OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 18 mars 2003
¿ | 0910 |
Le vice-président (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)) |
Mme Arlene Wortsman (Directrice, Étude du travail, Centre canadien du marché du travail et de la productivité (maintenant Centre Syndical et patronal du Canada)) |
¿ | 0915 |
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.) |
Mme Lise Poulin (secrétaire générale, Confédération des syndicats nationaux) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna (ancienne sous député adjointe (HRDC), consultante, « Henna Report on Staffing », À titre individuel) |
¿ | 0930 |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne) |
Mme Arlene Wortsman |
M. Ken Epp |
¿ | 0945 |
Mme Arlene Wortsman |
M. Ken Epp |
M. François Lamoureux (avocat, Sauvé et Roy (Service juridique CSN), Confédération des syndicats nationaux) |
¿ | 0950 |
M. Ken Epp |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Ken Epp |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ) |
M. François Lamoureux |
¿ | 0955 |
M. Robert Lanctôt |
M. Claude Rioux (Confédération des syndicats nationaux) |
À | 1000 |
M. Robert Lanctôt |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. François Lamoureux |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.) |
Mme Arlene Wortsman |
À | 1005 |
M. Tony Tirabassi |
Mme Arlene Wortsman |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
À | 1010 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Ken Epp |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. François Lamoureux |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Claude Rioux |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Dick Proctor (Palliser, NPD) |
À | 1015 |
Mme Arlene Wortsman |
M. Dick Proctor |
Mme Arlene Wortsman |
M. Dick Proctor |
Mme Martha Hynna |
À | 1020 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
Mme Arlene Wortsman |
Mme Martha Hynna |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
Mme Arlene Wortsman |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Judy Sgro |
À | 1025 |
Mme Martha Hynna |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. François Lamoureux |
À | 1030 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne) |
M. Claude Rioux |
À | 1035 |
M. Paul Forseth |
Mme Martha Hynna |
À | 1040 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Paul Forseth |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Robert Lanctôt |
Mme Lise Poulin |
M. Robert Lanctôt |
M. François Lamoureux |
M. Robert Lanctôt |
M. François Lamoureux |
À | 1045 |
M. Robert Lanctôt |
M. François Lamoureux |
M. Robert Lanctôt |
M. François Lamoureux |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Dick Proctor |
Mme Lise Poulin |
M. François Lamoureux |
M. Claude Rioux |
À | 1050 |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Martha Hynna |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Tony Tirabassi |
À | 1055 |
M. François Lamoureux |
Mme Lise Poulin |
M. François Lamoureux |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Paul Forseth |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Lise Poulin |
M. François Lamoureux |
Mme Lise Poulin |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Á | 1100 |
M. Paul Forseth |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
Mme Lise Poulin |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
M. Robert Lanctôt |
M. Claude Rioux |
M. Robert Lanctôt |
M. Claude Rioux |
Le vice-président (M. Tony Valeri) |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 18 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0910)
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)): La séance est ouverte.
Aujourd'hui, l'ordre du jour prévoit l'étude du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.
Nous accueillons ce matin des représentants du Centre syndical et patronal du Canada, de la Confédération des syndicats nationaux ainsi que Martha Hynna, ancienne sous-ministre adjointe à DRHC.
Nous allons commencer par la déclaration préliminaire du Centre syndical et patronal du Canada. Essayez de limiter vos interventions à cinq à sept minutes afin que nous ayons le temps de poser des questions.
Mme Arlene Wortsman (Directrice, Étude du travail, Centre canadien du marché du travail et de la productivité (maintenant Centre Syndical et patronal du Canada)): Merci beaucoup, et bonjour.
Je m'appelle Arlene Wortsman. Je suis la directrice de l'Étude du travail pour le Centre syndical et patronal du Canada.
Le CSPC est une organisation mixte patronale-syndicale indépendante dont le mandat est d'améliorer les pratiques syndicales et patronales et de prodiguer des conseils en matière de politiques publiques sur les questions relatives au marché du travail et aux compétences. Nous existons depuis 1984, année où le centre a été créé sous l'appellation de Centre canadien du marché du travail et de la productivité.
Notre conseil d'administration est formé à parts égales de dirigeants syndicaux et patronaux issus de diverses régions du Canada ainsi que de secteurs variés de l'économie. Actuellement, nos coprésidents sont Perrin Beatty, de Manufacturiers et Exportateurs du Canada et Ken Georgetti, président du Congrès du travail du Canada.
Nous nous concentrons sur les questions qui préoccupent nos membres. Notre travail consiste, dans une large mesure, à exécuter de la recherche appliquée sur les pratiques concrètes et les programmes ayant cours dans les milieux de travail et les organisations au Canada. Nous nous penchons sur les questions liées aux compétences et au milieu de travail.
Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de certains résultats de recherches qui, à mon avis, sont pertinents pour l'étude de ce projet de loi. Cette information pourrait vous aider à définir le contexte de vos délibérations. J'aimerais aussi faire certaines observations sur des articles précis de la loi qui est à l'étude. Toutefois, je n'ai pas l'intention d'aborder les éléments du projet de loi qui visent le processus de négociation collective. Je préférerais plutôt parler des aspects susceptibles de contribuer à créer un milieu de travail sain pour tous les employés du gouvernement fédéral.
Permettez-moi de commencer par notre recherche intitulée «Points de vue». Depuis 1996, le Centre syndical et patronal mène une enquête nationale auprès des dirigeants syndicaux et patronaux en vue de connaître leur opinion sur un certain nombre de questions. L'enquête Points de vue est réalisée tous les deux ans, et la plus récente remonte à 2002. À l'époque, nous avions interrogé tout près de 1 200 dirigeants patronaux et syndicaux au sujet des difficultés qu'ils éprouvent en ce qui concerne l'économie, la pénurie de compétences, les pratiques dans un milieu de travail sain ainsi que l'état des relations patronales-syndicales. J'aimerais vous faire part de certains faits saillants qui pourraient éventuellement s'appliquer à ce qui nous intéresse aujourd'hui.
Premièrement, j'aimerais vous parler de la pénurie de compétences. Notre enquête Points de vue suit de près l'évolution de cette question depuis 1996. Nous avons constaté une inquiétude croissante dans les quatre groupes cibles, c'est-à-dire les gestionnaires et les dirigeants syndicaux, tant dans le secteur privé que public.
On perçoit de plus en plus cette question comme un problème sérieux dans les milieux de travail en partie parce que les départs à la retraite se font de plus en plus nombreux. Cette situation est attribuable au vieillissement de la population ainsi qu'à une tendance chez de nombreux employés à avancer l'âge de la retraite. Nous avons demandé à nos répondants d'estimer quel pourcentage de leur main-d'oeuvre prendrait sa retraite au cours des cinq prochaines années. Un tiers des gestionnaires du secteur privé ont répondu que de 10 à 25 p. 100 de leur main-d'oeuvre quittera le marché du travail d'ici cinq ans. Toutefois, dans le secteur public, 52 p. 100 des gestionnaires pensent qu'un maximum d'un quart de leur main-d'oeuvre prendra sa retraite d'ici cinq ans. Dans le secteur public, l'âge de la main-d'oeuvre est, dans bien des cas, plus élevé et cela s'explique par le gel de l'embauche décrété durant la majeure partie de la dernière décennie. Cette situation prévaut dans l'ensemble du Canada, et pas seulement dans la fonction publique fédérale.
Même si notre enquête Points de vue nous a permis de constater que les répondants manifestaient un degré élevé d'inquiétude, il est important de souligner que le remplacement de ces employés ne sera pas chose facile. Nous avons demandé à des dirigeants patronaux et syndicaux de nous indiquer quel pourcentage de leurs employés qui partent à la retraite seraient remplacés. Quatorze pour cent des gestionnaires du secteur public nous ont dit qu'ils croyaient que moins de 50 p. 100 seraient remplacés. Les dirigeants syndicaux voyaient les choses d'un autre oeil: 32 p. 100 d'entre eux pensaient que 50 p. 100 des travailleurs partant à la retraite seraient remplacés.
Dans la même enquête, nous avons posé un certain nombre de questions concernant les relations patronales-syndicales. Les dirigeants syndicaux ont une vision beaucoup plus négative de l'évolution des relations patronales-syndicales entre 2000 et 2002; 56 p. 100 des dirigeants syndicaux du secteur public ont déclaré que ces relations s'étaient détériorées.
Les répondants à l'enquête Points de vue se sont fait demander comment ils voyaient l'évolution des relations patronales-syndicales au cours des deux prochaines années, c'est-à-dire entre 2002 et 2004. Les gestionnaires étaient en règle générale plus optimistes que les dirigeants syndicaux en ce qui concerne les relations patronales-syndicales à court terme, et ce résultat rejoint celui que nous avons obtenu lors des enquêtes précédentes. En 2000, 36 p. 100 des dirigeants syndicaux s'attendaient à une détérioration des relations patronales-syndicales au cours des deux années suivantes, mais dès 2002, 60 p. 100 des dirigeants syndicaux étaient du même avis.
On note également un pessimisme croissant chez les gestionnaires du secteur public. Le pourcentage de dirigeants du secteur public qui s'attendent à ce que les relations patronales-syndicales se détériorent encore davantage est passé de 28 p. 100 en 2000 à 42 p. 100.
L'importance de bonnes relations patronales-syndicales est évidente puisqu'elle est associée à un bon rendement du milieu du travail et au bien-être des employés. Dans l'enquête Points de vue de 2002, on a demandé aux dirigeants patronaux et syndicaux comment 12 principaux facteurs d'évaluation du rendement du milieu de travail avaient évolué au cours des deux dernières années. Ces facteurs comprenaient notamment la productivité, le recrutement, le maintien de l'effectif, les blessures et la motivation des employés. Pour pratiquement chacun des facteurs d'évaluation du rendement, tant chez les gestionnaires que chez les dirigeants syndicaux, ceux qui avaient déclaré que les relations patronales-syndicales s'étaient améliorées au cours des deux dernières années avaient également davantage tendance à dire que le rendement s'était aussi amélioré.
Même si les données tirées de Points de vue sont fondées sur les perceptions des gestionnaires et dirigeants syndicaux plutôt que sur des statistiques, ce qui rend ces résultants convaincants et crédibles c'est l'uniformité de la réponse, tant chez les gestionnaires que chez les dirigeants syndicaux. Ces deux groupes peuvent entretenir des différends en ce qui concerne l'état actuel des relations patronales-syndicales, mais ils s'entendent pour dire que lorsque ces relations s'améliorent, le rendement du milieu de travail s'améliore lui aussi.
Comme on s'inquiète du vieillissement de la population active, les efforts visant à améliorer la productivité ou à maintenir un effectif ou encore à attirer des travailleurs spécialisés ne bénéficieront certainement pas d'un milieu où les relations de travail sont hargneuses. L'un des facteurs qui contribuent aux bonnes relations patronales-syndicales est justement un milieu de travail sain.
En 1999, presque la moitié de tous les fonctionnaires canadiens considéraient que leur charge de travail n'était pas raisonnable, la plupart du temps. Notre enquête Points de vue a également permis de mettre en relief cette question: 59 p. 100 des gestionnaires et 84 p. 100 des dirigeants syndicaux ont déclaré que les niveaux de stress avaient augmenté dans le milieu de travail. On a noté également une hausse de l'absentéisme et une baisse du moral des travailleurs.
Des études récentes, y compris une analyse réalisée par l'Association professionnelle des cadres de la fonction publique du Canada, ont mis en lumière les difficultés qu'éprouvent de nombreux employés du secteur public. L'APEX a signalé que les troubles mentaux et les problèmes de santé étaient la catégorie la plus fréquemment invoquée dans les réclamations de prestations d'invalidité provenant des employés fédéraux.
Et enfin, voici ma conclusion au sujet de notre enquête. Tant les gestionnaires que les dirigeants syndicaux, lorsqu'on leur a demandé d'indiquer les facteurs responsables d'une dégradation de la santé du milieu de travail ont évoqué l'accroissement de la charge de travail, le manque de communication et l'absence d'un climat de confiance, le déséquilibre entre la vie familiale et le travail ainsi que la diminution de l'influence des employés.
Alors, quel lien faut-il établir entre ces résultats et la loi que vous êtes en train d'étudier? Notre expérience nous a enseigné que les employés qui ont l'impression d'avoir leur mot à dire dans la façon dont ils s'acquittent de leurs tâches, à qui on donne la possibilité d'acquérir les compétences nécessaires et qui sentent qu'ils ont plus de prise sur leur travail ont aussi un sentiment plus fort d'engagement, ce qui se traduit par une productivité accrue, moins d'absentéisme et moins de griefs.
Pour les dernières minutes qui me restent, permettez-moi de faire quelques remarques au sujet des modifications proposées. Ce projet de loi possède de nombreuses caractéristiques positives. On semble vouloir mettre davantage l'accent sur la consultation et dans certains cas, sur la recherche en commun de solutions. L'employeur, en l'occurence le gouvernement fédéral, et les syndicats visés peuvent s'entendre sur la mise au point en commun d'améliorations à apporter au milieu de travail. Cela signifie que gestionnaires et représentants syndicaux peuvent cerner tous ensemble les problèmes du milieu de travail et, plus important encore, s'attaquer à la recherche de solutions à ces problèmes de concert. Le recours à des méthodes plus souples de règlement des différends devrait contribuer à réduire les conflits en milieu de travail.
La reconnaissance du Conseil national mixte dans la loi représente une étape importante en vue d'améliorer la crédibilité de cette organisation en tant que tribune d'échanges. Toutefois, le Conseil national mixte pourrait être encore plus efficace si on lui garantissait un certain financement. Le Conseil national mixte pourrait être utilisé de façon créative afin de désamorcer les conflits et même d'explorer des solutions créatives.
La nouvelle Commission des relations de travail dans la fonction publique se verra confier le mandat de fournir un service de médiation en ce qui concerne la rémunération, ainsi que des services de recherche et d'analyse, toutes choses ayant été réclamées par divers syndicats et chercheurs comme moi-même depuis déjà un certain temps.
