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CC32 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-32


NUMÉRO 018 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 10 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Français]

    Bonjour à tous et bienvenue à la 18e séance du Comité législatif responsable de l'étude du projet de loi C-32.
    Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 5 novembre 2010, nous allons poursuivre aujourd'hui l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
    En première heure, par vidéoconférence, de Dubaï, nous avons avec nous Mme Margaret Atwood, écrivaine. Elle témoigne à titre personnel.
    J'espère que vous nous entendez bien.

[Traduction]

    Je vous entends très bien, mais je ne vous vois pas.
    Je vais vous céder la parole dans deux minutes.

[Français]

    Nous avons aussi avec nous, de CMRRA-SODRAC inc., M. David Basskin, président; M. Alain Lauzon, vice-président; M. Casey Chisick, avocat-conseil; et M. Martin Lavallée, avocat-conseil.
    Bonjour et bienvenue.
    Nous avons aussi, des Artists' Legal Advice Services, Mme Marian Hebb.
    Bonjour, je suis enchanté.

[Traduction]

    Nous allons commencer par vous, madame Atwood, qui êtes actuellement à Dubaï. Vous aurez cinq minutes pour faire votre déclaration d’ouverture, tout comme les autres témoins qui suivront. Lorsque tous auront fait leur déclaration d’ouverture, les membres du comité pourront poser leurs questions.
    Madame Atwood, vous avez la parole pour cinq minutes. Merci beaucoup d’avoir accepté de participer à cette réunion à partir de Dubaï.

[Français]

    Merci beaucoup, bonsoir.

[Traduction]

    Merci de m’avoir invitée.
    Je m’adresse au comité en tant qu’auteure qui travaille dans le milieu de l’édition depuis les années 1960, à la fois comme écrivaine et comme éditrice, et qui vit de l’écriture — droits et redevances — depuis le début des années 1970.
    Je fais partie des 10 p. 100 d’auteurs nord-américains qui vivent de leur métier. Souvent, même ces auteurs touchent un revenu peu élevé. Pour eux, perdre 1 000 $, c'est considérable.
    Un écrivain qui détient un poste à traitement annuel dans une université peut avoir une opinion différente. Je permets fréquemment à d’autres d’utiliser gratuitement mes textes. Mais ça, c’est mon choix.
    Premièrement, je ne parlerai que de l’ajout de l’utilisation équitable à des fins d’éducation, peu importe son interprétation.
    Deuxièmement, je suis favorable aux frais de scolarité moins élevés. Mais si cela constitue un bien collectif, tout le monde devrait y contribuer, pas seulement les auteurs.
    Troisièmement, retirer les droits d’auteurs à leurs propriétaires à des fins d’éducation, sans verser à ces derniers une indemnisation et sans leur donner le choix, ne constituerait pas une utilisation équitable. Ce ne serait pas un marché équitable. Ce ne serait pas équitable — pourquoi viser uniquement les auteurs? —, pas plus que ce ne serait un marché, puisqu’un marché nécessite la participation de deux parties.
    Quatrièmement, un droit d’auteur, c’est une propriété; il peut nous appartenir et on peut le vendre, le céder et en hériter. Il n’y a que quatre façons de retirer sans consentement le droit d’auteur à son propriétaire: le vol; l’expropriation, processus qui, cependant, inclut un paiement quelconque; la confiscation, comme dans le cas de criminels; et la réquisition, comme en temps de guerre.
    S’il s’agit, dans ce cas-ci, de la confiscation du droit d’auteur, quel crime l’auteur a-t-il commis? Si c’est une réquisition, quelle guerre menons-nous? Si c’est un vol, ceux qui l’autorisent devraient être accusés. S’il s’agit d’une expropriation pour le bien collectif, comme dans le cas des terres, des autoroutes, etc., alors le public devrait payer le droit d’auteur.
    Cinquièmement, on nous assure que les auteurs seront indemnisés. Comment? Aucun mécanisme n’a été proposé, et nous n’avons aucun autre recours que les tribunaux si nous sommes traités injustement. Comme je l’ai mentionné, le revenu de certains auteurs est peu élevé. Ils n’auraient donc pas les moyens d’intenter une poursuite, alors que les établissements d’enseignement, qui eux sont largement financés par les fonds publics, ont les moyens de se défendre en justice.
    Sixièmement, et c’est mon dernier point, si le gouvernement peut s’approprier ainsi les droits d’auteurs, sans le consentement du propriétaire des droits et sans lui verser d’indemnité, qu’elle sera sa prochaine cible?
    Merci.

[Français]

    Je vais maintenant donner la parole aux représentants de CMRRA-SODRAC inc.
    Je ne sais pas qui va commencer.
    Monsieur Lauzon? Non.
    Monsieur Basskin, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Je m’appelle David Basskin et je suis le président de CMRRA-SODRAC inc. Je suis accompagné d’Alain Lauzon, le vice-président de CSI et de nos avocats, Me Casey Chisick et Me Martin Lavallée.
    CSI représente les droits de reproduction d’oeuvres musicales — les chansons. Aujourd’hui, les diffuseurs, dont les entreprises de radiodiffusion, Radio-Canada, les services sonores payants et la radio satellite, payent CSI lorsqu’ils reproduisent des oeuvres de notre répertoire.
    Depuis 1997, la loi oblige les utilisateurs à faire de tels versements lorsqu’une licence générale existe. Un seul versement leur donne accès aux millions d’oeuvres de notre répertoire.
    Les radiodiffuseurs payent CSI conformément à des ententes négociées ou à des tarifs homologués par la Commission du droit d’auteur. En 2009-2010, ils ont ainsi versé 17,6 millions de dollars à CSI.
    Les radiodiffuseurs commerciaux vous demandent de nous dépouiller de nos droits. Pour quel motif? Ils vous diront que les copies qu’ils font n’ont aucune valeur. C’est absurde. La preuve d’experts, acceptée par la Commission du droit d’auteur, documente largement les avantages que leur procurent ces copies. Grâce au préenregistrement vocal, les diffuseurs peuvent produire un programme de quatre heures en 20 ou 30 minutes. Et ce n’est qu’un exemple.
    Ils vous diront qu’il est déraisonnable et non viable de continuer de payer 0,7 p. 100 de leur revenu pour le droit de reproduire des oeuvres musicales. Déraisonnable? Ils versent 5,7 p. 100 de leurs revenus à toutes les sociétés de gestion pour la musique qui constitue jusqu’à 80 p. 100 de leur programmation. Non viable? Lorsque le tarif de radio commercial a été introduit, la marge de profits moyenne de l’industrie avant impôt était de 10 p. 100. En 2009, au coeur de la récession, elle était de 21,2 p. 100.
    Mais il y a plus: pour les diffuseurs, c’est deux poids, deux mesures. Ils accordent des droits de reproduction sur leur programmation à des entreprises de veille médiatique. La commission leur a accordé une redevance de 10 p. 100. Pour la période de 2011 à 2013, ils veulent une augmentation de 40 p. 100 pour faire passer la redevance à 14 p. 100, soit dix fois plus que le 1,4 p. 100 qu’ils versent pour reproduire la musique — 0,7 p. 100 pour les chansons et 0,7 p. 100 pour leurs enregistrements.
    Aucune exception similaire n’est prévue pour les droits de reproduction des radiodiffuseurs canadiens.
    Même si les droits de reproduction mécanique demeuraient inchangés, d’autres dispositions du projet de loi C-32 portent atteinte aux droits de nos membres. Alain Lauzon vous en parlera.
(1110)

[Français]

    La modernisation de la Loi sur le droit d'auteur se doit de créer un environnement stable, qui favorise l'innovation, sans retirer aux créateurs des sources de redevances existantes ou potentielles.
    La loi actuelle est déjà technologiquement neutre, et on ne doit pas remettre ce principe en question. En effet, une reproduction aujourd'hui doit demeurer une reproduction au fur et à mesure qu'évoluent les technologies.
    Pour déterminer la valeur des différentes reproductions, les tribunaux ont appliqué à ce jour un éventail de valeurs économiques établies en fonction de l'utilité des copies et de l'efficacité qu'elles procurent aux divers utilisateurs. Or le projet de loi C-32 crée de nombreuses exceptions qui éliminent des redevances.
     Spécifiquement, l'article 32 du projet de loi, qui permet les reproductions technologiques, doit être retiré. Au minimum, le texte doit être vu, afin de s'assurer qu'il couvre uniquement les reproductions transitoires et sans valeur réelle. Sinon, la notion subjective de faciliter une utilisation va amener certains radiodiffuseurs à penser que les reproductions pour lesquelles ils paient deviendront gratuites.
    L'article 22 du projet de loi, qui permet de multiples copies de sauvegarde, doit être revu. Pourquoi permettre les copies en plusieurs exemplaires alors qu'une seule suffit?
    De plus, ce même article 22 permettrait à des intermédiaires commerciaux comme YouTube de continuer d'établir des modèles d'affaires rentables en distribuant des contenus non commerciaux générés par les utilisateurs, et ce, sans rémunération pour les titulaires de droits.
    Une des solutions proposées dans notre mémoire est de permettre à ces intermédiaires de reproduire les oeuvres existantes à la condition d'obtenir une licence auprès d'une société de gestion collective.
    Par ailleurs, une solution simple, afin de corriger le présent projet de loi, est justement de prévoir que les exceptions que crée ce dernier s'appliqueront uniquement si une société de gestion n'est pas en mesure d'émettre une licence.
    En effet, le système de gestion collective est déjà en place depuis plusieurs années et n'a pas entraîné d'effondrement du marché. La gestion collective constitue la meilleure solution pour obtenir un équilibre qui favoriserait l'innovation tout en assurant une rémunération des titulaires de droits.
    Nous vous remercions de votre attention.
    Merci, monsieur Lauzon.
    Je donne maintenant la parole à la représentante des Artists' Legal Advice Services, Mme Marian Hebb, qui est membre du conseil d'administration et coprésidente sortante.
    Vous avez la parole, madame.

[Traduction]

    Artists’ Legal Advice Services est un organisme qui offre gratuitement des conseils juridiques sommaires aux artistes de tous les domaines: musiciens, artistes des arts visuels, écrivains, acteurs et danseurs. Nous sommes donc bien placés pour savoir que les artistes ont de la difficulté à vivre de leur métier.
    Le préambule du projet de loi C-32 mentionne deux objectifs — à la fois compatibles et incompatibles — qui sont dans l’intérêt public: permettre à ceux qui bénéficient de droits d’auteurs d’obtenir une reconnaissance et une rémunération et d’avoir la faculté d’exercer leurs droits; et faciliter aux utilisateurs l’accès aux oeuvres protégées par le droit d’auteur.
    Nous voulons tous pouvoir utiliser facilement les oeuvres protégées par le droit d’auteur. Cela serait possible, soit en vertu d’une gestion collective de ces oeuvres, soit en vertu d’exceptions légales. Les deux offrent la même facilité d’accès au consommateur, sauf que la gestion collective permet aux créateurs de recevoir une rémunération, soit négociée avec l’utilisateur, soit fixée par la Commission du droit d’auteur.
    Des sociétés de gestion dirigées par des propriétaires de droits d’auteurs administrent collectivement les licences ou les tarifs, ce qui remplace les multiples opérations de faible valeur qui seraient autrement conclues entre les propriétaires de droits d’auteur et les utilisateurs. D’ailleurs, il est souvent impossible aux créateurs de négocier des licences individuelles pour l’usage secondaire de leurs oeuvres.
    La plupart des créateurs indépendants gagnent moins de 20 000 $ par année grâce à leurs oeuvres. Ils sont nombreux à toucher beaucoup moins, alors que peu gagnent considérablement plus. Si l’on restreint davantage les droits des créateurs par de nouvelles exceptions, il leur sera plus difficile de vivre de leur métier. ALAS croit que les exceptions légales devraient être envisagées uniquement lorsque des licences individuelles ne peuvent être accordées ou que l’option de la gestion collective n’est pas possible.
    Nous vivons à une époque de changements technologiques rapides. La loi sur les droits d’auteur devrait être imperméable aux fluctuations du marché et ne devrait consentir aucune exception qui empêche les créateurs de gagner leur vie avec leurs nouveaux ou leurs prochains modèles d’affaires. Le préambule du projet de loi C-32 qualifie la Loi sur le droit d’auteur de loi-cadre importante du marché touchant de nombreux secteurs de l’économie du savoir au moyen de règles claires, prévisibles et équitables
    Mise à part la question de l’équité, il est difficile de comprendre comment les exceptions proposées peuvent être considérées comme étant claires ou comment leur résultat peut être prévisible. Par exemple, le projet de loi ne dit pas aux consommateurs ou aux détenteurs de droits d’auteur s’il y a un le lien possible entre la nouvelle exception concernant l’utilisation équitable d’oeuvres à des fins d’éducation et celle qui existe déjà, ou même s’il y a un lien entre les deux. Personne ne saura ce que l’on entend par utilisation équitable à des fins d’éducation tant que les tribunaux n’auront pas tranché.
    Nous savons, par contre, que les économies en éducation se traduiront pas une baisse des revenus des créateurs. La Loi sur le droit d’auteur consent d’autres exceptions, mais le projet de loi C-32 propose de les modifier, au détriment des créateurs, car elle éliminerait ou réduirait la capacité des sociétés de gestion de négocier des licences d’utilisation avec les écoles et les établissements postsecondaires.
    Prenons, par exemple, la disposition du projet de loi C-32 qui propose une nouvelle version de l’exception concernant les prêts interbibliothèques. Cette exception permettrait à une seule bibliothèque d’envoyer une copie numérique d’un document protégé par droit d’auteur — que ce soit, à l’origine, un document imprimé ou électronique —, à chaque étudiant ou à chaque client au pays qui en fait la demande par l’entremise de son école, de son université ou de la bibliothèque de son quartier. Les créateurs seront parmi les plus grands utilisateurs de ce service. Mais, à la suite de la modification d’autres dispositions de la Loi sur le droit d’auteur, on devrait donner une occasion raisonnable aux sociétés de gestion des créateurs, elles qui accordent actuellement les licences de photocopie aux bibliothèques, d’accorder des licences de distribution d’oeuvres par voie électronique.
    L’exception concernant le contenu non commercial généré par l’utilisateur, que l’on appelle aussi la fusion, est une initiative courageuse qui tient compte de la nouvelle réalité et du comportement du consommateur: on permettrait à ce dernier d’utiliser des oeuvres déjà existantes pour en créer de nouvelles. Mais il faut adopter des restrictions plus strictes afin que toute exception concernant le contenu généré par l’utilisateur soit équitable pour les auteurs originaux. Toute oeuvre créée à partir d’oeuvres d’autres auteurs — souvent, des présentations d’artistes — ne devrait pas être publiée sans la permission de l'auteur original ou sans lui avoir payé un droit au préalable. Les sociétés de gestion devraient imposer, au nom des créateurs, des redevances aux diffuseurs Internet, comme YouTube, un site qui est riche en publicités et qui appartient à Google.
    Une autre exception d’une immense portée permettra à quiconque de reproduire une oeuvre à des fins personnelles sans avoir à verser de droits à l’auteur ou à l’artiste, sous réserve de certaines restrictions, mais sans être assujetti aux règles claires, prévisibles et équitables promises dans le préambule du projet de loi. Donc, les auteurs touchés devront recourir aux tribunaux pour déterminer ce qui constitue une utilisation à des fins personnelles. Les serrures numériques ne constituent pas une solution de rechange acceptable à une loi claire.
    La plupart des créateurs s’opposent aux serrures numériques. Ils veulent que les utilisateurs puissent avoir libre accès à leurs oeuvres, mais pas gratuitement. Il existe un modèle de gestion collective pour la copie privée de musique, mais celui-ci a sérieusement besoin d’être adapté pour tenir compte de l’environnement numérique.
(1115)
    Toutes les exceptions que j’ai mentionnées ont pour but d’exempter l’utilisateur de l’obligation d’acquérir une licence ou de verser un droit d’utilisation. Les sociétés de gestion administrent déjà l’acquisition de licences et les droits d’utilisation. Elles pourraient continuer de le faire sous la surveillance de la Commission du droit d’auteur.
    Le droit d’auteur constitue la base des modèles d’affaires des créateurs et la base économique pour l’industrie des arts dans son ensemble. La gestion collective des droits secondaires joue un rôle essentiel, surtout dans le secteur du numérique. Si vous enlevez aux créateurs leurs droits d’auteur, le nombre de copies va augmenter et le nombre de licences d’utilisation des oeuvres canadiennes va diminuer. Les artistes et les autres travailleurs du secteur culturel auront de la difficulté à vivre de leur métier, car certains marchés vont rétrécir et des emplois vont disparaître. Inévitablement, il y aura moins de produits canadiens pour les consommateurs.
    Merci.

