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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 21 mars 2002




¹ 1540
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.))
V         M. Robert Pilon (vice-président exécutif, Coalition pour la diversité culturelle)
V         M. Robert Pilon

¹ 1545

¹ 1550
V         M. Valeri
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Robert Pilon

¹ 1555
V         M. Valeri
V         M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD)
V         Mr. Paquette
V         M. Svend Robinson
V         

º 1600

º 1605
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         

º 1610
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Jim Keon

º 1615
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Clifford Sosnow (représentant, Comité des affaires internationales, Chambre de commerce du Canada)

º 1620

º 1625
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Pierre Paquette
V         M. Jim Keon

º 1630
V         M. Clifford Sosnow

º 1635
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Alexander Lofthouse (analyste de politiques, Chambre de commerce du Canada)
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         
V         M. Clifford Sosnow
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Pat O'Brien

º 1640
V         M. Jim Keon
V         M. Clifford Sosnow
V         M. Pat O'Brien
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Alexander Lofthouse
V         M. Pat O'Brien

º 1645
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         M. Alexander Lofthouse
V         M. Pat O'Brien
V         M. Alexander Lofthouse
V         M. Clifford Sosnow
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)
V         
V         M. Clifford Sosnow

º 1650
V         M. Valeri
V         M. Alexander Lofthouse
V         M. Jim Keon
V         M. Valeri
V         M. Clifford Sosnow
V         Le président suppléant (M. Tony Valeri)










CANADA

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 027 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 21 mars 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    Le président suppléant (M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous faisons l'évaluation des enjeux des négociations de l'OMC d'un point de vue canadien. La séance est ouverte.

    Je souhaite la bienvenue à nos témoins cet après-midi. Nous allons commencer par M. Robert Pilon, de la Coalition pour la diversité culturelle. Ensuite, nous suivrons l'ordre de la liste.

    Je sais que M. Pilon doit prendre un train. Par conséquent, si c'est possible, nous pourrions peut-être entendre son exposé et lui poser immédiatement après des questions sur ses propos avant de passer aux autres témoins. Si ces derniers sont d'accord, nous leur serions reconnaissants d'accepter cet arrangement. Merci.

    M. Pilon.

[Français]

+-

    M. Robert Pilon (vice-président exécutif, Coalition pour la diversité culturelle): Merci beaucoup.

    Je voudrais d'abord remercier le comité, les membres du comité, d'avoir accepté de nous recevoir aujourd'hui. La Coalition pour la diversité culturelle considère que le travail de ce comité est particulièrement important. Ce n'est pas la première fois que le comité ou le sous-comité se penche sur ces questions, mais le contexte--j'en reparlerai dans deux secondes--est maintenant différent. Nous sommes à la veille de moments très importants, tant dans la négociation à l'OMC que dans la Zone de libre-échange des Amériques.

    Donc, le rapport que le comité fera sur les priorités du gouvernement canadien pour ces deux négociations à la fin du printemps, je pense, va, à mon avis, jouer un très grand rôle.

    Je pense qu'on vous a distribué, en même temps que notre mémoire, cette brochure, et vous pouvez voir, à l'avant-dernière page, la liste des associations qui sont membres de la Coalition pour la diversité culturelle. C'est un regroupement de 32 associations du monde de la culture et des industries culturelles, autant des associations d'artistes: acteurs, réalisateurs, écrivains, scénaristes, musiciens, que des associations de producteurs: producteurs de films, producteurs de disques, éditeurs, radiodiffuseurs. En fait, toutes les associations ou presque toutes les associations importantes du monde de la culture et des industries culturelles au Canada sont présentes ici.

    Le but de la coalition est très simple, c'est de s'assurer que, dans le contexte des négociations commerciales, celles l'OMC mais aussi les autres, y compris la ZLEA, les gouvernements et les États puissent conserver leur capacité d'élaborer ou de mettre en oeuvre des politiques culturelles essentielles pour qu'existe cette valeur fondamentale que, je pense, tous les citoyens à travers le monde partagent, soit celle de la diversité culturelle.

