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CC32 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-32


NUMÉRO 017 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Français]

    Nous allons débuter la 17 e séance du comité législatif qui étudie le projet de loi C-32. Nous avons deux témoins avec nous pour poursuivre l'étude du projet de loi.
    Avant de donner la parole aux témoins, je vais céder la parole à Mme Lavallée.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux vous parler de la liste de témoins.
    Ce matin, on a l'honneur et le plaisir de recevoir deux témoins importants de 11 heures à midi. Toutefois, la semaine dernière, lors de la dernière rencontre, il y avait six personnes. À la dernière minute, le président a décidé de ne pas faire comparaître une autre personne. Il y aurait eu sept témoins et cela n'avait pas de bon sens.
    Il y a des représentants d'organismes qui représentent des dizaines de milliers d'artistes et qui ont des réserves par rapport au projet de loi C-32. Des organismes se plaignent de ne pas avoir été invités. Ce matin, on aurait tout le temps d'entendre d'autres témoins parce que dans la deuxième partie de la réunion, on n'a seulement qu'à étudier un avis de motion et cela pourrait durer seulement cinq ou dix minutes. Pourtant, ce matin, on n'entendra seulement que deux témoins.
    Plusieurs organismes communiquent avec moi pour me dire qu'ils n'ont pas reçu d'appel pour comparaître. Quand ils appellent, ils se font dire qu'ils ne sont pas encore sur la liste et que ce n'est pas certain qu'ils le seront.
    L'un de ces organismes, monsieur le président, c'est l'Union des artistes. L'Union des artistes, l'UDA, est l'un des organismes qui représentent les artistes les plus importants au Québec. Il est présidé par Raymond Legault. Il regroupe 11 000 membres.
     Ses représentants veulent témoigner avec Artisti, qui représente le droit des interprètes et compte 2 000 membres. L'UDA est à l'origine de la demande des droits voisins et est aussi à l'origine du système de la copie privée, tel qu'on le connaît actuellement.
     C'est totalement injuste que l'Union des artistes ne soit pas invitée en priorité à participer à nos travaux et qu'on la mette de côté en lui disant qu'on ne sait même pas si elle sera invitée à témoigner. C'est absolument injuste, monsieur le président.
    Je voudrais qu'on repense ensemble la liste des témoins et la façon de faire en sorte de l'inviter. Cela a été très clair quand on a pris cette décision autour de la table. Cela devait être une période de deux heures, incluant deux panels. Dans chacun des panels, il devait y avoir trois témoins ou trois porte-parole de regroupements.
     Ce n'est pas ce qu'on a. Quand les porte-parole sont contre le projet de loi C-32, on remplit la salle avec six et sept regroupements en même temps. Quand ils sont en faveur, à ce moment-là, ils sont tout seul. Ils sont invités à revenir ou encore ils sont très peu nombreux et ils ont tout le temps pour expliciter leurs idées.
    Monsieur Rodriguez.
    Malheureusement, on doit traiter ici de toute cette question parce qu'il n'y a pas de comité directeur.
    À propos des commentaires de Mme Lavallée, je suis d'accord sur le fait qu'il faudra mieux structurer les réunions de manière à ce que nous entendions trois personnes par heure, comme cela a été décidé par le comité.
    Il y a des organismes extrêmement importants et Mme Lavallée en a fait mention. L'Union des artistes et Artisti sont extrêmement importants pour nous. Ils étaient sur notre liste de témoins prioritaires. On aurait même dû entendre les représentants de ces organismes depuis un certain temps. On veut s'assurer qu'ils seront entendus sous peu parce qu'ils sont absolument essentiels au débat portant sur le projet de loi C-32.
    Pour l'autre point, monsieur le président, je m'adresse en tout respect au greffier. On reçoit les documents beaucoup trop tard. Je me demande pourquoi puisque nos listes de témoins sont établies depuis un certain temps. On connaît bien le dossier. On en a un seul et c'est le projet de loi C-32. Ce serait bien si on pouvait recevoir les documents à l'avance.
    Avant de donner la parole à M. Del Mastro, je veux seulement informer les membres du comité par rapport aux deux interventions précédentes.
    Le greffier vient de m'informer que l'Union des artistes devrait être avec nous jeudi. Il a de la difficulté à avoir la présence de certaine personnes. Donc, il est certain que le comité souhaite entendre un maximum de trois témoins par heure de réunion. C'est pris en note par le greffier et par le président.
     Dépendant de la disponibilité des gens, on fait de notre mieux. Jeudi de cette semaine, c'est certain qu'on va avoir des représentants de l'Union des artistes ainsi que d'autres personnes.
    Avant de poursuivre et de donner la parole à M. Del Mastro, je veux seulement que le comité prenne note d'une lettre que j'ai reçue ce matin du président du comité, M. Gordon Brown. Je vais vous lire un passage de la lettre de M. Brown. Il dit ceci:

[Traduction]

En raison du décès de ma mère cet après-midi, veuillez prendre note que je n'assisterai pas aux réunions du 8 et du 11 mars 2011. Par la présente, je nomme l'honorable Maxime Bernier à titre de président suppléant de ces séances.

[Français]

    Au nom du comité, nous allons souhaiter bon courage à M. Brown et lui adresser nos condoléances étant donné les moments difficiles que lui et sa famille traversent. Sa mère était âgée. J'espère que tout se passe quand même assez bien pour lui.
    Je vais maintenant céder la parole à M. Del Mastro.
(1110)

[Traduction]

    Merci, monsieur le président. Nous joignons certainement notre voix à la vôtre.
    Je voudrais simplement faire remarquer aux membres du comité que dans la deuxième partie de la séance, nous devons nous occuper des travaux du comité. Nous pourrions donc avoir ces discussions à ce moment-là. Je pense que ce qui se passe est attribuable en grande partie au fait que le comité ne se réunit pas assez souvent. De plus, beaucoup de témoins essaient de jouer avec le système un peu. Ils veulent tous passer en dernier. Voilà pourquoi le greffier a de la difficulté à prévoir des réunions.
    Donc, pour ce que cela vaut, j'aimerais proposer que nous passions aux travaux du comité. Nous pourrons revenir à ces discussions après avoir entendu les exposés des témoins qui sont ici aujourd'hui.

[Français]

    Madame Lavallée.
    Je suis très heureuse d'apprendre que les gens de l'UDA seront présents jeudi. Je voudrais vous dire cependant que le président lui-même n'était pas au courant de cela lundi matin. Je ne suis pas sûre qu'il le sache davantage maintenant. Autrement, je crois qu'il me l'aurait mentionné.

[Traduction]

    C'est confirmé.

[Français]

    Je me joins évidemment à vous pour offrir mes condoléances à notre président. Perdre sa mère est toujours extrêmement difficile. Je voudrais que vous lui fassiez un message très senti, de façon à ce qu'il sache que nos pensées les plus positives l'accompagnent dans ce moment de grand deuil.
     Monsieur Angus.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
     Je serai bref.
    Nous voulons sans aucun doute offrir nos condoléances. Dans ses fonctions de président du comité, M. Brown a été un excellent et très raisonnable président et dans un moment pareil, sa famille devrait évidemment avoir préséance sur n'importe lequel de nos travaux.
    Cela dit, je pense que nos greffiers travaillent d'arrache-pied. Ils ont reçu les directives du comité. Si, pour une raison quelconque, nous avons une réunion où il y a moins de témoins, je ne remets pas leur jugement en doute. J'ai le sentiment que la liste des témoins était assez longue, et il y a différents points de vue; donc, je suis disposé à ce que la réunion se déroule comme prévu et à ce qu'on s'occupe des travaux à l'ordre du jour.

[Français]

     Monsieur Garneau.
    Je voudrais tout simplement adresser mes condoléances à M. Brown et lui souhaiter bon courage.
    Merci, monsieur Rodriguez.
    Nous allons maintenant entendre nos deux témoins. Comme l'a dit M. Del Mastro, nous allons traiter des travaux du comité et de la motion de Mme Lavallée au cours de la deuxième heure.
    Je vais maintenant donner la parole à nos deux témoins, soit M. David Fewer, qui est directeur de la Clinique d'Intérêt Public et de Politique d'Internet du Canada Samuelson-Glushko, et M. Russel McOrmond, qui comparaît à titre personnel.