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Pablo Rodriguez, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Welcome. On a peu de temps, je vais donc y aller d'une série de questions.
    Monsieur Lauzon, vous avez mentionné que des exemptions ne devraient pas exister si une licence est disponible de la part d'une société de gestion. Vous avez dit quelque chose comme ça.
    Pourriez-vous donner un peu plus de détails à ce propos?
    Certainement. Il y a des principes selon lesquels les créateurs doivent recevoir une compensation pour l'utilisation qu'on fait de leurs oeuvres.
    La loi veut également apporter un équilibre entre la compensation aux titulaires de droits et l'accès du public aux oeuvres. Les exceptions ne sont pas la seule voie pour l'accès des oeuvres au public.
    Je cède la parole à Casey pour qu'il explique un peu les détails entourant cette question.
(1120)
    Oui.
    Si vous pouviez le faire rapidement, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Il est important de comprendre que le but des exceptions aux violations des droits d’auteur est de prévenir les situations où l’accès raisonnable aux oeuvres serait autrement impossible ou compromis. Mais il y a plusieurs façons d’y arriver.
    CSI est d’avis qu'il faut privilégier, le cas échéant, les façons de conjuguer accès aux oeuvres et rémunération sans retirer aux créateurs le droit de toucher une rémunération. Selon nous, les licences collectives constituent la meilleure option, car elles offrent aux utilisateurs, après un effort et un délai raisonnables, un accès à un prix lui aussi raisonnable et réglementé. Ce principe est déjà consacré dans la Loi sur le droit d’auteur, tant à l’égard des exceptions fédérales concernant les enregistrements, dont nous avons discuté aujourd’hui, que des nombreuses exceptions relatives aux établissements d’enseignement, qui ne sont pas applicables si l’oeuvre est disponible sur le marché.
    Nous proposons la même chose concernant les nouvelles exceptions dans le projet de loi C-32.
    Merci. Thank you.
    Monsieur Basskin, vous ne me semblez pas favorable au projet de loi. Celui-ci procure-t-il des avantages aux créateurs de l’industrie musicale?
    Certainement. Sur la question des mesures techniques de protection, les GDN, nous sommes heureux de voir que le Canada est sur le point de se conformer aux traités de l’OMPI. Mais pour être honnête avec vous, concrètement, la gestion des droits numériques a peu d’importance dans l’industrie musicale, car pratiquement aucune oeuvre musicale aujourd’hui n’est protégée par ces droits, quoique cela pourrait changer. Ce serait une bonne idée de les protéger
    Sincèrement, le peu de bien que pourrait apporter ce projet de loi à cet égard est largement éclipsé par la portée des exemptions, et pas seulement celles qui s’attaquent aux revenus essentiels des auteurs-compositeurs et des producteurs en vertu de l’exception pour la reproduction éphémère, mais aussi toutes les autres qui écartent les indemnisations et permettent l’utilisation des oeuvres.
    Nous sommes tous favorables à l’utilisation des oeuvres, et c’est la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous voulons que les consommateurs y aient accès, mais ce projet de loi éliminerait l’indemnisation des auteurs. À notre avis, c’est injuste. Cette mesure législative offre très peu aux artistes de notre industrie.
    Le projet de loi, dans sa forme actuelle, serait néfaste aux créateurs de l’industrie musicale.
    Somme toute, je dirais que oui.
    Est-ce l’opinion de la plupart d’entre vous?
    Oui, et il est important de noter que les dispositions visant à combattre le piratage, notamment celle sur les fournisseurs Internet, sont inutiles, car elles sont totalement impuissantes en raison des limites fixées par la loi au chapitre des dommages-intérêts. Donc, si les créateurs d’oeuvres musicales voulaient poursuivre ceux qui se livrent au piratage — ce qu’ils ne veulent pas faire —, ce projet de loi ne leur donne aucun outil à cette fin, car les frais seraient trop élevés comparativement aux bénéfices qu’une telle poursuite pourrait leur procurer.

[Français]

     La semaine passée, les radiodiffuseurs étaient ici, et je leur ai posé la question au sujet de la valeur de la copie. Je voulais savoir si la copie qu'ils faisaient pour ensuite pouvoir la faire jouer avait une valeur, et je n'ai pas vraiment eu de réponse. Cette copie a-t-elle une valeur?
    Certainement que les copies d'oeuvres musicales ont une valeur. La Commission du droit d'auteur du Canada a déterminé, lors de nos audiences auprès d'elle, que les radiodiffuseurs réalisaient de grandes économiques parce qu'ils reproduisaient nos oeuvres.
    Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, la Commission du droit d'auteur a reconnu la valeur de ces copies, tant du point de vue de l'utilité que de l'efficacité. Elle a donc reconnu une valeur par rapport aux économies réalisées par les radiodiffuseurs et en raison desquelles, selon la théorie de l'économie, les auteurs, les compositeurs et les éditeurs doivent recevoir une compensation. Alors, il y a effectivement une valeur.

[Traduction]

    Avez-vous quelque chose à ajouter? Non? D’accord.
    On nous a dit que, dans la plupart des pays développés, les diffuseurs n’ont pas à payer pour obtenir ce droit. Est-ce exact?
    Non. Notre mémoire fournit des renseignements précis à ce sujet. Nous avons constaté que, dans le pays de la plupart des principaux partenaires commerciaux du Canada, les diffuseurs sont tenus de payer pour obtenir le droit de reproduire une oeuvre — ou on peut leur imposer de payer pour ce droit, puisqu’il n’y a pas d’exception légale d’établie. Je n’entrerai pas dans les détails, mais je me contenterai de dire que, dans la plupart de ces pays, il n’y a aucune exception ou, s’il y en a, elles sont plus restreintes que celles que l’on retrouve aux Canada. Donc, les diffuseurs dans ces pays payent la même chose ou plus que les diffuseurs canadiens pour avoir le droit de reproduire des oeuvres.
(1125)

[Français]

    Ils nous disent qu'une grande partie de cet argent va à d'autres pays que le Canada — on a eu un débat à ce propos. Avez-vous un commentaire à formuler à ce sujet?
    Pour les sociétés que nous représentons, nous recevons des droits de reproduction qui sont perçus pour notre répertoire dans les pays européens, en Amérique du Sud, etc. Et, bien sûr, pour ce qui est des radios commerciales par exemple, lorsque nous répartissons les droits que nous percevons, nous donnons des droits, l'équivalence, aux sociétés étrangères.
    C'est basé sur le répertoire que nous possédons, mais je peux vous assurer que les droits que, pour notre part, nous recevons de l'étranger sont supérieurs à ceux que nous envoyons à l'étranger.

[Traduction]

    Vous avez quelque chose à ajouter?
    Merci.

[Français]

    Madame Lavallée, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président. J'aurais d'abord une question à poser à Mme Atwood.
    Madame Atwood, m'entendez-vous bien?

[Traduction]

    Oui, je vous entends.

[Français]

    Avez-vous la traduction simultanée?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    D'abord, je voudrais vous remercier de témoigner au Comité législatif responsable d'étudier le projet de loi C-32.
    Vous avez parlé plus tôt de confiscation de droits d'auteur. Ces messieurs de CSI ont dit que le projet de loi C-32 portait atteinte aux auteurs.
    Croyez-vous la même chose? Croyez-vous que le projet de loi C-32 porte atteinte aux auteurs? Que croyez-vous? Devrait-on ou non l'adopter tel quel?

[Traduction]

    Il leur porte atteinte parce qu'il leur enlève la propriété de leur oeuvre sans leur consentement, et sans qu'ils soient indemnisés. Si quelqu'un vous enlevait votre piano sans votre consentement et sans vous indemniser, vous appelleriez cela du vol. Je présume que vous estimeriez que cet acte vous porte préjudice. Pour moi, c'est simple: quelque chose qui nous appartient nous est enlevé, sans notre consentement, et sans que nous soyons indemnisés.

[Français]

    Vous êtes donc d'avis qu'il ne faut pas adopter le projet de loi C-32.

[Traduction]

    Il faudrait une version révisée du projet de loi sur la propriété intellectuelle. Je ne pense pas que l'exemption dont j'ai parlé devrait être adoptée telle quelle, parce qu'on nous enlève notre droit d'auteur sans nous indemniser. C'est une forme de vol, de réquisition ou de confiscation. Est-ce que c'est ce que vous voulez?

[Français]

    Merci beaucoup. Je vais maintenant poser des questions aux gens qui sont ici, si vous me le permettez.
    Je ne sais pas qui, de M. Lauzon ou de M. Basskin, veut répondre à mes questions le premier.
    La semaine dernière, l'Association canadienne des radiodiffuseurs est venue ici, et elle semblait défendre grandement les petites stations. Elle a dit principalement deux choses: tout d'abord, qu'il y avait eu une augmentation de 140 p. 100 des redevances à payer, et que cela entravait la capacité des radiodiffuseurs d'innover. Elle a aussi dit qu'ils étaient contraints à payer deux fois la même chose. Est-ce que c'est vrai?

[Traduction]

    Tout d'abord, je trouve curieux qu'on considère que les droits d'auteur sont comme une espèce de « punition pour l'innovation ». Évidemment, nous ne sommes pas d'accord là-dessus.
    Les radiodiffuseurs tirent parti d'une technologie remarquable qui s'est développée ces dernières années et qui leur fait faire d'énormes économies d'argent et de ressources. Ils n'ont plus besoin d'avoir une salle remplie de CD ou de disques vinyles. Ils n'ont pas à extraire les disques des étagères et à les placer dans l'ordre dans lequel ils seront joués. Rien ne se perd; rien ne risque de rouler jusque sous les meubles.
    Les avantages opérationnels vont encore plus loin. Dans le monde de la radiodiffusion, la publicité paie les factures et les publicitaires, on peut le comprendre, veulent savoir que leur message a été diffusé au bon moment. Dans le temps, il fallait quelqu'un sur place, bloc-notes en main, pour tout prendre en note, et bien des erreurs étaient commises avec cette méthode.
    Dans le monde de la radiodiffusion automatisée, le système génère une documentation précise: votre message publicitaire a été diffusé à tel moment, et encore à tel et tel autre. C'est ce que veut le publicitaire et que fait le système. C'est bien. Je trouve que c'est fantastique. J'adore les ordinateurs.
    Les copies de morceaux de musique forment le noyau de ce système. Les copies de chansons et d'enregistrements sont indispensables à son fonctionnement. Les radiodiffuseurs exploitent les technologies et rémunèrent ceux qui créent cette musique. C'est donnant, donnant. Je trouve que c'est équitable.
    Dire que les droits d'auteur sont une forme de punition pour l'innovation, c'est dire que c'est une punition que de devoir payer pour l'électricité qui éclaire l'immeuble. Cela fait partie du cadre de fonctionnement. Nous n'avons rien contre le fait qu'ils exploitent ces technologies, mais pour ce qui est de ce que paient les radiodiffuseurs, surtout les petits radiodiffuseurs, je vous rappelle que, selon la décision la plus récente de la Commission du droit d'auteur, les radiodiffuseurs doivent nous payer à nous, CSI, un tiers de 1 p. 100 de la première tranche de 625 000 $ de leurs revenus. Alors une petite station qui a un chiffre de vente, disons, d'un demi-million de dollars, devra nous verser 1 500 $. C'est relativement peu, et je vous dirais que c'est équitable si on pense que cela leur permet de faire des copies de toutes les chansons du monde.
(1130)

[Français]

    L'Association canadienne des radiodiffuseurs a aussi dit que les radiodiffuseurs étaient contraints à payer deux fois la même chose. Le même disque, ils le paient deux fois. Est-ce que c'est vrai? Est-ce qu'ils paient effectivement deux fois. On sait qu'ils le paient quand ils le reçoivent, pour l'enregistrement éphémère, puis qu'ils le paient à nouveau lorsqu'ils le communiquent au public.

