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Oui. Nous recommandons de nous inspirer du domaine de la transmission des connaissances et du changement des comportements pour atteindre cet objectif, parce qu'il existe des stratégies de changement des comportements dont l'efficacité a été démontrée par la recherche.
Nous recommanderions entre autres de nommer des champions du changement, pour transmettre les connaissances. Ce serait des porte-parole tenus en haute estime, comme des athlètes, des personnes comme Eric Lindros, qui est venu témoigner devant vous, Cassie Campbell-Pascall ou Hayley Wickenheiser, qui a parlé publiquement de ses commotions cérébrales, qu'on ferait parler de leur vécu pour vraiment faire considérer comme normale l'idée d'en parler. Il est en effet difficile de parler de cette blessure invisible, mais, d'après notre expérience aussi, personne, dans le sport du hockey, ne veut vraiment s'arrêter de jouer.
De multiples raisons expliquent pourquoi les joueurs ne veulent pas s'arrêter et ne veulent pas signaler leur état. L'intention de signaler est une tout autre question que nous pourrions examiner aujourd'hui, mais le fait d'avoir un champion du changement est une autre de nos recommandations, et il faut aussi profiter des médias sociaux. Aujourd'hui, on peut être très efficace auprès des joueurs de hockey et d'autres sports de la base, jusqu'au niveau élite, grâce aux médias sociaux. Nous devons donc en profiter.
Nous en avons vu des bribes à la faveur des discussions qui ont eu lieu, mais on peut faire beaucoup plus, de façon plus stratégique et plus cohérente, pour opérer un changement dans notre culture.
Monsieur le président, je pense que l'ordre fonctionne très bien, car M. Fisher a posé certaines des questions que je m'apprêtais à poser. En outre, certaines observations ont pavé la voie à ce que je voulais demander. L'ordre fonctionne donc très bien.
Ma première question concerne le traitement médical et les protocoles connexes, et ce qui a changé au cours des ans. Certains députés ici présents ont probablement tenu un certain nombre de séances sur la question, mais comme j'agis simplement à titre de substitut aujourd'hui, je n'en sais peut-être pas autant que certains autres membres du Comité.
En ce qui concerne le traitement médical, je vous raconterai un peu de mon histoire.
J'ai joué au hockey dans ma jeunesse, et je ne saurais dire combien de commotions j'ai subies. À l'époque, on demandait combien de doigts on voyait, et si on répondait correctement, on était de retour sur la glace, peut-être après avoir respiré des sels ou autre chose. D'après mes souvenirs, la seule fois où un équipier a reçu un traitement médical, c'est quand, après la partie, il ne pouvait pas se souvenir de l'équipe qui avait remporté la partie, du pointage ou de la ville où nous nous trouvions, alors qu'il avait été blessé à la deuxième période. Il a été ausculté, mais on ne savait pas quoi faire de lui. Je suis pas mal certain qu'il a joué une partie, peut-être pas le lendemain, mais probablement la semaine suivante.
Je repense à mon fils, qui a maintenant 23 ans. Il avait probablement 12 ans; cela remonte donc à un peu plus de 10 ans maintenant. Il ne s'agissait pas d'une blessure de hockey, mais nous étions à un camp de hockey, où nous étions arrivés quelques jours d'avance. Alors qu'il pratiquait la planche nautique sur un lac, mon fils a subi une commotion. Il s'est alors fait conseiller de faire attention les premiers jours du camp de hockey et que tout devrait bien aller. C'est à peu près tout ce qu'il y avait comme traitement médical à l'époque.
Je serai honnête. Compte tenu de mon expérience à cet égard, quand j'ai subi une commotion lors d'un accident de voiture il y a quelques années, je me suis dit « À quoi bon? Je ne me rendrai pas à l'hôpital. Je vais simplement faire du vélo à l'occasion pour voir comment je vais, jusqu'à ce que j'aille bien, car les médecins ne feront rien de toute façon. »
Je présume que les choses ont changé.