En enfin, je pense que la nouvelle École de la fonction publique du Canada possède le potentiel nécessaire pour jouer un rôle primordial dans la formation et le perfectionnement d'une main-d'oeuvre compétente. La stratégie du gouvernement fédéral en matière d'innovation insiste sur la nécessité, pour tous les employés, de développer des compétences et de suivre de la formation. La formation à tous les niveaux fait partie intégrante de la planification de la main-d'oeuvre. Notre recherche nous a appris que beaucoup de jeunes employés sont à la recherche d'emplois qui leur donnent la possibilité de se recycler ou même de développer de nouvelles compétences.
Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de vous communiquer une partie de nos recherches. Le Centre syndical et patronal du Canada s'efforce depuis 19 ans de faire la promotion d'une approche concertée des questions relatives au milieu de travail et aux ressources humaines. Alors que le monde du travail ne cesse de se complexifier et d'accélérer le pas, nous pensons que cette vision prend encore plus d'importance.
Je vous remercie de votre attention et je suis prête à répondre à vos questions.
¿ (0915)
Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup, madame Wortsman.
Aimeriez-vous poursuivre, madame Poulin?
[Français]
Mme Lise Poulin (secrétaire générale, Confédération des syndicats nationaux): Merci, madame la présidente.
Au nom de la Confédération des syndicats nationaux et du Syndicat des agents correctionnels du Canada, nous vous remercions de nous donner l'occasion de présenter nos remarques et notre analyse du projet de loi C-25, Loi sur la modernisation de la fonction publique.
La Confédération des syndicats nationaux représente 270 000 membres répartis dans neuf fédérations professionnelles et dans 2 700 milieux de travail, c'est-à-dire 2 700 syndicats. Ces syndicats se retrouvent non seulement dans tous les secteurs d'activité économique au Québec, mais également en Ontario et au Nouveau-Brunswick, notamment dans les secteurs des communications, du transport et des activités reliées aux minoteries, secteurs relevant de la juridiction fédérale en matière de relations de travail.
Notre objectif premier est que les lois fédérales qui régissent l'emploi, les relations du travail et les rapports collectifs dans la fonction publique facilitent l'accès à la syndicalisation, favorisent le plein exercice de la négociation collective, reconnaissent le rôle essentiel des syndicats dans les relations entre les employeurs et les employés, et assurent aux travailleurs et aux travailleuses de la fonction publique fédérale les mêmes droits que ceux reconnus à l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au Canada.
Bien que la CSN ne soit impliquée que depuis deux ans dans les relations du travail au niveau fédéral, soit depuis l'accréditation du Syndicat des agents correctionnels du Canada, dès le départ, elle s'est impliquée dans les travaux du Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources humaines en lui soumettant un document et en participant aux échanges avec le groupe.
D'autre part, dès la parution de ce qu'il est convenu d'appeler le rapport Fryer, la CSN s'est montrée favorable à nombre de ses recommandations, soulignant l'effort du comité pour redonner un nouvel élan aux relations du travail, redéfinir et créer des institutions mieux équilibrées, donner une voix plus efficace aux organisations syndicales et favoriser une plus forte implication des employeurs sur le plan de l'imputabilité de recherche et de résultats.
Aux fins de mieux préciser notre vision de ce que doivent être les améliorations dans le régime des relations du travail, permettez-nous de reprendre ici les éléments que nous avons retenus dans notre mémoire.
Les lois du travail relatives à la fonction publique fédérale doivent être compatibles avec les principes contenus dans le Code canadien du travail. Le Conseil canadien des relations industrielles doit être habilité pour mettre en oeuvre les recours prévus à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique fédérale. Le Conseil canadien des relations industrielles doit être habilité pour prendre les décisions dans les litiges portant sur les services essentiels, cela selon les critères établis par le Code canadien du travail. Les syndicats doivent avoir un rôle élargi en matière de gestion des griefs de manière à reconnaître le caractère collectif des relations du travail et la place prépondérante que les syndicats tiennent dans l'économie générale des relations du travail au Canada. Les organismes chargés d'entendre les recours, tant en matière de dotation que de différends, doivent être constitués, au regard de la nomination de leurs membres, de manière semblable au Conseil canadien des relations industrielles, dont les commissaires sont nommés sous l'égide du Code canadien du travail. La codétermination doit être à la base du cadre institutionnel des relations du travail, incluant le régime de retraite et sa gestion, comme cela se retrouve dans la plupart des entreprises privées ou publiques, tant de juridiction provinciale que fédérale.
Le consensus dégagé parmi les membres de la Commission Fryer nous apparaît comme une pièce majeure de la réforme et indique qu'il est nécessaire de procéder à des changements en profondeur.
Dans ce qui suit, nous allons procéder à l'examen de sujets plus particuliers. Il est remarquable d'observer que le préambule de la Loi sur les relations du travail n'affirme pas la reconnaissance de la liberté syndicale et la pratique de la libre négociation collective comme fondement des relations du travail. Cette reconnaissance, que le Code canadien du travail affirme dans son préambule, doit se retrouver dans la loi. Certes, l'intérêt public et sa protection sont d'une grande importance. Toutefois, le préambule serait plus équilibré si on y incluait une déclaration semblable à celle du Code canadien du travail.
En ce qui a trait à Loi sur l'emploi dans la fonction publique, nous soumettons que celle-ci devrait favoriser la négociation du processus de nomination des fonctionnaires au plan interne, que les attributions de postes devraient reposer sur une solide évaluation des qualifications des candidats et sur leur ancienneté afin de maximiser l'objectivité dans ces nominations, et que les syndicats, comme le prévoit le projet de loi, devraient être consultés dans l'élaboration des normes de qualification, bien qu'un processus conjoint aurait été nettement souhaitable.
Finalement, nous accueillons favorablement l'implication de la Commission des relations de travail dans la fonction publique tant en matière de recours sur les mutations sans consentement que sur les règles de la partie sur la santé et la sécurité du Code canadien du travail.
¿ (0920)
Le régime de négociation collective est une pièce majeure de tout système de relations de travail. Fortement encadré par la législation, le régime de négociation de la fonction publique fédérale doit redonner aux syndicats et à l'employeur une plus large autonomie, tant au plan des moyens qu'à celui des matières négociables.
Ces matières doivent couvrir toutes les conditions d'emploi: classification, avantages sociaux, retraite, durée du travail, mécanisme de participation mixte dans l'application des conventions collectives, de l'administration du régime de retraite, de la santé et sécurité du travail, pour n'en citer que quelques-unes.
Nous pensons que la loi doit être habilitante et s'inspirer de la notion de codétermination développée dans le rapport Fryer. En particulier, nous suggérons d'instituer, dans cette perspective, une commission mixte pour administrer le régime de pensions, de permettre que le mode de négociation proposé à deux niveaux puisse prendre effet dans un service tel que le Service correctionnel, et de revoir l'arbitrage des différends en cas d'impasse.
À cet égard, nous vous invitons à reprendre la recommandation du rapport Fryer portant sur la Commission de règlement des différends d'intérêt public. Il faut que la crédibilité de cette commission soit assurée tant par les moyens d'intervention dont elle est dotée que par son interdépendance et son pouvoir d'intervention. Le projet de loi C-25 est nettement insuffisant à cet égard.
Nous vous invitons donc à examiner attentivement les commentaires que nous présentons à cet égard dans notre mémoire. Il est important de signaler qu'il est absolument nécessaire d'assurer un équilibre dans les relations et dans la négociation, surtout pour les groupes de travailleuses et travailleurs qui, pour certaines de leurs activités, ne peuvent, selon la loi, exercer pleinement leur droit de grève. Une recommandation de la Commission Fryer constitue une importante initiative qui vise à donner à ces travailleuses et travailleurs une plus forte emprise sur le droit qu'ils ont de participer réellement à la négociation de leurs conditions de travail et d'emploi ainsi que de leur salaire.
Pour ce qui est du rôle et des obligations conférées ou imposées, selon le cas, aux organisations syndicales, nous affirmons tout d'abord que les syndicats doivent être les seuls responsables des griefs, aussi bien individuels que collectifs.
Rappelons que cette pratique est reconnue dans le système des relations du travail au Canada et qu'elle a été confirmée par les tribunaux à plusieurs reprises. Il s'agit d'une fonction qui est essentielle pour assurer le bon fonctionnement du système de griefs.
D'autre part, nous considérons que la Commission canadienne des droits de la personne doit statuer sur toute plainte qui lui est soumise. Nous soulignons enfin que les arbitres devraient être autorisés à accorder des intérêts, comme cela se fait dans nombre de juridictions, mais qu'il faudrait aussi permettre l'attribution de dommages moraux.
Finalement, il nous apparaît nécessaire que les griefs visant les actes abusifs ou discriminatoires soient menés devant un tribunal impartial. Nous ne sommes pas d'accord, pas plus que nous l'étions dans le cadre du débat entourant les changements au Code canadien du travail, pour que l'employeur s'ingère dans les responsabilités syndicales lors des négociations, notamment en matière de scrutin, sur les offres de l'employeur.
Pour terminer, nous vous invitons à faire en sorte que les pratiques déloyales soient l'objet d'un libellé plus large. En outre, à l'égard du harcèlement, il serait approprié de retenir l'interdiction promulguée récemment au Québec dans la Loi sur les normes du travail et d'assurer à la commission, en matière de recherche sur la rémunération, une composition plus équilibrée du comité, en y retenant une délégation formée à parts égales de personnes provenant des syndicats et du monde académique, ainsi que de l'employeur.
Il nous apparaît nécessaire que cette réforme soit une occasion de redonner une véritable modernisation aux lois portant sur les relations de travail entre le gouvernement du Canada, ses employés et leurs syndicats, de façon à mieux équilibrer les rapports, à assurer l'interdépendance des processus et à affirmer le droit à la liberté syndicale et à la libre négociation collective, incluant la négociation des niveaux de services essentiels, et à favoriser l'intérêt public.
Pour ce faire, il faut que le Parlement accepte de suivre la voie tracée par les recommandations du Comité consultatif sur les relations de travail patronales-syndicales et qu'il saisisse l'occasion d'impliquer davantage les employés et les syndicats dans la détermination de leurs conditions de travail, que ce soit en matière de formation, de participation, de fixation des salaires, de gestion de leur carrière ou de recours.
M. Claude Rioux et M. François Lamoureux, qui m'accompagnent, pourront tous deux se joindre à d'éventuels débats. Merci.
¿ (0925)
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.
Maintenant nous aimerions entendre Mme Hynna.
Mme Martha Hynna (ancienne sous député adjointe (HRDC), consultante, « Henna Report on Staffing », À titre individuel): Merci beaucoup de m'avoir invitée à participer.
Très brièvement, voici mes qualifications. J'ai passé 30 ans dans la fonction publique, dont la moitié au niveau de sous-ministre adjoint responsable tant des services hiérarchiques que des services d'état-major dans un certain nombre de ministères. Depuis ma retraite, j'ai effectué du travail de consultation. J'occupe la présidence de la Fiducie du RSSFP—nommée par l'employeur, les syndicats et l'Association nationale des retraités fédéraux—et j'ai été membre du Comité consultatif Fryer sur les relations patronales-syndicales.
Je crois comprendre que la raison de ma comparution devant vous aujourd'hui tient principalement au fait que j'ai dirigé l'Examen consultatif de la dotation au nom des commissaires de la fonction publique, en 1996. Mes commentaires vont porter sur la partie du projet de loi qui traite de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, autrement dit, la dotation.
Je propose de dire quelques mots sur l'Examen consultatif de la dotation selon les grandes lignes du rapport que nous avons produit concernant l'établissement d'un nouveau cadre de dotation. J'en ai remis un exemplaire au greffier. Je pense que ce rapport est épuisé, aussi sentez-vous bien à l'aise d'en faire autant de copies que vous voudrez.
Je voudrais donc en tirer certaines conclusions en matière de dotation et les comparer aux dispositions du projet de loi C-25.
De façon générale, je puis dire que sur certains points importants, les dispositions du projet de loi C-25 concordent avec les résultats de l'Examen consultatif et les appuient. Par contre, il y a aussi certaines incohérences, dont l'une est très importante à mon avis.
En 1996, les commissaires de la CFP m'ont demandé d'effectuer un examen du processus de dotation. L'objectif fixé était d'essayer de parvenir à un accord sur une nouvelle «vision» ou orientation pour l'avenir du système de dotation de la fonction publique. Dans cette optique, nous avons entrepris une vaste consultation des différentes personnes et organisations concernées, c'est-à-dire la Commission, l'employeur, des sous-ministres en poste et d'autres venant de prendre leur retraite, des gestionnaires, des spécialistes des ressources humaines, des employés et les syndicats. Nous avons parlé à plus de 900 personnes sur le plan individuel ou dans le cadre d'ateliers ou de groupes de consultation. Au lieu de me charger moi-même de demander à une petite équipe de mettre sur le papier quelques idées et d'observer ensuite la réaction suscitée, nous avons cherché à élaborer un processus participatif grâce auquel les divers intéressés pourraient établir de concert l'orientation du futur système de dotation.
L'un des éléments-clés de la consultation a été une conférence réunissant 50 cadres, gestionnaires et experts en ressources humaines de différents niveaux provenant de différents ministères ou organismes centraux et de toutes les régions du pays, ainsi que des représentants des principaux agents négociateurs. Ensemble, nous avons jeté les bases d'une nouvelle approche de la dotation dans la fonction publique. Il importe d'ailleurs de noter que nous avons pu dégager un consensus malgré nos intérêts et points de vue divergents dans bon nombre des dossiers examinés.
Nous avons ensuite présenté les résultats de cette conférence à des groupes de consultation dans tout le pays. À partir de leurs commentaires, nous avons rédigé un rapport contenant certaines conclusions et soulevant un certain nombre de questions dont il faudrait tenir compte si l'on décidait d'aller de l'avant avec l'approche proposée.
Nous n'avons établi qu'une orientation générale, un simple cadre d'action. Nous n'avons pas cherché à entrer dans les détails. Je crois comprendre que notre rapport a été l'un des documents de discussion du Groupe de travail sur la modernisation de la gestion des ressources humaines qui a été à l'origine du projet de loi C-25.
