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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je veux vous parler de la liste de témoins.
Ce matin, on a l'honneur et le plaisir de recevoir deux témoins importants de 11 heures à midi. Toutefois, la semaine dernière, lors de la dernière rencontre, il y avait six personnes. À la dernière minute, le président a décidé de ne pas faire comparaître une autre personne. Il y aurait eu sept témoins et cela n'avait pas de bon sens.
Il y a des représentants d'organismes qui représentent des dizaines de milliers d'artistes et qui ont des réserves par rapport au projet de loi C-32. Des organismes se plaignent de ne pas avoir été invités. Ce matin, on aurait tout le temps d'entendre d'autres témoins parce que dans la deuxième partie de la réunion, on n'a seulement qu'à étudier un avis de motion et cela pourrait durer seulement cinq ou dix minutes. Pourtant, ce matin, on n'entendra seulement que deux témoins.
Plusieurs organismes communiquent avec moi pour me dire qu'ils n'ont pas reçu d'appel pour comparaître. Quand ils appellent, ils se font dire qu'ils ne sont pas encore sur la liste et que ce n'est pas certain qu'ils le seront.
L'un de ces organismes, monsieur le président, c'est l'Union des artistes. L'Union des artistes, l'UDA, est l'un des organismes qui représentent les artistes les plus importants au Québec. Il est présidé par Raymond Legault. Il regroupe 11 000 membres.
Ses représentants veulent témoigner avec Artisti, qui représente le droit des interprètes et compte 2 000 membres. L'UDA est à l'origine de la demande des droits voisins et est aussi à l'origine du système de la copie privée, tel qu'on le connaît actuellement.
C'est totalement injuste que l'Union des artistes ne soit pas invitée en priorité à participer à nos travaux et qu'on la mette de côté en lui disant qu'on ne sait même pas si elle sera invitée à témoigner. C'est absolument injuste, monsieur le président.
Je voudrais qu'on repense ensemble la liste des témoins et la façon de faire en sorte de l'inviter. Cela a été très clair quand on a pris cette décision autour de la table. Cela devait être une période de deux heures, incluant deux panels. Dans chacun des panels, il devait y avoir trois témoins ou trois porte-parole de regroupements.
Ce n'est pas ce qu'on a. Quand les porte-parole sont contre le projet de loi C-32, on remplit la salle avec six et sept regroupements en même temps. Quand ils sont en faveur, à ce moment-là, ils sont tout seul. Ils sont invités à revenir ou encore ils sont très peu nombreux et ils ont tout le temps pour expliciter leurs idées.
Avant de donner la parole à M. Del Mastro, je veux seulement informer les membres du comité par rapport aux deux interventions précédentes.
Le greffier vient de m'informer que l'Union des artistes devrait être avec nous jeudi. Il a de la difficulté à avoir la présence de certaine personnes. Donc, il est certain que le comité souhaite entendre un maximum de trois témoins par heure de réunion. C'est pris en note par le greffier et par le président.
Dépendant de la disponibilité des gens, on fait de notre mieux. Jeudi de cette semaine, c'est certain qu'on va avoir des représentants de l'Union des artistes ainsi que d'autres personnes.
Avant de poursuivre et de donner la parole à M. Del Mastro, je veux seulement que le comité prenne note d'une lettre que j'ai reçue ce matin du président du comité, M. Gordon Brown. Je vais vous lire un passage de la lettre de M. Brown. Il dit ceci:
[Traduction]
En raison du décès de ma mère cet après-midi, veuillez prendre note que je n'assisterai pas aux réunions du 8 et du 11 mars 2011. Par la présente, je nomme l'honorable Maxime Bernier à titre de président suppléant de ces séances.
[Français]
Au nom du comité, nous allons souhaiter bon courage à M. Brown et lui adresser nos condoléances étant donné les moments difficiles que lui et sa famille traversent. Sa mère était âgée. J'espère que tout se passe quand même assez bien pour lui.
