:
Au nom de la Fédération canadienne des musiciens, je vous remercie de nous avoir invités à témoigner.
Je m'appelle Bill Skolnik et je suis musicien. J'ai travaillé au théâtre, à la télévision et à la radio dans différents studios pendant de nombreuses années. J'ai également beaucoup écrit pour Sesame Street, alors j'ai peut-être déjà eu une influence sur certains d'entre vous. Je suis maintenant le chef de la direction de la Fédération canadienne des musiciens.
Je suis accompagné de Warren Sheffer, qui est avocat-conseil au cabinet Hebb & Sheffer.
La FCM représente des musiciens canadiens depuis plus d'un siècle. Bon nombre de nos 17 000 membres sont des vedettes internationales et des personnes très connues, mais ce n'est pas le cas de la majorité. On m'a élu pour défendre les intérêts des 17 000 membres de l'organisation, mais selon le Tribunal canadien des relations professionnelles artistes-producteurs, le TCRPAP, je m'exprime également au nom de plusieurs non-membres sur des questions fédérales. Par conséquent, je ne représente pas uniquement ceux qui paient mon salaire, mais bien tous les musiciens professionnels.
La plupart de nos membres sont des travailleurs indépendants, des petits entrepreneurs, qui gagnent en moyenne moins de 20 000 dollars par année. Même s'ils vivent de leurs créations et prestations artistiques, une importante part de leur revenu provient de leurs enregistrements et des redevances sur leurs droits d'auteur. Vous ne le réalisez peut-être pas, mais lorsque vous allez au Sanderson Centre for the Performing Arts, au Centre national des arts ou au Centre In The Square, les musiciens qui accompagnent les interprètes en vedette ne les suivent pas dans toutes les villes. Ils sont embauchés par un directeur musical; ce sont des travailleurs autonomes.
Vous connaissez probablement certains d'entre eux. En ce qui me concerne, je les connais presque tous, mais je vais vous en nommer quelques-uns, qui viennent des petites localités. De Sudbury, par exemple, on retrouve Christian Robertson, Victor Sawa, et Yoko Hirota. Les Three Gray boys, John, Charlie et Phil, sont originaires de Truro et vivent maintenant à Toronto. Je pense que John vit à Vancouver. Il a écrit Billy Bishop Goes to War. Ils viennent d'une petite ville de la Nouvelle-Écosse. De Kitchener, il y a Frank Leahy, un musicien bien connu, et Wendell Ferguson, un des plus drôles au Canada. Je voudrais également mentionner Doug Perry et Paul Mitchell. De Peterborough, on a les frères Cherney. Ils ne vivent plus à Peterborough, mais leur père tenait un commerce d'électroménagers bien connu, Washboard Hank. Par conséquent, si vous avez déjà vu Washboard Hank en spectacle, vous savez de qui je parle. Ce sont nos membres. Ce sont les gens dont je parle ici.
De Lakefield, la famille Leahy est également très connue. Frank DeFelice, Garry Munn et Rusty James sont originaires de Brantford. Vous les connaissez probablement. De Sackville, il y a Ray Legere. Je ne vous nomme que ceux-là, car ce sont des gens qui ont acheté des maisons et qui ont élevé une famille. Ils ne vivent pas nécessairement dans les grandes villes — certains d'entre eux, oui — mais la plupart viennent de petites villes. Ce sont les petits entrepreneurs dont il est question ici.
La capacité de nos membres de vivre de leur art dépend d’une loi forte sur le droit d’auteur, qui leur permettra de transiger leurs droits sur le marché par la négociation et l’octroi de licences collectives. Si on affaiblit les droits de nos membres, on réduit leurs sources de revenus.
La FCM appuie les efforts du gouvernement visant à moderniser la Loi sur le droit d’auteur par la mise en oeuvre des dispositions prévues dans les traités relatifs à l’Internet de l’OMPI. Nous sommes particulièrement heureux de l’établissement de droits moraux pour les artistes. C'est absolument essentiel pour nous.
Nous reconnaissons, d’autre part, la volonté du gouvernement de trouver une solution en ce qui concerne les différents moyens utilisés par les consommateurs pour se procurer les oeuvres sous format numérique. Les avancées technologiques ont rendu plus faciles la reproduction et l’utilisation des oeuvres. Ces avancées ne doivent cependant pas devenir une raison pour diminuer les droits des créateurs et des artistes ou les priver de recevoir une rétribution pour la copie et l’utilisation de leur travail.
La musique a une valeur marchande. Les oeuvres sont le fruit d'un travail de création. Malheureusement, trop souvent, ce projet de loi diminue la valeur de la musique.
La Conférence canadienne des arts a réuni une série de 20 amendements techniques au projet de loi . La FCM est l'une des 68 organisations ayant contribué à l'élaboration de ces amendements, et nous les appuyons tous entièrement. Je tiens à dire qu'il est assez remarquable de voir qu'un groupe d'organisations puisse s'entendre sur les mêmes modifications.
Aujourd'hui, je vais m'attarder sur quatre d'entre elles qui contribueraient grandement à protéger la propriété intellectuelle et le revenu des musiciens.
Premièrement, nous recommandons de restreindre les exceptions au droit d’auteur et aux droits voisins prévus dans le projet de loi en y intégrant le test en trois étapes de la Convention de Berne.
Le test en trois étapes de la Convention de Berne, inclus dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, l'ADPIC, prévoit que :
les membres doivent restreindre les limitations des droits exclusifs ou exceptions à ces droits à certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’oeuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des détenteurs du droit.
Nous voulons que les utilisateurs puissent accéder aux oeuvres de nos membres et les apprécier, que ce soit pour leur plaisir ou leur éducation, mais cela ne doit pas se faire au détriment des musiciens qui essaient de vivre de leurs oeuvres et prestations. L’inclusion de cette disposition dans la loi contribuerait grandement à nous assurer que le gouvernement et les tribunaux sont sur la même longueur d’onde.
Deuxièmement, il y a le contenu généré par l'utilisateur. Le test en trois étapes serait donc ici très utile pour restreindre les exceptions. La disposition dans le projet de loi concernant le CGU représente un changement de direction drastique par rapport à l’objectif de la Loi sur le droit d’auteur visant à conférer des droits exclusifs aux créateurs et aux artistes. Nous comprenons que l'intention ici est de permettre aux familles d'afficher des vidéos de leurs enfants en train de danser sur de la musique pop sans enfreindre la loi. C'est raisonnable, sauf que le libellé du projet de loi va trop loin. Il priverait les créateurs de la possibilité d'octroyer des licences et de se prononcer sur l'usage qu'on fait de leur oeuvre. YouTube sera celui qui en bénéficiera, et ce, aux dépens des titulaires de droits.
Nous recommandons d'éliminer complètement l'exception ou, sinon, de la modifier de façon à protéger les droits moraux. Nous devons garder la porte ouverte afin de permettre la conclusion d'ententes avec des entreprises comme YouTube. Ainsi, on s'assurerait que les artistes sont rémunérés, comme c'est le cas dans d'autres pays.
De mon point de vue, je sais que bon nombre de nos membres sont aussi préoccupés par le contrôle de leurs oeuvres que par le paiement. Les deux sont importants, mais le contrôle est un aspect essentiel des droits moraux. Ces droits doivent être renforcés.
Troisièmement, il y a les dommages-intérêts préétablis. Le projet de loi propose de réduire considérablement les dommages-intérêts préétablis en cas de violation des droits à des fins commerciales, qui s’établiraient maintenant entre 100 et 5 000 $. Ce n'est pas un moyen de dissuasion suffisant pour empêcher la violation des droits d’auteur. Nous ne voyons pas la nécessité pour le gouvernement de faire une distinction entre les infractions à des fins commerciales et non commerciales. Nous croyons qu’une telle distinction envoie le mauvais message, c’est-à-dire que les soi-disant violations à des fins non commerciales sont moins dommageables aux créateurs et aux artistes. Par exemple, je pourrais faire 100 copies d'un CD puis en donner une à tout le monde que je connais pour Noël. Je ne fais pas d'argent, mais j'empêche possiblement un artiste de vendre 100 copies.
