FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS
COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 24 novembre 1999
Le président (M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Nous sommes un peu à court de membres, mais cela est inscrit au compte rendu. Nos collègues vont arriver bientôt.
M. Mark Muise (West Nova, PC): Monsieur le président, je crois qu'il faut plutôt dire que nous avons un déficit.
Le président: Mais non, je voulais dire que nous ne sommes pas nombreux, c'est tout.
Allez-y, Chris. Soyez le bienvenu.
M. Chris Milley (codirecteur exécutif, Mi'kmaq Fish and Wildlife Commission): Je vais d'abord vous demander de bien vouloir excuser ma voix, je suis un peu enrhumé et je compte sur votre indulgence.
J'aimerais lire ma déclaration, si vous me le permettez.
Je vous remercie de nous avoir invités à discuter avec vous aujourd'hui.
La Mi'kmaq Fish and Wildlife Commission a été créée pour assumer une partie de la responsabilité de gestion des ressources naturelles qui découle des droits ancestraux et issus de traités des Micmacs en Nouvelle-Écosse. Toutefois, comme vous le savez très certainement, les Micmacs n'ont pas pu exercer leur droit de pêche pendant de nombreuses années. La décision Marshall a donc été extrêmement bien accueillie puisqu'elle est considérée comme une mesure menant à une plus grande indépendance à l'égard des programmes sociaux du gouvernement, un premier pas nécessaire sur la voie de l'autonomie gouvernementale. Il faut que les Micmacs participent à tous les aspects des pêches, y compris la pêche d'espèces comestibles, la pêche à temps plein, la pêche à temps partiel et la pêche en bateau de louage.
Les collectivités micmaques ont d'abord dû se demander comment faire participer leurs pêcheurs à court terme. Malgré les rumeurs et les déclarations erronées des médias, il y a en réalité très peu de pêcheurs micmacs qui participent actuellement à la récolte commerciale. Il n'est pas compliqué d'intégrer les pêcheurs à l'industrie. Les rachats du MPO et le retrait de quelques permis devraient suffire, et dans certains cas, par exemple dans le cas des nouvelles espèces, il faudra peut-être prévoir un accès prioritaire.
D'autres options peuvent aussi être envisagées. Pour la pêche au homard dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, par exemple, les pêcheurs ont déclaré qu'ils étaient prêts à réduire de 25 pièges le maximum individuel autorisé, pour permettre à de nouveaux pêcheurs micmacs de s'intégrer à ce secteur. Cela donnerait du travail à 64 pêcheurs micmacs sans déplacer qui que ce soit.
Ces options répondraient aux besoins immédiats des collectivités micmaques de la région. Des solutions à long terme devront toutefois être définies dans le cadre d'un dialogue. Quoi qu'il en soit, une participation accrue des Autochtones dans le secteur de la pêche commerciale, suite à la décision Marshall, ne créera pas nécessairement de difficultés indues aux collectivités non autochtones.
Dans l'immédiat, les collectivités micmaques doivent en outre renforcer leurs structures de gestion des pêches. Depuis sa création, la MFWC manque de ressources financières pour mettre en oeuvre des activités de gestion comme la surveillance, l'application des règles, la protection de l'habitat, la recherche et la planification au niveau communautaire.
Malgré l'insuffisance du soutien fédéral, le développement constant de la MFWC et les autres initiatives de gestion des pêches des Micmacs témoignent de l'engagement des dirigeants micmacs en ce qui concerne la gestion des activités de leurs pêcheurs.
À court terme, un financement du MPO sera nécessaire pour établir et mettre pleinement en oeuvre un système micmac de gestion des pêches. Toutefois, à long terme, les coûts de gestion devraient être supportés par le secteur primaire.
Ce système s'appuiera sur les principes de la gestion mixte, par deux nations. En outre, pour assurer l'efficacité de la gestion, les Micmacs veulent adopter une approche ascendante en matière de décisions de gestion. Aujourd'hui, de nombreuses collectivités micmaques s'organisent pour que les comités d'exploitants pêcheurs participent activement à la cogestion des ressources, avec leur gouvernement.
Ce système pourrait entraîner un changement bénéfique dans la gestion des pêches au Canada Atlantique. Un système de cogestion auquel participent les exploitants pêcheurs micmacs et le gouvernement micmac peut être un excellent modèle de changement, mais il faudra modifier la Loi sur les pêches pour que le secteur des pêches non autochtones puisse profiter des avantages que devrait produire le système de gestion micmac, grâce à la gestion mixte assurée par les Micmacs et le gouvernement du Canada.
Le MPO est, du fait de la loi, une vaste bureaucratie dont le seul objectif est l'application d'un système de gestion descendant. Toutes les données, à l'étranger et sur le plan historique, confirment que les systèmes de gestion descendante ne protègent pas plus efficacement les collectivités côtières et les ressources halieutiques, à l'intention des générations à venir. Pourtant, le gouvernement continue d'exercer un contrôle de ce type. Depuis la décision Marshall, rien n'est venu prouver que l'organisation était en mesure d'intégrer un système ascendant de gestion des pêches comme celui qu'envisagent les Micmacs.
Les efforts récents de coopération entre les collectivités micmaques et les organisations de pêcheurs non autochtones ont été le fruit de discussions sur la participation mutuelle aux activités de gestion communautaires, notamment des projets mixtes de recherche et de surveillance. Une approche ascendante reposant sur une coopération soutenue au niveau communautaire donnera une meilleure compréhension des pêches, ce qui permettra d'élaborer des plans de gestion plus adaptés.
Le MPO a créé un système qui fait de la pêche une activité spécialisée. On semble accorder peu d'attention aux avantages de la récolte d'espèces diverses et de la gestion intégrée. Le ministère parle de gestion intégrée, mais il n'agit pas beaucoup en ce sens. Cette question est au coeur même des priorités micmaques de gestion des ressources.
Les exploitants pêcheurs micmacs sont, par tradition, le noyau d'un système de gestion intégrée de la ressource. Un pêcheur peut tirer une partie de son revenu de la pêche et une autre partie de la récolte d'autres ressources. Par conséquent, les exploitants micmacs peuvent mesurer directement l'incidence d'une mauvaise gestion sur l'un ou l'autre secteur et ils en ressentent personnellement les effets. En outre, pour promouvoir la gestion intégrée des ressources, l'utilisation d'une stratégie de récolte générale donne aussi une sécurité économique accrue aux familles et aux collectivités.
Une activité peut décliner en raison de l'épuisement des stocks ou de l'évolution des marchés mondiaux, mais si une famille peut compter sur d'autres ressources pour prendre le relais, elle évite une diminution marquée de son revenu familial.
Depuis septembre, nous nous sommes efforcés d'établir des objectifs stratégiques en matière de pêche, des plans de gestion s'appliquant aux récoltes locales et des stratégies de développement à long terme qui ne menaceront pas la ressource ni les rapports des Micmacs avec les collectivités voisines, non autochtones. La politique est toujours à l'état de projet, mais elle définit des objectifs prioritaires en matière de pêche pour la Nation micmaque, y compris l'autonomie gouvernementale, l'optimisation des emplois et la prestation d'un soutien à d'autres programmes sociaux et à l'infrastructure.
• 1315
Malheureusement, la loi actuelle et le mode de fonctionnement
du ministère des Pêches et des Océans font obstacle aux efforts de
gestion des pêches des Micmacs. Nous n'affirmons pas que les
fonctionnaires du ministère ont créé des obstacles, mais plutôt que
le système dans lequel ces employés travaillent se prête mal à un
changement efficace.
Si la décision Marshall soulève parfois la crainte et les soupçons, nombre de personnes y voient maintenant une occasion d'améliorer la gestion des pêches aux niveaux local et régional ainsi que dans tout le Canada Atlantique. Pour profiter de cette occasion, il faudra favoriser, par la coopération, la confiance entre les Micmacs et les collectivités non autochtones et un changement législatif qui permettra d'établir un système de gestion mixte.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Milley.
Qui veut prendre la parole en premier? Mark?
M. Mark Muise: Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Milley, de cet exposé.
Ce matin, M. Hunka, du Native Council of Nova Scotia, nous a dit que le Conseil avait élaboré un plan de gestion pour ses membres afin de les intégrer au secteur des pêches de façon à protéger la biomasse et sans déplacer qui que ce soit du secteur des pêches. Selon lui, nous devrions travailler dans l'esprit des traités d'autrefois—paix, amitié, etc. Je lui ai fait remarquer qu'hier, un de nos témoins avait affirmé que les prises de homard dans la baie St. Mary's s'élevaient à environ un million de livres l'été dernier. Je sais qu'il s'agit de pêche de subsistance, mais d'après nos témoins d'hier, cette activité est sans doute la plus importante de l'économie parallèle. Je viens de l'expliquer. J'ai dit que d'une part vous affirmez vouloir protéger la biomasse et n'enlever d'emploi à personne, mais en réalité, vous ne préservez pas la biomasse et, indirectement, tout le monde sera déplacé si les pêches périclitent, car tous les homards vont là-bas pour muer, s'accoupler, pondre leurs oeufs, etc.
Il m'a répondu que la décision Marshall réglerait le problème parce que la pêche des espèces comestibles ne correspondrait plus à la pêche commerciale; la pêche commerciale serait un secteur d'activité et la pêche d'espèces comestibles serait uniquement une pêche de subsistance. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de tout cela.
M. Chris Milley: De fait, je crois qu'il vaudrait mieux vous répondre en vous communiquant l'opinion de certains pêcheurs.
Par le passé, la population utilisait toutes les ressources dont elle disposait pour se livrer à la pêche et l'occasion se présentait dans la pêche d'espèces comestibles. La décision Marshall a tout changé. Oui, je suis d'accord. Bien des gens considèrent maintenant qu'ils participent à une activité commerciale officielle et légitime, et cette nouvelle liberté modifie leur désir de se livrer à d'autres activités.
Lors d'une rencontre récente dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, les exploitants pêcheurs ont affirmé qu'ils devaient eux-mêmes veiller à ce que des contrôles stricts soient en place dans le secteur de la pêche d'espèces comestibles, pour ne pas se faire concurrence à eux-mêmes. Si des membres de la collectivité compilent un règlement s'appliquant à leur propre pêche commerciale, ils veilleront à ce qu'il ne comporte pas de lacunes.
M. Mark Muise: Un des commentaires que nous avons entendus—et si je me souviens bien, tous les pêcheurs auxquels j'ai parlé l'ont mentionné—c'est que les pêcheurs ne s'opposent pas à l'intégration des Autochtones dans le secteur des pêches, mais il faut qu'il y ait une saison, un régime de gestion, un organe d'application de la loi pour tous, afin que le système fonctionne bien. Nous avons des lignes directrices, des règles en matière de conservation, tout cela a sa raison d'être. La baie St. Mary's, par exemple, est fermée pendant l'été parce que les homards y viennent y vaquer à leurs occupations de homard. Si vous ne respectez pas cela, vous détruisez bel et bien ce que nous voulons tous conserver dans nos collectivités et tous les avantages économiques qui en découlent.
Pourriez-vous me dire ce que vous pensez de cela, de la saison de pêche uniforme pour tous?
M. Chris Milley: Premièrement, nous nous efforçons de veiller à ce que les pêcheurs participent aux processus décisionnels en matière de gestion. Nos gens doivent s'initier à cet aspect.
Il se peut, et c'est même probable, qu'il y ait, comme nous l'avons dit, une saison «commune» plutôt qu'une saison «unique». Pendant cette saison commune, les deux nations pêcheront en même temps. Mais chaque nation peut prendre des décisions au sujet de la période pendant laquelle ses membres peuvent pêcher. Plutôt que de dire Très bien, voici la saison et la raison pour laquelle nous l'avons décrétée, il vous faut l'accepter, un point c'est tout, nous devrions permettre aux pêcheurs d'examiner la situation et d'apprendre pourquoi il faut s'en tenir à une saison, pourquoi cette règle a été adoptée. La plupart des saisons de pêche commerciale correspondent à la période où le poisson est abondant, mais dans le cas du homard, la question est plus complexe. Il ne s'agit pas uniquement de disponibilité, et il faut examiner le problème avec soin.
Le président: Une dernière question, Mark.
M. Mark Muise: M. Hubert Saulnier a fait une remarque intéressante ce matin. Admettons que je connais le homard et que je sais pourquoi il ne faut pas le pêcher en été. Si on m'autorise à chasser le chevreuil et que je m'enfonce dans la forêt en juillet et en août pour chasser le chevreuil, un Autochtone viendra peut-être me dire que je ne devrais pas chasser à cette époque. Pourquoi? Parce que les femelles portent des faons. Si vous les tuez en cette saison vous n'aurez pas tué un seul chevreuil mais bien trois.
Je crois que c'est par la consultation...
M. Chris Milley: Je suis d'accord et je pense que la plupart des gens seraient d'accord avec vous.
M. Mark Muise: Très bien.
M. Chris Milley: Mais pour répondre à votre question, les collectivités de la baie St. Mary's, celles qui pêchent dans la baie, dans la rivière Bear et dans le secteur Acadia, ont annoncé publiquement qu'elles avaient l'intention de commencer la saison de pêche commerciale la semaine prochaine.