Les conclusions de l'examen ont été que, premièrement, il était très évident que ni les gestionnaires ni les employés n'étaient satisfaits du système de dotation en vigueur, et c'est toujours vrai. Les gestionnaires le trouvaient irritant, lent à aboutir et axé sur l'éventualité qu'une décision fasse ou non l'objet d'un appel fructueux plutôt que sur le recrutement de la meilleure personne pour l'emploi, et quelque chose à éviter dans la mesure du possible. Les employés ne croyaient pas que le système pouvait produire des résultats équitables.
L'Examen consultatif est arrivé à la conclusion qu'on devait obligatoirement apporter des modifications dans quatre secteurs afin d'instaurer un système de dotation de nature à permettre à la fonction publique de relever les défis de l'avenir.
La première conclusion était que le système devait être fondé sur les valeurs plutôt que sur des règles et processus. Les valeurs que nous évoquions étaient des éléments comme le mérite, l'impartialité politique, l'équité, la représentativité, la transparence, la diversité, la compétence et l'intégrité. Selon nous, elles devaient être consacrées dans un texte de loi. Il fallait également que les décideurs comprennent et acceptent ces valeurs et qu'ils soient tenus de rendre des comptes dans les cas de manquement.
Le système ne devait pas essayer de traduire ces valeurs en règles et processus précis qui s'appliqueraient à l'échelle de la fonction publique. Une telle démarche détournerait l'attention des décideurs au profit du processus et au détriment des valeurs elles-mêmes. Les règles étant par définition plus rigides, elles entraveraient également la capacité des décideurs d'établir un équilibre entre valeurs opposées et de prendre les meilleures décisions pour tous les intéressés.
¿ (0930)
Je crois que le projet de loi C-25 est tout à fait compatible avec cette conclusion. Les différents paragraphes du Préambule définissent un certain nombre de valeurs. La seule valeur importante qui n'y figure pas est celle de la transparence. Les employés ont insisté pour dire que le processus de nomination devait être perçu comme étant équitable; le gestionnaire doit être très clair dès le départ au sujet des compétences recherchées, des normes qui seront appliquées et des personnes dont la candidature peut être acceptée, ainsi que sur les critères qui serviront à la décision. Je mentionnerais donc la transparence dans le Préambule.
Le projet de loi donne ensuite à la Commission le pouvoir d'établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives (para 29(3)). J'espère que de telles lignes directrices seraient d'application très large et refléteraient ou clarifieraient les valeurs sans entrer dans les détails au sujet de l'application du processus dans des situations particulières. Il reviendrait aux sous-ministres, en vertu de leur pouvoir délégué, d'établir les directives et pratiques à suivre au sein de leur ministère, et il faut que des écarts soient possibles pour refléter les particularités des différentes situations, régions et professions.
Le deuxième secteur de changement avait trait à la reddition des comptes. La conclusion de l'Examen consultatif était que les sous-ministres et, par leur intermédiaire, les gestionnaires, devaient être tenus directement responsables de toutes les dotations internes dans le respect des valeurs dont il a été question plus haut. La CFP serait chargée de l'administration du cadre des valeurs et de la supervision du système.
Notre point de vue était qu'en vertu du système actuel, il est trop facile pour les gestionnaires de penser que la CFP ou les spécialistes en RH sont responsables des mesures de dotation. Les administrateurs généraux et les gestionnaires se sentiraient plus responsables de leurs actions dans la mesure où ils se sentiraient plus responsables du processus. Nous avons également recommandé que la CFP demeure directement responsable des nominations initiales à la fonction publique.
En vertu du projet de loi C-25, la Commission de la fonction publique demeure directement investie du pouvoir de procéder à toutes les dotations, mais elle peut déléguer pratiquement tous ses pouvoirs aux administrateurs généraux. D'un autre côté, le Préambule mentionne précisément que le pouvoir de dotation devrait être relégué à l'échelon le plus bas possible pour que les gestionnaires disposent de la marge de manoeuvre dont ils ont besoin pour effectuer la dotation et pour gérer et diriger leur personnel de manière à obtenir des résultats pour les Canadiens.
Les administrateurs généraux devraient également jouer un plus grand rôle dans la procédure de recours qu'en vertu du système actuel. Les nouvelles dispositions ne vont pas aussi loin que ce qui a été envisagé dans l'Examen consultatif, mais elles constituent une amélioration par rapport à la situation actuelle. Il sera important pour l'employeur et la CFP de constamment renforcer et souligner la responsabilité qu'assument les administrateurs généraux dans ce secteur.
Le troisième secteur concerne l'amélioration conjointe du milieu de travail. À mon avis, il s'agit là du secteur où le texte de loi proposé comporte de sérieuses lacunes. L'Examen consultatif recommandait la co-élaboration des politiques et pratiques avec les représentants légalement constitués des employés, c'est-à-dire les agents négociateurs. À notre avis, les employés n'avaient pas confiance dans le système existant parce qu'ils le percevaient comme étant conçu exclusivement par et pour les gestionnaires.
Les employés et leurs représentants voulaient un système axé davantage sur la coopération et moins sur la confrontation, tant du point de vue de son application courante que des efforts visant à le modifier et à l'améliorer au besoin. Ils ne voulaient plus du genre de consultation qui a souvent lieu et en vertu de laquelle on leur demande leur point de vue sur un ensemble de mesures élaborées derrière des portes closes. Ils ont dit souhaiter participer à l'élaboration du système, une participation tant à l'échelon gouvernemental, où a lieu l'élaboration du cadre général, qu'à l'échelon ministériel, où sont mis en place les pratiques et processus plus particuliers.
La conclusion de l'Examen consultatif était que cette participation constituait un élément absolument essentiel du train de mesures que nous proposions. Si l'on veut disposer d'un système fondé sur les valeurs et sans règles rigides, celui-ci doit inspirer confiance dans son caractère équitable et efficace. Pour qu'il y ait confiance, on doit s'entendre sur les valeurs et avoir le sentiment d'être partie prenante aux processus qui sont mis en place pour exprimer ces valeurs. Dans un système perçu comme imposé par les gestionnaires, sans la participation et l'accord des agents négociateurs, il sera difficile de désamorcer les inquiétudes des employés au sujet de l'équité.
Non seulement le projet de loi ne prévoit pas la co-élaboration des processus de dotation ou de ce qu'on définit comme étant des «lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives», mais il n'exige pas non plus de consultation avec les agents négociateurs (para 29(3)). Il s'agit là d'une omission particulièrement surprenante étant donné que l'employeur (le Conseil du Trésor) doit consulter les agents négociateurs sur les déploiements, le stage de probation et différents autres éléments qui relèvent de l'employeur.
La Commission doit également consulter les agents négociateurs sur les principes régissant les mises en disponibilité ou les priorités de nomination. Mais comme je l'ai déjà dit, il ne serait pas nécessaire de les consulter sur la question fondamentale des politiques et des pratiques nécessaires pour mettre sur pied le système de dotation.
¿ (0935)
Je crois comprendre que l'on a discuté en long et en large de la question de l'amélioration conjointe, par opposition à la consultation, au moment de rédiger ce projet de loi. De toute évidence, on a décidé de ne pas retenir pour l'instant l'amélioration conjointe. Au lieu de cela, le projet de loi investit l'employeur et les administrateurs généraux d'un pouvoir discrétionnaire de travailler à l'amélioration conjointe du milieu de travail en vertu de l'article 10 du texte proposé de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
Je ne suis pas d'accord avec cette conclusion. Je pense que l'amélioration conjointe peut donner d'excellents résultats. Toutefois, s'il est décidé de renoncer à l'amélioration conjointe au chapitre de la dotation, alors il faut à tout le moins que les obligations de consultation que doivent respecter le Conseil du Trésor et la Commission dans d'autres domaines soient imposées à la Commission et aux sous-ministres pour ce qui est d'établir des lignes directrices sur la façon de faire et de révoquer les nominations et de prendre des mesures correctives.
Enfin, l'Examen consultatif de la dotation a révélé un quatrième secteur où des changements s'imposaient, celui des recours. L'instauration de recours appropriés va de pair avec la responsabilisation. À cet égard, je n'entrerai pas dans les détails, mais le projet de loi à l'étude reflète passablement les recommandations de notre rapport.
Il n'est pas question du principe du mérite dans les conclusions de l'Examen consultatif, mais il en est question dans les parties qui traitent des répercussions de nos recommandations. En résumé, nous avons dit qu'étant donné la forte préoccupation des employés concernant le favoritisme des gestionnaires, l'équité exige, là où plusieurs employés ont les compétences requises pour un certain poste, qu'on applique une norme transparente pour décider lequel y sera nommé.
Toutefois, il n'est pas nécessaire de déterminer lequel est le plus méritoire. Autrement dit, une fois qu'on a établi quels candidats possèdent les compétences et les capacités nécessaires, on pourrait utiliser d'autres critères pour déterminer à qui le poste sera confié parmi les candidats compétents. Les dispositions du projet de loi sont compatibles avec cette conclusion dans la mesure où la valeur de la transparence se reflète dans toute activité de dotation.
Avant de terminer, je vais dire quelques mots seulement sur le point de vue du Comité Fryer concernant la dotation. Comme je l'ai indiqué, j'étais membre de ce comité. Je crois comprendre que John Fryer comparaîtra devant vous afin d'examiner plus en détail le rapport et ses recommandations. Je voudrais simplement mentionner pour l'instant que le rapport Fryer recommandait également l'amélioration conjointe des politiques de dotation au niveau de l'ensemble de la fonction publique, des ministères et du milieu de travail.
Après m'être entretenue avec mes collègues, je sais qu'ils sont également préoccupés par le fait que ce projet de loi n'exige pas la consultation, sans parler de l'amélioration conjointe, pour ce qui est de la manière de faire et de révoquer des nominations en vertu du paragraphe 29(3).
En résumé, le texte proposé de la nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique reprend dans une très large mesure les conclusions de l'Examen consultatif de la dotation. Il convient de rappeler que ces conclusions rendent compte du point de vue d'un groupe représentatif de parties prenantes au système.
Mais je demeure tout de même préoccupée. J'aimerais qu'on ajoute au Préambule la valeur de la transparence. J'aurais également préféré une délégation directe du pouvoir de nomination aux sous-ministres, plutôt que par l'intermédiaire de la Commission de la fonction publique. Mais ma principale préoccupation tient au fait que l'on n'exige pas l'amélioration conjointe du milieu de travail ni même la consultation avec les agents négociateurs pour ce qui est des politiques et processus qui seront mis en place pour concrétiser la loi. Selon moi, il s'agit d'une grave lacune.
Je vous remercie beaucoup. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
¿ (0940)
Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Merci de vous être déplacée pour venir ici.
Je me suis occupé de relations de travail et de relations patron-employés pratiquement durant toute ma vie, et j'ai toujours trouvé qu'il s'agissait d'un processus fascinant.
J'aimerais poser ma première question à Mme Wortsman. Vous affirmez que les relations patronales-syndicales se sont détériorées. Comment en êtes-vous arrivée à cette conclusion? D'après ce que j'ai pu comprendre de votre exposé, vous avez procédé à une enquête, et un certain pourcentage des sondés ont déclaré que ces relations s'étaient détériorées. Mais sur quels critères vous êtes-vous fondés pour évaluer la détérioration réelle des relations, et en particulier dans la fonction publique?
Mme Arlene Wortsman: Nous effectuons cette enquête tous les deux ans. Elle est envoyée aux dirigeants patronaux et syndicaux de tout le pays, donc ces résultats sont fondés sur leur perception et nous nous basons là-dessus. L'enquête vise à la fois le secteur public et le secteur privé, et lorsque nous parlons du secteur public, nous en faisons une interprétation très large, plutôt que de nous limiter aux fonctionnaires fédéraux. Donc, nous incluons les administrations provinciales, les hôpitaux et les commissions scolaires.
Au moment où nous avons réalisé cette enquête, il y a environ un an—au printemps 2002 plus exactement—il y avait un certain nombre de grèves à l'horizon et des négociations étaient en cours. Ces événements ont certainement influencé les perspectives de nos sondés à l'époque. Nous tenons compte de ces facteurs, aussi notre recherche repose sur un suivi effectué depuis 1996 afin de voir l'évolution des impressions. Les sondages ne sont pas complètement scientifiques. Ils reposent sur des impressions. Mais comme nous nous intéressons aux points de vue de personnes qui occupent des postes de direction, et que ces points de vue ont des répercussions sur l'évolution de ces relations, il arrive souvent que ces perceptions soient influencées par le contexte du moment.
M. Ken Epp: J'ai toujours des contacts avec des personnes qui oeuvrent dans le domaine des relations patron-employés, même encore aujourd'hui. Je ne devrais pas dire, encore aujourd'hui, mais il est vrai que j'ai toujours des liens avec beaucoup de personnes qui exercent ce genre d'activités. Je suis moi-même un fervent partisan de l'idée que ces choses sont cycliques. Il y a des périodes où tout baigne dans l'huile, puis il survient quelque incident et les choses se gâtent, un peu comme s'il y avait eu une infection. Et ces mauvaises relations ont des répercussions même sur les personnes qui n'étaient pas directement concernées, mais qui voient forcément comment leurs collègues sont traités, et cela mine leur moral. Mme Hynna a aussi mentionné que le moral était très important. Mais, une fois que le problème est réglé, les relations ont tendance à se rétablir.
Donc, c'est un processus cyclique, et je ne suis pas sûr qu'une mesure législative comme le projet de loi C-25 puisse y changer quoi que ce soit, sincèrement, et que l'on puisse légiférer concernant des facteurs comme le moral et un sentiment de bien-être.
Mais, je peux me tromper. Corrigez-moi si j'ai tort.
¿ (0945)
Mme Arlene Wortsman: Vous avez probablement raison lorsque vous dites qu'il est impossible de légiférer sur le bien-être. Mais l'une des raisons pour lesquelles j'ai abordé précisément certains sujets est, par exemple, que dans la même enquête, nous avons eu des résultats particulièrement intéressants en ce qui concerne la main-d'oeuvre, et ces résultats portaient sur l'augmentation astronomique du niveau de stress. Et ce niveau de stress a quelque chose à voir avec la perception qu'ont les employés de ce qui se passe dans leur milieu de travail
Donc, cela nous permet de recueillir des impressions... et nous avons également pu tirer des renseignements non scientifiques d'un certain nombre d'études de cas que nous avons réalisées dans le cadre de séances de discussion où les gens peuvent parler de leur charge de travail, des pressions qu'ils subissent et de l'équilibre entre le travail et la vie privée ainsi que du sentiment croissant de n'avoir aucune prise sur leur travail.
