ces demandeurs d'asile est entre les mains d'une seule personne qui rend la décision. Selon nous, il est inexcusable de dire que le seul recours possible, c'est d'aller en cour.
La cour n'est pas conçue pour remédier aux lacunes du processus de détermination du statut de réfugié parce qu'une audience devant la Cour fédérale coûte les yeux de la tête. C'est coûteux aussi bien pour les contribuables canadiens que pour les demandeurs d'asile. De façon générale, les demandeurs d'asile n'ont pas beaucoup d'argent. Je ne sais pas pourquoi nous les pousserions tous à se présenter devant la Cour fédérale. J'ai d'ailleurs constaté une augmentation effarante du nombre de cas qui sont renvoyés à la Cour fédérale.
À bien des égards, le processus de nomination est vicieux, en ce sens qu'il n'y a aucun comité de nomination ni aucun commissaire affecté à la nomination. Même si le gouvernement conservateur a dit qu'il s'en occuperait, rien n'a été fait. Résultat: on se retrouve avec des commissaires qui ont déclaré publiquement que l'homosexualité est un péché, et l'un d'entre eux pourrait facilement avoir à entendre, à la commission du statut de réfugié, des cas où l'orientation sexuelle est en cause.
Je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne devrions pas mettre en place la Section d'appel des réfugiés. J'espère que notre comité va adopter ce projet de loi sans tarder et en faire rapport à la Chambre des communes.
Il me reste, semble-t-il, encore une minute. Je ne sais pas si M. St-Cyr saurait nous dire combien ce processus a coûté à la Cour fédérale, ou si la mise sur pied de la Section d'appel des réfugiés permettrait une certaine réduction du coût étant donné que on n'encombrerait plus la Cour fédérale de ce genre de cas.
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Dans tous nos systèmes de justice, il y a des possibilités d'appel. Or, les avocats ne font pas systématiquement appel. Un avocat fait appel s'il pense qu'il a une chance raisonnable de gagner ou qu'il a été victime d'une injustice en première instance. Présentement, le nombre important d'appels en Cour fédérale du Canada est dû à l'absence d'une section d'appel. On peut donc raisonnablement penser qu'avec une section d'appel, ce nombre de cas diminuerait beaucoup.
Si on veut faire un calcul des coûts liés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la LIPR, il faut tenir compte du fait qu'on est passé de deux à un commissaire, ce qui représente une économie de 50 p. 100 environ. Bien sûr, la mise en place de la Section d'appel des réfugiés grugera une partie de cette économie, mais il restera toujours, au net, une économie réelle.
Cela étant dit, j'aimerais souligner qu'on parle de la vie d'êtres humains et que si un parti refuse d'appuyer ce projet de loi parce qu'il trouve que ça coûte trop cher, j'aimerais que ce parti nous dise à partir de quel prix il serait prêt à mettre en oeuvre la Section d'appel des réfugiés. Combien vaut une section d'appel qui pourrait nous éviter de renvoyer un individu vers la torture et la mort? Si un parti politique autour de cette table est capable de répondre à cette question, je le salue, il est très fort. J'en serais incapable.
Quant au taux de 42 p. 100, je veux être bien clair. Je n'ai pas voulu dire qu'il faudrait accepter des gens qui ne sont pas des réfugiés au sens de la loi. Je dis que c'est le symptôme d'un problème. Dans le cas de l'assurance-emploi, les demandes acceptées ne représentent pas que 42 p. 100 des demandes qui sont faites. Pourquoi est-ce le cas? C'est comme ça parce que les gens regardent les critères et voient s'ils sont admissibles ou non. S'ils ont un emploi ou s'ils n'ont pas accumulé assez d'heures, ils ne font pas de demande, c'est tout.
