LANG Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des langues officielles
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 31 mars 2004
º | 1650 |
Le vice-président (M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)) |
Mme Ghislaine Pilon (présidente, Commission nationale des parents francophones) |
M. Rodrigue Landry (consultant, Commission nationale des parents francophones) |
º | 1655 |
» | 1700 |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, PCC) |
M. Rodrigue Landry |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
» | 1705 |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
M. Christian Jobin (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Lib.) |
M. Rodrigue Landry |
Mme Murielle Gagné-Ouellette (directrice générale, Commission nationale des parents francophones) |
M. Christian Jobin |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
M. Christian Jobin |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
M. Christian Jobin |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
M. Christian Jobin |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
M. Christian Jobin |
Mme Ghislaine Pilon |
» | 1710 |
M. Rodrigue Landry |
M. Christian Jobin |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
M. Christian Jobin |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.) |
M. Rodrigue Landry |
M. Marcel Proulx |
M. Rodrigue Landry |
M. Marcel Proulx |
M. Rodrigue Landry |
» | 1715 |
M. Marcel Proulx |
Mme Ghislaine Pilon |
M. Rodrigue Landry |
M. Marcel Proulx |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
L'hon. Claude Drouin (Beauce, Lib.) |
Mme Ghislaine Pilon |
L'hon. Claude Drouin |
M. Rodrigue Landry |
» | 1720 |
L'hon. Claude Drouin |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
L'hon. Claude Drouin |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
Mme Murielle Gagné-Ouellette |
» | 1725 |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
M. Scott Reid |
M. Rodrigue Landry |
» | 1730 |
M. Scott Reid |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
M. Rodrigue Landry |
Le vice-président (M. Raymond Simard) |
CANADA
Comité permanent des langues officielles |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 31 mars 2004
[Enregistrement électronique]
º (1650)
[Français]
Le vice-président (M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)): Je demande aux témoins d'accepter toutes nos excuses.
Conformément à l'article 108(3)f) du Règlement, nous faisons une étude sur la contribution du gouvernement fédéral au développement de la petite enfance par le biais du Plan d'action pour les langues officielles.
Nous avons parmi nous, de la Commission nationale des parents francophones, Ghislaine Pilon, Murielle Gagné-Ouellette et Rodrigue Landry.
Nous vous accordons de 10 à 15 minutes pour faire votre présentation et nous passerons ensuite aux questions des députés.
Madame Pilon.
Mme Ghislaine Pilon (présidente, Commission nationale des parents francophones): Merci, monsieur Simard. Pour commencer, je voudrais vous remercier de pendre le temps de nous écouter.
J'aimerais vous expliquer qui nous sommes, à la commission nationale. Nous représentons tous les parents francophones hors Québec par le biais de nos fédérations francophones provinciales et territoriales. Nous avons neuf fédérations provinciales et trois fédérations territoriales, qui sont composées de parents francophones en milieu minoritaire. Nous les appuyons dans leurs démarches au niveau national.
Nous avons un plan sur les langues officielles qui accorde la priorité à la petite enfance, comme M. Simard vous l'a dit. Notre plan d'action est aussi accompagné d'un plan national, dans lequel il est dit que nos ayants droit devraient passer de 68 p. 100 à 80 p. 100 en 2014.
Nous avons fait des recherches pour expliquer où l'on s'en va et d'où l'on vient. Nous savons qu'il y a urgence dans le cas de la petite enfance. M. Landry, qui est notre chercheur, vous expliquera les résultats. Ils sont inquiétants, mais aussi encourageants pour la petite enfance, car nous avons un plan visant à implanter des centres de la petite enfance et de la famille qui seraient rattachés à des centres communautaires ou à nos écoles francophones en milieu minoritaire.
Je vais céder la parole à M. Landry, qui vous expliquera les statistiques et les recherches.
M. Rodrigue Landry (consultant, Commission nationale des parents francophones): Je vous remercie de nous recevoir.
Je suis le directeur général de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, le Canadian Institute for Research on Linguistic Minorities. Cet institut est financé par le gouvernement fédéral et effectue des recherches sur les minorités de langue officielle, donc sur les francophones hors Québec et sur les anglophones au Québec.
J'ai accepté d'effectuer la recherche pour la Commission nationale des parents francophones. Je vous présente les grandes lignes de la recherche, puisque nous n'avons pas le temps d'aller dans les détails de l'étude.
Il faut comprendre que l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés fut une source d'espoir pour les communautés francophones et acadienne. Il leur donnait le droit à l'enseignement en français et leur reconnaissait des pouvoirs exclusifs de gestion.
L'étude réalisée ici nous montre qu'il y a beaucoup de parents qui ne se prévalent pas de ces droits. Pendant longtemps, le problème fut caractérisé par le manque d'accès à des écoles de langue française. Il y a eu d'énormes progrès depuis 1982, année de l'adoption de la Charte. Aujourd'hui, même s'il y a encore des problèmes d'accès, on peut dire que le problème est caractérisé par un manque de participation de la part de plusieurs parents.
Donc, aujourd'hui, nous avons peut-être moins un problème de revendication de droits et de services, bien que cette dimension du problème existe toujours, qu'un problème de stratégie de marketing social de l'école française. Il s'agit de montrer les bénéfices de cette école et d'inviter les parents à y participer davantage.