Pouvez-vous m'expliquer brièvement comment les choses se passent quand quelqu'un se présente à l'hôpital pour consulter un médecin en raison d'une commotion? Quels genres de protocoles applique-t-on maintenant?
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C'est une excellente question. Dans le domaine du sport, les professionnels des soins de santé appliquent actuellement ce qui s'appelle le cinquième outil d'évaluation de la commotion dans le sport, ou SCAT5. Cet outil comprend un éventail de questions et de tests à passer avec les athlètes afin d'avoir une première impression et de déterminer s'ils ont une commotion ou non s'ils soupçonnent une blessure. Ils prennent ensuite les mesures qui s'imposent.
Si les gens ne sont pas des professionnels des soins de santé, ils peuvent utiliser ce qui s'appelle l'outil de détection de la commotion, qui comprend un protocole semblable. Une personne n'appartenant pas au domaine des soins de santé peut l'utiliser pour tenter de déceler une blessure soupçonnée et agir ensuite en conséquence.
Pour ce qui est de la gestion de la blessure proprement dite, vous reconnaîtrez probablement le concept du repos cognitif et physique complet, lequel constituait la pierre angulaire du traitement. Nous rompons toutefois avec cette pratique, car nous savons que le repos complet, particulièrement sur une période prolongée, peut être très problématique, car il accroît l'isolement et le mécontentement. Toutes sortes de problèmes de santé mentale pourraient ainsi se manifester. À cela s'ajoute un déconditionnement, particulièrement chez les athlètes habitués à faire beaucoup d'exercice, de mouvement et d'activité physique depuis longtemps.
La reprise de l'exercice plus tôt semble être une excellente idée, et bien des travaux sont réalisés à ce sujet. Dans le cadre de certains de mes propres travaux, je cherche à remettre les gens à l'exercice plus tôt au cours de leur période de rétablissement. Dans certains documents, il est même indiqué que plus tôt on reprend l'exercice aérobique, meilleurs seraient les résultats et plus court serait le temps de rétablissement.
On recourt à divers genres de gestion, de thérapies et d'interventions quand les symptômes persistent, par exemple. Certains symptômes vestibulaires ou oculaires peuvent persister du point de vue de l'équilibre, de la vision et de ce genre de chose. Des thérapies particulières sont mises au point pour ces symptômes, car quelques-uns pourraient se manifester chez certaines personnes, mais la situation peut varier d'un sujet à l'autre.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup de votre présence devant le Comité.
Je ne siège pas normalement au Comité, mais j'ai déjà une commotion cérébrale. J'aimerais vous raconter une petite histoire, parce que je crois que ce sont les gens comme moi qui sont le problème. Ma commotion cérébrale est survenue lorsque je suis tombé en vélo en me rendant au travail. J'avais l'habitude de me dire, avant mon accident de vélo, que bon nombre de ces athlètes professionnels exagéraient et de penser qu'ils ont reçu un coup et que c'est seulement un problème. C'était un bête accident. Je n'ai pas été frappé contre un mur. Je suis seulement tombé de mon vélo et je me suis cogné le menton sur le sol. J'ai été incapable de lire durant une semaine. Je n'arrivais tout simplement pas à me concentrer. C'était difficile. C'était terrible.
J'ai eu droit à une bonne dose d'humilité, mais j'ai aussi réalisé que ce sont les gens comme moi qui sont le problème, soit les personnes qui ne comprennent pas que c'est grave.
MM. Fisher et Richards ont aussi souligné qu'il arrive très souvent que les entraîneurs ou même les athlètes eux-mêmes ne reconnaissent peut-être pas ce qui se passe ou qu'ils en banalisent la gravité. Nous savons maintenant qu'il s'agit d'un traumatisme crânien.
Vous nous avez conseillé de collaborer avec les provinces et d'essayer de le faire aussi avec les établissements d'enseignement. J'ai l'impression que nous devons aller même un peu plus loin pour expliquer à l'ensemble de la population que ce ne sont pas toutes les blessures qui sont visibles. Il y a évidemment des choses que nous ne pouvons pas voir, mais qui ont de graves conséquences physiques et mentales.