Cela ferait en sorte qu'il serait encore plus difficile et moins intéressant pour les petits entrepreneurs ayant peu de ressources d’exercer un recours en cas de violation des droits d’auteur. Nous comprenons l'intention du gouvernement, mais ce n'est pas nécessaire. On n'a rapporté aucun cas de Canadiens qui se sont vus obligés de verser des sommes exorbitantes pour avoir violé des droits d'auteur.
Ce qui est encore plus curieux, c'est que le projet de loi propose d'exempter ceux qui facilitent l’accomplissement d’actes qui constituent une violation du droit d’auteur sur Internet. Les dommages-intérêts préétablis doivent avoir un effet dissuasif et doivent s'appliquer aux principaux contrefacteurs, comme les réseaux d'échange de pair à pair qui font plein d'argent sur le dos des artistes qui travaillent très dur.
Quatrièmement, et dernièrement, il y a le régime de copie pour usage privé. Nos membres ont reçu plus de quatre millions de dollars pour la copie privée au cours des dix dernières années. Malheureusement, le projet de loi propose de laisser disparaître le mécanisme de copie privée en raison des changements technologiques. Nous croyons que cette source essentielle de revenus doit être remplacée en conformité avec le principe établi de longue date en matière de droit d’auteur, c’est-à-dire qu’il faut verser une contrepartie pour la reproduction d’une oeuvre et que celle-ci ne peut être autorisée que par le détenteur des droits exclusifs.
La première option consisterait à appliquer la modernisation du régime actuel de copie pour usage privé aux enregistreurs audionumériques, qui sont conçus, fabriqués et annoncés comme un appareil servant à copier de la musique. Si le gouvernement ne veut pas emprunter cette voie, il faut alors prévoir un autre mécanisme de réparation à la Partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur. Ce que je dis ici, c'est qu'il y a un principe qui a déjà été établi : les copies ont une valeur et les gens semblent avoir le droit d'en retirer de l'argent.
Nous n'allons pas demander d'étendre la technologie si ce n'est pas acceptable. Nous croyons qu'il existe d'autres moyens. Il y a des façons de verser une rémunération à des artistes pour l'utilisation prolongée de leurs copies, le stockage et la duplication. C'est donc le principe que nous soutenons. Ce principe doit être respecté afin que les artistes puissent toucher l'argent qui leur est dû. Comme je le dis, ce sont des gens d'affaires. Ils ne peuvent pas se présenter à la banque en disant: « J'ai six ou sept contrats qui s'en viennent, des tournées, etc. » On va leur dire: « Qu'est-ce qui arrive si vous vous faites frapper par une voiture? »
Toutefois, ils peuvent se servir des relevés qu'ils obtiennent auprès de Ré:Sonne et de la Société canadienne de perception de la copie privée et d'autres choses qui indiquent leur revenu et, peu importe ce qu'il leur arrive, ils peuvent toucher l'argent. Ils n'ont pas besoin de plus. Ils perçoivent environ 2 000 $ ou 3 000 $ par année sur les copies privées, mais cela leur permet d'acheter du temps de studio. C'est un aspect important de leur revenu. Cela existe depuis 20 ans, et maintenant, on leur enlève. On leur enlève en raison de la technologie et non parce que quelqu'un croit qu'ils n'y ont pas droit.
Bonjour. Je m'appelle Don Conway et je suis le président et actionnaire majoritaire de Pineridge Broadcasting, une entreprise de radiodiffusion de petite taille desservant Cobourg, Port Hope, le comté de Northumberland, Peterborough et les Kawarthas en Ontario. Merci de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui.
J'espère que nous aurons pu, d'ici la fin de notre exposé, vous donner une image précise de la radio des petits marchés, du rôle que nous jouons dans le quotidien et l'économie des collectivités que nous desservons ainsi que des tensions financières auxquelles nous faisons face chaque jour pour assurer ce rôle.
Étant donné les limites de temps serrées que nous sommes tenus de respecter, je vous présente un exposé oral seulement, mais je serais heureux de vous soumettre un mémoire par la suite, si vous le jugez utile.
Je suis né à Chute-à-Blondeau, et j'ai grandi sur une ferme à Alexandria. J'ai vendu mon premier veau pour acheter une radio transistor afin d'écouter la musique diffusée par la station de Cornwall et la couverture intégrale des matchs des Canadiens et des Expos sur les ondes de stations de Montréal.
J'ai fait mes débuts en radio en 1974 en tant que représentant des ventes dans une station à Brockville. Puis, en 1983, le propriétaire s'est porté acquéreur d'une petite station AM à Cobourg qui avait fait faillite et m'a demandé d'en assurer la direction. Elle s'appelait officiellement CHUC-AM, mais les gens de la localité l'avait baptisée « up-chuck radio », c'est-à-dire radio nauséabonde.
Une voix: Oh, oh!
M. Don Conway: Il a fallu de nombreuses années et beaucoup d'efforts pour la rétablir.
Je vais vous épargner les détails, outre le fait que j'ai acheté la compagnie en 1991. Les mesures que nous avons prises en 1983 pour faire croître notre petite entreprise en faillite sont plus ou moins les mêmes aujourd'hui, notamment beaucoup d'efforts, un personnel dévoué, de la discipline financière et une forte participation communautaire.
La radio locale est le reflet du secteur du commerce de détail. Quand les revenus de ce secteur sont faibles comme ils l'ont été d'ailleurs cette année, les revenus de la radio fléchissent. Les stations des petits marchés n'ont jamais beaucoup de personnel; elles vivent à la limite des pertes et profits. Avec l'ajout, cette année, de redevances de droits d'auteur nouvelles et rétroactives, les profits ont disparu.
Notre petit bureau principal est situé dans le canton d'Hamilton, où nous sommes un des plus importants employeurs, avec environ 25 employés. Nos nouveaux studios à Peterborough comptent environ 15 employés.
Nous avons désespérément besoin d'employés supplémentaires, mais nous n'avons pas les moyens de les engager, compte tenu de l'état actuel du marché. Et pourtant, quand je calcule le montant que chaque station doit verser au chapitre des redevances de droits d'auteur, je constate que nous sommes classés dans la catégorie d'une station plus grande qu'une station de taille moyenne typique.
Je peux vous affirmer que notre entreprise est de petite taille et que notre classification devrait donc se ranger dans le domaine de 2 millions de dollars plutôt que de 1,25 million de dollars.
Avant de parler des droits d'auteur, j'aimerais prendre quelques instants pour vous expliquer comment on assure la survie d'une station de radio sur un petit marché.
Nous fidélisons l'auditoire. Nous parlons de la collectivité et faisons la promotion des activités des groupes communautaires quotidiennement et, en plus, le personnel participe pleinement à la collectivité. Nous parlons sur nos ondes de ce qui importe pour la collectivité. S'il neige, nous annonçons quels autobus scolaires sont annulés. Si le conseil municipal a voté pour limiter les déchets à deux sacs, nous interviewons le maire. Si la 401 est fermée, nous indiquons les meilleurs détours et diffusons un numéro sans frais pour que les auditeurs puissent nous tenir au courant.
Nous ne sommes pas abonnés à de coûteux services de nouvelles nationales. Nos bulletins de nouvelles se consacrent entièrement aux faits locaux presque tous les jours. Nous participons au plan de mesures d'urgence en cas de catastrophe des diverses municipalités desservies. Quand les deux pompes à eau de Port Hope sont tombées en panne récemment, menant à la déclaration d'un état d'urgence, le coordonnateur de la municipalité m'a appelé à la maison pour assurer la diffusion de messages à l'intention des habitants.
Notre programmation est axée sur la localité. Le Community Booster Club fait gratuitement la promotion d'événements communautaires deux fois par heure. Nous invitons les groupes communautaires à nous parler de leurs activités sur les ondes. Nous avons établi des liens solides avec la collectivité. Le succès de ces groupes aide à fidéliser davantage l'auditoire à notre marque, et permet de faire fructifier la collectivité.