Je passe tout de suite aux principaux résultats sans m'attarder sur la méthodologie de l'étude. On constate une baisse de la clientèle scolaire cible. Chez les enfants de 5 à 17 ans, donc d'âge scolaire, depuis 1986, on a observé une baisse de 17 p. 100. Je vous fais grâce des chiffres. Chez les enfants de 0 à 4 ans, donc les enfants d'âge préscolaire qui pourront aller à l'école, la baisse a été de 27 p. 100. Ce sont les chiffres obtenus lors du recensement de 2001. Il y a ici un indice: le fait que la baisse soit plus forte chez les enfants d'âge préscolaire est un indice d'une baisse qui s'accentue avec le temps.
Ces baisses peuvent être attribuées à deux facteurs: un taux de fécondité très faible--on compte aujourd'hui, autant du côté anglophone que francophone, environ 1,6 enfant par famille comparativement à 5 à la fin des années 1950--, ainsi qu'un taux d'anglicisation assez élevé. Toutefois, on constate que la faible transmission du français aux enfants est particulièrement alarmante dans les familles exogames. Je définis tout de suite le terme «exogames». Les mariages exogames sont les mariages entre deux personnes de langue différente. Ici, on parle surtout d'un parent francophone et d'un parent anglophone. On verra que cela a un effet marquant sur la langue utilisée à la maison, même si les parents sont toujours des ayants droit.
La proportion d'enfants nés dans les familles exogames est croissante. En 1986, 53 p. 100 des enfants venaient de ces familles. Selon le recensement de 2001, il y en a maintenant 64 p. 100. Cela veut dire que, parmi tous les enfants qui peuvent aller à l'école française, 64 p. 100 sont issus de mariages mixtes ou exogames. Cela veut dire aussi qu'en 2001, seulement 3 enfants sur 10 ayant droit à l'école française avaient deux parents francophones.
Bien sûr, les résultats varient d'une province à l'autre. Je vous donne la moyenne nationale.
La forte proportion d'enfants nés de parents exogames a une forte incidence sur l'ensemble de la population d'enfants d'ayants droit. Regardons quelques statistiques. Au tableau 1, à titre d'exemple, je prends tous les enfants de 0 à 17 ans. Quatre-vingt-treize pour cent ont le français comme langue maternelle lorsque les deux parents sont francophones, alors que c'est le cas de 23 p. 100 de ceux dont un seul parent est francophone. On sait que 60 p. 100 des enfants ont un seul parent francophone. Or, à cause de la forte proportion d'enfants issus d'unions exogames, on voit que seulement 49 p. 100, ou 1 enfant sur 2, ont le français comme langue maternelle.
À la page suivante, on voit que 1 enfant d'ayants droit sur 2 possède le français comme langue maternelle, que 4 enfants sur 10 ont le français comme principale langue au foyer, que seulement 55 p. 100 des enfants emploient le français au moins régulièrement à la maison, et que seulement 63 p. 100 connaissent le français suffisamment pour soutenir une conversation.
º (1655)
Ainsi, on remarque que la clientèle cible des écoles de langue française risque de continuer à diminuer et qu'elle sera de plus en plus constituée d'enfants nés de parents exogames.
Avant d'aborder les recommandations, j'aimerais souligner un fait qu'il est très important de bien saisir: l'exogamie n'est pas une cause directe de l'assimilation linguistique. Cette dernière est due à la dynamique langagière choisie par les parents.
Ici, le message devient plus positif. En effet, dans les cas où les parents francophones parlent français à leurs enfants et que ces derniers sont scolarisés dans une école de langue française, en 12e année, les compétences et l'identité francophone de ces enfants sont les mêmes que celles des autres francophones. En outre, ils sont aussi forts en anglais que les anglophones. On peut donc en conclure que les enfants issus de foyers exogames sont à toutes fins pratiques les meilleurs bilingues que l'on puisse trouver au Canada. Ce fait est toutefois très peu connu des parents.
Lorsque, par le biais d'enquêtes, on demande à des parents ce qui serait à leur avis la meilleure situation possible pour leurs enfants, environ les deux tiers d'entre eux répondent que l'idéal serait qu'ils soient scolarisés à parts égales en français et en anglais. Or, ils semblent s'imaginer que l'école fait tout et qu'en scolarisant les enfants à parts égales en français et en anglais, elle leur permettra d'acquérir un excellent bilinguisme. Ils oublient complètement qu'il existe par ailleurs tout un contexte social qui a énormément d'influence sur la langue.
Les résultats démontrent que le meilleur bilinguisme qui soit est obtenu lorsque les enfants sont scolarisés dans une proportion de 80 p. 100 en français et de 20 p. 100 en anglais. Bien que ce bilinguisme soit de beaucoup supérieur à celui obtenu par le biais de l'immersion, par exemple, cette dernière est néanmoins le programme que choisissent bien souvent les parents exogames afin de faire un compromis entre les deux langues et les deux cultures.
Est-ce que l'exogamie est un fléau ou un potentiel caché pour la francophonie? Pour notre part, nous la voyons comme un potentiel caché. Il y a, au deuxième tableau, des statistiques que nous n'aurons probablement pas le temps de regarder en détail. Cependant, à titre d'exemple, on peut voir qu'au Manitoba, où se trouve 4 p. 100 de la population scolaire, il devrait y avoir, toutes choses étant égales, environ 4 p. 100 de la clientèle. Toutefois, à cause de l'assimilation et d'autres facteurs, il n'y a que 2,2 p. 100 de cette population dans les écoles françaises. Avec tous les ayants droit provenant de foyers exogames, le Manitoba a à cet égard un potentiel de 7,4 p. 100. Il s'agit là d'un potentiel immense.