Donc, nous avons tenu des discussions sur la capacité de participer à l'organisation du travail, autrement dit sur la notion de codétermination. Plutôt que d'être tenus à l'écart et de se voir placés devant le fait accompli, les gens donnent l'impression de vouloir participer aux décisions. Ce sont des questions qui ne peuvent être stipulées dans un projet de loi, mais qui peuvent très bien être instaurées dans un milieu de travail où elles contribueront à alléger un peu les tensions.
Nous avons découvert qu'en améliorant un certain nombre de ces mesures, on parvient à réduire le nombre de conflits.
M. Ken Epp: D'accord, madame Poulin, si vous permettez, vous parlez des promotions qui devraient être accordées en fonction de critères équitables. L'une des choses que nous avons pu observer est qu'il arrive parfois que le gouvernement fédéral affiche des postes dans la fonction publique, mais en indiquant ce qui suit: «seuls les résidents de la région d'Ottawa sont invités à poser leur candidature». Alors, ceux qui habitent à l'extérieur disent que ce critère n'est pas équitable à leur égard. Est-ce de ce genre de choses que vous voulez parler? À quoi faites-vous référence exactement lorsque vous réclamez que l'on se base sur des critères justes pour les promotions et les nominations?
[Français]
M. François Lamoureux (avocat, Sauvé et Roy (Service juridique CSN), Confédération des syndicats nationaux): J'aimerais reprendre et expliquer ce qu'a dit Mme Hynna au sujet de la dotation et des promotions.
Évidemment, comme madame l'a bien souligné, dans un cadre de relations de travail, on souhaite que les associations syndicales puissent être partie prenante de l'ensemble des décisions qui concernent la fonction publique, entre autres concernant les questions de dotation, de promotion, de mutation et de formation de la main-d'oeuvre, pour faire en sorte que, dans un vrai climat de relations de travail, on puisse avoir des relations de travail harmonieuses et que les parties se sentent impliquées dans ces processus.
Donc, dans le cas de nominations, on devrait consulter les associations patronales et syndicales pour élaborer ensemble un processus qui soit bien structuré et des critères qui soient partagés. Il faudrait qu'il y ait dans la mesure du possible un partage de l'ensemble des critères ou des décisions qui sont élaborés dans un mode de concertation afin de favoriser les relations les plus harmonieuses possibles. C'est ce que la CSN recommande, afin que les critères, par exemple, soient élaborés de la façon la moins discriminatoire et la moins arbitraire possible.
Par exemple, au niveau de la dotation, lorsque l'on décide de favoriser les gens les plus méritoires, c'est un critère qui peut être assez abstrait et subjectif. Il faut éviter le plus possible ce genre de critères. Il faut essayer de développer un amalgame de critères comme l'expérience, l'ancienneté et les qualifications pour faire en sorte que les gens de la fonction publique du Canada n'aient pas l'impression qu'une espèce d'épée de Damoclès est toujours suspendue au-dessus de leur tête, à savoir qu'on fait du favoritisme dans le cadre des nominations ou de la dotation. Dans la population canadienne, beaucoup de gens pensent qu'il y a toujours du favoritisme dans la fonction publique fédérale.
Donc, il faut éviter cette espèce de pensée qui existe un peu partout au pays, voulant qu'il n'y ait pas de règles claires, bien balisées et bien partagées. Lorsque les parties participent à l'élaboration de ces critères, ça évite par la suite toute contestation, tout antagonisme, toute perversion des relations du travail.
C'est ce que favorise la CSN quand elle parle de critères qui soient le moins discriminatoires possible en mode de dotation ou de nomination. C'est dans ce sens-là que nous souhaitons aller.
¿ (0950)
[Traduction]
M. Ken Epp: Mon temps est écoulé, mais je voudrais seulement savoir, et vous pouvez répondre par oui ou par non, si vous considérez qu'il est injuste d'imposer des critères d'appartenance régionale lorsque vous faites des affichages en vue de combler des postes? Cette exigence doit sûrement vous sembler injuste. Vous devez être d'accord avec moi, en tant que représentante d'un syndicat.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Oui ou non?
C'est tout le temps dont nous disposons. Très bien, nous y reviendrons au cours de la prochaine série de questions.
Monsieur Lanctôt.
M. Ken Epp: Très bien, ne m'oubliez surtout pas.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Je vais prendre le relais, monsieur Epp.
J'aimerais poursuivre sur la question de la dotation, du recrutement et des nominations. J'aimerais vous entendre, madame Poulin ou monsieur Lamoureux, sur le principe même de ce projet de loi, dans lequel l'accent est entièrement mis sur le mérite. On délaisse plein de choses et on met cela entre les mains du sous-ministre. Imaginez ce que seront alors les nominations. Si quelqu'un n'est pas dans la manche du sous-ministre, il peut avoir des problèmes pendant très longtemps.
J'aimerais vous entendre sur cet aspect. On nous dit qu'on a une formule pour ceux qui voudront contester les nominations, mais il ne reste que deux motifs de contestation, dont l'abus de pouvoir. Vous savez ce que c'est que de plaider l'abus de pouvoir. Comme je l'ai dit la dernière fois à la ministre, je suis avocat et je sais qu'il est très difficile de plaider l'abus de pouvoir. On peut essayer de prouver bien d'autres choses, mais l'abus de pouvoir est très difficile à prouver. Donc, il reste ce motif de contestation et un autre, qui est la langue utilisée pour l'évaluation de la personne. C'est quand même assez limité. Qu'en pensez-vous? Quelle recommandation allez-vous faire?
J'ai n'ai lu votre mémoire que tout à l'heure. Madame la greffière, vous serait-il possible de demander aux témoins de vous faire parvenir leurs mémoires avant la séance? Aujourd'hui, je dois lire le mémoire pendant que les témoins parlent. Je peux seulement leur dire ce que je pense sans savoir ce qu'eux pensent. Quand je vais lire attentivement le mémoire après la séance, ils ne seront plus là et je ne pourrai plus leur poser des questions.
Serait-il possible que nous ayons toujours les mémoires au moins 24 heures à l'avance, et aussi que nous ayons tous les mémoires? On nous a dit tout à l'heure qu'on avait reçu un seul mémoire. Si je ne posais pas cette question, je ne verrais peut-être pas le mémoire de Mme Hynna. Je veux voir le mémoire de Mme Hynna. Lorsque vous recevrez des mémoires, faites-les traduire s'ils sont dans une seule langue. Je veux en avoir une copie, s'il vous plaît, 24 heures à l'avance.
J'aimerais vous entendre sur les deux points que j'ai soulevés.
M. François Lamoureux: En ce qui concerne la dotation par région ou autrement, je pense qu'il est essentiel que les critères soient élaborés conjointement. Et dès le moment où ces critères auront été établis conjointement, les parties décideront de leur processus de dotation.
En ce qui concerne votre intervention concernant le mérite, je dis et je maintiens que c'est la plus mauvaise façon de faire des relations de travail. La plus mauvaise façon de faire des relations de travail au pays, c'est d'être directif. La plus mauvaise façon de faire des relations de travail, c'est de faire en sorte que les gens ne puissent pas participer au processus, entre autres au niveau de la dotation.
Faire de la dotation au mérite, c'est clairement favoriser le favoritisme. Votre évaluation du mérite d'un individu dans l'exercice de ses fonctions relativement au mérite d'un autre individu devient extrêmement subjective. Donc, il faut essayer d'attribuer des postes aux personnes qui sont les plus qualifiées et, à qualités égales, aux personnes qui ont le plus d'ancienneté. Je vous donne un exemple. Vous avez deux candidats qui ont à peu près les mêmes qualifications. Vous avez quelqu'un qui a 25 ans d'ancienneté dans la fonction publique et quelqu'un d'autre qui a cinq ans d'ancienneté dans la fonction publique. En termes d'instruction, ces deux personnes ont les mêmes qualifications, mais il y a une personne qui a 20 ans d'expérience de plus que l'autre dans la fonction publique. Cela doit compter pour quelque chose. Il faut également reconnaître le travail accompli dans la fonction publique. On ne peut pas s'en tenir uniquement au critère arbitraire du mérite, parce que cela peut créer un mauvais climat de relations de travail. Inévitablement, il y aura des gens insatisfaits qui vont contester des procédures, et cela va envenimer le climat des relations de travail.
Quant à nous, l'accent est toujours mis là. Comme on le dit dans notre mémoire, le préambule de cette loi devrait s'inspirer de celui du Code canadien du travail afin de favoriser le droit d'association et de négociation, des relations harmonieuses ainsi que la concertation. La dotation au mérite ne favorise pas la concertation. Elle favorise la confrontation. Nous sommes contre cette approche de confrontation qui fait reposer tout un pan de l'application de la loi sur le mérite d'individus. Comme on l'a dit tout à l'heure, partout au pays, le favoritisme est vu comme quelque chose qui existe constamment dans la fonction publique.
¿ (0955)
M. Robert Lanctôt: Je soulève cette question parce que je trouve que c'est un des aspects les plus importants de ce projet de loi. Je pense qu'il y a de bonnes choses dans le projet de loi. Nous sommes favorables au principe même d'une modification. On demande ce changement depuis des années. Cependant, il ne faut pas oublier que c'est un projet de loi, et non un avant-projet de loi. Vous représentez les travailleurs. Si cette notion du mérite qui est imposée ne fait pas l'objet d'amendements visant à favoriser la concertation, est-ce que ce sera suffisant pour que les travailleurs rejettent complètement ce projet de loi? Qu'en pensez-vous en tant que représentants des travailleurs?
M. Claude Rioux (Confédération des syndicats nationaux): Nous pensons qu'il faut instaurer un système de codétermination comme cela a été recommandé dans le rapport Fryer. Nous avions fait des commentaires au Groupe Quail pour lui expliquer que nous trouvions que c'était une très bonne façon régler ces questions difficiles. Quand tout est prédéterminé, les gens commencent à se sentir frustrés. Comme on dit en anglais, les gens ne se sentent pas empowered pour faire quelque chose. Nous disions que nous devions avoir une plus grande marge de manoeuvre pour régler ça. Vous avez soulevé une bonne question.
La dotation n'est pas un problème particulier au gouvernement fédéral. Cela existe partout. Comment est-ce que cela se règle partout? Cela se règle à partir des qualifications, de l'expérience et de l'ancienneté. Il y a à ce sujet une abondante jurisprudence et de la doctrine juridique. Il y a tout ce qu'il faut pour comprendre comment on peut établir les critères les plus objectifs possibles avec le moins de débordements possible. On a beaucoup de mal à comprendre comment il se fait qu'on ne soit pas capable, dans une pareille organisation, de faire quelque chose pour les employés syndiqués, quelque chose qui s'appliquerait à l'économie générale du régime de relations de travail au Canada. Il n'y a presque pas de conventions collectives où il n'y a pas quelque chose qui a trait au système des mutations et des promotions afin qu'on puisse tenir compte à la fois des connaissances, des qualifications et des années de service. Cela limite les interventions juridiques dont vous avez parlé, comme celle qui consiste à plaider l'abus de pouvoir et des choses comme celle-là.
Il y a des critères connus, qui ont été expérimentés et analysés. Il faudrait qu'on puisse s'entendre sur un mécanisme avec les employeurs, entre autres le Conseil du Trésor ou les agences avec lesquelles on a à traiter, et définir des règles qui pourraient être très utiles dans un service particulier. Nous représentons des agents correctionnels. Ces gens-là sont tous sur le même pied dans une certaine mesure. Quand on les évalue pour les promotions ou pour les transferts d'un établissement à un autre, comment définit-on cela? Il y a souvent des gens qui veulent un transfert d'un établissement à un autre. Quelqu'un qui travaille dans un pénitencier à sécurité maximum pendant des années veut parfois être transféré dans un établissement à sécurité moyenne. À ce moment-là, il y a tout un débat entre les directeurs des établissements. Ils disent qu'ils veulent la personne, qu'ils ne la veulent pas et ainsi de suite. Ce système ne marche pas. Donc, il faut se demander si la personne a les qualifications nécessaires et répond à des critères plus objectifs d'ancienneté. À ce moment-là, on aura un mécanisme connu de tout le monde et transparent. La transparence est extrêmement importante dans les rapports collectifs.
À (1000)
M. Robert Lanctôt: Vous savez ce que répondent les ministères qui ont rédigé ce projet de loi. Ils disent que les critères existaient et que c'est trop long. Le seul critère qu'ils veulent, c'est de pouvoir aller chercher des gens compétents. Ils se disent qu'ils en ont de moins en moins parce que les gens sont insatisfaits et s'en vont. Les gens s'en vont à l'extérieur de la fonction publique. Les ministères se disent que lorsqu'ils doivent appliquer les critères précis, il leur faut six mois, un an ou même un an et demi pour combler le poste. C'est ce que nous répondent les ministères lorsqu'on leur pose la question. Je vais poser la même question et on va avoir la même réponse. Vous nous dites ce qu'il faut, mais si on ne modifie pas la loi et qu'il n'y a pas de concertation... Si on demande qu'il y ait des critères, ils vont nous répondre qu'ils ne veulent plus des critères et que c'est pour cela qu'ils mettent l'accent sur le mérite. Vous allez avoir tout un problème. Moi, je n'aurai pas de problème, mais vous allez en avoir tout un parce qu'ils vont garder la notion du mérite.
J'aimerais que vous regardiez le projet de loi et que vous nous fassiez des recommandations précises. On nous dit qu'on est ici pour faire une étude générale. Non! Le projet de loi est là. Faites-nous des recommandations précises; autrement, vous serez pris avec une notion de mérite dont vous ne voulez pas.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Une très très courte réponse.