Par exemple, Centraide de Northumberland prête main-forte à 16 organismes. Nous faisons la promotion de Centraide et de chacun de ses organismes membres. Chaque automne, nous diffusons une mise à jour hebdomadaire avec le président de la campagne.
La Société canadienne du sang... Depuis ma greffe de moelle osseuse pour traiter ma leucémie en 1987, nous diffusons une émission mensuelle en direct de la clinique de donneurs de sang.
Nos stations ont joué un rôle clé pour assurer la réussite du premier événement annuel contre l'intimidation qui fut parrainé par le Conseil consultatif sur la jeunesse de Northumberland. Nous avons pu sensibiliser le comté entier à la question de l'intimidation grâce à notre campagne sur les ondes et nos entrevues avec les intéressés.
Relais pour la vie représente la plus importante levée de fonds pour la Société canadienne du cancer dans le comté de Northumberland. Nos stations ont parrainé cet événement chaque année, mesure qui a permis de réunir plus de 270 000 $ en 2011, pour ne citer qu'une année.
Nos stations apportent leur soutien à plusieurs initiatives communautaires par les moyens financiers et par le biais de campagnes sur les ondes. Je pourrais vous énumérer une liste de groupes communautaires avec qui nous avons travaillé au cours de la dernière année, mais étant donné le peu de temps dont nous disposons, je ne vais pas les lire ici.
Nous joignons le geste à la parole. Nos employés sont actifs au sein de nombreux groupes communautaires. Je suis moi-même un ancien président de la campagne Centraide, du conseil d'administration de Centraide, du conseil d'administration de la Fondation des hôpitaux, du Waterfront Festival, et du Cobourg Rotary Foundation Committee, entre autres.
Outre de nombreux organismes caritatifs, Northumberland comprend un vaste secteur artistique et musical, auquel nos stations offrent du temps d'antenne pour promouvoir ses activités. Par exemple, notre station a été le principal promoteur du CD inaugural de Summerhouse, un groupe rock local, dont elle diffuse régulièrement les entrevues et la musique. Nous avons également diffusé des entrevues et des interprétations en direct de Zack Werner et de son groupe de musique, Haymaker, lors de la sortie de leur premier album et, par la suite, dans le cadre de campagne de financement de la Société canadienne de la sclérose latérale amyotrophique. En ce qui concerne Blue Sky Revival, ces concerts présentés dans le but de sensibiliser le public aux questions relatives à l'environnement mettent en vedette une kyrielle de musiciens connus et d'artistes émergents exclusivement canadiens. Nous avons mené une campagne radiophonique et offert du soutien sur place en fournissant de l'aide organisationnelle et un animateur.
Nous avons, au fil des ans, établi d'excellentes relations avec les membres de l'industrie de la musique. Ils comprennent que nos stations souhaitent que les musiciens connaissent le succès et qu'elles feront ce qu'elles peuvent pour les y aider.
Nous intervenons également dans nos écoles secondaires et nos collèges. Chaque semestre, nous proposons des stages en partenariat à trois ou quatre élèves des quatre établissements d'enseignement secondaire. Chaque printemps, nous prenons sous notre aile des stagiaires qui suivent des cours de radio au Loyalist College de Belleville et dans d'autres établissements. Nous sommes membres de divers groupes consultatifs du Loyalist College.
Pineridge Broadcasting n'est pas une grande société dont le siège social est installé dans une prestigieuse tour à bureaux. Nous n'avons pas de vice-présidents ou de fonds illimités pour engager du personnel. Nous sommes des membres de la communauté qui n'ont pas peur de mettre la main à la pâte et qui veulent faire un bon travail de promotion. Nous voudrions en faire encore plus dans nos communautés, être un bon employeur et embaucher plus d'employés. Nous croyons qu'il faut aider les artistes qui composent les chansons qui nous permettent de diffuser un produit à tout vent. Cependant, nous adhérons aussi au principe d'équité, et je ne trouve pas équitable de nous obliger à payer la même chose à de multiples reprises.
Dans le passé, les maisons de disques nous fournissaient la musique sur des 45 tours, puis il y a déjà quatre ans, sur CD. Nous avons toujours reçu la musique des maisons de disques sans avoir à la payer. Il est illogique que nous soyons obligés de payer pour la musique qu'elles nous obligent a télécharger en mode numérique. Dans chacune de nos stations, la musique est téléchargée sur le même ordinateur, lequel la diffuse par la suite sur les ondes. Ce ne serait que pour créer un message promotionnel pour informer l'auditoire sur un artiste que l'on effectuerait des copies.
Par conséquent, si quelque chose a changé au cours des 39 années que j'ai passées dans le domaine de la radio, c'est l'élimination quasi complète du besoin de copier de la musique. Je vous ai signalé notre pénurie de personnel. Est-il équitable d'adopter un projet de loi obligeant notre entreprise à réaffecter un de ses employés fort occupés pour effacer et réenregistrer chaque oeuvre de notre discothèque tous les 30 jours? Cela augmenterait nos frais d'exploitation de façon prohibitive. Si nous avons 3 000 chansons d'une durée moyenne de 3,5 minutes chacune, cela prendrait 10 500 minutes. Nous serions obligés de réenregistrer la musique en temps réel, ce qui prendrait environ 175 heures. Une personne travaillant assidûment pendant sept heures par jour prendrait 25 jours pour réenregistrer la discothèque.
Je vous demande d'éliminer l'exigence d'effacer la musique tous les 30 jours. Une petite entreprise comme la mienne ne dispose tout simplement pas des ressources nécessaires pour le faire. En clair, le délai de 30 jours et le paiement d'un tarif de reproductions sont irréalistes dans mon cas.
Les membres de l'industrie de la musique savent à quel point il est important que leur musique soit diffusée à la radio. Voilà pourquoi ils ont toujours collaboré avec nous pour que les artistes passent à la radio. Nous savons que la musique est importante. Nous payons donc les redevances de base et faisons connaître les artistes. C'est un juste équilibre.
En terminant, je dirais que nous sommes un modeste radiodiffuseur privé qui oeuvre au mieux-être des communautés. Nous nous efforçons d'être une entreprise socialement responsable et un bon employeur, tout en faisant croître nos activités. Nous faisons la promotion de la musique et des artistes que nous diffusons. Nous payons les droits d'auteurs, mais l'augmentation constante des redevances constitue une menace pour nos activités.
Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
Re:Sound est une société de gestion collective sans but lucratif qui veille à ce que les artistes et les maisons de disques obtiennent une rémunération juste pour leurs droits d'exécution et de communication. Nous défendons les droits aux redevances de plus de 12 000 musiciens, dont des têtes d'affiche, des musiciens de session et des compagnies de disques. L'argent que nous récoltons est réparti en parts égales entre les artistes et les étiquettes.
Nous sommes conscients que vous en avez beaucoup entendu sur le droit d'auteur; je vous assure toutefois que nous ne nous adresserions pas à vous si nos propositions ne cadraient pas avec les objectifs en matière d'économie et de création d'emplois qui sous-tendent le projet de loi C-11 et s'ils n'étaient pas aussi pertinents.
Re:Sound a déposé trois amendements explicites concernant le projet de loi C-11.
L'un d'eux est très technique; pour éviter de perdre du temps, j'invite les députés à consulter le document d'information et la teneur des amendements proposés que nous avons remis à la greffière. À ce sujet, je me contenterai de préciser qu'il s'agit d'une simple omission dans la Loi sur le droit d'auteur concernant l'intervention du ministre en matière de réciprocité.
Les deux autres amendements méritent, selon moi, que vous vous y attardiez, car ils pourraient se traduire par une augmentation de revenus pour bien des gens. Le premier, en apportant des éclaircissements bien nécessaires, permettrait à Re:Sound de retirer des millions de dollars d'un compte en fiducie afin de les remettre à des musiciens et des entreprises.