Le potentiel caché se manifeste à tout le moins à quatre niveaux différents. Sur le plan de l'individu, qui aurait deux langues maternelles, on parlerait d'un haut degré de bilinguisme additif et d'une réussite identitaire. Au point de vue scolaire, il y aurait une augmentation des effectifs dans les écoles de langue française ainsi qu'une contribution à la masse critique d'élèves requise pour améliorer les services. Dans la communauté, les enfants de familles exogames ayant, comme on vient de le dire, une identité aussi francophone que celle des autres enfants et étant de plus aussi compétents qu'eux, ils pourraient contribuer à la survie de la communauté francophone autant que les enfants dont les deux parents sont francophones. Enfin, à l'échelle du pays, ce serait une façon de mieux réaliser les responsabilités en matière constitutionnelle, d'assurer l'égalité des deux langues et de promouvoir le développement des communautés minoritaires.
Je terminerai en vous faisant part d'une stratégie formée de trois composantes.
D'abord, on sensibiliserait les ayants droit et la population canadienne. Ainsi, par une campagne nationale, on ferait en sorte que les parents d'ayants droit connaissent leurs droits linguistiques. Je suis certain qu'à l'heure actuelle, si vous demandiez à des parents ce qu'est l'article 23, vous constateriez que beaucoup d'entre eux ne le savent pas. De cette façon, les parents comprendraient mieux les conditions du bilinguisme additif et les résultats positifs auxquels donne lieu l'enseignement dans une école de langue française. Cela pourrait être complété par une campagne de marketing sociocommunautaire par le biais de laquelle, dans chaque localité, les parents qui le voudraient pourraient entre autres obtenir de l'aide.
La deuxième composante, qui est interdépendante, nécessiterait que les parents connaissent les conditions d'un bon bilinguisme relié à l'école française. Cela consisterait en un service d'appui à la famille. Il s'agirait ici d'assurer que l'enfant socialise en français pendant toute la durée du préscolaire.
» (1700)
La stratégie proposée par la Commission nationale des parents francophones, celle de rattacher des centres de la petite enfance et de la famille aux structures scolaires existantes, serait peut-être un excellent moyen de s'assurer que les enfants soient socialisés et soient prêts à entrer à l'école française.
La troisième composante est une structure d'accueil affirmative et ouverte. Étant donné que la clientèle serait plus hétérogène, il faudrait qu'il y ait des stratégies de communication très claires pour que les parents comprennent qu'on s'occupe bien de leurs enfants et que la pédagogie du centre est de nature à promouvoir le plein développement de l'enfant dans toutes ses dimensions. Mais il faudrait qu'il y ait aussi une stratégie pour affirmer la mission de protéger et de promouvoir la langue française à cause de son statut minoritaire.
Tout cela pourrait se faire au moyen d'un partenariat de collaboration entre les gouvernements et les intervenants communautaires et scolaires. Pour que cela puisse réussir, il faudrait que la communauté francophone prenne en charge sa destinée et que le gouvernement fédéral reconnaisse ses responsabilités constitutionnelles.
Merci de votre attention.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci beaucoup, monsieur Landry. Nous allons passer aux questions des députés.
Monsieur Reid, vous avez sept minutes.
M. Scott Reid (Lanark—Carleton, PCC): Merci.
Vous avez dit que l'éducation dans un milieu francophone était préférable à l'immersion. Pourquoi? Est-ce tout simplement parce qu'en immersion, l'enseignement est en français alors que la socialisation est en anglais, l'anglais étant la langue des couloirs? Est-ce aussi simple que cela?
M. Rodrigue Landry: Oui. Soit dit en passant, je suis très content que vous me posiez cette question parce qu'elle me permet d'expliquer plus clairement les choses.
L'immersion est un excellent programme, mais c'est un programme de langue seconde pour des anglophones. J'ai testé des enfants en immersion partout au Canada. Ils ne se forgent pas une identité francophone. Ils se débrouillent assez bien en français. Ils ne se débrouillent pas aussi bien que les francophones, mais beaucoup mieux que ceux qui suivent les cours traditionnels de langue. Ils ne perdent pas leur compétence en anglais du fait qu'ils sont scolarisés en français.
Chez les francophones, en mettant l'accent sur la langue la plus faible, on développe davantage le français, bien que les enfants aient encore des difficultés en français, même plus qu'en anglais. Ils deviennent aussi très compétents en anglais parce qu'ils suivent souvent à l'école le même programme d'enseignement de l'anglais que les anglophones. L'anglais est partout dans leur milieu, à la télévision, etc. De plus, dans les familles exogames, ils parlent le plus souvent l'anglais à la maison.
Étant donné tous ces facteurs, pour que les enfant deviennent bilingues, il faut mettre l'accent sur la langue la plus faible. C'est ce qui donne les meilleurs résultats.
M. Scott Reid: Est-ce qu'on constate la même chose dans toutes les régions du Canada hors Québec? Dans le comté de Madawaska--Restigouche, au nord du Nouveau-Brunswick, le contexte dans lequel vivent les francophones n'est pas le même que celui dans lequel vivent ceux qui cherchent à avoir des écoles dans la région de Toronto, par exemple.
M. Rodrigue Landry: C'est une autre excellente question qui me permet de préciser une autre question de contexte.
Quand je parle d'une faible vitalité, je parle des régions à très forte proportion francophone. Je ne dis pas que les francophones de Caraquet et d'Edmundston, au Nouveau-Brunswick, deviennent d'excellents bilingues. Ils ont de la difficulté à apprendre l'anglais parce qu'ils vivent dans des régions très majoritairement francophones. Mais c'est différent en Nouvelle-Écosse, notamment, où on a fait une étude spécifique parce que la question des écoles françaises y était très controversée. On a démontré qu'ils avaient des résultats équivalents à ceux des anglophones en anglais et que ceux qui avaient été le plus scolarisés en français avaient les scores les plus élevés en français.