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Fewer pour cinq minutes, puis ce sera au tour de M. McOrmond.
    Monsieur Fewer, la parole est à vous.
    La CIPPIC est la Clinique d'intérêt public et de politique d'Internet du Canada. Nous sommes une clinique juridique au sein de la Section de common law de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa vouée aux questions soulevées par la technologie. Notre mandat est de faire la promotion d'un équilibre dans le processus d'élaboration des politiques et des lois, de fournir de l'aide juridique sur des questions se situant à l'intersection du droit, de la technologie et de l'intérêt privé aux organismes et aux personnes qui ne sont pas représentées par un avocat.
    Depuis sa fondation, en 2003, la CIPPIC a participé aux débats concernant les politiques du droit d'auteur pour s'assurer que la loi canadienne du droit d'auteur maintient l'équilibre entre les intérêts divergents des auteurs, des propriétaires, des distributeurs, des consommateurs, des créateurs secondaires et des innovateurs.
    Merci beaucoup de m'avoir invité.
    En pratique, notre rôle de défenseur d'intérêts particuliers nous a permis de défendre, dans différents dossiers, les intérêts des consommateurs et des créateurs. Par exemple, actuellement, une partie de notre travail consiste à aider Documentaristes du Canada à préparer des directives concernant le travail dans un milieu respectueux du principe de l'utilisation équitable. Nous travaillons avec des auteurs indépendants canadiens sur l'accord sur Google Books, un important recours collectif aux États-Unis qui touche des auteurs de partout dans le monde. Nous aidons l'Association des auteurs-compositeurs canadiens dans ses démarches pour obtenir une rémunération pour le partage non autorisé de fichiers poste à poste.
    À mon avis, ce travail nous a permis de nous forger une idée nuancée de ce qu'est le droit d'auteur. J'espère que ce point de vue éclairera vos discussions.
    J'aimerais commencer par féliciter le gouvernement pour le projet de loi C-32, qui démontre, à mon avis, qu'à l'été 2009, pendant les consultations sur le droit d'auteur, le gouvernement a réellement écouté les Canadiens. Le projet de loi représente ce qui est, à mon sens, une tentative concrète de concilier les multiples points de vue sur le droit d'auteur. On ne peut pas dire la même chose de tous les projets de loi récents sur le droit d'auteur.
    Je vais construire mon bref exposé autour de trois principes et je soutiendrai l'argument selon lequel le projet de loi réussit lorsqu'il fait valoir ces principes et qu'il échoue quand il les bafoue.
    Premièrement, le droit d'auteur doit être le reflet du rapport qu'entretiennent les Canadiens avec le contenu dans leur vie de tous les jours. Les exceptions du projet de loi C-32 sur l'écoute ou le visionnement en différé, les copies de sauvegarde et la reproduction à des fins privées respectent ce principe. Le projet de loi a enfin légalisé le magnétoscope, ce qui a pris beaucoup de temps à faire. Il a aussi légalisé le iPod et d'autres technologies d'utilisation courante.
    Ce principe est aussi conforme à la reconnaissance dans le projet de loi C-32 du fait que l'utilisation d'une oeuvre à des fins de parodie, de satire ou d'éducation de façon équitable — qu'on appelle « utilisation équitable » — ne constitue pas une violation du droit d'auteur et que la création de contenu par les utilisateurs est une célébration de la créativité et non quelque chose qui la met en péril.
    Les aspects du projet de loi qui contreviennent à ce principe, évidemment, sont les dispositions sur l'interdiction de contourner les mesures techniques de protection, qui sont les plus controversées et les parties les plus déséquilibrées du projet de loi, comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire. Selon le libellé actuel des dispositions, simplement parce qu'il faudrait contourner une mesure technique de protection pour les faire, de nombreuses activités légales deviendraient illégales.
    Pour beaucoup de créateurs, cela a l'effet pervers de les empêcher d'avoir accès au contenu dont ils ont besoin pour créer leurs oeuvres. Pensez aux documentaristes: comment auront-ils accès au contenu protégé? Pensez aux médias d'information: à l'avenir, qu'adviendra-t-il du bulletin de 18 heures à mesure que de plus en plus de contenu se retrouvera en ligne, numérisé et protégé?
    Pourquoi compliquons-nous la vie de ces créateurs et de ces organismes? La CIPPIC préconise qu'on permette de contourner les mesures de protection si le contenu n'est pas utilisé pour enfreindre les droits d'auteur.
    Le deuxième principe, c'est que la politique d'application de la Loi sur le droit d'auteur doit cibler les personnes qui détruisent la richesse et qui minent la créativité et non les enfants, ni les créateurs secondaires et les innovateurs, ni les institutions publiques comme les bibliothèques, les écoles, les services d'archives et les musées. Bref, au Canada, on ne devrait jamais permettre que les poursuites judiciaires liées au droit d'auteur deviennent un modèle d'entreprise.
    Permettre les poursuites judiciaires en série à l'endroit des consommateurs et des petites entreprises serait une utilisation abusive de notre appareil judiciaire financé par les deniers publics. On parle de l'argent des contribuables.
    Nos lois en matière de droit d'auteur devraient viser à obtenir l'engagement des consommateurs en favorisant l'innovation sur le marché et non le recours aux poursuites judiciaires. En conséquence, la CIPPIC appuie la refonte des dommages-intérêts d'origine législative prévue dans le projet de loi C-32, puisqu'elle va en ce sens.
(1115)
    Ces réformes pourraient aller plus loin. Pour ce qui est des dommages-intérêts d'origine législative, je ne comprends pas pourquoi on cible les institutions publiques comme les bibliothèques, les musées ou les services d'archives. Ce sont des organismes qui agissent dans l'intérêt public. Ils devraient être à l'abri de l'influence coercitive des dommages-intérêts d'origine législative.
    De même, la CIPPIC appuie les mesures du projet de loi C-32 qui visent à donner aux détenteurs de droits d'auteur des outils pour discipliner ceux qui cherchent à faire des profits par la promotion active du piratage. Sur le plan technologique, de telles lois sont neutres et font une distinction entre l'infrastructure numérique et la promotion du piratage.
    Troisièmement, le droit d'auteur devrait reconnaître l'ensemble des créateurs et des innovateurs qui participent à la vie culturelle et économique du Canada, et la CIPPIC appuie le projet de loi C-32 parce qu'il reconnaît ce fait.
    Prenez les dispositions sur les obligations liées aux FSI et aux outils de repérage de l'emplacement électronique. Dans le projet de loi, la façon d'aborder ces aspects, par exemple, constitue une reconnaissance de la valeur qu'accordent les Canadiens à la technologie neutre sur le plan du contenu, ce qui favorise les investissements continus en innovation.
    Le projet de loi établit aussi des droits élargis pour les créateurs qui vont dans le sens de l'Intérêt public. Par exemple, la CIPPIC est favorable à la disposition du projet de loiC-32 qui crée des droits moraux pour les artistes-interprètes.
    De plus, la CIPPIC est en grande partie favorable aux mesures du texte législatif qui portent sur les photographies, mais pas à toutes. Un des aspects qui nous préoccupe beaucoup est celui de l'élimination de la règle concernant la photographie commandée. Il s'agit d'une disposition à laquelle le comité a porté peu attention, et je pense qu'elle mérite d'être étudiée.
    Actuellement, la loi dit que nous détenons tous les droits d'auteur sur les photographies que nous commandons. Ce sont nos photos de mariage, les photos de nos enfants, les photos de graduation, les photos d'anniversaire, ce genre de choses. C'est conforme à nos attentes: nous avons engagé le photographe, nous avons créé l'événement à photographier. Nous nous attendons à ce que les photos nous appartiennent, et cela comprend les droits d'auteur.
    Malheureusement, en vertu du projet de loi C-32, cette règle est inversée. Désormais, le consommateur qui désire avoir le droit d'auteur devra négocier pour l'avoir. Malheureusement, la plupart des consommateurs ne sont tout simplement pas assez avertis. Ils ne savent pas que le droit d'auteur pose problème. Leur attente légitime, leur attente raisonnable, est bafouée.
    Ils ne savent pas qu'il s'agit maintenant de quelque chose qu'ils devront négocier; donc, ils ne négocient pas. Puis, il y aura des incidents malheureux. C'est la partie du projet de loi qui porte le plus atteinte à la vie privée et la plus néfaste pour les consommateurs. La CIPPIC aimerait que ce soit corrigé.