L'autre porte sur la grave distorsion du marché que suscite la Loi sur le droit d'auteur actuelle, une situation qui perdure depuis les années 1990. En corrigeant la situation, on injecterait des millions de dollars dans le secteur culturel du Canada, sans qu'il n'en coûte un centime aux contribuables ou aux consommateurs.
Le premier amendement est ce que nous qualifions d'amendement d'orphelin. Qui sont les orphelins dans le contexte du droit d'auteur? Ce sont les titulaires de droit, les musiciens ou les étiquettes admissibles qui n'ont pas encore signé d'entente avec nous, soit parce qu'ils ne connaissent pas leurs droits, soit par ce qu'ils n'avaient pas encore enregistré de disque ou ne formaient pas encore de groupe au moment de l'établissement du tarif.
Le concept d'orphelin ne se limite pas à notre sphère de compétence. Il en existe notamment dans les domaines des droits de reproduction, de retransmission ou de copie à des fins privées. La différence, c'est que dans ces autres cas, la Loi sur le droit d'auteur contient des dispositions claires et explicites qui établissent les règles et les obligations en la matière. Nous sommes les seuls à ne pas bénéficier de telles règles et de pareille clarté. Il ne peut s'agir, selon nous, que d'une omission qui s'est glissée au cours de la rédaction de la loi.
Comme la Loi sur le droit d'auteur ne comporte aucune règle pour préciser nos obligations à l'égard de ces orphelins, nous pourrions être obligés à retenir indéfiniment une partie des fonds. Pour corriger le problème, nous proposons simplement un amendement — de deux lignes —qui clarifierait nos obligations envers les orphelins, à l'instar de toutes les autres sociétés de gestion collective.
En bref, cet amendement apporterait des précisions. sur le droit qu'ont les orphelins de se faire payer, autoriserait la Commission du droit d'auteur du Canada à établir des règles claires sur les restrictions de temps et, plus important encore, permettrait à Re:Sound de verser des millions de dollars en redevances qu'elle a été obligée de retenir indéfiniment parce que la Loi sur le droit d'auteur ne stipule pas de règles claires.
Le mandat de Re:Sound consiste à recueillir l'argent et à le distribuer, pas à le déposer dans un fonds en fiducie. Nous agissons à titre d'intermédiaire et avons besoin de règles claires et transparentes pour exécuter notre mandat. Si vous pouvez apporter cet amendement de forme à la loi, nous pourrons distribuer les fonds déjà recueillis aux titulaires de droit d'auteur.
L'autre amendement dont je traiterai aujourd'hui concerne l'élimination de l'exemption de 1,25 million de dollars pour la radio commerciale, qui figure à l'article 68 de la Loi sur le droit d'auteur. Le dernier examen de cette loi remonte au milieu des années 1990, alors que le Canada se trouvait au coeur d'une profonde récession et que l'avenir de la radio commerciale était incertain. En 1995, par exemple, l'ensemble de l'industrie radiophonique canadienne a affiché un profit total d'à peine 3,6 millions de dollars. Le gouvernement de l'époque a alors promulgué une disposition sur les « tarifs spéciaux et transitoires », en vertu de laquelle le versement aux musiciens et aux étiquettes des redevances afférentes à l'exécution ont été échelonnées sur quelques années, les radios commerciales ne devant payer, chaque année, que 100 dollars de redevances sur la partie de leurs recettes publicitaires annuelles qui ne dépasse pas 1,25 million de dollars. C'était, et est toujours, la seule subvention du genre dans la Loi sur le droit d'auteur ou dans le monde.
Mais les dernières années ont été florissantes pour l'industrie de la radio, qui affiche des profits records pour tous les marchés, toutes les langues et toutes les régions du pays. En fait, de 2006 à 2010, le marché canadien de la radio a connu l'augmentation de revenus absolue la plus considérable au monde après celle de la Chine. Cette croissance, qui se chiffre à 330 millions de dollars, constitue une excellente nouvelle, et je tiens à indiquer clairement que nous tenons à ce que le succès de la radio commerciale perdure au Canada.
Cependant, comme la Loi sur le droit d'auteur n'a pas fait l'objet d'un examen depuis 1997, la subvention de 1,25 million de dollars n'a pas non plus été revue pour tenir compte des profits colossaux et croissants de l'industrie radiophonique canadienne. Pendant ce temps, les musiciens et les étiquettes, y compris des centaines d'artistes et compagnies indépendants, ne reçoivent pas une rétribution équitable du marché pour le contenu qu'ils fournissent. Cette subvention ampute environ le tiers des redevances qui leur sont versées. Le plus gros de cette subvention va dans les poches d'une coterie de grands groupes radiophoniques et non aux petits groupes. Cette grave distorsion du marché profite à une industrie très rentable au détriment de ceux qui créent le contenu qui constitue la raison d'être de cette industrie même.
Au risque de me répéter, je dirais que nous adorons la radio et que nous admirons le travail colossal qu'accomplissent bien des stations dans leurs communautés. Il ne faut toutefois pas oublier que la radio commerciale est une entreprise à but lucratif. C'est pour cette raison qu'on la qualifie de radio commerciale. Le modèle d'affaire est simple: les stations diffusent de la musique pour attirer des auditeurs, lesquels attirent en retour des annonceurs. En fait, 13 p. 100 des sommes dépensées en publicité au Canada sont investies dans la radio commerciale. C'est le pourcentage le plus élevé du monde.
En clair, c'est la musique qui fait vivre la radio commerciale. Elle contribue à son image de marque et permet de cibler et de retenir certains segments démographiques. L'amendement que nous proposons permettrait de rétribuer équitablement les musiciens et les entreprises qui investissent temps et argent pour créer les oeuvres que les radios diffusent.
Souvenez-vous que cette subvention est inscrite dans la loi; les stations de radio n'ont donc d'autre choix que d'être subventionnées. Il faut toutefois admettre que les radiodiffuseurs reconnaissent l'importance de payer pour les oeuvres musicales. En fait, la présidente de l'Association canadienne des radiodiffuseurs a indiqué ce qui suit au comité précédent: « Nous tenons à préciser que les radiodiffuseurs ne s'opposent pas au paiement pour le droit de communication. » Autrement dit, ils ne s'opposent pas au versement des redevances aux musiciens et aux étiquettes que recueille Re:Sound.
Déjà, en 2005, la Commission du droit d'auteur s'est penchée sur la question et a déclaré ce qui suit:
Même la plus petite des stations serait en mesure de verser les redevances homologuées. Permettre aux gros radiodiffuseurs qui réalisent de gros profits d’échapper au versement de la totalité des redevances prévues au tarif de Re:Sound sur toute portion de leurs revenus constitue au mieux une subvention à peine voilée. Cela ne repose sur aucune justification économique ou financière valable.
L'industrie de la radio admet donc qu'elle juge important de payer pour les droits de communication. La Commission du droit d'auteur elle-même, en sa qualité d'organisme de réglementation spécialisé qui a pour tâche d'examiner l'ensemble des faits avant d'établir des taux équitables, a déclaré que toutes les stations ont les moyens de verser intégralement les redevances.
Le présent amendement n'aurait aucune incidence sur le reste de la Loi sur le droit d'auteur, mais il permettrait l'injection de 8 millions de dollars par année dans le secteur canadien de la création, le tout sans le moindre coût pour les contribuables ou les consommateurs.
Re:Sound appuie sans réserve les objectifs sous-jacents du projet de loi , surtout celui consistant à générer de l'activité économique et des emplois dans les secteurs créatifs. Selon nous, les deux amendements que nous vous avons expliqués aujourd'hui cadrent étroitement avec ces objectifs. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions.
Merci.
:
Bonjour. Je suis Aline Côté et je préside le Comité du droit d'auteur de l'Association nationale des éditeurs de livres.
L'Association nationale des éditeurs de livres comprend une centaine d'éditeurs canadiens français partout au Canada. Depuis quelques années, et malgré toutes les lois qui ont été mises en place, on a toujours demandé davantage de protection, ou du moins constamment réaffirmé le principe du droit d'auteur pour protéger notre capacité et notre stabilité à la fois dans les revenus et dans les investissements.
