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FAAE Rapport du Comité

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SÉCURITÉ DES CITOYENS AU HONDURAS

La sécurité des citoyens – c’est-à-dire la possibilité pour les particuliers de vivre à l’abri des crimes violents et de jouir pleinement des droits de la personne – est l’un des plus grands défis auquel font face actuellement un grand nombre de pays des Amériques. La sécurité des citoyens s’étend à l’activité licite des forces de sécurité en vue de protéger la population contre les crimes et la violence ainsi qu’à la nécessité de prévenir efficacement les violations des droits de la personne par ses forces et d’y remédier[42].

Selon M. Blackwell, « l’insécurité est l’un des problèmes les plus sérieux affligeant la société hondurienne [et] il s’agit d’une situation qui a un impact profond sur la protection des droits de la personne[43]. » Des témoins ont informé le Comité que le Honduras est l’un des pays les plus violents du monde[44]. Rick Craig, directeur exécutif de la Justice Education Society of British Columbia, un organisme non gouvernemental qui travaille avec les policiers et les procureurs au Honduras, a indiqué que, malgré les variations, le taux d’homicide au Honduras se chiffre habituellement à 90 homicides par 100 000 habitants, soit environ « 40 à 45 fois » celui du Canada[45]. Il a signalé qu’au cours des dernières années on constate une montée « sans précédent » du taux d’homicide au Honduras et une « recrudescence incroyable de la violence[46] ». Les données sur les taux d’homicide provenant de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’Observatoire de l’OEA sur la sécurité des citoyens confirment cette observation, révélant une forte augmentation du nombre d’homicides au Honduras depuis 2007[47].

Selon les témoins, la hausse du nombre d’homicides et de crimes violents au Honduras est en grande partie attribuable à l’augmentation des activités transnationales de trafic de stupéfiants, de traite de personnes et du crime organisé. Le Sous-comité a appris qu’après le coup d’État de 2009, l’absence de services de sécurité a permis aux cartels de drogue régionaux de consolider leur présence et d’étendre leurs activités de trafic de stupéfiants et de blanchiment d’argent au Honduras[48]. En Amérique du Sud, les drogues passent par ce que l’on appelle le « triangle du Nord » de l’Amérique centrale – soit le Honduras, le Guatemala et El Salvador – avant d’être acheminées vers le Mexique puis d’atteindre les États-Unis. Selon des fonctionnaires du MAECD, on estime que « près de 80 % de tous les vols transportant de la cocaïne en provenance d’Amérique du Sud atterrissent au Honduras avant de poursuivre leur route vers le nord[49] ».

Les gangs de rue, ou maras, contribuent aussi à l’absence généralisée de sécurité. Il y a plus de gangs de rue au Honduras que dans tous les autres pays d’Amérique centrale mis ensemble[50]. Ces gangs se financent en se livrant à l’extorsion et d’autres activités criminelles, ce qui ne fait qu’accentuer l’insécurité dans le pays[51]. Des armes légères et de petit calibre prolifèrent parmi la population [52].

La Commission interaméricaine des droits de l’homme a souligné que, pour assurer la sécurité des citoyens, il faut que le système de justice prévoie des mesures de lutte contre le crime qui sont rapides, accessibles, adéquates et non discriminatoires, qu’il soit accessible et qu’il assure le respect de l’application régulière de la loi (p. ex. lorsqu’il s’agit d’accepter des plaintes, de mener des enquêtes, d’intenter des poursuites et de tenir des procès criminels)[53]. Or, les témoins ont informé le Sous‑comité que les services de police et de sécurité honduriens n’ont pas l’expertise et les ressources pour mener efficacement des enquêtes, sont minés par la corruption, ont de la difficulté à travailler en collaboration avec le Bureau du procureur public et ne sont pas toujours pleinement sous le contrôle du gouvernement civil[54].

Dans ce contexte, on fait de plus en plus appel à des gardes de sécurité privés pour assurer les fonctions de la police civile[55]. En fait, la Commission interaméricaine des droits de l’homme estime qu’il y a environ 70 000 gardes de sécurité privés au Honduras, par rapport à environ 14 000 policiers[56]. Parlant de l’incidence des services de sécurité privés au Honduras, Esther Major, d’Amnistie Internationale, a renvoyé le Sous-comité aux travaux du Groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes. À la suite d’une visite au Honduras en février 2013, le Groupe de travail a déclaré :

La criminalité et la violence sans précédent qui sévissent dans le pays ont contribué à la confusion des rôles et des fonctions entre ces sociétés [services de sécurité privés] et les forces de sécurité de l’État, les sociétés privées agissant souvent de concert avec la police et l’armée et vu et au su des forces de l’ordre[57].

Le Groupe de travail est arrivé à la conclusion que les sociétés privées de sécurité au Honduras sont des entités manifestement puissantes qui ont beaucoup de marge de manœuvre et qu’il est très difficile de s’assurer que leurs activités sont menées conformément aux quatre piliers de la loi[58].

Le Sous-comité a entendu des allégations selon lesquelles les services de sécurité publics et privés commettaient des actes enfreignant les droits de la personne, y compris des assassinats. Ces gestes sont clairement des violations et des abus du droit à la vie et à la sécurité de la personne en vertu du droit international[59]. Le Sous‑comité estime que le gouvernement du Honduras doit contrôler et réglementer le secteur de la sécurité, y compris les forces de sécurité publiques et privées. Le Sous-comité est d’accord avec la Commission interaméricaine des droits de l’homme lorsqu’elle dit que l’État a pour responsabilité fondamentale d’assurer la gouvernance démocratique de la sécurité des citoyens et la reddition de compte au public des réseaux qui contribuent à l’assurer[60].