Je vais maintenant céder la parole à M. Del Mastro.
La CIPPIC est la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada. Nous sommes une clinique juridique au sein de la Section de common law de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa vouée aux questions soulevées par la technologie. Notre mandat est de faire la promotion d'un équilibre dans le processus d'élaboration des politiques et des lois, de fournir de l'aide juridique sur des questions se situant à l'intersection du droit, de la technologie et de l'intérêt privé aux organismes et aux personnes qui ne sont pas représentées par un avocat.
Depuis sa fondation, en 2003, la CIPPIC a participé aux débats concernant les politiques du droit d'auteur pour s'assurer que la loi canadienne du droit d'auteur maintient l'équilibre entre les intérêts divergents des auteurs, des propriétaires, des distributeurs, des consommateurs, des créateurs secondaires et des innovateurs.
Merci beaucoup de m'avoir invité.
En pratique, notre rôle de défenseur d'intérêts particuliers nous a permis de défendre, dans différents dossiers, les intérêts des consommateurs et des créateurs. Par exemple, actuellement, une partie de notre travail consiste à aider Documentaristes du Canada à préparer des directives concernant le travail dans un milieu respectueux du principe de l'utilisation équitable. Nous travaillons avec des auteurs indépendants canadiens sur l'accord sur Google Books, un important recours collectif aux États-Unis qui touche des auteurs de partout dans le monde. Nous aidons l'Association des auteurs-compositeurs canadiens dans ses démarches pour obtenir une rémunération pour le partage non autorisé de fichiers poste à poste.
À mon avis, ce travail nous a permis de nous forger une idée nuancée de ce qu'est le droit d'auteur. J'espère que ce point de vue éclairera vos discussions.
J'aimerais commencer par féliciter le gouvernement pour le projet de loi , qui démontre, à mon avis, qu'à l'été 2009, pendant les consultations sur le droit d'auteur, le gouvernement a réellement écouté les Canadiens. Le projet de loi représente ce qui est, à mon sens, une tentative concrète de concilier les multiples points de vue sur le droit d'auteur. On ne peut pas dire la même chose de tous les projets de loi récents sur le droit d'auteur.
Je vais construire mon bref exposé autour de trois principes et je soutiendrai l'argument selon lequel le projet de loi réussit lorsqu'il fait valoir ces principes et qu'il échoue quand il les bafoue.
Premièrement, le droit d'auteur doit être le reflet du rapport qu'entretiennent les Canadiens avec le contenu dans leur vie de tous les jours. Les exceptions du projet de loi sur l'écoute ou le visionnement en différé, les copies de sauvegarde et la reproduction à des fins privées respectent ce principe. Le projet de loi a enfin légalisé le magnétoscope, ce qui a pris beaucoup de temps à faire. Il a aussi légalisé le iPod et d'autres technologies d'utilisation courante.
Ce principe est aussi conforme à la reconnaissance dans le projet de loi du fait que l'utilisation d'une oeuvre à des fins de parodie, de satire ou d'éducation de façon équitable — qu'on appelle « utilisation équitable » — ne constitue pas une violation du droit d'auteur et que la création de contenu par les utilisateurs est une célébration de la créativité et non quelque chose qui la met en péril.
Les aspects du projet de loi qui contreviennent à ce principe, évidemment, sont les dispositions sur l'interdiction de contourner les mesures techniques de protection, qui sont les plus controversées et les parties les plus déséquilibrées du projet de loi, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire. Selon le libellé actuel des dispositions, simplement parce qu'il faudrait contourner une mesure technique de protection pour les faire, de nombreuses activités légales deviendraient illégales.
Pour beaucoup de créateurs, cela a l'effet pervers de les empêcher d'avoir accès au contenu dont ils ont besoin pour créer leurs oeuvres. Pensez aux documentaristes: comment auront-ils accès au contenu protégé? Pensez aux médias d'information: à l'avenir, qu'adviendra-t-il du bulletin de 18 heures à mesure que de plus en plus de contenu se retrouvera en ligne, numérisé et protégé?