(1120)
    Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
    Je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions sur les sujets que j'ai abordés, de l'utilisation équitable en éducation au contournement des mesures de protection.
    Merci.
    Merci, monsieur Fewer.
    Je vais donner la parole à M. McOrmond, pour cinq minutes.
    Tout d'abord, j'aimerais offrir mes condoléances à Gordon Brown.
    Si vous avez mon mémoire, vous avez, en réalité, une partie de ce que je suis sur le point de dire.
    Je m'appelle Russel McOrmond et je suis le coordonnateur des politiques au sein de CLUE, la Canadian Association for Open Source. Je suis le coordonnateur d'un organisme qui s'appelle « Getting Open Source Logic INto Governments ». Je suis l'hôte de Digital Copyright Canada, qui utilise le nom de domaine billc32.ca. Je suis un créateur de logiciel indépendant et un conseiller technique.
    Je coordonne quelques pétitions qui ont été déposées au Parlement. Il y a la pétition pour les droits des utilisateurs, qui comptait près de 3 000 signatures, et une pétition sur le droit à la propriété des technologies de l'information, qui comptait près de 400 signatures.
    Aujourd'hui, cependant, je suis ici à titre personnel. Je ne vous envie pas, étant donné la tâche qui vous attend. Le droit d'auteur est aussi complexe que le droit fiscal, et comme c'est le cas dans ce domaine, on peut en faire trop ou pas assez. J'ai souvent dit que le droit d'auteur est à la créativité ce que l'eau est aux humains: si vous en manquez, vous vous déshydratez et vous mourez; si vous en avez trop, vous vous noyez et vous mourez.
    Un projet de loi voué à la ratification des traités de l'OMPI de 1996 aurait été une tâche difficile en soi. Le projet de loi à l'étude est un projet de loi omnibus comprenant beaucoup de sujets sans rapport entre eux, et il est peu probable que vous ayez le temps d'étudier minutieusement les répercussions de tous ces aspects.
    Même si le projet de loi a été adopté en deuxième lecture, les sujets qui y sont étrangers ont continué d'être présents dans les exposés et les questions. J'ai créé une foire aux questions, que vous pouvez consulter à l'adresse billc32.ca/FAQ. Aujourd'hui, même si je fais des commentaires et que j'offre des solutions de rechange sur beaucoup de politiques du projet de loi et sur des questions qui n'y sont pas liées, je dois me concentrer sur mon domaine de prédilection, le droit de propriété des technologies de l'information. J'utilise des accessoires. Je fais cet exposé depuis quelques années.
    Je tiens quatre choses. Dans une main, je tiens un DVD, qui représente deux choses: du contenu protégé par le droit d'auteur et le média concret dans lequel il est stocké. Ces deux choses ont deux propriétaires différents, et on devrait respecter les droits de chacun. C'est mon téléphone Google Nexus One, qui représente le matériel et le logiciel. Encore une fois, ces deux choses peuvent avoir deux propriétaires différents: le titulaire des droits d'auteur du logiciel et le propriétaire de la technologie de l'information.
    Même si on vous a dit que les moyens techniques sont entièrement une question de contenu protégé par le droit d'auteur, la réalité, dans le monde de la technologie, est tout autre. Il n'est pas possible de comprendre les effets du projet de loi C-32 en situation réelle sans une meilleure compréhension de cette technologie.
    Pour ce qui est du contenu, il est possible de le chiffrer de façon à ce qu'il puisse être accessible seulement si vous avez les bonnes clés. Voilà un exemple de contrôle d'accès.
    Sur ma page FAQ qui traite du projet de loi C-32, j'explique en quoi l'accès est un concept nouveau dans le domaine du droit d'auteur et en quoi protéger l'accès et les contrôles d'accès permet à ceux qui en font usage de se soustraire au reste de la Loi sur le droit d'auteur. J'explique aussi comment protéger le contrôle d'accès en vertu de la Loi sur le droit d'auteur peut être utilisé pour contourner le cadre habituel d'un contrat, du commerce électronique, de la protection des renseignements personnels, du commerce, de la protection du consommateur et du droit de propriété.
    En soi, un contenu ne peut pas prendre de décisions relatives à la question de savoir s'il peut être copié ni sur le nombre de fois, ni sur toute autre chose que les titulaires des droits d'auteur pouvaient vouloir encoder dans leurs conventions de droits d'utilisation. En soi, un contenu ne peut pas prendre de décisions, pas plus qu'un livre de poche est capable de se lire lui-même à voix haute. Toutes les décisions qui sont prises sont encodées dans un logiciel qui fonctionne sur un support matériel. Dans le contexte du droit d'auteur, ce qu'on appelle souvent des « contrôles d'utilisation », ce sont presque toujours des logiciels fonctionnant sur un support matériel.
    Par conséquent, il est non seulement essentiel de tenir compte des intérêts des titulaires des droits d'auteur du contenu, mais aussi des intérêts des auteurs de logiciels et des propriétaires de la technologie de l'information.
    Je suis un auteur de logiciels. Avant que le droit d'auteur ne puisse m'offrir quoi que ce soit, je dois m'assurer que les propriétaires de la technologie de l'information ont le droit de faire leurs propres choix en matière de logiciels. S'ils ne peuvent pas le faire, comment pourraient-ils choisir mon logiciel? Cela signifie que pour les auteurs de logiciels, les droits de propriété des TI, y compris les droits des propriétaires à faire leurs propres choix en matière de logiciels, sont beaucoup plus importants que les droits d'auteur.
(1125)
    Prenons des exemples concrets de technologies. Un contrôle d'accès est appliqué au DVD que j'ai ici — remarquez que j'ai dit « contrôle d'accès » — qu'on appelle « le système de brouillage du contenu ». Les clés de ce genre de serrures numériques sont gérées par l'Association pour le contrôle des copies des DVD. Il est important de ne pas laisser le titre de l'organisme vous induire en erreur et vous faire penser qu'il s'agit d'une mesure de contrôle de transfert ou de contrôle technique, car ce n'est pas le cas. L'Association pour le contrôle des copies des DVD est une association composée des grands studios, les principaux fabricants de matériel informatique et les principaux fournisseurs de logiciels. Elle négocie les caractéristiques qui seront permises dans les appareils et les logiciels auxquels on attribuera des clés permettront de déverrouiller l'accès au contenu. C'est la relation contractuelle entre ces grands fournisseurs et non le droit d'auteur que protège ce contrôle de l'accès.
    Si vous êtes un concurrent des membres de la DVD CCA ou si, pour une raison quelconque, vous ne pouvez pas satisfaire aux obligations contractuelles qu'elle prévoit, vous n'aurez pas les clés nécessaires au codage de votre propre contenu et au décodage d'autres contenus. Il incombe au Bureau de la concurrence de décider si ces obligations contractuelles devraient être autorisées, étant donné que le fait d'associer l'accès à du contenu codé et des clés fournies par la DVD CCA pour lesquelles il faut avoir un dispositif d'accès autorisé semble être un cas classique de vente assujetti à l'article 77 de la Loi sur la concurrence.
    Chaque fois que vous entendez le mot « serrure », il faut se demander qui gère les clés. Ce n'est pas le propriétaire qui a le contrôle, mais l'entité chargée des clés. Dans presque tous les cas de mesures techniques concrètes, les titulaires des droits d'auteur ne contrôlent presque jamais les clés donnant accès au contenu verrouillé. Parfois, mais pas toujours, on leur offre la possibilité de décider si le contenu doit être dépouillé ou non, mais c'est à peu près tout. Dans le cas du verrouillage des appareils informatiques et des logiciels, les clés sont très explicitement refusées aux propriétaires de matériel. La raison d'être de la serrure est de priver les propriétaires de ce qu'ils possèdent.
    Pour tout autre genre de propriété, ce ne serait pas envisageable. Dans un pays où beaucoup n'aiment pas trop l'idée d'enregistrer les armes d'épaule, on ne songerait jamais à accorder un accès à toutes les serrures des armureries à des non-propriétaires et à protéger ce droit par une loi. Nous n'accepterions jamais de protéger leur droit à avoir les clés de nos maisons sous prétexte que c'est nécessaire si l'on veut protéger le secteur de l'assurance contre la fraude. Nous n'autoriserions pas non plus qu'on fasse de même avec nos voitures pour empêcher que l'on s'en serve pour prendre la fuite.
    Merci. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît?
    En fait, je vais m'arrêter ici.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur McOrmond.