[Traduction]

    Ils paient pour deux choses différentes: le droit d'exécuter en public ou de communiquer une oeuvre et le droit de la reproduire. C'est une règle établie depuis très, très longtemps dans la Loi sur le droit d'auteur.
    Parlons donc des copies. Quand les radiodiffuseurs reçoivent de la musique, que ce soit par voie électronique ou sur CD, et qu'ils se mettent à la copier, ils font beaucoup plus qu'une seule copie. Je m'explique. Michael Murphy fait une longue description technique du processus dans notre document d'information, mais je vais le résumer pour vous, très brièvement. Les radiodiffuseurs copient une première fois l'oeuvre dans leur système; d'autres copies sont faites pour l'évaluation de la musique, pour que les gens de la station ou de l'organisation puissent l'écouter; d'autres encore vont dans les musicothèques principales — et n'oublions surtout pas que ce sont des musicothèques permanentes, qui contiennent l'intégralité de la musique qu'ils possèdent. Ils font des copies pour les émissions préenregistrées. Dans ces cas-là, les chansons, les messages publicitaires et autres segments sont préalablement enregistrés, et l'animateur fait le reste. D'autres utilisations sont décrites dans le rapport.
    Donc, les radiodiffuseurs font un usage considérable de leur droit de copier, et je répète que nous sommes heureux de le leur accorder. Donc, ils paient la SOCAN pour une chose — le droit de communiquer la musique — et ils nous paient pour le droit d'en faire des copies. Ces deux droits leur sont très utiles.

[Français]

    Maintenant, je donne la parole à M. Angus.

[Traduction]

    Vous avez 10 minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Le président suppléant (L'hon. Maxime Bernier): Pardonnez-moi, vous avez sept minutes.
    M. Charlie Angus: À mon avis, le premier chiffre était le bon.
    Madame Hebb, la question a déjà été posée ici, à savoir pourquoi l'expression « à des fins privées » a été employée au lieu de « usage privé ». On a l'impression que si ce n'est pas clair, quelqu'un pourrait faire des copies pour tout le monde, toute sa famille et ses amis. Pensez-vous que le fait de remplacer « à des fins privées » par « usage privé » empêcherait cela?
    Je pense que cela y contribuerait. D'autres dispositions de la loi portent également sur « l'utilisation à des fins personnelles », « l'usage privé » et d'autres actes effectués « à des fins privées », et je crois qu'il y a un autre terme, qui ne me vient pas à l'esprit. Mais tout cela semble très vague, et il faudrait toujours employer les mêmes termes dans le projet de loi, par souci d'uniformité, si le sens est le même.
    Abstraction faite de cela, dans ce contexte de reproduction pour usage privé, par des particuliers ou n'importe qui, le sens n'est toujours pas clair. Est-ce que je peux l'envoyer à un ami? Qu'est-ce que je peux en faire? Peut-être rien. Je pense que nous avons une certaine idée du sens de l'expression « usage privé » maintenant, mais c'est une autre forme de reproduction, alors on ne sait pas vraiment de quoi il s'agit.
    Monsieur Chisick, la semaine dernière, en parlant avec des gens de l'ACR, j'essayais de me faire une idée de la manière dont sont ventilés ces droits de reproduction mécanique, parce que j'ai entendu les messages publicitaires, à la radio. Je n'ai pas encore entendu les vôtres. Est-ce que vous en diffusez à la radio? D'après les messages de l'association que j'entendais à la radio, toutes ses stations allaient devoir fermer. Alors j'ai posé la question pour me faire une idée, et on ne semblait pas vouloir... peut-être ne connaissaient-ils pas les chiffres.
    Vous les communiquez à la Commission du droit d'auteur. Ce n'est pas vous qui décidez, n'est-ce pas? La commission entend tous les intéressés et fixe le taux. Un taux est fixé pour les petites stations, pour les moyennes et pour les grandes stations. Quelles sont les proportions, c'est-à-dire combien doivent-elles payer?
(1135)
    Le Commission du droit d'auteur établit un barème de taux, par tranches de revenu. Ainsi, pour une station qui fait une utilisation normale de la musique et dont le revenu est inférieur à 625 000 $, c'est environ trois dixièmes de un pour cent. Les stations dont les revenus se chiffrent entre 625 000 $ et 1,25 million de dollars paient à peu près deux dixièmes de un pour cent. Celles qui font plus de 1,25 million de dollars paient un peu moins de 1,24 p. 100 de leurs revenus. Alors en moyenne, le droit de reproduction coûte à l'ensemble des stations un taux réel d'environ sept dixièmes de un pour cent de leurs revenus. Ceci, pour le droit de reproduction de chansons. Le droit de reproduction d'enregistrements sonores et de prestations d'artistes-interprètes leur coûte à peu près la même chose.
    En tout et pour tout, donc, il en coûte aux stations un taux réel d'environ 1,4 p. 100 de leur revenu total pour les droits de reproduction de toute la musique qu'elles diffusent. C'est relativement peu, pourrait-on dire, pour un droit d'utilisation qui leur permet de créer, en fait, 80 p. 100 du contenu de leurs émissions par des moyens qui sont, comme M. Basskin l'expliquait, absolument essentiels à la rentabilité des stations radio.
    Si vous le permettez, monsieur Angus, j'aimerais ajouter une chose. Ce ne sont pas les seuls coûts que doivent absorber les stations. Les radiodiffuseurs paient cher pour leurs ordinateurs et les logiciels complexes qu'ils utilisent pour la programmation, l'exploitation et la gestion de leurs stations de radio. Ils doivent également envoyer leurs employés suivre des cours sur l'utilisation de ces logiciels, qui sont complexes, et cela coûte cher. Ils versent des droits annuels pour la maintenance et les licences des ordinateurs et des logiciels. Tout se fait dans les règles. Et bien sûr, ils paient leurs propres employés et opérateurs.
    Donc, à mes yeux, chaque élément de la chaîne de valeur est indemnisé, donnant-donnant. Ce que propose ce projet de loi, c'est de dire à ceux qui créent la musique que la raison pour laquelle ils ont acheté... « Nous n'avons pas à vous payer, mais nous paierons tous les autres. » Je ne vois rien dans cette loi qui dise que les logiciels ou les ordinateurs seront gratuits, et je ne m'y attendrais pas. Il me semble tout à fait injuste qu'on dise à ceux qui créent de la musique « Vous seuls travaillerez pour rien ».
    Je poursuivrai dans la même veine. J'ai vu dans leur document d'information qu'ils s'inquiètent du fait que tout cet argent va à l'étranger dans les poches des multinationales américaines ou étrangères.
    Je me rappelle qu'à l'époque où je jouais de la musique, il m'arrivait de temps à autre de recevoir d'Europe un chèque de redevance. Ce n'était peut-être pas beaucoup, mais je voyais ainsi que ma chanson passait sur les ondes là-bas. N'avons-nous pas de contrats de licence avec nos partenaires commerciaux de l'étranger, de sorte que si nous jouons ici, par exemple, une chanson d'un artiste britannique, il est payé, et si une chanson d'un de nos artistes est jouée au Royaume-Uni, son auteur est payé? Est-ce qu'il n'y a pas cet accord de réciprocité de la radio, depuis les années 1930 ou 1940?
    Vous avez tout à fait raison. Nous avons un accord de réciprocité avec des sociétés étrangères, et nous sommes payés pour la reproduction mécanique, que ce soit pour la radio, la télévision, la radio satellite ou quoi que ce soit d'autre. De toute évidence, si nous recevons de l'argent, c'est qu'il y a des accords de réciprocité.
    La semaine dernière, ou peut-être la semaine précédente, nous avons entendu des représentants de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement et de MapleMusic. Ils ont traité à la légère la question des redevances sur les supports numériques, et je ne sais pas ce qu'ils pensent de la reproduction mécanique. Tout cela ne semblait pas bien important pour eux. Ils ont dit que c'est une industrie qui rapporte 400 millions de dollars par année. Ce genre de revenus, c'est pour eux une bagatelle.
    Ces sommes semblent constituer une part importante de vos revenus, lesquels sont transmis aux artistes. Dans quelle mesure, pensez-vous, est-il important de préserver cette source de revenu dans le monde de la musique d'aujourd'hui?
    Je suppose que tout dépend de ce que vous entendez par « bagatelle ». En admettant que l'industrie rapporte vraiment 400 millions de dollars, on peut aussi dire qu'entre 2009 et 2010, les radiodiffuseurs ont payé 17,6 millions de dollars rien que pour les droit de reproduction d'oeuvres musicales. C'est une assez belle somme qui va dans les poches des compositeurs et des éditeurs de musique, quel que soit l'angle sous lequel on voit les choses et quels que soient les revenus de l'industrie musicale en général.
    Bien que je ne contredise pas l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement et MapleMusic ni d'autres quand ils disent qu'il y a un problème plus vaste, nous ne pouvons pas jeter le bébé avec l'eau du bain. On a déjà entendu que la musique et l'édition de musique rapportent peu, et c'est très vrai. Ayant été musicien et l'étant d'ailleurs encore, je sais combien chaque sou compte, et 17,6 millions de dollars, c'est beaucoup de sous.
(1140)

[Français]

    Je donne maintenant la parole à M. Dean Del Mastro.

[Traduction]

    Dean, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins.
    Il y a une question qui revient sans cesse dans les discussions du comité, celle de l'utilisation équitable d'une oeuvre à des fins d'éducation. L'un des gros problèmes que nous avons constatés, c'est que des gens en parlent sans comprendre ce qu'est l'utilisation équitable.
    Madame Atwood, pourriez-vous, pour notre gouverne à tous, au comité, définir ce qu'est pour vous l'utilisation équitable?
    L'utilisation équitable comme l'entend ce projet de loi, ou comme on l'entendrait dans un discours ordinaire?
    Non, je veux dire la définition qu'en donne la Cour suprême du Canada et celle que l'on obtient avec le test en trois étapes de la Convention de Berne. Dans ce contexte, pourriez-vous définir la notion d'utilisation équitable?
    Eh bien, permettez-moi de vous dire ce que c'est pour un simple citoyen, comme moi qui ne suis pas avocate. Tout d'abord, il y a la notion d'équité. Deuxièmement, l'utilisation équitable suppose qu'une entente a été conclue entre deux parties. C'est ce que signifie l'expression pour le simple citoyen.
    Quant à la définition qu'en donne la Cour suprême du Canada, c'est à elle à préciser ce qu'elle entend par cette expression, car elle n'a pas été assez claire pour moi.
    En fait, vous avez raison. La Cour suprême a établi que l'utilisation devait d'abord être équitable, puis elle a déterminé six facteurs dont il fallait tenir compte pour en juger. Elle a établi que la copie de l'oeuvre n'était pas une utilisation équitable. C'est la raison pour laquelle de l'argent est versé pour l'utilisation équitable, et personne, absolument personne du secteur de l'éducation qui a comparu devant le comité... ne prétend que le projet de loi touche les 43 millions de dollars que ce secteur débourse pour les droits de reproduction. Tous comprennent que la Cour suprême a déjà établi que la copie n'était pas une utilisation équitable.
    Le sixième facteur reconnu par la Cour suprême est l'effet de l'utilisation sur l'oeuvre. Cela signifie que l'utilisation ne peut pas déprécier l'oeuvre. En conséquence, il est absolument faux de penser que l'utilisation équitable d'une oeuvre prive les artistes de leurs revenus. La Cour suprême l'a établi, tout comme le triple test de la convention de Berne. Mais, d'après moi, le malentendu vient du fait que les gens ignorent ce qu'est l'utilisation équitable.
    On peut trouver un certain nombre de bons articles sur l'utilisation équitable. Par exemple, en décembre 2010, Michael Geist a écrit un excellent article, très clair à mon avis, sur la notion, sa signification et ses conséquences pour l'éducation. Trouvez-le sur Internet.
    J'ai rencontré Michael Geist et j'ai lu son article. J'en ai lu un certain nombre d'autres. En général, leurs auteurs semblent dire que les revenus ne seront aucunement diminués, mais, encore une fois, c'est l'artiste qui doit faire tout le travail. S'il a connaissance d'une utilisation non équitable, c'est à lui de s'adresser au tribunal et de prouver sa non-équitabilité.
    Si je pouvais...
    Si, en fait, les 43 millions dont vous parlez n'ont pas été entamés, pourquoi les enseignants clament-ils à tout vent qu'ils ne devront plus verser d'argent pour faire des copies...
    S'il vous plaît, cessez de déconnecter mon micro. Merci.
    Ils ne disent rien de tel, madame Atwood. Ils nous ont dit qu'ils représentaient à la fois les scripteurs et les éducateurs et qu'ils voulaient être justes pour les deux parties.
    Je pense qu'on peut supposer, sans risque de se tromper, que les règles établies par la Cour suprême du Canada et le triple test... Je suis assez confiant que nos éducateurs, nos établissements d'éducation et les gouvernements de nos provinces se conformeront à la loi. Ils ont une bonne réputation à cet égard.
    Je tiens à préciser les conséquences de l'inclusion de l'éducation dans les utilisations équitables. Elle favorise l'éducation; elle ouvre la porte des écoles aux technologies nouvelles, sans crainte de poursuites civiles; elle rend possible l'emploi de nouveaux matériels électroniques et de l'information disponible gratuitement sur Internet; elle permet de communiquer certaines de ces informations à des fins didactiques; elle améliore d'un cran la qualité de l'éducation. Il n'est pas et il n'a jamais été question, d'après les témoins que nous avons entendus, de supprimer les revenus établis pour la copie. La Cour suprême a jugé que la copie n'était pas une utilisation équitable. Ses six critères sont bien établis et ils concordent avec l'esprit et la nature du projet de loi, tout comme le triple test. Que ceux qui prédisent la suppression des revenus provenant du secteur de l'éducation s'informent d'abord sur la signification de la notion d'utilisation équitable.
    Madame Hebb, vous avez un commentaire.
(1145)
    Puis-je ajouter...
    Je l'ai dit moi-même. Qui appliquera ces six facteurs? Qui s'assurera qu'ils sont appliqués? Sommes-nous dans...
    Madame Atwood, il est très grave de prétendre que les établissements d'éducation, les établissements postsecondaires, les enseignants de partout au Canada violeront délibérément la loi parce qu'ils ne craignent pas son application. Vous n'avez pas mâché vos mots, et je pense que l'allégation...
    Non, mais qui s'occupera de...
    ... selon laquelle les enseignants du postsecondaire, les enseignants du Canada violeront délibérément la loi du droit d'auteur parce qu'ils ne craignent pas d'être punis est scandaleuse. Cela dépasse les bornes.
    Madame Atwood, la parole vous appartient.
    Dites-moi simplement qui fera respecter les six facteurs. Qui s'en occupera?
    Les tribunaux l'appliquent. La Cour suprême les a déjà établis et vous prétendez que, faute d'application, nos établissements d'éducation enfreindront délibérément et fréquemment la loi sur le droit d'auteur.
    Madame Atwood, la parole vous appartient et vous avez 30 secondes pour répondre.
    Oui. C'est exactement ce que j'ai dit. Je devrai m'adresser aux tribunaux, et j'ai dit également que les auteurs ne peuvent pas se le permettre.
    Non, en fait, vous avez absolument tort.
    Madame Hebb, je vous prie.
    J'allais dire que certaines formes de copie sont équitables. Dans une affaire en cours, qui se retrouvera probablement devant la Cour suprême sous peu, on a demandé à un échantillon d'enseignants de dresser la liste des raisons pour lesquelles ils copiaient des oeuvres. C'était notamment pour la recherche, l'étude privée, ce qui fait déjà partie de l'utilisation équitable. Donc, pour les besoins de la négociation dont je parle, cette sorte de copie était considérée comme une utilisation équitable.
    Maintenant qu'il y aura une nouvelle catégorie, l'éducation, où on pratiquera encore de la copie, qui est une utilisation équitable...
    Non, pas de la copie. Vous avez tort.
    ... et de la copie qui ne l'est pas.
    D'accord. Merci beaucoup. Je dois céder la parole à M. McTeague.
    Oui, un rappel au Règlement?