Pourquoi compliquons-nous la vie de ces créateurs et de ces organismes? La CIPPIC préconise qu'on permette de contourner les mesures de protection si le contenu n'est pas utilisé pour enfreindre les droits d'auteur.
Le deuxième principe, c'est que la politique d'application de la Loi sur le droit d'auteur doit cibler les personnes qui détruisent la richesse et qui minent la créativité et non les enfants, ni les créateurs secondaires et les innovateurs, ni les institutions publiques comme les bibliothèques, les écoles, les services d'archives et les musées. Bref, au Canada, on ne devrait jamais permettre que les poursuites judiciaires liées au droit d'auteur deviennent un modèle d'entreprise.
Permettre les poursuites judiciaires en série à l'endroit des consommateurs et des petites entreprises serait une utilisation abusive de notre appareil judiciaire financé par les deniers publics. On parle de l'argent des contribuables.
Nos lois en matière de droit d'auteur devraient viser à obtenir l'engagement des consommateurs en favorisant l'innovation sur le marché et non le recours aux poursuites judiciaires. En conséquence, la CIPPIC appuie la refonte des dommages-intérêts d'origine législative prévue dans le projet de loi , puisqu'elle va en ce sens.
Ces réformes pourraient aller plus loin. Pour ce qui est des dommages-intérêts d'origine législative, je ne comprends pas pourquoi on cible les institutions publiques comme les bibliothèques, les musées ou les services d'archives. Ce sont des organismes qui agissent dans l'intérêt public. Ils devraient être à l'abri de l'influence coercitive des dommages-intérêts d'origine législative.
De même, la CIPPIC appuie les mesures du projet de loi qui visent à donner aux détenteurs de droits d'auteur des outils pour discipliner ceux qui cherchent à faire des profits par la promotion active du piratage. Sur le plan technologique, de telles lois sont neutres et font une distinction entre l'infrastructure numérique et la promotion du piratage.
Troisièmement, le droit d'auteur devrait reconnaître l'ensemble des créateurs et des innovateurs qui participent à la vie culturelle et économique du Canada, et la CIPPIC appuie le projet de loi parce qu'il reconnaît ce fait.
Prenez les dispositions sur les obligations liées aux FSI et aux outils de repérage de l'emplacement électronique. Dans le projet de loi, la façon d'aborder ces aspects, par exemple, constitue une reconnaissance de la valeur qu'accordent les Canadiens à la technologie neutre sur le plan du contenu, ce qui favorise les investissements continus en innovation.
Le projet de loi établit aussi des droits élargis pour les créateurs qui vont dans le sens de l'Intérêt public. Par exemple, la CIPPIC est favorable à la disposition du projet de loi qui crée des droits moraux pour les artistes-interprètes.
De plus, la CIPPIC est en grande partie favorable aux mesures du texte législatif qui portent sur les photographies, mais pas à toutes. Un des aspects qui nous préoccupe beaucoup est celui de l'élimination de la règle concernant la photographie commandée. Il s'agit d'une disposition à laquelle le comité a porté peu attention, et je pense qu'elle mérite d'être étudiée.
Actuellement, la loi dit que nous détenons tous les droits d'auteur sur les photographies que nous commandons. Ce sont nos photos de mariage, les photos de nos enfants, les photos de graduation, les photos d'anniversaire, ce genre de choses. C'est conforme à nos attentes: nous avons engagé le photographe, nous avons créé l'événement à photographier. Nous nous attendons à ce que les photos nous appartiennent, et cela comprend les droits d'auteur.
Malheureusement, en vertu du projet de loi , cette règle est inversée. Désormais, le consommateur qui désire avoir le droit d'auteur devra négocier pour l'avoir. Malheureusement, la plupart des consommateurs ne sont tout simplement pas assez avertis. Ils ne savent pas que le droit d'auteur pose problème. Leur attente légitime, leur attente raisonnable, est bafouée.