M. Mark Muise: C'est exact.
M. Chris Milley: Nous travaillons très fort pour débuter cette saison.
M. Mark Muise: Je comprends.
Le président: Merci.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Merci, monsieur le président.
Dans votre exposé, vous signalez que les Micmacs n'ont pas réussi à pratiquer la pêche pendant de nombreuses années. Avant 1968, comme vous le savez, les permis étaient offerts à tous pour la somme de 25 $. Dans quelle mesure les Micmacs participaient-ils à cette activité à l'époque et pourquoi n'ont-ils pas continué?
M. Chris Milley: Je connais mal les raisons, mais d'après ce que j'ai entendu dire par des personnes qui se livraient à cette activité autrefois, je peux vous affirmer que les politiques écartaient les Micmacs non seulement de la pêche mais aussi de la plupart des industries basées sur les ressources naturelles. C'est une question d'aptitude économique, d'accès au capital, de compréhension des règles quand votre langue maternelle n'est pas l'anglais, comme c'est le cas pour la plupart des nôtres. C'est en raison d'une conception différente de l'intérêt économique de certaines activités comme la pêche ou l'exploitation forestière. Les choses ont beaucoup changé depuis cette époque.
M. John Cummins: Vous parlez d'intégrer les pêcheurs micmacs grâce aux rachats du MPO, au retrait de certains permis et à un accès prioritaire aux espèces nouvelles.
Vous avez donné cet exemple dans votre mémoire:
-
D'autres options peuvent aussi être envisagées. Pour la pêche au
homard dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, par exemple, les
pêcheurs ont déclaré qu'ils étaient prêts à réduire de 25 pièges le
maximum individuel autorisé, pour permettre à de nouveaux pêcheurs
micmacs de s'intégrer à ce secteur. Cela donnerait du travail à 64
pêcheurs micmacs sans déplacer qui que ce soit. Ces options
répondraient aux besoins immédiats des collectivités micmaques de
la région. Des solutions à long terme devront toutefois être
définies dans le cadre d'un dialogue.
Quelle serait l'importance de cette participation à votre avis?
M. Chris Milley: De nombreux facteurs entrent en ligne de compte. Premièrement, et tout est relatif, sur le plan démographique, nous ne pensons pas qu'un grand nombre de personnes envahiront le secteur des pêches. On ne peut pas supposer que tous les Micmacs en âge de lever un piège, hommes et femmes, veulent vivre de la pêche au homard. On semble généralement croire que les 10 000 Micmacs de la Nouvelle-Écosse ont l'intention de pratiquer la pêche. C'est un peu comme si je disais que tous les habitants de Halifax veulent être pêcheurs. C'est insensé.
Les 64 permis seraient plus que suffisants pour répondre aux besoins de la population de la région. De fait, c'est probablement la raison pour laquelle la chose ne s'est pas encore réalisée. Le projet a été discuté lors de notre réunion, et c'est une idée qui a été proposée. Même si rien n'est encore enclenché, tous les participants ont jugé qu'il s'agissait d'une excellente idée.
• 1325
Il y a donc encore bien des possibilités de ce genre qu'il
faut explorer afin de faire place à un plus grand nombre de
personnes. Nous ne vous présentons pas un fait accompli mais une
option. Il est possible d'intégrer plus de pêcheurs dans le secteur
des pêches, sans perte d'emplois, sans difficultés.
M. John Cummins: Il me semble que l'important, ce n'est pas tant le fait que tous ne voudront pas se livrer à la pêche, mais bien que le tribunal a déclaré qu'il s'agissait d'un droit collectif. La question porte plutôt sur le fait que la pêche assure une subsistance convenable à la collectivité et non pas aux particuliers. Je pense que l'on peut s'inquiéter un peu de cet aspect.
M. Chris Milley: De fait, la précision qui a été fournie récemment reflète à mon avis exactement ce que les chefs ont toujours dit, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un droit collectif, un droit communautaire exercé par les particuliers.
M. John Cummins: En effet.
Vous parlez de l'insuffisance des ressources financières pour mettre en oeuvre des activités de gestion comme la surveillance, l'application du règlement, la protection de l'habitat, la recherche et la planification communautaire. Vous affirmez aussi que malgré l'insuffisance de l'aide fédérale, vous avez réussi à obtenir des résultats en ce sens. Vous poursuivez en disant «À court terme, un financement du MPO sera nécessaire pour établir et mettre pleinement en oeuvre un système micmac de gestion des pêches...».
Il y a actuellement pénurie de fonds de fonctionnement au MPO. Il y a eu des compressions dans le secteur scientifique et, sur la côte Ouest, dans les écloseries. Toutes sortes de compressions ont été imposées au MPO. Je crois que bien des gens se demandent s'il est sage que le MPO finance un tel système de gestion parallèle et si c'est bien une façon efficace ou nécessaire de régler le problème que nous constatons tous dans ce secteur.
M. Chris Milley: Vous voulez une réponse courte? Oui.
En outre, il ne s'agit pas d'un système de gestion parallèle, mais d'un système de gestion plus efficace. Le MPO peut s'appuyer sur une bonne partie des organisations et des structures actuelles, au sein des collectivités micmaques et des collectivités non autochtones. Je songe entre autres à la Fishermen and Scientists Research Society, qui a été créée sur la côte Est. Il devient de plus en plus rentable de recueillir des données de recherche par l'entremise des exploitants pêcheurs, de faire participer ces pêcheurs à la surveillance et à la recherche. Vous obtenez ainsi des données de meilleure qualité, ce qui réduit pour le MPO la nécessité de mener des activités de collecte de données.
Je pense donc que nous parlons là de gestion mixte, quand les deux nations travaillent de concert. La population n'a guère confiance dans la capacité du gouvernement, non seulement au Canada mais partout dans le monde, à mon avis, quand il s'agit de gérer les ressources de la pêche. Il faut y faire participer la population. C'est ce dont nous parlons.
M. John Cummins: Je suis tout à fait d'accord. Je pense que tout le problème est là. Trop souvent, on se contente de tenir des réunions entre les pêcheurs et le ministère...
M. Chris Milley: Nous ne parlons pas seulement de réunions.
M. John Cummins: Je veux dire dans le cadre du système de gestion.
La décision du tribunal a mis en lumière le fait que le ministre assume la responsabilité finale de la protection de la ressource. Cela demeure de sa responsabilité. À cette fin, évidemment, il lui faut une base scientifique, et j'imagine que cela signifie des ressources ministérielles.
Je crois toutefois que vous parlez du gouvernement du Canada qui financerait un système de gestion parallèle. Je ne vois pas de quelle façon vous pourriez faire autrement.
M. Chris Milley: Je ne conçois pas la cogestion comme un système parallèle.
M. John Cummins: Eh bien, c'est l'un ou l'autre et alors...
M. Chris Milley: À mon avis, il s'agit de mettre en place un système où la responsabilité est assumée, parce que la responsabilité ne me paraît pas assumée aujourd'hui, et je pense qu'un grand nombre de pêcheurs du Canada Atlantique partagent cette opinion.
Le président: Écoutons maintenant monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président, merci, monsieur Milley, de cet exposé.
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Vous avez dit que certains pêcheurs non autochtones seraient
prêts à céder environ 25 de leurs pièges pour permettre à des
pêcheurs micmacs de s'intégrer au secteur, mais que vous
intégreriez 64 pêcheurs micmacs sans déplacer qui que ce soit. Si
la saison commence en avril, combien de ces 64 pêcheurs micmacs,
par exemple, seront complètement formés pour participer à la pêche
au homard? Comme vous le savez, on ne devient pas pêcheur du jour
au lendemain. Il faut du temps.
M. Chris Milley: Nous avons déjà un système en place à l'heure actuelle dans le secteur Acadia. C'est sans doute l'une des collectivités qui participera le plus à la pêche cet hiver. Seize pêcheurs se livreront à cette activité. Certains auront de fait des membres d'équipage supplémentaires, parce que les navires font à peu près 30 pieds. Ce sont des gens qui vont se familiariser avec la pêche. Ils travaillent en étroite collaboration avec les pêcheurs commerciaux, ils repèrent des zones où ils peuvent pêcher sans nuire à l'environnement. Cette activité supplémentaire ne va enlever d'emploi à personne.
Il faut mettre les nôtres au travail dès maintenant, pour qu'ils prennent de l'expérience. Par le passé, nous avons aussi suivi des programmes de formation à l'école de Pictou. Treize Autochtones étaient inscrits à ce programme de certificat limité de capitaine de bateau de pêche. Nous aimerions qu'une telle formation se poursuive, mais il faut passer du temps en mer pour obtenir l'accréditation. Il faut donc sortir, soit comme membre d'équipage avec des personnes qualifiées ou dans des opérations à petite échelle, très près de la rive, lorsqu'il n'est pas nécessaire de posséder de certificat, par exemple à bord d'une embarcation de 19 pieds.
M. Peter Stoffer: Nous avons entendu bien des exposés où les deux côtés manifestent leur volonté de collaborer.
M. Chris Milley: En effet.
M. Peter Stoffer: M. Wayne Spinney nous a affirmé hier qu'il avait lui-même donné des engins et qu'il consacre bien du temps et des efforts pour aider les pêcheurs autochtones à s'intégrer à la pêche. Est-ce que cela se produit dans toute la province? Quelle est votre impression?
M. Chris Milley: C'est un début. Je pense que ce mouvement s'est amorcé surtout dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse en raison des manifestations à Yarmouth; les choses ont évolué très rapidement là-bas. Le dialogue se poursuit dans d'autres régions de la province, notamment au Cap-Breton.
M. Peter Stoffer: Ma dernière question s'apparente à celle de mon collègue, M. Cummins, au sujet de la cogestion et du financement de cette activité. L'organisation qui assume la responsabilité globale et qui détermine les règles ou les lois à cet égard à l'heure actuelle est le MPO. Considérez-vous que le MPO doit avoir le dernier mot en cas de désaccord, au sujet des pratiques de cogestion ou des pratiques d'application de la loi par exemple? Nous avons entendu les gardes autochtones et les agents d'application de la loi du MPO. Si je comprends bien votre mémoire, vous aimeriez que le processus de cogestion soit marqué par la collaboration. Qui, à votre avis, devrait avoir le dernier mot dans un processus de cogestion?
M. Chris Milley: Si vous regardez ce qui se passe à l'échelle internationale en matière de cogestion, la question n'est pas tant de confier une plus large part de responsabilité à l'un des partenaires, c'est une question de reddition de comptes. Les deux parties sont responsables, mais elles rendent compte d'éléments différents du processus de gestion. C'est pourquoi il nous faut un dialogue.
M. Peter Stoffer: Merci.
Le président: J'aimerais enchaîner, si vous me le permettez, monsieur Milley, avec cette idée de cogestion que John et Peter ont soulevée. Est-ce que vous envisagez la cogestion dans toutes les collectivités autochtones touchées par l'arrêt Marshall? Est-ce que chacune gérerait sa propre sphère et est-ce que l'autorité globale reviendrait au MPO? De quelle façon envisagez-vous ce système de cogestion?
M. Chris Milley: Il est un peu prématuré pour moi de répondre à votre question. À la lumière de ma propre expérience, j'examinerais d'abord le système de gestion traditionnel de la Nation micmaque, des districts, là où les collectivités travaillent ensemble à l'élaboration de plans de gestion pour la région. N'allez pas croire que je laisse entendre que la contiguïté est un problème d'accès au vote, c'est plutôt une question de responsabilité de gestion. Ensuite, j'irais de la Nation micmaque au niveau national afin de traiter avec le gouvernement du Canada sur une base de nation à nation. Ainsi, les processus pourraient être élaborés à partir de la collectivité, ensuite au niveau du district jusqu'à la nation, après quoi il pourrait y avoir des négociations ou des ententes avec le gouvernement du Canada, mais uniquement à ce niveau.
Le président: Ainsi, vous auriez un système à deux niveaux ou un système à plusieurs niveaux?
M. Chris Milley: Je ne dirais pas qu'il s'agit de niveau; je parlerais plutôt de processus. Lorsque vous travaillez avec des collectivités individuelles dans une région, tout le monde partage les ressources. Ces collectivités ne négocieraient pas nécessairement des ententes bilatérales, mais ces ententes pourraient être mises en oeuvre parce que ce qui touche une collectivité touche également une autre collectivité. Grâce au programme du SPA, le MPO a toujours séparé les collectivités les unes des autres. Je crois que cela nuit à une bonne gestion. Certains des problèmes qui se posent dans la baie St. Mary's, par exemple, tiennent au fait qu'une collectivité avait une entente, et qu'une autre n'en avait pas, et qu'une troisième cherchait à en conclure une. Si toutes ces collectivités travaillaient ensemble pour tenter d'aplanir les difficultés et de présenter un front commun, les choses seraient beaucoup plus faciles.