Pourquoi n'accepte-t-on que 42 p. 100 des demandes? Bien sûr, M. Fadden a raison, certaines personnes qui font des demandes ne sont pas des réfugiés. Pourquoi font-ils des demandes, alors? Parce qu'il n'y a pas de jurisprudence en matière de réfugiés. Par conséquent, ils se disent que s'ils sont chanceux, ils vont faire affaire avec un bon commissaire et que si leur demande est acceptée, le ministre n'aura aucune possibilité d'en appeler. Si un commissaire trop bonasse accorde à qui mieux mieux le statut de réfugié, le ministre a les mains liées. Il n'a aucune possibilité d'en appeler et de corriger cette situation.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais entendre la réponse de M. Fadden aux commentaires de M. St-Cyr.
L'un des arguments que M. St-Cyr a évoqués, c'est le taux de succès inadéquat de notre système actuel. Bien franchement, j'ai l'impression que le taux de succès n'a rien à voir avec le fait qu'un processus donne de bons résultats ou non. Certains font valoir que plus le taux de succès est faible, plus un système particulier fonctionne. D'autres soutiennent que plus le système fonctionne bien et plus le taux d'acceptation est élevé, meilleur sera le système. D'après ce que je comprends, ce n'est pas la raison pour laquelle ce...
Dans tout le processus que le gouvernement fédéral a mis en place, on ne fait aucunement mention, que ce soit dans une partie de la mesure législative ou dans l'un des règlements, d'un taux de succès officiel ou non comme étant ce qui justifierait l'ajout d'un mécanisme d'appel pour notre système.
J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet, histoire de parler des aspects que le ministère juge comme étant réussis ou non.
Par ailleurs, en tant que gouvernement, nous allons évidemment apporter des changements pour nous attaquer à quelques-uns des problèmes que M. St-Cyr a soulevés. Vous pourriez peut-être indiquer, ou du moins, souligner le fait que nous sommes conscients que des problèmes existent au sein du système, que nous voulons changer pour renforcer le processus.
Je suis d'accord avec M. St-Cyr sur une chose, soit sur l'argument que vous avez fait valoir. Il n'y a rien de magique à propos d'un taux particulier d'acceptation ou de rejet. Il peut dire qu'un taux de 42 p. 100 est trop faible, alors que je peux dire que c'est trop élevé. Le problème n'est pas là.
C'est dommage que Mme Chow soit partie. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré que le Canada possède le meilleur système de détermination du statut de réfugié au monde. J'ai rencontré le représentant du Haut Commissariat il y a un an et demi et il m'a dit: « Bien entendu, nous n'allons jamais dire publiquement qu'une section d'appel n'est pas une bonne chose, mais si la plupart des pays sur la planète avait un système qui était la moitié aussi bon que celui du Canada, nous serions enchantés ».
Je pense donc que les taux d'acceptation ne sont pas particulièrement importants. Ce qui importe cependant, c'est que notre système actuel est surchargé par un excédent de demandes qui ne sont pas vraiment fondées en droit. Une nouvelle Section d'appel des réfugiés prolongera le processus de cinq mois. Cela veut dire que les provinces devront, pour l'essentiel, payer pour l'éducation, la santé, l'aide sociale de ceux dont la demande de statut de réfugié ne sera pas acceptée. Mais parce qu'ils ont été autorisés à séjourner au Canada plus longtemps, ils pourront probablement rester pour des motifs d'ordre humanitaire. Concrètement, ces cinq mois additionnels feront en sorte que les non réfugiés pourront rester au Canada et ce, même s'ils ne devraient pas y être autorisés.
M. Dykstra a demandé si je pourrais commenter brièvement les propositions de changements du ministre. Je ne peux pas en parler très en détail. M. Kenney lui-même a dit à plusieurs occasions que nous reconnaissons que le système actuel ne fonctionne pas. Beaucoup trop de temps est consacré aux cas où la demande d'asile n'a carrément aucun fondement en droit. Je pense que nous devons nous pencher là-dessus.
Le gouvernement a très bien réussi à accroître le nombre de commissaires, ce qui a beaucoup aidé. Mais d'une façon ou d'une autre, nous devons trouver un moyen de faire face à la hausse des demandes. En raison de la crise économique mondiale, la situation va empirer avant de s'améliorer. Prolonger le processus de cinq mois d'une manière qui, d'après nous, aidera peu à régler des cas, n'est pas la solution.