[Français]

    Oui. Je fais appel au Règlement en ce qui concerne spécifiquement l'échange entre M. Del Mastro et Mme Atwood, mais ceci devrait aussi s'appliquer à l'ensemble de nos rencontres.
    Lorsqu'un invité nous parle par vidéoconférence, c'est difficile pour lui de répondre aux questions et d'expliquer son point de vue si son interlocuteur l'interrompt constamment, surtout lorsque ce dernier garde son microphone ouvert et qu'il tient à garder toujours son microphone ouvert.
    Monsieur le président, il devient alors impossible pour le témoin de donner son point de vue, étant donné que le volume de son microphone est beaucoup plus bas que celui du microphone de la personne qui l'interroge.
     Cela porte sur le débat que nous tenons aujourd'hui, mais j'aimerais qu'on en tienne compte dans tous les cas à l'avenir où une personne sera invitée à témoigner par vidéoconférence. Il faut respecter les témoins et le fait qu'ils prennent le temps de s'adresser à nous.
    Monsieur Del Mastro, allez-y rapidement.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    C'est pour une mise au point sur la procédure parlementaire. En comité, on n'interrompt jamais le témoin pendant son exposé. Ce temps lui appartient. Cependant, la période des questions appartient aux membres du comité, et, lorsqu'ils obtiennent la réponse qu'ils cherchent, ils peuvent passer à la question suivante, parce que ce temps leur appartient. Cependant, monsieur Rodriguez, vous pouvez utiliser votre temps comme bon vous semble.

[Français]

     Monsieur Rodriguez, faites vite parce que j'aimerais que...
    Il va falloir qu'on trouve éventuellement une façon de procéder lorsque la personne témoigne par vidéoconférence. Selon ce que dit M. Del Mastro, cette personne, qu'elle soit en faveur ou non d'un projet de loi, ne pourra jamais s'adresser à nous: on n'aura qu'à l'empêcher de s'exprimer en se servant des microphones.
    Dans une telle situation, le président va utiliser son pouvoir discrétionnaire pour faire en sorte que tout fonctionne bien. Merci.
    Monsieur McTeague.

[Traduction]

    Vous avez sept minutes.
    Plutôt cinq, monsieur le président.
     Non, quatre, pour que tous puissent s'exprimer. Vous disposez donc de quatre minutes.
    Monsieur le président, je serai très bref.
    Et je remercie les témoins.
    Ma question s'adresse à CSI. Vous avez mentionné que, en plus de l'exception touchant les enregistrements éphémères, un certain nombre d'autres dispositions du projet de loi vous font craindre pour le droit de reproduction mécanique des émissions.
    Je me demande si, en fait, vous ne dites pas que, à moins de retirer ces dispositions, ce droit sera effectivement menacé, même si on abandonne l'amendement proposé à l'exception touchant les enregistrements éphémères. Pouvez-vous nous donner des explications à ce sujet?

[Français]

    Quelqu'un veut-il répondre à ma question? Monsieur Lauzon.
(1150)
    Oui, merci. En effet, nous sommes très préoccupés par les exceptions concernant les reproductions technologiques, les copies de sauvegarde et d'autres exceptions introduites dans le projet de loi, qui mettent en risque les revenus, principalement les revenus des radiodiffuseurs.
    Je demanderai à Me Lavallée de préciser cette position.
    Oui, absolument. Les discussions sont énormément concentrées sur l'enregistrement éphémère. Pourtant, il y a trois autres dispositions dans la loi qui visent le droit de reproduction sur le plan technologique. Ces dispositions sont écrites de façon floue et générale. Je vais vous lire, par exemple, des extraits de l'article 32 du projet de loi sur le processus technologique: « Ne constitue pas une violation du droit d’auteur [lorsque] la reproduction est un élément essentiel d’un processus technologique; [...] ». Donc, encore une fois, aucune compensation n'est payée aux ayant droits.
    Qu'est-ce qu'un élément essentiel? On a vu les types de copies que les radiodiffuseurs pourront faire.
    Ce n'est pas bien défini.
    Ce n'est pas bien défini. On parle ici de faciliter une utilisation, ce qui est flou et subjectif. On propose, dans notre mémoire, des façons de [Note de la rédaction: inaudible].
    Merci.

[Traduction]

    Je me demande si vous pouvez répondre à une question touchant la radiodiffusion en général. Les stations de radio imposent un droit ou un tarif aux services de surveillance des médias. À mon avis, ces mêmes stations, en fait, alimentent la Commission du droit d'auteur et doivent s'adresser à elle pour maintenir ces tarifs afin de soutenir leurs droits.
    Si c'est le cas, il me semble qu'on peut mettre en doute la réticence de l'Association canadienne des radiodiffuseurs à payer les artistes canadiens pour la reproduction de leurs oeuvres. Là d'où je viens, cela semble certainement — appelons les choses par leur nom — hypocrite. Avez-vous des observations à faire à ce sujet, monsieur Basskin?
    Bien sûr, monsieur McTeague.
    Nous appuyons le droit des radiodiffuseurs d'être payés pour l'utilisation de leurs oeuvres. Cela semble logique. Nous voulons être payés pour l'utilisation des nôtres.
    Mais, entre les deux, l'opposition est totale comme vous dites. Les radiodiffuseurs, il y a quelques années, ont déposé une demande de tarifs auprès de la Commission du droit d'auteur. Ils cherchaient à obtenir 25 p. 100 des revenus des services de surveillance des médias. La commission a décidé pour 10 p. 100. Comme je l'ai dit plus tôt, leur proposition actuelle se chiffre à 14 p. 100. Ce sont certainement des chiffres ambitieux. Personnellement, j'aimerais obtenir 14 p. 100 des revenus des radiodiffuseurs. Ce n'est manifestement pas ce qui se produit actuellement.
    Ils sont donc à l'aise pour réclamer de l'argent de tous ceux qui copient les oeuvres de leurs stations.
    M. David Basskin: Absolument.
    L'hon. Dan McTeague: Mais, en ce qui concerne votre organisme et les artistes et créateurs qui sont à la source de 80 p. 100 de leur programmation, ils ne veulent pas verser un sou, et le projet de loi les y autoriserait.
    C'est exactement le résultat qu'on obtiendrait.
    Eh bien, je suis désolé, c'est hypocrite.
    Permettez-moi de vous poser une dernière question, sur les petites stations radiophoniques qui semblent faire preuve de... Est-il juste de dire, comme l'Association des radiodiffuseurs, que si la loi n'est pas adoptée, elles feront faillite? D'après vous, pourquoi sont-elles effectivement soumises à des pressions?
    Eh bien, je suis frappé par le fait que, aujourd'hui, les radiodiffuseurs sont soumis à beaucoup d'autres forces: la concurrence des autres médias; celle de la musique sur Internet; les contraintes de l'exploitation de petits marchés; la concurrence des grandes villes.
    Franchement, si les montants relativement modestes, minimes que les radiodiffuseurs de cette catégorie versent... comme je l'ai dit, un radiodiffuseur qui encaisse des revenus inférieurs à même un million de dollars nous verserait 4 100 $. Je doute sincèrement qu'un tel montant puisse abattre une compagnie.

[Français]

    Merci, monsieur Basskin.
    Je donne maintenant la parole à M. Cardin, pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Les radiodiffuseurs nous ont parlé des plus petites stations, de copies éphémères, etc. Elles sont éphémères mais deviennent de plus en plus éternelles. Je pense que l'enjeu est de savoir si les copies de toutes sortes — il y en a apparemment une douzaine de types — ont une valeur. C'est au coeur du débat.
    Par exemple, il arrive que de plus grosses stations vendent à des stations plus petites des émissions toutes faites qu'elles ont produites. Il peut s'agir d'une émission de quatre heures qui, avec la technologie actuelle, ne demande que 30 minutes de production musicale et de reproduction. Cela arrive et cela leur procure des revenus. Combien cela se vend-il?
    Ce sont probablement de grosses stations qui vendent des productions à de petites stations. Comment cela se passe-t-il en réalité?
(1155)
    Je ne sais pas exactement s'il y a des émissions qui sont vendues aux petites stations. Il y a des stations phares, et des stations locales ou de petites stations peuvent faire partie d'un énorme groupe. On sait qu'il y de grands conglomérats qui possèdent de grandes stations. Cependant, on ne sait pas exactement ce qui se passe.
    Par ailleurs, comme M. Basskin le mentionnait, on ne pense pas que la valeur du droit de reproduction pour ces petites stations soit élevée au point de provoquer leur faillite ou leur fermeture.
    D'autre part, en ce qui concerne le premier tarif et le tarif en vigueur actuellement, la Commission du droit d'auteur a consenti des réductions aux petites stations, car celles-ci n'ont pas nécessairement la rentabilité des grandes stations.

[Traduction]

    Monsieur Cardin, vous faites allusion aux émissions souscrites ou vendues à plusieurs chaînes. C'est une pratique parmi d'autres. La majorité des stations, au fond, font jouer de la musique la plupart du temps et produisent leurs propres émissions.
    Il importe de souligner que la licence qu'accorde CSI autorise le diffuseur à copier la musique, peu importe sa source: CD; fichier électronique téléchargé; producteur indépendant d'émissions. Tout est possible. Notre licence couvre toutes les formes de reproduction. D'après ce que je sais, c'est également ainsi que fonctionne la licence de la SOCAN.
    Donc, peu importe à qui appartient l'oeuvre que l'on choisit de diffuser, ces licences générales visent la source, la reproduction et l'exécution de l'oeuvre musicale. C'est la forme de licence la plus simple possible.

[Français]

    Ce que je voulais tout simplement démontrer, c'est que cette copie d'une émission a une valeur qui peut être transférée.
    Madame Atwood, même s'il ne reste pas beaucoup de temps, j'aimerais que vous puissiez vous exprimer au sujet de l'éducation. Vous donnez parfois certaines de vos oeuvres, et c'est tout à votre honneur, mais en ce qui concerne les auteurs qui ont besoin de toucher des redevances, qu'est-ce que vous proposez au juste?

[Traduction]

    Comment les enseignants et les élèves devraient-ils être autorisés à utiliser une oeuvre en classe? Actuellement, ils passent par Access Copyright. Ils ont une licence générale, semblable à celle qu'on a décrite pour la musique. Un particulier aurait beaucoup de difficulté à retrouver et à suivre chaque utilisation de son oeuvre dans une classe. C'est pourquoi cette utilisation est visée par une licence conventionnelle collective.
    Merci, madame Atwood.
    Je cède la parole à M. Lake.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Basskin, ce que j'entends me pose un peu problème. À vous entendre, les radiodiffuseurs ne versent rien pour le droit de faire jouer de la musique. Ils paient la technologie, les logiciels, les employés, mais ils ne versent rien aux créateurs. Voilà le genre de propos que vous venez de tenir, il y a quelques minutes.
    Non. Ce n'est pas ce que j'ai dit. Les radiodiffuseurs versent de l'argent à la SOCAN, à CSI, et aux collectifs qui représentent les producteurs d'enregistrements et les artistes, c'est-à-dire l'AVLA et la SOPROQ.
    Ce que je veux dire...
    Donc, en clair, vous diriez qu'ils paient le droit de faire jouer la musique qu'ils diffusent.
    D'après moi, le projet de loi permettrait aux radiodiffuseurs de ne pas payer la reproduction de chansons et d'enregistrements sonores.
    Mais, ils paient d'abord la musique qu'ils font jouer.
    Actuellement, ils paient le droit de faire jouer et de reproduire cette musique.
    Votre principal argument pour leur faire payer ces reproductions semble être qu'il s'agit de petits montants.
    Non, ce n'est pas l'argument que j'invoque.
    Eh bien, cela ressemble aux propos que vous avez tenus pendant toute la séance.
    Non. Des questions ont porté sur les répercussions économiques. Si vous tenez à aller droit au fait, les reproductions possèdent une valeur. La valeur est déterminée par la Commission du droit d'auteur. Nous pourrions discuter toute la journée de sa générosité ou de son avarice. Le résultat net est que les compositeurs ont le droit, en vertu du droit d'auteur, d'être payés pour la reproduction de cette musique.
    Actuellement, les radiodiffuseurs paient la reproduction des enregistrements et des chansons, ce qui est parfaitement normal. Après tout, ils veulent que ceux qui reproduisent leurs propres émissions les paient.
    Quand ils reproduisent les émissions qu'ils créent pour s'approprier un nouveau droit, ils n'ont pas déjà... Ils ont payé le droit de faire jouer la musique. Ils l'ont déjà payé. Ils utilisent la technologie pour réorganiser les choses. C'est tout ce qu'ils font.
    Vous avez parlé de tirer parti de la technologie remarquable qui est à notre disposition, mais l'avantage supplémentaire qui en découle provient de la technologie et non de la musique. La musique n'a pas créé de technologies nouvelles. Elles viennent de leurs créateurs.
(1200)
    Eh bien nous pourrions discuter longtemps de l'antériorité de l'oeuf ou de la poule. Le résultat net est que, avant ces technologies, les radiodiffuseurs étaient obligés d'avoir des discothèques où ils rangeaient microsillons et CD. Ils devaient charger les oeuvres dans un chariot qu'ils faisaient rouler dans la station. La technologie leur a permis de fonctionner à moindre frais. Comme ils sont intelligents, c'est ce qu'ils font.
    Ils n'étaient pas obligés d'avoir ces discothèques; c'était la réalité pratique. Ils devaient faire jouer les microsillons, ce qui les obligeaient à les conserver sur place.
    Ils étaient obligés d'avoir des locaux de rangement. J'ai été et je suis encore radiodiffuseur. Je sais ce dont je parle. À moins d'embaucher des musiciens pour qu'ils jouent en studio — ce qui se produit parfois — les stations radiophoniques sont obligés de conserver un support de la musique qu'elles font jouer. D'après le CRTC, la musique constitue 80 p. 100 de la programmation.
    Cependant, elles paient cela.
    Elles paient actuellement le droit de faire jouer la musique.
    Vous avez raison.
    Et la reproduction est distincte de la prestation.
    Mon point de vue serait que, quand on adopte une nouvelle technologie, on devrait en indemniser le créateur. Ce serait vrai pour tous, pas seulement les radiodiffuseurs; c'est dans tout le projet de loi. Nous essayons d'encourager l'adoption de nouvelles technologies pour que les créateurs canadiens puissent en tirer parti, pour trouver des débouchés à leurs oeuvres et pour récompenser leurs efforts. C'est l'objet du projet de loi.
    Quand un système punit l'adoption de technologies nouvelles et ne procure rien à l'exploitant d'une entreprise, il y a problème.
    Je suis désolé, mais personne n'a été puni. Il n'y a pas de punition. Il n'y a pas de punition pour l'adoption d'une technologie.
    Oui. Ils sont payés...
    Non, ce n'est pas le cas. Les radiodiffuseurs ne sont pas davantage punis par les compositeurs que par les auteurs des logiciels permettant l'utilisation de leur musique.
    Par conséquent, si je comprends bien, ils éviteraient ainsi de payer les droits de reproduction en ne gardant que les catalogues pour les disques vinyles longue durée. Ce ne serait pas très pratique, mais...
    Absolument. De cette façon, ils pourraient éviter de payer des droits de reproduction en ne faisant justement pas de reproductions. Mais permettez-moi de vous dire quelque chose: depuis que cette redevance existe, pas une seule station de radio n'a cessé d'utiliser des copies. Les stations savent parfaitement bien qu'il y a des coûts associés à ces reproductions. Elles nous versent des droits. Elles paient également les frais de reproduction d'enregistrements sonores.
    Une station nous a dit qu'elle allait essayer — mais ce ne fut que pendant une courte période — de ne plus faire de copies et de revenir à la bonne vieille méthode manuelle. Cela a duré moins de deux mois. Pourquoi? Parce que les avantages que procure la technologie sont supérieurs aux coûts que cela représente.
    Ils paient pour cette technologie...
    Bien sûr.
    ... et ils continuent de payer les droits pour la musique qu'ils diffusent.
    C'est normal.
    Parfait.