Le président: Une position commune devrait faire partie du contexte global de la politique, de sorte qu'en bout le ligne, le ministre ait la responsabilité ultime.
M. Chris Milley: La responsabilité ou l'obligation de rendre compte? C'est là où j'ai un problème.
Le président: Les deux.
M. Chris Milley: Oui. Mais les ministres n'ont pas de compte à rendre. On a pris de mauvaises décisions. Personne n'a eu à rendre des comptes concernant la morue du Nord. Personne n'a été obligé véritablement de rendre des comptes dans le cas du saumon coho. Il s'agit d'un cas où l'obligation de rendre compte est partagée entre les exploitants pêcheurs et d'autres industries primaires qui affectent l'habitat. Il faut commencer à traiter de ce problème au niveau de la population.
Le président: Dans le second paragraphe de votre document, on lit ce qui suit:
-
Il faudra que le MPO rachète des licences et que certaines autres
licences soient éliminées et même, dans certains autres cas, comme
dans le cas des espèces en développement, qu'il y ait une priorité
d'accès.
De quelles espèces parlez-vous, et qu'entendez-vous par l'expression «Priorité d'accès»?
M. Chris Milley: Je parle par exemple de la pêche au buccin et de la pêche à l'orphie, de choses qui sont actuellement devant un «comité consultatif des espèces en développement». La palourde américaine en est un autre exemple. De fait, la Mi'Kmaq Fish and Wildlife Commission a obtenu un quota de pêche au large de la baie St. Mary's. Comme il s'agit d'une pêche à la drague, elle a choisi de ne pas nous s'en prévaloir.
Il y a aussi des espèces qui ne sont pas ciblées en termes économiques pour le moment, mais elles présentent un certain potentiel—crabe nordique, crabe commun, par exemple. S'il existe des débouchés pour de nouvelles pêches comme celles-là, peut-être devrions-nous canaliser les efforts des Micmacs dans ce sens plutôt que dans des secteurs où il existe d'autres pêches.
Le président: Merci, monsieur Milley. Il n'y a pas d'autres questions.
Le prochain témoin est M. Richard D'Entremont, de la Acadian Fish Processors. Bienvenue, Richard.
M. Richard D'Entremont (président-directeur général, Acadian Fish Processors): Je n'ai pas de notes mais je suis ici pour vous parler de mon expérience personnelle. Je suis de West Pubnico, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, comté de Yarmouth. Je suis dans l'industrie de la pêche, comme l'étaient mon père et mes grands-parents.
J'ai parlé à plusieurs de mes amis au sujet de ce que je dirais à ce comité. Premièrement, je tiens à vous remercier de la possibilité que vous m'offrez de vous parler. On pourrait remonter assez loin... Mais je ne veux pas aller aussi loin. On risque de heurter un peu tout le monde si on remonte trop loin dans le temps. J'aime bien envisager l'avenir, être quelqu'un qui parle de l'avenir.
Comme vous le savez, les nôtres ont été victimes de ce que vous pourriez appeler un «nettoyage ethnique», si vous voulez. Leurs maisons ont été incendiées. Les femmes ont été mises à bord de certains bateaux, les hommes à bord d'autres bateaux et les enfants à bord d'autres bateaux encore, et ils ne se sont jamais plus revus. La plupart des nôtres vivaient dans la vallée d'Annapolis et dans des endroits similaires. Ils étaient agriculteurs et quelques-uns, pêcheurs. Certains des Acadiens sont revenus en Nouvelle-Écosse mais on les a relégués au bout des rochers, à Pubnico, à Shag Harbour et à Yarmouth, et un peu partout ailleurs, en leur disant débrouillez-vous comme vous le pourrez.
Manifestement, ce sont de grands travailleurs et nous avons...
[Note de la rédaction: Inaudible]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—«les-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): ...
M. Richard D'Entremont: Oui, pendant tout ce temps.
Nous nous sommes bien tirés d'affaire. Il y a eu des périodes difficiles et nous éprouvons toujours des difficultés en termes de quotas.
• 1340
Je me rappelle quand j'ai commencé à pêcher le homard vers la
fin des années 60 et au début des années 70, qu'au moins une
dizaine de pêcheurs ont abandonné parce qu'ils ne pouvaient gagner
leur vie. À cette époque, vous pouviez acheter un permis pour
presque rien, 25 $ ou 50 $. Nous avions l'impression que tout le
monde pouvait acheter un permis, y compris les Autochtones.
Personnellement, je ne connais aucun Autochtone. À West Pubnico, personne n'en connaît. Je n'ai rien contre les Autochtones. Nous cherchons simplement à comprendre ce qui se passe.
Peu après avoir entendu parler de l'affaire Marshall, qui concernait la pêche à l'anguille, selon ce que nous avons pu comprendre, les tribunaux ont rendu une décision. On nous a dit que nous pourrions perdre notre gagne-pain et nos entreprises après avoir contracté des emprunts, que des pêcheurs pouvaient aller et venir au sein de l'industrie et que d'autres personnes avaient la possibilité d'accéder à l'industrie.
À la télévision et aux nouvelles, on nous appelait les «autres». Nous sommes des contribuables. Nous croyons que nous faisions quelque chose de correct. Tout à coup, nous nous sommes demandés si nous étions dans le bon domaine. Que sommes-nous de toute façon?
Cela a eu pour effet de susciter la haine de la population de mon village à l'endroit d'Autochtones qu'elle ne connaît même pas, à cause de décisions comme celle-là. J'ai parlé à plusieurs personnes de ma région. Comme vous le savez, nous commençons à travailler ensemble et à pêcher ensemble avec des membres de la bande indienne de l'Acadie, à Yarmouth. Certains pêcheurs locaux leur fournissent des casiers. J'estime donc qu'il ne s'agit pas d'un problème entre les résidents locaux. Il semble plutôt que tout le monde soit disposé à donner le pays, littéralement. Je ne sais pas pourquoi. Je ne crois pas que l'on puisse intégrer des pêcheurs à l'industrie du jour au lendemain. Il faut prendre son temps et il faut le faire correctement.
Les Autochtones sont fiers, tout comme nous les Acadiens le sommes. Les Acadiens sont des gens très fiers. À West Pubnico, il y a des maisons de 200 ans. Nous y sommes depuis déjà un certain temps et nous sommes à construire un village acadien. Nous sommes disposés à accueillir les quelques Autochtones qui veulent pêcher, pourvu qu'ils respectent les mêmes règlements, et qu'ils le fassent pendant la même saison.
Je ne suis pas d'accord avec celui qui a témoigné avant moi concernant l'existence de deux systèmes. Il est impossible d'avoir un double système. C'est notre problème ici, au Canada: Nous avons trop de systèmes doubles ou triples. Chacun a des droits différents. Si vous êtes francophone et que vous vivez au Québec, vous voulez vous séparer. Nous sommes des francophones, du moins à près de 50 p. 100. Nous sommes francophones dans la partie sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Nous ne voulons pas nous séparer du Canada. Oui, nous voulons qu'on nous appelle des Canadiens et être reconnus comme des contribuables canadiens et nous voulons vivre ensemble. Je suis persuadé que nous pouvons travailler et vivre avec les Autochtones de notre région.
J'espère seulement que tout cela et que toutes les réunions qui se tiennent à Ottawa ne serviront pas à déclencher des hostilités entre les Autochtones et les non-Autochtones, parce que cela n'est pas nécessaire. Nous nous sommes toujours entendus. Par le passé, les Français s'entendaient très bien avec les Micmacs, et je crois bien qu'il y a des façons de trouver une solution sans adopter un double système de gestion, sans tout doubler. Je suis en désaccord avec le double système de gestion parce que cette solution ne nous causera que des ennuis. Le MPO devrait avoir un seul système de gestion et imposer un seul ensemble de règles pour tous.
Grâce au programme de rachat actuellement en vigueur, le MPO a pu racheter 300 permis de pêche pour le poisson de fond. Cette initiative donne de très bons résultats. De fait, avant que la décision ne soit rendue dans l'affaire Marshall, le processus était déjà en place pour le rachat de permis. Personne n'a rien compris à la décision et aujourd'hui, une autre décision est rendue en vertu de laquelle nous avons tous des droits. Nous avons tous dit d'accord, nous avons tous des droits. Qui est d'accord ici?
Bien que la deuxième décision ait modifié la situation, nous ne démordons pas de ce dont il a été question à Yarmouth. Nous voulons que les Autochtones aient accès à la pêche commerciale, mais selon les règles et les saisons qui s'appliquent à nous tous. Nous ne démordons pas de cette position, de sorte que nous devrions avoir au moins une certaine crédibilité à ce sujet.
À supposer que nous nous adressions de nouveau aux tribunaux, nous ne sommes même pas sûrs que toute cette affaire soit seulement une question de pêche à l'anguille comme au tout début. Peu importe, nous sommes toujours les bienvenus.
• 1345
Comprenez-vous ce que j'essaie de vous dire? Il semble que les
premiers à se présenter devant les tribunaux... Je sais que les
juges ont répété à plusieurs reprises qu'il s'agissait uniquement
d'un cas d'anguille. Qu'en est-il? Est-ce uniquement une question
de pêche à l'anguille? Comme je l'ai dit, nous sommes disposés à
aller de l'avant, et nous irons de l'avant. Nous avons déjà amorcé
le processus qui montre que nous pouvons vivre ensemble et que nous
pouvons travailler ensemble.
J'ai quelques petites choses à ajouter. Il y a beaucoup de choses que j'aimerais vous dire, mais je ne me souviendrai peut-être pas de tout.
Nous avons l'impression que les choses évoluent dans la bonne direction quand certains apportent des casiers à homard aux pêcheurs de Yarmouth. Nous devons vivre avec ces pêcheurs, et ils doivent vivre avec nous. C'est notre seul secteur. Je ne connais rien au sujet de Burnt Church. Je n'en connais pas tant que cela au sujet du Nouveau-Brunswick.
Et puis il y a aussi les Premières nations et les secondes nations. Selon moi, nous sommes tous une seule et même nation. Et c'est la seule façon dont les choses pourront fonctionner.
Je crois que les préparatifs qui ont eu lieu à Yarmouth, avec Mme Diana Robinson, constituent un effort dans la bonne direction pour l'ensemble du Canada et non seulement pour la côte Est. Je pense que la côte Ouest pourrait tirer parti de ce qui se passe chez nous. Il s'agit, selon moi, d'un pas dans la bonne direction. Il serait mauvais de garder les vieilles attitudes et de refuser d'aller de l'avant. Il est temps de faire quelque chose. Il y a un programme de rachat et les fonds sont disponibles.
En ce qui a trait à la pêche qui se pratique hors saison, le gouvernement peut vendre des permis aux Autochtones s'il le souhaite. Il est possible d'acheter des quotas. Le gouvernement est prompt à dépenser des milliards de dollars pour d'autres choses. Il pourrait donc acheter des quotas pour cette bande. Il n'est pas nécessaire de créer des quotas ou de créer des permis. Il y en a déjà suffisamment. Des pêcheurs quittent l'industrie tous les jours.
Voilà ce que je voulais vous dire.
Le président: Merci, Richard.
Monsieur Bernier.
[Français]
M. Yvan Bernier: J'ai bien apprécié les propos de M. D'Entremont et j'ai pris bonne note de ses commentaires. Je suis heureux que vous ayez fait votre déclaration et je reconnais qu'elle sort du fond de votre coeur. Je suis content que vous souhaitiez que cela aille bien partout au Canada, que ce soit la paix et qu'on se donne les outils pour y arriver. Ce que je remarque dans vos propos, et c'est un peu ce qu'on a entendu à d'autres endroits aussi, c'est que vous avez soulevé cet élément de surprise pour tout le monde.
Au début de votre allocution, vous avez énoncé des notions d'histoire. C'est vrai que l'histoire du Canada est riche en rebondissements et qu'il y a des événements qui sont difficiles à comprendre. Je ne voudrais pas les reprendre point par point, mais ce que je dénote, c'est cet élément de surprise.
S'il est vrai que les autochtones avaient des droits, et c'est ce que la cour a confirmé, cela veut dire que pendant 240 ans, ils n'ont pas eu accès à la Cour suprême pour faire clarifier la situation. La situation aurait peut-être été totalement différente si, au lieu d'attendre à 1990 pour porter leur cause devant la Cour suprême, ils l'avaient fait tout de suite après la création du Canada en 1890. Tout aurait peut-être pu être réglé à l'époque.
De l'extérieur, nous pourrions peut-être dire que les autochtones auraient pu y avoir accès comme nous. Il y des événements de l'histoire dont je ne peux pas répondre. Je remarque l'élément de communication. Lorsqu'un groupe pense devoir faire des revendications, il y a rarement assez de place dans les forums de communication pour qu'il puisse nous communiquer ses problèmes, de sorte que lorsque la Cour suprême se charge de trancher, nous tombons en bas de notre chaise, si vous me permettez cette expression.