Comment pouvons-nous y arriver? Que nous recommandez-vous de faire pour essayer de diffuser ces connaissances générales?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je remercie le Comité, en particulier M. Fisher, de m'avoir invité à témoigner devant le Comité.
Comme vous l'avez mentionné, ma fille Rowan est décédée en mai 2013 à la suite d'un coup qu'elle a reçu en jouant au rugby au sein de l'équipe de son école secondaire. Elle a encaissé un coup lors d'une partie le 8 mai, soit un mercredi. Elle a perdu conscience sur le terrain et elle a été transportée à l'hôpital pour enfants ici à Ottawa. En dépit de toutes les interventions que le personnel pouvait faire — c'est un établissement de calibre mondial, et nous savons qu'elle a reçu d'excellents soins —, elle a succombé à ses blessures le dimanche 12 mai.
Depuis, nous sommes très actifs en particulier en vue d'acquérir des connaissances au sujet des commotions cérébrales. J'aurais probablement pu écrire sur un papillon adhésif ce que je savais au sujet des commotions cérébrales avant que cela arrive à Rowan. Je suis considérablement mieux renseigné maintenant sur la question.
Environ deux ans après sa mort, soit en mai 2015, une enquête du coroner a eu lieu ici à Ottawa pour examiner les renseignements relativement à ce qui lui est arrivé avant d'être victime de la commotion qui lui a été fatale. Cette enquête a été demandée par le Dr Charles Tator, et je crois comprendre que Charles a déjà témoigné devant le Comité. À l'époque, je ne connaissais pas du tout le Dr Tator. J'ai vraiment appris depuis le rôle instrumental qu'il a joué dans tout cela. C'est un homme incroyable.
À la suite de cette enquête, le jury a formulé 49 recommandations, et je dois dire qu'il s'agissait de recommandations très judicieuses. Ce qui est malheureux avec les enquêtes, c'est que les autorités ne donnent pas nécessairement suite à ce qui en ressort. Je ne le savais pas à l'époque. Je croyais naïvement que nous avions 49 recommandations et que nous les mettrions en oeuvre. Ce n'est pas nécessairement le cas.
J'ai communiqué avec mon député provincial à l'époque et je lui ai demandé ce que nous pouvions faire pour mettre en oeuvre ces recommandations.
Un projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté à Queen's Park, et cette mesure était parrainée par un député de chacun des trois principaux partis. Le projet de loi a été adopté à l'unanimité à Queen's Park, et c'était la première loi sur les commotions cérébrales au Canada. Cependant, cette première mesure législative visait seulement à former un comité qui devait conseiller le gouvernement ontarien sur la meilleure manière de mettre en oeuvre ces 49 recommandations.
J'ai siégé à ce comité en compagnie de spécialistes. C'était tout un honneur de siéger à la même table que ces personnes, et un grand nombre de ces gens ont témoigné ici: Eric Lindros, Charles Tator, Paul Hunter, et j'en passe.
Un an plus tard, ce comité a publié son rapport sur la création de la Loi Rowan. C'est accessible en ligne. Ce rapport contenait 21 mesures pour le gouvernement de l'Ontario. La première était la création de la Loi Rowan, qui a été adoptée en mars de l'année dernière. En plus de l'adoption de cette loi, le comité proposait la création de la Journée de la Loi Rowan, qui a lieu chaque année le dernier mercredi de septembre en Ontario.
La première Journée de la Loi Rowan en Ontario a eu lieu le 26 septembre dernier. La participation du milieu de l'éducation, du milieu de la santé et du milieu sportif à l'occasion de cette journée a été exceptionnelle.
J'ai été encouragé d'entendre les témoins précédents parler de la création d'une semaine de sensibilisation. Je crois que ce serait formidable. Si cette idée se concrétise, je propose que le choix de la semaine coïncide avec la Journée de la Loi Rowan, qui est en vigueur en Ontario. Nous nous sommes justement assurés que la Journée de la Loi Rowan tombe un jour où rien d'autre n'est prévu.
