OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 18 mars 2003
¹ | 1535 |
Le vice-président (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)) |
M. George Radwanski (commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada) |
¹ | 1540 |
Le vice-président (M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)) |
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.) |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Paul Szabo |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
¹ | 1545 |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
¹ | 1550 |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
¹ | 1555 |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
º | 1600 |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC) |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
º | 1605 |
M. Robert Lanctôt |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
º | 1610 |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.) |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
º | 1615 |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.) |
M. George Radwanski |
º | 1620 |
Mme Carolyn Bennett |
M. George Radwanski |
º | 1625 |
Mme Carolyn Bennett |
M. George Radwanski |
Mme Carolyn Bennett |
M. George Radwanski |
º | 1630 |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Ken Epp |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
º | 1635 |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
º | 1640 |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
M. George Radwanski |
M. Tony Tirabassi |
º | 1645 |
M. George Radwanski |
M. Tony Tirabassi |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
º | 1650 |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
M. Robert Lanctôt |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. John Bryden |
º | 1655 |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. John Bryden |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
» | 1700 |
M. John Bryden |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
» | 1705 |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
M. Joe Clark |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Tony Tirabassi |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
» | 1710 |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Ken Epp |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
» | 1715 |
M. George Radwanski |
M. Ken Epp |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. Joe Clark |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
M. John Bryden |
Le vice-président (M. Paul Forseth) |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 18 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Conformément à l'alinéa 108(3)g), considération du rapport annuel du Commissaire à la protection de la vie privée, je souhaite la bienvenue à M. Radwanski, Commissaire à la protection de la vie privée du Canada.
Merci de vous être déplacé, monsieur Radwanski. J'imagine que vous avez quelques remarques liminaires à faire, après quoi nous passerons aux questions.
Je vous en prie, commencez.
M. George Radwanski (commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, je me réjouis d'être parmi vous aujourd'hui.
Ma comparution devant ce comité revêt un caractère tout nouveau pour moi et pour mon bureau. Comme vous le savez, pendant 20 ans, soit depuis la création du poste de Commissaire à la protection de la vie privée, mes prédécesseurs et moi-même avons comparu devant le Comité de la justice, ce poste ayant été créé en vertu de la Loi sur la protection de la vie privée qui était administrée par le ministère de la Justice.
J'espère qu'en vertu de ces nouvelles modalités, votre comité tiendra compte des réserves que j'ai soulevées dans les 18 premières pages d'aperçu de mon rapport annuel de cette année.
Comme le comité est désormais ma seule interface officielle avec le Parlement relativement à mes rapports annuels et comme j'ai soulevé, dans ce dernier rapport, des questions qui touchent au droit fondamental à la protection de la vie privée de tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, il est très important que votre comité se penche en profondeur sur ces questions, qu'il appelle d'autre témoins au besoin et qu'il reprenne, dans son compte rendu au Parlement, les préoccupations que j'ai jugé nécessaire de soulever.
Effectuons un bref survol des préoccupations en question.
La vie privée est un droit fondamental de l'être humain, qui est reconnu en tant que tel par les Nations Unies et qui est enchâssé dans nos lois et dans notre Charte. Comme le juge La Forest de la Cour suprême du Canada l'a défini, la vie privée est au coeur même de la notion de liberté dans un État moderne. Voilà pourquoi il ne peut y avoir de véritable liberté sans vie privée.
Il n'y a pas de véritable liberté pour celui ou celle qui doit vivre en se sachant observé à tout instant, au sens propre ou figuré, surtout par des mandataires de l'État. Voilà pourquoi l'absence de protection de la vie privée est un des traits marquants de beaucoup de régimes totalitaires. Voilà pourquoi la vie privée et les autres libertés et valeurs qui sont chères à notre société et qui la définissent ne peuvent, dans la situation actuelle, être considérées comme un luxe.
Mon rapport décrit les théories sur lesquelles le gouvernement a fondé des initiatives qui risquent de saper les droits fondamentaux à la vie privée au Canada. Ces initiatives sont la nouvelle base de données sur les passagers de l'ADRC, du style «Big Brother», les dispositions du projet de loi C-17, la Loi sur la sécurité publique, les pouvoirs de l'État qu'on envisage très sérieusement d'accroître en matière de surveillance de nos communications, pouvoir qui sont énoncés dans le document «Accès légal», le projet de carte d'identité nationale avec indicateurs biométriques et l'appui du gouvernement à la surveillance vidéo des voies publiques par la police.
Ces initiatives sont une réponse aux demandes de renforcement de la sécurité au lendemain du 11 septembre, sous prétexte de lutter contre le terrorisme. Toutefois, les aspects qui constituent la plus grande menace à la vie privée n'ont rien à voir, soit avec la lutte contre le terrorisme, soit avec l'amélioration de la sécurité. Le gouvernement utilise simplement les événements du 11 septembre comme excuse pour justifier des mesures qui n'ont pas leur place dans une société libre et démocratique.
J'ai répété avec insistance qu'en ma qualité de Commissaire à la protection de la vie privée, je ne me suis jamais opposé à une quelconque mesure susceptible de nous protéger contre le terrorisme, même si elle devait empiéter sur le droit à la vie privée ou le limiter. En fait, je ne me suis jamais opposé à une seule mesure du genre.
En revanche, il est de mon devoir de faire obstacle à l'élargissement des soi-disant mesures anti-terroristes qui empiètent sur la vie privée et qui sont destinées à étendre les pouvoirs du gouvernement ou des corps policiers mais qui n'ont rien à voir avec la lutte contre le terrorisme. Je suis opposé aux intrusions dans la vie privée quand la lutte contre le terrorisme n'est qu'une excuse ou un prétexte.
Il y a lieu de se sentir sérieusement préoccupé par les cinq initiatives dont je viens de parler, d'autant qu'elles créent des précédents et ouvrent des portes. Chacune établit un nouveau principe terriblement dangereux d'atteinte acceptable à la vie privée: création de dossiers sur des citoyens pourtant respectueux de loi, auto-identification obligatoire à la police, surveillance généralisée de nos activités de communication et de nos habitudes de lecture, disparition du droit à l'anonymat et observation systématique, par la police, des citoyens vacant à des occupations légitimes sur les voies publiques.
Une fois le précédent établi et le principe accepté dans chaque cas, d'autres incursions dans la vie privée ne seront ensuite qu'une question de degré. La situation est d'autant plus inquiétante que le gouvernement fait tout cela à découvert, au mépris flagrant et répété des préoccupations qu'il est de mon devoir d'exprimer en ma qualité de Commissaire à la protection de la vie privée.
Ma fonction me confère un rôle d'ombudsman. J'agis surtout par le biais de la persuasion et de la discussion, en coulisse. C'est ainsi que je m'efforce de travailler depuis ma nomination et que j'ai obtenu un grand nombre de résultats probants. Je le répète, je ne me suis jamais opposé à une véritable mesure de lutte contre le terrorisme, même si son application doit empiéter sur la vie privée. J'ai insisté pour que toute mesure proposée en ce sens obéisse à quatre critères de justiciation: nécessité, efficacité, proportionnalité et absence d'autres solutions plus respectueuses de la vie privée.
J'estime que ces critères nous permettront d'appliquer des mesures appropriées pour accroître la sécurité sans sacrifier inutilement le droit à la vie privée. Malheureusement, chaque fois que j'ai voulu appliquer ces critères aux récentes mesures prises par le gouvernement et que j'ai conclu à leur caractère déraisonnable, le gouvernement s'est contenté de rejeter mon intervention du revers de la main.
Ce genre de chose sape tout l'édifice de la protection de la vie privée au Canada, un édifice vieux de près de 20 ans. Si le gouvernement peut se permettre, quand il le veut, de faire fi des avis de son Commissaire à la protection de la vie privée, la protection que j'offre sera peu à peu affaiblie et elle sera inévitablement victime des pires débordements.
Certes, au fil de son histoire, le Canada est parvenu à réaliser un équilibre sain entre les pouvoirs de l'État et les droits de l'individu. Au Canada, les taux de criminalité sont relativement faibles et l'ordre social est relativement fort. Les libertés individuelles et la diversité se portent tellement bien que nous faisons l'envie de la plupart des pays. C'est pour cela que des ressortissants de tant de pays viennent chez nous et ont décidé d'élire domicile au Canada.
En revanche, nous devons maintenant faire face au déséquilibre occasionné par un gouvernement qui, comme je l'indique dans mon rapport, semble avoir perdu sa boussole morale en ce qui a trait au droit fondamental à la vie privée, bien que j'espère que cela ne soit que temporaire.
Le Canada est sur le point de se transformer en une société où l'État s'immisce de plus en plus dans la vie privée des gens et où les droits et les libertés de la personne sont de ce fait réduits. De plus, nous devons affronter cette transformation sans l'analyser, sans en débattre ni même sans l'appréhender comme nous le devrions.
L'ombudsman que je suis n'a pas le pouvoir de stopper cette attaque contre la vie privée. Ce pouvoir, seuls le Parlement, par son insistance, et le public, par ses protestations, peuvent l'exercer. Il convient d'indiquer au gouvernement, de la façon la plus claire possible, que les Canadiens mais surtout les députés, n'accepteront pas que l'on érode inutilement leur droit fondamental à la vie privée ni qu'on affaiblisse les moyens permettant de protéger ce droit.
C'est pour cette raison que j'exhorte votre comité à se pencher sur ces problèmes et à faire rapport au Parlement en reprenant, je l'espère, les préoccupations que j'ai soulevées.
Merci beaucoup de l'attention que vous m'avez accordée, je serai heureux de répondre à vos questions.
¹ (1540)
Le vice-président (M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)): Merci, monsieur Radwanski.
Il est un fait qu'à partir de maintenant c'est par l'intermédiaire de notre comité que vous ferez rapport au Parlement. Les choses ont changé et je pense que c'est ainsi que cela va se passer désormais. J'espère que vous pourrez, dans le temps, nous aider à instaurer cette relation bilatérale.
Oui, monsieur Szabo.
M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le président, avant de passer aux questions, je me demandais si M. Radwanski ne pourrait pas nous parler de ses prévisions de dépenses.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Je pensais que nous l'avions fait hier, mais...
M. Paul Szabo: Comme je n'ai pas pu...
Le vice-président (M. Paul Forseth): Oui?
M. George Radwanski: Personnellement, monsieur le président, je préférerais que nous discutions de mon rapport annuel. C'est hier, m'a-t-on dit, qu'il devait être question des prévisions budgétaires, raison pour laquelle on m'avait demandé de dépêcher un représentant de mon bureau. Je me tiens bien sûr à la disposition du comité n'importe quand pour parler de ces questions, mais j'apprécierais que nous nous concentrions sur mon rapport annuel, puisque vous êtes désormais ma seule interface avec le Parlement à cet égard.
Le vice-président (M. Paul Forseth): C'est ce que nous allons faire, monsieur, mais je m'en remets à vous, au cas où vous voudriez réagir aux commentaires de M. Szabo, avant que nous ne passions aux questions.
M. George Radwanski: Je n'ai pas grand chose à ajouter. Mon directeur général m'a fait part des questions qu'on lui avait posées hier et des réponses qu'il vous avait fournies et, à moins d'un aspect qui m'aurait échappé, je crois pouvoir dire qu'il vous a fourni des explications très valables au sujet de notre budget des dépenses supplémentaire et de ce qu'il contient. Je ne vois pas grand chose à ajouter.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Merci beaucoup.
Nous allons passer à l'opposition officielle de Sa Majesté, avec M. Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci beaucoup et merci à vous, monsieur Radwanski, non seulement parce que vous avez répondu à notre invitation aujourd'hui mais pour l'excellent travail que vous faites au nom de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes.
J'ai donc quelques questions à vous poser au sujet de votre rapport.
J'espère avoir bien compris ce qu'il contient, autrement dit que vous n'êtes pas tant préoccupé par l'actuel degré de contrôle auquel nous sommes soumis par le gouvernement et ses différents organismes que par le risque de dérapage associé à ce genre de contrôle. Est-ce que je me trompe ou est-ce que vous êtes aussi préoccupé par les contrôles en place?
¹ (1545)
M. George Radwanski: Je suis très préoccupé par ce qui se passe déjà. Le meilleur exemple nous est donné par l'ADRC qui, au moment où l'on se parle, est en train de mettre sur pied une banque de données retraçant tous les déplacements légaux effectués par les Canadiens à l'extérieur du pays depuis six ans. C'est une banque très complète alimentée par des informations recueillies auprès des compagnies aériennes et qui précise les destinations, les personnes accompagnant les voyageurs, le mode de paiement des billets d'avion avec, éventuellement, le numéro de la carte de crédit, la durée passée à l'étranger, le nombre de bagages transportés, les numéros de contact fournis, etc. La banque en question renferme plus de 30 éléments de données.