M. Scott Reid: De quelle région de la Nouvelle-Écosse parlez-vous?
M. Rodrigue Landry: Je parle de toutes les régions acadiennes et aussi de Halifax.
M. Scott Reid: Très bien.
M. Rodrigue Landry: Nous sommes allés dans toutes les écoles secondaires françaises de la Nouvelle-Écosse.
» (1705)
M. Scott Reid: C'est tout pour le moment. Merci.
M. Rodrigue Landry: Nous l'avons fait aussi dans toutes les provinces canadiennes.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci, monsieur Reid.
Monsieur Jobin.
M. Christian Jobin (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, Lib.): Monsieur Landry, vous savez que le gouvernement canadien a établi un plan d'action pour venir en aide aux minorités dans les différentes provinces. Trouvez-vous que ce plan d'action est suffisant pour aider, entre autres en matière de petite enfance avec Ressources humaines et Développement des compétences Canada? On avait prévu 22 millions de dollars. Est-ce qu'une partie de cette somme a déjà été utilisée? Est-ce suffisant et quel montant a été dépensé jusqu'à maintenant?
M. Rodrigue Landry: Je suis chercheur. Je ne suis pas dans le domaine de la politique.
Mme Murielle Gagné-Ouellette (directrice générale, Commission nationale des parents francophones): Le gouvernement, dans le cadre du plan fédéral sur les langues officielles, a affecté 22 millions de dollars à la petite enfance. C'est certainement un bon début. Il y a 3,8 millions de dollars pour le développement des capacités. La Commission nationale des parents francophones vient d'obtenir le financement d'un projet pour appuyer les fédérations de parents à développer leur capacité d'aller chercher du financement auprès des provinces, car on sait que cela est aussi de la compétence des provinces. Il y a 7,4 millions de dollars pour l'alphabétisation familiale. Cet argent va certainement aider à former des intervenantes et des intervenants en alphabétisation familiale qui pourraient certainement nous aider dans les centres de la petite enfance et de la famille.
Il y a aussi 10,8 millions de dollars pour la recherche appliquée. Nous siégeons à un comité consultatif qui aide les gens à faire cette recherche. Cette somme de 10,8 millions de dollars permettra à cinq garderies ou prématernelles du pays d'étudier les enfants.
Est-ce suffisant? Non, ce ne l'est pas. Le but de la Commission nationale des parents francophones est de mettre sur pied des centres de la petite enfance et de la famille dans chacune de nos écoles primaires. Nous en avons 400. Il y a certaines structures qui existent déjà dans nos provinces. Certaines de nos provinces ont des centres de ressources éducatives à l'enfance et d'autres ont des centres préscolaires ou des garderies, mais ce n'est pas assez. Pour qu'il y ait un impact, il faudra mettre à l'avant-plan les centres de la petite enfance et de la famille, les CPEF.
Nous avons travaillé avec le ministère de l'Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille du Québec, qui nous appuie énormément au niveau des ressources humaines et matérielles. Nous travaillons en étroite collaboration avec lui.
M. Christian Jobin: Si le montant de 22 millions de dollars ou les sommes que vous avez mentionnées ne suffisent pas, quel montant faudrait-il pour combler les demandes?
Mme Murielle Gagné-Ouellette: Lors de nos premières recherches, il y a déjà deux ans, nous estimions qu'une somme de 33 millions de dollars par année était nécessaire pour qu'il y ait des CPEF au plan pancanadien.
M. Christian Jobin: Présentement, combien avez-vous?
Mme Murielle Gagné-Ouellette: Nous n'avons pas grand-chose. Nous sommes vraiment à la merci des provinces. On sait aussi que le gouvernement fédéral avait signé une entente de contribution avec les provinces de 2,2 milliards de dollars dans le cadre de l'Initiative fédérale-provinciale-territoriale sur le développement de la petite enfance, qui appuie les provinces dans les dossiers de la petite enfance. Cependant, chez les francophones, on ne voit pas beaucoup de cet argent. Lorsque les provinces reçoivent cet argent, c'est malheureux, mais il y a tellement d'autres urgences au niveau des provinces que les francophones sont souvent oubliés. Donc, nous avons beaucoup de difficulté.
M. Christian Jobin: Si on pouvait augmenter ce budget, je pense qu'on pourrait protéger les jeunes francophones à la base, parce que tout commence à la garderie. Il arrive parfois qu'ils perdent leur français parce qu'ils sont dans un milieu anglophone.
Mme Murielle Gagné-Ouellette: Comme il n'y a pas de garderies françaises, les enfants vont dans des garderies anglaises et ne parlent pas français lorsqu'ils arrivent à l'école. Je n'ai rien contre les anglophones, mais si on veut que les enfants francophones partent sur un pied d'égalité et aient les mêmes chances de succès que les enfants de la majorité, ils doivent parler français au départ. On passe un, deux ou trois ans à franciser les enfants. Quand ils arrivent en première année et ne parlent pas français, il faut d'abord les franciser et leur dispenser l'enseignement plus tard.