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D'abord, nous allons revenir sur la question du taux d'acceptation de 42 p. 100. Je sais que M. Fadden est fonctionnaire et qu'il ne fait pas de politique. N'empêche que je voudrais m'assurer de ne pas être mal cité ou de ne pas voir mes propos déformés.
Ma prétention n'est pas que ce taux montre qu'on n'accepte pas assez de réfugiés. Je ne crois pas qu'on devrait accepter un réfugié qui ne satisfait pas à la définition légale. Le problème n'est pas que 42 p. 100 des gens soient acceptés, c'est que 58 p. 100 des gens font une demande de statut de réfugié sans être des réfugiés.
La question qu'il faut se poser, en tant que comité, c'est pourquoi ces gens, qui ne seraient pas des réfugiés, font-ils une demande? Je soumets respectueusement aux membres du comité le fait qu'on ne retrouve ce genre de résultats dans aucun autre secteur de l'appareil fédéral.
Si un jour, on devait arriver à la conclusion que 42 p. 100 seulement des demandes d'assurance-emploi sont acceptées, on se dirait que 58 p. 100 des demandeurs ne comprennent pas qu'ils ne sont pas admissibles. Si c'était la même chose pour les passeports, on se demanderait pourquoi des gens font une demande de passeport s'ils ne pas admissibles.
Alors, pourquoi 58 p. 100 des gens qui font une demande de statut de réfugié le font tout en n'étant pas admissibles? C'est bien simple, c'est parce qu'ils ne le savent pas. Il n'existe pas de corps de jurisprudence clairement établi. D'ailleurs, s'il y a présentement une possibilité d'appel en cour fédérale pour les réfugiés déboutés, il n'existe toujours pas de possibilité d'appel pour le ministre, puisque l'article 73 n'est pas en vigueur non plus.
Présentement, des commissaires plutôt sympathiques — peut-être excessivement sympathiques —, qui accordent pratiquement automatiquement les demandes, font en sorte qu'une personne peut vouloir tenter sa chance en faisant une demande de statut de réfugié, tout en sachant qu'elle ne correspond probablement pas à la définition.
Si on avait une Section d'appel des réfugiés et une véritable possibilité pour le ministre d'en appeler des cas erronés, des décisions en vertu desquelles on a accordé le statut de réfugié à des gens qui ne sont manifestement pas des réfugiés, il se créerait une jurisprudence assez solide pour permettre aux avocats de dire à leurs clients que, même s'ils gagnent en première instance, ils perdront en appel.
Évidemment, on dit qu'à la Cour fédérale, il existe des jugements sur le fond, une possibilité de jurisprudence. Mais je soumettrais avec respect que c'est encore relativement anecdotique, puisque seules 10 p. 100 des demandes sont acceptées. Par conséquent, dans 90 p. 100 des cas, on ne trouve aucune jurisprudence. Il n'y a pas de motivation. Même dans les 10 p. 100 restants, la plupart des cas — je n'ai malheureusement pas de chiffres à vous fournir, mais tous les avocats et le Barreau vous le confirmeront — portent sur des questions procédurales. Les rares fois où la cour se prononce sur des questions de fond, ce sont des cas de décisions véritablement abusives ou arbitraires. Donc, ce n'est pas suffisant.
J'aimerais poursuivre sur tout ce qui a trait aux cinq mois supplémentaires, prétendument, pour le traitement des dossiers des demandeurs déboutés. Personnellement, je n'en crois rien. Il existe un principe de gestion selon lequel un système efficace, cohérent et performant coûte moins cher qu'un système inefficace, incohérent et non performant. Je ne vois pas comment l'absence de corps de jurisprudence peut rendre notre système plus efficace et nous faire économiser de l'argent.
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Vous avez parfaitement raison, monsieur Paillé. J'ajouterais cependant qu'il y a une question de respect fondamental de la démocratie derrière cela. Le Parlement s'est prononcé. Il a adopté la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés en 2001. Cette loi contenait 275 articles. Elle n'en contenait pas 272 ou 250, elle en contenait 275.