Ces données, qui seront conservées pendant six ans, serviront non seulement à des fins soi-disant judiciaires, en cas d'accident terroriste—ce contre quoi je ne m'oppose d'ailleurs pas—mais elles seront également communiquées à d'autres ministères fédéraux pour quasiment n'importe quelle fin en vertu des dispositions de la Loi sur les douanes relatives à la communication de renseignements. La ministre du Revenu national, Mme Caplan, a publiquement déclaré que ces données seraient très utiles pour mettre par exemple la main sur les pédophiles.
Qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, supposez que vous effectuiez un certain nombre de déplacements en Thaïlande, pays tristement réputé pour la prostitution juvénile. Vous pourriez toujours vous rendre là-bas pour y voir des amis, peut-être aussi parce que vous appréciez les plages, la nourriture, les terrains de golf ou encore pour y faire des affaires. Cependant, après un certain nombre de passages, votre nom serait repéré dans la base de données qui vous catégoriserait de pédophile potentiel à cause de cette destination.
Vous n'auriez aucun moyen d'être au courant de cela parce que, même si vous avez normalement accès aux renseignements vous concernant en vertu de la Loi sur la protection de la vie privée, il existe des exemptions au titre de la sécurité et des enquêtes en cours. Votre nom pourrait donc être repéré dans ces conditions et vous pourriez ensuite avoir des problèmes chaque fois que vous sortiriez du Canada et que vous essayeriez de rentrer dans d'autres pays, à cause de la communication de ce genre de renseignements. Vous pourriez vous faire refuser une cote de sécurité. Vous pourriez vous faire refuser un emploi. Pire, vous ne sauriez pas pourquoi, et je ne vous ai donné là qu'un exemple du problème.
Nous avons demandé si cette banque de données pouvait être utilisée à des fins d'enquête fiscale de routine: on nous a dit que oui. Je suis très inquiet parce que, dans une société libre comme la nôtre, j'estime que l'État ne doit pas bâtir de dossiers sur les activités licites de citoyens respectueux de la loi. Comme je l'ai dit, dans le passé nous avons été horrifiés d'apprendre que la police secrète est-allemande, la Stasi, conservait des dossiers sur chaque citoyen. Je ne voudrais pas que le gouvernement du Canada en arrive là, mais c'est pourtant ce qui se passe déjà.
Je suis très préoccupé par le fait que la GRC ait installé une caméra de vidéo-surveillance dans une rue publique de Kelowna, question à propos de laquelle j'ai été conseillé par un éminent juge de la Cour suprême du Canada, maintenant à la retraite, le juge Gérard Laforêt. Il a rédigé la plupart des importantes décisions judiciaires relatives à la vie privée et il estime que cela est contraire à la Charte. J'ai voulu contester cette mesure en vertu de la Charte, mais le gouvernement fédéral fait tout son possible pour empêcher que le fond du litige soit tranché.
Ce sont là des problèmes d'actualité auxquels viennent se greffer ceux qui découleront des dispositions du projet de loi C-17 relatives aux mandats d'arrestation. Évidemment, ces problèmes ne sont que potentiels pour l'instant, puisque le projet de loi n'a pas encore été adopté, mais la disposition en question est importante non seulement pour ce qu'elle signifiera dans l'avenir, mais aussi parce qu'elle prévoit l'auto-identification obligatoire et de facto à la police. Il faudra produire une carte d'identité avec photographie pour embarquer même à bord des vols intérieurs et les services policiers pourront utiliser ces renseignements, qu'ils auront encore, je le rappelle, obtenus auprès des compagnies aériennes en vertu d'une loi différente et d'un contexte également différent, non seulement pour rechercher des terroristes connus ou suspectés—ce à quoi je ne suis pas opposé non plus—mais pour rechercher toute personne faisant l'objet d'un mandat d'arrestation relativement à tout un éventail d'infractions au criminel.
M. Ken Epp: Monsieur Radwanski, voilà le problème. Si un terroriste devait monter à bord du même avion que moi, je voudrais qu'on l'attrape.
¹ (1550)
M. George Radwanski: Je suis d'accord avec vous, et c'est pourquoi j'ai dit...
M. Ken Epp: Comment y parvenir si vous n'identifiez pas tout le monde?
M. George Radwanski: Je ne m'objecte pas à cela. Je m'objecte à l'une des utilisations proposées à l'article 4.82. En d'autres mots, il est possible de respecter cette disposition qui concerne officiellement la lutte contre le terrorisme et la sécurité aéronautique, en comparant des listes de passagers établies à partir d'une auto-identification obligatoire au contenu d'une base de données renfermant les noms de terroristes avérés ou soupçonnés. Je suis d'accord avec cela. Je n'ai pas du tout de problème dans ce cas. J'ai indiqué que l'on pourrait conserver cette disposition mais j'ai demandé de retirer celle permettant l'utilisation des renseignements en vue de retracer des personnes recherchées en vertu d'un mandat d'arrêt normal émis conformément au Code criminel pour toute une liste d'infractions.
M. Ken Epp: Mon autre question concerne les renseignements contenus dans la base de données. Nous savons qu'il y en a déjà beaucoup. Soit dit en passant, il arrive souvent que l'on se fasse filmer, et je n'ai rien contre. Je pense que vous vous souciez peut-être un petit peu plus de cette situation que moi. Je ne peux m'empêcher de songer à ce qui s'est passé en Grande-Bretagne, quand les Anglais ont pu, grâce à une caméra de surveillance, retrouver ceux qui avaient enlevé un jeune enfant. Cela n'aurait pas été possible si la loi avait été très stricte, et je n'ai rien contre ce genre d'utilisation. Si l'on me filme pendant que je déambule dans une galerie marchande, j'espère tout simplement qu'on appréciera cette image de moi. Je n'ai pas grand chose contre cela, mais ce n'était qu'un aparté.
Je veux revenir sur la réponse que vous avez donnée à cette question. C'est un aspect qui me préoccupe beaucoup, je veux parler des bureaux de crédit, des banques et même des employeurs qui disposent d'un grand nombre de renseignements personnels me concernant. J'ai travaillé de nombreuses années à un institut technique. Nous devions nous battre pour obtenir, par exemple, le droit d'accéder à notre dossier personnel une fois par an. Il nous a été très difficile de faire inscrire dans la convention collective notre droit d'accéder à notre dossier personnel et à aucun autre.
J'estime que nous devrions avoir une loi, au Canada, précisant que toute personne a le droit d'accéder à des informations comme sa cote de crédit et les autres renseignements dont disposent la banque et toute autre organisation du genre, renseignements recueillis pour quelque raison que ce soit, par le gouvernement, par des grandes entreprises ou autres. N'êtes-vous pas d'accord?
M. George Radwanski: Non seulement je suis d'accord, à quelques exceptions près, mais je suis aussi en mesure de vous dire que nous disposons déjà de ce genre de loi, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est entrée en vigueur de façon progressive à compter du 1er janvier 2001. Pour l'instant, elle ne vise que le secteur privé qui est réglementé par le gouvernement fédéral, ce qu'on appelle les ouvrages et les entreprises du gouvernement fédéral, soit essentiellement les banques, la radiotélédiffusion, les transports et les télécommunications.
À compter du 1er janvier de l'année prochaine, elle s'appliquera à l'ensemble du secteur privé au Canada, les seules exceptions possibles étant les cas où une province adoptera une loi à peu près semblable de son côté en vue de régir le secteur privé relevant de sa compétence. Ce n'est que dans ce cas que la loi fédérale sera remplacée par la loi provinciale, mais le même genre de loi s'appliquera essentiellement partout.
Cette loi dit essentiellement que les renseignements personnels ne peuvent être recueillis, utilisés ni divulgués sans le consentement de l'intéressé. Deuxièmement, les renseignements peuvent n'être recueillis, utilisés ou divulgués qu'aux seules fins pour lesquelles l'intéressé aura fourni son consentement. Troisièmement, même une fois le consentement fourni, la collecte, l'utilisation ou la divulgation ne pourront se faire que pour des fins qu'une personne raisonnable jugerait appropriées aux circonstances, ce qui veut dire qu'on ne peut arracher le consentement. De plus, la loi prévoit le droit d'accéder à l'information recueillie par une organisation visée par la loi et le droit de faire corriger d'éventuelles erreurs. Mon bureau et moi-même sommes chargés du contrôle de l'application de cette mesure et il existe des recours en cas d'infraction à la loi.
Des principes semblables, mais peut-être pas aussi affirmés que ceux-ci à certains égards, s'appliquent au gouvernement fédéral en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à l'exception de tout ce qui touche à la sécurité nationale ou à des enquêtes en cours.
M. Ken Epp: Vous venez de beaucoup me surprendre, parce que je siège à la Chambre depuis près de 10 ans et que la plupart des gens ici ont...
M. George Radwanski: Si c'est le cas, vous avez forcément voté pour ou contre ce projet de loi, monsieur.
¹ (1555)
M. Ken Epp: Nous avons voté en faveur de cette loi mais nous l'avons oubliée. Quand était-ce? De quel projet de loi s'agissait-il?
M. George Radwanski: Ce projet de loi a été adopté avant que je ne sois nommé. Il s'agit de la Loi sur la protection des renseignements personnels et des documents électroniques, qui est une loi du pays. Nous serons heureux de vous faire parvenir une trousse d'information à cet égard tout de suite après cette réunion, monsieur.
M. Ken Epp: Je l'apprécierai. Nous vérifierons tout cela et je vous remercie d'avance.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Monsieur Lanctôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Bonjour encore une fois, monsieur. Je siège à plusieurs comités et je vois donc souvent votre rapport.
M. George Radwanski: Cela me fait toujours plaisir.
M. Robert Lanctôt: À moi aussi. J'apprécie le travail que vous faites, ou plutôt le travail que vous essayez de faire.
M. George Radwanski: Je fais mon possible.
M. Robert Lanctôt: Ce n'est pas que vous n'essayiez pas, mais bien que le gouvernement ne semble pas vous accorder une oreille attentive.
Vous avez, je crois, témoigné au Comité des transports. On a alors insisté pour dire que le registre créé devait être conservé 24 heures; or, on parle maintenant de 6 ans. Vous ont-ils expliqué comment ils avaient pu passer de 24 heures à 6 ans?
M. George Radwanski: Deux lois distinctes sont en cause. D'abord, il y a les amendements apportés avant le 11 septembre à la Loi sur l'Agence des douanes et du revenu et qui permettaient aux douaniers de prendre connaissance des renseignements... [Note de la rédaction: inaudible].
M. Robert Lanctôt: Pendant 24 heures.
M. George Radwanski: Oui, c'est exact. Ils m'ont promis par écrit que cela ne serait pas retenu.
Pour ce qui est de C-17, c'est une tout autre histoire.
M. Robert Lanctôt: On parle d'après le 11 septembre.
M. George Radwanski: Oui, mais c'est complètement différent; ça concerne la GRC et le SCRS. Dans le cadre de recherches sur les terroristes, ils auront accès aux renseignements sur les passagers des vols internationaux aussi bien que sur ceux des vols intérieurs.
Le problème est que dans ce contexte, ils auront aussi le droit d'utiliser ces renseignements pour essayer de trouver des gens qui sont recherchés en vertu d'un mandat d'arrestation mais qui n'ont rien à voir avec l'antiterrorisme. Il reste que ce sont deux questions tout à fait séparées.
M. Robert Lanctôt: Pourquoi garder ces informations pendant six ans? Monsieur Radwanski, si vous vous promenez entre Vancouver et St. John's, en passant par le Québec, on gardera tous les renseignements vous concernant.
M. George Radwanski: Non. En ce qui a trait aux douanes, un dossier sera établi uniquement dans le cas des voyages à l'étranger; les vols intérieurs ne seront pas touchés.
M. Robert Lanctôt: Pour les vols intérieurs, on ne fait qu'un contrôle d'identité?
º (1600)
M. George Radwanski: Non. Si vous me le permettez, je poursuivrai en anglais; la question est un peu compliquée, et je voyage depuis 6 heures ce matin. J'arrive de Fredericton. En outre, je vais m'exprimer un peu plus vite en anglais.
M. Robert Lanctôt: Très bien.
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Mais on parle français à Fredericton.