[Traduction]

+-

    M. Robert Pilon: Les principales négociations sont maintenant celles qui ont cours à l'OMC. Dans la foulée de la Conférence de Doha, les ministres participants ont fait une déclaration en novembre dernier et un échéancier a été arrêté. Le Cycle de Doha, ou Cycle du Millénaire, donnera lieu à de nombreuses négociations qui sont censées se terminer en 2005. Il y aura des négociations sur le textile, l'agriculture, les tarifs douaniers, les services et, éventuellement, sur l'environnement, l'investissement et la politique de la concurrence. Autrement dit, sur un tas de choses.

    Les négociations qui intéressent au plus haut point le milieu culturel portent sur les services. Comme vous le savez, à la fin du dernier cycle, le Cycle d'Uruguay, un accord a été signé au printemps de 1994 à Marrakesh, l'Accord général sur le commerce des services, l'AGCS. C'était la première fois qu'un accord multilatéral sur les services était conclu. Cet accord doit maintenant faire l'objet d'une renégociation. En fait, même si la presse n'en a guère parlé, les négociations sur les services avaient en quelque sorte été programmées à l'avance au moment de la conclusion du dernier cycle. Elles s'inscrivaient dans un échéancier déjà prescrit et devaient commencer au plus tard en janvier 2000. Dans les faits, elles ont effectivement commencé en janvier ou en février 2000. Les négociations sur les services, qui ont lieu à Genève, durent maintenant depuis plus de deux ans. Elles englobent, à tout le moins officiellement, des négociations sur des secteurs du domaine culturel, comme l'audiovisuel, par exemple.

[Français]

    À l'OMC, les négociations sur les services se déroulent avec une structure de négociation qui est très particulière, qui est très spéciale. À la fin de la dernière ronde, au moment de la signature, les membres de l'OMC s'étaient entendus sur une particularité, c'est-à-dire que les pays étaient libres de prendre ou de ne pas prendre des engagements de libéralisation dans les différents secteurs des services. Certains pays ont pu prendre des engagements de libéralisation de leur politique dans les secteurs des assurances, de la comptabilité, des services de génie ou d'autres, et ne pas en prendre dans les secteurs culturels. En fait, la majorité des pays n'ont pas pris d'engagement de libéralisation dans les secteurs de services culturels comme l'audiovisuel, la musique, l'édition de livres, les spectacles, le théâtre et ainsi de suite.

    Si on fait une évaluation des engagements qui ont été pris et qu'on tient compte aussi des engagements avec limitation, en fait, on peut évaluer le niveau d'engagement à environ 10 ou 15 p. 100. C'est très significatif. Ça veut dire que, non seulement le Canada ou la France, ce qui est bien connu, mais un très grand nombre de pays de par le monde considèrent que les services culturels ne sont pas des services comme les autres services.

¹  +-(1545)  

[Traduction]

    Les services culturels ne sont pas comme les autres services. Un film, un livre ou un disque véhicule bien plus que sa seule valeur économique. Voilà pourquoi un très grand nombre de pays estiment que ces biens doivent être assujettis à une règle spéciale. Nous ne pouvons appliquer à la production et au commerce de films, de livres ou de disques la même règle que nous appliquons au commerce de crayons, de microphones ou de tout autre produit. Ce sont des biens et services spéciaux.

[Français]

    Donc, c'est ce qui s'est passé à la fin des négociations de l'Uruguay Round en mars 1994. Le Canada, par exemple, n'a pris aucun engagement de libéralisation et c'est extrêmement important, parce que ce que ça signifie concrètement, c'est que le Canada, comme beaucoup d'autres pays, a conservé la liberté de continuer d'avoir des politiques culturelles.

    Par exemple, au Canada, nous avons plusieurs politiques culturelles dans les secteurs, particulièrement dans le secteur des industries culturelles, qui sont particulièrement sensibles, comme le film, la télévision, le livre, la musique populaire. Dans ces secteurs-là, le Canada a différents types de politiques: des politiques de soutien financier, par exemple, où des sommes sont disponibles pour aider à la production, à la création, à la mise en marché. Ces sommes-là, en général, sont réservées à des individus ou à des entreprises canadiennes.

    Nous avons également, mis en place par le CRTC, des systèmes de quotas de contenu canadien à la télévision et de contenu musical à la radio. Nous avons d'autres réglementations qui, dans certains secteurs, limitent la propriété étrangère. C'est le cas dans le secteur de la radiodiffusion.