[Traduction]

    Je cède maintenant la parole à M. Garneau.

[Français]

    Vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    J'aimerais tout d'abord remercier les deux personnes qui se sont présentées ici aujourd'hui.
    J'aimerais commencer par M. Fewer.
    Tout d'abord, votre point de vue sur le contournement à des fins de non-violation des MPT a certainement attiré mon attention. Je suis d'accord avec vous.
    J'aimerais discuter de quelques autres éléments dont vous n'avez pas pu parler. Vous avez fait allusion aux dommages-intérêts, mais j'aimerais connaître votre opinion sur ceux qui sont proposés dans le projet de loi C-32 dans sa forme actuelle.
    C'est une mesure très progressiste. Je suppose que vous parlez de la réduction à un plafond de 5 000 $ pour des dommages-intérêts imposés aux consommateurs dans le cas de violations commises à des fins non commerciales. Je crois que c'est bien.
    La mesure produit deux effets. Tout d'abord, il y a toujours un effet dissuasif ou coercitif sur les gens qui seraient tentés de violer la loi. Cinq mille dollars, c'est beaucoup d'argent pour une famille canadienne moyenne. Être menacé d'une action en contrefaçon et devoir payer 5 000 $ en dommages-intérêts suffisent à dissuader le Canadien moyen, et même le Canadien dont les revenus sont supérieurs à la moyenne. C'est beaucoup d'argent.
    De plus, elle incite moins les parties intéressées à se servir des dommages-intérêts pour obtenir des règlements à l'amiable coercitifs. À titre d'exemple, on pressent une personne en lui disant qu'on a 30 images sur son site Web et que les dommages-intérêts sont de 20 000 $. Je crois qu'il est bon d'éliminer ce type d'effet coercitif. On décourage les gens d'agir en fauteurs de trouble tout en maintenant l'effet dissuasif que les dommages-intérêts ont sur eux.
    L'une des choses qui, à mon sens, n'a pas été signalée dans le débat sur les dommages-intérêts et la justesse de la valeur, c'est la possibilité offerte aux titulaires du droit d'auteur de prouver les dommages. C'est ce que nous faisons dans presque tous les autres domaines du droit. Si une personne commet une faute, on prouve les dommages. Nous offrons un recours spécial aux titulaires du droit d'auteur; ils ont le choix de ne pas avoir à prouver les dommages et d'opter pour les dommages-intérêts. Si les dommages-intérêts ne reflètent pas les vrais dommages, ils peuvent décider de prouver les dommages et d'obtenir au-delà de 5 000 $.
(1130)
    Merci.
    Étant donné que j'ai beaucoup de questions, je vais continuer.
    Je crois qu'à un moment donné, je vous ai entendu dire qu'à votre avis, les enfants ne devraient pas faire l'objet de litiges. Je suppose que vous parlez de toute personne qui a moins de 18 ans.
    Ensuite, n'êtes-vous pas préoccupé par...? Il est certain que les enfants s'adonnent au téléchargement d'objets protégés par un droit d'auteur. Je ne connais pas les statistiques, mais c'est assez fréquent. Voulons-nous lancer un message comme quoi tant qu'un Canadien n'a pas atteint l'âge de 18 ans, il peut faire ce qu'il veut, mais que dès qu'il a 18 ans, il fait l'objet de sanctions? Est-ce que c'est ce que vous êtes en train de dire, essentiellement?
    En ce qui concerne la limite d'âge, 18 ans me semble un âge raisonnable, bien qu'aux fins du mémoire, je n'ai pas fait d'enquête sur l'âge où l'on considère qu'une personne a les capacités d'un adulte.
    En ce qui concerne le message, au cours de la dernière décennie, quelque chose de vraiment pervers est survenu dans le milieu du droit d'auteur. Lorsque de la technologie perturbatrice se heurte à un modèle d'entreprise, une ou deux choses se produisent habituellement. Tout d'abord, les collectivités et les entreprises évoluent. Elles s'adaptent aux nouvelles technologies et trouvent un moyen de les monnayer, d'établir un modèle d'entreprise qui les encadre et d'en tirer un revenu. Toutefois, si cela ne peut pas se produire, ou ne se produit pas, on répond par voie législative; on transforme un droit d'auteur comme droit d'exclusivité en droit à rémunération.
    C'est pourquoi nous avons les systèmes de radiocommunication que nous avons aujourd'hui. Les premières radios étaient des radios pirates. Lorsque les stations de radio sont arrivées, on y jouait ce qu'on voulait. Les titulaires du droit d'auteur s'en sont pris à elles et leur ont dit qu'elles violaient leur droit d'auteur.
    Fait intéressant, comme la mesure législative correspondait à l'idée selon laquelle nous ne voulions pas que la radio soit contrôlée par les titulaires du droit d'auteur, nous allions transformer le droit exclusif en un droit à rémunération. Les stations de radio peuvent faire jouer ce qu'elles veulent, mais elles doivent payer des frais qui ont été établis par l'entremise d'un processus neutre — et par la Commission du droit d'auteur, entre autres. C'est le système que nous avons aujourd'hui.
    Nous ne l'avons pas fait entre pairs. Premièrement, nous n'avons pas vu dans le marché des solutions novatrices à l'émergence du partage de fichiers, des réseaux numériques en général. Nous en sommes au début, mais nous n'en avons pas encore vues, surtout pas au Canada. Deuxièmement, nous avons constaté dès le départ que les gens sont très réfractaires à tout type de régime d'octroi de licences collectives.
    Ce que je veux dire, c'est que nous aimons les licences collectives au Canada. J'aime les licences collectives. En tant que directeur de la CIPPIC, je les appuie. Toutefois, nous n'avons pas vu cette approche. Nous ne l'avons pas vue surtout parce que certaines parties intéressées s'opposent fermement à une approche collective.
    D'autres parties intéressées, comme l'Association des auteurs-compositeurs canadiens, sont plus ouvertes à la recherche de mécanismes — par voie législative, par la Commission du droit d'auteur ou par le privé — pour mettre en place un tel plan. Je pense que c'est la meilleure solution au phénomène.
    Merci.
    J'ai une autre question et elle s'adresse à vous deux.
    Vous n'avez rien dit de précis au sujet de la responsabilité des FSI, ou je ne l'ai peut-être pas saisi. Que pensez-vous de l'approche sur les avis qui est prévue dans le projet de loi? Selon vous, est-ce suffisant?
(1135)
    C'est l'approche à adopter. Elle permet à nos réseaux d'axer leurs efforts sur la façon d'être les meilleurs réseaux possibles, et c'est ce sur quoi ils doivent se concentrer.
    Je conviens que c'est l'approche à adopter. Il ne devrait pas appartenir aux intermédiaires d'évaluer s'il y a violation du droit d'auteur. On ne répond pas simplement par oui ou par non. La plupart des Canadiens, la plupart des FSI, ne sont pas des avocats, et les avocats ne s'entendent pas tous sur ce qui constitue ou non une violation du droit d'auteur.
    Les cas de violation du droit d'auteur devraient être soumis à un tribunal. Il ne devrait pas appartenir aux FSI de les évaluer.
    Depuis un certain temps, je demande si nous avons des statistiques qui nous indiquent si les avis fonctionnent. Je suis sûr qu'on peut recueillir des renseignements, car certains FSI émettent des avis selon lesquels des gens violent un droit d'auteur, mais je n'ai pas encore vu de statistiques qui montrent si ce mécanisme est efficace.
    Certaines personnes diraient qu'effectivement, le fait de recevoir un premier avis crée un climat de tension et qu'ainsi, le contrefacteur ne récidivera pas. Selon d'autres personnes, un contrefacteur informé se dirait, « Oh, je sais que cela ne veut absolument rien dire », et il récidiverait.
    Savez-vous s'il existe des statistiques provenant de FSI où l'on établit que le mécanisme s'avère bon — en d'autres mots, que les gens ne récidivent pas après avoir reçu un premier avis?
    Veuillez répondre brièvement, s'il vous plaît.
    Pas que je sache, mais je peux vous faire part de données empiriques. Des gens qui reçoivent ces avis viennent me voir à la clinique; au cours de la discussion que nous avons habituellement, je leur donne des conseils et après, les clients disent que cela ne se reproduira plus jamais chez eux.

[Français]

    Merci.
     Je vais maintenant donner la parole à Mme Lavallée.
    Merci, monsieur le président.
    Si j'ai bien compris, monsieur Fewer, vous avez dit dans votre présentation que le consommateur devrait devenir propriétaire des droits d'auteur. Quant à vous, monsieur McOrmond, vous avez dit dans l'un des documents que j'ai lus que vous souhaitiez faire votre part pour nous emmener tous à l'ère post-industrielle en rejetant la notion de propriété intellectuelle. Dois-je comprendre que vous contestez tous les deux l'idée selon laquelle la création appartient à son auteur?

[Traduction]

    En fait, je rejette l'expression « propriété intellectuelle », car elle crée beaucoup de confusion, et c'est une confusion que je perçois parmi les députés. On confond la marque de commerce et le droit d'auteur. L'expression « propriété intellectuelle » sème beaucoup de confusion. Elle en cause également beaucoup quant à la nature du préjudice ou de la violation en question. Je comparerais la violation du droit d'auteur à des biens immatériels comme l'intrusion, et non pas au vol.
    Je rejette donc l'expression « propriété intellectuelle », mais j'appuie fermement le droit d'auteur. J'appuie les brevets. J'appuie les aspects de la protection des consommateurs du droit des marques de commerce et de l'anti-contrefaçon. C'est le syntagme « propriété intellectuelle » que je rejette.