M. George Radwanski: Moi aussi, j'ai parlé français à Fredericton, mais je suis un peu fatigué et je fais mon possible pour maintenir un rythme suffisamment rapide.
[Traduction]
Les gens de l'ADRC m'ont dit qu'ils avaient décidé de conserver cette information pendant six ans à des fins judiciaires, en cas d'attentat terroriste. Qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, on m'a expliqué que si un terroriste agissait au Canada, par exemple et que l'on sache de qui il s'agit, grâce à cette information, il serait possible de remonter deux ou trois ans en arrière pour retracer d'éventuels complices ayant pu voyager avec le coupable. C'est la raison qu'on n'a donnée.
Pour tout vous dire, ce n'est pas la meilleure raison qu'on m'aie fournie pour justifier une base de données contenant six années d'information sur chaque Canadien. Six années, c'est beaucoup et cela donne lieu à une gigantesque «botte de paille» dans laquelle on espère retrouver une petite aiguille plus tard. J'ai rétorqué que si cela pouvait contribuer ne serait-ce qu'un tout petit peu à la lutte contre le terrorisme, c'était bien. Mais j'ai supposé qu'il s'agirait alors d'une base de données exceptionnelle, renfermant des données protégées auxquelles personne d'autre ne pourrait avoir accès, si ce n'est pour des fins judiciaires dans la lutte contre le terrorisme, selon la définition qu'on m'en avait donnée. En quelque sorte, elle ne servirait qu'en cas d'attaque terroriste. On m'a alors répondu: «Pas du tout. En vertu des dispositions de la Loi sur les douanes relatives à l'échange d'informations, nous pourrons partager l'utilisation de cette banque avec presque n'importe qui et pour à peu près n'importe quoi». Ce sur quoi mon bureau a demandé: «Permettriez-vous, par exemple, que cette information serve à des fins d'enquête fiscale de routine?» On nous a répondu oui.
Puis, la ministre a commencé à parler de mettre la main sur des pédophiles, sur ceux qui blanchissent l'argent du crime, sur les pestiférés et ainsi de suite. C'est quelque chose de tout à fait différent et c'est ce qui me préoccupe.
Pour ce qui est de la lutte contre le terrorisme, comme je le disais, je me fends en quatre pour que la protection des renseignements personnels ne fasse pas indûment obstacle à l'application des mesures destinées à nous protéger contre le terrorisme. Mais, dès lors que le terrorisme devient une excuse pour faire des choses qu'on n'aurait jamais imaginé pouvoir justifier avant le 11 septembre, alors là, je ne suis plus d'accord.
Le 11 septembre nous a mis en présence d'un problème de terrorisme, mais ces événements n'ont jamais justifié l'intrusion de l'État dans des aspects où il n'a que faire.
Soit dit en passant, si vous me le permettez, je me rends compte que je n'ai pas répondu à l'autre remarque de M. Eppe à propos de la vidéo-surveillance qui a permis d'attraper les adolescents qui avaient enlevé un jeune enfant en Angleterre. J'ai parlé avec d'éminents experts de la question en Grande-Bretagne et je me permets d'indiquer, pour mémoire, que ce n'est pas ainsi que les kidnappeurs ont été repérés. Ce n'est qu'après avoir su qui elle cherchait que la police a mis la main sur la bande vidéo en question, ce qui l'a certes aidée mais qui n'a pas été déterminant. Je tenais à apporter cette précision en passant.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Il est indéniable que ce genre d'intervention, dans une société libre et démocratique comme la nôtre, diminue grandement nos libertés. Mais après les événements du 11 septembre, comment peut-on obtenir des informations sans porter atteinte au droit à la vie privée? Je suis complètement d'accord sur ce que vous dites, mais la situation sera très difficile. Comment arriver à ne relever que les informations reliées au terrorisme? Il s'agit là d'un équilibre difficile à atteindre.
Nous pouvons choisir de devenir un État plus policier, de nous faire surveiller et de perdre nos libertés, comme c'est le cas présentement. À cet égard, je suis d'avis que ben Laden a réussi son coup. Je trouve très regrettable que le Canada adhère à une telle approche. Est-ce qu'on a vraiment besoin de le faire? Il faut se poser la question et selon moi, la poser, c'est y répondre. Quel genre de société voulons-nous être?
Le droit fondamental à la vie privée dont vous parliez plus tôt est à caractère international; on parle ici de convention. Or, au Canada, cela n'est même pas prévu dans notre Constitution. Ainsi, en matière de respect de la vie privée, on ne pourrait même pas parler d'une contestation de la Charte canadienne.
M. George Radwanski: Excusez-moi de vous contredire; cela pourrait se faire.
M. Robert Lanctôt: C'est à ce sujet que j'aimerais entendre vos commentaires.
M. George Radwanski: C'est ce que j'essaie de faire présentement à Kelowna; la Gendarmerie royale fait de la vidéo-surveillance dans une rue publique. En dressant sur mon chemin des obstacles d'ordre technique, le gouvernement fait son possible pour m'empêcher de faire ce que je veux.
M. Robert Lanctôt: Oui, mais vous pourriez utiliser d'autres moyens. Quelqu'un d'autre pourrait le faire à votre place. Bref, on met un problème de côté et on met beaucoup de temps...
M. George Radwanski: Ce n'est pas très facile pour un particulier, étant donné que ça coûte très cher.
M. Robert Lanctôt: Il existe sans doute des organismes capables de faire le même travail et d'obtenir des résultats plus rapidement. C'est ce que je veux dire.
M. George Radwanski: On verra comment les choses vont se dérouler.
M. Robert Lanctôt: Mais à votre avis, on pourrait le faire?
M. George Radwanski: Oui. La Cour suprême a rendu des décisions sur des questions de respect de la vie privée. Mais en général, comment trouve-t-on l'équilibre entre la sécurité et la liberté d'une société?
Comme je l'ai dit, il faut poser des questions. J'ai aussi suggéré des critères très spécifiques. Si on propose des mesures visant à combattre le terrorisme et que ces dernières empiètent sur la vie privée, il faut qu'elles soient nécessaires et efficaces; il faut aussi que ce qu'on peut accomplir pour contrer le terrorisme soit proportionnel à la perte encourue en termes de vie privée et qu'il n'y ait pas d'autre façon d'arriver au même but. Si on applique ces règles, ça fonctionne relativement bien. Dans les cas que je cite aujourd'hui, si on examinait ces critères, cela ne passerait jamais.
º (1605)
M. Robert Lanctôt: Est-ce qu'il me reste du temps?
[Traduction]
Le vice-président (M. Paul Forseth): Non. Nous allons passer au très honorable M. Clark, pour 10 minutes.
M. Joe Clark: Merci beaucoup.
Monsieur Radwanski, vous et moi partageons tout un passé dans d'autres domaines, mais nous conviendrons de ne pas le revisiter ici.
M. George Radwanski: Nous nous connaissons effectivement depuis longtemps, monsieur, à l'époque où j'étais journaliste.
M. Joe Clark: Effectivement. C'est ainsi qu'il convient de décrire la chose.
Je me suis permis de le mentionner parce que je veux que nous puissions parler très franchement de la relation que vous avez avec le Parlement, ce que j'estime être très important ici.
Je suis entièrement d'accord avec vous quand vous dites que les questions de vie privée sont plus importantes aujourd'hui que jamais auparavant, et je crois que les questions que vous avez soulevées dans votre exposé et dans vos rapports sont d'une importance fondamentale. Elles sont une raison pour vous, pour nous et, je pense aussi, pour tout le monde, par-delà les lignes de parti, de trouver une façon de nous rencontrer au bout du compte.
D'aucuns craignent, si je puis m'exprimer ainsi, que vous ne vous êtes pas montré entièrement disposé à collaborer avec les émanations du Parlement. En un certain sens, vous êtes peut-être votre pire ennemi sur ce plan parce qu'à bien des égards nous sommes votre allié.
Je suis très préoccupé par la rapidité avec laquelle les lois relatives à la lutte contre le terrorisme ont été adoptées par le Parlement, du moins en ce qui nous concerne au parti conservateur et pas simplement parce que nous sommes le plus petit parti en Chambre. Il ne nous a pas été possible d'examiner véritablement ce texte et je ne sais pas si les autres ont pu le faire.
Le temps a passé et j'ai l'impression que certaines des mesures adoptées sont maintenant moins justifiées qu'auparavant.
Ainsi, les parlementaires comptent beaucoup sur votre bureau pour relever les excès et repérer les solutions possibles.
Je tiens à être très clair au sujet de votre relation avec notre maison. Vous êtes un haut fonctionnaire, un mandataire du Parlement, terme au sujet duquel il convient de ne pas se méprendre. Vous êtes titulaire d'une charge publique que vous a confiée le Parlement à qui vous rendez compte.
En l'état, un mandataire du Parlement est beaucoup plus apparenté à un employé qu'à un général d'armée et le Parlement, outre qu'il est votre employeur, est aussi votre meilleur allié. Si vous avez des réserves sur une loi ou sur des mesures censées être prises en fonction d'une loi, sachez que nous sommes l'organisme investi du pouvoir voulu pour traiter de tels problèmes.
Parlons un instant d'un problème que vous avez soulevé relativement à la surveillance vidéo d'une rue de Kelowna. Ne nous arrêtons pas pour l'instant au bien-fondé de la cause, mais dites-moi pourquoi vous n'avez pas adressé de rapport spécial à ce comité, sur cette question, en vertu des pouvoirs que vous confère la loi? Pourquoi, plutôt que de vous présenter devant ce comité, avez-vous voulu vous porter en justice?
M. George Radwanski: Avant de vous répondre, et au risque de provoquer un nouveau problème entre nous deux, je ne suis pas historien mais je ne peux éviter de réagir au fait que vous sous-entendiez que je n'ai pas collaboré avec les émanations du Parlement. Si vous vous considérez vous-même comme une émanation du Parlement, monsieur, je vous signale que j'ai essayé de vous rencontrer à plusieurs reprises, en votre qualité de chef du parti conservateur, mais qu'on m'a refusé votre accès. Par ailleurs, il n'y avait pas de comité parlementaire...
M. Joe Clark: C'est rare, parce qu'il y a très peu de personnes qui veulent me rencontrer. Mais, que voulez-vous?
M. George Radwanski: ... et que vous ne pouviez trouver du temps pour moi.
M. Joe Clark: J'ai essayé d'en trouver du temps, avec un autre parti politique au complet, mais ça n'a pas fonctionné.
M. George Radwanski: Et vous ne pouviez tout de même pas en trouver pour moi.
º (1610)
[Français]
M. Joe Clark: Comme on dit à Fredericton, je m'excuse.
M. George Radwanski: Ça va bien.
[Traduction]
Plus sérieusement, maintenant. Aucun comité parlementaire devant lequel je pouvais comparaître n'a voulu m'entendre. Plus encore, j'ai bien demandé à comparaître devant des comités parlementaires et je ne peux que m'inscrire en faux contre votre insinuation que je n'aurai pas collaboré avec le Parlement.
Quant au fait que vous êtes mon employeur...
M. Joe Clark: Nous y reviendrons.
M. George Radwanski: Je n'en doute pas.
Quant au fait que vous êtes mon employeur, je suis sûr que vous ne voudriez sûrement pas que le Parlement—qui est bien sûr sujet au vote majoritaire du gouvernement en place, gouvernement que je me dois de contrôler—soit, par exemple, en mesure de limiter l'indépendance et l'efficacité du Commissaire à la protection de la vie privée. Ainsi...
M. Joe Clark: C'est pour cela que la loi existe.
M. George Radwanski: Ainsi, il faut interpréter avec prudence ce concept d'employeur.
Si je n'ai pas adressé de rapport officiel au gouvernement avant d'entreprendre un recours en justice, c'est que je lui avait adressé mon rapport annuel dans lequel je l'exhortais à convaincre le commissaire de la GRC à respecter la vie privée dans ce cas.
Vous faisiez sans doute fait partie de ceux qui ont répondu à cet appel. Soit dit en passant, le Parlement n'a pas réagi. C'est tombé à plat.
M. Joe Clark: Vous sous-entendez donc que c'est parce que le Parlement n'a pas agi que vous vous êtes pourvu en justice. Vous dites que c'est de notre faute.
M. George Radwanski: Je ne dis pas que c'est de votre faute, mais vous m'avez posé une simple question...
M. Joe Clark: Effectivement.
M. George Radwanski: ... Vous m'avez demandé pourquoi je n'avais pas d'abord fait rapport au Parlement et je vous ai répondu que j'avais déjà épuisé ce recours.