[Français]
À la page 7 de notre mémoire, nous faisons la recommandation suivante: |
Nous privilégions particulièrement que, lors du processus de nomination interne, une combinaison de critères de sélection s'appuyant sur l'évaluation des qualifications des candidats ainsi que sur leur ancienneté dans la fonction publique fédérale, de sorte que les nominations se feraient sur une base nettement plus objective. |
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Tirabassi.
M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins qui sont venus comparaître devant nous ici aujourd'hui, les premiers témoins à s'exprimer sur le projet de loi C-25.
Mes commentaires et mes questions porteront sur la question du mérite. J'aimerais reprendre pour commencer certaines remarques de Mme Wortsman.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné certaines enquêtes ayant été effectuées auprès du secteur public et du secteur privé. Pourquoi le milieu de travail éprouve-t-il une telle difficulté à combler cette brèche pratiquée par les départs à la retraite anticipée? Vous avez parlé du vieillissement de la main-d'oeuvre. Est-ce que cette situation est davantage présente dans le secteur public que dans le secteur privé?
Je vous pose la question parce que dans ma région, nous ne faisons que cela, jongler avec les statistiques sur le chômage et l'emploi. On pourrait croire que cette situation est le résultat de décisions prises à l'interne de ne pas remplacer les départs. Bien entendu, vous faites allusion à toute cette section intermédiaire de la population active. Et pourtant, je suis persuadé que tous ceux qui sont à la recherche d'un emploi seraient ravis de travailler, finalement.
Je le répète, est-ce que cette situation est davantage présente dans le secteur public que dans le secteur privé?
Mme Arlene Wortsman: Je ne peux pas vous répondre en deux mots. Il y a deux ou trois raisons qui expliquent cette situation.
Dans le secteur public, la majorité de la main-d'oeuvre a tendance à être plus âgée, et cela s'explique par les décisions qui ont été imposées au cours des dernières décennies—je veux parler des gels. Donc, pour ce qui est du remplacement, il est vrai qu'il y a eu moins de nouveaux venus dans la fonction publique.
On note également une tendance dans la fonction publique à la retraite anticipée. La moyen d'âge à la retraite au Canada se situe actuellement à 62 ans, mais dans le secteur public, les employés quittent plus tôt, dès qu'ils ont atteint l'âge magique auquel ils sont admissibles à la pension de retraite. Cela dépend aussi de leur sentiment à l'égard du milieu de travail.
Le secteur privé a lui aussi parcouru un cycle, mais un peu avant le secteur public. L'autre problème tient à ce que, étant donné certaines questions que vous allez aborder durant ces délibérations, le secteur public, à bien des égards, n'est pas considéré comme un employeur de choix pour de nombreux jeunes gens qui veulent faire leur entrée sur le marché du travail.
Ma dernière observation sur cette question est qu'il est très courant que l'on mette en vis-à-vis les statistiques du chômage et les taux de vacance. Mais, les compétences nécessaires ne sont pas toujours au rendez-vous. Comme la nature du travail change très rapidement dans les milieux de travail—mais aussi, principalement, dans le secteur public—les niveaux de compétence ont suivi le même mouvement à la hausse. Les employés doivent démontrer des compétences de plus en plus spécialisées. Ce décalage entre les compétences et les postes offerts n'est pas facile à combler; peut-être faudra-t-il s'attaquer à certains problèmes particuliers si l'on veut arriver à combler cet écart.
À (1005)
M. Tony Tirabassi: D'après ce que j'ai pu comprendre de mon étude du projet de loi—et je n'ai pas pu l'examiner dans son ensemble—il m'apparaît que ce projet de loi comporte des mesures de protection plus robustes en ce qui concerne la question du mérite, par comparaison avec la situation existante. Je me demandais si vous approuviez cette opinion.
Mme Arlene Wortsman: Je ne pense pas être en mesure de me prononcer à ce sujet. Il s'agit d'un projet de loi très volumineux, et je n'ai pas eu l'occasion de l'examiner en détail.
Pour ce qui est de cette question précise, je pense que mes collègues sont mieux placés que moi pour y répondre.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Martha.
Mme Martha Hynna: Dans ce projet de loi, la question du mérite est assez épineuse. C'est en effet une question qui a été débattue en long et en large, et nous avons passé beaucoup de temps à en discuter pendant que je travaillais dans le secteur public.
Le problème est qu'il est presque impossible de l'appliquer. En effet, déterminer qui est le «plus méritoire» se révèle impossible à faire de toute façon. Je trouve que suggérer de trouver la candidature la «plus méritoire» tient presque de la fiction dans le contexte actuel.
Pour commencer, la participation à un concours est réservée à un certain groupe de personnes pour des raisons d'ordre pratique. On a parlé du fait que souvent les concours sont limités à une région géographique, mais ils peuvent aussi être limités à un emploi donné ou à un certain nombre de choses. Donc, en partant, le concours comporte des restrictions.
Ensuite, il faut prendre une décision. Malheureusement, dans un système fondé sur le mérite, on a tendance à prendre des décision en fonction du processus. Il faut passer par toute une série de processus. Habituellement, la décision repose sur le rendement donné au cours d'une entrevue au cours de laquelle on attribue des points pour divers critères.
Je dis toujours à ceux qui s'engagent dans un exercice de dotation que deux choses peuvent se produire: certains ne décrocheront pas l'emploi parce qu'ils n'ont pas affiché une bonne performance durant l'entrevue; mais il y a pire, c'est la situation de ceux qui se débrouillent bien durant les entrevues, mais qui ne donnent pas un bon rendement au travail. On peut en effet tomber sur de beaux parleurs et leur offrir le poste. Il faut faire très attention.
Aussi, avec le système du mérite, il faut tenir compte de certains chiffres, et de la réponse donnée, et aussi du nombre de points alloués pour cette réponse-ci et celle-là, et on finit par se concentrer beaucoup trop sur l'objectif qui consiste à «éviter que le processus ne débouche sur un appel» plutôt que sur l'objectif qui consiste «à faire en sorte que le processus débouche sur le meilleur candidat possible».
En toute sincérité, nous avons joué avec le système du mérite. Je l'ai fait moi la première. Il faut tenir compte de la question de l'équité en matière d'emploi, de la diversité. Et aussi, il faut prendre en compte le fait que l'on veuille que le milieu de travail soit plus équilibré en termes d'âge, et déterminer si on veut qu'une personne qui est en train de gravir les échelons vers une promotion, l'obtiendra en raison de son ancienneté, et tout un éventail d'autres facteurs. Je suis d'accord avec vous que dans certains domaines... mais je n'irais pas aussi loin que mes collègues qui affirment que l'ancienneté devrait être un facteur. Mais, dans bien des cas, l'ancienneté pourrait en effet se révéler un bon critère, du moment que la personne possède les qualifications nécessaires.
Je pense que le projet de loi dans son approche qui consiste à examiner d'abord les qualifications nécessaires et à déterminer ensuite les normes, en stipulant clairement comment on procédera pour choisir la personne en fonction de ces normes une fois que l'on aura établi qu'elle possède les compétences requises, reflète probablement une approche beaucoup plus réaliste de la dotation. Je pense que cela fait partie du processus habituel, d'une manière ou d'une autre mais, à tout le moins, on peut se référer à ce qui est décrit.
Je pense qu'en ce qui concerne les procédures de recours fondées sur l'abus de pouvoir... Au début, j'étais inquiète à l'idée que l'on pourrait limiter trop étroitement les formes de recours, mais il existe déjà un corpus de décisions assez volumineux dans lequel les tribunaux décrivent bien en quoi consiste l'abus de pouvoir, aussi, je trouve que ces descriptions sont suffisamment larges pour éviter le favoritisme ou que des personnes puissent prendre des décisions arbitraires.
À mon avis, ce mécanisme donnera de meilleurs résultats. Il reflétera davantage la réalité. Mon hypothèse, toutefois, est fondée sur le fait que la direction et les employés travailleront ensemble à l'élaboration du système à appliquer et des processus à utiliser pour déterminer les procédures de dotation, parce que les employés ont un rôle très important à jouer. Et voici qui nous ramène à la question cruciale, en effet, s'ils n'ont pas participé à l'élaboration du processus, alors ils supposent qu'il n'est pas juste. Par contre, s'ils y ont participé, il y a davantage de chances qu'ils reconnaissent que la décision est juste.
C'est mon opinion sur le mérite.
À (1010)
Le vice-président (M. Tony Valeri): Très bien. Merci beaucoup.
Je sais que M. Lamoureux voudrait intervenir.
Je vais demander l'indulgence du comité. Ce matin nous n'avions pas le quorum nécessaire pour adopter une motion présentée par M. Epp hier. Cette motion vise à demander au Commissariat à l'information du Canada de revenir comparaître devant le comité aujourd'hui afin de nous parler du Budget supplémentaire des dépenses. Nous avions pour ainsi dire le consensus hier, de tous les membres du comité, pour que cette motion soit adoptée. Je demanderais à M. Epp de la remettre sur la table afin que nous puissions consigner au compte rendu que la motion a été adoptée, et puis nous reviendrons à la période des questions.
Je procède dès maintenant parce que je sais pertinemment que cette question ne suscitera pas beaucoup de discussion. Ça ne prendra que quelques minutes, juste une petite pause finalement, et je m'en excuse auprès des témoins.
M. Ken Epp: Monsieur le président, je propose que les représentants du Commissariat à l'information du Canada soient invités à comparaître devant le comité afin de nous fournir tous les renseignements nécessaires pour justifier le nouveau crédit de 311 000 dollars accordé dans le Budget supplémentaire des dépenses (B).
(La motion est adoptée)
Le vice-président (M. Tony Valeri): Merci.
Monsieur Lamoureux.
[Français]
M. François Lamoureux: Je voudrais compléter ce qui a été dit concernant la dotation.
J'aimerais revenir sur la recommandation que la CSN avait faite à ce sujet. Je vais indiquer, à titre d'information, qu'on pourrait aussi retenir la recommandation 4 du rapport Fryer, qui se trouve à la page 21. Elle se lit ainsi:
4. Nous recommandons que le système de dotation fasse l’objet d’une co-détermination par les parties siégeant au Conseil national mixte. Pour faire en sorte que le processus de co-détermination respecte les valeurs fondamentales de la fonction publique, la Loi sur l’emploi dans la fonction publique devrait être modifiée afin d’y inclure une liste de principes, tels le mérite, l’équité en emploi, la justice et la transparence, auxquels le processus devrait se conformer. |
Nous ajouterions à ces principes celui de l'ancienneté.
Cela pourrait être une voie intéressante pour amender les dispositions sur le choix du processus de dotation.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Rioux.
[Français]
M. Claude Rioux: Je voudrais ajouter que dans le rapport, on disait que concernant la dotation, la loi devrait laisser une marge de manoeuvre suffisante pour l'application au niveau local. J'ai donné plus tôt l'exemple des transferts interétablissements dans le système correctionnel. Ce sont des choses qui pourraient se régler au niveau des services. La loi devrait préciser que l'application de certains critères peut se faire localement. C'est une très bonne suggestion.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ma première question s'adresse à Mme Wortsman. Vous avez mentionné que le CSPC trouve que le projet de loi comporte de nombreuses caractéristiques positives. Vous avez indiqué que vous vous préoccupiez néanmoins de l'absence de financement permanent pour le comité national mixte. Avez-vous remarqué des faiblesses dans le projet de loi dans sa forme actuelle?
À (1015)
Mme Arlene Wortsman: Que voilà une question ouverte.
M. Dick Proctor: Je vais me montrer plus précis, dans ce cas. Vous vous êtes beaucoup penchés sur l'importance des pratiques dans un milieu de travail sain. Vous avez déclaré que l'enquête Points de vue avait montré que beaucoup de dirigeants patronaux et syndicaux pensaient que moins de 50 p. 100 des employés partant à la retraite seraient remplacés. Je me demandais seulement quel était le rapport avec les pratiques dans un milieu de travail sain et les charges de travail raisonnables.
Mme Arlene Wortsman: Je vais être plus précise. Lorsque j'ai accepté de venir ici pour comparaître devant vous, ce n'était pas spécialement pour discuter de cette mesure législative—même s'il s'agit d'une mesure importante. En tant qu'organisation, nous pouvons vous fournir un éclairage en ce qui concerne l'établissement d'un certain contexte. Nous accomplissons un énorme travail auprès des milieux de travail à la fois dans le secteur public et le secteur privé, dans l'ensemble du pays. Aussi, nous sommes en mesure de vous donner des impressions au sujet de ce qui s'y passe et des tendances qui s'installent.
Je voulais simplement, en vous faisant part des résultats de notre enquête, vous donner une idée des perceptions qui circulent, et en particulier au sujet de ce qui se passe sur les lieux de travail. Nous savons que nous assistons à un vieillissement de la population active, qu'il y a des problèmes de recrutement et aussi des difficultés en ce qui concerne le maintien des effectifs et cela s'explique par la charge de travail et les niveaux de stress présents sur les lieux de travail. Comme l'ont également expliqué mes collègues, nous avons pris connaissance du besoin de participer davantage, d'avoir le sentiment d'être partie prenante, de voir plus de transparence et de développer un sentiment d'appartenance par rapport à ce qui se passe en milieu de travail. C'est l'environnement au sein duquel les gens doivent exercer leurs activités. Et ils développent de plus en plus un sentiment d'impuissance et se sentent complètement dépassés par leur milieu de travail ainsi que par l'arbitraire qui y règne.
Si la nouvelle loi peut contribuer à amorcer le règlement de certains de ces problèmes, elle aidera par le fait même le gouvernement fédéral à corriger la situation dans le domaine du recrutement et du maintien des effectifs, parce qu'il peut se tenir prêt à affronter des problèmes de dotation assez énormes.
En toute sincérité, je n'ai pas eu le temps d'examiner le projet de loi en détail. J'ai pensé qu'il serait opportun de faire quelques remarques préliminaires ou de donner des points de départ, aussi j'ai voulu vous faire part de ces renseignements de base. Nous avons l'impression que les employés sont désireux de prendre leur retraite de façon anticipée et la question est de savoir comment nous allons les remplacer. Comment devenir l'employeur de choix? Comment attirer les candidats qui seront nécessaires pour combler les postes vacants?