[Français]

    Monsieur Fewer.

[Traduction]

    Je ne crois pas que vous m'auriez vu écrire nulle part que je rejette l'expression « propriété intellectuelle ». À la clinique, nous sommes des ardents défenseurs d'un système efficace de droits d'auteur et d'autres propriétés intellectuelles qui fonctionne pour tous les Canadiens.
    Pourriez-vous répéter la première partie de la question? Vous me posiez une question au sujet des consommateurs.

[Français]

    Quand vous avez présenté votre mémoire, avez-vous bel et bien dit souhaiter que les consommateurs soient propriétaires des droits d'auteur?

[Traduction]

    Les consommateurs peuvent certainement se transformer en créateurs et, de nos jours, de plus en plus de formes de créativité leur sont offertes. Je ne crois pas avoir dit que les consommateurs deviendraient des détenteurs de droits de propriété intellectuelle. C'est peut-être lorsque je tentais d'expliquer que j'ai compris que la communauté que doit servir le droit d'auteur ne se résume pas qu'à une simple opposition entre créateurs et utilisateurs.
    Il y a des créateurs, des utilisateurs, des titulaires du droit d'auteur, des distributeurs et d'autres intermédiaires. C'est un mécanisme très complexe, et on change de cap. Certains utilisateurs deviennent des créateurs. Certains créateurs comme les documentaristes, les médias d'information sont, de par leur nature, des utilisateurs.
(1140)

[Français]

    D'abord, je pense que vous faites référence au contenu généré par les utilisateurs, ce qui fait en sorte que, dans le projet de loi C-32, on veut donner aux consommateurs la possibilité d'utiliser des oeuvres artistiques sans permission de l'auteur et sans rémunération. À ce niveau, je dois vous dire qu'en France, la SACEM, qui défend les droits des auteurs-compositeurs et des éditeurs de musique, a négocié des redevances avec YouTube. C'est un peu le même système dont vous parliez tantôt.
    Quand la radio a commencé, les auteurs se sont plaints que leurs oeuvres étaient utilisées sans rémunération et c'est la station de radio qui payait des redevances. De la même façon, YouTube consent à payer des redevances aux sociétés de gestion collective qui le leur demandent, et c'est tant mieux. Bien sûr, les consommateurs pourront y avoir accès, mais quelqu'un paiera éventuellement. Quand le consommateur écoute la radio, il ne paie pas, mais la station de radio paie. C'est donc le même système. On ne peut pas donner ainsi les oeuvres aux consommateurs en leur disant: « Vous pouvez les utiliser sans que personne ne paie de redevances ». Il faut dans la chaîne s'appuyer absolument sur des principes, comme celui de mise à la disposition publique — c'est le cas de la radio et ce peut être aussi le cas de YouTube  —, pour que quelqu'un rembourse les créateurs.
    Pour ma part, je trouve cela peut-être plus évident en français qu'en anglais. En anglais, vous parlez de copyright, c'est à-dire le droit de copier, alors qu'en français, on parle du droit des auteurs. Nous sommes très jaloux du droit des auteurs au Québec. Nous avons un star-système qui fonctionne très bien. Nous aimons nos artistes et nous les encourageons. C'est non seulement un star-système, mais c'est aussi un écosystème qui fonctionne très bien entre les consommateurs, les créateurs et les diffuseurs.
    Vous avez parlé du secteur de l'éducation. Je pense que c'est M. McOrmond qui, dans son mémoire, comparait les redevances et les droits d'auteur qu'on paie aux artistes dans le domaine de l'éducation à des subventions du gouvernement.
    Au Québec, notre système de droits versés aux auteurs par le système d'éducation est un système qui fonctionne très bien. Personne ne s'en est plaint jusqu'à maintenant. Non seulement la ministre de l'Éducation ne s'en plaint pas, mais elle dénonce le fait que le projet de loi C-32 veuille exempter le secteur de l'éducation de payer des droits d'auteur. Tout le monde au Québec trouve que c'est un très mauvais signal à donner à nos jeunes. Ceux-ci doivent être conscients lorsqu'ils utilisent des oeuvres. Il n'y a pas un problème d'accès aux oeuvres au Québec et, j'imagine, dans le reste du Canada, mais il y a un problème relatif au respect des artistes et de leurs oeuvres. Il s'agit de les rémunérer. Si on veut, demain matin, avoir encore des artistes et une culture qui soit vivante, intéressante et enrichissante, la moindre des choses à faire est de payer les gens qui sont à l'origine de cette créativité, à savoir les artistes.

[Traduction]

    En 10 secondes, avez-vous des remarques à faire?
    J'en ai une à faire rapidement au sujet de l'exception sur le contenu généré par l'utilisateur.
    Ce que vous dites ne me pose aucun problème. Toutes ces solutions au phénomène me semblent bonnes. L'essentiel, c'est qu'on ne veut pas se retrouver dans une situation où les enfants sont tenus responsables chez eux de violation du droit d'auteur parce qu'ils font une version d'une de leurs chansons préférées qu'ils téléversent sur YouTube.
    Si nous voulons trouver un mécanisme d'indemnisation, alors faisons-le. Toutefois, le pire système, ce serait un système selon lequel il s’agirait d’une violation du droit d’auteur et que nos enfants seraient considérés des contrefacteurs et tenus responsables des dommages-intérêts pour cette activité.
    C’est souhaitable. Nous devrions trouver un moyen de faire avancer les choses. Le projet de loi C-32 est l’un de ces moyens.
    Monsieur McOrmond, brièvement.
    Il se peut que vous ne m’ayez pas bien compris lorsque je parlais du programme de financement du gouvernement. Je crois que les exemptions relatives aux droits d’auteur pour les établissements d'enseignement constituent un programme de financement gouvernemental que l’on fait passer pour un droit d’auteur. Il se trouve qu’à mon avis, un droit d’auteur devrait être le même à l’intérieur et à l’extérieur des salles de classe, et qu’il ne devrait pas y avoir d’exception applicable aux établissements d'enseignement.

[Français]

    Monsieur Angus, vous avez la parole.
(1145)

[Traduction]