M. Joe Clark: Vous aviez épuisé ce recours? Revoyons le processus. Je ne veux pas faire le difficile.
M. George Radwanski: Permettez-moi de vous poser une question, monsieur.
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): En tant que rappel au Règlement, monsieur le président, je me permets de dire que le témoin ne répond pas aux questions que lui pose le député qui a la parole.
M. George Radwanski: Eh bien, je vais faire une déclaration dans ce cas.
Je ne suis pas ici pour croiser le fer avec vous, monsieur, tout aussi agréable que ce soit. Je suis préoccupé par tout ce qui se passe actuellement au Canada dans le domaine de la protection de la vie privée. Je suis déçu que vous, surtout vous qui êtes un grand défenseurs des libertés civiles, du moins d'après le souvenir que j'ai de vous, soyez plus intéressé par une question de processus ou par l'envie de remettre en question la crédibilité du Commissaire à la protection de la vie privée qu'à vous dresser contre les attaques lancées contre les droits à la vie privée de tous les Canadiens, ce dont je suis venu parler.
M. Joe Clark: Si vous me le permettez, je ne suis pas certain que cela fasse avancer votre cause.
M. George Radwanski: Je ne le sais pas. Je suis honnête, c'est tout. Je n'ai pas de cause personnelle à faire valoir, si ce n'est d'obtenir l'aide de votre comité dans la protection de la vie privée.
M. Joe Clark: Je ne pensais pas que mon humble présence ici allait soulever des questions aussi brûlantes. Essayons donc d'en revenir aux problèmes dont j'essaie de parler ici.
Vous êtes protégé en vertu de la loi, mais votre relation avec le Parlement n'en est pas moins claire. Vous êtes au service de ce Parlement et cela ne doit pas donner lieu à interprétation. Les quelques dernières minutes nous indiquent que vous avez tendance à interpréter de travers. Je vous exhorte, dans l'intérêt de la tâche importante dont vous êtes investi, à résister à ce genre de tentation.
Vous êtes investi d'obligations statutaires, notamment de celle qui consiste à déposer des rapports annuels. Vous le faites, mais régulièrement en retard et vous trouvez le moyen de consacrer d'importantes parties de votre budget à des activités de communication, à des poursuites en justice, à éviter de déposer des rapports spéciaux au Parlement pour une raison qui, à l'analyse, peut paraître valable puisque vous auriez étayé votre position dans votre rapport annuel.
J'estime que la protection de la vie privée est beaucoup trop importante pour que nous nous laissions aller à des conflits de personnalité, que ce soit entre vous et moi ou entre vous et M. Alcock ou encore entre vous et Mme Bennett ou bien d'autres encore. Je vous le dis, le plus gentiment possible dans un lieu public : en tant que mandataire du Parlement, vous vous devez de tenir compte de tout cela.
À propos de la question de la surveillance vidéo, rappelez-moi quel exposé vous avez fait au comité. Dites-moi ce que vous avez déclaré, ce que vous avez demandé, le genre de réponse appropriée ou inappropriée que vous a fournie le comité et dites-moi pourquoi vous vous êtes senti obligé de vous pourvoir en justice.
M. George Radwanski: Il y a un peu de tout dans votre question. Permettez-moi de préciser, pour le compte rendu, pourquoi j'ai été en retard dans la présentation de mes rapports annuels.
J'ai systématiquement obtenu l'autorisation du président et, si les rapports ont été en retard—surtout dans le cas du dernier—c'est à cause des questions que je soulève aujourd'hui, c'est-à-dire que je cherchais à trouver une solution en coulisse en qualité d'ombudsman et que je voulais donner la chance à ce processus d'aboutir. On me répétait sans cesse qu'on s'occupait de tout cela et je voulais, pour ma part, donner une chance à ce processus avant de passer à l'attaque.
Voilà pourquoi les rapports ont été en retard. Ce n'était certainement pas par manque de respect envers qui que ce soit, mais c'est parce que je voulais faire de mon mieux, en ma qualité d'ombudsman, pour faire progresser toutes ces questions.
Pour ce qui est...
M. Joe Clark: Je vois les choses un peu différemment. J'estime que votre obligation de respecter les échéanciers qui sont fixés pour faire rapport au Parlement prime sur vos responsabilités d'ombudsman ou encore sur les conversations ou autres échanges que vous pouvez avoir avec les ministres de la Couronne.
º (1615)
M. George Radwanski: Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, j'ai de toute façon l'intention d'en revenir au calendrier habituel, monsieur. Toutefois, je suis sûr que vous reconnaîtrez avec moi que nous vivons une période troublée depuis le 11 septembre et je suis désolé des inconvénients que mon retard aura pu vous occasionner.
Dans mon rapport annuel et lors de ma comparution devant le Comité de la justice, à l'époque, j'ai expliqué ce qui me préoccupait dans le dossier de la surveillance vidéo par la GRC. J'ai expliqué que le commissaire de la GRC et la GRC s'étaient prévalus d'une échappatoire de la Loi sur la protection de la vie privée pour l'appliquer à la lettre plutôt que dans son principe. Le problème, c'est que, contrairement à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la Loi sur la protection des renseignements personnels concerne les renseignements recueillis sous toute forme qui soit sur une personne identifiable. Comme j'enquêtais au sujet d'une plainte formulée à ce sujet et que ces gens là se sont rendu compte qu'ils ne pourraient pas continuer d'enregistrer en permanence tout ce qu'ils observaient, ils m'ont dit qu'ils continueraient leur surveillance vidéo et augmenteraient peu à peu le nombre de caméras, mais qu'ils se contenteraient d'observer et de n'enregistrer qu'en cas d'incident intéressant les opérations policières. Ce faisant, ils appliquaient la loi à la lettre, mais quant à moi ils n'appliquaient pas l'esprit de cette loi, parce que le vrai problème réside dans le fait est qu'un citoyen respectueux de la loi puisse faire l'objet d'une observation systématique par la police.
J'ai donc soulevé ce problème au Comité de la justice. J'ai expliqué mon analyse à l'époque. J'ai principalement demandé au comité d'exhorter le Parlement à convaincre le commissaire de la GRC et le Solliciteur général de modifier cette pratique et de cesser la surveillance vidéo continue des rues publiques et de prendre acte de cette recommandation insistante.
Si vous voulez savoir ce qui n'a pas fonctionné, ce qui s'est passé, eh bien je vous dirai simplement qu'il ne s'est absolument rien produit.
M. Joe Clark: Êtes-vous revenu devant le comité?
M. George Radwanski: Je n'ai pas été réinvité. J'ai demandé à revenir, mais on ne m'en a pas donné l'occasion.
M. Joe Clark: Avez-vous écrit au président pour demander à recomparaître sur ce sujet?
M. George Radwanski: Non, nous avons téléphoné.
M. Joe Clark: Vous avez appelé le président pour lui demander à recomparaître sur ce sujet?
M. George Radwanski: Oui.
M. Joe Clark: Et le président a refusé?
M. George Radwanski: Il ne s'est simplement rien passé.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Merci. Vous venez d'utiliser 12 minutes pour la première série de questions.
Madame Bennett, pour 10 minutes.
Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Merci, monsieur le président.
Moi, qui suis habituellement très intéressée par les questions de protection des renseignements personnels et des libertés fondamentales, je suis aussi très intéressée par la planification et l'orientation de notre système de soins de santé. Or, j'estime que nous ne parviendrons pas à faire de planification raisonnable tant que nous ne disposerons pas de renseignements que nous pourrons transformer en savoir et en résultats concrets. En votre qualité de Commissaire à la protection de la vie privée, vous êtes-vous intéressé aux techniques de suppression des informations permettant d'identifier une personne dans un dossier, informations que nous pourrions utiliser pour alimenter le système, en sorte qu'il ne serait plus nécessaire d'obtenir le consentement des gens à moins que les données d'identification ne soient utilisées?
Ma deuxième question concerne les échanges de renseignements entre ministères, provinciaux ou fédéraux. À l'évidence, quand on poursuit un criminel, on peut demander un mandat de perquisition. Pensez-vous qu'une formule pourrait vous permettre de demander à communiquer des renseignements à d'autres ministères pour pouvoir retrouver un individu sur qui pèseraient de réels soupçons? Il nous faut, bien sûr, nous méfier des grosses banques de données du style « Big Brother ». Je pense que la technologie nous offre la possibilité de discerner les données et il faudrait donc prendre la décision de regrouper les données par la suite.
Voilà mes deux questions.
M. George Radwanski: Deux excellentes questions, bien que complexes.
D'abord, pour ce qui est de la recherche dans le domaine de la santé, dans mon rapport annuel précédent j'ai traité de cette question en profondeur parce que le milieu de la santé et le milieu de la recherche craignaient, de façon tout à fait légitime, que les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques ne compromettent ou n'entravent les recherches.
J'ai estimé que l'on pourrait régler ce problème en interprétant de façon libérale l'exemption accordée pour des recherches universitaires ou statistiques. Je me suis dit que, à condition que la recherche soit entreprise par un organisme de santé véritable, dûment accrédité, moyennant des sauvegardes appropriées et à condition que les renseignements personnels ne soient pas utilisés de façon à porter tort aux patients, qu'ils ne le soient que dans les limites du projet de recherche et qu'ils ne risquent pas de se retrouver dans les mains d'un employeur, d'une compagnie d'assurance, d'amis, de parents, de corps policiers ou d'autres émanations du gouvernement... Je me suis dit que, moyennant des limites aussi étroites, on pourrait se passer du consentement pour que des médecins et d'autres puissent communiquer des données à des chercheurs en santé.
Je dois cependant préciser que tout écart aux conditions que je viens de mentionner constituerait, en partant, une violation très grave des dispositions de la loi et j'ai veillé...
º (1620)
Mme Carolyn Bennett: Je pense que dans une culture de l'acquisition du savoir, ce genre de recherche correspond vraiment à ce que doit être l'administration publique d'un programme aussi important que les soins de santé, en ce qui a trait à ce qui fonctionne et à ce qui ne fonctionne pas, de même qu'à l'accès opportun à notre système de soins de santé et à plusieurs autres éléments. Ainsi, quand on sait qui attend quoi, que l'on connaît les résultats visés par certaines chirurgies, que l'on connaît tout cela, j'estime que c'est le système lui-même qui devrait effectuer les recherches en santé.
Ainsi, à l'heure où nous nous en remettons aux conseils sur la santé et où nous allons utiliser notamment les données recueillies par les ICIS et autres, je crains que toute limitation qui serait imposée sur la recherche, si l'on oubliait qu'il est possible de retirer le nom d'une personne de son dossier, grâce aux moyens technologiques...
M. George Radwanski: Si les données sont effectivement rendue anonymes, il n'y a pas de problème. La loi s'applique à des données recueillies à propos d'une personne identifiable.
Si les dossiers sont effectivement anonymes, il n'y a plus de problème. Nous devons toutefois rester sur nos gardes, car le simple retrait d'un nom pourrait ne pas suffire à rendre un dossier anonyme. Dans le cas d'un milieu restreint par exemple, ou dans certaines circonstances, un ensemble de données peut tout de même permettre d'identifier l'intéressé.
Je vous rappellerai cet exemple célèbre d'un chercheur travaillant pour un défenseur américain des droits à la vie privée—vous connaissez peut-être ce cas—qui a associé au gouverneur de l'État des informations apparemment anonymes. Il ne suffit donc pas toujours de simplement supprimer les noms.
Cependant, cette réserve mise à part, si les données sont effectivement anonymes, il n'y a pas de problème. Je crois donc que vous et moi voyons les choses du même oeil.
Votre seconde question, maintenant, celle concernant le suivi des renseignements d'une base de données à l'autre. Comme ces dispositions sont consignées dans une loi, il est toujours possible d'obtenir un mandat et une ordonnance de cour pour accéder à des renseignements.
Je n'aimerais pas qu'il soit possible, grâce à un processus quelconque de décret ou quelque chose de plus systématique et de grande échelle, de retracer des gens d'un ministère à l'autre ou d'une entreprise privée à une autre, parce que les dossiers personnels électroniques ou virtuels ne sont pas plus à l'abri des indiscrétions que les dossiers sur papier.
Voilà donc des aspects qu'il convient d'examiner au cas par cas pour déterminer quel est l'objet poursuivi, ce que l'on veut faire, comment on peut y parvenir afin de réduire les intrusions dans la vie privée et pour savoir si l'on respecte les quatre critères dont j'ai parlés tout à l'heure.
Il est difficile d'aller plus loin sans parler d'un cas concret. Mais votre question est tout à fait censée.