Ils ne savent pas qu'il s'agit maintenant de quelque chose qu'ils devront négocier; donc, ils ne négocient pas. Puis, il y aura des incidents malheureux. C'est la partie du projet de loi qui porte le plus atteinte à la vie privée et la plus néfaste pour les consommateurs. La CIPPIC aimerait que ce soit corrigé.
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Tout d'abord, j'aimerais offrir mes condoléances à Gordon Brown.
Si vous avez mon mémoire, vous avez, en réalité, une partie de ce que je suis sur le point de dire.
Je m'appelle Russel McOrmond et je suis le coordonnateur des politiques au sein de CLUE, la Canadian Association for Open Source. Je suis le coordonnateur d'un organisme qui s'appelle « Getting Open Source Logic INto Governments ». Je suis l'hôte de Digital Copyright Canada, qui utilise le nom de domaine billc32.ca. Je suis un créateur de logiciel indépendant et un conseiller technique.
Je coordonne quelques pétitions qui ont été déposées au Parlement. Il y a la pétition pour les droits des utilisateurs, qui comptait près de 3 000 signatures, et une pétition sur le droit à la propriété des technologies de l'information, qui comptait près de 400 signatures.
Aujourd'hui, cependant, je suis ici à titre personnel. Je ne vous envie pas, étant donné la tâche qui vous attend. Le droit d'auteur est aussi complexe que le droit fiscal, et comme c'est le cas dans ce domaine, on peut en faire trop ou pas assez. J'ai souvent dit que le droit d'auteur est à la créativité ce que l'eau est aux humains: si vous en manquez, vous vous déshydratez et vous mourez; si vous en avez trop, vous vous noyez et vous mourez.
Un projet de loi voué à la ratification des traités de l'OMPI de 1996 aurait été une tâche difficile en soi. Le projet de loi à l'étude est un projet de loi omnibus comprenant beaucoup de sujets sans rapport entre eux, et il est peu probable que vous ayez le temps d'étudier minutieusement les répercussions de tous ces aspects.
Même si le projet de loi a été adopté en deuxième lecture, les sujets qui y sont étrangers ont continué d'être présents dans les exposés et les questions. J'ai créé une foire aux questions, que vous pouvez consulter à l'adresse billc32.ca/FAQ. Aujourd'hui, même si je fais des commentaires et que j'offre des solutions de rechange sur beaucoup de politiques du projet de loi et sur des questions qui n'y sont pas liées, je dois me concentrer sur mon domaine de prédilection, le droit de propriété des technologies de l'information. J'utilise des accessoires. Je fais cet exposé depuis quelques années.
Je tiens quatre choses. Dans une main, je tiens un DVD, qui représente deux choses: du contenu protégé par le droit d'auteur et le média concret dans lequel il est stocké. Ces deux choses ont deux propriétaires différents, et on devrait respecter les droits de chacun. C'est mon téléphone Google Nexus One, qui représente le matériel et le logiciel. Encore une fois, ces deux choses peuvent avoir deux propriétaires différents: le titulaire des droits d'auteur du logiciel et le propriétaire de la technologie de l'information.
Même si on vous a dit que les moyens techniques sont entièrement une question de contenu protégé par le droit d'auteur, la réalité, dans le monde de la technologie, est tout autre. Il n'est pas possible de comprendre les effets du projet de loi en situation réelle sans une meilleure compréhension de cette technologie.
Pour ce qui est du contenu, il est possible de le chiffrer de façon à ce qu'il puisse être accessible seulement si vous avez les bonnes clés. Voilà un exemple de contrôle d'accès.