    L'ensemble de ces politiques ont pour but de préserver un espace pour les artistes canadiens et de préserver un espace pour que se développent des industries culturelles à contrôle canadien. C'est le but de ces politiques.

    Nos amis américains, évidemment, ne partagent pas notre point de vue. Et ça, je pense que c'est une question dont il faut discuter franchement. Le Canada, comme beaucoup d'autres pays à travers le monde, n'a pas la même conception de la culture que nos amis américains.

[Traduction]

    Pour le gouvernement américain, la culture englobe les beaux-arts, le patrimoine, les orchestres symphoniques, les musées et l'art populaire, peut-être.

    Au Canada, aussi bien qu'en France et dans de nombreux pays d'Amérique du Sud et d'Asie—la Corée, par exemple—, le gouvernement considère la production et la distribution de films, la publication de livres et la production et la distribution de disques, d'émissions de télévision et de radio comme faisant partie intégrante de la culture. Mais les Américains ne sont pas d'accord avec cette vision des choses. Ils ne font pas de différence entre ce que nous appelons l'industrie culturelle et l'industrie du divertissement. À leurs yeux, un film, un livre ou un disque sont des produits comme les autres et, par conséquent, ils devraient être assujettis aux mêmes règles des accords internationaux de commerce qui s'apapliquent aux autres marchandises.

[Français]

    Les conséquences d'un tel point de vue sont considérables parce que ça veut dire...Je n'ai pas l'intention d'être technique ici; je pense que vous connaissez, de toute façon, toutes ces questions. Nos amis américains souhaitent--exigent, pour être plus exact--que les règles usuelles du commerce international d'accès au marché, sans discrimination, traitement national, clause de la nation la plus favorisée, soient appliquées à l'ensemble des secteurs culturels. Si tel était le cas, les conséquences seraient considérables sur les politiques culturelles, notamment au Canada, mais aussi dans bien d'autres pays à travers le monde. Pour nous, ça voudrait dire ni plus ni moins qu'on devrait démanteler le CRTC, qu'on ne pourrait plus appliquer des règles comme les quotas de contenu canadien à la télévision ou les quotas de contenu musical à la radio, que les subventions de Téléfilm, par exemple, ou du Conseil des arts du Canada, dans le cas de l'édition de livres, qui sont réservées à des entreprises canadiennes, ne seraient plus permises. Ce serait considéré comme discriminatoire et il faudrait abolir ces subventions ou bien les ouvrir aussi aux multinationales de l'étranger. Il en serait de même pour nos règles sur la propriété étrangère dans le domaine de la radiodiffusion. Enfin, tout un ensemble de politiques seraient considérées comme étant inadmissibles pour ne pas dire illégales parce que contraire aux règles usuelles de commerce.

    C'est la raison pour laquelle le gouvernement du Canada, et nous en sommes plutôt satisfaits, a déjà annoncé des positions claires sur le sujet en ce qui concerne les négociations de l'OMC, et le gouvernement, en mars dernier, a fait savoir sa position de principe sur le sujet. Le gouvernement canadien n'a pas l'intention de prendre aucun engagement de libéralisation dans les secteurs de la culture dans négociations de l'OMC, jusqu'à ce qu'il y ait un nouvel instrument international.

    Le temps file. Je dirai deux mots, en terminant, sur la question d'un nouvel instrument international de la culture.

¹  +-(1550)  

[Traduction]

    Le Canada joue un rôle de chef de file dans ce domaine. Ces dernières années, un nouveau concept a vu le jour. Selon ce concept, toutes les questions relevant du débat commerce/culture, au lieu d'être abordées dans des tribunes comme l'OMC ou dans le cadre d'un accord commercial quelconque, devraient être réglées une fois pour toutes par le truchement d'un nouvel instrument international. Il s'agirait d'un instrument différent, d'un nouvel accord qui porterait sur la culture qui établirait les règles et reconnaîtrait le droit fondamental des États d'avoir des politiques culturelles favorisant la diversité culturelle.

    Le Canada a exercé énormément de pressions en ce sens, avec le soutien d'un grand nombre de nations. Le gouvernement du Québec a également adhéré publiquement à ce concept qui recueille un appui généralisé ici au pays. Ces dernières années, le Canada a essayé de vendre cette idée à d'autres pays, avec un certain succès. Un pays aussi important que la France s'est récemment rallié à ce concept au plus haut niveau, le présient et le premier ministre ayant récemment fait une déclaration en ce sens.