Comme je le disais, je n'estime pas que le Commissaire à la protection de la vie privée a pour rôle d'empêcher ce qui pourrait être bien ou nécessaire dans notre société. Très honnêtement, outre que personne ne voudrait me voir agir ainsi, si je le faisais, je ternirai sûrement la réputation de mon bureau.
Ainsi, il est essentiellement question de trouver des solutions tenant compte des véritables besoins et étant susceptibles de trouver des façons de combler ces besoins, le plus possible dans le respect de la vie privée.
º (1625)
Mme Carolyn Bennett: Lors d'une assemblée publique que j'ai tenue après le 11 septembre 2001, j'ai constaté que près des deux tiers de l'auditoire était d'accord avec l'idée d'une carte de renseignement personnel ou d'une carte d'identité nationale. J'ai trouvé intéressant que ceux et celles qui se sont exprimés contre cette idée venaient de pays où de telles cartes étaient en usage, parce qu'ils savaient ce que c'était de se la faire réclamer par des gardes de sécurité ou autres.
Estimez-vous que les Américains vont demander à accéder aux données concernant ces cartes? Est-ce que nous nous acheminons vers ça?
Par ailleurs, je n'ai pas l'impression que cette carte puisse aider un citoyen canadien né en Irak. Qu'en pensez-vous?
M. George Radwanski: J'ai comparu ce matin devant le Comité de la citoyenneté et de l'immigration sur cette question précise de la carte d'identité et j'ai essentiellement dit qu'elle ne servira à aucune fin véritable à laquelle je puisse actuellement penser.
Fait intéressant à noter, 61 personnes ont comparu devant ce comité pour s'exprimer sur cette question et cinq seulement se sont dit d'accord avec la carte ou n'ont rien dit de négatif à son sujet. Trois de ces cinq témoins étaient des particuliers, un était consultant en matière d'immigration et un représentait un groupe de femmes réfugiées. Pas une seule de ces personnes n'a spécifiquement demandé à comparaître pour défendre le principe de la carte d'identité. On leur a posé la question en cours de témoignage. Elles se sont montrées hésitantes dans leurs réponses et l'on peut dire que leur appui était pour le moins mitigé.
Les États-Unis sont un pays souverain et on ne peut l'empêcher d'imposer des conditions aux visiteurs. Il appartiendra à chacun, Canadien ou ressortissant d'un autre pays, d'accepter ou de refuser de se soumettre à une lecture d'empreintes rétiniennes ou digitales ou à une comparaison par rapport à un profil. Il n'y a aucune raison que cela nous incite à adopter une carte nationale d'identité, applicable à tous et à toutes, que nous voulions ou que nous ayons ou non à aller aux États-Unis.
De toute façon, je ne pense pas que cela contribuerait à la lutte contre le terrorisme. Le 11 septembre a prouvé à beaucoup, si ce n'est à la plupart d'entre nous, que les terroristes sont bien implantés au sein de nos collectivités. Ils appartiennent à des cellules dormantes. Ils évoluent sous leur identité. Ils auraient le droit d'obtenir une carte d'identité s'ils en faisaient la demande. Le seul problème, c'est qu'ils n'indiqueraient pas qu'ils sont terroristes de profession, si bien que ce genre de carte ne servirait pas à grand chose.
Pour ce qui est des pressions exercées par de nombreux pays afin d'empêcher que des personnes ne pénètrent sur leur territoire sous une fausse identité, il faut savoir que nous disposons déjà d'un document qui nous permet de rentrer aux États-Unis ou d'aller ailleurs : le passeport.
je ne serais pas très opposé à ce que le passeport comporte des renseignements biométriques, à condition que ces renseignements ne soient pas entreposés dans une banque de données centrale. Les données biométriques sont de simples informations apparaissant sur la puce d'une carte, par exemple, et nulle part ailleurs. La carte serait lue en même temps que les empreintes digitales pour confirmer que le porteur de la carte est bien la personne en question.
Mme Carolyn Bennett: Ou alors sur le passeport?
M. George Radwanski: Dans ce cas, ce serait effectivement sur le passeport. Mais pas plus. Encore une fois, tout citoyen peut ou non demander un passeport et, tant que les données ne se retrouvent pas dans une base centralisée, il n'y a pas de problème.
Le principe de la carte d'identité nationale soulève nombre de problèmes. Elle risque d'être utilisée pour retracer tous nos mouvements. Elle pourrait aussi être réclamée par le secteur privé, si elle s'avérait efficace pour établir l'identité d'une personne. Chaque fois que cette carte serait lue dans un lecteur optique, elle pourrait servir à alimenter des banques retraçant nos allées et venues et toutes nos transactions.
Et puis, il y a le risque plus grave encore de fraude parce qu'il n'existe aucune technologie qui nous mette à l'abri de ce genre de problème. Ces fraudes ne seraient pas le fait de petits criminels, mais du crime organisé, d'organisations terroristes importantes et bien financées. Si nous nous retrouvions avec une seule pièce d'identité, jugée infaillible sans l'être vraiment, nous serions confrontés à une situation pire que celle d'aujourd'hui, sans parler d'un risque de vol d'identité. Des expériences ont déjà été conduites à ce sujet.
Par exemple, il est possible de reproduire une empreinte digitale sur une pellicule de latex que l'on peut ensuite se mettre au bout du doigt pour tromper un lecteur optique. Bien sûr, au fur et à mesure que la technologie progressera, il faudra s'attendre à voir apparaître d'autres astuces du genre. Pour l'instant, si quelqu'un vous vole votre numéro d'assurance sociale, par exemple, il lui est assez facile d'obtenir les autres numéros vous concernant. Mais si quelqu'un mettait la main sur vos données biométriques, que ce soit directement ou en achetant un agent pour que ces données lui soient attribuées, il ne serait pas possible de vous doter d'un autre pouce ou d'un nouvel oeil et vous auriez un véritable problème.
Tout cela m'inquiète outre que l'on n'a pas encore suffisamment démontré la validité d'une telle carte.
º (1630)
Le vice-président (M. Paul Forseth): Merci. Nous allons arrêter ici la première série de questions des partis pour passer à une série de questions rapides de trois minutes chacune, questions appelant des questions brèves qui seront peut-être suivies d'une question supplémentaire. Nous alternerons entre l'opposition et le côté gouvernemental.
C'est vous qui commencez, monsieur Epp.
M. Ken Epp: J'espère que ça va ici. Je suis désolé pour John et Judy, là bas.
M. John Bryden : Effectivement, j'ai beaucoup de questions à poser.
M. John Epp : Oui.
Vous voulez les faire passer en premier, je prendrai la relève ensuite?
Le vice-président (M. Paul Forseth): Bien sûr.
M. John Bryden: Merci, monsieur Epp, c'est très gentil à vous.
Le Commissaire à l'accès à l'information et son prédécesseur nous ont régulièrement recommandé que tous les mandataires du Parlement soient visés par les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. En votre qualité de mandataire du Parlement, êtes-vous d'accord pour que le Commissaire à la protection de la vie privée tombe sous le coup de cette loi?
M. George Radwanski: Non!
M. John Bryden: Pouvez-vous nous dire pourquoi? La Loi sur l'accès à l'information, comme vous le savez, ne traite que des aspects administratifs et elle s'en remet à la Loi sur la protection des renseignements personnels pour tout ce qui est protection de données personnelles. Pourquoi donc ne voudriez-vous pas tomber sous le coup de la Loi sur l'accès à l'information?
M. George Radwanski: Pour plusieurs raisons. La première est très pratique.
Contrairement aux autres mandataires du Parlement, je suis désormais investi de certaines responsabilités en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, pour le secteur public et pour le secteur privé. Quand des enquêteurs de mon bureau font enquête sur une plainte concernant une entreprise privée, ils doivent pouvoir accéder à tous les renseignements pertinents à la plainte ce qui, dans certains cas, peut les amener à exiger des renseignements commerciaux délicats, notamment sur le plan de la concurrence.
M. John Bryden: Permettez-moi de m'inscrire en faux, monsieur Radwanski, car cette protection est déjà assurée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information...
M. George Radwanski: Si vous me permettez de conclure, je dirai ceci. D'abord, nous avons demandé ce qui se produirait en cas de demande d'accès à l'information pour ce genre de chose. Nous évitons de nous enliser dans des contentieux juridiques à n'en plus finir parce que nous pouvons dire que cela n'est pas possible étant donné que notre bureau n'est pas soumis aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. J'estime que c'est très important.
Deuxièmement, en ma qualité d'ombudsman et étant donné le rôle que je joue, je me suis souvent retrouvé dans une situation où j'ai dû critiquer les initiatives et les activités gouvernementales.
En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, il est par exemple possible d'accéder à tout ce qui est travaux de recherche, comme les analyses et autres. Si le gouvernement avait la possibilité d'accéder à de tels documents, il saurait ce que nous cherchons et quelle recherche nous effectuons en vue de critiquer telle ou telle politique. Ce genre de chose serait une atteinte à l'indépendance de mon bureau.
Je pourrai vous donner bien d'autres raisons, mais je m'arrêterai ici pour l'instant.
M. John Bryden: J'aimerais effectivement entendre vos autres raisons. Vous pourriez peut-être nous fournir un document explicatif dans lequel vous nous indiqueriez pourquoi votre bureau devrait échapper aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, afin que nous puissions l'examiner entre nous et prendre connaissance de vos explications à cet égard. Vous pourriez être aussi détaillé que vous le voulez, monsieur Radwanski.
Permettez-moi de vous poser une autre question. Le Conseil du Trésor a établi des lignes directrices en matière de dépenses. Que pensez-vous de ces directives? Est-ce que les directives du Conseil du Trésor à cet égard, notamment pour ce qui est du dévoilement des dépenses, vous concernent? Et si c'est le cas, pensez-vous qu'elles sont pertinentes?
º (1635)
M. George Radwanski: Je suis, comme tout le monde, soumis aux vérifications du Bureau du vérificateur général. Nous sommes visés par toutes les règles qui s'appliquent à l'ensemble du gouvernement. Nous respectons toujours les règles qui nous sont imposées. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire de plus.
M. John Bryden: J'ai une autre question, si vous me le permettez, monsieur Forseth.
De toute évidence, vous êtes un partisan de la communication, puisque vous n'hésitez pas à parler aux médias, même avant de déposer vos rapports au Parlement. C'est évident. Cependant, un de mes électeurs a reçu une lettre de votre bureau le prévenant des risques d'atteinte à la vie privée que nous fait courir le gouvernement avec ses projets de loi.
Ce type de communication personnelle avec des Canadiennes et des Canadiens s'inscrit-il dans le cadre d'un programme dont vous pourriez nous parler un peu plus? Il s'agissait d'un courriel.
M. George Radwanski: Ce n'est pas un programme. Nous n'envoyons de courriels aux citoyens qu'en réponse aux courriers électroniques qu'ils nous adressent eux-mêmes. Il s'agit simplement d'une réponse à une question posée à notre bureau, par courriel ou par lettre, ou à une réponse à une déclaration d'appui ou de désaccord, parce que nous répondons à tout le monde, par simple courtoisie. Sinon, nous n'avons pas de programme de communication généralisé avec les particuliers.
M. John Bryden: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Avant de passer à M. Epp, vous voudrez peut-être répondre à l'invitation de M. Bryden de nous fournir davantage d'informations. Vous pourriez faire parvenir cette réponse par l'intermédiaire du greffier qui la distribuerait au comité.
Monsieur Epp, pour un bref échange.
M. Ken Epp: Merci.
À la lecture de votre rapport, je me suis arrêté au genre de chose que fait votre bureau. Vous effectuez notamment des enquêtes et j'aurai quelques questions à vous poser à cet égard.
Ma question se veut assez générale. Si une organisation sait que les personnes ont légalement accès à leur dossier personnel et que quelqu'un fasse ce genre de demande, pourquoi cette organisation pourrait-elle refuser cet accès? Quelles sont les principales raisons invoquées quand on refuse à telle ou telle personne d'accéder à l'information dont un organisme dispose à son sujet?
M. George Radwanski: Vous parlez d'une organisation du secteur privé ou d'une organisation gouvernementale?
M. Ken Epp: Je veux parler des exemples que vous citez dans votre rapport.
M. George Radwanski: Cela dépend. Il peut exister des exceptions, par exemple : quand une tierce partie est concernée plutôt que la personne ayant fait la demande, quand une enquête est en cours et que cela porterait tort au déroulement des opérations, ou encore quand l'information relève du secret défense.