M. Christian Jobin: Il faut en faire des francophones d'abord.
Mme Murielle Gagné-Ouellette: C'est malheureux, mais il s'agit de la survie de nos communautés. Il faut s'occuper des bébés en partant. Si on leur offre des centres de ressources, des centres de la petite enfance, les parents pourront avoir de la formation et seront encouragés à garder leur langue. Ils ont intérêt à le faire.
M. Christian Jobin: S'il y avait un endroit où il faudrait investir davantage pour protéger les minorités francophones, ce serait directement là.
Mme Ghislaine Pilon: Ce serait une très bonne chose, parce que ces enfants vont aller à l'école française.
» (1710)
M. Rodrigue Landry: Selon moi, si l'on respectait les trois composantes du plan, ce serait probablement la mesure qui aurait le plus d'impact sur la communauté francophone. Vous savez, à peine un enfant sur deux va à l'école française.
Il faut augmenter la proportion des jeunes qui pourront aller à l'école française dans le futur. La socialisation qu'ils subissent pendant 12 ans à l'école leur donne une identité francophone et leur fournit des compétences en français leur permettant d'apporter leur contribution par la suite. Autrement, on perd la moitié de notre population avant l'âge scolaire. Le gros problème de l'article 23 est qu'il s'applique à l'école publique. Par conséquent, on perd la moitié des jeunes avant l'entrée à l'école. Par la suite, on a des problèmes au niveau des études postsecondaires.
Je pense qu'il serait aussi très important de ne pas négliger la sensibilisation et la conscientisation. Je parle souvent dans mes conférences d'une jeune mère francophone qui se disait exogame et qui disait avoir longtemps ignoré qu'elle l'était. Pour elle, de toute façon, ce mot ne voulait rien dire. Quand elle a rencontré son conjoint, ils se sont parlé en anglais, parce que lui ne parlait pas français. Les enfants sont arrivés par la suite, et c'était plus facile de continuer en anglais. Pour dire vrai, ils ne s'étaient même pas posé la question. C'est ainsi que les jeunes ne sont pas sensibilisés. Ils ne savent pas que leur enfant perd son statut d'ayant droit à tout jamais. Ce sont des choses qu'ils ne savent pas.
Si les parents étaient plus conscientisés, ils seraient prêts à faire des efforts, à parler à leurs enfants en français et à les envoyer dans une garderie francophone. Ensuite, l'école prend le relais et fait son effet.
M. Christian Jobin: Au moment de la rédaction du plan d'action de M. Dion, qui a débloqué 751 millions de dollars, avez-vous fait des représentations?
Mme Murielle Gagné-Ouellette: La petite enfance n'était pas dans le radar du plan Dion avant que nous ne nous manifestions. M. Dion nous avait demandé de présenter notre plan.
M. Christian Jobin: Merci.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci, monsieur Jobin.
Monsieur Proulx, à vous la parole.
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président. Mesdames, monsieur, merci de venir nous rencontrer pour témoigner.
Monsieur Landry, je suppose que lorsqu'il est question de familles exogames, vous parlez surtout de familles composées d'un parent francophone et d'un parent anglophone.
M. Rodrigue Landry: C'est cela, une famille exogame.
M. Marcel Proulx: À la base, c'est cela. Il doit sûrement y avoir des situations où le français cohabite avec une autre langue que l'anglais. En Colombie-Britannique, cela pourrait être le chinois.
Y a-t-il alors des difficultés additionnelles, ou si c'est plus facile? Votre étude s'est-elle penché sur ce facteur?
M. Rodrigue Landry: Nous avons identifié d'autres enfants qui pourraient aller à l'école française. On trouve la liste dans le rapport.
Avant de parler de cela, j'aimerais répondre à votre question. Je ne connais pas d'études ayant analysé cet aspect particulier. Toutefois, il existe des statistiques. Dans un tel cas, le taux d'assimilation est presque aussi élevé que si le deuxième parent était anglophone. En d'autres mots, que le deuxième parent soit allophone ou anglophone, l'anglais devient la lingua franca. À moins que le deuxième parent allophone ne connaisse le français, les parents n'ont pas de langue commune pour communiquer. Par conséquent, l'anglais devient la langue commune et la langue de la famille.
D'autre part, le plan Dion lui-même fournit des statistiques. Il est intéressant de voir que lorsque le parent anglophone comprend le français, 70 p. 100 des enfants peuvent au moins converser en français, mais que seulement 30 p. 100 des enfants le peuvent si le parent anglophone ne comprend pas le français. Cela veut dire que le bilinguisme du parent a un impact positif. Néanmoins, on ne peut pas s'attendre à ce que tous les parents anglophones deviennent bilingues.
M. Marcel Proulx: Je comprends cela, mais vous aviez raison, un peu plus tôt, quand vous avez dit que cela dépendait beaucoup de la stratégie de la famille.
M. Rodrigue Landry: J'ai parlé de la dynamique familiale que les parents choisissent. La dynamique pourrait être beaucoup plus appliquée s'ils la connaissaient.
Comme je le disais, quand on demande aux parents quelle serait la meilleure solution, automatiquement, ils évoquent l'idée du 50-50. Ils ne pensent pas au contexte social. On dirait qu'ils n'en sont pas conscients. Je ne sais pas si c'est le bon endroit pour parler de cela, mais j'illustre souvent cela par une histoire qui mettait en scène mon père pendant la guerre. Il mangeait souvent de la soupe qui était à moitié constituée de viande de cheval et à moitié de viande de lapin. Il disait que c'était 50-50, un cheval et un lapin. On voit tout de suite l'image. Lorsque les parents disent que c'est 50-50, c'est un peu comme avoir un cheval et un lapin. L'anglais est tellement dominant en Amérique du Nord que la situation du 50-50 constitue une forme d'immersion. Cela a pour résultat une certaine connaissance du français, mais surtout une identité anglophone.