Les gens ne réalisent pas toujours à quel point l'édition au Canada fait face à des géants. On a dû, au cours des 40 dernières années, rattraper des parts de marché extrêmement importantes. Dans les années 1970, les éditeurs canadiens français occupaient à peu près 20 p. 100 de leur propre marché, les autres parts étant occupées par la France ou d'autres pays. La situation était à peu près semblable avec l'édition canadienne anglaise. Actuellement, nous occupons 51 p. 100 du marché. Il aura fallu 40 ans pour conquérir graduellement ces parts de marché, développer l'expertise, développer la professionnalisation du personnel et des employés que nous engageons et créer toute une industrie gravitant autour du livre.
Nous avons aussi collaboré très étroitement avec les gens de la Conférence canadienne des arts pour arrimer nos propositions à celles de l'ensemble des autres secteurs culturels canadiens. Cela a été un effort absolument inédit. Selon moi, le fait que des associations culturelles de tous les secteurs, dans deux langues, réussissent à s'entendre est sans précédent dans le monde entier. Cela implique des semaines et des semaines de travail. Nous avons fait cette série de propositions et nous savions que si elles étaient acceptées, nous pourrions vraiment avoir des industries viables à l'intérieur du Canada, les développer et prospérer dans l'ère numérique.
L'industrie canadienne française du livre a réussi à s'adapter à l'ère numérique. Nous avons très tôt développé une plateforme et un modèle d'affaires. Nous avons fait des partenariats et nous avons maintenant une chaîne de diffusion et de vente de livres numériques qui est reliée à toutes les librairies numériques francophones au Québec et ailleurs en France. Le modèle original que nous avons développé a même été suivi par de très grands éditeurs de la France, de l'Italie et des États-Unis. On pense toujours que l'industrie du livre est un peu préhistorique, mais ici, nous avons vraiment été proactifs et nous avons réussi un très grand coup. Nous avons obtenu de l'appui de la part des gouvernements, de Patrimoine canadien, de la SODEQ, de nos ministères au Québec. Actuellement, nous évaluons que cet effort collectif a coûté, au bas mot, 25 millions de dollars. Lorsqu'on donne des chiffres ici aujourd'hui, sachez que ce sont des chiffres compilés. Ce ne sont pas des extrapolations ou des projections de pertes potentielles, mais c'est plutôt ce qui a effectivement été investi.
On sait maintenant deux choses. De plus en plus, on entend dire partout que la valeur ajoutée de la culture est un facteur de développement durable. On sait aussi, grâce à des études qui viennent d'être publiées à l'OMPI, que la chose la plus importante qui assure la réussite des industries culturelles, c'est l'environnement légal du droit d'auteur, de la propriété intellectuelle. Les deux pays qui ont actuellement les meilleurs ratios, soit les États-Unis et l'Australie, sont ceux qui sont les plus performants sur le plan des économies. C'est là que les industries culturelles occupent les plus grandes parts de marché.
Les livres, les livres physiques, les disques, les supports ou les CD ne sont pas notre principal actif. Notre seul principal actif est la propriété intellectuelle. C'est quelque chose qui est immatériel.
Pour nous, un bouleversement aussi profond que le projet de loi créerait artificiellement une rupture. Nous avons été capables d'échelonner notre développement sur des années avec les règles qui étaient en usage dans le marché. Nous avons réussi à occuper de plus en plus de parts de nos marchés. Nous avons une industrie canadienne autochtone — si on peut dire — qui réussit bien, qui est dynamique et performante, mais qui pourrait occuper de meilleures places sur le marché. En comparaison de la place qu'occupent les économies du livre ou de la culture dans les autres pays, nous sommes encore loin derrière et nous pourrions faire encore mieux. Il y a encore place à l'évolution.
Ce que nous avons démontré, c'est que nous avons très bien pu fonctionner avec les règles du jeu. Le choc de la révolution numérique ne nous a pas atteints parce que nous avons été proactifs très tôt, c'est-à-dire il y a six ans. Nous avons convaincu les gouvernements de fournir leur aide; nous avons fait du développement et des investissements privés de l'ordre de 25 millions de dollars. Or maintenant que tout cela commence à bien rouler, que nous avons pris le bateau, on se rend compte qu'une loi pourrait vraiment mettre en péril un ensemble de modèles d'affaires qui fonctionnent. En effet, ça va créer un genre de raz-de-marée qu'on juge artificiel dans le marché actuel. Ce n'est pas une évolution normale: c'est quelque chose d'abrupt qui va arriver alors qu'on a déjà développé tout ce qu'on avait à développer.
Nous allons aussi insister aujourd'hui — et j'espère qu'il y aura des questions à ce sujet — sur les liens extrêmement étroits que nous entretenons avec notre éducation nationale. Si nos systèmes d'éducation avaient à faire de l'externalisation pour développer le matériel, ils créeraient une industrie du livre. Nos liens étroits avec la culture sont très importants. Nous pensons que le fait de permettre aussi largement un usage gratuit et sans permission dans le domaine de l'éducation est extrêmement grave pour notre industrie.
Je vais laisser mon collègue continuer.
:
Aline a raison: les éditeurs représentent la section de la R-D des ministères de l'Éducation au pays. S'il n'y avait qu'un geste à poser pour bonifier le projet de loi, ce serait de rayer le mot « éducation » qu'on veut ajouter aux exceptions d'utilisation équitable définies à l'article 29 de la loi. En donnant aux institutions d'enseignement et à toute entreprise ou tout organisme ayant ou non des visées commerciales le droit d'utiliser gratuitement et sans permission des oeuvres faisant l'objet d'un droit, cette exception est de loin celle qui aura les effets les plus nocifs sur l'industrie de l'édition. D'un côté, les éditeurs scolaires vont craindre la photocopie intensive de leur matériel; d'un autre côté, les éditeurs littéraires ne pourront plus voir l'un de leurs ouvrages à l'étude dans l'une de nos écoles secondaires ou l'un de nos collègues. De plus, ce droit est créé malgré le fait que, grâce aux sociétés de gestion collective, l'accès aux oeuvres n'est nullement un problème pour les institutions d'enseignement. On parle de 0,5 p. 100 du budget annuel de l'éducation au Canada, qui s'élève à 70 milliards de dollars.
En l'absence de définition précise dans la loi, tout a été dit à propos de cette exception. Le gouvernement dit la restreindre à l'« éducation dans un cadre structuré, y compris aux formations privées, mais non au grand public ». L'Association canadienne des professeurs d'université dit que c'est « le droit d'utiliser une partie substantielle d'une oeuvre sans permission ni compensation », alors que la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec dit que l'exception proposée « ne signifie d'aucune façon la fin des mécanismes de compensation des créateurs ».
Nous allons trancher, ce matin: c'est vaste, c'est gratuit, c'est sans permission, mais à la condition que ce soit équitable. Cette seule et unique restriction à l'utilisation gratuite d'oeuvres à des fins éducatives, c'est-à-dire l'équitabilité, ne protège d'aucune manière l'industrie du livre.
L'équitabilité d'une utilisation devra être jugée par les tribunaux. La déstabilisation des modèles d'affaires légitimes et bien établis ainsi que les coûts d'une importante judiciarisation compromettront les investissements à moyen et long terme tant que les cours de justice n'auront pas statué sur les pratiques équitables et non équitables.
En l'absence de définition précise dans la loi, la Cour suprême a élaboré une liste ouverte de six facteurs pour aider à déterminer si une utilisation est équitable: le but de l'utilisation, la nature et l'ampleur de l'utilisation, l'existence de solutions de rechange à l'utilisation, la nature de l'oeuvre et l'effet de l'utilisation sur l'oeuvre sur le marché. Le problème, c'est qu'elle a déclaré que « l'effet de l'utilisation sur le marché pour le détenteur de droit n'est ni le seul ni le plus important facteur à considérer pour déterminer si une utilisation est équitable ». Autrement dit, une utilisation pourrait être jugée équitable même si elle entre en conflit avec l'exploitation normale d'une oeuvre sur un marché donné. Au contraire, aux États-Unis, ce facteur est le « plus important, en fait le principal », ce qui donne aux éditeurs le confort suffisant pour investir dans la recherche-développement de ressources éducatives de pointe. Si le projet de loi était adopté tel quel, les éditeurs canadiens ne bénéficieraient pas du même niveau de confort.