Sur ma page FAQ qui traite du projet de loi , j'explique en quoi l'accès est un concept nouveau dans le domaine du droit d'auteur et en quoi protéger l'accès et les contrôles d'accès permet à ceux qui en font usage de se soustraire au reste de la Loi sur le droit d'auteur. J'explique aussi comment protéger le contrôle d'accès en vertu de la Loi sur le droit d'auteur peut être utilisé pour contourner le cadre habituel d'un contrat, du commerce électronique, de la protection des renseignements personnels, du commerce, de la protection du consommateur et du droit de propriété.
En soi, un contenu ne peut pas prendre de décisions relatives à la question de savoir s'il peut être copié ni sur le nombre de fois, ni sur toute autre chose que les titulaires des droits d'auteur pouvaient vouloir encoder dans leurs conventions de droits d'utilisation. En soi, un contenu ne peut pas prendre de décisions, pas plus qu'un livre de poche est capable de se lire lui-même à voix haute. Toutes les décisions qui sont prises sont encodées dans un logiciel qui fonctionne sur un support matériel. Dans le contexte du droit d'auteur, ce qu'on appelle souvent des « contrôles d'utilisation », ce sont presque toujours des logiciels fonctionnant sur un support matériel.
Par conséquent, il est non seulement essentiel de tenir compte des intérêts des titulaires des droits d'auteur du contenu, mais aussi des intérêts des auteurs de logiciels et des propriétaires de la technologie de l'information.
Je suis un auteur de logiciels. Avant que le droit d'auteur ne puisse m'offrir quoi que ce soit, je dois m'assurer que les propriétaires de la technologie de l'information ont le droit de faire leurs propres choix en matière de logiciels. S'ils ne peuvent pas le faire, comment pourraient-ils choisir mon logiciel? Cela signifie que pour les auteurs de logiciels, les droits de propriété des TI, y compris les droits des propriétaires à faire leurs propres choix en matière de logiciels, sont beaucoup plus importants que les droits d'auteur.
Prenons des exemples concrets de technologies. Un contrôle d'accès est appliqué au DVD que j'ai ici — remarquez que j'ai dit « contrôle d'accès » — qu'on appelle « le système de brouillage du contenu ». Les clés de ce genre de serrures numériques sont gérées par l'Association pour le contrôle des copies des DVD. Il est important de ne pas laisser le titre de l'organisme vous induire en erreur et vous faire penser qu'il s'agit d'une mesure de contrôle de transfert ou de contrôle technique, car ce n'est pas le cas. L'Association pour le contrôle des copies des DVD est une association composée des grands studios, les principaux fabricants de matériel informatique et les principaux fournisseurs de logiciels. Elle négocie les caractéristiques qui seront permises dans les appareils et les logiciels auxquels on attribuera des clés permettront de déverrouiller l'accès au contenu. C'est la relation contractuelle entre ces grands fournisseurs et non le droit d'auteur que protège ce contrôle de l'accès.
Si vous êtes un concurrent des membres de la DVD CCA ou si, pour une raison quelconque, vous ne pouvez pas satisfaire aux obligations contractuelles qu'elle prévoit, vous n'aurez pas les clés nécessaires au codage de votre propre contenu et au décodage d'autres contenus. Il incombe au Bureau de la concurrence de décider si ces obligations contractuelles devraient être autorisées, étant donné que le fait d'associer l'accès à du contenu codé et des clés fournies par la DVD CCA pour lesquelles il faut avoir un dispositif d'accès autorisé semble être un cas classique de vente assujetti à l'article 77 de la Loi sur la concurrence.
Chaque fois que vous entendez le mot « serrure », il faut se demander qui gère les clés. Ce n'est pas le propriétaire qui a le contrôle, mais l'entité chargée des clés. Dans presque tous les cas de mesures techniques concrètes, les titulaires des droits d'auteur ne contrôlent presque jamais les clés donnant accès au contenu verrouillé. Parfois, mais pas toujours, on leur offre la possibilité de décider si le contenu doit être dépouillé ou non, mais c'est à peu près tout. Dans le cas du verrouillage des appareils informatiques et des logiciels, les clés sont très explicitement refusées aux propriétaires de matériel. La raison d'être de la serrure est de priver les propriétaires de ce qu'ils possèdent.