[42]              CIDH, Rapport sur la sécurité citoyenne et les droits humains, OEA/Ser.L/V/II.Doc. 57, OEA, 2009, par. 24.

[43]           SDIR, Témoignages, réunion no 76, 41e législature, 1re session, 18 avril 2013 (Adam Blackwell, OEA).

[44]           SDIR, Témoignages, réunion no 67, 41e législature, 1re session, 7 février 2013 (Neil Reeder, MAECD); SDIR, Témoignages, réunion no 74, 41e législature, 1re session, 26 mars 2013 (Rolando Sierra); SDIR, Témoignages, réunion no 77, 41e législature, 1re session, 23 avril 2013 (Karen Spring, Rights Action).

[45]           SDIR, Témoignages, réunion no 46, 41e législature, 2e session, 27 novembre 2014 (Rick Craig, directeur exécutif, Justice Education Society of British Columbia).

[46]           SDIR, Témoignages, ibid. (Craig).

[47]           Observatoire de l’OEA sur la sécurité des citoyens – Data Repository, Honduras – 01. Intentional Homicide (criminal system); Office de l’ONU contre la drogue et le crime, Global Study on Homicide 2013, mars 2014, p. 43, 126; CIDH, Preliminary Observations concerning the Human Rights Situation in Honduras, communiqué, 5 décembre 2014. [en anglais seulement]

[48]           SDIR, Témoignages, réunion no 67, 41e législature, 1re session, 7 février 2013 (Neil Reeder, MAECD); SDIR, Témoignages, réunion no 76, 41e législature, 1re session, 18 avril 2013 (Adam Blackwell, OEA); SDIR, Témoignages, réunion no 79, 41e législature, 1re session, 30 avril 2013 (Rick Craig, Justice Education Society); Office de l’ONU contre la drogue et le crime, Global Study on Homicide 2013, p. 43. [en anglais seulement]

[49]           SDIR, Témoignages, ibid. (Reeder).

[50]           SDIR, Témoignages, ibid. (Reeder).

[51]           SDIR, Témoignages, ibid. (Reeder); SDIR, Témoignages, réunion no 76, 41e législature, 1re session, 18 avril 2013 (Adam Blackwell, OEA); SDIR, Témoignages, réunion no 79, 41e législature, 1re session, 30 avril 2013 (Rick Craig, Justice Education Society).

[52]           SDIR, Témoignages, ibid. (Craig); SDIR, Témoignages, réunion no 71, 41e législature, 1re session, 7 mars 2013 (Esther Major, Amnistie Internationale).

[53]              CIDH, Rapport sur la sécurité citoyenne et les droits humains, OEA/Ser.L/V/II.Doc. 57, OEA, 31 décembre 2009; CIDH; Access to Justice for Women Victims of Violence in the Americas, OEA/Ser.L/V/II.Doc. 68, OEA, 20 janvier 2007. [en anglais seulement]

[54]           SDIR, Témoignages, réunion no 67, 41e législature, 1re session, 7 février 2013 (Neil Reeder, MAECD); SDIR, Témoignages, réunion no 74, 41e législature, 1re session, 26 mars 2013 (Michael Kergin et Rolando Sierra); SDIR, Témoignages, réunion no 77, 41e législature, 1re session, 23 avril 2013 (Karen Spring, Rights Action); SDIR, Témoignages, réunion no 79, 41e législature, 1re session, 30 avril 2013 (Rick Craig, Justice Education Society); SDIR, Témoignages, réunion no 82, 41e législature, 1re session, 9 mai 2013 (Dana Frank, professeure d’histoire, University of California, Santa Cruz); SDIR, Témoignages, réunion no 46, 41e législature, 2e session, 27 novembre 2014 (Rick Craig, Justice Education Society).

[55]           SDIR, Témoignages, réunion no 71, 41e législature, 1re session, 7 mars 2013 (Esther Major, Amnistie Internationale); SDIR, Témoignages, réunion no 21, 41e législature, 2e session, 8 avril 2014 (Bertha Oliva, coordonnatrice générale, Comité des familles des détenus et des disparus du Honduras [COFADEH]); Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, Transnational Organized Crime in Central America and the Caribbean: A Threat Assessment, septembre 2012, p. 71. [en anglais seulement]

[56]           SDIR, Témoignages, ibid. (Oliva); CIDH, « Honduras », Annual Report 2013, par. 255. [en anglais seulement]

[57]           Rapport du Groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux‑mêmes, « Additif : Mission au Honduras », Conseil des droits de l’homme, Doc. ONU A/HRC/24/45/Add.1, 5 août 2013, p. 2 [Rapport du groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation des mercenaires, Mission au Honduras]; Voir aussi Alexander Main, mémoire au SDIR; CIDH, Preliminary Observations concerning the Human Rights Situation in Honduras, communiqué, 5 décembre 2014. [en anglais seulement]

               Le Groupe de travail de l’ONU est composé d’experts indépendants qui sont nommés par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et qui agissent à titre personnel. Il s’agit d’une des procédures spéciales du Conseil. Les conclusions et opinions ne sont pas exécutoires en droit international.

[58]           Rapport du groupe de travail de l’ONU sur l’utilisation des mercenaires, Mission au Honduras., par. 14.

[59]           Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), art. 6 et 9; Convention américaine relative aux droits de l’homme, art. 4 et 7. Le Canada a ratifié le PIDCP. Le Honduras a ratifié le PIDCP et la Convention américaine.

[60]           CIDH, « Honduras », Annual Report 2013, par. 264. [en anglais seulement]