C'est pourquoi le second et le plus important geste à poser pour bonifier la Loi sur le droit d'auteur du Canada est d'y intégrer le test en trois étapes de la Convention de Berne, pour qu'il fasse partie intégrante des critères sur lesquels s'appuieront nos tribunaux pour juger de l'équitabilité d'une utilisation. Cela aura entre autres pour résultat de donner la priorité à l'effet de l'utilisation sur le marché et, du même souffle, de rendre notre loi conforme à nos engagements internationaux.
Je m’appelle Cynthia Andrew. Je comparais devant vous ce matin en tant que représentante de l'Association canadienne des conseils scolaires.
Les membres de l’Association canadienne des conseils scolaires sont les associations provinciales de conseils scolaires qui représentent plus de 250 conseils scolaires situés partout au Canada et qui offrent des services à plus de trois millions d’élèves de niveau primaire et secondaire.
Je travaille pour l’une des associations provinciales, soit la Ontario Public School Boards Association, et je suis la principale personne chargée de régler les questions liées au droit d’auteur soulevées par les conseils ontariens ou les membres de l’ACCS. C’est avec plaisir que je me joins à vous ce matin pour parler du droit d’auteur et des conseils scolaires canadiens.
L’ACCS a présenté un mémoire en réponse au projet de loi sur la réforme du droit d’auteur qui a précédé celui-ci. Je crois comprendre que votre comité a accès à ces mémoires et ne souhaite pas en recevoir un autre de notre part. Je vous remercie de m’épargner ce temps, et je vous renvoie au mémoire que nous avons présenté au comité en décembre 2010. Nos recommandations n’ont pas changé entre-temps.
Le droit d’auteur a une incidence directe sur tous les conseils scolaires du Canada. De plus, les politiques et les pratiques en vigueur dans les directions générales des conseils et dans les classes du Canada en entier tiennent compte de celui-ci. Les progrès technologiques ont rendu la loi actuelle sur le droit d’auteur presque totalement désuète. Le manque de clarté découlant de cette mesure législative dépassée est la raison pour laquelle les conseils scolaires canadiens et d’autres organisations nationales liées à l’éducation prient constamment le gouvernement fédéral de clarifier la Loi sur le droit d’auteur. Par conséquent, une grande partie des mesures que nous voyons dans le projet de loi plaisent à l’ACCS, et nous voulons que la mesure législative soit adoptée. Nous croyons que le projet de loi C-11 est favorable à l’éducation au Canada et qu’en apportant quelques modifications mineures à certains articles, il pourrait l’être encore plus.
Ce matin, je souhaite souligner certaines questions qui revêtent une importance particulière pour les conseils scolaires.
Premièrement, l’ACCS appuie l’amendement concernant l’utilisation d’Internet à des fins éducatives. La technologie a modifié l’enseignement et l’apprentissage dans les écoles canadiennes. De la maternelle à la 12e année, les salles de classe offrent de nombreuses possibilités d’apprentissage qui sont nouvelles et novatrices. L’amendement proposé relatif à Internet est important parce que la loi sur le droit d’auteur actuellement en vigueur n’indique pas clairement la mesure dans laquelle les enseignants, les étudiants et les autres personnes qui utilisent Internet à des fins éducatives peuvent légalement se livrer, en classe, à des activités qui sont devenues maintenant routinières, comme le téléchargement, l’enregistrement, l’échange de textes et d’images ou le visionnement de vidéos qui sont mis à la disposition du public sur Internet. Sans exception, les provinces investissent dans des infrastructures technologiques destinées aux écoles. Toutefois, sans cet amendement, il se peut que les écoles canadiennes soient obligées de renoncer à de nombreuses possibilités d’apprentissage et de réduire leur utilisation d’Internet par crainte d’enfreindre la loi.
L’amendement proposé s’applique seulement aux documents mis à la disposition du public, c’est-à-dire des documents affichés sur Internet par le détenteur du droit d’auteur, qui ne sont pas protégés par un mot de passe ou dont l’accès ou l’utilisation n’est pas restreint par des mesures techniques. La plupart de ces documents ont été affichés dans l’intention qu’ils soient copiés et échangés par les membres du public. Ils sont à la disposition de ceux qui souhaitent les utiliser.
Les conseils scolaires élaborent, orientent et administrent les politiques et les procédures en vigueur dans les écoles des quatre coins du pays. En clarifiant la loi, on s’assure que les politiques des conseils scolaires concernant le droit d’auteur guident adéquatement les enseignants et les autres employés des conseils sans restreindre l’accès à du matériel qui ajoute à l’expérience d’apprentissage typique et l’améliore. Il est important de ne pas oublier que les conseils scolaires sont également les créateurs de propriétés intellectuelles. En tant que créateurs et utilisateurs, les conseils scolaires croient que cette mesure législative assure un équilibre approprié entre les droits des utilisateurs, des créateurs et des industries qui commercialisent les œuvres des créateurs.
Deuxièmement, l’ACCS appuie la mention de l’éducation dans la disposition relative à l’utilisation équitable, et elle est encouragée par sa présence. Toutefois, bien que celle-ci soit appréciée, nous soutenons que l’amendement relatif à l’éducation et à l’utilisation équitable doit être clarifié. Pour que l’amendement ait l’effet voulu, le terme « éducation » doit être précisé en stipulant que cela comprend les enseignants qui font des copies pour les élèves de leurs classes. Il est nécessaire d’apporter cet éclaircissement afin que les enseignants puissent copier de courts extraits de documents protégés par le droit d’auteur à l’intention de leurs élèves.
La formulation de la clarification proposée ressemble à celle de la disposition américaine sur l’utilisation équitable qui est en vigueur depuis 1977. L’ajout de l’éducation, y compris les copies multiples à distribuer en classe, à la liste des fins énumérées aux termes de l’utilisation équitable ne signifie pas que les enseignants pourront copier tout ce qu’ils souhaitent. En indiquant simplement que l’éducation est l’une des fins possibles de l’utilisation équitable, il ne s’ensuit pas que toute copie faite à cette fin soit automatiquement jugée équitable. Ces copies doivent toujours respecter les principes d’équité exposés par la Cour suprême du Canada.
Troisièmement, on a laissé entendre que le milieu de l’éducation ne voulait pas payer pour le matériel didactique. C’est inexact. À l’heure actuelle, les établissements d’enseignement paient pour utiliser son contenu et pour le copier. Ces paiements sont effectués tant par le ministère que par les conseils scolaires, selon le matériel en question et la structure financière des provinces.
L’ACCS ne soutient pas que les conseils scolaires ne devraient pas payer pour la propriété intellectuelle et n’a jamais proposé une telle chose. En ce moment, le secteur de l’éducation verse des centaines de millions de dollars pour acquérir du contenu, comme des programmes d’études imprimés ou publiés dans de nombreux formats numériques, des films, de la musique et des oeuvres d’art, ou pour obtenir le droit de l’utiliser. Si le projet de loi C-11 est adopté, le secteur de l’éducation continuera de débourser des centaines de millions de dollars. Rien dans la mesure législative proposée ne modifie notre relation actuelle avec les éditeurs pédagogiques, les fournisseurs de contenu, les sociétés de gestion des droits d’auteur ou la Commission du droit d’auteur.
Finalement, l’ACCS n’appuie pas l’amendement qui oblige les enseignants ou les étudiants qui donnent ou suivent des cours en ligne à détruire leurs notes à la fin du cours. Cet amendement est déraisonnable et difficilement applicable, et il ne tient pas compte des pratiques actuelles en matière d’apprentissage en ligne selon lesquelles les enseignants réutilisent leur matériel de cours chaque année, lorsqu’ils donnent le cours. En les obligeant à détruire leur matériel, on leur fera perdre du temps et on limitera leur capacité de donner efficacement le même cours à plusieurs reprises.