Pour tout autre genre de propriété, ce ne serait pas envisageable. Dans un pays où beaucoup n'aiment pas trop l'idée d'enregistrer les armes d'épaule, on ne songerait jamais à accorder un accès à toutes les serrures des armureries à des non-propriétaires et à protéger ce droit par une loi. Nous n'accepterions jamais de protéger leur droit à avoir les clés de nos maisons sous prétexte que c'est nécessaire si l'on veut protéger le secteur de l'assurance contre la fraude. Nous n'autoriserions pas non plus qu'on fasse de même avec nos voitures pour empêcher que l'on s'en serve pour prendre la fuite.
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En ce qui concerne la limite d'âge, 18 ans me semble un âge raisonnable, bien qu'aux fins du mémoire, je n'ai pas fait d'enquête sur l'âge où l'on considère qu'une personne a les capacités d'un adulte.
En ce qui concerne le message, au cours de la dernière décennie, quelque chose de vraiment pervers est survenu dans le milieu du droit d'auteur. Lorsque de la technologie perturbatrice se heurte à un modèle d'entreprise, une ou deux choses se produisent habituellement. Tout d'abord, les collectivités et les entreprises évoluent. Elles s'adaptent aux nouvelles technologies et trouvent un moyen de les monnayer, d'établir un modèle d'entreprise qui les encadre et d'en tirer un revenu. Toutefois, si cela ne peut pas se produire, ou ne se produit pas, on répond par voie législative; on transforme un droit d'auteur comme droit d'exclusivité en droit à rémunération.
C'est pourquoi nous avons les systèmes de radiocommunication que nous avons aujourd'hui. Les premières radios étaient des radios pirates. Lorsque les stations de radio sont arrivées, on y jouait ce qu'on voulait. Les titulaires du droit d'auteur s'en sont pris à elles et leur ont dit qu'elles violaient leur droit d'auteur.
Fait intéressant, comme la mesure législative correspondait à l'idée selon laquelle nous ne voulions pas que la radio soit contrôlée par les titulaires du droit d'auteur, nous allions transformer le droit exclusif en un droit à rémunération. Les stations de radio peuvent faire jouer ce qu'elles veulent, mais elles doivent payer des frais qui ont été établis par l'entremise d'un processus neutre — et par la Commission du droit d'auteur, entre autres. C'est le système que nous avons aujourd'hui.
Nous ne l'avons pas fait entre pairs. Premièrement, nous n'avons pas vu dans le marché des solutions novatrices à l'émergence du partage de fichiers, des réseaux numériques en général. Nous en sommes au début, mais nous n'en avons pas encore vues, surtout pas au Canada. Deuxièmement, nous avons constaté dès le départ que les gens sont très réfractaires à tout type de régime d'octroi de licences collectives.
Ce que je veux dire, c'est que nous aimons les licences collectives au Canada. J'aime les licences collectives. En tant que directeur de la CIPPIC, je les appuie. Toutefois, nous n'avons pas vu cette approche. Nous ne l'avons pas vue surtout parce que certaines parties intéressées s'opposent fermement à une approche collective.
D'autres parties intéressées, comme l'Association des auteurs-compositeurs canadiens, sont plus ouvertes à la recherche de mécanismes — par voie législative, par la Commission du droit d'auteur ou par le privé — pour mettre en place un tel plan. Je pense que c'est la meilleure solution au phénomène.
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D'abord, je pense que vous faites référence au contenu généré par les utilisateurs, ce qui fait en sorte que, dans le projet de loi , on veut donner aux consommateurs la possibilité d'utiliser des oeuvres artistiques sans permission de l'auteur et sans rémunération. À ce niveau, je dois vous dire qu'en France, la SACEM, qui défend les droits des auteurs-compositeurs et des éditeurs de musique, a négocié des redevances avec YouTube. C'est un peu le même système dont vous parliez tantôt.