À mon avis, dans notre système démocratique parlementaire d'inspiration britannique, une fois que le Parlement s'est prononcé, le gouvernement a le devoir de respecter la décision et la volonté du Parlement. Quand on fait l'étude d'un élément de la loi comme, par exemple, la Section d'appel des réfugiés, il faut l'étudier dans sa globalité. On de peut donc pas, d'une part, dire que la Section d'appel des réfugiés nous coûterait tant de millions de dollars de plus et prolongerait les délais d'autant, sans prendre en compte le fait qu'elle a été adoptée dans le cadre d'une réduction du nombre de commissaires de deux à un. Je pourrais très bien dire à M. Fadden que je suis d'accord pour qu'on mette la LIPR à la poubelle: on aura deux commissaires pour étudier les demandes, et les temps d'attente vont doubler. C'est un tout cohérent.
C'est pourquoi vous soulignez avec raison que le sous-ministre adjoint de l'époque disait que la Section d'appel des réfugiés était nécessaire. La ministre de l'époque, Eleanor Caplan, disait également que cette section d'appel était nécessaire pour établir l'équilibre. Il faut donc avoir une certaine vision d'ensemble de la question. On ne peut pas simplement dire que cette mesure particulière va nous coûter tant d'argent, puisqu'elle a été mise en place pour nous permettre de réaliser une économie.
Je vais faire un parallèle. Certains d'entre nous autour de la table sommes des hommes ou des femmes d'affaires ou ont déjà travaillé dans le monde des affaires. Si vous achetez un équipement et que vous comptabilisez la valeur de cet investissement, vous allez comptabiliser les économies que vous faites grâce à cet équipement. C'est un peu la même chose. Si on prend en compte la Section d'appel des réfugiés, il faut se dire que c'est ce qui nous permettra de passer de deux à un commissaire.
Je maintiens que ce tribunal augmenterait l'efficacité de notre système. En ayant plus de cohérence dans les décisions et une possibilité d'appel pour le ministre, ce qui n'existe pas présentement, beaucoup moins de demandeurs feraient une demande frivole, sachant qu'ils n'auraient aucune chance de passer à travers les mailles du filet. Le taux d'acceptation augmenterait donc, non pas parce qu'il y aurait plus de décisions favorables, mais parce qu'il y aurait simplement moins de demandes inopportunes.
Même si ce n'était pas le cas, au-delà de tout ce débat, allons-nous gagner cinq mois, comme je le prétends, ou perdre du temps? Est-ce une économie réelle nette, quand on tient compte de tous les paramètres, ou est-ce une dépense, si on ne tient compte que de la Section d'appel des réfugiés? À mon avis, il s'agit d'un discours assez accessoire.
Depuis des générations, les sociétés civilisées, occidentales ou non, se sont battu contre l'arbitraire, ont développé des systèmes de justice basés sur le droit et ont établi des principes de justice naturelle qui sont, au-delà de toutes les différences qui peuvent exister dans le monde, universelles. Parmi les principes de base, il existe la possibilité d'en appeler d'une décision.
Or, il n'y a pas de réelle possibilité d'appel sur le fond. Je vous rappelle les propos tenus par le ministre le 10 février 2009 en réponse à ma question à savoir si j'avais raison de dire qu'il n'est pas possible d'en appeler sur le fond. L'honorable Jason Kenney a répondu que techniquement, j'avais raison. Je crois que dans une société progressiste et moderne, fut-elle dépositaire du meilleur système d'immigration au monde, cette situation n'est pas acceptable. Je rappelle que parmi les pays civilisés, seuls le Portugal et l'Italie n'ont pas de système d'appel des réfugiés.
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Il ajoutera une étape et la SAR serait un appel sur papier. Je signale que devant la Cour fédérale, il ne s'agit pas d'un appel sur papier si une autorisation est accordée.
J'aimerais rectifier une fausse information que Mme Chow a fournie au comité. Ce n'est pas 10 p. 100 des demandes d'autorisation qui sont acceptées, mais 16 p. 100. C'est presque le double de ce qu'elle a dit.