» (1715)
M. Marcel Proulx: À moins, comme vous le dites, que les parents aient décidé dès la première journée que les enfants...
Mme Ghislaine Pilon: Avant même à la naissance.
M. Rodrigue Landry: Oui. Lorsque les parents ont eux-mêmes été scolarisés en français et travaillent en français, il y a beaucoup plus de probabilités qu'ils envoient leurs enfants à l'école française.
M. Marcel Proulx: Merci.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci, monsieur Proulx.
Monsieur Drouin, s'il vous plaît.
L'hon. Claude Drouin (Beauce, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est à mon tour de vous souhaiter la bienvenue. Merci pour ce bel exposé qui nous permet de bien saisir la dynamique des familles francophones hors Québec. Je pense que c'est important.
Je me pose une question un peu bête. Vous avez parlé d'une campagne nationale. C'est primordial, selon moi, et c'est malheureux que les parents ne soient pas conscients de la richesse qu'auraient nos enfants s'ils étaient capables de s'exprimer dans les deux langues officielles.
J'ai pris conscience de cela quand je suis arrivé ici en 1997. Comme chez nous, en Beauce, les gens sont francophones à 99,7 p. 100, cela m'était assez difficile d'aller au restaurant ici et de demander ce que je voulais. Heureusement que je n'étais pas difficile pour ce qui est de la nourriture et que je pouvais dire «same thing». Toutefois, je me suis rendu compte que c'était un avantage et non pas un inconvénient que d'être capable de s'exprimer dans les deux langues officielles.
Comment pourrait-on articuler cette campagne nationale pour faire prendre conscience aux familles exogames de la chance qui s'offre à elles et de l'importance de donner cet héritage à leurs enfants? Il faut leur dire que c'est une occasion qui ne se représentera pas car, si on saute une génération, il est difficile de revenir.
Mme Ghislaine Pilon: D'après la loi, si on saute une génération, on perd son droit. Par exemple, les enfants des ayants droit d'aujourd'hui, qui ne sont pas allés à l'école française et qui ne parlent pas le français ont perdu leur droit d'envoyer leurs enfants à l'école française.
Nos communautés s'effritent plus rapidement avec cela. C'est important. Les autochtones sont autochtones à vie. Pour nous, les francophones, c'est fini. Certains de mes amis n'ont pas envoyé leurs enfants à l'école française et ces derniers ne parlent pas beaucoup le français, ou très peu. Leurs enfants à eux n'auront pas le droit de fréquenter l'école française.
Nos communautés s'effritent. Si 50 p. 100 de nos enfants ne sont pas dans nos écoles françaises, dans 20 ans, on n'aura plus d'écoles françaises.
L'hon. Claude Drouin: Je veux revenir à ma question. Comment pourrait-on articuler cette campagne nationale pour atteindre l'objectif que l'on vise, soit de sensibiliser les familles exogames?
Monsieur Landry, dans vos recherches, avez-vous songé à quelque chose de frappant? Il faut souvent quelque chose de frappant pour réveiller la population.
M. Rodrigue Landry: À mon avis, cela pourrait être aussi simple que le scénario qu'on voit à la télévision nationale. On connaît tous l'histoire de jeunes enfants qui demandent quelque chose à leurs parents et dont la mère dit: «Eh bien, si ton père est d'accord...». Donc, on verrait l'enfant parler en français avec sa mère--il faudrait peut-être qu'il y ait du sous-titrage pour que les gens puissent suivre l'histoire--, la mère lui dirait d'aller parler à son père et le dialogue avec le père se déroulerait en anglais. À ce moment-là, on pourrait ajouter: «Savez-vous que, si vous êtes dans une famille exogame, votre enfant peut être un excellent bilingue?» Il faudrait trouver un mot autre que «exogame» pour que tout le monde comprenne, mais ici on se comprend. Puis on ajouterait: «Pour plus de renseignements, veuillez communiquer, etc.»
Si on présentait cela au grand public, les gens commenceraient à en parler, comme cela s'est produit pour l'immersion qui était devenue pratiquement une mode, au point où même les francophones croyaient que ça allait être une solution miracle pour leurs enfants. Il ne faut pas oublier qu'en Alberta, par exemple, l'immersion était là avant les écoles françaises. Par conséquent, les parents pensaient que c'était la solution.
On s'est vite aperçu que l'immersion, bien qu'elle donne de meilleurs résultats que l'enseignement complètement en anglais, n'était pas la solution idéale. Même quand l'enseignement se fait en français 80 p. 100 du temps, cela ne suffit pas à donner à nos enfants la pleine compétence en français.
C'est donc une campagne qui va éveiller les gens. Les gens vont commencer à en parler et seront conscientisés. C'est à ce moment-là que le marketing sociocommunautaire entrera en jeu. On pourra commencer à aider les parents qui appelleront et à leur envoyer des renseignements.
Il existe d'excellents petits livres qui ont été écrits, par exemple, par le gouvernement de l'Alberta. Il y a un livre qui a été publié en français et en anglais. En anglais, il s'intitule: I’m With You! Exogamous Families’ Guide to the World of Francophone Education. Il donne tous les principes et résume les recherches démontrant les bienfaits pour les enfants, les difficultés qu'ils peuvent vivre, etc. Ce genre d'ouvrage permet de les sensibiliser.