[Français]

    Merci. Ça a été un échange très constructif.
    Nous allons maintenant suspendre la séance durant trois minutes et, par la suite, recevoir nos autres témoins.
    Je tiens à remercier les témoins, et surtout Mme Atwood qui est à Dubaï, d'avoir été des nôtres. Merci beaucoup. Je ne sais pas quelle heure il est là-bas, mais votre participation a été très appréciée. Bonne journée. Merci.

(1205)
    Bonjour à tous, et bienvenue de nouveau au comité. Nous allons poursuivre notre 18e séance au sujet de l'étude du projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
    Nous avons avec nous Mme Morin, d'Artisti, et M. Legault, de l'Union des artistes du Québec. Nous avons aussi avec nous, par vidéoconférence, le vice-doyen de la Faculté de droit de l'Université Laval, M. Azzaria. Merci d'être avec nous.
    Avant de commencer, je vais donner la parole...
    Madame Lavallée?
    J'en appelle au Règlement. Monsieur le président, je voudrais que nous traitions tous nos invités avec courtoisie. Mme Margaret Atwood est une grande dame de la littérature canadienne, et je pense qu'elle a droit aux égards dus à son rang. Peu importe qui est notre invité, il faut le traiter avec courtoisie, même quand on n'est pas d'accord avec lui.
    Merci. On va donc procéder maintenant. Je vais donner cinq minutes à M. Azzaria, pour qu'il nous présente son exposé.
    On vous voit très bien. J'espère que vous nous entendez bien.
    Par la suite, je vais donner la parole aux autres témoins.
     C'est à vous, monsieur Azzaria.
    Je vous remercie d'entendre mon témoignage.
    Je vais vous indiquer rapidement quelques principes de base du droit d'auteur. Je vous rappelle d'abord que le droit d'auteur est la principale pièce législative destinée à donner une valeur économique au travail des auteurs, des interprètes et à leur talent, ainsi qu'à l'investissement des producteurs, diffuseurs, éditeurs, etc.
    À mon avis, il est clair que le projet de loi actuel dilue la valeur économique de l'oeuvre et de l'ensemble de cette chaîne d'intervenants. Il nous place devant un casse-tête juridique — et je pèse mes mots —, faisant en sorte que les producteurs, radiodiffuseurs, fournisseurs de services, établissements d'enseignement et utilisateurs diminuent la place de l'auteur et du titulaire de droit, notamment à cause de l'augmentation des exceptions, qui ne sont pas assorties de rémunération. Même si vous le savez, je trouve intéressant de vous rappeler que le droit d'auteur repose sur un principe simple. C'est un droit de propriété reconnu depuis des centaines d'années qui permet l'autorisation. L'auteur donne son autorisation parce qu'il y a au départ un droit de propriété. L'enjeu derrière cela est le fait de reconnaître une valeur économique à une oeuvre.
    Le droit d'auteur s'est toujours construit autour de ce modèle, de cet échange économique. Les revenus des auteurs sont éclatés, et c'est ce qui est fragilisé par le projet de loi actuel. Évidemment, l'arrivée des nouvelles technologies peut changer un peu la donne. Il s'agit d'une culture où prévaut l'accumulation d'oeuvres et la gratuité, dans certains cas. Pourtant, aucune étude ne démontre qu'avec Internet, les consommateurs sont privés d'oeuvres et deviennent acculturés. Au contraire, on se rend compte que, de plus en plus, des achats légaux se font. On constate donc qu'Internet n'est pas un espace de non-droit où tout est permis, mais qu'au contraire, le droit et ses règles y sont bien imprégnés. En présence de ces nouvelles technologies, le droit d'auteur peut tout à fait transposer les règles qui prévalaient au XXe siècle. Internet n'a pas changé le fondement du droit d'auteur.
    Je crois qu'il est important de se recentrer sur les fondements du droit d'auteur. Or l'un de ces fondements est la gestion collective. Elle est le relais économique naturel de ce modèle d'échanges entre auteurs et utilisateurs qui est appliqué depuis près d'un siècle, soit depuis les années 1930 au Canada. C'est ce qui simplifie l'échange. C'est l'équation entre l'accès à une oeuvre et la rémunération de l'auteur. On voit même qu'en France, des ententes ont été signées assez récemment entre YouTube, Dailymotion, et des sociétés de gestion collective. Ça démontre bien que, si on laisse les droits aux auteurs, les utilisateurs et les réseaux d'utilisateurs vont forcément négocier avec eux. L'accès ne sera pas coupé. En France, tout le monde a accès à YouTube et peut y mettre des oeuvres, mais en vertu de ce modèle, les auteurs sont rémunérés. On ne se rend pas compte que ce modèle économique est viable et fonctionnel. Je crois qu'il est important d'insister là-dessus. Il faut préserver et même renforcer ce modèle économique.
    Le projet de loi C-32 — et plusieurs ont eu l'occasion de le dire — devient beaucoup trop complexe, à mon avis. J'espérais que ce projet de loi aide à faire du ménage, mais je vois qu'au contraire, il contribue à un certain désordre. La loi devient plus opaque, et curieusement, le législateur est extrêmement interventionniste. C'est quand même curieux de voir qu'il l'est dans ce secteur économique très particulier, alors qu'il l'est beaucoup moins dans la majorité des autres secteurs. Vous connaissez tous l'exigence démocratique selon laquelle une loi doit être claire et bien comprise pour être respectée. Dans ce cas-ci, ce n'est pas nécessairement le cas.
    J'attire votre attention sur un effet, une confusion dans la loi, et sur l'importance que prennent les exceptions. Le paragraphe 38.1(2) de l'actuelle Loi sur le droit d'auteur dit ceci:
    (2) Dans les cas où le défendeur convainc le tribunal qu’il ne savait pas et n’avait aucun motif raisonnable de croire qu’il avait violé le droit d’auteur, le tribunal peut réduire le montant des dommages-intérêts préétablis jusqu’à 200 $.
     À mon avis, dans l'état actuel du projet de loi, des défendeurs vont assez facilement pouvoir dire qu'ils pensaient avoir affaire à une exception, que le projet de loi est devenu si étrange et compliqué qu'ils pensaient, de bonne foi, avoir le droit de faire ce qu'ils faisaient. Le juge va peut-être alors décider d'imposer une amende non pas de 15 000 $ mais de 200 $. Ce projet de loi a en effet des effets très concrets. On pourra peut-être parler plus tard du test en trois étapes, qui pose évidemment toujours problème. Je sais que plusieurs l'ont souligné.
(1210)
À ce sujet, j'ajouterais simplement que, quand on analyse les effets économiques d'une loi, on ne se demande pas pour chacun d'eux s'ils sont importants ou non. On examine l'ensemble. S'il y a un effet systémique, c'est alors là qu'on voit que l'effet est important.
    Pour terminer, je dirai que ce projet de loi insiste entre autres sur le droit de suite pour les auteurs en arts visuels. Ce droit de suite est absent pour des motifs que je n'arrive pas à m'expliquer. En effet, ce n'est pas une mesure qui coûte cher à l'État, au contraire. Il s'agit de laisser les gens du milieu s'organiser entre eux.
    Je vous remercie.
    Merci bien, monsieur Azzaria. Vous avez été très précis.
    Maintenant, je vais donner la parole à Mme Morin, d'Artisti.
    Merci, monsieur le président.
    En tant que société de gestion collective qui s'occupe d'administrer et de distribuer, aux artistes interprètes ayant pris part à un enregistrement sonore publié, les redevances découlant de la rémunération équitable, du régime de la copie privée et du droit de reproduction, Artisti a plusieurs préoccupations au regard du projet de loi C-32.
    La première de ces préoccupations a trait au régime de la copie privée. Le régime de la copie privée a été mis en place en 1997 afin de permettre aux usagers de faire des copies d'oeuvres musicales pour leur usage personnel et, en parallèle, d'accorder des compensations aux ayants droit du secteur de la musique pour ces copies de leur travail.
    Depuis la mise en place du régime de la copie privée, les redevances qui en sont tirées sont pour les ayants droit une source de rémunération cruciale. Ainsi, entre 2002 et 2007, les redevances de la copie privée constituaient plus de 50 p. 100 des sommes, de source canadienne, qui étaient distribuées par Artisti à ses membres canadiens. Cela dit, c'est de moins en moins le cas.
    En effet, le régime de la copie privée a été dépassé par la technologie. À l'heure actuelle, seules les ventes de CD vierges génèrent des redevances. Toutefois, il sont de moins en moins utilisés pour copier la musique. Le support maintenant privilégié pour faire ces copies est l'enregistreur audionumérique tel que l'iPod, lequel est présentement exclu du régime, par ailleurs. Par conséquent, les redevances de la copie privée déclinent à un rythme effarant, et ce, malgré le fait que les usagers effectuent toujours autant de copies d'oeuvres musicales. Nous avions demandé que les modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur corrigent ce problème, mais le projet de loi C-32 ne corrige pas cette situation inéquitable. Pire, il ajoute au problème.
    En effet, si le projet de loi C-32 est adopté, toute personne aura le droit de reproduire à des fins privées toute oeuvre, prestation ou enregistrement sonore, si l'exemplaire original a été obtenu de façon licite, et si certains autres critères sont respectés. Toutefois, cette nouvelle exception ne s'appliquera pas dans le cas des copies privées d'oeuvres musicales faites sur un support audio vierge, tel le CD. De plus — M. Legault aura l'occasion de vous en parler —, il sera possible aussi de faire des copies d'émissions pour un visionnement en différé, par exemple.
    L'introduction de nouvelles exceptions couvrant certaines reproductions faites par les consommateurs, qui n'implique pas pour autant la modification du système de redevances pour la copie privée, a l'effet pervers de créer, dans les faits, trois régimes de copie privée distincts, dont deux ne prévoient pas de contrepartie financière pour les créateurs. Il y a le régime actuel qui prévoit le versement de redevances sur les supports audio tels que le CD. Également, il y a la nouvelle exception pour des reproductions à des fins privées, qui permet la reproduction sur un support ou un appareil autre que ceux prévus sous le régime existant, mais qui ne prévoit pas de redevance en contrepartie. Finalement, il y a la nouvelle exception qui permet la reproduction pour visionnement en différé, sans compensation pour les ayants droit.
    Si le projet de loi C-32 est adopté, ces trois régimes d'exception cohabiteront, chacun avec son ensemble de règles non uniformes. Le consommateur ne s'y retrouvera pas et finira par faire ce qu'il veut, de toute façon, car il n'y aura aucun moyen pour les ayants droit de s'assurer de la légalité des reproductions faites dans le secret des foyers. L'aspect compliqué des exceptions ainsi que l'absence de logique dans les modifications proposées vont à l'encontre d'au moins un des principes énoncés dans le préambule du projet de loi C-32, soit celui qui dit que la loi devrait contenir des « règles claires, prévisibles et équitables. »
    Il n'y a aucune justification logique à cette distinction entre les diverses copies faites par le consommateur pour son usage personnel. Une copie, qu'elle soit faite sur un CD vierge ou sur un enregistreur audionumérique, demeure une copie, et les ayants droit devraient pouvoir recevoir des redevances pour l'utilisation de leur travail, et ce, indépendamment du support utilisé. Par ailleurs, Artisti est d'avis que les nouvelles exceptions proposées ne passeraient pas le test des trois étapes contenu dans les traités internationaux desquels est partie prenante le Canada.
    La deuxième préoccupation d'Artisti a trait à l'exception pour les reproductions faites par les radiodiffuseurs. Le projet de loi C-32 prévoit de supprimer le paragraphe 30.9(6) de la version actuelle de la loi. Or la suppression de cette disposition semble indiquer une intention d'éliminer l'obligation actuelle des radiodiffuseurs de payer des redevances pour les reproductions effectuées à des fins de radiodiffusion. Il va sans dire que cette mesure priverait les membres d'Artisti d'une source de revenus, puisque les radiodiffuseurs sont présentement tenus de leur payer des redevances pour la reproduction de leurs prestations.
    Finalement, la troisième préoccupation d'Artisti a trait à une exemption qui se trouve à l'article 68.1 de la Loi sur le droit d'auteur. Lors de la réforme de 1997, le législateur a introduit un droit à rémunération équitable obligeant les radiodiffuseurs à verser des redevances pour l'utilisation qu'ils font de la musique en la diffusant sur leurs ondes. Or il y a présentement, à l'article 68.1 de la loi, une exemption qui permet aux radiodiffuseurs de se soustraire à l'obligation de verser ces redevances sur le premier 1,25 million de dollars de leurs recettes publicitaires annuelles.
    Cette situation est totalement injuste, puisqu'elle vise uniquement les redevances destinées aux artistes interprètes et producteurs d'enregistrements sonores, alors que les redevances versées aux auteurs et aux compositeurs ne sont frappées d'aucune telle exemption.
(1215)
    Il en va de même pour les propres redevances perçues par les radiodiffuseurs.
    Artisti déplore que cette exemption injuste et désuète n'ait pas été éliminée de la loi, malgré ses demandes à cet égard.
    Merci.
(1220)
    Merci beaucoup, madame Morin.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Legault, de l'Union des artistes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci de nous recevoir.
    La Loi sur le droit d'auteur doit être modifiée. Il n'y a aucun doute. Elle est désuète. Elle ne répond plus aux obligations internationales du Canada et n'est pas adaptée à l'univers numérique.
    Cela dit, il y a plusieurs éléments dans le projet de loi C-32 qui ne respectent ni les objectifs annoncés ni les traités internationaux qu'a signés le Canada. De plus, le projet de loi C-32 va généralement à l'encontre des choix de société qui ont jadis été faits, soit celui de privilégier la gestion collective, afin d'assurer aux créateurs un droit à une rémunération pour les utilisations qui sont faites de leurs oeuvres.
    Aujourd'hui, en ajoutant des exceptions sans, en contrepartie, prévoir un droit à rémunération, et en déresponsabilisant certains acteurs de la nouvelle économie au détriment des créateurs, le projet de loi C-32 va à l'encontre des orientations modernes qui avaient été prises par le Canada en matière de droit d'auteur.
    Le projet de loi C-32 crée de nouvelles exceptions pour les reproductions à des fins privées. Je me limiterai à aborder la possibilité, pour les usagers, de faire une reproduction pour regarder une émission en différé, à des fins privées. Le problème avec cette nouvelle exception est que ses conditions d'application sont nombreuses et ne pourront être vérifiées aisément. Comment, en effet, un ayant droit pourrait-il savoir si l'usager n'a conservé la copie que le temps nécessaire pour regarder l'émission à un moment plus opportun? D'ailleurs, que veut dire « le temps nécessaire »? Est-ce une semaine, un mois ou un an? Ce n'est pas défini.
    À l'évidence, il sera impossible de vérifier si on a satisfait aux conditions de l'exception. Donc, les ayants droit ne pourront exercer aucun contrôle sur les copies faites par les usagers et, dans les faits, le consommateur finira par faire ce qu'il veut.
    Or, le projet de loi ne prévoit aucune compensation pour les ayants droit dont les oeuvres, prestations et enregistrements sonores sont ainsi reproduits. Pourtant, il aurait été possible, à l'instar de la France, d'élargir le régime de la copie privée pour y inclure l'audiovisuel.
    Un autre écueil du projet de loi C-32 concerne la question des mesures techniques de protection et des recours offerts aux ayants droit. Le projet de loi C-32 propose des dispositions interdisant le contournement des mesures techniques de protection.
     Or cette possibilité pour les ayants droits de mettre en place ces mesures est bien théorique, dans le cas des artistes interprètes, car ce ne sont pas eux qui mettent à la disposition du public les supports incorporant leurs prestations.
    J'aimerais d'ailleurs souligner que pratiquement toutes les oeuvres qui ont été produites à ce jour sont dépourvues de tels mécanismes ou serrures. Or presque toutes les oeuvres circulent sur Internet par l'intermédiaire des réseaux illégaux de téléchargement. Cela veut donc dire qu'on ne pourra jamais protéger ces oeuvres qui jouissent pourtant d'une immense popularité.
    Par ailleurs, le projet de loi C-32 est loin de créer les incitatifs nécessaires à ce que les recours à ces MTP soient efficaces au Canada. En effet, la plupart des ayants droit n'ont pas les moyens d'intenter des poursuites pour espérer récolter les montants dérisoires prévues dans le projet de loi C-32.