    Monsieur Fewer, vous avez parlé de votre travail avec les documentaristes. J’ai parlé à bon nombre de documentaristes qui sont déjà préoccupés par l’impossibilité d’accéder à du matériel qui, aux États-Unis, serait peut-être utilisé par le public ou utilisé de façon équitable; ils s'inquiètent aussi du fait de devoir se conformer aux exigences juridiques qui existent déjà, mais ils sont maintenant très préoccupés par les dispositions sur les serrures numériques parce qu’elles les empêchent d’extraire des œuvres.
    Pensez-vous que cela aura des répercussions sur la créativité dont nous sommes témoins? Notre collectivité de documentaristes n’a rien à envier aux autres pays, mais le projet de loi semble lui poser de nombreux problèmes.
    Puisque le documentaire en tant que tel a été inventé dans notre pays, nous devrions porter une attention particulière aux intérêts des cinéastes.
    Vous avez tout à fait raison: les dispositions anti-contournement en particulier constituent un problème pour les documentaristes. Elles comporteront de plus gros problèmes à mesure que le contenu qu’on met en ligne augmente et qu’il n’est pas touché par des serrures numériques ou d’autres mécanismes de distribution du contenu, qui incluent des contrôles technologiques. L’anti-contournement est un problème.
    L’utilisation équitable pose un problème intéressant également. À l’heure actuelle, l’utilisation d’œuvres que font les documentaristes doit faire partie de l’une des cinq exceptions énumérées, ce qui n’est pas toujours évident. Un bon exemple, c’est la séquence historique. Elle est insérée pour le contexte. S’agit-il d’une critique, d’un examen, ou d’une étude privée? C’est difficile à déterminer.
    Je crois que les documentaristes demandaient une utilisation équitable… pour qu'on ait des catégories explicatives plutôt que des catégories exclusives qui répondent aux exigences sur le caractère équitable. Leur demande est restée lettre morte. Nous l’avons obtenue pour ce qui de la parodie et de la satire, ce qui est bien, et l’utilisation équitable pour les établissements d’enseignement avait aussi une certaine valeur, mais on a fait fi des besoins des documentaristes à cette étape.
    La prémisse énoncée par le gouvernement, c’est que si les serrures numériques posent problème, on n’a qu’à aller sur les marchés. Ce que je veux dire… en parlant à des jeunes, si l’on appelle Sony parce qu’on a acheté un produit et qu’on ne peut pas l’utiliser, bonne chance. Je ne sais pas si son numéro 1-800 a déjà… ou même s’il en existe un. On n’a donc pas vraiment le choix.
    S’ils n’aiment pas cela, les jeunes téléchargent. Ils vont recourir à un marché légal, ou si on leur refuse l’accès, ils iront sur l’autre marché. Nous utilisons toujours le mot « équilibre », mais ce qui me préoccupe au sujet du projet de loi, c’est qu’il garantit les droits des consommateurs et les droits individuels, mais les citoyens ne sont pas nécessairement capables de se prévaloir de leurs droits.
    Je sais que la constitutionnalité des dispositions a fait l’objet de discussions. Je crois que M. de Beer, l’un de vos collègues, a écrit sur le sujet. Croyez-vous que si nous légiférons les droits, et que les citoyens ne sont pas capables d’y accéder, il y aura une contestation judiciaire en vertu de la Constitution?
    Je vais faire trois remarques.
    Tout d'abord, concernant la question d’aller sur les marchés et de négocier l’accès, vous oubliez que quand on parle de droit d’auteur, on parle d’exclusivité, n’est-ce pas? Le droit d’auteur donne le pouvoir de dire non.
    Le droit d’auteur peut dangereusement devenir un outil de censure, surtout lorsqu’il s’agit des documentaristes, d’autres médias d’information, ou d’autres organismes cruciaux qui veulent souscrire à l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés — la liberté d’expression — et participer fortement au débat sur l’entité, sur n'importe quoi, n’est-ce pas? Il y a certains problèmes.
    Ensuite, je dirais qu’il y a deux problèmes en matière de constitutionnalité. Le premier concerne l’idée de M. de Beer selon laquelle toute règle sur le contournement porte sur les appareils. On parle de propriété. Au bout du compte, il s’agit de contrats. Il ne s’agit pas de droit d’auteur, ni de propriété intellectuelle. Comment cela peut-il relever du champ de compétence fédéral pertinent? Cela ressemble bien davantage à des droits à la propriété qu’à des droits civils, ce qui est du ressort des provinces.
    Ensuite, le deuxième problème est fondé sur la charte, n’est-ce pas? Nous ne le réalisons pas assez souvent. L’alinéa 2b) garantit la liberté d’expression. Le droit d’auteur est lié seulement à l’expression. Ils se chevauchent complètement, donc s’il n’y a pas d'équilibre dans la loi fédérale, dans la Loi sur le droit d’auteur, on a un problème qui concerne l’alinéa 2b).
    Si l’on regarde ce que les droits et les règlements sur l’anti-contournement causent, et la portée très limitée pour éviter la responsabilité quant au contournement et la très grande probabilité qu’on ne puisse pas contourner les droits d’auteur d’un titulaire dans tous les cas, en particulier dans les cas importants, on a un problème qui concerne également l’alinéa 2b).
(1150)
    Monsieur McOrmond, j'aimerais vous entendre au sujet des détenteurs des clés et des mesures de protection techniques comme modèle d'entreprise, parce que nous avons entendu beaucoup de gens se plaindre aux États-Unis que la DMCA n'était pas toujours utilisée pour protéger le droit d'auteur. Elle servait en fait à empêcher les concurrents d'entrer dans de nouveaux marchés émergents.
    La célèbre histoire concerne les dispositifs pour portes de garage automatiques et les produits sans nom. Les gens ont été poursuivis en vertu de la DMCA. Craignez-vous qu'on se retrouve dans une situation où la conception de logiciels ou d'autres produits de nouvelles technologies sera injustement circonscrite, parce que les dispositions sur les serrures numériques seront utilisées à des fins non concurrentielles?
    J'ai en fait beaucoup de mal à trouver une utilisation à ces mesures techniques qui n'est pas anticoncurrentielle, et j'ai aussi beaucoup de mal à imaginer une situation où ces mesures aideraient en fait les détenteurs d'un droit d'auteur.
    Dans bien des cas, lorsque cette serrure numérique verrouille un contenu, la clé est détenue par une personne autre que celle qui détient le droit d'auteur; autrement dit, la clé pour déverrouiller cette serrure n'appartient pas au propriétaire. En ce qui concerne la clé des appareils autorisés à accéder au contenu, encore une fois, la serrure refuse particulièrement l'accès au propriétaire. Nous devrions toujours nous demander qui est le propriétaire du contenu verrouillé: qui possède les clés? S'il s'agit d'une personne autre que le propriétaire, nous devrions nous demander ce que ces gens essayent de faire.
    Il y a quelque chose de malhonnête qui se trame; c'est pourquoi je propose d'examiner ces éléments dans le bon domaine du droit. Par exemple, si vous contrôlez l'accès au site Web de votre entreprise, eh bien, le commerce électronique est tout d'abord une compétence provinciale, ce qui nous ramène au débat constitutionnel. Par contre, c'est c'est là où la protection juridique devrait se trouver, à savoir dans le bon domaine du droit. Le domaine du droit d'auteur n'est pas le bon domaine du droit pour protéger un site Web commercial.

[Français]

    Merci. Votre temps est écoulé.
     Je vais maintenant céder la parole à M. Fast.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci aux témoins.
    J'aimerais m'adresser à M. Fewer. Merci de votre présence. Vous avez évidemment réfléchi longuement au sujet en enseignant... Je crois que c'est à la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Est-ce correct?
    C'est exact.
    J'aimerais d'abord parler de quelque chose qui a été abordé par Mme Lavallée. Elle ne vous a pas vraiment donné l'occasion de commenter en profondeur.
    Comme vous le savez, ce projet de loi nous permettra de légitimer davantage ce que les utilisateurs font déjà chaque jour comme l'écoute en différé, le changement de support, l'application composite et, bien entendu, l'utilisation équitable aux fins d'éducation, qui deviendra une exception. Mme Lavallée — et je vais essayer de reprendre ces propos, parce que je n'ai pas la traduction officielle — a affirmé que tout le monde est d'accord pour dire que nous enverrons un mauvais message si nous étendons l'utilisation équitable aux fins d'éducation.
    Certains ont exprimé ce point de vue devant notre comité. C'est une minorité; ce n'est absolument pas tout le monde qui pense ainsi. En fait, j'ai l'impression que beaucoup appuient l'élargissement de l'utilisation équitable non seulement pour refléter les réalités d'aujourd'hui, mais aussi pour s'assurer que les Canadiens peuvent approfondir leurs connaissances.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet. Vous avez parlé généralement en bien de l'exception aux fins d'éducation contenue dans le projet de loi C-32. Je présume que vous l'appuyez. Vous pourriez mentionner certains avantages qui découleront de cette exception.
    Absolument. Selon moi, l'exception que sera l'utilisation équitable aux fins d'éducation est la disposition la plus mal comprise du projet de loi. Je crois qu'elle apporte quelques éléments très importants, mais ils ne sont pas majeurs. Par contre, cette modification ne nuit pas aux modèles d'entreprise ou ne compromet pas les revenus dont jouissent les auteurs grâce aux licences collectives dans le domaine de l'éducation.
    Je suis certain que vous avez tous lu les articles dans les journaux dans lesquels on rapporte que l'utilisation équitable aux fins d'éducation permettra systématiquement de photocopier les manuels ou de remplacer les manuels par des recueils de textes photocopiés ici et là. Cette disposition ne le permettra pas, parce que ce n'est pas équitable. Cette manière de faire ne passera pas... Ce serait évidemment aux fins d'enseignement, mais ce ne serait pas équitable. Ces stratégies remplacent le manuel scolaire dont l'utilisation commande des redevances que les auteurs s'attendent à recevoir, et avec raison. Nous n'appuierions jamais une disposition qui chercherait à ébranler cette institution.
    La question est donc: qu'apportera l'utilisation équitable aux fins d'éducation? Selon moi, elle offre deux avantages extrêmement importants.
    Premièrement, grâce à cette disposition, les enseignants seront plus confiants et feront entrer la technologie dans les salles de cours. Les établissements d'enseignement publics sont extrêmement traditionalistes et ne sont pas du tout portés à prendre des risques. Les gens sont réticents à utiliser les nouvelles technologies qui peuvent engager des dépenses. L'utilisation équitable aux fins d'éducation s'applique dans ce cas. Ensuite, les enseignants pourront utiliser des vidéos, l'Internet, de nouveaux appareils et les réseaux sociaux. Ils pourront recourir à beaucoup de bons moyens dans une salle de cours, des moyens novateurs, des moyens qui n'ont pas encore été pensés pour améliorer l'expérience éducative de vos enfants. C'est ce qu'une bonne loi sur le droit d'auteur devrait promouvoir.
    Je crois que le deuxième aspect est encore plus important que le premier. Cette disposition ouvrira les programmes de cours rigides, c'est-à-dire qu'elle permettra aux étudiants d'apporter leur propre matériel dans les salles de cours. Ils pourront distribuer un poème ou un article qu'ils ont trouvés. Ils pourront faire des choses novatrices, des choses qu'ils n'ont jamais essayées auparavant. Au lieu de rédiger un travail, ils feront un exposé sur YouTube qu'ils présenteront en classe. Cette liberté leur permet d'être novateurs et d'apporter du contenu en classe qui ne se trouve pas dans le programme établi.
    C'est vraiment important, parce que cette méthode nous permettrait de présenter de nouveaux auteurs canadiens aux étudiants, au lieu de reprendre toujours les mêmes vieux romans pendant 30 ans. Maintenant, nous pourrons apporter quelque chose de neuf, que personne n'a vu auparavant, qui vient d'être publié ou qu'un étudiant vient de découvrir et qu'il veut présenter aux autres. C'est ça l'éducation; voilà pourquoi l'utilisation équitable aux fins d'éducation est si importante.
(1155)
    Merci.
    Je suis heureux que vous ayez mentionné que ce projet de loi ne nuirait pas aux modèles d'entreprise. C'est très important ici, parce que des témoins, majoritairement des éditeurs, nous ont dit que ce projet de loi minerait complètement leur modèle d'entreprise.
    Cependant, si vous examinez l'affaire Alberta c. Access Copyright, que vous connaissez bien, le jugement dit en fait le contraire et affirme clairement que nous ne remplaçons pas les activités qui produisent des revenus par quelque chose qui ne fera que réduire les profits des éditeurs.
    J'aimerais vous entendre à ce sujet.
    Oui. Cette affaire entendue par la Cour d'appel fédérale est incroyable, parce que les juges ont en fait examiné le projet de loi C-32 et ont confirmé que la modification à l'utilisation équitable aux fins d'éducation n'a aucune incidence sur l'analyse de l'utilisation équitable. Elle ne mine donc pas le modèle d'entreprise, elle n'a aucun effet sur la nécessité de payer des redevances pour ces genres d'utilisation. Le jugement confirme ce que je pense.
    L'autre aspect qui confirme mon point de vue et qui ne reçoit pas beaucoup d'attention, c'est ce qui s'est passé de l'autre côté de la frontière. Aux États-Unis, l'utilisation équitable inclut en fait une disposition qui stipule que la production de multiples copies pour l'utilisation dans les salles de cours est considérée comme une utilisation équitable. C'est l'équivalent de notre disposition sur l'utilisation équitable. Nous ne parlons pas de la production de copies multiples dans la modification à l'utilisation équitable aux fins d'éducation.
    Savez-vous quoi? Même si les États-Unis permettent la production de copies multiples, les universités américaines versent quand même encore des redevances pour les recueils. Elles envoient encore de l'argent au Canada pour les paquets de photocopies qui sont produits aux États-Unis et qui incluent des auteurs canadiens. Si les universités paient encore des redevances aux États-Unis même avec une disposition très permissive sur l'utilisation équitable, les universités n'arrêteront pas d'en verser ici au Canada étant donné que notre disposition est plus contraignante à ce sujet.
    Malgré cela, il faut revenir au premier point, à savoir si c'est équitable. Si ça ne l'est pas, la disposition sur l'utilisation équitable aux fins d'éducation ne s'appliquera pas. Je crois que c'est la meilleure garantie de la sécurité de cette disposition pour les auteurs.