En outre, c'est au début de l'année scolaire, si bien que les écoles, les équipes sportives, etc. ont l'occasion de lancer des discussions sur l'histoire de Rowan, les commotions cérébrales, les protocoles et tout le reste, pour que les enfants entament leur année scolaire et leurs activités sportives en gardant à l'esprit ces renseignements et ces connaissances de base, en fonction de leur âge, bien entendu. Il est impossible d'utiliser la même approche pour tout le monde. On ne peut pas enseigner à un élève de troisième année la même information qu'à un élève de neuvième année. Il faut que les connaissances de base soient adaptées.
Nous avons maintenant un groupe de travail qui a été établi en Ontario. J'ai eu, encore une fois, l'honneur d'être invité à siéger à ce groupe de travail, qui s'efforce actuellement d'aider le gouvernement à appliquer le reste des mesures de suivi qui n'ont pas encore été pleinement mises en oeuvre en Ontario.
J'ai été ravi d'apprendre que, la semaine dernière, le gouvernement de l'Ontario a lancé un appel aux observations sur les règlements, le code de conduite, etc., ce qui permettra de donner suite à certaines des mesures. Les gens ont jusqu'au 14 avril pour transmettre leurs observations sur ces aspects du projet de loi.
Au cours des six dernières années, j'ai appris d'autres choses dont vous avez sûrement déjà entendu parler, mais je vais les réitérer.
Il existe des lacunes dans le système de traitement ou le système de gestion au Canada pour les gens qui ont subi une commotion cérébrale et qui souffrent du syndrome post-commotion cérébrale. Ces lacunes finissent par être comblées, mais malheureusement, il ne s'agit pas nécessairement des bonnes solutions. J'ai entendu certains parler de l'émergence d'une industrie artisanale liée aux commotions cérébrales, où il suffit d'afficher une enseigne et de déclarer avoir une expertise en la matière. Lorsque les gens ne peuvent pas accéder aux soins primaires, secondaires ou tertiaires dont ils ont besoin, ils iront consulter n'importe quelle ressource qui est disponible, et ce n'est pas forcément une bonne chose.
Il faut absolument que les fournisseurs de soins de santé de première ligne, surtout les cliniciens et les médecins de famille, mettent à jour leurs connaissances sur les commotions cérébrales. Vous avez sans doute entendu dire que 70 à 80 % des commotions cérébrales seront généralement réglées à l'intérieur de — selon la personne à qui vous parlez — quatre à huit semaines.
Ce sont ces personnes qui doivent consulter leur médecin de premier recours, et les spécialistes en soins primaires doivent être en mesure d'effectuer un triage. Ils doivent ensuite avoir les connaissances nécessaires pour déterminer s'ils pourront soigner ces patients ou s'ils doivent plutôt les aiguiller vers d'autres services de soins. Cependant, si l'aiguillage s'avère nécessaire, il existe une énorme lacune au chapitre des installations appropriées où les patients peuvent aller ou des cliniques multidisciplinaires où ils peuvent être traités.
Au cours des six dernières années, j'ai également appris que chaque commotion cérébrale est unique. Il y a une myriade de problèmes et de combinaisons. On parle d'une constellation de problèmes. Vous n'avez pas nécessairement un ou deux symptômes; vous en avez six ou sept. Vous pourriez ne présenter qu'un symptôme ou deux, mais ils devront tous, tôt ou tard, être traités.
Cela dit, nous avons déjà d'excellents exemples de ce genre d'installations au Canada, comme Concussion North, à Barrie, sous la direction de la Dre Shannon Bauman. C'est une excellente installation. Je crois d'ailleurs que la Dre Bauman a déjà témoigné devant vous. Il y a aussi le Dr Michael Ellis, de la Pan Am Clinic, à Winnipeg. Il y a des spécialistes à Calgary. On trouve des cliniques à Toronto et à Montréal, à McGill, ainsi qu'à Laval.