Je ne voudrais pas refaire l'histoire à la lumière de ce qui se passe au Québec. Je pense qu'on aura la chance d'avoir un forum pour cela. Ce sont encore des questions de perception de l'histoire qui font en sorte que le Québec, ou M. Bouchard, défend un point de vue, tandis que le fédéral, ou le reste du Canada, défend l'autre point de vue. Mais je ne pense pas que soit le bon endroit pour défendre cela ou refaire l'histoire.
• 1350
Je prends toutefois bonne note de l'élément de
surprise et du fait que, malgré la surprise, vous êtes
prêts à
tendre la main aux autochtones et à les aider. Vous êtes
donc un élément constructif de la solution.
C'était un commentaire et pas nécessairement une question. Merci de nous faire connaître ces choses-là.
[Traduction]
Le président: Avez-vous des observations à faire?
Vous n'avez rien à craindre, Yvan, nous vous garderons au Canada. Ne vous en faites pas.
Des voix: Oh, oh.
Le président: Monsieur D'Entremont.
M. Yvan Bernier: Est-ce le bon endroit pour en discuter? Je suis prêt à partir.
Le président: Monsieur D'Entremont, souhaitiez-vous ajouter quelque chose?
M. Richard D'Entremont: Oui. J'estime que la mise en oeuvre de la pêche commerciale au homard dans notre bande locale—selon moi, cela donne de bons résultats—pose problème au niveau de la pêche d'espèces comestibles. Pour moi, il s'agit là d'une façon de favoriser la tricherie, et que cette pêche se fait au moment de la fraie. En termes de conservation, c'est l'enfer. C'est le moment où les oeufs... Cela ne peut durer. Nous n'avons pas besoin de ce problème si nous voulons intégrer les Autochtones à la pêche commerciale durant la même saison.
Cela est prétexte pour certains profiteurs, peu importe qu'ils soient des Autochtones ou des non-Autochtones, d'acquérir un droit de pêche. Le MPO pourra bien les poursuivre avec des hélicoptères et des bateaux jusqu'à la fin des temps. On se contente de donner à certains propriétaires de bateau une excuse pour aller en mer. Comment allez-vous surveiller tout cela? Il est impossible de le faire.
Il serait beaucoup plus facile d'abandonner cette approche dans les secteurs de pêche commerciale. De la sorte, on ne pêcherait pas de homard pendant la période de la fraie. C'est très important. Les homards sont très vulnérables pendant le cycle de mue. Depuis quelques années, il semble que la température chaude ait provoqué ce cycle à deux ou trois reprises chaque année. Ce type de pêche détruit beaucoup plus de homards que les gens ne le croient.
Le président: Merci.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de nous avoir livré vos observations. J'aimerais entendre vos commentaires au sujet de ce que pensent les pêcheurs dans votre région de l'intégration des Autochtones aux activités de pêche. À l'heure du lunch, Percy Hayne, qui a fait un exposé plus tôt ce matin, disait que les pêcheurs se moquent bien de celui qui est à bord du bateau. Il s'agit tout simplement de quelqu'un, de quelqu'un qui pêche, un point c'est tout.
Ils ne s'intéressent pas à l'individu. Peu leur importe qu'il s'agisse d'un Autochtone ou d'un non-Autochtone, ou de qui que ce soit. Tout se résume au fait qu'il y a un bateau en mer. La limite a été imposée et on ne peut ajouter autre chose. J'estime que vous seriez favorable à ce commentaire.
Vous avez parlé de la pêche d'espèces comestibles. Les témoins entendus ce matin ont noté que le MPO avait observé des débarquements illégaux de poissons dans votre région, et que rien n'avait été fait. Avez-vous quelque chose à dire sur l'ampleur de cette activité illégale et sur l'ampleur de la pêche d'espèces commerciales dans votre secteur? Quelle est l'ampleur des répercussions? Pourriez-vous nous donner un peu plus de précisions à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Richard D'Entremont: Si vous parlez avec des résidents de la baie St. Mary's, dans ma région, je vous dirais qu'il y a certaines activités et qu'elles touchent principalement les ports et ainsi de suite. Il serait très difficile pour nous de chiffrer ces activités. Mais je puis vous dire qu'à St. Mary's, les répercussions sont considérables. Il serait préférable de vous adresser au MPO pour avoir des chiffres.
Selon ce que je comprends, le MPO menait une opération de surveillance avant l'affaire Marshall et les responsables avaient tout noté. Ils avaient tous les chiffres. Ces responsables auraient les données à ce sujet et pourraient vous préciser l'ampleur des activités illégales qui avaient cours dans cette région à cette époque. Vous seriez tous choqués si vous connaissiez l'ampleur du problème.
Des gens ont acheté de pleins camions de homards, chargés d'oeufs. D'un point de vue de conservation, c'est le pire temps de l'année pour les capturer. Quand on parle de responsabilité en matière de pêche et de conservation et que, d'autre part, on voit ce qui se passe... Nous pouvons rester ici à discuter sans que cela change quoi que ce soit. Par contre, là-bas, vous pourriez observer ce qui se passe. Un type de la côte French a été sollicité à deux reprises afin de creuser un trou avec sa rétrocaveuse pour enfouir des homards morts qui ne pouvaient être vendus. L'eau étant trop chaude à ce temps de l'année, les homards ont une carapace trop molle. Ils se blessent les uns les autres. Des centaines et des centaines de livres de homard ont été ensevelies. Il faut le dire. Les homards ont été enterrés à l'aide d'une rétrocaveuse.
• 1355
C'est la soi-disant pêche alimentaire. Je ne dis pas que se
sont les Autochtones qui le faisaient. Je suis persuadé que
certains y ont participé. Je dis plutôt que cela donne la
possibilité de tricher, de faire des choses répréhensibles.
J'aimerais mieux que les Autochtones soient autorisés à faire la
pêche commerciale à Yarmouth, que ce soit la bande indienne de
l'Acadie ou la bande de Bear River, avec des permis, même si le
gouvernement achetait les permis. Il suffit que tout se passe
pendant la même saison et selon des règles applicables à tous les
pêcheurs. C'est la seule façon dont les choses pourront bien
fonctionner. Et je n'invente rien, croyez-moi.
Le président: Je dois passer à M. Stoffer, puis à M. Muise. Vous disposez de cinq minutes au total, alors cherchez à prendre deux minutes et demie chacun.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur D'Entremont, de votre exposé. Il fait toujours bon d'entendre quelqu'un de la région de Pubnico...
M. Richard D'Entremont: Je n'ai rien d'écrit, et je parle d'expérience. J'ai pêché toute ma vie et c'est ce que je connais.
M. Peter Stoffer: Je tiens à vous remercier, au nom du comité, de nous dire exactement de quelle partie de Pubnico vous êtes, parce que si je me souviens bien, il y a huit agglomérations différentes de Pubnico dans cette région.
M. Richard D'Entremont: Ouest.
M. Peter Stoffer: Très bien.
Je suis un peu triste que vous ayez dit que vous ne connaissez aucun voisin autochtone...
M. Richard D'Entremont: Non, je n'en connais aucun.
M. Peter Stoffer: ... Mais vous les connaissez, vous savez où ils habitent et ainsi de suite...
M. Richard D'Entremont: J'en vois à Yarmouth, mais personnellement, je n'en connais aucun.
M. Peter Stoffer: ... Et comment, après la décision Marshall, vous avez pu observer que vos voisins et vous-mêmes avez, tout à coup, eu cette perception ou cette interprétation des Autochtones et vous avez commencé à en tirer un stéréotype. Vous avez dit que vous aviez commencé à moins les aimer ou même à les détester...
M. Richard D'Entremont: Je ne les ai jamais vus.
M. Peter Stoffer: ...et pourtant vous ne les connaissiez même pas.
M. Richard D'Entremont: C'est le point commun, n'est-ce pas?
M. Peter Stoffer: Selon vous, qui vous a donné cette impression? Les médias? Le gouvernement? Ou est-ce plutôt une combinaison des deux éléments?
M. Richard D'Entremont: C'est l'inconnu, et c'est le fait de regarder la télévision et de se demander ce qui arrivera ensuite. Perdrons-nous notre gagne-pain? Perdrons-nous tout? Les collectivités devront-elles se déplacer encore une fois? Nous avons déjà été forcés de nous déplacer.
M. Peter Stoffer: Nous avons appris plus tôt aujourd'hui que le gouvernement fédéral, de même que le gouvernement provincial et des représentants des Micmacs s'étaient consultés bien avant la décision dans l'affaire Marshall. Y avez-vous participé, votre collectivité y a-t-elle participé et saviez-vous que ce genre de conservations avaient eu lieu bien avant la décision dans l'affaire Marshall?
M. Richard D'Entremont: Je savais que l'affaire Marshall était devant les tribunaux, mais pas à la Cour suprême, et je savais que les délibérations étaient longues. Oui, je savais également que des représentants provinciaux n'étaient pas censés intervenir dans la décision ni influencer les juges. Je me suis donc inquiété et je me suis demandé ce qui se passait. Après avoir lu le traité et les droits énoncés dans ce traité, je ne crois pas que la première décision rendue par le tribunal corresponde bien au traité, du moins selon notre interprétation.
M. Peter Stoffer: Monsieur D'Entremont, vous dites qu'un grand nombre de homards provenant de la pêche d'espèces comestibles ont été achetés et vendus, et vous avez dit aussi qu'un grand nombre de homards avaient été enfouis à l'aide d'une rétrocaveuse. J'estime qu'il serait très utile pour notre comité d'avoir quelque chose par écrit. Pas maintenant, mais quand vous aurez la chance de nous envoyer un document écrit, afin que nous puissions comprendre, premièrement, qui achetait les homards. Comme vous l'avez dit, on les expédiait par pleins camions.
M. Richard D'Entremont: Oui.
M. Peter Stoffer: Savez-vous qui les achetait?
Deuxièmement, relativement à l'enfouissement des homards, j'aimerais personnellement savoir à quel endroit cela s'est produit. S'il vous est possible de fournir ce renseignement au comité quand vous le trouverez, je l'apprécierais grandement.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Muise.
M. Mark Muise: Merci, monsieur le président.
[Français]
Je vous remercie d'être venus, d'autant plus que je sais que vous êtes affairés à ce temps-ci de l'année à vous préparer pour la pêche.
J'aimerais aborder un autre sujet et vous parler du négociateur James MacKenzie.
[Traduction]
M. Richard D'Entremont: Désolé, de quoi?
[Français]
M. Mark Muise: De James MacKenzie, le négociateur qui est venu vous rencontrer.
[Traduction]
M. Richard D'Entremont: James MacKenzie, oui.
M. Mark Muise: La participation n'a pas été trop bonne. Sept semaines plus tard, on nous communiquait les termes de son mandat, à savoir qu'il devait négocier avec les autochtones et ceux qu'on regroupait sous l'appellation «autres pêcheurs». Je crains que cette division ne soit préjudiciable à l'égard d'un côté ou de l'autre. J'aimerais entendre votre point de vue là-dessus.
[Traduction]
M. Richard D'Entremont: On nous a laissé tomber, voilà ce que nous ressentons; nous, des pêcheurs qui travaillent dur pour gagner leur vie et qui font ce travail depuis des centaines et des centaines d'années. Tout d'un coup nous sommes «les autres»; nous n'avons plus aucuns droits, on nous laisse tomber. Vous pouvez imaginer qu'on dise tout à coup à quelqu'un qui travaille dur pour développer son entreprise: «Oh, je vous signale que nous allons prendre votre entreprise; vous n'êtes rien.»
Je ne comprenais pas très bien ce qui se disait à la télévision et ce que disait M. Dhaliwal au sujet des droits issus de traités. Tout ce qu'on disait, c'est qu'il fallait respecter le traité. D'après moi, le jugement et les traités ne disent pas la même chose.
J'aimerais savoir pourquoi le gouvernement n'a pas hésité une seconde à faire cadeau de notre pays. On a fait croire à tort aux Autochtones qu'ils possédaient ce pays. Ce pays ne leur appartient pas, il ne nous appartient pas non plus d'ailleurs. Le Canada est à tout le monde. Pour répondre à votre question, je dirais que nous avons été très déçus. Nous avons été vraiment abasourdis, un peu comme, qu'est-ce qui nous arrive? Je suis sûr que cela a été la même chose pour les bûcherons.
Je voudrais parler un peu des Autochtones qui reprennent ici leurs activités de pêche. Je vous ai dit que nous étions des gens très fiers. Les Acadiens sont un peuple très fier et ils ont d'excellentes raisons de l'être, non seulement les Acadiens, mais tous les gens qui se sont établis sur la côte Est qui ont travaillé dur à la pêche et ont vu cette activité décliner, et devenir non rentable. Il n'a pas été facile d'obtenir l'argent nécessaire pour acheter des bateaux. Nous avons parfois utilisé des bateaux qui n'auraient jamais dû prendre la mer. Nous nous sommes presque noyés plusieurs fois. Et j'ai eu le mal de mer pendant plus de 20 ans chaque fois que je prenais le large et après, cela ne voulait plus rien dire? Tout d'un coup, nous avions simplement... disparu?