M. Dick Proctor: Merci.
Je vais tout simplement poursuivre.
Comme vous l'avez mentionné, madame Hynna, vous avez participé au groupe de travail Fryer et vous nous avez signalé les lacunes que vous voyez dans le projet de loi, ou les points forts et les faiblesses, de façon très claire. Comme vous avez étudié le projet de loi et que vous avez fait partie du comité, je voudrais seulement savoir si vous êtes désappointée par le résultat de tout cet exercice. Ou encore, en vous fondant sur vos 30 années d'expérience au sein de la fonction publique, est-ce que le projet de loi correspond à ce à quoi vous vous attendiez?
Mme Martha Hynna: Je pense que dans l'ensemble, c'est un bon projet de loi. Mais, comme je l'ai fait remarquer, je suis désappointée à l'égard de certains aspects. Je ne pense pas que je veuille m'engager dans... Lorsque John Fryer viendra témoigner devant vous, il sera mieux placé que moi pour vous décrire ce que le groupe de travail a fait dans ses moindres détails... J'ai fait quelques commentaires à un certain moment, mais je n'ai pas participé à la totalité des consultations, aussi je ne crois pas pouvoir parler en leur nom, et surtout en ce qui concerne les aspects du projet de loi qui portent sur les relations de travail, qui est le sujet sur lequel nous nous sommes le plus penchés.
Mais en me fondant sur mon expérience personnelle, qui est celle d'une personne ayant à son actif 30 années dans la fonction publique, je pense que c'est un bon projet de loi. Comme je l'ai déjà dit, il y a bien quelques points qui n'ont pas remporté mon adhésion, et on savait à l'avance que je ne serais pas d'accord avec ces points précis. Mais, de toute évidence, lorsque l'on présente un projet de loi, il faut toujours être prêt à faire des compromis.
Dans l'ensemble, c'est à mon avis un très bon projet de loi. L'orientation qu'il a prise concernant la dotation est la bonne. Ma principale préoccupation est que, pour que tout cela fonctionne, il faut faire en sorte que les employés, et en particulier les représentants, soient de la partie. Je pense que, fondamentalement, ce serait un changement facile à faire. Un article en particulier parle de procéder à des consultations. Dans d'autres cas, si vous vous contentez de répéter cet article, l'article 29, je pense, cela nécessiterait... Je le répète, je ne pense pas que la consultation aille aussi loin que la coélaboration. Je trouve que, trop souvent, la consultation se résume à dire aux gens: «voilà ce que nous avons l'intention de faire, êtes-vous d'accord?» Et par la suite, on examine la proposition de plus près et on déclare: «Bon, je n'aime pas beaucoup l'alinéa 3 à la page 6.» Mais, la coélaboration est un concept où vous participez à partir du tout début à la construction de quelque chose. Par conséquent, vous pouvez développer un sentiment d'appartenance.
J'ai beaucoup travaillé avec les syndicats. Je siégeais à l'exécutif du Conseil national mixte à titre de représentante de la direction. J'ai travaillé avec les syndicats durant toute ma carrière. D'après mon expérience, la plupart du temps, il est possible d'en arriver à une entente, et en particulier sur les questions de principes, et c'est précisément de cela qu'il est question. La décision ultime à savoir qui obtiendra la nomination appartiendra toujours à un gestionnaire.
Nous voulons parler de collaboration et d'établissement d'une méthode de travail, de la définition de la manière dont ces décisions pourraient être prises afin qu'on les perçoive comme justes et transparentes. Et au bout du compte, ce sont les gestionnaires qui prennent la décision.
Je pense que la dotation au sein d'une organisation comme la fonction publique est très complexe. Aussi, l'un des problèmes que nous avons décelés est l'existence de cette mentalité générale de «c'est ainsi que les choses se font», une mentalité bien ancrée dans la jurisprudence abondante qui elle-même repose sur une vieille loi qui imposait des pratiques aujourd'hui désuètes. Ce qui se passe aujourd'hui, et c'est ainsi depuis des années, c'est que les gens ont recours à toutes sortes de stratagèmes pour éviter d'avoir à faire appel à la dotation dans la mesure du possible, parce qu'ils ne peuvent pas se permettre d'attendre les 10 mois ou même les 18 mois qui sont nécessaires avant de réussir à engager quelqu'un. C'est pourquoi on a recours aux nominations intérimaires ou... À mon époque, nous devions nous tourner vers tout un éventail de mesures pour éviter de passer par la dotation.
Je pense qu'il est important de se doter d'un système rationnel, solide, équitable et ouvert qui soit également pratique et qui puisse être utilisé dans des délais relativement courts. Cela signifie que, dans certains cas, on pourrait restreindre la zone de concours et dans d'autres au contraire, on pourrait l'élargir considérablement, selon les circonstances. Il nous faudrait un système qui puisse s'adapter davantage aux circonstances, du moment que les valeurs de base sont toujours respectées. Transparence, justice, équité en matière d'emploi et, évidemment, impartialité sont les valeurs principales.
À (1020)
Le vice-président (M. Tony Valeri): Seulement pour clarifier les choses, monsieur Proctor, lorsque vous parlez de coélaboration et de codétermination, est-ce que ces termes sont interchangeables?
Mme Martha Hynna: Je pense que oui. À mon avis, codétermination a été davantage utilisé en tant que... peut-être que c'est la traduction qui en est donnée.
Mme Arlene Wortsman: Ce sont des termes utilisés dans le domaine du travail.
Mme Martha Hynna: D'accord, coélaboration...
Le vice-président (M. Tony Valeri): Mais, vous les utilisez indifféremment?
Mme Martha Hynna: Ils sont très semblables, en effet.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Et ils recouvrent l'idée d'une collaboration sans droit de veto?
Mme Martha Hynna: Essentiellement, l'un des aspects les plus marquants de la coélaboration est le fait qu'il faille déterminer si oui ou non, lorsque l'on entame un processus de coélaboration, on aura recours à une tierce partie indépendante dans l'éventualité d'une impasse. On voudra probablement s'entendre dès le début d'un processus pour déterminer quoi faire en cas d'impasse. Dans d'autres cas, on peut décider que l'on essaiera de travailler ensemble et que, dans l'éventualité où l'on n'arriverait pas à s'entendre, et bien tant pis, il n'y a tout simplement pas d'entente. Dans bien des cas, alors, l'employeur pourra aller de l'avant.
Si on prend l'exemple du Conseil national mixte, qui effectue beaucoup de coélaboration de politiques, et qui se trouve actuellement dans une situation où il peut décider que les négociations sont dans une impasse—ses nouveaux règlements. Je ne suis pas une experte en la matière. Dans les autres cas, s'il s'agit d'un sujet pouvant faire l'objet de négociations collectives, si les parties n'arrivent pas à s'entendre, on aura recours à la négociation collective. S'il s'agit d'un sujet ne pouvant pas faire l'objet de négociations collectives, comme les pensions de retraite, alors le régime de retraite...
Nous avons travaillé d'arrache-pied. J'ai participé à un processus en vue d'essayer d'élaborer en collaboration les changements à apporter à l'orientation du régime de retraite. Nous sommes arrivés tout près d'un règlement. Nous n'avons pas réussi à nous entendre à cause de la question des excédents, et vous vous en rappelez peut-être. Nous étions très proches de la conclusion d'une entente sur la codétermination, mais en raison de ce problème, nous ne sommes pas arrivés à une entente, aussi l'employeur a décidé d'aller de l'avant et d'adopter une certaine approche, tout en tenant compte de certaines recommandations, mais sans les pousser.
Alors, lorsque nous parlons de coélaboration, il est probable que le plus grand problème est celui de l'impasse. Donc, soit je m'attends à ce que nous n'obtenions pas un oui franc et définitif, et nous optons pour la résolution de l'impasse dans le cadre des négociations par une tierce partie ou alors, non jamais. Tout dépend probablement de la situation.
Mme Arlene Wortsman: Je voudrais seulement ajouter que les exemples sont nombreux dans d'autres régions du Canada et dans d'autres secteurs de compétence, mais il faut connaître les règles du jeu au départ ainsi que le cadre de fonctionnement, de sorte que lorsque l'on se trouve devant une impasse, on ait une porte de sortie; on peut confier la question à une autre instance.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Très bien.
Madame Sgro et puis monsieur Forseth.
Mme Judy Sgro: Merci et bonjour.
Je m'adresse à vous deux, madame Wortsman et madame Hynna. Je voudrais savoir, et à la limite, probablement que tous les membres du comité voudraient savoir, si vous avez eu l'occasion de prendre connaissance du projet de loi en profondeur... Vous avez mentionné que vous étiez favorable au projet de loi dans une large mesure et que nous devrions envisager de répéter l'article 29 d'un bout à l'autre. Je pense que c'est très important que nous procédions correctement, dans l'intérêt de tous, sans mentionner le public canadien.
Je m'inquiète de ce que l'on prenne entre six et dix-huit mois pour combler des postes vacants. Je comprends que des candidats se découragent, que certains employés ayant beaucoup de potentiel ne tiennent pas vraiment à rester dans la fonction publique en raison de tous ces problèmes qui nous parviennent de toutes parts et qui entraînent chez eux une frustration qui finit par les pousser à partir.
Quelles sont les autres parties du projet de loi qui, à votre avis, posent des problèmes? Je pose la question afin que nous soyons convaincus de l'avoir regardé de près et éventuellement afin que nous puissions corriger ce qui peut l'être?
À (1025)
Mme Martha Hynna: Comme je l'ai déjà dit, je ne veux pas faire de commentaires sur la partie qui traite des relations de travail. C'est un projet de loi d'une grande ampleur, et j'ai lu cette partie avec attention. J'ai aussi lu la partie qui traite de la dotation, la nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique, en prêtant beaucoup d'attention aux détails. Je n'ai pas beaucoup insisté sur la nouvelle institution d'enseignement—j'ai même oublié comment on l'appelait.
Dans la partie sur la dotation, comme je l'ai dit, j'ajouterais le concept de la transparence. Le Préambule, à divers égards, fait référence à un certain nombre de valeurs, selon les paragraphes, mais il les mentionne néanmoins. J'ajouterais donc le concept de transparence. Je ne suis pas rédactrice, aussi je ne sais pas exactement comment je procéderais pour le faire, mais ce concept de la transparence doit être inclus.
Le deuxième secteur où j'aurais préféré que les choses soient différentes est celui où l'on aurait confié davantage de pouvoir direct aux sous-ministres. Le projet de loi donne à la Commission de la fonction publique le pouvoir de faire des nominations. Puis il stipule que ce pouvoir peut être délégué aux sous-ministres. Dans le Préambule, il est question précisément de son importance. J'aurais préféré une délégation directe. Je me suis dit que de cette manière on aurait donné aux gestionnaires un plus fort sentiment d'appartenance.
L'un des gros problèmes avec la gestion des ressources humaines au sein du gouvernement tient au fait que les gestionnaires ont tendance à penser que c'est un sujet qui relève des spécialistes en ressources humaines. Ils se préoccupent beaucoup de la gestion des fonds publics, parce qu'ils savent qu'ils doivent rendre des comptes. Mais lorsqu'il s'agit de ressources humaines et de dotation, j'ai l'impression que ces sujets ne les touchent pas beaucoup. Il semble que ce soit quelque chose qui existe quelque part et dont les spécialistes devraient s'occuper—par exemple, le Conseil du Trésor devrait s'occuper de la négociation collective ou bien la Commission de la fonction publique devrait voir à la dotation. Ce qui est important, et je sais que les rédacteurs du projet de loi et le gouvernement dans son ensemble y tiennent beaucoup aussi, c'est que les gestionnaires se responsabilisent à cet égard. J'aurais procédé de façon plus directe.
Je m'exprime en mon nom personnel. Je sais que ce projet a fait l'objet de nombreux débats, et que la décision a été prise en fonction des idées d'une masse de personnes ayant chacune leur idée de ce qui serait la meilleure chose à faire—davantage de protection à l'égard du principe de l'impartialité; davantage de protection pour que la Commission de la fonction publique détienne le pouvoir direct et qu'elle puisse ensuite le déléguer à son tour.
Par conséquent, je ne suis pas totalement contre. J'aurais simplement souhaité que l'on fasse les choses plus directement. Mais le principal...
Le vice-président (M. Tony Valeri): M. Lamoureux voudrait lui aussi faire ses commentaires à ce sujet.
Mme Martha Hynna: Alors, voilà quels sont les principaux changements que j'aurais apportés, mis à part cet autre, c'est-à-dire qu'à l'article 29, j'aurais ajouté une exigence de consultation—ou même encore mieux, de coélaboration.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Lamoureux.
[Français]
M. François Lamoureux: Un autre volet du projet de loi pose un problème important, selon nous: c'est le régime de négociations collectives. On peut s'entendre sur de grands principes. On peut s'entendre sur le fait que la libre négociation collective est un pilier essentiel qui assure une crédibilité au système de relations de travail.
Le problème vient du fait que, lorsque le législateur n'offre pas aux parties, soit au syndicat et à l'employeur, la possibilité de négocier plus largement dans ce qu'on appelle le champ du négociable, c'est-à-dire l'ensemble des conditions de travail, le syndicat et l'employeur ne se sentent pas parties prenantes à tout le processus de négociations collectives. Je m'explique.
Le projet de loi prévoit, à son article 113:
113. La convention collective ne peut avoir pour effet direct ou indirect de modifier, supprimer ou établir: |
a) une condition d'emploi de manière que cela nécessiterait l'adoption ou la modification d'une loi fédérale, exception faite des lois affectant les crédits nécessaires à son application; |
b) une condition d'emploi qui a été ou pourrait être établie sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la Loi sur la pension de la fonction publique ou la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État. |
Ainsi, on sort du champ du négociable des conditions d'emploi qui peuvent être aussi essentielles que les mécanismes de dotation, la structure de rémunération, les classifications, les avantages sociaux, la santé et la sécurité. Donc, plusieurs volets de la négociation sont centralisés dans les mains du Conseil du Trésor ou du législateur. Nous pensons qu'on devrait permettre une délégation de pouvoirs aux parties et une décentralisation, de façon à rendre les parties beaucoup plus responsables quant à leurs conditions de travail négociables.