Quand la radio a commencé, les auteurs se sont plaints que leurs oeuvres étaient utilisées sans rémunération et c'est la station de radio qui payait des redevances. De la même façon, YouTube consent à payer des redevances aux sociétés de gestion collective qui le leur demandent, et c'est tant mieux. Bien sûr, les consommateurs pourront y avoir accès, mais quelqu'un paiera éventuellement. Quand le consommateur écoute la radio, il ne paie pas, mais la station de radio paie. C'est donc le même système. On ne peut pas donner ainsi les oeuvres aux consommateurs en leur disant: « Vous pouvez les utiliser sans que personne ne paie de redevances ». Il faut dans la chaîne s'appuyer absolument sur des principes, comme celui de mise à la disposition publique — c'est le cas de la radio et ce peut être aussi le cas de YouTube —, pour que quelqu'un rembourse les créateurs.
Pour ma part, je trouve cela peut-être plus évident en français qu'en anglais. En anglais, vous parlez de copyright, c'est à-dire le droit de copier, alors qu'en français, on parle du droit des auteurs. Nous sommes très jaloux du droit des auteurs au Québec. Nous avons un star-système qui fonctionne très bien. Nous aimons nos artistes et nous les encourageons. C'est non seulement un star-système, mais c'est aussi un écosystème qui fonctionne très bien entre les consommateurs, les créateurs et les diffuseurs.
Vous avez parlé du secteur de l'éducation. Je pense que c'est M. McOrmond qui, dans son mémoire, comparait les redevances et les droits d'auteur qu'on paie aux artistes dans le domaine de l'éducation à des subventions du gouvernement.
Au Québec, notre système de droits versés aux auteurs par le système d'éducation est un système qui fonctionne très bien. Personne ne s'en est plaint jusqu'à maintenant. Non seulement la ministre de l'Éducation ne s'en plaint pas, mais elle dénonce le fait que le projet de loi veuille exempter le secteur de l'éducation de payer des droits d'auteur. Tout le monde au Québec trouve que c'est un très mauvais signal à donner à nos jeunes. Ceux-ci doivent être conscients lorsqu'ils utilisent des oeuvres. Il n'y a pas un problème d'accès aux oeuvres au Québec et, j'imagine, dans le reste du Canada, mais il y a un problème relatif au respect des artistes et de leurs oeuvres. Il s'agit de les rémunérer. Si on veut, demain matin, avoir encore des artistes et une culture qui soit vivante, intéressante et enrichissante, la moindre des choses à faire est de payer les gens qui sont à l'origine de cette créativité, à savoir les artistes.
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Je vais faire trois remarques.
Tout d'abord, concernant la question d’aller sur les marchés et de négocier l’accès, vous oubliez que quand on parle de droit d’auteur, on parle d’exclusivité, n’est-ce pas? Le droit d’auteur donne le pouvoir de dire non.
Le droit d’auteur peut dangereusement devenir un outil de censure, surtout lorsqu’il s’agit des documentaristes, d’autres médias d’information, ou d’autres organismes cruciaux qui veulent souscrire à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés — la liberté d’expression — et participer fortement au débat sur l’entité, sur n'importe quoi, n’est-ce pas? Il y a certains problèmes.
Ensuite, je dirais qu’il y a deux problèmes en matière de constitutionnalité. Le premier concerne l’idée de M. de Beer selon laquelle toute règle sur le contournement porte sur les appareils. On parle de propriété. Au bout du compte, il s’agit de contrats. Il ne s’agit pas de droit d’auteur, ni de propriété intellectuelle. Comment cela peut-il relever du champ de compétence fédéral pertinent? Cela ressemble bien davantage à des droits à la propriété qu’à des droits civils, ce qui est du ressort des provinces.