Je crois que les Autochtones sont aussi fiers que nous le sommes de notre héritage et qu'ils sont prêts à pêcher à l'intérieur d'un même système, comme des frères ou comme des amis, pourquoi est-ce que cela ne pourrait-il pas se faire?
Ne faites pas un système à deux vitesses; cela ne fonctionnera jamais. Vous n'aurez que des problèmes pour le restant de la vie. Et j'aimerais ajouter que quoique vous fassiez maintenant, je vous demande de ne pas changer les choses dans dix ans, dans cinq ans, s'il y a une autre décision ou quelque chose du genre. Mettons sur pied un système bien conçu pour que nous sachions ce que nous avons, pour que nous sachions quels sont les investissements qu'il faudra faire, et où nous en sommes.
Le président: Merci beaucoup, monsieur D'Entremont. Nous apprécions beaucoup les renseignements que vous nous avez communiqués. Merci.
M. Richard D'Entremont: Merci beaucoup.
Le président: Le groupe suivant, qui sera également le dernier, est le Atlantic Policy Congress. Il est représenté par plusieurs personnes, John Paul, Paul Prosper, Doug Brown et peut-être d'autres, je n'en suis pas sûr. Bienvenue à tous.
Nous avons un horaire très serré à respecter, et je crois que vous le savez déjà. Nous devons partir pour l'aéroport vers 15 heures.
M. Mark Muise: Mais nous le savons bien, monsieur le président, que vous utilisez votre temps avec parcimonie.
Le président: Si vous pouviez nous résumer votre mémoire, nous pourrions ensuite passer aux questions et poursuivre jusqu'à 15 heures. Bienvenue.
M. John G. Paul (médiateur en matière de traité, Atlantic Policy Congress): Je vais commencer.
Le président: Très bien, monsieur Paul.
M. John Paul: Dès que j'aurai un peu d'eau.
Le président: J'ai goûté cette eau, elle n'est pas buvable.
M. Peter Stoffer: Vous ne seriez pas en train de critiquer l'eau de la Nouvelle-Écosse?
Le président: C'est précisément ce que je fais. Il faudrait apporter de l'eau de l'Île-du-Prince-Édouard.
M. Peter Stoffer: C'est une des meilleures eaux au monde.
M. Mark Muise: En effet.
Le président: Très bien, monsieur Paul. Bienvenue.
M. John Paul: J'aimerais d'abord remercier le comité de nous avoir accordé ce temps de parole. Je tiens également à vous informer que vous allez entendre à Moncton et à Gaspé des chefs et d'autres personnes. J'ai parlé aujourd'hui aux chefs de la région de Gaspé et ils présenteront eux aussi le mémoire à Gaspé. Je sais qu'il y a un certain nombre de personnes qui assisteront également aux audiences, demain à Moncton. Nous essayons d'encourager un maximum de personnes à participer à ces audiences pour que vous entendiez toute une gamme d'opinions et compreniez comment nous voyons les choses.
Le président: Merci.
M. John Paul: L'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs a été créé par les chefs des Premières nations pour examiner et analyser les politiques adoptées par les gouvernements pour nos 36 Premières nations et nos trois nations tribales, de la région de l'Atlantique du Canada, et de l'est du Québec, et pour une tribu qui chevauche la frontière avec les États-Unis, la tribu Pescomody, ainsi que pour suggérer d'autres possibilités.
Les Micmacs, les Malécites et les Pescomodys existaient bien avant que n'existe le Canada. La Couronne, tant la Couronne fédérale que provinciale, doit honorer les traités passés avec les gouvernements qui les ont précédés. La décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marshall a représenté un rayon d'espoir pour notre peuple et lui a ouvert des possibilités. Il ne faudrait pas étouffer cet espoir. Aujourd'hui, toutes nos collectivités connaissent de graves problèmes de logement, elles sont très dépendantes de l'aide sociale, et sont peu ou pas développées sur le plan économique. Personne ne s'est occupé des difficultés financières qui touchent toutes les Premières nations, malgré un accroissement des besoins et de la population.
Il y a quelques années, vous vous en souvenez peut-être, la Commission royale sur les peuples autochtones a déposé son rapport qui contenait plus de 440 recommandations qui visaient à faire passer nos tribus, toutes les tribus du Canada, de l'état de dépendance à l'autonomie gouvernementale. Vous et les autres politiciens devriez examiner ce que fait Pêches et Océans en tant que ministère fédéral, et les autres, pour mettre en oeuvre toutes ces recommandations. Le rapport propose un certain nombre de mesures et de mécanismes, comme le voulaient les auteurs, qui pourraient être utiles dans le contexte des pêches. La réponse du Canada, ou le plan d'action du Canada à l'endroit des Autochtones, prévoit également la création de partenariats, l'établissement de rapports de nation à nation et diverses autres approches destinées à renforcer l'autonomie de notre peuple et nos collectivités.
Au cours des semaines qui viennent de s'écouler, nos chefs, nos collectivités et nos pêcheurs ont essayé d'exercer le droit qui a été réaffirmé, de façon détaillée, dans l'arrêt Marshall et nous avons essayé de structurer notre action pour être efficace. Nous tentons de proposer un dialogue ouvert et transparent dans le but de donner aux Micmacs, aux Malécites et aux Pescomodys un accès immédiat et direct aux zones de pêche de l'Atlantique et aux ressources halieutiques. Nous souhaitons également élaborer une stratégie de pêche à long terme, basée sur les traités, de façon à réduire sensiblement notre dépendance et à répartir la richesse de façon plus équitable entre toutes les collectivités de nos Premières nations. En mettant sur pied un processus axé sur le traité, on permettrait à tous nos membres de participer aux consultations des collectivités en vue d'en arriver à un consensus sur les pratiques et un régime de gestion des pêches, dans le contexte de la mise en oeuvre du traité et des responsabilités dans ce domaine.
Nos pêcheurs ont pris des mesures concrètes pour tirer profit de la situation avant que le gouvernement externe n'utilise son pouvoir pour réduire nos droits et les circonscrire. Nos chefs étaient disposés à entamer un dialogue avec le Canada au sujet des répercussions de l'arrêt Marshall, mais ces efforts n'ont guère connu de succès. Jusqu'ici, le souci d'agir dans l'intérêt public l'a emporté sur la volonté de véritablement mettre en oeuvre l'arrêt Marshall dans les meilleurs délais. L'intérêt public est une notion qui dépasse bien souvent les moyens de nos collectivités.
• 1410
Nous avons formé un projet à long terme qui consisterait à
prendre le contrôle des zones de pêche de l'Atlantique, mais il y
a des gens qui doutent aujourd'hui que cela soit possible. On
trouve irréaliste l'objectif qui consisterait à contrôler au moins
50 p. 100 des zones de pêche de l'Atlantique. Mais est-ce vraiment
irréaliste?
Notre accès à ces ressources est un droit issu de traités et non pas un privilège. Ce droit comprend celui de se procurer les biens nécessaires. Cela ne veut pas dire de l'aide sociale, cela veut dire un revenu égal à celui des autres pêcheurs. Les pêcheurs qui travaillent pour les grandes sociétés de pêche dans la région de l'Atlantique savent fort bien que la rentabilité est un aspect clé de l'utilisation de cette ressource. Clearwater, National Sea et les autres sociétés commerciales doivent permettre à notre peuple d'avoir accès à cette ressource de façon ordonnée et dans les meilleurs délais.
Entre-temps, nous voulons que les Premières nations puissent présenter des demandes et que celles-ci soient examinées. En outre, il faut mettre sur pied un processus visant à développer, tant à court terme qu'à long terme, les capacités de nos collectivités. Ces capacités englobent la formation, le capital, l'accès aux ressources et la création d'une expertise scientifique. Cela comprend le développement institutionnel de nos collectivités, ainsi qu'aux paliers provincial et tribal.
Toute cette question de la capacité et de l'acquisition de ces capacités est une question essentielle pour notre peuple. Pêches et Océans va être amené à modifier les droits de certains pêcheurs pour donner à nos tribus un accès à des zones de pêche qui ont été, semble-t-il, toutes déjà attribuées à d'autres.
Il y a des Premières nations qui ont commencé à dialoguer avec les pêcheurs, et Chris Milley en a parlé tout à l'heure. Ces initiatives sont antérieures à l'arrêt Marshall. Nous estimons qu'il faut poursuivre le dialogue et continuer à rechercher des solutions à tous ces problèmes pour que nous puissions vivre côte à côte, comme le prévoit les traités de paix et d'amitié.
Je vais maintenant donner la parole à Paul Prosper.
M. Paul Prosper (conseiller juridique, Atlantic Policy Congress): Merci, John.
Je souhaite le bonjour aux membres du comité. Je m'appelle Paul Prosper. Je suis venu ici avec Doug Brown pour vous présenter certains commentaires au nom de la Nova Scotia Assembly of Mi'kmaq Chiefs.
Pour commencer, l'assemblée aimerait informer les membres du comité qu'elle représente 13 bandes de la Première nation micmaque de la province de la Nouvelle-Écosse. Cette assemblée représente, par le biais des bandes de Premières nations affiliées, tous les Indiens micmacs inscrits de la Nouvelle-Écosse.
L'assemblée estime que les lois telles qu'administrées et appliquées par le Canada, ne fournissent qu'une perspective bien étroite pour examiner et donner effet aux droits ancestraux et issus de traités des Micmacs. Comme l'a noté Mick Dodson, le commissaire à la justice sociale autochtone, pour le deuxième anniversaire du Native Title Act en Australie:
-
[...] il faut que nous comprenions tous que la notion de titre
autochtone n'est pas seulement une notion juridique. Le titre
autochtone concerne le genre de communauté que nous sommes et la
maturité avec laquelle nous concevons notre histoire. Ce débat a
peut-être commencé devant les tribunaux mais les questions qu'il
soulève ne peuvent se régler sur le seul plan juridique.
L'assemblée estime que les événements récents entourant l'arrêt Marshall ont fait voir aux Micmacs comment les Canadiens voyaient leur histoire et concevaient leur pays. Au Canada, on retrouve également ces mots dans le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones. Dans les points saillants, intitulés «À l'aube d'un rapprochement», les auteurs du rapport déclarent ceci:
-
Le Canada est le terrain d'essai d'une noble idée—l'idée selon
laquelle des peuples différents peuvent partager des terres, des
ressources, des pouvoirs et des rêves tout en respectant leurs
différences. L'histoire du Canada est celle de beaucoup de ces
peuples qui, après bien des tentatives et des échecs, s'efforcent
encore de vivre côte à côte dans la paix et l'harmonise.
• 1415
Même si la Cour suprême du Canada a reconnu en 1985 le traité
conclu avec les Micmacs en 1752, un traité qui, d'après la cour, a
le même effet aujourd'hui que celui qu'il avait au moment où il a
été conclu, il a fallu près de 240 ans pour que le Canada
reconnaisse la paix et l'harmonie que recherchaient ces traités.
Par exemple, dans l'arrêt récent de la Cour suprême dans l'affaire Marshall, la cour formule les commentaires suivants sur la question du commerce, sujet qui est abordé dans les traités de 1760 et 1761:
-
Il est apparent que les Britanniques considéraient que la question
du commerce avec les Micmacs [...] La paix était liée à la capacité
des Micmacs de subvenir à leurs besoins sur le plan économique. La
faim engendre le mécontentement. Les Britanniques ne voulaient
certes pas que les Micmacs deviennent une ponction inutile sur les
deniers publics de la colonie de la Nouvelle-Écosse [...] Pour
éviter un tel résultat, il est devenu nécessaire de protéger
l'économie micmaque traditionnelle, y compris leurs activités de la
chasse, de cueillette et de pêche.
Le président: Permettez-moi de vous interrompre une seconde, monsieur Prosper, parce que nous allons rapidement épuiser notre temps. Je sais que tous les membres du comité ont déjà lu plusieurs fois cette décision, c'est pourquoi je vous demande de résumer le plus possible de façon à gagner du temps. Je crois que M. Brown veut également présenter quelques commentaires.
M. Paul Prosper: Très bien, vous avez tout à fait raison. Je vais être bref.
Je voudrais mentionner une chose qui ne figure d'ailleurs pas dans l'arrêt Marshall. Il ne faut pas oublier que l'arrêt Marshall est principalement basé sur les documents historiques qui ont été présentés en preuve et sur le témoignage donné par des experts au sujet de la nature de ces documents. L'histoire orale des Micmacs concernant ces traités n'a pas été présentée en preuve, dans l'arrêt Marshall.
J'insiste sur le fait qu'avant de présenter ses recommandations au Parlement le comité doit d'abord prendre connaissance de l'histoire orale des Micmacs. Elle existe et nous attendons. La validité du recours à l'histoire orale a été renforcée, je ne vais pas vous décrire la jurisprudence, par l'arrêt Delgamuukw et d'autres arrêts concernant les traités.