Il existe donc des exemples, mais nous devons les reproduire. Les gens doivent être en mesure d'y avoir accès lorsqu'ils en ont besoin, au-delà des soins primaires. Ici, à Ottawa, nous avons une clinique au CHEO, dirigée par le Dr Goulet. Il a désespérément besoin d'élargir sa capacité. Pour ce faire, il a besoin de soutien financier. Il fait de son mieux pour les enfants, mais ce n'est pas assez. Il n'a pas... Le problème de capacité dans l'ensemble du Canada est un autre aspect dont il faut s'occuper.
Je pense que je vais m'arrêter là pour l'instant. Je serai heureux de répondre à vos questions sur ce qui a été dit.
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Eh bien, d'après mon expérience de travail au sein du gouvernement fédéral, notamment 12 ans auprès du ministère de la Santé, je sais que le domaine de la santé soulève des questions de compétence. Cela dit, je crois sincèrement que le gouvernement fédéral, en sa qualité de principal bailleur de fonds, peut exercer une influence sur ce qui se passe à l'échelon provincial.
Nous avons maintenant la Loi Rowan en Ontario. Au cours des prochaines années, toutes les mesures de suivi seront mises en oeuvre, entre autres pour combler les lacunes en matière d'éducation dans le domaine médical. C'était d'ailleurs l'une des recommandations: veiller à ce que les professionnels de la santé aient une formation à jour, laquelle devrait faire partie des programmes d'études dans les écoles de médecine. Ce serait particulièrement le cas en Ontario, mais je crois qu'il faut appliquer cette initiative à l'ensemble du pays, en plus d'offrir plus de formation en la matière, surtout aux urgentologues, aux médecins de famille et aux cliniciens — bref, aux intervenants de première ligne, c'est-à-dire ceux qui sont les premiers à traiter les enfants et les autres patients.
À mon avis, la Loi Rowan propose un modèle qui peut être reproduit partout au Canada, dans chaque province. Nous avons vécu une tragédie. Une enquête a été menée, et des recommandations ont été formulées. Pendant un an, des experts se sont réunis pour parler des meilleures façons de s'y prendre. Des mesures de suivi ont été présentées. Aujourd'hui, nous avons un gouvernement qui s'emploie à mettre en oeuvre toutes ces mesures de suivi.
Il n'est pas nécessaire d'adopter une approche universelle, comme les témoins précédents l'ont dit, mais je pense que nous avons un modèle. Le gros du travail a déjà été fait. Selon moi, il devrait être relativement facile de le reproduire, en tenant compte, bien entendu, des circonstances uniques de chaque administration. Cela se comprend, mais je pense que la feuille de route est établie, comme c'est le cas pour bon nombre des cliniques multidisciplinaires qui doivent être reproduites dans tout le système afin d'améliorer l'accès.
Le modèle est là, dans la Loi Rowan. Je travaille maintenant à encourager les autres provinces et administrations à adopter quelque chose de similaire, qu'il s'agisse d'une loi, d'une politique ou d'un règlement. Peu m'importe la forme que prendra une telle mesure, pourvu qu'elle incarne le même esprit et la même force. Je crois que le gouvernement fédéral peut jouer un rôle pour encourager l'adoption de ce genre de mesure partout au pays.
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Ce n'est pas la première fois qu'on me pose cette question.
Le médecin spécialiste qui a participé à l'enquête sur le décès de Rowan était le Dr Charles Tator. Une de ses conclusions — celle qui m'interpelle et qui me motive tous les jours — était la suivante: « La mort de Rowan Stringer aurait pu être évitée. »
En rétrospective, il y a eu plusieurs signes durant la période du 3 au 8 mai, lorsqu'elle a subi trois coups à la tête, et des interventions auraient pu être faites à ce moment-là si les gens avaient été mieux informés ou s'ils avaient pu reconnaître ou voir ce qui s'était passé. Elle a encaissé un coup lors d'un match le vendredi après-midi. Ma femme et ma fille y étaient présentes. Il s'agissait d'un tournoi. Or, elles n'ont pas vu l'incident parce qu'elles étaient parties au Tim Hortons — comme le font les Canadiens — et, à leur retour, Rowan avait été retirée du jeu. Elles n'en avaient rien pensé. C'était le dernier match du tournoi. Rowan avait joué toute la journée. Personne ne leur a dit quoi que ce soit. Rowan n'a rien dit sur la raison pour laquelle elle avait été retirée du jeu. À cet instant précis, quelqu'un aurait pu dire quelque chose, mais personne ne l'a fait.