En conclusion, l’Association canadienne des conseils scolaires a toujours cru qu’un cadre de gestion des droits d’auteur moderne et équilibré protégerait les intérêts du public et aurait de nombreux bienfaits pour la société. Comme les écoles partout au pays comptent de plus en plus sur Internet et sur d’autres ressources numériques pour offrir des programmes d’étude, la nécessité d’avoir ce cadre a atteint un point critique.
L’ACCS appuie l’adoption du projet de loi C-11 avec les amendements mineurs que nous avons présentés. Ainsi, il y aura un cadre législatif pour soutenir l’apprentissage des élèves canadiens dans un monde numérique.
Merci.
:
Monsieur le président, membres du comité, bonjour.
[Traduction]
Je m’appelle Michèle Clarke. Je suis la directrice des Relations gouvernementales et des Recherches stratégiques de l’Association des collèges communautaires du Canada. Je suis accompagnée aujourd’hui de Claude Brulé, le doyen de la faculté des technologies et des métiers du Collège algonquin qui se trouve ici à Ottawa.
J’aimerais remercier le comité d’avoir invité notre association à comparaître ici pour parler de cet important projet de loi.
L’Association des collèges communautaires du Canada, ou l’ACCC, comme elle est communément appelée, est le porte-parole national et international de 150 collèges, instituts, polytechniques, cégeps, collèges universitaires et universités ayant un mandat collégial. Avec leurs campus établis dans 1 000 milieux ruraux et éloignés et leurs 60 000 enseignants, ces établissements attirent des étudiants de toutes les couches de la société et fournissent des diplômés possédant les compétences avancées qui sont nécessaires à la croissance économique et à la productivité du Canada. Les collèges canadiens mettent en oeuvre des projets de recherche appliquée et d’innovation en partenariat avec des entreprises canadiennes.
Les collèges jouent un rôle essentiel dans le développement des compétences canadiennes et d’une capacité accrue pour soutenir notre économie canadienne. Donc, en tant que créateurs et utilisateurs de matériel protégé par le droit d’auteur, la Loi sur le droit d’auteur revêt une grande importance à leurs yeux.
Les collèges comprennent qu’il est nécessaire d’équilibrer et de clarifier la Loi sur le droit d’auteur. Le projet de loi C-11 contribue à cet objectif en fournissant un cadre juridique pour gérer les aspects du droit d’auteur qui ne sont pas abordés par le texte de loi actuellement en vigueur dans notre pays.
La technologie numérique modifie rapidement le visage de l’éducation postsecondaire au Canada. Les nouvelles technologies offrent aux professeurs et aux étudiants de nombreuses possibilités d’enseigner ou d’apprendre d’une nouvelle façon. Toutefois, en l’absence d’une loi sur le droit d’auteur moderne et claire, il se peut que les enseignants et les étudiants soient forcés de renoncer aux possibilités offertes par les progrès technologiques.
Nous accueillons favorablement les amendements à la mesure législative, en particulier ceux qui ont trait à l’utilisation d’Internet à des fins éducatives. L’ACCC appuie le projet de loi C-11 parce qu’il remplit deux critères fondamentaux pour notre milieu postsecondaire. Premièrement, il concilie de manière juste et raisonnable les droits des titulaires de droits d’auteur et ceux des utilisateurs d’oeuvres protégées par le droit d’auteur. Deuxièmement, il a réussi, dans une grande mesure, à demeurer neutre sur le plan technologique et à répondre aux besoins des enseignants et des étudiants d’aujourd’hui.
L’ACCC recommande qu’on apporte au projet de loi C-11 quelques amendements mineurs qui ne modifient pas l’équilibre essentiel établi dans celui-ci. Vous pourrez trouver un résumé de ces amendements dans l’addenda au mémoire de l’ACCC que nous soumettrons au comité dans les jours qui viennent. L’addenda est à peu près identique au mémoire que l’ACCC a présenté l’année dernière, mis à part quelques légères modifications qui ont été apportées pour tenir compte du nouveau libellé du projet de loi C-11.
J’aimerais vous en communiquer trois points clés.
Premièrement, l’ACCC appuie fermement l’amendement qui traite de l’utilisation d’Internet à des fins éducatives. Il s’agit là d’une clarification équilibrée, raisonnable et nécessaire des droits des enseignants et des étudiants en cette ère numérique. Le projet de loi C-11 est nécessaire afin de fournir un cadre clair, moderne et équilibré pour soutenir, en cette ère numérique, l’utilisation à des fins éducatives du matériel protégé par le droit d’auteur.
Deuxièmement, l’ACCC appuie la mention de l’éducation comme l’une des fins possibles de l’utilisation équitable. La crainte qu’en mentionnant l’éducation, on autorise un nombre illimité de copies n’est pas fondée. Pour que l’utilisation soit jugée équitable, les copies doivent toujours respecter les principes d’équité exposés par la Cour suprême en 2004. Les Collèges ne cherchent pas à éviter de payer pour l’utilisation de matériel protégé par le droit d’auteur. Les collèges assument et continueront d’assumer les coûts de millions de manuels, de périodiques, de trousses de cours, de bases de données numériques et de licences collectives. Rien dans le projet de loi C-11 ne changera cela.
Toutefois, le projet de loi doit préciser que l’utilisation équitable peut comprendre des copies tirées pour une classe d’étudiants, à condition que l’utilisation remplisse par ailleurs les conditions requises pour être jugée équitable. La portée de la disposition américaine concernant l’utilisation équitable est beaucoup plus vaste que celle prévue par le projet de loi C-11. Cette dernière autorise explicitement le tirage de copies multiples d’une oeuvre à étudier en classe. Malgré cette disposition générale concernant l’utilisation équitable, le secteur de l’édition pédagogique semble continuer de prospérer aux États-Unis.
Troisièmement, les dispositions du projet de loi C-11 concernant les serrures numériques sont inutilement générales. Il vaudrait mieux interdire le crochetage d’une serrure numérique uniquement lorsqu’il a pour but de violer le droit d’auteur. Il ne devrait pas être défendu de crocheter une serrure lorsqu’on exerce une activité légale comme une utilisation équitable.
Nous exhortons le gouvernement à adopter cette mesure législative. Il a l’occasion de préserver les objectifs des Canadiens en matière d’apprentissage pour les générations à venir.
Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion de témoigner. C’est avec plaisir que mon collègue et moi répondrons à toutes les questions que les membres du comité pourraient avoir.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie également les témoins d’être venus aujourd’hui et de représenter leur organisation.
Il est intéressant d’observer l’interdépendance des groupes, la façon dont ils se sont structurés pour travailler ensemble dans le passé, dont ils ont réussi et dont ils ont sans nul doute affronté des défis, ces groupes qui aujourd’hui se trouvent ici, des deux côtés de la table des témoins. Toutefois, comme on l’a dit, je pense que nous nous efforçons de trouver un juste équilibre entre ces groupes interdépendants — et les témoins qui étaient ici juste avant vous sont dans la même situation — en présentant une mesure législative qui est équitable et équilibrée.
Lorsqu’il est question d’éducation, hier encore, nous avons entendu un professeur de l’Université de l’Ouest de l’Ontario dire que les dispositions actuelles sont justes en ce sens que les enseignants, les professeurs, les éducateurs de niveau postsecondaire et les éducateurs de tous les niveaux, du reste, auront la possibilité d’utiliser cette mesure législative comme ils l’ont fait dans le passé, dans une certaine mesure. Peu de choses changent vraiment, en ce sens que le nouveau cadre de référence ou les nouveaux points de repère seront intégrés dans la mesure législative au profit de toutes les parties, selon une certaine échelle équilibrée. C’est ce que nous débattons au sein de notre comité.