    Un autre sujet abordé par le projet de loi C-32 est celui des fournisseurs de services Internet et de leurs obligations au regard des violations du droit d'auteur. Les modifications proposées prévoient un système « avis et avis » plutôt qu'un d'un système « avis et retrait » qui obligerait le fournisseur du service de retirer le matériel en violation du droit d'auteur, comme aux États-Unis, par exemple.
    La création d'une telle obligation aurait eu le mérite de donner aux ayants droit de vrais moyens de faire cesser les violations, et ce, rapidement, limitant ainsi les dommages économiques causés. Les fournisseurs de services Internet sont déresponsabilisés quant aux violations du droit d'auteur ayant lieu sur leurs réseaux, alors qu'ils en bénéficient largement.
    Dans un autre ordre d'idées, le projet de loi C-32 introduit de nouveaux droits pour les artistes interprètes. Bien que l'UDA approuve ces ajouts, elle déplore qu'ils ne s'appliquent que dans les cas où la prestation est fixée au moyen d'un enregistrement sonore.
    Donc, les artistes interprètes dont la prestation est fixée sur un support comportant du visuel, comme les DVD musicaux et les fichiers numériques contenant des vidéoclips, ne bénéficient ni du droit exclusif de reproduction ni des autres droits créés par le projet de loi C-32. Cette distinction est injuste et n'a pas sa raison d'être.
    Par ailleurs, relativement à ces nouveaux droits, le législateur aurait dû s'assurer que les droits qui seront accordés pour une première fois aux artistes interprètes pourront leur profiter réellement en prévoyant que ces droits ne pourraient être cédés avant même d'être créés par la loi.
    L'utilité d'une telle disposition transitoire n'est pas théorique. Il existe, dans l'industrie, des pratiques par lesquelles les producteurs demandent aux artistes interprètes de céder tous leurs droits d'auteur sur leurs prestations.
    Enfin, le projet de loi C-32 octroie aux artistes interprètes des droits moraux, ce dont se réjouit l'UDA. Cependant, nous remarquons que le droit moral n'est reconnu à un artiste interprète que lorsque sa prestation est exécutée en direct et lorsqu'elle a été fixée au moyen d'un enregistrement sonore.
     Il s'ensuit que l'artiste dont la prestation est intégrée dans une oeuvre audiovisuelle ou cinématographique ne bénéficiera pas d'un droit moral sur cette prestation.
(1225)
    L'UDA note que le projet de loi C-32 prévoit que l'artiste interprète puisse être amené à renoncer à l'existence de son droit moral, ce qui pose un sérieux problème au regard du droit civil québécois.
    En conclusion, je vous dirai que, à moins qu'il ne subisse d'importants amendements, le projet de loi C-32 devrait être abandonné. Alors qu'il prétend être moderne et favorable aux créateurs, dans les faits, il favorise les utilisateurs et les entreprises qui bénéficient du travail de ceux-ci.
    Merci.
    Merci, monsieur Legault.
    Je donne maintenant la parole à M. Rodriguez.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à chacun d'entre vous d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Azzaria. Vous avez dit que le projet de loi C-32 nous place devant un casse-tête juridique. Le gouvernement nous dit que cela va simplifier et clarifier les choses. Vous nous dites le contraire. Pouvez-vous préciser votre pensée, s'il vous plaît?
    L'intervention de M. Legault allait également dans ce sens. Il existe de plus en plus de règles et d'exceptions assez confuses. Honnêtement, je mettrais quiconque au défi d'expliquer non seulement ce projet de loi, mais la synthèse du droit d'auteur qu'il va faire. Il s'agit d'un droit très complexe. Pour la copie privée, on me disait que l'on a le droit de faire une copie. Parfois il faut la détruire, mais on ne sait pas trop quand ni comment, parfois on peut la conserver, parfois les auteurs sont rémunérés. Il y a là une confusion que j'estime très grande.
    C'est une drôle de politique législative. Curieusement, par ce projet de loi, le législateur est très interventionniste. Il va véritablement dans le menu détail pour nous signifier certaines choses. À la limite, il entre dans la maison des gens pour savoir si ceux-ci ont détruit la copie. En même temps, il dit aux gens qu'ils devront s'arranger avec les tribunaux s'ils veulent régler cela et interpréter la loi. C'est une drôle de façon de faire du droit que d'aller dans le détail et ensuite de dire aux gens qu'ils devront régler cela devant les tribunaux. Ça ne rend service ni à la culture ni même aux consommateurs, de toute façon.
    Merci.
    Madame Morin, selon ce que vous dites, c'est comme si le projet de loi engendrait une perte de droits acquis et de revenus pour les créateurs. Est-ce exact?
    Oui, tout à fait, ne serait-ce pour ce qui est du régime de la copie privée. Dès lors que les gens n'utiliseront plus du tout les supports audio vierges, qui sont présentement couverts par la loi actuelle, il y aura évidemment une perte sèche à cet égard. Des reproductions pourraient être faites sans qu'il y ait de compensation financière.
    C'est la même chose pour ce qui est du droit de reproduction qui est actuellement versé par les radiodiffuseurs, bien que pour l'instant ces droits, du moins en ce qui concerne Artisti et ses membres, soient beaucoup moins élevés que les redevances qui découlent du régime de la copie privée.
    C'est bien.
    Vous avez brièvement parlé d'un élément important. Vous avez dit que les stations de radio n'avaient pas à payer de redevances pour la première portion de leurs revenus jusqu'à 1,25 million de dollars. Pouvez-vous préciser votre pensée? Il s'agit d'un sujet que nous n'avons pas vraiment abordé, mais qui me semble important.
    Effectivement, une exemption est incluse dans la loi. Les radiodiffuseurs n'ont pas à payer de redevances pour la portion de leurs recettes publicitaires qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars. Ils n'ont qu'à payer un montant forfaitaire de 100 $ en tout.
    Probablement que le président de Ré:Sonne serait mieux placé que moi pour vous en parler, mais si on prend l'ensemble des ayants droit qui auraient normalement droit à la rémunération équitable, à savoir les artistes interprètes et les producteurs d'enregistrements sonores, le montant annuel d'argent qui ne se retrouve pas dans les poches des créateurs serait, si je ne m'abuse, de 6 à 7 millions de dollars.
    Merci.
    Monsieur Legault, vous avez parlé des serrures numériques comme étant une solution théorique. Le projet de loi est basé en grande partie sur l'existence de ces serrures numériques. Vous dites qu'il s'agit d'une solution théorique, alors que le gouvernement dit que c'est essentiel. Pourriez-vous nous expliquer s'il existe une autre façon de faire ou des dispositifs autres que les serrures?
    Pour bloquer?
    Oui, pour atteindre les mêmes objectifs.
    C'est une solution théorique, car développer un logiciel en vue d'installer une serrure numérique, ça coûte de l'argent. Ce ne sont pas de gros producteurs. L'artiste interprète, dans ce cas, n'est pas nécessairement toujours le producteur. L'artiste interprète n'a pas les moyens de le faire, à la différence du producteur qui, lui, en aurait les moyens.
    Par ailleurs, vous savez que les grands producteurs d'enregistrements sonores, les « majors », ont abandonné le modèle de la serrure numérique. J'aimerais simplement souligner que pour chaque serrure numérique il existe une clé. À partir du moment où il existe une clé, les créateurs peuvent permettre la copie, qui va être diffusée sur Internet.
    La solution est donc, dans le domaine du droit d'auteur en général et même dans le secteur du livre, de donner l'accessibilité aux oeuvres. C'est la solution qui a été choisie. En contrepartie, il s'agit de prévoir un droit à la rémunération, ce qui, d'une part, permet l'accessibilité aux oeuvres et qui, d'autre part, permet aux créateurs d'être rémunérés.
    La voie de la serrure numérique est donc pour nous une voie en cul-de-sac à laquelle même ont renoncé les « majors ». Je vous renvoie à l'exemple de iTunes ou de Sony qui ont décidé de retirer les serrures numériques de leurs CD ou téléchargements pour permettre une plus large diffusion, en réponse à la non-satisfaction des consommateurs.
(1230)
    Dans le fond, on ne veut pas restreindre l'accès, on veut qu'il y en ait plus, que les gens puissent consommer plus de produits culturels, mais on veut aussi que les artistes, créateurs et ayant droits soient rémunérés pour leur travail. C'est le but et c'est ce qui doit être démystifié. Il ne s'agit pas de bloquer l'accès; il faut le rendre disponible mais en étant justes.
    Ma question s'adresse à vous trois. Si je ne m'abuse, à votre avis, le projet de loi C-32 tel que présenté non seulement ne vient pas améliorer la situation, mais la détériore et ne devrait pas être adopté. Est-ce la position de chacun d'entre vous?
    En effet.
    Tel qu'il est actuellement, il est préférable que le projet de loi C-32 ne soit pas adopté.
    C'est un recul.
    Merci.
    Monsieur Azzaria.
    On efface tout et on recommence. Avec certains principes de base, qui incluraient la rémunération et l'accès, c'est tout à fait possible. Il y a des lois sur le droit d'auteur qui sont beaucoup plus claires et qui réussissent à atteindre ces objectifs.
    Vous disiez que le droit d'auteur s'appuie sur le droit de propriété. Selon vous, que devient ce droit de propriété dans le projet de loi C-32?
    Il est excessivement affaibli.
    Le droit de propriété est toujours échangé contre une rémunération. Un modèle auquel on peut penser et qui respecte précisément ça, c'est celui de la licence globale. Dans certains pays, on va de plus en plus vers ce modèle par lequel on donne l'accès et, en échange, une rémunération est versée aux sociétés de gestion.
    C'est donc tout à fait pensable. Comme je le disais tantôt, je n'ai pas encore vu d'étude qui démontre que les citoyens, les consommateurs, ont accès à moins d'oeuvres. Je dirais que ce qu'on constate, bien au contraire, c'est que les auteurs ont moins de revenus.
    À mon avis, la Loi sur le droit d'auteur n'est pas une loi dans laquelle tout le monde va trouver son compte. C'est une loi axée d'abord sur le principe de la propriété de l'auteur.
    D'accord.
    C'est vrai dans ce cas-là et dans d'autres domaines du droit.
    Il me reste quelques secondes.
    Selon vous, le projet de loi C-32 nous permet-il de remplir nos obligations internationales?
    Je crois que non.
    C'est un des problèmes et il faut le dire parce qu'il y aura des contestations. Si le projet de loi C-32 est adopté tel quel, il y aura des contestations durant 10 ans devant des tribunaux économiques internationaux et canadiens.
    Je ne vois pas l'intérêt pour le législateur de dire aux gens d'aller se battre devant les tribunaux et qu'on verra ce que ça donnera.
    À peu près tous les intervenants qui sont venus parler du test des trois étapes ont dit — en tous cas, j'en ai entendu quelques-uns le dire devant vous — que cela ne passerait pas le test sur le plan international.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Lavallée.
    Merci beaucoup.
    D'abord, bonjour tout le monde.
    Bonjour, monsieur Azzaria. Je voulais répondre à une des questions que vous vous posiez à la fin de votre présentation. Ensuite, je poserai des questions à mes amis de l'UDA.
    Vous vous demandez pourquoi le gouvernement n'a pas mis le droit de suite dans son projet de loi C-32. C'est parce que, comme vous l'avez remarqué, tous les revenus des artistes leur sont retirés dans le projet de loi C-32.
    Pour le gouvernement, c'est une situation de perdant-perdant-perdant. Il n'a aucun respect pour les artistes. D'ailleurs, on a vu tout à l'heure de quelle manière M. Del Mastro a abordé Mme Atwood.
    De plus, avec ce projet de loi, le gouvernement appauvrit les artistes et la culture; il met une principale barrière pour empêcher de moderniser la Loi sur le droit d'auteur; il s'empêche de combattre le téléchargement illégal et en plus, il ne respecte pas les traités internationaux.
    Une telle situation de perdant-perdant-perdant est incompréhensible. Le projet de loi C-32 enlève aux artistes tous leurs revenus et ne leur en donne aucun autre.
    Monsieur Legault et madame Morin, bienvenue. Je conservais une question pour vous depuis un certain temps.
    Le ministre du Patrimoine canadien, James Moore, a souvent dit que le projet de loi C-32 répondait à quatre des six préoccupations de l'UDA et d'Artisti. Maintenant que vous êtes réunis, vous allez pouvoir me répondre.
    Est-ce vrai? Et quelles sont ces préoccupations?
    Je vais laisser M. Legault répondre.
    J'ai entendu cette question posée à la Chambre et j'ai entendu cette affirmation quand j'ai rencontré M. Moore sur la Colline du Parlement, lorsqu'on en venus à bord de « l'autobus du show-business ».
    C'était le 30 novembre dernier.
    M. Moore a fait allusion à six demandes soumises dans le cadre du colloque au cours duquel nous avons été consultés. C'était au mois d'août 2009. À cette occasion, nous avons livré un mémoire, un témoignage, à M. Moore. Ce témoignage comportait neuf demandes. Je peux vous en faire la liste. Par contre, je peux vous dire que seule une demande a été acceptée. Quant aux autres, une a été acceptée à moitié et les sept autres ont été rejetées.
    Les demandes étaient les suivantes: la copie privée; un régime étendu au secteur de l'audiovisuel; les droits exclusifs accordés par l'OMPI avec des mesures transitoires: les droits exclusifs seraient accordés, mais pas les mesures transitoires; la prestation intégrée à l'oeuvre cinématographique — comme je l'ai dit plus tôt, ce n'est pas le cas dans le projet de loi C-32 —; un doit moral — c'est présent dans le projet de loi C-32, mais celui-ci stipule qu'un artiste peut y renoncer, ce qui fait qu'on donne d'une main et qu'on reprend de l'autre —; l'impossibilité de céder des usages qui ne sont pas déjà prévus par la loi — le projet de loi C-32 n'en parle pas —; pour ce qui est des recettes sur le 1,25 million de dollars, on demandait qu'autant les auteurs-compositeurs que les artistes interprètes aient droit à la même chose — et ça ne se trouve pas dans le projet de loi C-32 —;  et finalement, concernant les responsabilités des fournisseurs Internet, nous demandions qu'il y ait au minimum un système « avis et retrait ». Or tout ce qu'il y a dans le projet de loi C-32, c'est un système « avis et avis », c'est-à-dire qu'on donne la possibilité à un artiste d'indiquer qu'une personne télécharge de la musique illégalement et de demander qu'on envoie un avis à cette personne.
(1235)
    En fin de compte, la proportion est de 1,5 sur 9.
    Exactement.
    Il ne passe pas le test.
    Non.
    Le projet de loi C-32 est-il acceptable?
    Non.
    Diriez-vous que, pour les artistes, il serait préférable de vivre avec l'actuelle loi, qui a été modifiée en 1997, plutôt que d'accepter le projet de loi C-32?
    La Loi sur le droit d'auteur a tout de même besoin d'être améliorée, mais pas de la façon dont le propose le projet de loi C-32. Dans les circonstances, il est certain qu'il vaut mieux conserver telle quelle la loi actuelle plutôt que d'y intégrer les dispositions du projet de loi C-32. Celles-ci pourraient causer des torts totalement irréparables. On n'a qu'à penser aux fameuses reproductions à des fins privées. À partir du moment où les consommateurs pourront faire des reproductions dans toutes sortes de domaines artistiques, à des fins privées — ça ne toucherait pas seulement la musique, mais aussi les livres, notamment —, on pourra difficilement remédier à cela dans le cadre d'un gouvernement ultérieur. En effet, les gens auront joui de cette possibilité sans jamais avoir à verser un sou. La gratuité sera désormais un privilège acquis. Il est difficile, une fois que tout est gratuit, de dire qu'on est désolé, mais qu'il s'agit du fruit du travail de gens qui méritent d'être payés. Bref, dans les circonstances, je pense qu'il serait préférable que le projet de loi C-32 ne soit pas adopté.
    Madame Lavallée, je veux simplement ajouter que les textes étaient à teneur hautement juridique, mais qu'on s'est vraiment efforcé de trouver comment amender ce projet de loi. En ce moment, il y a un manque à gagner. Dans le cas des iPod, des redevances étaient versées auparavant, au même titre que les droits versés pour tous les brevets faisant l'objet d'une licence. Or la Cour suprême, sur un détail technique, a renversé la décision de la Commission du droit d'auteur du Canada.
    Merci.
     Je vais maintenant donner la parole à M. Angus.