Le lendemain, Rowan avait un mal de tête. Cela lui arrivait souvent. Ce n'était donc pas quelque chose d'inhabituel. Elle a pris des médicaments — Advil, ou peu importe. Le jour suivant, elle allait bien. Le dimanche, tout était parfait. Elle était revenue à son état normal; elle se sentait bien. La possibilité d'une commotion cérébrale ne nous avait même pas traversé l'esprit.
Elle a joué un autre match le lundi avec l'école. Apparemment, elle a alors reçu un coup de genou à la tête. Encore une fois, les entraîneurs ne nous ont rien dit. Rowan ne nous a rien dit non plus. Nous n'étions pas sur place. Lorsqu'elle est rentrée à la maison, elle avait un énorme bleu sur le mollet. Bien entendu, une commotion cérébrale est invisible aux yeux de tous. Nous avons plutôt mis l'accent sur l'ecchymose mauve sur sa jambe. Nous lui disions: « Eh bien, tu sais, tu devrais soigner cette blessure. » Voilà le genre de choses que je lui disais. Il n'y a eu aucune mention de coup à la tête. Personne n'a rien dit.
Le mardi, elle est allée passer son examen de conduite. Elle a échoué, ce qui m'a vraiment surpris. Elle était une très bonne conductrice. J'étais persuadé qu'elle allait réussir l'examen avec brio, sans aucune difficulté, mais elle l'a raté. C'était un peu consternant, mais il arrive que des jeunes ratent leur examen de conduite. Cela n'a rien d'inhabituel. C'était une situation fâcheuse pour Rowan, mais rien ne nous a mis la puce à l'oreille, étant donné le peu de connaissances que nous avions à l'époque.
Ce qui est intéressant, c'est que l'évaluateur de son examen de conduite a été convoqué à témoigner dans le cadre de l'enquête. Il a dû se reporter au dossier pour présenter les résultats de Rowan, et il a affirmé que s'il avait vu ces résultats aujourd'hui, sans connaître l'identité de la personne, il se serait dit — en s'appuyant sur ses nombreuses années d'expérience — que c'était probablement une personne âgée qui essayait de conserver son permis. Il y avait eu des erreurs de jugement caractéristiques d'une personne incapable de faire preuve de discernement et de prendre de bonnes décisions par rapport à la distance, aux repères visuels, etc. C'était, en soi, très révélateur.
Rowan avait envoyé des messages textes à ses amies leur disant qu'elle avait peut-être subi une commotion cérébrale ou leur demandant si c'était effectivement le cas. Elle ne le savait pas. Personne ne le savait. Une de ses amies lui a répondu qu'elle avait elle-même subi des commissions cérébrales et que lorsque cela arrive, on le sait d'emblée — il n'y a aucun doute là-dessus. Eh bien, Rowan ne le savait pas. Elle n'en était pas sûre. D'autres amies lui ont dit de jouer le prochain match et que si son état ne s'améliorait toujours pas, elle devrait alors peut-être consulter quelqu'un.
Le volet éducation vise tout le monde — enfants, amis, entraîneurs, et j'en passe —, l'objectif étant de fournir davantage de renseignements et d'améliorer la capacité de reconnaître les signes. Il s'agit d'en parler à quelqu'un et de dire qu'une personne a reçu un coup à la tête afin qu'on puisse l'examiner ou la retirer du jeu pour telle ou telle raison — peu importe.