Toutefois, les parents ne liront pas ces publications à moins que quelque chose ne les éveille. Si on veut vraiment avoir un impact massif, je suis convaincu qu'on ne peut pas le faire de un à un ou en passant de porte en porte. Il faut qu'il y ait une sensibilisation de la population canadienne en général, pas uniquement des parents francophones, pour commencer à mettre en oeuvre les conditions d'un bon bilinguisme.
» (1720)
L'hon. Claude Drouin: Je pense que c'est en effet une excellente idée. D'ailleurs, il serait bon de démontrer l'avantage que cela peut comporter pour l'avenir. On donnait comme exemple, lors de réunions antérieures, le fait qu'il est plus facile pour un francophone d'apprendre l'espagnol; il en va de même de l'allemand pour un anglophone. Si nos jeunes apprennent deux langues en bas âge, ils vont pouvoir en apprendre une troisième et même une quatrième. C'est une richesse. En outre, cela peut leur ouvrir des portes et donner lieu à de très importantes occasions en termes de carrière. À cet égard, on n'a qu'à penser à la fonction publique canadienne.
Un ou une jeune bilingue peut profiter de très intéressantes occasions d'emploi, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé. Dans l'actuel contexte de mondialisation, plus on parle de langues, meilleurs sont les avantages. Enfin, je pense qu'un travail important doit être fait et que nous devons unir nos efforts pour aider nos jeunes à profiter de cette richesse. Merci beaucoup.
Mme Murielle Gagné-Ouellette: Depuis 10 ans, nous faisons de la gestion scolaire à l'extérieur du Québec et nous n'avons jamais eu de vraie campagne de sensibilisation. Je pense qu'il est le temps qu'on le fasse. Une campagne de marketing sociocommunautaire pourrait à mon avis appuyer le développement non seulement de l'éducation, mais aussi de l'ensemble de la communauté.
L'hon. Claude Drouin: Merci.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci, monsieur Drouin.
Si vous me le permettez, je vais vous poser deux questions. Vous avez dit plus tôt que vous étiez un organisme national. Par contre, une grande partie de l'appui dont vous bénéficiez vient des provinces.
On sait que les provinces s'engagent à différents niveaux quand il s'agit de langues officielles, mais cela doit donner lieu à des incohérences. Comment composez-vous avec cette situation?
Mme Murielle Gagné-Ouellette: Très difficilement. Il est certain que dans les neuf provinces et les trois territoires, des fédérations et des comités de parents accomplissent du travail. Dans certains cas, la collaboration avec leur gouvernement provincial est très bonne, tandis que dans d'autres, les gouvernements ne veulent même pas s'asseoir pour discuter avec les francophones. Il est donc très difficile de composer avec cette situation à l'échelle pancanadienne. En revanche, nous venons de conclure une entente concernant un projet qui va nous permettre de fournir des statistiques et des présentations à nos fédérations. Nous pourrons par le fait même faire avancer nos dossiers. Nous espérons que les gouvernements provinciaux seront en mesure d'avancer.
Par le biais de l'Initiative sur le développement de la petite enfance, le gouvernement fédéral a remis aux provinces 2,2 milliards de dollars sur cinq ans. Pour notre part, nous demandons que dans de tels cas, une certaine partie des fonds soit consentie aux francophones. On sait que les provinces ont toutes sortes de priorités et que ces dernières sont justifiées. Il n'en demeure pas moins qu'en tant que francophones, nous ne recevons bien souvent que la dernière goutte.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci.
Avez-vous des employés sur le terrain? Est-ce que ce sont des bénévoles qui travaillent pour vous? Avez-vous des ententes avec des groupes comme la Division scolaire franco-manitobaine? Plusieurs des écoles ont des garderies. Or, j'essaie de comprendre si les centres de la petite enfance sont équivalents à des garderies ou s'ils y sont ajoutés. Pourriez-vous simplement nous expliquer un peu comment cela fonctionne?
Mme Murielle Gagné-Ouellette: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est des employés, je vais d'abord préciser qu'il arrive souvent que les fédérations n'en aient qu'un ou deux, selon la façon dont les communautés sont organisées. On compte beaucoup sur le bénévolat, et les parents en font énormément. En fait, nous sommes en train de calculer le nombre d'heures consacrées à ce genre de travail. Dans bien des cas, du fait qu'ils ont dû voir à la gestion scolaire, les parents sont épuisés.
Les conseils scolaires, bien sûr, nous appuient. Ce que nous faisons les aide en matière de recrutement. Ainsi, lorsque des locaux sont disponibles dans l'école, ils nous les accordent gratuitement. C'est cette forme d'appui qu'ils nous offrent. Dans toutes les provinces, ils sont des partenaires clés. En outre, ils revendiquent le dossier de la petite enfance, qui représente la continuité de notre communauté et des écoles francophones.
» (1725)
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci.
Nous passons au deuxième tour. Monsieur Reid.
M. Scott Reid: Merci.
J'aimerais poser une autre question technique. Est-ce que l'environnement particulier à une école plus grande constitue un avantage pour la rétention de la langue française? Je crois que dans une petite école, il est difficile d'avoir des équipes sportives et des programmes parascolaires. Je n'en suis pas certain, mais est-ce qu'on constate ce problème dans les petites écoles?
M. Rodrigue Landry: C'est sûrement un problème. Nous n'en avons pas parlé, mais l'étude le mentionne peut-être. Pour ma part, je parle de ce problème dans d'autres écrits.