Ensuite, le deuxième problème est fondé sur la charte, n’est-ce pas? Nous ne le réalisons pas assez souvent. L’alinéa 2b) garantit la liberté d’expression. Le droit d’auteur est lié seulement à l’expression. Ils se chevauchent complètement, donc s’il n’y a pas d'équilibre dans la loi fédérale, dans la Loi sur le droit d’auteur, on a un problème qui concerne l’alinéa 2b).
Si l’on regarde ce que les droits et les règlements sur l’anti-contournement causent, et la portée très limitée pour éviter la responsabilité quant au contournement et la très grande probabilité qu’on ne puisse pas contourner les droits d’auteur d’un titulaire dans tous les cas, en particulier dans les cas importants, on a un problème qui concerne également l’alinéa 2b).
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Absolument. Selon moi, l'exception que sera l'utilisation équitable aux fins d'éducation est la disposition la plus mal comprise du projet de loi. Je crois qu'elle apporte quelques éléments très importants, mais ils ne sont pas majeurs. Par contre, cette modification ne nuit pas aux modèles d'entreprise ou ne compromet pas les revenus dont jouissent les auteurs grâce aux licences collectives dans le domaine de l'éducation.
Je suis certain que vous avez tous lu les articles dans les journaux dans lesquels on rapporte que l'utilisation équitable aux fins d'éducation permettra systématiquement de photocopier les manuels ou de remplacer les manuels par des recueils de textes photocopiés ici et là. Cette disposition ne le permettra pas, parce que ce n'est pas équitable. Cette manière de faire ne passera pas... Ce serait évidemment aux fins d'enseignement, mais ce ne serait pas équitable. Ces stratégies remplacent le manuel scolaire dont l'utilisation commande des redevances que les auteurs s'attendent à recevoir, et avec raison. Nous n'appuierions jamais une disposition qui chercherait à ébranler cette institution.
La question est donc: qu'apportera l'utilisation équitable aux fins d'éducation? Selon moi, elle offre deux avantages extrêmement importants.
Premièrement, grâce à cette disposition, les enseignants seront plus confiants et feront entrer la technologie dans les salles de cours. Les établissements d'enseignement publics sont extrêmement traditionalistes et ne sont pas du tout portés à prendre des risques. Les gens sont réticents à utiliser les nouvelles technologies qui peuvent engager des dépenses. L'utilisation équitable aux fins d'éducation s'applique dans ce cas. Ensuite, les enseignants pourront utiliser des vidéos, l'Internet, de nouveaux appareils et les réseaux sociaux. Ils pourront recourir à beaucoup de bons moyens dans une salle de cours, des moyens novateurs, des moyens qui n'ont pas encore été pensés pour améliorer l'expérience éducative de vos enfants. C'est ce qu'une bonne loi sur le droit d'auteur devrait promouvoir.
Je crois que le deuxième aspect est encore plus important que le premier. Cette disposition ouvrira les programmes de cours rigides, c'est-à-dire qu'elle permettra aux étudiants d'apporter leur propre matériel dans les salles de cours. Ils pourront distribuer un poème ou un article qu'ils ont trouvés. Ils pourront faire des choses novatrices, des choses qu'ils n'ont jamais essayées auparavant. Au lieu de rédiger un travail, ils feront un exposé sur YouTube qu'ils présenteront en classe. Cette liberté leur permet d'être novateurs et d'apporter du contenu en classe qui ne se trouve pas dans le programme établi.
C'est vraiment important, parce que cette méthode nous permettrait de présenter de nouveaux auteurs canadiens aux étudiants, au lieu de reprendre toujours les mêmes vieux romans pendant 30 ans. Maintenant, nous pourrons apporter quelque chose de neuf, que personne n'a vu auparavant, qui vient d'être publié ou qu'un étudiant vient de découvrir et qu'il veut présenter aux autres. C'est ça l'éducation; voilà pourquoi l'utilisation équitable aux fins d'éducation est si importante.