Il arrive parfois—et c'est une des catégories que nous avons relevées—que l'organisation applique l'exemption de façon trop large. Nous avons toujours la possibilité d'examiner l'information en question et nous parvenons souvent à convaincre l'organisation concernée que l'exemption a été appliquée de façon trop généreuse ou inappropriée. Le cas échéant, l'organisation peut alors produire les pages contenant l'information qu'elle avait voulu retenir. Le cas échéant, la plainte demeure fondée mais elle trouve une fin heureuse parce que le plaignant finit par obtenir toute l'information réclamée.
Il y a une autre catégorie, celle où l'organisation ne refuse pas de communiquer les renseignements, mais ne donne pas suite à la demande, que ce soit à cause du volume, à cause de l'inertie administrative ou parce que, pour une raison ou une autre, elle préfère ne pas divulguer l'information. C'est ce qui se produit dans le cas des plaintes individuelles. Nous intervenons alors pour rappeler à l'organisation que la personne a le droit d'accéder à l'information demandée et que cette information doit lui être fournie.
Nous recevons aussi des plaintes portant sur les retards mis à exécuter les demandes. Toute personne a le droit d'obtenir des renseignements personnels sur demande, dans les 30 jours, et l'organisation peut disposer d'un délai supplémentaire de 30 jours s'il lui est difficile de trouver ou de produire la quantité d'informations voulues dans les délais normaux. Dans certains cas, des personnes qui se sont plaintes auprès de nous attendaient depuis 100 ou 120 jours. Quand nous intervenons, le processus s'accélère généralement, mais au moment du dépôt de ce genre de plainte, les organisations concernées sont en infraction quant aux délais à respecter.
º (1640)
M. Ken Epp: Est-ce qu'il arrive souvent que les gens se plaignent que des renseignements les concernant aient été divulgués? Est-ce que vous recevez des plaintes à cet égard?
M. George Radwanski: Ça arrive, bien sûr...
M. Ken Epp: Mais ce n'est pas très fréquent.
M. George Radwanski: Non, ce n'est pas très fréquent. Les plaintes les plus fréquentes concernent des problèmes administratifs et la difficulté d'obtenir les informations demandées. À de rares exceptions près, qui sont alors des cas très graves, le gouvernement reconnaît généralement qu'il est très important de ne pas diffuser indûment des renseignements personnels. Cela peut arriver et quand c'est le cas, c'est très grave et nous nous en occupons. Quoi qu'il en soit, le plus grand nombre de plaintes concerne l'accès à l'information.
La divulgation des renseignements est effectivement le plus grave problème qui soit puisque, même si le gouvernement tarde à fournir l'information et qu'il peut refuser de la communiquer à priori, il finit par accéder à la demande. Le retard peut être source d'inconvénient ou être gênant, mais il est toujours possible de corriger les problèmes de divulgation. En revanche, une fois que l'on a enfreint votre vie privée, vous ne pouvez plus la retrouver.
M. Ken Epp: Ce n'est pas récupérable.
M. George Radwanski: Une fois qu'une information vous concernant a été divulguée, il n'y a guère d'autre chose à faire que de s'excuser et peut-être d'en tirer des enseignements, éventuellement de verser un dédommagement, mais le responsable ne peut rien faire pour réparer la chose. Ainsi, ce sont les infractions à la protection à la vie privée qui sont les plus graves.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Nous allons maintenant passer à M. Tirabassi.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier notre témoin pour s'être rendu à notre invitation.
Je prends bonne note de vos préoccupations de chien de garde de la vie privée des Canadiennes et des Canadiens. Dans votre rapport—que je n'ai pas lu en entier mais que j'ai parcouru—il est surtout question de citoyens qui s'en sont remis involontairement à des fonctionnaires ou au gouvernement, d'une façon ou d'une autre, qui suivent alors toutes leurs activités. Vous avez parlé de la banque de l'ADRC et de choses du genre.
Avez-vous examiné ce qui se passe dans les cas de divulgation volontaire de renseignements comme dans une machine distributrice de billets de banque ou lors de la communication d'un numéro de carte de crédit après avoir appelé un numéro 1-800 annoncé à la télévision pour acheter tel ou tel produit? Les annonceurs indiquent que le nombre de produits qu'ils vendent, au bas de l'écran, il peut y en avoir 400 ou 500. Avez-vous examiné cet aspect?
M. George Radwanski: Non. Je ne l'ai pas fait, mais cela faisait partie de nos activités de communication. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, j'ai pour mandat de sensibiliser la population, notamment en lui permettant de mieux comprendre—et parfois aussi en amenant le gouvernement à mieux comprendre—le caractère délicat des renseignements personnels. Nous essayons d'inciter les gens à réfléchir aux circonstances et à qui ils dévoilent des renseignements les concernant.
Vous avez raison, c'est un vaste problème, surtout en ce qui concerne le vol d'identité, la fraude et ainsi de suite. C'est un énorme problème dû au fait que les gens ne font pas attention quand ils dévoilent des renseignements les concernant. C'est effectivement un problème très important.
Je ne sais pas comment on pourrait s'y prendre pour comparer statistiquement les communications imprudentes de renseignements personnels aux communications réfléchies. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour ce faire, mais nous essayons de dire aux gens que, malgré toutes les lois sur la protection de la vie privée, malgré l'intervention de mon bureau et des bureaux provinciaux pour les aider, tout le monde doit assumer une part de responsabilité et se montrer prudent dans la communication de renseignements personnels. Nous devons traiter ces informations, surtout les plus délicates, comme si elles étaient très précieuses et nous montrer prudents dans la façon dont nous les divulguons.
Est-ce que cela répond à votre question?
M. Tony Tirabassi: Je constate ici que vous faites plusieurs remarques et tirez plusieurs conclusions. Je serais prêt à parier que s'il y a tant de gens qui tirent des billets de banque dans des distributrices et qui passent des commandent à la télévision ou sur Internet... Si tant de gens font cela volontairement, même si on les met en garde—c'est tout une industrie qui se cache derrière—ne pensez-vous pas qu'ils vont accepter que le gouvernement cherche à obtenir certaines informations sur eux, dans le cadre de ses activités courantes destinées à améliorer leur sécurité?
Entendons-nous bien. je ne dis pas qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, parce qu'il faut effectivement se poser des questions. Dans une organisation de la taille du gouvernement fédéral, des erreurs peuvent être commises et ce qui, au début, est un projet visant à recueillir honnêtement des renseignements sur les individus pour des questions de sécurité, peut se transformer en quelque chose d'autre.
Pensez-vous que, dans l'ensemble, les Canadiennes et les Canadiens acceptent l'idée que le gouvernement ait accès à des informations, surtout après le 11 septembre, pour pouvoir améliorer leur sécurité?
º (1645)
M. George Radwanski: Oui, mais si vous me le permettez revenons un instant... je ne suis pas certain que ce soit est là la question fondamentale. Je ne suis pas sûr de bien comprendre ce que vous voulez dire à propos des distributrices de billets de banque ni pourquoi vous considérez qu'elles constituent une invasion de la vie privée. Je ne vois pas en quoi cela a trait à la question que vous me posez et je ne vois pas exactement où vous voulez en venir.
M. Tony Tirabassi: Les distributrices de billets lisent la bande magnétique des cartes que l'on glisse dans la fente, bandes qui contiennent un certain nombre d'informations sur vous et que vous vous trouvez à transmettre à l'institution propriétaire de la machine.
M. George Radwanski: Effectivement, mais avant vous alliez effectuer vos retraits à la banque et, pour cela, vous remplissiez d'abord une fiche. Je ne me suis jamais dit que, en soi, cela revenait à renoncer à ma vie privée, qu'il s'agissait plus que d'une simple transaction, même s'il est vrai que la banque garde trace de toutes les transactions effectuées. L'important, c'est de savoir qui peut avoir accès à ces archives ensuite et, sur ce point, je suis d'accord avec vous.
Pour en revenir à la question plus large que vous posez, il est vrai, je pense, que nous voulons tous être en sécurité. Toutefois, il convient de ne pas perdre de vue ce contre quoi nous voulons être protégés. Notre qualité de vie n'est pas uniquement menacée par des terroristes suicidaires. Il pèse une menace beaucoup plus lourde sur monsieur et madame Tout le monde, celle de perdre des éléments de cette liberté sur laquelle nous comptons, que nous tenons pour acquise et que nous jugeons nécessaire dans notre société. Il faut donc parvenir à un certain équilibre.
Il est vrai que les gens veulent se sentir en sécurité et que nombre d'entre nous se disent qu'ils n'ont rien à cacher, qu'ils n'ont rien à craindre. Cette façon de voir les choses est relativement dangereuse, parce que ce raisonnement revient à dire qu'il n'y a rien de mal à ce que la police perquisitionne nos domiciles sans mandat, à son bon vouloir, histoire d'examiner les environs et de s'assurer que nous ne commettons pas de crime. Pourquoi pas? Vous n'avez rien à cacher, vous n'avez rien à craindre. Nous ne devrions pas nous offusquer que la police écoute toutes nos conversations téléphoniques ou prenne connaissance de notre courrier histoire de s'assurer que nous sommes respectueux de la loi. Pourquoi pas?
Il se trouve que nous avons certaines choses à cacher, non pas parce qu'elles sont illégales, honteuses ou déplacées, mais simplement parce qu'elles sont privées. Plus nous aurons l'impression que notre vie privée est envahie et moins nous nous sentirons libres à bien des égards. Ce genre d'invasion est d'autant plus oppressif quand il est commis par l'État.
Pour en revenir à la question des caméras de surveillance, je sais par exemple...
Le vice-président (M. Paul Forseth): Je crois que vous avez répondu à la question.
Nous allons repasser à M. Lanctôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt: En regardant les tableaux qui sont dans votre rapport, je constate que les plaintes portant sur l'atteinte à la vie privée à l'endroit des ministères, dont le nombre est énorme, ont trait en bonne partie à l'Agence des douanes et du revenu et au Service correctionnel du Canada. Vous avez mené des enquêtes sur ces plaintes. Pour quelle raison ces deux organismes sont-ils l'objet d'un plus grand nombre de plaintes?
M. George Radwanski: Ce n'est pas très étonnant, parce que ce sont deux services qui utilisent beaucoup de renseignements personnels. Ils sont aussi en contact avec des gens qui ne sont pas toujours très contents. Ce sont des ministères «agressifs» de par la nature de ce qu'ils font. Donc, ce n'est pas tellement surprenant que les gens soient mécontents. Ensuite, il y a là beaucoup d'occasions de porter atteinte à la vie privée.
M. Robert Lanctôt: Au Service correctionnel? Donnez-moi des exemples. Pourquoi me dites-vous que ce sont des endroits où cela pourrait être plus utilisé? Pourquoi y a-t-il plus de plaintes au Service correctionnel qu'ailleurs? Je peux comprendre que ce soit le cas à l'Agence des douanes et du revenu, mais qu'est-ce qui fait qu'il y a autant de plaines contre le Service correctionnel?
º (1650)
M. George Radwanski: Parce qu'une prison n'est pas un endroit très privé. Par exemple, si les autorités d'une prison rendent public, d'une façon ou d'une autre, le fait qu'un prisonnier a un problème de santé ou qu'il est puni pour quelque chose à caractère spécifique, par exemple, cela peut être assez grave.
M. Robert Lanctôt: Compte tenu du nombre de plaintes, est-ce qu'on arrive à la conclusion qu'il y a vraiment eu violation de la vie privée?
M. George Radwanski: Parfois oui et parfois non. C'est vrai que dans les prisons, il y a des gens qui n'ont pas beaucoup d'autres choses à faire. Cela change un peu les chiffres.
M. Robert Lanctôt: C'est cela. Qu'est-ce qui pourrait faire en sorte qu'il y ait moins d'intrusions? Est-ce que la société est prête à accepter ces intrusions? Également, est-ce que les gens d'une société libre comme la nôtre sont prêts à accepter les intrusions permises par la nouvelle Loi antiterroriste ou par C-17? Vous me dites qu'il est à peu près normal qu'il y ait des intrusions dans ces deux services, que cela semble banal. Étant donné les nouvelles lois qu'on est en train d'adopter, la société est-elle prête à accepter que cela devienne banal?
[Traduction]
M. George Radwanski: Je ne voudrais pas vous donner cette impression. J'estime que certains services, par la nature de leur vocation, sont plus gênants et plus ennuyeux pour bien des gens, raison pour laquelle ils sont la cible de plus de plaintes. Les deux que vous avez mentionnés tombent dans cette catégorie.