De manière générale, peut-être allons-nous commencer par vous, madame Andrews, par votre point de vue sur l’atteinte d’un équilibre. Vous appuyez la mesure législative, même si vous proposez quelques amendements. Croyez-vous que les éducateurs en général vont changer la façon dont ils font les choses après l’adoption de la nouvelle loi sur le droit d’auteur, et la façon dont ils procédaient avant et soutenaient cette interdépendance dans le passé?
:
Le critère à trois volets est très important, car il donne la définition.
[Français]
Cela va définir le principal critère.
J'aimerais dire deux ou trois petites choses à propos de tout ce qu'on a entendu jusqu'à maintenant. On observe toutes sortes de pratiques qui indiquent que le projet de loi et son prédécesseur, le projet de loi , ont déjà un effet. Par exemple, on voit 35 universités se retirer de la gestion collective. Deux d'entre elles sont revenues parce qu'elles se sont rendu compte que gérer des droits était toute une affaire.
On observe aussi une diminution des achats de matériel didactique. Avec les tablettes, les tableaux blancs interactifs, etc., on observe une tendance lourde vers l'achat de manuels par classe. On se rend compte que tout ce que la Cour suprême a dit signifie aussi que la nature de l'utilisation équitable va être définie par les pratiques en cours.
Depuis 15 ans, les pratiques numériques sont allées dans toutes les directions. On parle de 15 ans sans loi qui régisse cela de façon spécifique. Même des penseurs universitaires — vous en avez reçu un hier, mais il n'a peut-être pas tenu ces propos ici — disent carrément de vous empresser d'avoir des interprétations larges de l'utilisation équitable, telle qu'elle est définie par les critères de la cause de la CCH Canadienne Limitée, afin que, au moment où il y aura litige en cour, on puisse trancher en faveur des usages en cours.
On nous dit alarmistes, mais nous voyons déjà des choses. Non seulement cela nous fera perdre des sous et réduira notre capacité à développer du nouveau matériel, mais la neutralité de la loi permet des transferts de format. En raison de cela, tout le monde peut fabriquer quelque chose dans un format quelconque, le transformer d'une plateforme à l'autre, passer du papier au numérique ou vice-versa, etc. Cette caractéristique de la loi entraîne une perte de contrôle énorme. Cette perte de contrôle, avec tout ce qui va être disponible, viendra compliquer les choses.
Par exemple, dans beaucoup de classes, on utilise des tablettes numériques, c'est-à-dire des iPad. C'est un truc très attirant, mais cela donne aussi accès à YouTube. Compte tenu de tout ce qui pourra être réorganisé, mis sur Internet et réutilisé en classe, on pense que ça aura des effets sur notre capacité à suivre la filiation des oeuvres. Quelle est l'oeuvre originale? L'oeuvre sur laquelle je vais travailler est-elle une oeuvre qui a été tronquée ou travaillée?
:
Une des choses qu'il faut toujours se rappeler, c'est que la plupart des présentes notes de cours ne feraient pas partie de ce type de dispositions parce qu'elles sont sous le coup des licences relevant de la gestion collective. Tout se joue sur le fait de savoir si cela est dans les limites permises par les licences ou si on doit se retirer des licences parce qu'il y a une utilisation équitable pour l'éducation. Tout cela devient un peu à qui mieux mieux.
Pour notre part, nous pensons que l'existence de cette disposition qui sera contrôlée par des critères extérieurs, soit les deux tests dont parlait madame, portera les gens à se retirer de la gestion collective, et alors le problème restera entier. Si le problème est beaucoup mieux circonscrit, il restera toute une partie des droits qui seront effectivement payés, ce qui permettra à l'ensemble du secteur de l'éducation de faire son travail sans problème.
Nous suggérons donc que, pour tous ces types d'extraits, on maintienne fortement des dispositions qui assurent la survie de la gestion collective et qui permettent aux classes de faire ça très bien. Nous suggérons de limiter cela beaucoup plus, en recourant au test en trois étapes afin de définir avec beaucoup plus de clarté ce qui est équitable. Surtout, il faut s'assurer de ne pas avoir autant de cours sur le marché, à savoir des cours communautaires, des cours des écoles de langues ou beaucoup d'autres cours du secteur privé, qui bénéficient de cette exception au profit des besoins que l'école présente.
Nous voulons développer une offre légale. Nous l'avons beaucoup développée et c'est ce dont nous vous parlons. Actuellement, au Québec, on compte quand même 7 800 titres numériques, et c'est en augmentation constante. On a connu une augmentation de 1 000 p. 100 juste en 2011.
Ce que nous mettons en avant actuellement, ce sont les dispositions pour s'assurer que les écoles ont le matériel. Nous aimerions que les extraits d'oeuvre ne se promènent pas sur toutes les plateformes sans permissions et sans redevances. Cependant, nous sommes obligés de constater qu'avec la capacité de transformer les formats et avec la reproduction en classe, la nouvelle disposition du projet de loi permettra de projeter des oeuvres entières en toute conformité, car elles ne seront pas soumises au critère de l'utilisation équitable.
Compte tenu de la jurisprudence, c'est l'ensemble des dispositions qui produira des effets importants sur le marché. Ce n'est pas l'une ou l'autre des dispositions qui est en cause, mais plutôt la façon dont elles sont interprétées.
Merci.
:
Pour revenir à l'article proposé auquel on fait allusion, j'en citerai le début:
Au présent article, « leçon » s'entend de tout ou partie d'une leçon, d'un examen ou d'un contrôle dans le cadre desquels un établissement d'enseignement ou une personne agissant sous l'autorité de celui-ci accomplit à l'égard d'une oeuvre ou de tout autre projet du droit d'auteur qui
— et voici les termes essentiels —
n'eussent été les exceptions et restrictions prévues par la présente loi, aurait constitué une violation du droit d'auteur.
Pour être clair, nous parlons ici de l'autorisation qui est donnée de faire quelque chose que l'on ne pourrait pas faire normalement. Tout le reste, c'est-à-dire les différentes façons d'enseigner, est autorisé comme avant. Les enseignants continueront de préparer leurs notes. Pour vous donner un exemple personnel, mon épouse est enseignante. Elle pourra donc continuer de préparer ses plans de cours, les conserver et les utiliser à l'avenir. Ce qui est autorisé, c'est le cas où… Je vais vous donner un exemple.
Je ne sais pas où Andrew Cash a été à l'école, mais je sais que c'est un artiste. S'il le voulait, il pourrait répondre à l'invitation d'un de ses enseignants et donner un spectacle dans la classe de ce dernier — il s'agirait d'un cours sur les arts ou dans un domaine connexe. À une autre époque, où il n'y avait pas de téléenseignement, il aurait donné son spectacle — comme partie de la leçon —, tout le monde l'aurait regardé, en aurait retiré quelque chose et aurait pris, le cas échéant, des notes. Ce qui n'est pas permis à l'étudiant — et ne l'a jamais été d'ailleurs —, c'est d'enregistrer le spectacle de M. Cash et d'en garder l'enregistrement, sans avoir sa permission.
C'est justement le point sur lequel nous nous penchons. Ce que l'on dit ici, c'est qu'il est nécessaire de faire une copie de ce spectacle ou, comme le disent les règles, une « fixation », de façon à ce qu'un étudiant du Nunavut puisse assister réellement au spectacle et au cours, en bénéficier, et peut-être même entendre M. Cash parler de son expérience. Mais cela ne l'autorise pas à garder pour toujours une copie du spectacle à moins, bien sûr, que M. Cash n'ait décidé de l'y autoriser, auquel cas et conformément au premier paragraphe, ce ne serait plus une violation du droit d'auteur.
C'est une précision importante. Je ne sais pas si vous avez un commentaire à faire à ce sujet, mais je crois qu'il faut souligner ici qu'il s'agit d'une possibilité qui n'existerait pas sans la loi. Et cela n'enlève rien à la capacité de l'enseignant de donner ou de préparer son cours comme il l'a toujours fait, ni à celle de l'étudiant de prendre des notes et de les conserver à jamais.