[Traduction]

    Il y a eu beaucoup de révolutions technologiques dans l'histoire. Les universités ont fait toutes sortes d'études sur Gutenberg, Thomas Edison et Henry Ford. Je crois qu'il faudrait ajouter Karlheinz Brandenburg à cette liste.
    Karlheinz Brandenburg a perfectionné le MP3. Il a pris des fichiers audio analogiques et, grâce à des taux très élevés de compression et un débit binaire très bas, il a détruit l'une des plus grosses industries du divertissement de l'histoire, sans le vouloir, mais le résultat est là, parce que c'était très facile à faire.
    Admettons qu'un ami vienne chez moi et me dise d'écouter un de ses merveilleux CD. Je mets ce CD dans mon ordinateur et j'en fais une copie. Cela me prend 20 secondes en tout, et je lui rends le CD. Ensuite, parce que je trouve une chanson très belle, je l'envoie par courriel à ma fille, lui recommandant de l'écouter; ce qu'elle fait. Comme elle trouve aussi la chanson formidable, elle peut décider de l'envoyer à son tour à deux ou trois de ses amis.
    On pourrait toujours soutenir que cela cause des pertes de revenus, ou que certaines personnes achèteraient les copies. Il est difficile de déterminer exactement ce qui se passe à ce chapitre. Il me semble qu'on a tenté à de nombreuses reprises, comme l'a fait remarquer l'industrie du disque, de faire rentrer le génie dans sa lampe magique. Les gens ont pensé qu'on ne s'intéresserait pas à la technologie, mais cela n'a pas fonctionné. Ensuite, on a décidé de poursuivre de nombreux jeunes pour leur apprendre à respecter les règles, et 35 000 poursuites plus tard, les jeunes sont passés à autre chose, et le marché ne s'en porte pas mieux pour autant.
    Les conservateurs croient maintenant que s'ils font fermer le site isoHunt et qu'ils font poser des serrures numériques, cela aura un effet bénéfique sur le marché, d'une manière ou d'une autre. Je pense que c'est une croyance tout à fait naïve. Je ne veux pas dire par là que personne n'est favorable à ce que l'on veut imposer à isoHunt, mais je ne connais personne qui va sur ce site. Les copies qui se font partout au Canada, partout dans le monde, sont le résultat d'échanges entre des gens qui aiment la musique.
    Je me demande quelle solution nous devrions adopter. Il me semble qu'en 1997, le Canada avait trouvé une solution, quand on enregistrait des cassettes, et c'était rien en comparaison avec les copies qui se font aujourd'hui. Les copies continueront de circuler, indépendamment d'isoHunt, des poursuites devant les tribunaux et de la fermeture de BitTorrent. Ne pensez-vous pas que nous devrions chercher à tirer des revenus, comme nous l'avons déjà fait; n'est-ce pas une question de principe pour nous assurer que les artistes retirent quelque chose des copies en circulation? N'est-ce pas cela le principe d'application de redevances sur les copies privées?
(1240)

[Français]

    Effectivement, une partie de la solution serait certainement d'avoir une exemption, dans ce régime de la copie privée, pour tout ce qui peut éventuellement servir à copier de la musique, pour tous les appareils qui sont créés, conçus, mis en marché pour faire des copies d'oeuvres musicales. C'est une des solutions possibles.
    D'autre part, vous entrez dans un débat plus large, soit celui des échanges illégaux qui se font présentement au moyen d'Internet. Dans le cadre de leurs mémoires, l'Union des artistes et Artisti ont prôné une solution de base selon laquelle il devrait y avoir, à tout le moins, un système « avis et retrait ». Un tel système permettrait, dès qu'il y aurait indication qu'une activité illégale a cours sur Internet, de retirer le contenu, et ainsi d'éviter que les fichiers ne soient de plus en plus échangés et qu'ils ne soient accessibles à plus de gens de façon illégale. C'était une possibilité.
    Nous avions également avancé un modèle, à l'époque des consultations, qui avait été élaboré en France par M. Patissier. Ce modèle prévoit le versement d'une contrepartie financière qui serait procurée par les fournisseurs de services Internet. Ces derniers se trouvent à bénéficier — peut-être involontairement — des retombées économiques importantes qui sont liées au téléchargement illégal. Qu'on le veuille ou non, avec le téléchargement illégal, il y a une très grande utilisation des bandes passantes, et grâce à ce trafic important, les fournisseurs peuvent demander des sommes toujours plus importantes pour télécharger davantage de contenu.

[Traduction]

    Je suis davantage préoccupé par les copies que par le téléchargement illégal... et le fait qu'on diffuse des choses sur Internet. Les copies continuent de circuler. Je suis d'accord pour qu'on permette aux gens de stocker ce qu'ils veulent sur leur iPod ou sur leur ordinateur. C'est ce qui se passe partout, mais il semble que nous devrions en faire une source de revenus. Lorsque la Commission du droit d'auteur s'est prononcée sur les redevances qu'on était censé appliquer au début sur les iPod, il me semble qu'elle avait dit très clairement que c'était réservé strictement aux lecteurs numériques. Je ne sais pas, peut-être des groupes d'artistes préféraient une interprétation très large, mais la Commission du droit d'auteur avait une interprétation très étroite, tout comme pour les tarifs qui allaient s'appliquer.
    Croyez-vous que nous pourrons mettre en place un système raisonnable de copie privée dans ce monde numérique, qui n'entraînera pas une distorsion des marchés ni des conséquences injustes pour les utilisateurs d'appareils autres que les lecteurs numériques?

[Français]

    Justement, là est la beauté du système novateur qu'on a au Canada. La Commission du droit d'auteur du Canada est un organisme de régulation économique qui veille à ce que les montants de redevances qui sont exigées ne soient pas déraisonnables. Il s'assure également que le marché ne subit pas d'effets néfastes.
    Jusqu'à présent, la Commission du droit d'auteur fait très bien son travail. À l'époque, elle avait déterminé un tarif pour les enregistreurs audionumériques — on ne visait strictement que les enregistreurs audionumériques, soit les iPod et ce qu'on appelle les baladeurs MP3 —, qui était de 2 $ à 25 $, en fonction de la capacité de l'appareil. Pendant la période de temps où ces sommes ont été perçues, il n'y a eu aucun effet défavorable sur le marché. 

[Traduction]

    N'est-il pas vrai que le ministre peut fixer le tarif? Par exemple, qu'arriverait-il si le prix des iPod chutait considérablement, mais qu'on imposait une redevance de 15 $? Cela aurait un effet pervers sur le marché. Au bout du compte, le ministre a le droit de fixer... ou de déterminer en pourcentage à combien s'élèvera la redevance.
(1245)

[Français]

    En fait, la Loi sur le droit d'auteur permet d'établir un pourcentage — par règlement, si je ne m'abuse. J'ai eu l'occasion de témoigner sur ce sujet lorsque j'étais devant le comité à titre de présidente de la Société canadienne de perception de la copie privée. Il y a possibilité de limiter le montant, d'imposer un plafond. Je crois qu'il serait possible d'établir un pourcentage, éventuellement, si telle était la volonté du gouvernement.

[Traduction]

    Merci.

[Français]

    Je vais donner la parole à M. Braid.

[Traduction]

    Peter, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président et merci aussi à nos témoins d'être ici aujourd'hui.
    Professeur Azzaria, dans votre déclaration liminaire, vous avez utilisé certains termes pour qualifier le projet de loi C-32. Par exemple, vous avez dit qu'il s'agissait d'un casse-tête juridique. Vous avez également indiqué que vous le trouviez opaque. Si je puis me permettre, je dirais que ces descriptions s'appliquent davantage à certains exposés que nous avons entendus devant ce comité, y compris ceux d'aujourd'hui.
    Quoi qu'il en soit, j'aimerais obtenir des précisions, parce que vous avez tiré des conclusions générales.
    Par ailleurs, toujours dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit que le projet de loi avait besoin de quelques modifications de nature administrative, mais par la suite, en réponse à une question, vous avez laissé entendre qu'au fond, il ne valait rien. Qu'en est-il vraiment?

[Français]

    Je vais répondre en français.
    Dans mes propos introductifs, je n'ai fait que mettre la table. On peut certainement dire que le projet de loi est confus, qu'il est opaque, comme je le disais tout à l'heure. En voici une preuve.
    Quand je présente ce projet de loi à mes étudiants en droit, ils doivent mettre deux ou trois heures à comprendre ce qu'il veut dire. Ce n'est pas rien que des étudiants en droit ne comprennent pas un projet de loi fédéral. Ils sont obligés de référer à la loi, de se poser des questions, et de discuter entre eux afin d'arriver à comprendre ce qu'il peut vouloir dire. Ils finissent par se dire qu'un juge le leur expliquera peut-être un jour. Il y a là un problème. Je pourrais vous donner plusieurs autres exemples.
    J'ai déjà donné l'exemple des définitions de « utilisation équitable [...] aux fins [...] d'éducation », de « leçon » et de « fins pédagogiques » qui sont dans le projet de loi et qui s'ajoutent à d'autres définitions qui existaient déjà.
    Par exemple, la difficulté à comprendre ce que le paragraphe 27(2.3) proposé vise à faire constitue une preuve pour un recours. Je vous mets tous au défi d'expliquer ce que veut dire le paragraphe proposé 27(2.3). C'est une façon d'interdire aux fournisseurs d'accès à Internet de fournir des services Internet.