Il y a également des situations où, à cause de leur nature, des gens sont plus susceptibles d'estimer que leur vie privée n'est pas respectée. Personnellement, je ne qualifierais pas cela de banal. Quand il y a intrusion dans la protection de la vie privée, c'est aussi grave que pour n'importe quoi d'autre—que si un autre ministère commettait une autre infraction—et il faut prendre la chose très au sérieux.
La société en général, du moins après le 11 septembre, a estimé impression qu'il fallait faire tout en notre pouvoir pour que le monde soit plus sûr. Il ne faut pas s'en étonner. Le traumatisme a été très grand et des gens auraient été prêts à sacrifier presque n'importe quel droit pour se sentir plus en sécurité. C'est que nous disaient notamment les sondages. Je pense que nous en revenons à un meilleur équilibre où les gens veulent effectivement se sentir plus en sécurité—bien que la sécurité parfaite n'existe pas—tout en étant de plus en plus conscients qu'on ne peut sacrifier tous les droits à la vie privée dans cette poursuite aveugle de la sécurité tous azimuts. Encore une fois, le fond du problème—le vrai défi auquel nous sommes confrontés—consiste à expliquer aux gens que ce problème n'est pas essentiellement un problème de sécurité ou de vie privée, du moins à la façon dont je l'ai abordé, parce que je fais partie de ceux qui reconnaissent l'utilité d'imposer d'éventuelles restrictions à la vie prive, au nom de la sécurité, à condition de respecter certains critères. Nous devons toutefois éviter d'aller au-delà de ce qui est nécessaire et efficace et d'adopter des mesures uniquement parce qu'elles nous feront nous sentir plus en sécurité, même si ce n'est pas effectivement le cas, d'adopter des initiatives simplement parce qu'un autre pays veut que nous agissions ainsi, même s'il n'est pas prouvé que ces mesures sont nécessaires et qu'elles répondront aux critères que j'ai mentionnés ou encore qu'elles nous amèneront au-delà de la protection de la sécurité.
Le plus gros problème, comme je l'ai illustré dans le cas de la base de données des voyageurs de l'ADRC, ce n'est pas de chercher à assurer la sécurité des gens, c'est d'aller au-delà. Nous devons donc faire beaucoup d'information et c'est pour cela que j'en appelle au Parlement, par la voix de ce comité, pour qu'il nous assiste dans ce domaine. J'en appelle au Parlement pour qu'il fasse la part entre ce qu'est la vraie sécurité et ce qui constitue une intrusion dans la vie privée, sans que cela soit justifié par les nouveaux impératifs de sécurité qui sont les nôtres. Voilà pourquoi je vous demande votre aide.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Nous vous en remercions. Nous allons continuer par M. Bryden.
M. John Bryden: L'un des problèmes associé au fait qu'un service ne soit pas soumis aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, c'est qu'un comité comme le nôtre, chargé de contrôler le service ou le ministère en question, peut avoir de la difficulté à accéder à l'information qu'il réclame.
Cela étant posé, vous opposeriez-vous à nous communiquer un organigramme de votre structure ainsi que les descriptions d'emploi des membres de votre équipe? Pourriez-vous remettre cela au comité?
º (1655)
M. George Radwanski: Il va falloir que j'y réfléchisse. Je ne voudrais pas me soumettre aux exigences de la Loi sur l'accès à l'information en me pliant à un processus différent...
M. John Bryden: Eh bien, monsieur le président, j'estime qu'il est tout à fait approprié que notre comité et les membres qui en font partie, dont moi aujourd'hui, réclament une telle information. Je vous réclame officiellement cette information parce qu'il est tout à fait normal que ce comité sache comment le bureau du Commissaire à la protection de la vie privée est structuré et qu'il est très raisonnable que nous recevions des descriptions d'emploi concernant chaque employé. Je vous fais remarquer que cette information n'est même pas privée, puisque je ne réclame pas les salaires. Je vous demande donc, monsieur le président, de rendre une décision à cet égard, mais je ne...
M. George Radwanski: Monsieur Bryden, vous m'avez demandé si j'étais disposé à le faire et je vous ai dit que j'allais y réfléchir. Je n'ai pas encore refusé. Je n'ai pas accepté, mais je fais appel à votre indulgence et vous demande de me permettre de réfléchir sur le bien-fondé de ce que vous venez de demander.
Je suis venu ici pour parler de mon rapport annuel, mais je serai heureux de réfléchir sur la question que vous venez de me poser.
M. John Bryden: Sauf votre respect, monsieur le Commissaire à la vie privée, je réclame cette information, quelle que soit l'issue de votre réflexion et je demande que le comité m'appuie dans ce sens.
Pour passer à autre chose, dans la même veine, monsieur le président, toujours à propos de l'accès à l'information—mais peut-être pas, selon le service dont il est question—il se trouve que nous avons normalement accès aux comptes de dépenses des fonctionnaires. Malheureusement, comme nous ne pouvons invoquer les mécanismes de la Loi sur l'accès à l'information, il ne nous est pas possible d'accéder aux dépenses de M. Radwanski. Je ne sous-entends bien sûr pas qu'il y a des problèmes dans la façon dont M. Radwanski dépense son argent, mais les comptes de dépense donnent une idée de la façon dont un ministère ou un service fonctionne.
Je vais donc demander à M. Radwanski une nouvelle fois s'il a une objection quelconque à cela. Vous objectez-vous à remettre au comité vos relevés de dépenses des deux dernières années, pour votre service et pour vous-même?
M. George Radwanski: Monsieur Bryden, je ne vais pas soumettre mon bureau à une forme quelconque d'accès à l'information, de façon détournée...
M. John Bryden: Monsieur Radwanski.
M. George Radwanski: ... pour le simple motif qu'il y a des raisons politiques valables pour lesquelles le Parlement a décidé de ne pas soumettre mon bureau aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information. Je ne le ferai pas. Ce serait irresponsable de ma part et cela serait contraire à la politique en vigueur.
J'admire beaucoup l'ingéniosité dont vous faites preuve pour trouver une façon détournée de m'appliquer la Loi sur l'accès à l'information, mais j'estime qu'il serait inapproprié que ce comité ou tout autre organe aille à l'encontre des décisions du Parlement.
M. John Bryden: Je vous souligne, monsieur le président, que notre comité est investi du pouvoir absolu, délégué par le Parlement, de réclamer ce genre d'information. J'insiste : je demande cette information au témoin, qu'il soit disposé ou non à nous la communiquer.
Je souligne aussi que cette information nous est régulièrement fournie par tous les fonctionnaires, peut-être pas par les ministres, mais très certainement par les fonctionnaires. Je demande que cette information nous soit au moins communiquée en vertu des directives du Conseil du Trésor concernant les dépenses.
Puis-je passer à autre chose, monsieur le président?
Le vice-président (M. Paul Forseth): Je pense que oui. Je crois que vous avez posé votre question et que le témoin vous a donné une idée de sa réponse.
M. John Bryden: J'ai d'autres questions.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Le comité pourra se tourner vers son conseil juridique pour savoir ce qu'il y a lieu de faire compte tenu de ce que nous venons d'entendre. Nous nous rapprochons à grand pas de l'heure du vote et si vous voulez poser une question supplémentaire, faites en sorte qu'elle soit brève pour que nous passions à autre chose.
M. John Bryden: Pour ce qui est de la communication transmise à l'un de mes électeurs, j'aimerais obtenir une liste de tous les destinataires.
J'aimerais donc savoir par votre intermédiaire, monsieur le président, si le témoin s'objecte ou non à produire une liste des destinataires de ces communiqués de presse afin que je puisse déterminer comment mon électeur a reçu une communication du bureau du commissaire et si d'autres députés sont sur ces listes d'envoi, et pourquoi. J'apprécierais beaucoup de recevoir ce genre d'information, monsieur le président.
M. George Radwanski: Il n'y a pas de mystère entourant l'envoi des communiqués de presse. Nous les envoyons à tous les grands médias. Dans certains cas, pour rejoindre le genre de préoccupation exprimée par M. Clark qui voulait que les députés soient pleinement informés de ce que nous faisons, nous adressons aussi nos communiqués à des députés, uniquement pour les informer. Quand nous le faisons, nous envoyons nos communiqués à tous les députés.
Ma réponse sera simple. Nous envoyons nos communiqués de presse à tous les médias accrédités, à la tribune de la presse et, dans certains cas, aux députés, mais certainement pas à des particuliers, à des électeurs. Nous n'avons aucun mécanisme prévoyant la diffusion de nos communiqués de presse au grand public.
» (1700)
M. John Bryden: Merci, monsieur le président.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Monsieur Clark.
M. Joe Clark: Merci beaucoup.
En réaction à l'intervention de M. Bryden, je dois dire qu'il serait malheureux que des exemptions aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information empêchent les comités parlementaires de recevoir des informations raisonnables.
Si le comité décide de voter sur la requête de M. Bryden, je me prononcerai sans doute pour. J'aurais aimé que vous acceptiez de plein gré de nous fournir le minimum d'information au comité à qui vous devez faire rapport. Agir autrement revient, quant à moi, à pousser la protection de la vie privée à des extrêmes.
Je suis très intéressé par ce qu'on appelle les fondations indépendantes qui ont été mises sur pied par le gouvernement, comme la Fondation pour les sciences climatiques et atmosphériques, Génome Canada, le Fonds des bourses du millénaire, l'Institut canadien d'information sur la santé et ainsi de suite. Ces organismes échappent aux contrôles exercés par la vérificatrice générale. Elle ne peut donc pas les vérifier. Quel rapport avez-vous avec ces fondations? Avez-vous accès à ces organisations?
M. George Radwanski: Non, ma situation est la même que celle de la vérificatrice. Ces fondations se situent dans une sorte de zone grise. Je m'en suis inquiété d'ailleurs. Je me suis entretenu avec les responsables de certaines de ces organisations. Certains sont tout à fait conscients du problème. D'autres aimeraient que des dispositions leur permettent de se placer volontairement sous le contrôle de mon bureau pour rassurer ceux et celles qui pourraient s'inquiéter de la façon dont les renseignements personnels sont traités. Pour l'instant, nous sommes dans une sorte de situation mitigée. Je rejoins la Vérificatrice générale dans ses préoccupations à cet égard.
M. Joe Clark: Est-ce que des mécanismes volontaires sont envisageables? Est-ce que ce serait permis en vertu de la pratique actuelle et de la loi?
M. George Radwanski: De toute évidence, nous ne pourrions pas faire appliquer nos recommandations. Je me suis entretenu avec les responsables d'une organisation, je ne vous dirai pas laquelle, à propos d'une telle possibilité. Ils ont dit qu'ils allaient analyser la question et en parler à leur conseil, mais je n'en ai plus jamais entendu parler.
Je ne pense pas qu'on puisse faire quoi que ce soit pour empêcher une organisation de déclarer qu'elle serait heureuse d'inviter le Commissaire à la protection de la vie privée à examiner ce qu'elle fait, à effectuer une vérification en toute liberté et, en cas de plainte, à enquêter et à donner suite au dossier. Il s'agirait d'un accord conclu en marge de la législation mais, a priori, je ne pense pas qu'un tel mécanisme serait illégal.
M. Joe Clark: Si vous voulez recommander au comité une façon de parvenir à ce résultat, je pense que vous devriez le faire. Je comprends parfaitement pourquoi on a mis sur pied ces fondations, c'était notamment pour qu'elles n'aient pas de lien direct avec nous. Il y a certaines raisons à cela. Malheureusement, une trop grande distance devient dangereuse et il est dangereux que ces fondations soient inaccessibles pour les mandataires du Parlement, surtout dans le cas de certaines d'entre elles—plus particulièrement dans le domaine de la santé—qui travaillent dans des domaines où il y a de grands risques d'intrusion dans la vie privée.
M. George Radwanski: Je partage votre préoccupation. De plus, elles échappent complètement à la compétence des commissaires provinciaux à la vie privée, exactement pour les mêmes raisons, si bien qu'elles se retrouvent dans une zone grise.
M. Joe Clark: Sans compter qu'elles administrent des budgets de plusieurs milliards de dollars, qu'elles prennent de l'importance et que tout cela n'est pas négligeable.
Dans la même veine, pouvez-vous me dire quelles sont vos relations avec le milieu du renseignement, comme le SCRS, le CSARS et d'autres? Avez-vous...