Le premier problème est qu'on a de la difficulté à aller chercher les enfants pour les amener à l'école française et le deuxième est de les y retenir. Les statistiques démontrent qu'on perd encore un certain nombre d'enfants, surtout après la huitième année, à leur passage à l'école secondaire. Certains parents trouvent qu'il n'y a pas assez de choix à l'école française. Par exemple, le jeune est un excellent joueur de hockey et veut faire partie de l'équipe d'une école. La seule façon de le faire est d'aller à l'école anglaise. Il y a toutes sortes de scénarios qui sont vécus, qui sont parfois très difficiles et même déchirants. J'ai parlé à des parents qui sont pris entre leur identité et ce que leur enfant voudrait vivre. Les décisions ne sont pas faciles.
Vous touchez à un autre point qui est très délicat. Cependant, il pourrait y avoir des ententes par lesquelles le jeune francophone pourrait continuer à étudier en français tout en jouant dans l'équipe d'une école anglaise de son voisinage. Il y a peut-être des choses comme celle-là qui pourraient s'organiser. Mais surtout, il faut convaincre les parents que, si l'enfant veut vraiment garder les deux langues et les deux cultures, c'est en allant l'école française qu'il aura le meilleur résultat.
M. Scott Reid: Il y a des écoles où il y a uniquement des étudiants francophones et des classes d'immersion où presque tous les étudiants sont anglophones ou allophones, je crois. Existe-t-il des écoles ou des classes où il y a des proportions différentes d'élèves qui se situent entre les deux extrêmes? Quels sont les résultats dans de telles écoles ou classes en termes de la capacité des étudiants de parler la langue française?
M. Rodrigue Landry: Parlez-vous des écoles d'immersion?
M. Scott Reid: Il y a des classes d'immersion...
M. Rodrigue Landry: Mais les classes d'immersion sont...
M. Scott Reid: ...où presque tous les étudiants sont des non-francophones, je pense.
M. Rodrigue Landry: Si vous allez à Moncton, par exemple, vous verrez beaucoup de Leblanc, d'Arsenault et de Cormier qui sont dans des classes d'immersion. Les parents de mariages mixtes choisissent souvent le compromis de l'immersion. Ils choisissent le système anglais, mais ils essaient quand même de valoriser le français au moyen de l'immersion. C'est le compromis qu'ils choisissent.
Malheureusement, il n'y a aucune façon d'avoir les statistiques à cet égard. Les conseils scolaires ne nous donnent pas les statistiques et ne gardent aucune donnée sur la langue maternelle. Il n'y a qu'au Québec qu'on peut avoir des statistiques fiables sur les personnes de différentes langues maternelles qui fréquentent le système anglophone et le système francophone. Pour les francophones hors Québec, on n'a pas de données fiables.
J'ai visité beaucoup d'écoles et je peux vous dire à peu près ce qui est vécu dans une classe d'immersion. J'en parle d'ailleurs dans mes résultats de recherche. En immersion, on parle français pendant la classe, mais dès que la cloche sonne, on parle anglais. Ce n'est pas une langue vivante pour eux. Ils apprennent le français un peu comme j'apprenais le latin quand j'étais au collège classique. J'ai fait cinq ans de latin, mais je ne parlais pas latin pendant la récréation. Pour eux, ce n'est pas une langue importante. On dirait qu'ils ne voient pas l'importance de continuer à parler le français. Et le contexte anglophone dans lequel ils vivent ne les aide pas.
Malheureusement, même dans nos écoles françaises, il y a beaucoup de jeunes qui se parlent anglais entre eux, mais il reste que l'ambiance est quand même généralement beaucoup plus francophone. Parce qu'on est dans un contexte francophone, on peut travailler à leur identité, à leur choix, etc.
» (1730)
M. Scott Reid: Merci.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci beaucoup, monsieur Reid.
S'il n'y a pas de questions de ce côté-là, je vais en poser une dernière.
Je sais que dans les communautés minoritaires, on se fie beaucoup à l'immigration pour augmenter les nombres et même la qualité du français. Pouvez-vous me dire si l'immigration a eu un impact dans les provinces dont vous traitez?
M. Rodrigue Landry: J'ai des statistiques là-dessus et je vous les donne de mémoire. Je sais qu'en règle générale, il y a sûrement là un potentiel. Je pense que le gouvernement fédéral a récemment modifié sa loi et que cela favorise un peu plus la venue d'immigrants francophones dans les régions francophones, mais je ne saurais vous dire si cela a eu un impact jusqu'à maintenant. En règle générale, même en incluant le Québec, au Canada, il y a 40 p. 100 d'assimilation des allophones vers l'anglais contre 3 p. 100 vers le français. Même au Québec, il y a 22 p. 100 d'assimilation vers l'anglais contre 20 p. 100 vers le français. Donc, même au Québec, où seulement 8 p. 100 de la population est anglophone, les allophones s'assimilent autant, et même un peu plus, vers l'anglais que vers le français. On ne blâme pas les gouvernements pour cela, car c'est le phénomène de l'attraction générale de l'anglais en Amérique du Nord. C'est même un phénomène mondial, d'après certains chercheurs. Il y a un chercheur qui parle de l'impérialisme de la langue anglaise sur le plan mondial. Ce mouvement est très fort, et la lutte contre ce géant n'est pas toujours facile.
Le vice-président (M. Raymond Simard): Merci beaucoup.
Au nom du comité, je vous remercie pour votre excellente présentation. Nous sommes conscients des défis auxquels vous faites face et vous remercions pour l'excellent travail que vous faites. Merci beaucoup.
La séance est levée.