Il y a un autre facteur important dont il faut tenir compte c'est la relation qui découle d'un traité. Autrement dit, il ne suffit pas de s'en tenir aux documents, au texte du traité et aux documents connexes qui concernent les négociations ayant débouché sur le traité; il est également important de tenir compte de la façon dont le traité aménage les rapports entre le gouvernement fédéral et les Micmacs. C'est une relation fiduciaire et la Couronne doit assumer une obligation juridique.
Pour terminer, je vais citer un commentaire de la Cour suprême dans l'arrêt Marshall. Il parle de l'honneur de la Couronne. Dans cet arrêt, le juge Binnie déclare:
-
Le présent pourvoi doit être accueilli parce que rien de moins ne
saurait protéger l'honneur et l'intégrité de la Couronne dans ses
rapports avec les Micmacs en vue d'établir la paix avec eux et de
s'assurer leur amitié, autant qu'il soit possible de dégager
aujourd'hui la teneur des promesses faites par traité.
• 1420
Voilà donc rapidement quels sont mes commentaires. Merci.
Le président: Monsieur Brown, voulez-vous ajouter également quelques commentaires? Votre nom est mentionné dans le dernier paragraphe.
M. Doug Brown (conseiller juridique, Atlantic Policy Congress): Merci. Je vais essayer de reprendre là où M. Prosper s'est arrêté.
Il a mentionné le fait que l'honneur de la Couronne était en jeu lorsqu'elle prenait des mesures à l'égard des Autochtones. Je tiens à signaler qu'avant 1982 il arrivait fréquemment que des mesures ou les lois provinciales ou fédérales portent atteinte aux droits autochtones. Il y avait des violations mais les tribunaux ne pouvaient rien faire car ils devaient s'incliner devant la suprématie du législateur.
Lorsque la Constitution a été modifiée en 1982, notamment avec l'adoption de l'article 35, les tribunaux ont disposé d'un moyen pour évaluer les atteintes portées aux droits autochtones. Lorsque les tribunaux évaluent ces atteintes, ils doivent tenir compte des devoirs de la Couronne. Il existe une obligation fiduciaire de la Couronne envers les droits constitutionnels des peuples autochtones du Canada. C'est un engagement grave, qui a pris naissance avec les traités qui ont été conclus au XVIIe et au XVIIIe siècles.
Les discussions en cours actuellement doivent tenir compte de ces éléments et du contexte juridique. J'ai noté qu'un des intervenants, je ne me souviens pas de son nom, a déclaré qu'il ne voudrait pas que l'on adopte un système à deux vitesses. La réalité est qu'il a toujours existé un système à double vitesse et que ce système existe encore. Ce système a pris naissance au moment de l'arrivée des colons britanniques. Il a pris naissance au moment de la conclusion des traités. C'était un système à deux niveaux. Deux peuples différents étaient en contact et le traité devait servir d'intermédiaire entre ces deux peuples et ces deux nations. C'est le traité qui devait régir la relation entre ces peuples. Il y avait deux systèmes différents.
Malheureusement, cela a été replacé par deux systèmes différents, l'un qui prévoyait la dépendance d'un certain groupe, qui était régi et assujetti à la Loi sur les Indiens, et ce système existe toujours. Il y a toujours deux systèmes différents. C'est un aspect de la réalité d'aujourd'hui et un aspect que les Micmacs connaissent: ce traité offre la possibilité de remédier aux inégalités actuelles.
Lorsque je parle d'inégalité entre les deux systèmes, je ne parle pas de l'égalité en tant que notion théorique avec laquelle on peut jongler et que l'on peut utiliser officiellement lorsque la situation l'exige. Lorsque les Micmacs pensent à l'égalité, ils la conçoivent en termes très réels et très concrets. Ils pensent à la réalité. Il n'y a pas d'égalité dans la situation qui existe aujourd'hui, avec un nombre d'assistés sociaux qui est beaucoup plus élevé que le nombre moyen national du Canada, avec tous ces chiffres, sur la santé, sur les suicides, que M. Paul a mentionné tout à l'heure. Il n'y a pas d'égalité là-dedans.
Les Micmacs veulent l'égalité. S'il faut passer par l'inégalité juridique pour obtenir l'égalité réelle, eh bien c'est à ça que servira l'article 35 de la Constitution. Je crois que les personnes qui ont rédigé cette disposition savaient très bien quel était l'objectif recherché par son adoption.
L'arrêt Marshall soulève un certain nombre de questions juridiques, et il a introduit une certaine confusion au sujet de la façon dont il faudrait tenir les négociations à l'heure actuelle; il y a aussi le fait que le droit accordé a été compris comme s'il s'agissait d'un droit non réglementé.
Il a toujours été très clair, lorsque les Micmacs ont présenté leurs arguments à la Cour suprême, que le droit en question était susceptible d'être réglementé. Personne n'a jamais prétendu que c'était un droit non réglementé; M. Wildsmith a clairement indiqué, au nom des Micmacs, que ce droit pouvait être réglementé. C'est sans doute à cause des médias si l'on a ensuite parlé d'un droit non réglementé, sans limite, et que l'on a ensuite mal interprété ce droit et qu'on y a vu la possibilité pour les Micmacs de s'approprier toutes les ressources de la mer, mais je n'entrerai pas dans ce débat.
• 1425
Quoi qu'il en soit, la norme de justification applicable à la
réglementation du droit des Micmacs doit découler d'une approche
bilatérale, axée sur les principes et la consultation, les
négociations menées de bonne foi et un consentement éclairé. En
dessous de tout ceci, il y a l'esprit de paix et d'amitié qui anime
les traités. L'on peut espérer, que dans ce genre de contexte, avec
ce genre d'esprit, on en arrive à des accords entre les Premières
nations et les gouvernements provinciaux et fédéral sur la façon
d'optimiser l'utilisation des ressources pour que tout le monde
puisse en profiter, aussi bien la population en général que les
Micmacs.
Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps et j'ai parlé assez rapidement pour ne pas prendre trop de temps.
À l'heure actuelle, les Micmacs font l'objet de mesures quotidiennes tout à fait injustes, ne serait-ce que sur le plan de la procédure. Je veux dire par là qu'un pêcheur micmac peut se faire saisir son bateau même s'il a le droit, garanti par la Constitution, de subvenir à ses propres besoins et à ceux de sa famille. Une fois son bateau saisi, il se trouve dans une situation, où même s'il n'a pas été trouvé coupable, il s'endette davantage et n'est pas en mesure de nourrir sa famille. C'est ce qui se passe pendant que le moulin de la justice broie lentement son grain. Il arrive donc que des Autochtones se retrouvent pendant de longs mois sans bateau et sans moyen de subvenir aux besoins de leur famille, et tout cela sans même avoir été déclarés coupables par un tribunal.
Cela est une des questions qu'il faudrait, d'après moi, régler. Cette injustice procédurale ne peut continuer. Il faut que les parties concernées se réunissent et recherchent les moyens de mettre fin à cette injustice sur le plan de la procédure.
Je dirais enfin que la cogestion des ressources paraît la voie à suivre pour réconcilier les divers intérêts en présence. C'est cette approche qui reflète le mieux l'esprit de coopération et de respect mutuel qui devrait être à la base de cette relation.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu cet après-midi.
Il est intéressant que vous ayez parlé de cogestion parce que je voulais poser une question à ce sujet, au sujet de la différence qui semble exister entre votre mémoire et la déclaration de la cour.
La cour déclare:
-
L'objectif essentiel que vise la réglementation est la conservation
[...] Cette responsabilité appartient clairement au ministre et non
pas aux Autochtones ou aux Autochtones qui utilisent la ressource.
Elle poursuit:
-
Les pouvoirs des ministres s'étendent à d'autres objectifs publics
essentiels qui peuvent comprendre l'équité économique et régionale
et la reconnaissance du fait que des groupes non autochtones ont
vécu de la pêche et participent à ces activités.
À la page 3 du mémoire de M. Paul on peut lire:
-
Nous avons formé un projet à long terme qui consisterait à prendre
le contrôle des zones de pêche de l'Atlantique, mais il y a des
gens qui doutent aujourd'hui que cela soit possible.
Comment conciliez-vous ce commentaire et celui de la cour? Il me semble qu'il y a une certaine contradiction. Ou est-ce que je vois dans vos commentaires des éléments qui ne s'y trouvent pas?
M. John Paul: Je pense que vous allez trop loin dans votre interprétation.
M. John Cummins: Qu'entendez-vous par «prendre le contrôle des zones des pêches de l'Atlantique»? Quel est le rapport avec la responsabilité qu'assume en dernière analyse le ministre selon la cour?
M. John Paul: Eh bien, je ne suis pas avocat...
M. John Cummins: Moi non plus.
M. John Paul: Nous y voyons, je pense, ce qu'a indiqué ici mon collègue: un régime de cogestion. Même devant la cour, nous avons précisé dans notre déclaration qu'il devait y avoir un certain régime de réglementation. Je pense que c'est comme ça que ça doit se passer entre deux, trois ou quatre nations.
M. Paul Prosper: J'ajouterais aussi, John, que c'est le ministre qui a la responsabilité en dernier recours, et non seulement en ce qui concerne les pêcheurs commerciaux non autochtones, par exemple, mais aussi pour ce qui est de la reconnaissance des droits issus du traité qui sont protégés par la Constitution de notre pays. C'est une obligation qu'il doit faire respecter.
M. John Cummins: Vous dites aussi dans votre document que l'objectif visant à obtenir et à contrôler 50 p. 100 des pêches de l'Atlantique semble idéaliste, mais c'est un fait. Est-ce que vous dites donc clairement, par conséquent, qu'à votre avis il s'agirait là d'une part légitime?
M. John Paul: Je pense que cela fait partie du dialogue qui doit s'instaurer d'une nation à l'autre. C'est par le biais du dialogue que nous devons instaurer que l'on déterminera cette part.
M. John Cummins: Dans votre mémoire, vous vous référez à l'histoire orale des Micmacs en indiquant que la cour ne l'a pas vraiment prise en compte dans l'affaire Marshall. Pouvez-vous dire brièvement au comité en quoi consiste votre objection?
M. Paul Prosper: Bien sûr, monsieur Cummins.
En lisant l'arrêt Marshall, vous pouvez voir que l'on se réfère à l'histoire orale entourant le texte du traité. On s'est référé aux assurances données oralement, qui étaient plus favorables aux Micmacs que le texte du traité. C'est là, par conséquent, que l'honneur de la Couronne est engagée, la cour affirmant pour l'essentiel qu'il serait inadmissible que la Couronne s'appuie, par exemple, sur une clause commerciale défavorable du traité tout en ne tenant aucun compte des déclarations plus favorables faites oralement lors des négociations qui ont mené à la signature du traité. N'oublions pas que les rédacteurs du document correspondant au traité n'étaient pas autochtones et qu'il en va de l'honneur de la Couronne d'en tenir compte.
Lorsque je parle de l'histoire orale, je me réfère à la tradition orale. C'est par nature quelque chose qui exclut les documents. Ce sont des dispositions que les gens considèrent comme faisant partie du texte écrit, des choses qui ne figurent pas dans les documents historiques. Les tribunaux, notamment dans le cadre de l'arrêt Delgamuukw, ont placé l'histoire orale sur le même pied que les documents écrits.
Dans l'ensemble, les Premières nations avaient eu jusqu'alors bien des difficultés à faire usage des témoignages oraux pour apporter la preuve de leurs droits autochtones ou issus de traités. Ainsi, lors du procès en première instance dans l'affaire Delgamuukw, un représentant de la nation Gitxsan est venu compter ce que l'on savait de cette bande des Premières nations. Ces histoires se transmettaient de génération en génération. À certains égards, son témoignage a été jugé pertinent, mais au bout du compte le poids et la crédibilité qui lui ont été accordés ont été négligeables. Cela tient aux règles de la preuve et à des choses comme ça, aux témoignages par ouï-dire.
M. John Cummins: Si vous me permettez d'apporter un commentaire, monsieur le président...
Le président: Oui, rapidement, John.
M. John Cummins: ...si j'ai bien compris, dans l'affaire Delgamuukw, le juge McEachern a entendu des témoignages oraux pendant 40 ou 50 jours, et ce n'est pas qu'il a refusé de les prendre en compte, mais il a jugé qu'il y avait des contradictions qu'il ne pouvait pas éliminer sans se référer aux documents historiques. Je pense que c'était le problème. Lorsqu'elle s'est penchée sur la question, la cour a déclaré que le juge n'avait pas tenu compte des témoignages oraux, mais je pense que si le juge McEachern était ici il nous dirait qu'il les a bien pris en compte mais qu'il n'a pas pu trancher définitivement en raison des contradictions que présentaient les témoignages oraux.
Le président: Au tout début de nos audiences, nous avons entendu M. Patterson, je crois, qui nous a dit qu'il faudrait peut-être apporter des améliorations à la procédure relative à l'histoire orale, par exemple. Il serait intéressant que vous preniez connaissance de ce témoignage, monsieur Prosper, afin que vous sachiez ce qu'il pense de la procédure suivie par la cour et ce qui s'est effectivement passé à ce moment-là.