En y repensant avec un peu de recul et les idées claires, il y a eu beaucoup d'occasions d'intervenir. Une chose qui s'est produite pendant son dernier match, c'est que le plaquage qu'elle a subi était illégal. C'était un plaquage en fronde. Rowan portait le ballon. Elle a été attrapée par son maillot et projetée par tournoiement, ce qui n'est pas permis selon les règles du jeu. La fille qui a fait le plaquage avait fait la même chose à une autre joueuse plus tôt dans la partie. L'arbitre s'est contenté de lui donner un avertissement. Elle aurait dû recevoir une pénalité ou, possiblement, être expulsée du match. Il y a des règlements et vous devez les appliquer. Selon ces règlements et ces lois, elle aurait dû être pénalisée. Si elle l'avait été, si elle avait été retirée du jeu, il y a de fortes chances que Rowan n'aurait pas reçu ce plaquage que la fille avait donné à une autre joueuse, ce plaquage qui a provoqué sa mort.
Avec le recul, on s'aperçoit qu'il y a toutes sortes d'aspects où nous aurions pu intervenir. Cela ne dépend pas seulement des autres, mais de nous aussi. Nous y repensons sans arrêt et nous nous disons qu'il y a eu tellement d'autres fois...
Excusez-moi.
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Si nous avions su, nous aurions pu faire quelque chose.
Le mercredi matin, lorsque je l'ai déposée à l'école, mes derniers mots à Rowan ont été... Rappelez-vous que nous étions toujours concentrés sur le genou. J'ai dit: « Tu sais, tu devrais peut-être penser à ne pas jouer aujourd'hui. Ton genou n'a pas l'air très bien. » J'ai eu la réponse typique: « Oh allez, papa, j'ai joué avec des blessures à l'épaule. Je me sens bien, et mon genou ira bien » et tout ça.
Il y aurait eu beaucoup d'occasions d'intervenir. Si les gens avaient eu les connaissances, le jugement et l'éducation nécessaires, le dénouement aurait certainement pu être différent. L'enquête a débouché sur un grand nombre de recommandations à ce sujet. La Loi Rowan a retenu bon nombre d'entre elles, en particulier en ce qui concerne l'éducation, la sensibilisation et la prévention.
Il doit y avoir un changement culturel. Ce que j'ai appris au cours des six dernières années, c'est qu'il ne faut pas compter sur les sphères du sport professionnel pour qu'elles ouvrent la voie, ce qui est dommage. Le rugby a fait un assez bon travail auprès des joueurs, et Rugby Canada en particulier. Paul Hunter et les gens de Rugby Canada ont fait un travail extraordinaire depuis ce qui est arrivé à Rowan, mais ils n'ont pas fini. Ils cherchent constamment à s'améliorer.
Je ne peux pas dire la même chose de beaucoup d'autres sports. Je pense qu'ils font de petits pas dans la bonne direction, et j'espère que la Loi Rowan de l'Ontario les incitera à faire de plus grands pas, mais il faut vraiment que ce soit un changement culturel qui vienne de la base. C'est la raison pour laquelle je souhaite si ardemment que ces considérations soient intégrées au système d'éducation, aux sports communautaires.
Ce sont les enfants qui, avec le temps, vont concrétiser ce changement. Ils vont passer par un système qui leur dira qu'il est important de prendre soin de son cerveau, que ce sont des choses qu'il faut surveiller — pour soi-même, pour ses coéquipiers, pour sa famille et pour ses amis — et qu'il faut se faire entendre si l'on voit quelque chose se produire.
C'est comme cela que des choses comme le recyclage ont pris forme. Ce sont les enfants qui rentraient à la maison et qui disaient: « Pourquoi mets-tu cela à la poubelle? Mets-le plutôt avec le recyclage. »
Ce sont eux qui vont mener la charge, mais c'est un enjeu de longue haleine. À court terme, nous devons éduquer tout le monde. Comme nous l'avons dit au comité consultatif, il faut vraiment un village dans ce cas-ci. Tout le monde doit embarquer: les parents, les administrateurs, les arbitres, les instructeurs, les entraîneurs, les athlètes et les amis. Tout le monde doit être d'accord, participer activement et accepter de voir les choses en face.