[Français]

    Je vais maintenant donner la parole à M. McTeague.
    Merci, monsieur le président.
     Je veux également exprimer mes condoléances relativement au décès de la mère de M. Gordon Brown.

[Traduction]

    Monsieur Fewer, croyez-vous que la loi devrait mentionner plus clairement que les sites Web comme isoHunt et The Pirate Bay sont en fait illégaux au Canada?
    Je ne connais pas suffisamment les détails de ces sites Web et l'étendue de leurs activités, mais je dirais certainement que les entreprises qui ont élaboré un modèle d'entreprise en mettant l'accent sur des activités qui réduisent les revenus des autres et sur le piratage devraient être illégales au Canada.
(1200)
    Merci.
    Au sujet des dommages-intérêts préétablis, en me fondant sur vos réponses à mon bon collègue M. Garneau et aux autres, je vous dirais que certains universitaires ont soulevé que l'amende maximale proposée de 5 000 $ — et je crois que vous avez dit qu'il s'agissait d'une mesure progressive — représente un bon compromis. D'autres témoins ont dit que c'était une licence pour voler.
    Je me demande si l'amende de 5 000 $ n'encourage justement pas les gens à pirater une grande quantité de contenus. Le pire qui peut leur arriver, en ce qui concerne les amendes, c'est de payer un montant forfaitaire unique. Je me demande si vous seriez d'accord pour dire que c'est une licence ou une occasion qui leur permet de continuer librement de perpétrer leurs activités illégales. Selon vous, croyez-vous que ce soit un problème?
    Mon temps est-il déjà écoulé?
    Oui, parce que votre temps sera écourté.
    Ai-je eu cinq minutes?
    Non, vous n'avez pas eu cinq minutes. La séance doit se terminer à midi. Il vous reste encore une minute pour poser votre question. Je veux que tous les membres aient droit à une deuxième série de questions.
    Merci.
    Je vous laisse répondre, monsieur Fewer.
    J'ai deux réponses très brèves; il s'agit en fait d'une variation sur le même thème.
    Je ne crois pas que les consommateurs agissent ainsi. Ce n'est pas de cette manière que le marché pense ou fonctionne. Nous ne tirons pas notre motivation des recours disponibles aux détenteurs d'un droit d'auteur et de la Loi sur le droit d'auteur. Cette action ne se trouve pas sur la liste des choses à faire des consommateurs ou sur leur liste d'achats de Noël: « Consulter les dommages-intérêts préétablis pour se créer une gigantesque bibliothèque de contenus ». Ce n'est tout simplement pas ainsi que le marché fonctionne.
    La deuxième raison pour laquelle ce n'est pas conséquent avec la manière d'agir des consommateurs, c'est que nous aimons la nouveauté. L'amende de 5 000 $ est pour ce que la personne a fait jusqu'à maintenant, mais si elle recommence demain matin à se constituer une nouvelle bibliothèque de contenus ou si elle télécharge ou pirate le dernier film à succès, elle ne sera pas exemptée de l'amende. La réalité est que nous aimons tous la nouveauté.
    Il était question de ceux qui violent le droit d'auteur à grande échelle, monsieur Fewer, et de ceux qui peuvent avoir récidivé, étant donné que l'amende maximale n'est fixée qu'à 5 000 $. En êtes-vous inquiet?
    Ils sont des utilisateurs, n'est-ce pas?
    Bien entendu.
    Lorsque je dis « utilisateurs », je veux dire « consommateurs ».
     Les gens qui violent le droit d'auteur à une échelle commerciale, c'est-à-dire les violations commerciales, ne sont pas visés par le minimum.
    Je crois que mon temps est écoulé. J'ai entendu le gong.

[Français]

    Je vais maintenant céder la parole à M. Cardin.
    Vous disposez de deux minutes.
    Deux minutes? Vous êtes généreux, monsieur le président.
     Bonjour, messieurs.
    Dans le mémoire que vous nous avez présenté, vous dites ceci:
J'ai souvent dit que le droit d'auteur est à la créativité ce que l'eau est aux êtres humains: trop peu, vous vous déshydratez; trop, vous vous noyez.
     La Conférence canadienne des arts a fait une évaluation des droits dont les créateurs vont devoir se priver en vertu du projet de loi C-32. Le total, qu'on pourrait qualifier de conservateur, est de 126 millions de dollars. Les créateurs vont littéralement sécher debout. Que pensez-vous de cette réalité?
    Si nous disposons d'assez de temps, j'aimerais que vous nous parliez des clés et de la façon dont celles-ci, qui ne sont pas la propriété des auteurs ou de ceux qui détiennent les droits d'auteur, pourraient assurer la protection des droits d'auteur.

[Traduction]

    Tout d'abord, je ne suis pas si certain que ce soit la réalité. Comme il a été souvent dit, l'utilisation équitable n'est pas synonyme d'utilisation gratuite. Au Canada, il y a deux étapes. Premièrement, est-ce que l'utilisation respecte les critères? Deuxièmement, est-elle équitable? Aux États-Unis, on saute la première étape et on se demande d'entrée de jeu si l'utilisation est équitable.
    Étant donné que les Américains passent directement à la deuxième étape, les gens en sont venus à mieux comprendre l'étape sur l'équité que l'étape sur les critères précis. Je crois en fait qu'il serait mieux pour toutes les parties concernées que nous passions à une formulation comme eux et retirions les critères de l'équation. Ainsi, les gens commenceraient à comprendre l'étape de l'équité.
    Au sujet de toutes ces pertes dont il est question, eh bien, aucune perte ne serait considérée comme étant « équitable ». Donc, je ne crois pas que ces pertes existent. Je ne peux donc pas aborder une réalité à laquelle je ne crois pas vraiment.