Quoi qu'il en soit, vous pourriez peut-être répondre à John, après quoi nous enchaînerons.
M. Paul Prosper: Je serai bref.
Essentiellement, ce qui ressort du dossier de la Cour suprême et des témoignages, qui ont été considérables et qui ont duré 367 jours, je crois...
M. John Cummins: Oui, mais je pense que la partie correspondant aux témoignages oraux a duré environ...
M. John Prosper: C'était quelque chose comme 50 jours. La tendance du juge McEachern à se référer au texte écrit par opposition à la partie de l'histoire orale qu'il a jugée fiable a été considérée comme étant quelque peu partiale.
Le président: Je vais demander au député suivant de poser ses questions. Je ne veux pas consacrer trop de temps aux événements passés. Je veux savoir ce que nous allons faire à partir de maintenant à la suite de l'arrêt Marshall.
Monsieur Bernier.
[Français]
M. Yvan Bernier: Je suis heureux qu'on ferme la porte ou qu'on mette un point de suspension aux questions d'histoire, bien qu'il faille toujours savoir d'où on vient pour savoir où on va. Les questions de perspective historique seront toujours importantes.
Je voudrais remercier les témoins et leur dire que je suis un député de la région de Gaspé, au Québec. J'ai donc des contacts avec les pêcheurs et j'ai été heureux d'apprendre que les représentants micmacs de la Gaspésie allaient venir nous rencontrer samedi. Je suis heureux de vous voir ici aujourd'hui parce que je sais que ce n'est pas facile de partir de loin et de venir exprimer publiquement les réclamations des gens qu'on représente. On se sent parfois isolé parce qu'on sait qu'il y a un groupe derrière nous et qu'on ne peut pas nécessairement exprimer notre volonté, mais qu'il faut plutôt exprimer celle de ceux qu'on représente. En ce sens-là, je me sens moi aussi parfois un peu isolé.
Je suis heureux que le Comité permanent des pêches parcoure les Maritimes et le Québec, ce qui permettra aux nations autochtones de faire connaître leurs réclamations. Nous n'avons pas la prétention de pouvoir tout régler ici aujourd'hui, mais ces audiences permettent aux communautés de pêcheurs et à la population en général de prendre conscience de ce qui se passe. S'il y a eu des erreurs historiques dans le passé et si la cour nous dit qu'il faut aller dans tel sens, je crois qu'il est opportun de faire un pas et d'enclencher la négociation. Voilà mon préambule.
Maintenant, afin de comprendre un peu plus la situation, je vous poserai quelques questions. Je ne veux pas vous lancer des questions pièges, mais étant donné que les écrits restent et qu'il faut permettre un peu à l'histoire orale de se faire, je vais vous demander de commenter les éléments suivants.
Parmi les objectifs recherchés énoncés à la page 2 du document que nous a soumis M. Paul, toujours dans l'optique d'en arriver à faire avancer vos réclamations en matière de pêches, on indique que vous cherchez à établir et à ouvrir un processus de dialogue transparent pour faciliter aux peuples micmac, malécite et passamaquoddy un accès direct et immédiat aux pêches.
Je voudrais que vous me commentiez le caractère immédiat de cet accès, puisqu'on sait que ce ne sera pas chose facile. D'ailleurs, à la page 3 du même document, on indique que vous avez besoin d'aide à court terme et à long terme, ainsi que de capacité en matière de formation et de ressources. Il m'apparaît difficile de concilier la formation avec le caractère immédiat de la situation. Je voudrais que vous commentiez cela.
• 1440
Ma deuxième question portera sur la définition du
concept de subsistance convenable, qui sera la
pierre angulaire de notre travail au cours des prochaines
années. Il faudra commencer à s'y affairer le plus tôt
possible. À l'avant-dernière ligne de la page 3, vous
définissez ainsi ce concept:
[Traduction]
-
Vivre de la pêche, ce n'est pas être à l'assistance sociale, c'est
toucher un revenu égal à celui des autres pêcheurs.
[Français]
En français, je traduirais votre définition par un revenu égal à celui de tout autre pêcheur. Est-ce que c'est l'embryon de la définition? Comment concilie-t-on cela? Si la cour avait dit que la pêche ne devait pas avoir pour but de faire l'accumulation de biens et qu'on se penchait sur le sort de nos meilleurs pêcheurs qui ont réussi à accumuler des biens, je crois qu'on constaterait que la moyenne de nos pêcheurs ont de la misère et que c'est la misère en partage qu'on va s'offrir mutuellement.
Ce sont les deux points sur lesquels j'aimerais entendre vos commentaires.
[Traduction]
Le président: Très bien, qui veut commencer? Monsieur Paul.
M. John Paul: Pour ce qui est de l'accès immédiat, il y a certaines pêches qui vont être ouvertes dès maintenant et pour lesquelles les collectivités ont présenté des demandes au MPO afin d'obtenir un droit d'accès correspondant aux permis qu'elles peuvent avoir. Il s'agit essentiellement de faire en sorte que le MPO réponde immédiatement parce que c'est maintenant que ces pêches vont s'ouvrir. Il y a des ouvertures cette semaine et certaines collectivités demandent des permis d'exploitation. Nous voulons que le MPO réponde dès maintenant, pas l'année prochaine.
Quant à ce qui constitue une subsistance convenable, je pense qu'il faut rapprocher la chose de nos valeurs et de celles de nos collectivités. C'est ce dont nous essayons de discuter dans nos propres collectivités en essayant de voir ce que ça représente.
À titre de référence, nous cherchons à savoir ce que gagnent exactement les pêcheurs. Cela va de très faibles montants à des revenus d'un million de dollars. Il y a donc actuellement tout un éventail de revenus en ce qui concerne les pêcheurs.
M. Yvan Bernier: Il s'agit de recettes brutes.
M. John Paul: Dans certains cas aussi, ça se situe au-dessous du seuil de la pauvreté. Je crois que c'est quelque chose sur laquelle doivent se pencher nos collectivités et nos leaders en essayant véritablement de la définir en tenant compte de nos valeurs et de notre situation.
Le président: Quelqu'un d'autre veut ajouter quelque chose? Je sais qu'il y avait là toute une série des questions...
M. Mark Muise: Elles étaient courtes, cependant.
Le président: Selon l'habitude de M. Bernier.
M. Paul Prosper: Je veux simplement réaffirmer ce que John a mentionné précédemment. Pour définir ce qui constitue «une subsistance convenable» dans le secteur des pêches, il faut partir de quelque part et il s'agit simplement, à mon avis, de comparer des choses comparables entre elles. Si les Micmacs partent à la pêche pour essayer de vivre modestement, il faut se demander quels sont les concurrents dans ce secteur et en tenir compte. Je ne dis pas que ce doit être l'alpha et l'oméga, mais c'est au moins un bon point de départ.
Le président: Nous vous redonnerons éventuellement la parole, monsieur Bernier.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. Je tiens aussi à remercier les trois témoins de leur intervention.
J'ai un certain nombre de préoccupations. Comme vous le savez, nous venons d'entendre M. D'Entremont nous parler de la colère et de la haine que l'on ressentait envers les Autochtones. Il a par ailleurs reconnu qu'il ne connaissait aucun Autochtone, comment en est-il donc venu à ce sentiment?
Vous nous dites ici entre autre—et ce n'est aucunement un reproche—que vous avez pour objectif d'acquérir ou de contrôler 50 p. 100 des pêches de l'Atlantique. Je sais bien qu'il s'agit d'une simple position de négociation et que rien n'est définitivement fixé. Toutefois, il n'est pas très utile d'indiquer ce genre de chiffre dans un mémoire écrit. Si je vous le dis, c'est que d'autres intervenants nous ont déclaré que les Micmacs devraient se contenter de 5 p. 100. Donc, dans chaque camp... ce n'est pas très productif.
Nous avons besoin ici d'un dialogue nous permettant de collaborer et non pas de revendications allant jusqu'à 50 p. 100 des pêches. Vous risquez de gêner considérablement le dialogue et la négociation. Je vous recommande de ne pas utiliser ce chiffre, de dire simplement que vous voulez obtenir un certain contrôle sur les pêches et que le pourcentage pourra être déterminé lors des discussions. Je pense que ce serait là plus utile.
Monsieur Prosper, vous nous dites que vous représentez tous les Micmacs inscrits.
M. Paul Prosper: Oui.
M. Peter Stoffer: Pensez-vous que l'arrêt Marshall s'applique aux Autochtones non inscrits—oui ou non?
M. Paul Prosper: À l'heure actuelle, je ne pense pas qu'il s'applique aux Autochtones non inscrits.
M. Peter Stoffer: Très bien, parce que vous avez répondu tout à l'heure à une question posée par M. Bernier que vous teniez à comparer ce qui était comparable.
M. Paul Prosper: Effectivement.
M. Peter Stoffer: Le Conseil des Autochtones de la Nouvelle-Écosse est venu témoigner ici même et il nous a parlé des personnes qui résidaient en dehors des réserves ainsi que sur l'ensemble du territoire traditionnel des Micmacs.
Il faut voir que lorsque les traités ont été signés, il n'y avait pas de réserves. D'excellents juristes sont venus nous dire qu'ils ne savaient pas si cet arrêt s'appliquait aux Autochtones inscrits ou non inscrits. Ce qui me préoccupe—je n'arrive pas à résoudre la question et je l'ai posée à satiété à tous ceux que vous pouvez imaginer—c'est que vous vous référez toujours au traité de 1760 et qu'il n'y avait pas de réserves ni d'Autochtones inscrits ou non inscrits à l'époque. Il n'y en avait pas. Donc, pour quelle raison, selon votre interprétation, vous n'englobez pas tous ceux qui appartiennent à votre peuple. Je sais qu'il y a la Loi sur les Indiens. Je connais tout le dossier. Pourquoi ne pas englober davantage d'Autochtones non inscrits dans la création des pêches de l'avenir?
M. Paul Prosper: C'est une excellente question. Je comprends bien pourquoi il vous faut la poser à satiété et pourquoi certaines personnes évitent d'y répondre. Je m'efforcerai de le faire.
Je tiens simplement à préciser ce que je vous ai dit précédemment. À l'heure actuelle—aujourd'hui—je dis que l'arrêt Marshall ne s'applique pas aux Micmacs non inscrits; je n'écarte pas toutefois la possibilité qu'à un moment donné nous puissions parvenir à englober davantage de gens. Qui est bénéficiaire du traité de 1760 par opposition à ceux qui le sont aujourd'hui, en 1999? C'est quelque chose qu'il nous faut régler, et seuls les Micmacs peuvent le faire.
Ainsi, il n'appartient pas au gouvernement fédéral de dire au peuple micmac qui est micmac et qui ne l'est pas. C'est au peuple micmac de déterminer qui est micmac. Il va falloir de longues discussions. Ce que je dis—pour compléter ma réponse antérieure—c'est qu'il nous faut avoir un point de départ. Nous partons de quelque chose dont nous ne sommes pas tout à fait sûrs—et croyez-moi, bien des gens ne savent pas très bien qui est micmac et qui ne l'est pas. J'ai le même sentiment. Il n'en reste pas moins qu'il nous faut partir d'un certain point pour le meilleur ou pour le pire et, à partir de là, nous pourrions chercher à englober davantage de gens.
M. Peter Stoffer: Nous savons qu'au mois de mars, cette année, un comité tripartite réunissant les représentants des Autochtones, de la province et du gouvernement fédéral s'est réuni pour discuter des répercussions de l'arrêt Marshall au cas, ou dans l'éventualité improbable—selon la façon dont on voyait les choses—où la cour aurait tranché en faveur de Donald Marshall. Avez-vous fait partie de ce comité tripartite qui s'est réuni en mars? Je sais que Bernd Christmas y était, mais était-ce le cas de l'un d'entre vous à l'époque?
M. John Paul: Non.
M. Paul Prosper: Voulez-vous parler du forum tripartite...
M. Peter Stoffer: Oui.
M. Paul Prosper: ...qui a tenu des réunions officielles au sujet des répercussions de l'arrêt Marshall?
M. Peter Stoffer: Si tout s'est bien déroulé comme prévu.
Le président: C'était en mars de cette année.
M. Paul Prosper: Je connais un certain nombre de gens, moi-même à l'occasion, qui ont participé à certaines discussions sur l'arrêt Marshall. Il est très difficile de prévoir véritablement la forme que va prendre une décision telle que l'arrêt Marshall. Les décisions judiciaires se présentent sous différentes formes. Que l'on ait tranché pour ou contre Donald Marshall, il était très difficile de prévoir la façon dont la cour allait interpréter cette décision.
M. Peter Stoffer: J'aimerais savoir aussi s'il y a eu des discussions à ce sujet avec la représentante des affaires autochtones de la province avant cet arrêt. Nous savons maintenant que c'est elle qui a mis un véto sur toute décision préalable à l'arrêt Marshall. Ce n'est pas le MPO qui l'a fait. En réalité, le MPO, nous le savons désormais, s'est montré tout à fait coopératif. Les Autochtones ont eux aussi pleinement collaboré en vue de la mise en place d'un certain cadre. Nous savons aujourd'hui que c'est elle qui a été la responsable et qu'au nom du ministère des affaires autochtones de la province elle a refusé tout type d'entente.