Nous avons toujours la même prémisse: une négociation se fait avec deux parties, et les gens sont satisfaits quand les deux parties ont pu échanger et en venir à une entente. Dès qu'on exclut un grand pan de ce qui est négociable et que le législateur ne permet pas de négocier ces conditions de travail, il y a une insatisfaction grandissante parce que les gens ne peuvent pas participer à tout ce processus de la négociation.
On peut donner plusieurs exemples de situations où les agents négociateurs et les représentants patronaux ne peuvent toucher à des volets qui seraient fort intéressants pour eux. Pour nous, c'est un volet très important. Dans la fonction publique provinciale, au Québec, ou dans le secteur privé dans l'ensemble du Canada, on tient compte de règles précises et de la compétitivité, mais aussi de facteurs que les parties établissent, toujours en fonction d'un rapport de force entre elles. Ces choses se négocient partout au Canada, sauf dans la fonction publique, où la loi restreint beaucoup le champ du négociable.
À notre avis, dans tout ce qui concerne les éléments que j'ai mentionnés, notamment la dotation, moins il y a d'unilatéralisme, plus il y a de chances qu'il y ait des relations de travail harmonieuses dans la fonction publique.
À (1030)
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Je cède la parole à M. Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup.
Dans le mémoire que nous a transmis aujourd'hui la CSN, il est question précisément du principe du mérite tel qu'il est perçu dans la Loi sur l'emploi dans la fonction publique:
Les modifications proposées à cette loi introduisent un changement majeur dans le processus de dotation d'un poste dans la fonction publique. Si le projet de loi est adopté sans modifications, les postes ne seront plus attribués au candidat le mieux qualifié pour exécuter les tâches, mais simplement à un candidat qualifié... Les modifications proposées ouvriront la porte au favoritisme dans le choix de la personne qui sera nommée pour combler un poste au sein de la fonction publique. |
Cela a certainement une incidence sur le moral ainsi que sur les compétences. J'aimerais que nous élaborions un peu sur les moyens à prendre pour établir cette définition du «mérite» qui a finalement été intégrée dans un projet de loi. Je m'inquiète aussi de ce que je lis ici, à la page 8 de votre mémoire, comme quoi n'importe quel élément d'un groupe de personnes possédant les compétences minimales requises, pourrait-on dire, pourrait être choisi. Cette approche irait à l'encontre d'une orientation vers l'excellence où la signification du «mérite» correspondrait véritablement à la personne la mieux qualifiée à l'intérieur d'une certaine fourchette d'un concours précis.
Pourriez-vous me donner des précisions au sujet de votre inquiétude à l'égard de cette définition du «mérite» et des moyens que nous pourrions utiliser pour corriger la situation?
[Français]
M. Claude Rioux: La notion de la personne la mieux qualifiée est celle du système actuel. On suggère maintenant la notion d'employés qualifiés. Si le législateur veut remplacer la notion de la personne la mieux qualifiée par la notion de gens qualifiés, on devrait avoir des critères plus précis et dire ce qu'on entend par les qualifications, l'expérience et l'ancienneté quand il s'agit de choisir les employés. C'est la façon dont on voit les choses. La notion de best qualified était censée donner le meilleur résultat, mais il semble que cela pose des problèmes. Si on veut remplacer cela par la notion de personnes qualifiées, pourquoi ne ferait-on pas comme dans la grande majorité des entreprises et des conventions collectives? Presque partout, on détermine les besoins en matière de qualifications et d'expérience et, lorsque les qualifications et l'expérience de certaines personnes sont jugées suffisantes pour qu'elles occupent les postes qui sont ouverts, à qualifications égales, on choisit les personnes selon la durée de leur service. Cela se fait dans de nombreuses organisations.
C'est la façon dont on envisage cette question, et c'était une des recommandations. Dans le rapport Fryer, on disait qu'il fallait plus de transparence et qu'on devait avoir un système ne remettant pas en cause la notion du mérite mais tenant aussi compte de questions relatives à la justice et à l'équité. C'est la voie qu'on doit suivre.
À (1035)
[Traduction]
M. Paul Forseth: Il y a eu beaucoup de discussions au sujet de la définition du «mérite». Auparavant, seuls les tribunaux pouvaient le définir; pour la première fois aujourd'hui, cette définition est stipulée dans un texte de loi.
J'éprouve la même inquiétude que celle que vous exprimez à la page 8 de votre mémoire, comme quoi cette définition ne pointe pas dans la direction de l'excellence qui consiste à trouver ce qu'il y a de mieux dans un contexte particulier. La lecture que j'en fais dans le texte du projet de loi c'est que l'on considère que la nomination peut viser n'importe qui, du moment qu'il répond aux exigences de base. Ailleurs dans le projet de loi, il est même question qu'il n'est peut-être pas nécessaire de tenir un concours, et qu'il n'y aura aucune exigence visant à déterminer si une personne est le meilleur candidat possible ou non.
Cette question a été soulevée à maintes reprises, mais pour faire évoluer les choses et aller au-delà de la simple discussion, je pense que même le ministre a dit que c'était très bien d'avoir soulevé la question devant la Chambre, devant le comité aussi, mais qu'il était temps de participer et de fournir une meilleure orientation en ce qui concerne la façon de modifier la formulation. Autrement, cela revient à un simple sujet de conversation. Je me demande si quelqu'un parmi vous pourrait m'aider à faire progresser un peu les choses et à les préciser dans le but d'atténuer les inquiétudes qui ont été exprimées par plusieurs.
Mme Martha Hynna: Je pense qu'il faut lire le projet de loi. On ne peut pas se contenter de lire cette seule définition. Vous devez examiner le Préambule, où il est question d'excellence et aussi d'une fonction publique déterminée à utiliser des pratiques loyales en matière d'emploi et à montrer du respect à l'égard de ses employés. Ce Préambule parle d'une fonction publique qui vise l'excellence et de nombreux objectifs en matière de diversité.
Il faut aussi prendre connaissance de l'article 30. La personne à nommer peut posséder en outre des qualifications supplémentaires qui sont «un atout pour le travail à accomplir ou pour l'administration, pour le présent ou l'avenir» donc, on ne peut pas prendre une décision arbitraire à cet égard. Il faut avoir une bonne raison de choisir une personne plutôt qu'une autre, et dans bien des cas, ce sera parce que c'est la meilleure. C'est tout simplement que ce ne devrait pas toujours être requis et, en partie, parce que choisir la «meilleure personne» dans tous les cas tient, à mon avis, un peu de la fiction, et il faut nous donner une plus grande marge de manoeuvre.
C'est la raison pour laquelle il faut qu'il y ait une entente à l'échelle locale ou ministérielle et non à l'échelle de l'ensemble de la fonction publique, afin de décider dans cette circonstance particulière, dans ce type de situation, quels seront les critères à utiliser, quel sera le processus retenu et que la décision ultime sera prise en fonction de ces éléments. La personne nommée pourrait alors dans ce cas être la mieux qualifiée. C'est simplement que, dans un autre cas, on pourrait penser qu'une fois que l'on a un certain nombre de candidats qualifiés, l'ancienneté pourrait devenir le critère de sélection. Dans un autre encore, où il pourrait y avoir un problème d'équilibre au niveau de la diversité, on pourrait, à partir d'un bassin de candidats qualifiés, opter pour un meilleur équilibre en choisissant une personne handicapée ou alors si le problème d'équilibre est plutôt d'ordre linguistique, prendre une décision en conséquence.
Si l'on instaure une règle comme quoi il faut toujours choisir la meilleure personne, on obtient un système rigide. Et l'on aura tendance à le contourner plutôt que d'essayer d'utiliser un système qui vous donne la possibilité d'envisager l'excellence et ainsi de suite. Il faut mettre au point un processus qui donne une certaine latitude suivant les situations et qui est transparent afin que l'on sache très bien pourquoi les décisions ont été prises. Si le système est transparent, il sera très difficile de prendre une décision en faveur d'une personne simplement parce qu'elle nous plaît davantage que les autres. Ce n'est pas facile à justifier. Il faut s'appuyer sur une raison transparente pour choisir un candidat.
Le projet de loi a été conçu de manière à le rendre plus facile à utiliser et à éviter... Comme l'ancien système impose des normes qui sont très difficiles à établir et qui ne répondent pas à tous les besoins, on note une tendance à éviter de l'utiliser.
À (1040)
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth : Dois-je en déduire que vous n'êtes pas d'accord avec la page 8 du mémoire de la CSN?
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Lanctôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt: C'est évident que je voudrais continuer là-dessus, mais il y a autre chose.
Mme Lise Poulin: [Note de la rédaction: inaudible] ...les recommandations.
M. Robert Lanctôt: Oui. Je vais revenir à un aspect que je trouve très important pour les députés et aussi pour les gens qui doivent témoigner souvent en comité. Nous aurions aimé qu'il y ait une protection des dénonciateurs. Autrement dit, lorsqu'un haut fonctionnaire dit certaines choses aux médias ou à des députés, il doit être protégé. Rien n'est prévu dans la loi à cet égard. On sait qu'il y a parfois des représailles, des réprimandes ou même des congédiements, parfois déguisés, à cause de cela. Donc, il n'y a rien dans la loi à ce sujet, et j'aimerais savoir si ce serait un élément essentiel pour protéger vos travailleurs.
M. François Lamoureux: Nous n'avons pas analysé et approfondi ce volet du projet de loi au niveau des relations de travail. C'est un principe qu'on retrouve parfois dans le secteur privé plus particulièrement, mais on n'a pas analysé suffisamment cette question pour soumettre au comité une recommandation ou une position précise, avec tous les paramètres et les conséquences que cela implique.
M. Robert Lanctôt: En ce qui a trait au harcèlement, les sondages qui ont été dévoilés en décembre dernier indiquent que la situation est vraiment très grave. On ne pensait pas que ça existait à un tel degré: un fonctionnaire sur cinq se dit victime de harcèlement. Rien n'est prévu à cet égard dans le projet de loi. J'ai feuilleté votre mémoire et je ne vois rien de précis à ce sujet.
J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez. À votre avis, serait-il important qu'on en parle dans le projet de loi?
M. François Lamoureux: À ce sujet, j'aimerais dire qu'on a indiqué dans notre mémoire que c'était une grande préoccupation et qu'on devait peut-être s'inspirer, entre autres, de la Loi sur les normes du travail du Québec, qu'on a modifiée récemment afin d'y d'inscrire un recours en cas de harcèlement psychologique.
Vous avez tout à fait raison de dire que c'est une énorme problématique. Pour nous, c'est une lacune importante du projet de loi. Il est temps que le Canada se mette au diapason de la législation au niveau international, en Europe, en France et dans plusieurs autres pays où on est déjà intervenu au plan législatif sur la question du harcèlement moral, du harcèlement au travail, un phénomène extrêmement répandu, qui a d'ailleurs été constaté par plusieurs études et plusieurs ouvrages de doctrine.
Au Québec, comme je vous le disais, le gouvernement a légiféré concernant le harcèlement psychologique. Dans le cadre de notre présentation de mémoire, nous avons une suggestion à faire concernant la question du harcèlement psychologique. Cela rejoint une priorité de la CSN, qui voulait que ce soit inclus dans la législation du travail au Québec.
Pour nous, il n'y a pas de différence entre la loi du Québec et la Loi fédérale sur la modernisation de la fonction publique: cela doit être inscrit dans les deux lois. Dans la Loi sur les normes du travail, on a une définition et on prévoit un recours: une plainte à la Commission des relations du travail dans les 30 jours suivant le harcèlement psychologique. Une définition du harcèlement psychologique a déjà été proposée et elle pourrait probablement faire l'objet d'un consensus dans le cadre du projet de loi sur la modernisation de la fonction publique.
La disposition dont je vous parle est l'article 81.18 de la Loi sur les normes du travail:
81.18. Pour l’application de la présente loi, on entend par «harcèlement psychologique» une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste. |
On indique aussi: |
81.19. Tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. L’employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu’une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser. |
Ce sont les paramètres de la disposition qui a été adoptée, qui, selon nous, pourraient être très transposables dans le cadre de la fonction publique puisque ce phénomène y existe aussi.
À (1045)
M. Robert Lanctôt: [Note de la rédaction: inaudible]...aux ministères?
M. François Lamoureux: Oui.
M. Robert Lanctôt: Mme Robillard nous dit qu'elle est consciente du problème, mais qu'elle ne voit pas d'intérêt à légiférer à cet effet. Elle dit qu'il vaut mieux régler cela sur le plan administratif. C'est la même chose dans le cas des langues officielles et du bilinguisme. Dans le projet de loi, il n'y a rien pour obliger les fonctionnaires à être bilingues. Encore une fois, elle nous dit que cela ne donne absolument rien de légiférer parce que la Loi sur les langues officielles est là, mais qu'on va établir une pratique administrative et qu'on est au courant de cela. Ça fait longtemps qu'ils sont au courant de cela, et c'est la même chose dans le cas du harcèlement.
Selon vous, faut-il légiférer sur ces deux points?
M. François Lamoureux: Il faut légiférer sur le harcèlement. Il y a eu le même débat il y a plusieurs années au niveau des relations de travail. Le burn-out n'était pas reconnu et on disait toujours que les gens n'étaient pas malades. Il a fallu attendre plusieurs années avant qu'on reconnaisse le burn-out. La situation du harcèlement au travail est tellement explosive que nier cette réalité équivaut à nier un problème majeur qui, tôt ou tard, va exploser.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Mme Hynna veut seulement faire un commentaire, puis je cède la parole à M. Proctor.
Mme Martha Hynna: La question du harcèlement est traitée dans les conventions collectives. Elle est visée par la politique; le gouvernement a mis en place une politique sur le harcèlement. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de l'intégrer dans la loi. Si on l'inclut dans la loi, il deviendra plus difficile de s'adapter au changement, par exemple, au concept du harcèlement psychologique tel qu'il commence à être perçu, et dont on ne parlait pas auparavant. Utiliser les conventions collectives et ces autres moyens vous donne plus de marge de manoeuvre et vous permet de refléter les sujets de préoccupation à une époque donnée, aussi je ne suis pas convaincue de l'utilité de l'inclure dans la loi.