On ne peut pas compter sur l'athlète qui a une blessure au cerveau pour dire qu'il a un problème. Comme nous l'avons vu dans l'affaire Rowan, son jugement n'est pas nécessairement juste. Il n'aura peut-être pas toutes les facultés nécessaires pour prendre une décision de lui-même. Il lui faut quelqu'un d'autre pour parler en son nom.
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Je pense que les mesures qui ont été prises, particulièrement le travail fédéral-provincial-territorial sur les commotions cérébrales, constituent un très bon premier pas. Solliciter la participation de tous ces organismes nationaux de sport — les ONS — à tout cela et faire en sorte qu'ils s'entendent sur quelque chose... Il faut que ça arrive. Ils doivent en être les moteurs. Ce qui me préoccupe, c'est ce qui se passera après et avec quelle efficacité et quelle efficience cela va se faire. Ce que j'ai remarqué en Ontario, du moins à mon avis, c'est que les organismes provinciaux de sport semblent avoir un meilleur mécanisme pour faire passer les choses au niveau communautaire. S'en remettre aux organismes nationaux de sport n'est peut-être pas le meilleur choix pour l'instant, mais il est certain qu'ils devront s'y rallier. À tout le moins, je crois qu'ils doivent surveiller ce que font leurs organismes provinciaux et veiller à ce qu'ils relaient les messages.
Pour ce qui est du rôle du gouvernement fédéral, étant donné les divisions administratives que l'on connaît, je suis convaincu que le fait d'avoir quelque chose dans chaque province et territoire est sans doute la meilleure façon de procéder. Il serait probablement bon que le gouvernement fédéral nous donne un point de vue très global — un portrait pris à 30 000 pieds de hauteur — sur les choses qu'il aimerait voir se produire et qu'il préconise. Je pense néanmoins que nous en aurons plus pour notre argent si chaque province et territoire adopte une loi semblable à celle de la Loi Rowan, ou quelque chose du genre, et ce, quelle que soit la façon dont chacun voudra la mettre en oeuvre sur son territoire.
Je vois un rôle pour le gouvernement fédéral. Il pourrait, par exemple, diffuser des messages d'intérêt public. Si vous organisez une semaine pour sensibiliser les gens au sport ou si vous faites la promotion du sport, arrangez-vous pour que cet aspect fasse partie de votre message; que cela fasse partie de vos campagnes de promotion de la santé; qu'il y ait un portail fédéral où les gens auront accès aux meilleurs renseignements à cet égard, aux renseignements les plus pertinents. Je pense qu'il faut vraiment que le gouvernement fédéral appuie la recherche. Nous sommes chanceux que le Dr Michael Strong de l'Université Western soit maintenant aux Instituts de recherche en santé du Canada. Il a été un défenseur acharné et très important du travail effectué dans le domaine des commotions cérébrales. J'espère qu'il continuera de l'être dans son rôle là-bas et que nous verrons une augmentation du financement dans ce domaine ou un financement mieux ciblé.
Pour ce qui est de la recherche sur les commotions cérébrales, le Canada ne donne pas sa place. Toutes proportions gardées, nous nous démarquons à l'échelle mondiale. Nous avons des gens incroyables qui travaillent ici, à Calgary, dans l'Ouest, à Toronto, à McGill, à Laval, etc. C'est incroyable ce que le Canada fait dans ce domaine. Si vous regardez la participation et la composition des comités qui ont pris part à la conférence de consensus de Berlin, vous verrez que le Canada est bien au-delà de ce qu'on pourrait attendre d'un pays de notre taille, du moins du point de vue démographique. Ces gens font un travail incroyable et ils doivent être soutenus.
Ce qui est révélateur, c'est que la Ligue nationale de football a récemment accordé une énorme subvention aux gens de Calgary pour travailler là-dessus. Le fait que Calgary ait obtenu la deuxième plus importante subvention de la ligue en dit long sur la qualité du travail qui se fait ici, au Canada. Il faudrait vraiment que ces travaux soient appuyés, parce qu'il y a tellement de questions sans réponse. Nous avons là une occasion de devenir des chefs de file dans ce domaine. Nous sommes des chefs de file dans bien des domaines maintenant, et nous pouvons continuer de l'être.