[Français]

     Je vais maintenant donner la parole à M. Braid.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos deux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Nous verrons de combien de temps je dispose.
    Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Fewer.
    Il y a peut-être eu une certaine confusion au cours de nos délibérations, c'est-à-dire qu'on a un peu mêlé les notions de violation à caractère commercial et de violation à caractère non commercial et la façon dont le projet de loi aborde chacune d'elles. Pourriez-vous parler des différences entre les deux, donner des exemples pour chacune et expliquer comment le projet de loi appuie ces deux différentes notions?
(1205)
    D'accord. Cette distinction devrait être établie par un tribunal, mais je ferais valoir que certaines catégories pourraient se rapporter aux deux notions.
    La violation à caractère non commercial s'applique aux copies que les Canadiens font quotidiennement de leur contenu, en privé. Il s'agit, par exemple, d'effectuer des copies de secours qui ne font pas partie, pour le moment, des exceptions énumérées dans la loi, et verser le contenu d'un disque compact dans un iPod, une autre activité qui n'est pas visée par une loi. Ces activités sont toutes de nature privée, elles sont manifestement non commerciales, et il est évident qu'elles ne causent aucun dommage aux modèles opérationnels. En fait, parce qu'elles rendent le contenu plus utile, elles en encouragent l'achat.
    La violation à caractère commercial est différente; il s'agit de s'introduire dans un domaine commercial et d'y faire des échanges ou d'utiliser le contenu en vue de faire de l'argent par un moyen détourné. La distinction devient très difficile à faire et il faut commencer à tracer la ligne entre les deux lorsqu'un gestionnaire de site Web utilise des applications comme l'espace de publicité Google, qui paie une très petite somme dans le but d'aider à couvrir les frais associés au site, au blogue ou peu importe le type de site Web. Il s'agit là d'un exemple de cas où il faut être prudent lorsqu'on décide qu'une activité est commerciale ou qu'elle vise seulement à rendre un passe-temps plus lucratif.

[Français]

    Vous nous avez fait part de points de vue originaux et intéressants.
     Merci bien, messieurs Fewer et McOrmond.

[Traduction]

    Je vais suspendre les travaux pour deux minutes et nous passerons aux travaux du comité à notre retour.
    Merci.
(1205)

(1210)

[Français]

    Nous poursuivons maintenant les travaux du comité législatif chargé du projet de loi C-32. Nous allons maintenant traiter d'une motion présentée par Mme Carole Lavallée.
    Madame Lavallée, je vous donne la parole pour que vous nous entreteniez de votre motion.
    D'abord et avant tout, je sais qu'il n'est pas normal de demander qu'un témoin vienne témoigner et d'en faire une motion. Je n'ai pas l'intention d'en faire une habitude. En effet, nous avons un système basé sur des suggestions qui est beaucoup plus souple et il faut le conserver.
    Je voulais présenter cette motion parce qu'il me semblait que M. Gary Fung avait été oublié en cours de route. Peut-être nous serait-il utile d'adopter une motion pour lui signifier que nous voulons réellement l'entendre nous expliquer sa position concernant le projet de loi C-32. Il est à la tête de l'une des principales activités visées par le projet de loi C-32 et, pour ma part, j'aimerais savoir s'il est favorable ou non au projet de loi.
    Dans le texte, je dis que l'entreprise de M. Fung est située à Vancouver. Il possède l'un des sites Internet où le partage de fichiers poste-à-poste est le plus abondant au Canada. Dans un article du magazine Forbes, publié le 1er décembre 2009 et intitulé « The Pirate Bay's Heir Apparent », on peut lire ceci:

Je ne nie pas que pratiquement tout ce que nous indexons est sous droit d'auteur (...) mais nous ne sommes qu'un fournisseur de recherche dans ce qui est disponible. Ce que je dis au sujet du partage de fichiers poste-à-poste est seulement mon opinion. Ce n'est pas quelque chose que nous facilitons. Nous ne facilitons pas plus que le partage de fichiers possible que Google rend possible l'Internet.
    J'aimerais qu'il vienne nous expliquer cette citation tirée du magazine Forbes.
    Merci, madame Lavallée.

[Traduction]

    Monsieur Rodriguez, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Cette façon de procéder cause selon moi un problème de fond. Je l'ai dit hier à Mme Lavallée. On est en train de créer un précédent. On risque d'être ensevelis sous les motions. Chacun va en produire 50 pour 50 témoins différents. Je n'aimerais pas qu'on crée ce précédent parce que cela peut faire perdre des heures et des heures au comité.
    Le Parti libéral ne s'oppose pas à l'idée de recevoir M. Fung, mais nous préférons que son nom soit ajouté à la liste des témoins et qu'il soit invité à livrer son témoignage. Si on adopte cette motion, chacun va présenter la sienne et je vais moi-même vous en présenter des tonnes. Continuons donc de fonctionner comme nous le faisions jusqu'à maintenant.
(1215)
    Merci, monsieur Rodriguez.
     Monsieur Del Mastro.

[Traduction]

    Tout d'abord, je veux donner mon appui aux propos de M. Rodriguez. Je pense aussi que nous courons le risque d'insulter certains autres témoins qui n'ont peut-être pas reçu une motion les enjoignant à comparaître. Je crois que c'est une approche plus prudente.
    Honnêtement, je serais surpris que le témoin comparaisse, car je crois qu'il sait qu'il ne sera pas le bienvenu ici.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Dean Del Mastro: Je crois que nous aimerions tous lui parler dans le blanc des yeux, mais j'aimerais vous rappeler qu'il est présentement devant les tribunaux, et je m'inquiète à l'idée de causer du tort à l'industrie, aux artistes et aux autres qui cherchent à obtenir des mesures de redressement à l'encontre de l'individu en question.
    Je pense qu'il s'agit d'une mauvaise idée, mais en fin de compte nous sommes 6 contre 5, donc la décision vous revient.

[Français]

     Monsieur Angus.

[Traduction]

    Eh bien, je pense que cette discussion serait fascinante, et j'adorerais le voir comparaître devant nous.
    Ce qui m'inquiète, comme l'a dit M. Rodriguez, c'est de créer un précédent. En effet, si nous permettons cela, alors je pourrais trouver, la semaine prochaine, une personne de la communauté artistique que je trouve absolument spéciale et l'inviter à comparaître, et elle pourrait être refusée. Si nous mettons certaines personnes de l'avant par des motions exceptionnelles et que nous disons à d'autres d'attendre leur tour ou que nous ne les recevrons pas, cela revient à embarrasser certains témoins ou à les traiter comme des personnes de deuxième classe. Je pense donc que nous devrions laisser les choses comme elles sont.
    Il serait fascinant d'avoir cette discussion et peut-être pourrions-nous l'inviter à une séance du comité du patrimoine pour faire un suivi de la question, mais pour l'instant, nous devons garder le cap en ce qui concerne le projet de loi C-32.

[Français]

     Monsieur McTeague.

[Traduction]

    Vous voyez la création de ce qui ressemble à un consensus.

[Français]

    Je comprends très bien la position de Mme Lavallée. Je pense qu'il s'agit d'une initiative louable, mais j'accepte également le principe voulant que la procédure reste la même. Je me demandais si Mme Lavallée serait prête à retirer sa motion, mais qu'en contrepartie, le président fasse maintenant une déclaration précisant que M. Fung sera invité.
     Si je tiens compte des propos des membres du comité, même s'il n'y a pas de vote, j'en conclus que l'idée d'inviter M. Fung fait consensus. Je vais toutefois laisser la parole à Mme Lavallée.
     La proposition de M. McTeague me convient parfaitement.
    Monsieur le président, si vous dites que vous allez l'inviter, je suis entièrement d'accord. Ce n'est pas la manière que j'avais proposée, mais le but est le même.
    Il y a consensus au sein du comité pour qu'on invite M. Fung. Ce dernier va recevoir de la part du président une lettre officielle l'invitant à comparaître devant nous.
    Monsieur le président, pourriez-vous nous faire part de la réponse de M. Fung à la lettre que vous allez lui envoyer?
    Oui, nous allons vous tenir au courant de la réaction de M. Fung à notre invitation officielle.
    J'aimerais maintenant vérifier si nous sommes tous d'accord pour continuer la séance à huis clos afin de nous pencher sur les travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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