En ce qui concerne les exigences linguistiques—le bilinguisme—il existe une autre loi qui s'en occupe.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Monsieur Proctor.
[Français]
M. Dick Proctor: Merci. J'aimerais poser une question aux gens de la CSN.
Vous avez fait 14 recommandations dans votre rapport. Est-ce qu'il y en a une ou deux qui sont plus importantes ou même essentielles pour améliorer cette loi proposée?
Mme Lise Poulin: Elles sont toutes importantes.
M. François Lamoureux: Évidemment, il y a la question du régime de négociations collectives, du champ du négociable, des matières négociables. Il y a également un aspect extrêmement important qui est tout le volet de la dotation et des nominations. Nous souhaitons que les postes ne soient pas attribués au mérite et qu'on élabore des critères en concertation patronale-syndicale. Je dirais que ce sont deux des volets les plus importants, sans restreindre la portée des autres.
M. Claude Rioux: Je voudrais attirer votre attention sur la partie de la loi qui porte sur la création d'une commission de l'intérêt public pour les cas où il y aurait des impasses. Dans le rapport Fryer, on fait une excellente suggestion, qui relève du fait qu'au gouvernement fédéral, dans certains cas, le niveau de services essentiels qui est exigé est très élevé, ce qui affecte considérablement l'efficacité de la négociation collective par les moyens traditionnels.
La Commission Fryer avait examiné ça avec énormément d'attention. Elle avait suggéré une commission indépendante de règlement des différends d'intérêt public, disposant de moyens très vastes pour faire de la prévention. Toutes sortes de moyens ont été élaborés dans le secteur privé et dans le secteur public pour aider à résoudre les conflits. Ultimement, après avoir fait l'analyse des faits et émis des recommandations, cette commission aurait le pouvoir de décider d'une convention collective dans certains cas ou encore, à la demande d'un syndicat, de régler certains problèmes liés à une négociation.
Il est important de faire cela, parce qu'il faut faire bien attention de ne pas faire déraper certaines choses. On dit que les gens ont droit à la libre négociation. Dans le secteur public, il y a toujours la question des services publics, des services essentiels, et il faut trouver un équilibre. Il ne faut pas seulement faire de la rhétorique et dire aux gens qu'ils ont le droit de négocier, alors que dans les faits, la marge de manoeuvre est tellement petite qu'au bout du compte, les gens ne croient plus au processus, ce qui crée des problèmes très graves. Je ne veux pas faire d'histoires, mais ça peut créer des problèmes de crédibilité très importants dans le système.
Je pense que Fryer avait fait une excellente analyse de cette question et une très bonne suggestion. Je relisais l'autre jour le livre de Paul Weiler, Reconcilable Differences. Paul Weiler avait discuté de la même philosophie dans les années 1970 et 1980. Je crois que vous devriez suivre la voie qui est indiquée dans le rapport, à la page 35. Nous trouvons que le mécanisme qu'on y propose a des mérites certains pour contribuer à donner plus de crédibilité au processus et à rééquilibrer les rapports entre le gouvernement et ses fonctionnaires. Dans la loi, on a retenu cette idée, mais on n'a malheureusement pas prévu suffisamment de moyens pour lui donner toute l'efficacité dont elle aurait besoin.
À (1050)
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Mme Hynna veut intervenir.
Mme Martha Hynna: Très brièvement, sur la question de la portée de la négociation, je vais vous parler de la commission Fryer et des raisons qui nous ont conduits aux recommandations que nous avons faites.
Plutôt que de recommander un élargissement de la portée de la négociation pour qu'elle englobe la dotation—et je vais me concentrer sur la dotation—nous avons décidé de parler de coélaboration. Cela s'explique en partie parce que nous étions un groupe de trois personnes—je représentais la direction—et c'est le compromis que nous avons trouvé, tout en sachant que si nous demandions d'inclure la dotation dans le processus de négociation collective, nous n'arriverions pas à obtenir une entente, même si les pressions à cet égard étaient très fortes.
L'une des raisons pour lesquelles nous sommes arrivés avec le concept de la coélaboration était que ce serait un moyen d'obtenir la participation de tous. Étant donné qu'il existe de nombreux syndicats, de nombreux postes, de nombreux ministères, et tout cet éventail de choses différentes, nous avons pensé que nous avions besoin d'un processus plus général. La coélaboration deviendrait le moyen, et plus particulièrement avec un système conçu en fonction des impasses, d'obtenir la participation des agents négociateurs à l'élaboration du processus de dotation—et de classification, en l'occurence, parce que nous avons fait le même genre de recommandations à cet égard—sans pour autant l'inclure dans les négociations collectives. C'est en partie parce que ce processus a une durée d'existence plus longue et qu'il touche l'ensemble des syndicats.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Le suivant est M. Tirabassi et ensuite, la dernière question ira à M. Forseth.
M. Tony Tirabassi: Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse à la représentante de la CSN. Elle a trait aux procédures de recours relativement aux nominations. Le projet de loi C-25 introduit diverses améliorations en ce qui concerne la manière d'atténuer les préoccupations des employés au sujet du processus de dotation. Les employés auront la possibilité de poser des questions au sujet des résultats qu'ils auront obtenus durant la période où les décisions sont réellement prises, si j'ai bien compris. Si l'employé veut présenter une plainte en bonne et due forme, les procédures de recours sont désormais axées sur la manière dont l'employé sera traité. On note aussi une articulation claire des motifs de la plainte, y compris l'abus de pouvoir, afin de s'assurer que les gestionnaires assument la responsabilité de leurs actes. Je crois comprendre que les employés peuvent présenter une contestation à l'égard de l'un ou l'autre des sujets suivants : les compétences essentielles pour les tâches à accomplir, toute qualification supplémentaire considérée comme un atout, tout besoin présent ou dans l'avenir de l'administration sur le plan opérationnel. Il me semble que cela représente une vaste amélioration par rapport au système existant, qui est davantage axé sur le processus et non sur la manière dont l'employé est traité. Ces mesures semblent répondre aux préoccupations des employés. J'aimerais bien connaître votre point de vue sur cette question, et je ne m'adresse à personne en particulier.
À (1055)
[Français]
M. François Lamoureux: Dans le processus de dotation, on revient toujours au point de départ. Une personne peut se plaindre quand la décision a déjà été prise. Nous souhaitons qu'au niveau de la dotation, les critères soient élaborés en partenariat, en concertation. Dès que ce sera plus transparent et qu'il y aura davantage de critères de justice, d'équité et d'expérience, beaucoup moins de décisions seront contestées parce que les critères auront été partagés.
Mme Lise Poulin: Ils seront connus.
M. François Lamoureux: L'important, c'est que la personne n'ait pas l'impression d'être devant le fait accompli. Une décision est prise et vous n'êtes pas d'accord? Eh bien, contestez. Ce n'est pas la voie à suivre. Nous voulons cela au point de départ. Nous voulons faire en sorte qu'il y ait le moins possible de personnes qui contestent, que la proportion de celles qui contestent soit réduite à 2 ou 3 p. 100. Quand les gens vont bien comprendre ces critères partagés, il va y avoir moins de contestation.
Le problème actuel, c'est que les gens sont devant le fait accompli et qu'il y a des critères qui ont été adoptés de façon unilatérale. Pour nous, toute décision unilatérale entraîne de mauvaises relations de travail.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): M. Forseth va conclure.
M. Paul Forseth: Je m'adresse à n'importe lequel des témoins. Je vais changer de sujet.
Est-ce que l'un d'entre vous s'est penché sur les paramètres entourant les droits politiques des employés et la manière dont le projet de loi détermine à partir de quel point un employé est considéré comme actif sur le plan politique et dans quelles circonstances il pourrait poser sa candidature en vue d'occuper une charge publique? J'ai trouvé que le projet de loi est encore trop restrictif et qu'il a adopté une approche condescendante et plutôt vieux jeu concernant les employés et la politique. Je voudrais connaître les points de vue des témoins au sujet de cet article au cours de la présente audience et pour le temps qui nous reste, parce que je ne trouve pas que le projet de loi est bien équilibré à cet égard dans sa version actuelle. Je voudrais avoir votre opinion sur les employés et la politique, tels qu'ils sont décrits dans le projet de loi.
[Français]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Madame Poulin.
Mme Lise Poulin: Au Québec, actuellement, on y pense beaucoup.
M. François Lamoureux: C'est une question que nous n'avons pas approfondie. Évidemment, il y a toute la question de la hiérarchie et de la confidentialité des rapports politiques. À notre avis, il y a une nuance importance à faire entre quelqu'un qui est sous-ministre et quelqu'un qui est fonctionnaire dans un service X. Je pense que cette seule question mériterait la mise sur pied d'un autre comité ayant un gros budget.
Mme Lise Poulin: Le critère de l'ancienneté ne pourrait pas être un critère reconnu.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Allez-y, il reste un peu de temps.
Á (1100)
M. Paul Forseth: Je vise davantage les employés subalternes et les gestionnaires locaux, et plus particulièrement la question des employés du secteur public fédéral dans nos petites collectivités. On les considère comme des personnes possédant des compétences réelles, je suppose, et on souhaiterait les voir occuper des fonctions dans les conseils municipaux, les conseils régionaux ou locaux, les commissions scolaires ou peu importe. Ce sont des chefs de file dans leurs collectivités, et dans certains cas, l'ensemble de la viabilité économique d'une communauté locale repose sur le noyau d'employés fédéraux qui s'y trouvent.
Je considère seulement que cet article du projet de loi est dépassé, qu'il a adopté une approche condescendante et qu'il est autoritaire. Il limite ce qui est défini comme une activité politique et il impose aux employés de quémander un congé à l'employeur en vue de devenir candidat—que cela regarde l'employeur ou non. Tout ce secteur a nécessité des interventions devant les tribunaux pour que l'on note une certaine évolution. Je vois un exemple dans les provinces. La façon dont les provinces traitent leurs employés est beaucoup plus progressiste. Aussi, je vous signale que nous voulons obtenir des avis plus poussés. Peut-être que vous devriez revenir témoigner devant le comité après avoir pris connaissance de cet article du projet de loi.
C'est mon opinion et ma première tentative à cet égard. Je possède une certaine expérience en la matière parce que j'ai moi-même été fonctionnaire provincial en Colombie-Britannique. J'avais demandé un congé en vue d'essayer d'obtenir un siège à la Chambre des communes. Dans mon cas, je n'ai pas eu à demander la permission à quiconque, mais j'ai dû invoquer un article dans mon contrat et informer mon employeur de ce que j'avais l'intention de faire. Puis j'ai dû préciser à quel moment mon congé devrait commencer, parce qu'il s'agissait d'un mandat négocié par le syndicat.
Comme je l'ai déjà mentionné, je trouve seulement que toute cette histoire de contraintes juridiques est terriblement contrôlante. Je ne sais même pas si cet article survivrait à une contestation eu égard à la Charte. Aussi, je vous informe, mesdames et messieurs, ainsi que les futurs témoins, qu'à mon avis nous devrions nous pencher un peu sur cette question.
J'en ai discuté avec la ministre en plusieurs occasions, et je suis très heureux d'entendre qu'elle a également tenté d'obtenir des avis plus poussés et de l'aide sur la question. Aussi, s'il est possible d'en arriver à une meilleure conclusion, il y a peut-être place à de l'amélioration, dans la mesure où nous pourrions obtenir des témoignages sur la question.
Le vice-président (M. Tony Valeri): Est-ce que quelqu'un veut contribuer à ces témoignages dès maintenant?
Madame Poulin.
[Français]
Mme Lise Poulin: Je pense que vous avez raison: il faut favoriser cela au niveau local. Oui, on va examiner cette question et on pourra revenir si vous le souhaitez ou vous contacter directement.
Je veux terminer en parlant d'un élément que Mme Hynna a soulevé. Elle disait qu'il n'était pas nécessaire d'inscrire dans la loi des dispositions sur le harcèlement psychologique parce que cela existe dans les conventions collectives.
Oui, cela existe dans les conventions collectives, mais je pense qu'en inscrivant dans la loi des dispositions sur le harcèlement psychologique, le gouvernement démontrerait son intention politique de reconnaître le harcèlement psychologique. Je pense qu'il serait très important qu'on puisse retrouver cela dans une loi.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Juste avant de conclure, je sais que M. Lanctôt voudrait poursuivre sur un point qu'il a abordé plus tôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt: J'aimerais que M. Lamoureux ajoute un point sur la question des qualifications.
J'aimerais vous entendre sur les motifs de contestation. Il en reste seulement deux. Si cela se fait en concertation, sera-t-il possible de garder seulement ces deux éléments? Doit-on garder seulement l'abus de pouvoir comme motif de contestation, ou écrire «notamment l'abus de pouvoir», car il y a d'autres choses? Je veux vous entendre là-dessus, parce que je trouve incroyable qu'on limite la contestation à deux motifs.
M. Claude Rioux: En matière d'évaluation des qualifications, il n'y a pas seulement l'abus de pouvoir. Il y a de la doctrine et de la jurisprudence qui expliquent que les qualifications doivent être en rapport avec la tâche, avec le poste de travail. Donc, bien sûr, on ne veut pas limiter cela à cette histoire-là. Si jamais il y a des personnes qui sont qualifiées également et qu'il y a un problème de nomination, on voudra être en mesure de débattre non seulement de l'abus de pouvoir, mais aussi de l'appréciation qui aura été faite.
M. Robert Lanctôt: Le projet de loi devrait être modifié, parce qu'on y parle seulement de ces deux aspects. C'est limitatif.
M. Claude Rioux: On veut avoir la latitude qui existe dans le régime des relations de travail qui prédomine au pays quand on apprécie les qualifications.
[Traduction]
Le vice-président (M. Tony Valeri): Très bien, merci beaucoup.
Je voudrais remercier les témoins pour les témoignages qu'ils nous ont présentés ce matin et j'aimerais vous dire que nous sommes impatients de poursuivre nos travaux d'étude sur ce projet de loi.
La séance est levée.