Je me demande si nous pourrions profiter de l'occasion pour souligner un point. Je pense que M. St-Cyr trompe le comité sur une question particulière. À mon avis, il est exagéré de comparer la détermination du statut de réfugié à l'octroi de passeports ou de prestations d'AE. Le passeport est accordé automatiquement dans 98 p. 100 des cas. Pour ce qui est de la détermination du statut de réfugié, le pays, les lois et les faits méritent d'être soigneusement examinés dans chaque cas. Je pense qu'en comparant ceci aux passeports ou à l'AE, on sous-estime l'importance du système de détermination du statut de réfugié.
Il fait aussi valoir qu'il y a très longtemps, quand la loi a été adoptée, deux commissaires tranchaient la plupart des cas. À l'époque, on a décidé de ne pas mettre en place la SAR car il y avait deux commissaires. Au bout du compte, le gouvernement précédent ne l'a pas instaurée car seulement 1 p. 100 des tribunaux composés de deux commissaires étaient en désaccord. Une décision réfléchie a donc été prise selon laquelle nous n'avons pas besoin de cette étape additionnelle car nous sommes passés de deux à un commissaire.
Pour répondre directement à votre question, c'est une étape additionnelle. C'est une étape sur papier. Aucune nouvelle preuve ne peut être présentée. Nous n'étions pas d'accord avec M. St-Cyr pour dire que seulement parce qu'une SAR est en place, les gens n'interjetteront pas appel devant la Cour d'appel. Si les gens croient fermement en leurs dossiers, ils continueront à s'adresser à la Cour d'appel.
Merci beaucoup d'avoir comparu à notre comité pour nous faire part de votre point de vue. J'appuie entièrement votre rapport. C'est exactement ce que j'ai présenté à la Chambre quand on m'a donné l'occasion de commenter le projet de loi C-291. Par contre, nous convenons que le Canada a le système de détermination du statut de réfugié le plus libéral au monde. Par conséquent, nous avons attiré bien des demandeurs d'asile, véritables ou non. Voilà le principal défi que nous devons relever.
Je suis d'accord avec vous pour dire que la comparaison de M. St-Cyr entre le taux de succès d'octroi des passeports et des demandes d'asile n'est pas vraiment adéquate. Le taux de succès des demandes d'AE ne devrait pas non plus être comparé à celui des demandes d'asile.
Je pense que nous sommes tous d'accord, que tous mes électeurs sont d'accord, et que toutes les autres personnes que j'ai rencontrées sont d'accord pour dire qu'il y a eu beaucoup de défis à relever dans le système du statut de réfugié et qu'une réforme s'impose donc. Nous devons changer certaines de nos façons de procéder afin de ne pas décourager les réfugiés légitimes qui, à cause du système actuel, doivent attendre très longtemps avant que leurs demandes soient traitées.
À votre avis, le projet de loi C-291 sera-t-il une solution à...? Par exemple, dès que les gens sont à bord de l'avion, ils mangent leurs passeports ou les font disparaître dans les toilettes. Ensuite, parce que leur avion atterri, ils doivent passer par tout le système.
Grâce à notre gouvernement et à M. Jason Kenney, les 25 réfugiés vietnamiens qui restaient aux Philippines sont enfin arrivés au Canada. La communauté vietnamienne a remercié le gouvernement de les avoir fait venir. Ce sont des réfugiés légitimes qui ont attendu là-bas de nombreuses années à cause d'un système qui doit être réformé et des demandeurs illégitimes qui arrivent en bateau près de la côte de la Colombie-Britannique. Dès que le bateau pénètre dans nos eaux, ils disent, « Nous sommes des réfugiés. »
Voilà les défis auxquels nous sommes confrontés. Ces gens arrivent, pour revenir au Mexique...
J'aimerais que M. Fadden nous dise si le projet de loi C-291 permettrait vraiment d'améliorer le système.
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Si vous me le permettez, j'ajouterai quelque chose.