M. George Radwanski: Ces organismes tombent sous le coup de la loi et donc de mon contrôle.
M. Joe Clark: Si vous me le permettez, je vais vous demander votre avis. La réaction aux activités terroristes a occasionné une recrudescence de l'activité du renseignement et l'on s'est inquiété de la reddition de comptes à cet égard. Pour en revenir au caractère central du Parlement, à la question de savoir si nous nous acquittons correctement ou pas de notre devoir de parlementaires, il faut savoir que d'autres pays ont adopté des mécanismes permettant au Parlement de contrôler ce genre d'activité. Au Canada, nous avons décidé de nous en remettre au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité qui, pour ceux d'entre nous qui en ont fait l'expérience, est quasiment impénétrable au point que nous nous posons de plus en plus de questions d'intérêt public à la faveur d'une augmentation des activités de renseignement.
Estimez-vous qu'il serait utile de mettre sur pied une sorte de comité de contrôle auquel siégeraient des députés tenus au secret à cause des informations dont ils pourraient être saisis?
» (1705)
M. George Radwanski: Je ne peux vous parler de contrôle qu'en ce qui concerne la protection de la vie privée en oubliant le reste. Comme je le disais, mon bureau et moi-même avons pour mandat de contrôler ces organisations dans la limite des dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée, pour nous assurer qu'elles ne conduisent pas d'activité inutilement intrusive. D'ailleurs, nous sommes en train d'effectuer une vérification de ces organisations du point de vue de la protection de la vie privée en vue de déterminer ce qu'elles ont changé dans leurs activités depuis le 11 septembre et s'il y a quoi que ce soit sur ce plan qui devrait nous inquiéter.
M. Joe Clark: Êtes-vous sujet à des limitations qui vous empêcheraient de rendre compte de vos constatations dans ce cas?
M. George Radwanski: Bien sûr, il y a toutes les limitations habituelles liées à la sécurité. Je n'ai pas le droit de divulguer de renseignements délicats à caractère secret.
M. Joe Clark: Ce sont des détails. Qu'en serait-il si vous constatiez des tendances inquiétantes...
M. George Radwanski: Si j'avais des inquiétudes, je parlerais certainement des raisons qui se cachent derrière. Mais il faudrait que je sois incroyablement prudent pour savoir ce que je dois rendre public ou pas afin de ne pas enfreindre le sceau du secret.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Eh bien, nous allons devoir nous arrêter là.
Avez-vous une question à poser, monsieur Tirabassi?
M. Tony Tirabassi: Non.
M. John Bryden: Pour parler d'autre chose, vous avez témoigné, dans le passé, à propos du projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et de la divulgation des renseignements concernant les passagers de compagnies aériennes. Vous avez déclaré aux autres comités que, selon vous, les informations recueillies ne devraient servir qu'afin de lutter contre le terrorisme. Je ne cherche pas ici à vous arracher de confessions pour m'en servir à d'autres fins, mais, tout à l'heure, vous avez mentionné le cas des « pestiférés ».
Que pensez-vous de cela dans le contexte des événements actuels où nous sommes confrontés à une pneumonie atypique qui se répand très rapidement dans le monde entier et qui cause des maux de tête aux autorités de la santé parce qu'elles ne peuvent pas accéder aux identités des passagers qui ont voyagé à bord des avions provenant des pays à l'origine de cette maladie, qui ne sont pas en mesure de savoir où ils sont passés et qui sont peut-être en train d'infecter leur entourage, tout cela parce que l'identité des passagers est codifiée? Maintenez-vous le même point de vue critique dans le cas de crise de la santé publique que dans celui du projet de loi de lutte contre le terrorisme? Avez-vous changé de point de vue à cause de ce péril mortel qui se répand dans le monde?
M. George Radwanski: Non. Tout d'abord, je ne pense pas que la situation soit exactement telle que vous l'avez décrite. Je crois savoir qu'il existe des protocoles parfaitement établis avec Santé Canada—en fait, nous avons même examiné la question quand le ministre a soulevé ce problème—en vertu desquels il est possible d'accéder au dossier d'une personne porteuse d'une maladie contagieuse au moment de son arrivée au Canada. En vertu d'accords internationaux—comme l'IATA et d'autres—les compagnies aériennes conservent leurs manifestes de passagers pendant un certain temps et cette information peut être mise à la disposition des autorités sanitaires désireuses retracer une personne afin de l'informer d'un risque éventuel de contagion.
Ce processus existe depuis longtemps. Il a été appliqué dans des cas suspects d'Ebola et autres. Cela n'a rien à voir avec le projet qui consiste à conserver des données personnelles pendant six ans dans une banque, parce qu'il n'y a pas beaucoup de maladies qui demeurent contagieuses après six ans. Ainsi, selon moi, nous sommes en présence de deux choses bien différentes.
M. John Bryden: Si je comprends bien ce que nous disent les journaux, le problème c'est que les passagers...
M. George Radwanski: En tant qu'ancien journalisme, monsieur, je dois vous dire qu'il ne faut pas croire tout ce qu'on lit dans les journaux.
M. John Bryden: Certes, mais il demeure que nous devons nous en remettre à ces sources d'information. Nous pouvons toujours nous en remettre aussi aux témoins qui comparaissent devant nous pour nous communiquer l'information dont nous avons besoin. Ça aussi, nous en sommes conscients.
Quoi qu'il en soit, pour en terminer avec ce que je voulais dire, j'ai l'impression que, dans votre témoignage, vous avez sous-entendu que nous ne devrions pas recueillir ce genre d'information pour la conserver et la diffuser ensuite à d'autres autorités pour d'autres motifs. Vous avez même, dans votre témoignage, parlé de «pestiférés». C'est le mot que vous avez employé. Nous sommes en présence d'une information qui est codifiée et qui est inaccessible, du moins qui n'est pas facilement accessible.
M. George Radwanski: Pourquoi dites-vous cela? Pourquoi dites-vous qu'elle est codifiée et qu'elle n'est pas facilement accessible?
» (1710)
M. John Bryden: C'est ce que disent les journaux. Ils disent qu'il est difficile d'obtenir les renseignements sur l'identité des passagers et de retracer les personnes concernées.
M. George Radwanski: Je serais heureux d'examiner cette question, mais je ne pense pas que les compagnies aériennes soient réticentes à fournir des informations aux autorités sanitaires. Je serais heureux de demander à mon équipe de se pencher sur cette question, mais je ne pense pas que ce soit le cas, peu importe ce que disent les journaux. Je ne vois pas à quel article vous faites allusion.
D'un autre côté, j'ai lu des articles où l'on dit que Santé Canada est en contact avec les compagnies aériennes et qu'elle obtient les informations nécessaires pour retracer les gens, pour communiquer avec eux et les prévenir d'un risque de contagion. Je ne suis donc pas forcément d'accord avec ce que vous dites quant à l'existence d'un problème, parce que, à ce que je crois savoir, tel n'est pas le cas. Toutefois, je serais heureux de m'y intéresser.
M. John Bryden: Parfait, nous en reparlerons. J'aimerais voir une évaluation de votre part déterminant dans quelle mesure les considérations actuelles relatives à la protection de la vie privée ont empêché les autorités d'obtenir les informations voulues sur l'identité de passagers.
Merci, monsieur le président.
M. George Radwanski: Je serais heureux de faire cela.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Bien. Monsieur Epp, pour une intervention très brève.
M. Ken Epp: Merci, monsieur le président. J'ai une question à vous poser à propos de ce que dit votre rapport sur l'administration de votre bureau.
Vous dites que votre budget a augmenté substantiellement—du moins dans l'année visée par le rapport en question. Je n'ai pas eu le temps d'examiner ce que sont vos besoins budgétaires depuis l'exercice 2001-2002 visé par ce rapport.
En revanche, nous avons appris du Commissaire à l'information que vous ne partagez plus les services administratifs que vous aviez avant en commun. Pourriez-vous dire au comité pourquoi vous ne partagez plus ces services?
M. George Radwanski: Cela s'est bien sûr fait avec l'accord du Conseil du Trésor et du Bureau du Conseil privé, et pour plusieurs raisons. D'abord, à cause des nouvelles responsabilités dont mon bureau est investi, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, qui est la nouvelle loi visant le secteur privé dont je vous ai parlé tout à l'heure, notre volume de travail, la taille de notre effectif et nos responsabilités ont considérablement augmenté. Comme nous nous trouvons maintenant à superviser l'application d'une deuxième loi qui va prendre de plus en plus d'importance puisqu'elle va s'appliquer à la plus grande partie du secteur privé dans le courant de l'année à venir. À cause de cela, notre bureau est presque deux fois plus gros que celui du Commissaire à l'information.
De toute évidence, les services internes sur lesquels nous devons compter sont considérablement plus importants. Tout d'abord, le personnel des services ministériels s'était retrouvé dans une situation très délicate parce que, nous avions besoin de certains services, de façon urgente parfois, mais que le Commissaire à l'information et son personnel estimaient, de leur côté, qu'ils avaient aussi besoin d'obtenir tout de suite les services réclamés et qu'ils faisaient peu de cas de ce que les autres voulaient. Ils exigeaient d'être servis tout de suite et nous aussi. Ainsi, les services centraux s'étaient retrouvés dans une situation impossible. Voilà pour le premier problème.
Deuxièmement, à cause de la nature de notre travail, nous nous sommes souvent retrouvés en opposition avec le Commissaire à l'information, au point que nous nous sommes retrouvés l'un contre l'autre devant des tribunaux. Il n'est ni très normal ni très sain d'avoir deux services concurrents logés sous un même toit qui partagent tout, même les factures des avocats et les questions de personnel, et qui ont accès à des informations qui perdent dès lors leur caractère confidentiel.
Enfin, tout cela nous ramène à la réponse que j'ai donnée plus tôt à M. Bryden, dans le cas des entreprises du secteur privé à qui nous voulons donner la garantie que les renseignements qui nous sont communiqués ne tomberont pas sous le coup de la Loi sur l'accès à l'information. Même quand nous leur disions que nous n'étions pas sujets aux dispositions de cette loi, les entreprises avaient du mal à comprendre ce qu'il en était exactement, parce que nous partagions tout avec le Commissaire à l'information.
À cause de tous ces facteurs, nous en sommes venus à la conclusion, et nous avons sans doute convaincu le Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé, qu'il n'était plus possible de partager des services communs avec le Commissaire à l'information, que cela n'était plus logique étant donné les circonstances, outre que cela ne permettait pas de grandes économies.
M. Ken Epp: C'est précisément de ce dernier aspect dont je voulais parler, moi qui surveille toujours de très près la façon dont l'argent des contribuables est dépensé et qui avait l'impression qu'il était possible de réaliser des économies d'échelle grâce à cette formule. Ainsi, vous nous dites qu'au contraire il n'en coûte guère plus cher d'avoir deux services séparés, ou du moins que le jeu en valait la chandelle. C'est ce que vous nous dites, je suppose. Du moins c'est ce que j'ai compris.
» (1715)
M. George Radwanski: Vous avez raison. Quand nos experts se sont penchés sur cette question, et ils ont été rejoints dans leur conclusion par le Secrétariat du Conseil du Trésor, ils ont déterminé qu'au bout du compte cela ne coûte pas plus cher.
M. Ken Epp: Très bien, je vous remercie.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Avez-vous une question à poser?
Fort bien, nous allons passer à M. Clark. Vouliez-vous poser une autre question?
M. Joe Clark: Non, ça va. Merci.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Très bien, quelqu'un du côté gouvernemental?
Monsieur Radwanski, j'ai l'impression que nous sommes arrivés au terme de nos questions.
Aujourd'hui, M. Bryden vous a réclamé plusieurs choses, et cela à deux reprises. Je pense qu'il conviendrait que le greffier vous remette ne serait-ce que les bleus sur lesquels apparaissent les demandes qui vous ont été adressées et qu'il vous donne quelques jours pour y réfléchir avant de nous communiquer votre réponse. Par la suite, le comité décidera des mesures qu'il convient éventuellement de prendre, mais j'estime qu'il est juste de procéder ainsi étant donné la liste des requêtes qui vous ont été adressées.
S'il n'y a pas d'autres questions...
Monsieur Bryden.
M. John Bryden: Monsieur le président, je ne sais pas exactement comment fonctionne ce comité, mais je tiens à déposer un avis de motion, parce que j'entends formuler mes quatre requêtes sous la forme de motions officielles que je déposerai au comité ou que quelqu'un d'autre déposera en mon nom au moment opportun. Je vous indique donc mon intention d'aller jusqu'au bout de ma démarche.
Le vice-président (M. Paul Forseth): Très bien. Merci.
Je vous rappelle que nous allons voter sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) lors de notre réunion de demain. Nous nous reverrons donc demain mercredi à 15 h 30, à la salle 362 de l'édifice de l'Est.
La séance est levée.