[Traduction]

    Très bien. Merci. Par conséquent, le projet de loi C-32 doit subir quelques changements d'ordre administratif.
    Des représentants de plusieurs organisations reconnues, des organisations nationales, sont venus témoigner devant ce comité. Ils nous ont dit qu'il fallait féliciter le gouvernement pour le travail qu'il avait accompli avec le projet de loi C-32, qu'il est clair qu'il y a eu de vastes consultations à son sujet, que cette mesure législative n'est peut-être pas parfaite, qu'elle a besoin d'être peaufinée ici et là, mais que nous nous en sommes très bien tirés.
    Nous avons reçu des représentants de la Chambre de commerce du Canada, du Conseil canadien des chefs d'entreprises, de l'Association des universités et collèges du Canada, ainsi que des représentants d'associations étudiantes et des industries phonographique et cinématographique. Tous ont dit la même chose.
    Est-ce qu'ils avaient tous tort?

[Français]

    J'étais là quand M. Manley est venu témoigner devant le comité. Personnellement, j'essaie d'avoir une perspective plus globale. C'est pour cela que je vous dis que, quand on regarde l'ensemble, on remarque que c'est opaque.
    Certains pourraient dire qu'ils sont très contents parce qu'ils économisent 25 millions de dollars, bien sûr, mais dans l'ensemble, ce n'est peut-être pas si vrai.
    Je dirais même qu'au Québec, je ne suis pas sûr que le milieu de l'éducation est si content quant aux mesures techniques de protection, par exemple. J'ai entendu beaucoup de gens de ce milieu, au Québec, dans les universités entre autres, dire que cela pose problème. En effet, on dit aux gens qu'ils ont accès à des oeuvres, qu'ils peuvent bénéficier d'exceptions, mais que s'il y a une mesure technique de protection, alors ils ne pourront plus bénéficier de cette oeuvre.
    Quand on gratte un peu à la surface, on se rend compte qu'il n'y a certainement pas de consensus. Le consensus est basé sur le détail. Les gens qui applaudissent, à mon avis, ne sont là que pour des intérêts très spécifiques. Quant à moi, j'essaie de vous proposer une vision d'ensemble qui a trait aux effets que pourrait avoir cette loi.
(1250)

[Traduction]

    Merci.
    Dans votre déclaration d'ouverture, vous évoquez également quelques-unes des réalités d'Internet. En fin de compte, le projet de loi C-32 permet au Canada d'appliquer les dispositions des traités de l'OMPI. Le reconnaissez-vous?

[Français]

    Oui. Je pense qu'on va trop loin dans les mesures techniques de protection. Il faut se rappeler que les traités de l'OMPI ont été signés en 1996, et que les technologies ont beaucoup changé, ce qui a été souligné à de nombreuses reprises. On ne les utilise presque plus. Beaucoup de gens se sont demandés, d'ailleurs, si c'était du droit d'auteur. On protège une technologie, et c'était déjà sanctionné de toute façon.
    Il y a le droit de mise à disposition, par exemple, ce qui est une bonne chose. Il y a effectivement des mesures qui nous permettent d'aller dans le sens de certaines dispositions des traités de l'OMPI, parce qu'en général on y réfère. Cependant, dans l'ensemble, je pense que cela ne passe pas le test de l'OMPI et qu'un système « avis et retrait », par exemple — ce qui a souvent été souligné —, serait beaucoup plus efficace que des mesures techniques de protection.
    Dans ce cas, on ne veut pas impliquer les fournisseurs d'accès, c'est pour cela qu'ils applaudissent, mais je pense qu'ils font partie de l'équation.

[Traduction]

    Reconnaissez-vous que le piratage dans l'industrie de la musique et du film sur Internet constitue un problème que nous devrions corriger?

[Français]

    Je n'ai pas entendu le début de votre question, monsieur.

[Traduction]

    Êtes-vous d'accord que le piratage de morceaux de musique et de films sur Internet constitue un problème?

[Français]

    Bien sûr, et il faut trouver des façons de faire. C'est pour cela que je vous dis que je ne suis pas sûr qu'on trouve les bonnes façons, avec cela.
    M. Angus le disait plus tôt: à la fin des années 1990, le réflexe de l'industrie de poursuivre des internautes n'a pas été le bon, à mon avis. Il aurait fallu développer un modèle d'affaires il y a plus d'une dizaine d'années pour concurrencer l'offre illégale. Selon moi, cela a été une erreur historique sur le plan des affaires de l'industrie.
    Je pense que le piratage doit être condamné et qu'il faut trouver des façons de contrer cela. Une de ces façons serait une offre légale, une licence globale. Une autre façon serait un système « avis et retrait ». Cela fait partie des façons qui sont faciles à comprendre.

[Traduction]

    Merci.
    C'était ma dernière question. Vous êtes professeur de droit. Est-ce que le critère à trois volets de la Convention de Berne et la décision de la Cour suprême du Canada constituent une jurisprudence suffisante pour nous permettre de comprendre la notion d'utilisation équitable?

[Français]

    J'imagine que vous faites référence à la cause CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada.
    M. Peter Braid:Yes.
    M. Georges Azzaria: Je ne pense pas. Je crois plutôt qu'on va beaucoup plus loin, que l'on pense à l'article 29 du projet de loi, qui porte sur l'éducation, sur tout le contenu non commercial généré par l'utilisateur — il s'agit donc de la fameuse exception: « reproduction à des fins privées » dont on a parlé. Que l'on pense aux articles 22 et 29, à tout ce qui est écoute en différé, copies de sauvegarde, reproductions pour les radiodiffuseurs, je pense qu'on ne respecte pas le test en trois étapes.
    Merci beaucoup, monsieur Azzaria.
    Je vais maintenant donner la parole à M.  Pablo Rodriguez, pour deux minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Azzaria, vous avez dit que cela pouvait prendre de deux à trois heures à certains étudiants pour comprendre le projet de loi, ce que je trouve quand même bien. Cela dit, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est flou et qu'il peut générer plus de problèmes qu'autre chose.
    En ce qui a trait à la responsabilité des fournisseurs Internet, je crois comprendre que chacun d'entre vous nous dit que le système « avis et avis » n'est pas suffisant. Est-ce exact?
    Non, ce n'est pas suffisant.
    Que prônez-vous, alors?
    Nous suggérons minimalement le système « avis et retrait », sinon une solution qui impliquerait davantage les fournisseurs de services Internet, notamment sur le plan financier, peut-être.
    Monsieur Legault, êtes-vous du même avis?
    Oui.
    Monsieur Azzaria, êtes-vous d'accord aussi?
    « Avis et retrait », ce serait en effet le minimum, pour ma part. Cela devient à peu près le minimum sur le plan international. Voilà ce qu'il faut se dire. Le Canada, dans l'univers numérique, va peut-être s'isoler. À mon avis, procéder de la sorte n'est pas une bonne stratégie législative.
    Je vais revenir à la question des droits éphémères. Les radiodiffuseurs nous disaient, la semaine dernière, que la copie qu'ils font aux fins de communication et de diffusion n'a pas de valeur. Selon vous, est-ce que cette copie a de la valeur?
    Oui, assurément qu'elle a de la valeur. Notamment, elle facilite beaucoup leurs activités de radiodiffusion et, si elle n'avait aucune valeur, on n'investirait pas autant dans la technologie pour pouvoir la faire, de toute évidence.
    Merci.
    Monsieur Legault?
    Je comprends mal que les radiodiffuseurs prétendent qu'ils paient le matériel deux fois. J'ai entendu les questions posées plus tôt. Il me semble que la plupart des radiodiffuseurs reçoivent le CD ou le matériel gratuitement et, à présent, ils reçoivent des fichiers MP3. Il me semble que...
(1255)
    Merci.
    Monsieur Azzaria.
    C'est le prix à payer pour une licence. C'est quand même une autorisation. C'est une utilisation au sens du droit d'auteur. Cela m'apparaît donc assez normal.
    Qu'est-ce qu'on fait avec les mashups, le fameux contenu sur YouTube? Personne n'en a vraiment parlé. Avez-vous un point de vue à ce sujet?
    Je vous demande de répondre rapidement, madame Morin.
    On parle, par exemple, du cas où des gens décideraient de faire une vidéo familiale avec de la musique de fond et, ultérieurement, de la présenter sur YouTube.
    De façon générale, les artistes interprètes, du moins ceux du secteur de la musique, peuvent éventuellement être favorables à cette utilisation. Cependant, ils se demanderont pourquoi aucune compensation n'est versée, comme cela se fait présentement en France, où des négociations sont en cours.
    Oui, parfait. Je pense que vous vous êtes bien exprimée.
    Il ne vous reste plus de temps, monsieur Rodriguez. Je vais donner deux minutes à M. Cardin.
    Deux minutes. Vous êtes généreux, monsieur le président.
    Madame, messieurs, bonjour.
     Monsieur Azzaria, j'ai une question pour vous.
    M. Del Mastro nous disait, tout en citant Michael Geist, que l'ajout du terme « éducation équitable » ne changerait rien aux revenus actuels des sociétés de gestion. Qu'en pensez-vous?
    Je ne suis pas d'accord. Je crois qu'il faut poser la question aux sociétés de gestion qui ont des ententes dans le milieu de l'éducation. Je crois que cela les déstabilise énormément. Une société de gestion, il faut se rappeler que ce n'est pas une compagnie; c'est un endroit où il y a des titulaires de droits, des auteurs, et des éditeurs dans ce cas-ci. Cela fournit donc un apport économique essentiel à ces sociétés de gestion. Ce ne sont pas des compagnies privées. Des auteurs les soutiennent.
    Si l'on considère les revenus qui sont distribués par les sociétés de gestion dans le cadre d'ententes avec les universités, notamment, on voit que ce n'est absolument pas insignifiant et que cela fait partie des revenus. On l'a dit, et je le répète: le revenu d'un auteur est dispersé. C'est l'addition de plusieurs petits revenus. Un auteur n'est pas un salarié qui reçoit un chèque de paie toutes les deux semaines.
    On ne peut pas toucher à cela. Si on se met à toucher à des revenus importants comme cela, on déstabilise l'auteur et on rend sa situation plus précaire. À mon avis, la Loi sur le droit d'auteur sert précisément à lui permettre de vivre de son travail.
    Me reste-t-il encore du temps, monsieur le président?
     Merci. Plus tôt, M. Braid vous a posé une question sur les critères établis par la Cour suprême du Canada. Est-ce que ces six critères permettent aux créateurs de préserver leurs droits?
    Je crois que la décision dans CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada allait trop loin. Je ne suis pas d'accord à propos de cette décision. Il y a toute une discussion juridique à faire à ce sujet. Est-ce que votre question vise à savoir ce que je pense de ce jugement?
    Oui.
    Il me semble que c'est une décision qui est allée trop loin, surtout parce qu'elle invente un droit aux utilisateurs. C'est une pure invention. En fait, ce n'est plus une fiction depuis la décision, en 2004, mais on n'avait pas auparavant de trace législative de cela. Alors, de dire qu'un utilisateur a des droits, à mon avis, c'est une invention de la Cour suprême, et cela vient déstabiliser un peu tout l'équilibre très précaire sur lequel reposait le droit d'auteur. Quant aux six critères, il faut les regarder un par un. Certains vont de soi, mais d'autres, à mon avis, vont beaucoup trop loin.
    Je donne maintenant la parole à M. Ed Fast, for two minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Professeur Azzaria, je crois que vous venez juste de dire que l'affaire CCH était allée trop loin. Il s'agit d'une décision de la Cour suprême du Canada.Vous avez laissé entendre que ce tribunal avait inventé un régime pour l'utilisation équitable qui allait beaucoup trop loin.
    Dois-je en conclure que vous n'avez pas confiance dans la Cour suprême?

[Français]

    C'est une drôle de question, parce que la Cour suprême, on le sait, ça reste...

[Traduction]

    C'est tout à fait approprié. Vous aviez l'air très convaincu lorsque vous disiez que l'affaire CCH était allée trop loin. Vous avez déclaré que la Cour suprême s'était rendue coupable d'invention.
    Avez-vous perdu confiance dans ce tribunal?

[Français]

    Oui, parce que j'ai confiance dans le système de droit, évidemment. C'est parce qu'il n'y a pas une Cour suprême au-dessus de la Cour suprême que ce jugement n'a pas été renversé.
     À un certain moment, dans notre système juridique, un plus haut tribunal rend une décision, mais, très souvent, les décisions de la Cour suprême sont contestées, même par le...

[Traduction]

    Professeur Azzaria, c'est un concept très intéressant...
    Une voix: C'est radical.
    M. Ed Fast: ... la Cour suprême du Canada n'a pas de tribunal au-dessus d'elle pour la superviser; c'est étrange d'entendre cela de la part d'un professeur de droit.
    Permettez-moi de vous poser une autre question, toujours à propos de votre déclaration. Vous avez dit que le projet de loi C-32, malgré les changements qu'il apporte, ne nous permet pas de nous conformer à nos obligations internationales. Mais du même souffle, vous dites qu'avec ce projet de loi, nous appliquons les dispositions des traités de l'OMPI.
    Donc, d'un côté vous dites qu'il est non conforme, mais d'un autre, qu'il est conforme aux traités de l'OMPI. À quelle enseigne logez-vous?
    Une voix: C'est opaque.
    M. Ed Fast: Est-ce opaque? C'est ce que vous pensez?
(1300)

[Français]

    Le test des trois étapes découle de la Convention de Berne et pas des traités de l'OMPI. C'est la distinction qu'il faut faire. Donc, ce test des trois étapes vient de l'article 9.2 de la Convention de Berne et de l'article 13 de l'Accord sur les ADPIC, donc de l'OMC. À mon avis, le projet de loi ne respecte pas ça.
    Il y a aussi les traités de l'OMPI qui vont parler de droit à la mise à disposition, par exemple, qui vont également parler des mesures techniques de protection. Pour ça, ça va. De toute façon, le droit à la mise à disposition existe.
    En même temps, si on grattait un peu dans les traités de l'OMPI, on se rendrait compte que l'arrimage n'est peut-être pas parfait. Je pense que les gens d'Artisti l'ont dit, d'ailleurs.
    Merci, monsieur Azzaria.
    Merci, madame Morin et monsieur Legault, de votre présence parmi nous.
    Merci aux membres.
    Ceci termine la 18e séance du Comité législatif responsable de l'étude du projet de loi C-32. La séance est levée.
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