• 1450
Vous le savez certainement. Puisque vous représentez les
Micmacs inscrits et que Bernd Christmas qui, bien entendu, fait
partie de votre équipe de juristes était tout à fait au courant,
vous en êtes certainement conscients. Si vous saviez que les choses
allaient se passer ainsi, pour éviter les malentendus avec des gens
comme M. D'Entremont et des milliers d'autres habitants de la
Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick et de l'I.-P.-E., pourquoi
n'a-t-on rien dit à l'avance pour que les gens sachent au moins ce
qui allait se passer et ce que vous alliez essayer de faire, même
si vous n'aviez pas de projet concret?
M. Paul Prosper: Excusez-moi, monsieur Stoffer, mais comment se fait-il que les Micmacs doivent constamment aller prier les fonctionnaires du gouvernement—et c'est ce que je fais depuis de bien longues années—pour que l'on reconnaisse les droits fondamentaux autochtones et issus de traités...
M. Peter Stoffer: Pardonnez-moi de vous interrompre et je vous prie de m'excuser à mon tour, mais c'est exactement ce que je dis. C'est la fonctionnaire du gouvernement qui a dit non. Ce ne sont pas les Micmacs; c'est la fonctionnaire du gouvernement. Sachant qu'elle avait dit non, qu'avez-vous fait en conséquence?
M. Paul Prosper: La teneur des discussions qui ont lieu dans le cadre de négociations confidentielles et les différentes mesures prises par les intéressés à la suite de ces discussions peuvent être de nature très diverse.
Le président: Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Stoffer. Je ne pense pas que cela nous soit d'une quelconque utilité pour ce qui est de l'avenir, mais c'est une critique d'un responsable du système, que ce soit un responsable provincial ou au sein du MPO, qui a fait que l'on était mal préparé.
Monsieur Muise.
M. Mark Muise: Merci, monsieur le président.
Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. J'ai trouvé cette séance très intéressante.
J'ai parlé à de nombreux pêcheurs non autochtones et j'ai toujours eu l'impression qu'ils reconnaissent que les Autochtones ont un droit sur la pêche. Je me souviens d'une séance à Ottawa au cours de laquelle Bernd Christmas déclarait, comme vous le faites aujourd'hui, que les traités étaient fondés sur la paix et sur l'amitié. Je vous ai écouté aujourd'hui lorsque vous nous dites qu'il nous faut bien comprendre le type de communauté dont il s'agit.
Si je dis tout cela, c'est parce que je pense que les négociations peuvent réussir. Je fais mes compliments au chef Robinson, de la bande Acadia de Yarmouth, et au chef Frank Meuse, de la bande de Bear River, qui ont collaboré avec les non-Autochtones pour en arriver à une entente indispensable, qui montre que les choses peuvent marcher.
Quand j'entends tous ces commentaires,... et je suis assez d'accord avec Peter. Lorsque vous parlez de 50 p. 100... Bien des tensions sont dues à la peur. L'inconnu est toujours très menaçant pour les parties en présence, quelles qu'elles soient. Je le lisais encore aujourd'hui, et ce n'est pas pour vous faire une critique; je me disais simplement, heureusement que ce n'est pas une décision unilatérale, ce serait effrayant, parce que dans le cadre d'une négociation, on peut toujours trouver le moyen de s'arranger.
Nous disons que la collectivité a certains droits, mais les non-Autochtones aussi. Traditionnellement, ils pêchent les différentes espèces. Ils ont investi d'énormes sommes d'argent que bien souvent ils n'avaient pas, ils ont donc fait certains sacrifices et pris certains engagements.
Ce n'est donc peut-être pas votre intention, mais lorsque vous nous dite «Nous avons un droit et nous comptons l'exercer», vous donnez l'impression de vous apprêter à prendre la place sans faire de concessions. Les gens ont une peur panique.
C'est tout ce que j'ai à dire. Je suis sûr que votre réponse m'aidera à mieux comprendre.
M. John Paul: J'imagine que c'est toujours le même problème. Il s'agit de négocier et de dégager un idéal. La CRPA parlait elle aussi d'idéaux; de quoi s'agissait-il? Elle avait un projet. Elle a précisé tout ce que nous pouvions faire et selon quels moyens. Elle a reconnu par ailleurs qu'il y avait bien des frustrations au sein des collectivités. Deux cents ans, c'est beaucoup.
• 1455
Je pense que tout revient finalement à la relation décrite
dans le cadre du traité. Il s'agit d'un lien de gouvernement à
gouvernement. Je pense qu'il nous faut dialoguer avec les sujets du
Canada—tous les habitants de ce pays. Je sais que l'on a institué
un dialogue en permanence avec les groupes de pêcheurs de la
Nouvelle-Écosse pour essayer de faire en sorte que la population
nous comprenne mieux et soit mieux familiarisée avec notre projet.
Je pense que dans le monde non autochtone, tout est quantifié. Dans notre monde, les valeurs sont différentes. Tout ce qui entoure le traité renvoie en partie à ces valeurs fondamentales de notre communauté—mettre les choses en commun, partager, respecter les ressources, respecter les gens et respecter l'environnement dans lequel nous vivons. Je pense que ce sont là les assises fondamentales de notre culture, de notre histoire. Il nous faut à mon avis nous appuyer sur ces fondements pour renforcer aujourd'hui nos liens avec tous ces pêcheurs. Nous devons y trouver le moyen de rebâtir notre culture. Notre culture est en train d'être détruite. Lisez la CRPA; on y décrit la façon dont nous vivions. Je pense que c'est très important.
Je reconnais que les non-Autochtones ont des droits. Je le reconnais. Quoiqu'il arrive, je considère que les gens de notre peuple ainsi que tous les autres seront toujours là et continueront à cohabiter. Je pense qu'il s'agit en fait d'instituer des liens pour l'avenir, en prévision d'une nouvelle ère. Tournons-nous vers l'avenir, demandons-nous comment renforcer ces liens et instaurer véritablement une bonne relation entre notre peuple, le peuple micmac, et tous les autres pour que tout aille pour le mieux.
Le président: Merci, monsieur Paul. Je pense que c'était une bonne explication.
Monsieur Matthews, avez-vous une question à poser?
M. Bill Matthews (Burin—St. George's, Lib.): Oui. Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, de votre exposé et de vos réponses.
Monsieur Brown, vous avez éveillé mon intérêt en disant que lorsque vos gens étaient soupçonnés ou inculpés d'une infraction, on saisissait leurs bateaux et leurs engins et on ne leur permettait plus de pêcher. Voulez-vous dire par là qu'ils sont traités différemment des non-Autochtones dans un tel cas?
M. Doug Brown: Pas du tout, mais je dis que la Constitution leur reconnaît le droit de pêcher pour se nourrir et que la procédure employée enfreint ce droit. On est là dans une zone de non-droit qui n'a pas fait l'objet de consultations ou de négociations. C'est essentiellement cette zone de non-droit qui à mon avis doit faire l'objet de discussions entre les parties, parce qu'à partir du moment où l'on saisit nos bateaux et nos engins de pêche...
Je vais vous donner un simple exemple de ce qui se passe lorsqu'un pêcheur autochtone est éventuellement accompagné par un pêcheur non autochtone. Au début, alors que les pêcheurs autochtones s'efforcent d'accéder à cette ressource pour la première fois depuis nombre d'années, bien souvent on fait appel à des non-Autochtones pour communiquer leur expérience et leurs connaissances aux Autochtones et leur enseigner à pêcher le homard, à pêcher tout simplement, à conduire un bateau, à naviguer dans des eaux qui sont très dangereuses. Seules des personnes qualifiées doivent pouvoir enseigner aux Micmacs ce qu'il faut faire dans ce cas. Il arrive qu'un Micmac soit inculpé parce qu'un non-Autochtone l'accompagne. C'est la zone de non-droit dont je parle. Si l'on saisit son bateau et ses engins de pêche, il n'a plus la possibilité d'exercer comme le reconnaît la Constitution son droit de pêcher pour se nourrir tant que l'affaire n'a pas été tranchée, ce qui peut prendre de nombreux mois étant donné la lenteur de la justice. Donc, pendant de nombreux mois, il n'a pas les moyens de nourrir sa famille.
M. Bill Matthews: Je vous fais observer qu'un pêcheur commercial dont le bateau et les engins ont été saisis ne peut pas pêcher pour gagner sa vie. Par conséquent, je trouve que c'est la même situation. C'est pourquoi je voulais avoir cette précision.
M. Doug Brown: Oui, mais je vous dis qu'il y a une différence entre le droit de pêcher pour des raisons commerciales et le droit de pêcher pour se nourrir.
Le président: Bien. Nous avons obtenu un éclaircissement sur ce point.
Monsieur Bernier, rapidement.
[Français]
M. Yvan Bernier: J'aimerais revenir à la notion de subsistance convenable dont on traite à la page 3 du document du chef Paul. Nous avons tous deux fait des comparaisons. Il m'indiquait que cela devait être égal aux autres pêcheurs et qu'il y avait des pêcheurs riches et des pêcheurs pauvres. On parle toutefois dans ce cas-ci de pêcheurs individuels. Je cherche à mieux faire comprendre aux députés comment fonctionne la communauté micmac. J'ai cru comprendre que la Cour suprême avait statué que la pêche est un droit qui doit être exercé par la communauté. Comment peut-on comparer les profits d'un joueur qui a un bateau et qui tire bien son épingle du jeu, et la façon dont ce droit de pêche sera exercé par la communauté? Je pose cette question parce que la clé ou la pierre angulaire de la répartition de la ressource, c'est ce qu'on entend par «substance convenable». Il faut définir s'il leur faudra plus ou moins de ressources pour satisfaire à leurs besoins. Si nos témoins n'ont pas le temps de répondre maintenant à cette question, j'apprécierais qu'ils nous fassent part des idées qui leur viennent en tête ou qu'ils nous fassent parvenir ces renseignements à Ottawa afin de nous éclairer.
[Traduction]
M. John Paul: Je pense que cela fait partie de ce qu'il nous faut faire au sein de nos collectivités, de nos tribus.
M. Yvan Bernier: Vaste question.
Le président: À cette vaste question, pouvons-nous donner une petite réponse?
M. Doug Brown: Je pourrais peut-être le faire très rapidement.
Le président: Si c'est possible, Doug, allez-y. Nous avons des taxis qui nous attendent. J'aimerais que nous disposions de plus de temps, mais ce n'est pas le cas.
M. Doug Brown: Je dirais que dans les collectivités micmaques, tout le monde ne pêche pas; seulement certaines personnes pêchent. Les traités sont des droits de la communauté. Un droit issu d'un traité est un droit communautaire. Par conséquent, pour un Micmac qui pêche, il y a dix autres personnes dans la réserve qui ne pêchent pas. Par conséquent, lorsqu'on cherche à déterminer ce que l'on entend pas «subsistance convenable», je pense qu'il faut tenir compte de cet élément communautaire. Lorsqu'on parle de «subsistance convenable» cela ne s'applique pas uniquement à la personne qui pêche, mais éventuellement à toute sa communauté. C'est évidemment quelque chose dont il faudra discuter à la table des négociations.
Le président: Nous en discuterons un peu plus lors des prochaines séances.
Monsieur Prosper, vous vouliez dire une dernière chose?
M. Paul Prosper: Oui, très rapidement. La notion de «subsistance convenable» ne se limite pas aux pêches. L'arrêt Marshall porte sur la chasse, la pêche et la cueillette. Plus les Micmacs auront accès à des ressources diverses, moins ils auront à exploiter une ressource particulière.
Le président: Monsieur Brown, vous avez évoqué le sort réservé à certaines personnes inculpées. Si vous avez des dossiers à nous présenter, vous pourriez les transmettre au greffier du comité et nous pourrions nous pencher sur la question.
M. Doug Brown: Avec plaisir.
Le président: J'aurais aimé que l'on se penche sur la pêche de subsistance et savoir comment vous comptiez vous y prendre, mais nous n'en avons pas le temps. Je suis désolé. Je pense qu'il nous faudra y revenir plus tard, parce que nous avons bien besoin de... Je pense que vous avez entendu les témoignages précédents, selon lesquels la pêche de subsistance donne naissance à un marché noir illégal, qu'il s'agisse d'une impression ou d'une réalité. Il faudra d'une façon ou d'une autre que nous nous penchions sur la question. Je regrette de ne pas avoir le temps de le faire ici.
• 1505
Merci, messieurs. Je vous remercie de votre intervention.
Je signale aux membres du comité que nous nous retrouverons à l'extérieur. Les taxis nous attendent et toutes les dispositions ont été prises.
La séance est levée. Nous reprendrons demain matin à 9 heures à Moncton, Nouveau-Brunswick.