Le point de Mme Mendes est très bon. À mon avis, les arguments de la durée, des délais et des possibilités d'appel, qui pourraient profiter à des gens qui ne sont pas de véritables réfugiés, ne peuvent pas être admis dans un système de droit. Je vous ferais remarquer que des criminels et des meurtriers restent en liberté plus longtemps parce qu'ils peuvent interjeter appel et utiliser une foule de recours. On ne dit pas qu'on veut se débarrasser des cours d'appel et de la Cour suprême pour autant. On ne le fait pas, car on est dans un système de droit et de justice, et ce sont des valeurs que la société a mis des siècles à établir. On doit continuer à se battre pour les maintenir.
J'aimerais profiter de cette occasion pour soulever un autre point. Tout à l'heure, on m'a reproché de faire des comparaisons entre les taux d'acceptation des services de l'assurance-emploi et ceux de Passeport Canada. Je voudrais rappeler que l'utilité de faire des comparaisons, c'est de mettre en lumière les caractéristiques d'un système qui font que son comportement est différent de celui d'un autre.
Pourquoi alors les services de l'assurance-emploi et de Passeport Canada fonctionnent-ils, et pourquoi leurs taux d'acceptation sont-ils très élevés? C'est parce que leurs critères sont bien établis. Quand on soumet une demande, on sait à l'avance si elle sera acceptée ou non. J'admets de plein gré que la définition du statut de réfugié complexifie beaucoup le traitement des cas. Je l'admets et je dis que c'est une raison de plus pour avoir une jurisprudence bien établie.
Plusieurs avocats, plus particulièrement le vice-président de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, m'ont déjà confirmé être restés sans réponse devant des clients qui venaient les voir à leur bureau pour savoir s'ils avaient des chances d'être acceptés. Ils ne pouvait leur dire s'ils avaient 10 p. 100, 50 p. 100 ou 90 p. 100 de chances d'être acceptés. Ils étaient obligé de dire que ça dépendrait du commissaire sur lequel ils tomberaient.
Comme l'a dit M. St-Cyr, il s'agit d'un sujet auquel on s'intéresse depuis un certain temps. L'un des prédécesseurs du ministre M. Kenney, avec qui j'ai travaillé à Citoyenneté et Immigration Canada, a demandé au haut commissaire de venir à Ottawa pour parler des réfugiés en général et du système canadien en particulier. Ce commissaire, comme je l'ai indiqué plus tôt, a dit en essence que l'UNHRC n'avait pas de plainte à formuler sur le système canadien, qu'il considère comme le meilleur au monde. L'un d'entre nous, qui participait à la réunion — je ne me rappelle plus de qui il s'agit —, lui a demandé ce qu'il pensait d'une section d'appel. Je vais probablement révéler un renseignement confidentiel et devrai en subir les conséquences, mais il a répondu que dans sa position, on ne peut jamais dire qu'une section d'appel est une mauvaise chose, mais qu'il persistait à dire que nous avions pour ainsi dire un système parfait. Les réfugiés n'étaient pas expulsés arbitrairement du Canada, et il n'y avait pas vraiment de motif de plainte. En fait, l'UNHRC fait régulièrement les louanges — si c'est le mot qui convient — du système canadien à l'échelle internationale. Il le fait systématiquement.
Notre ministère a parcouru le monde pour expliquer son système, parce que c'est le meilleur que nous avons. À certains égards, il n'y a pas de système parfait. Je serai le premier à l'admettre. Et l'instauration de la SAR ne le rendra pas parfait. Nous pourrions en implanter deux et il ne le serait toujours pas.
M. St-Cyr a fait valoir que la plus grande jurisprudence qu'établirait la SAR faciliterait grandement la gestion du système. Je n'en suis pas si sûr. La jurisprudence de la Cour fédérale en matière de réfugiés est considérable. De nombreux cas concernent la Section de protection des réfugiés. Sachez de plus que cette dernière ne donne pas ces motifs par écrit, sauf en cas de rejet. Nous avons donc ce que je crois être un système déjà très favorable à ceux qui pourrait ne pas obtenir le statut de réfugié. Je ne crois pas que l'ajout d'un palier va aider.