    Le Canada tente de bâtir une alliance de pays un peu partout dans le monde qui souscrivent, comme lui, à l'idée que les biens et les services culturels ne sont pas des marchandises comme les autres. Cette question ne doit pas s'inscrire dans un accord commercial, mais plutôt dans un autre instrument. Ce n'est qu'ultérieurement que l'on pourra établir des liens normaux entre ce nouvel accord international sur la diversité culturelle et l'accord sur le commerce.

    Voilà, c'est tout.

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Nous allons passer aux questions.

    M. Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci beaucoup de votre présentation. D'ailleurs, j'ai entendu beaucoup parler de diversité culturelle. J'étais avec Mme Beaudoin à Pôrto Alegre et on a travaillé très fort là-dessus. J'étais aussi à la FIPA, la semaine dernière, et dans mon atelier qui portait sur la ZLEA, j'ai amené cette préoccupation-là. On sent que chez les latinos, ce n'est pas encore complètement intégré, car eux ont l'impression que le Canada et le Québec, compte tenu du fait qu'on est relativement peu de francophones et que avec le géant américain est à côté... Ils n'ont pas le même sentiment d'urgence que nous. Donc, c'est quelque chose, je pense, qui fait quand même du chemin.

    Ce qu'il me reste à savoir, c'est que si on veut complètement retirer la culture de l'OMC, il faut définir ce qu'est la culture quelque part dans l'accord. Il faudrait être capable de dire--et je ne sais pas si vous avez travaillé là-dessus--que tout ce qui relève de la culture, c'est-à-dire telle et telle choses, n'est pas couvert par cet accord-là. Sinon, on se retrouve un peu dans la même situation qu'avec l'ALENA, où on a une exception culturelle. Mais pour les magazines, par exemple, les Américains ont considéré que ça ne faisait pas partie de cette exception.

    Alors, comment faire le lien entre l'OMC et cet instrument international?

+-

    M. Robert Pilon: Monsieur Paquette, c'est une question extrêmement complexe, mais au sein du milieu culturel au Canada, il s'est développé, je pense, un consensus ces derniers temps à l'effet--et c'est le point de vue de la coalition, comme vous pouvez le voir dans notre déclaration de principe--que ces questions-là ne doivent pas être discutées, au point de départ, à l'intérieur des enceintes de commerce international, mais plutôt dans un forum séparé, dans un forum autre.

    Quel serait le forum? Certains disent l'UNESCO, certains disent qu'il faut créer un forum particulier, certains disent que le réseau des ministres de la Culture que Mme Copps a initié pourrait être ce forum. Je ne suis pas un expert en matière de traité de commerce international. Les experts vous diront qu'il existe un mécanisme qu'on appelle le stand alone, qu'un traité peut créer sa propre structure de gestion.

    L'important pour nous, c'est que ce problème-là n'est pas, d'abord et avant tout, un problème de commerce; c'est un problème de culture. C'est la raison pour laquelle nous croyons qu'il faut en discuter dans un forum où l'angle d'attaque, l'angle de discussion sera d'abord et avant tout culturel et non pas commercial.

    Si on commence--et on l'a vu dans le passé--à discuter de ces discussions-là à l'intérieur de forums commerciaux comme l'OMC, immédiatement, ce que j'appellerais presque la culture d'entreprise qui domine--c'est normal--en est une qui est axée sur le commerce, la libéralisation des marchés, l'accès au marché, avec des règles usuelles comme le traitement national, etc. Immédiatement, le milieu culturel part perdant.

    Notre stratégie est plutôt de faire un peu comme dans l'environnement, c'est-à-dire essayer de développer des traités à l'extérieur des enceintes de commerce international, en ayant en tête les questions qui concernent la culture, comme les gens qui ont développé les traités sur l'environnement avait d'abord en tête, non pas le commerce, mais la préoccupation de l'environnement.

    Bien sûr, ensuite, il faut faire les arrimages. Il faut faire les liens et établir les hiérarchies. On le voit maintenant, à propos des traités de l'environnement et des traités de l'OMC: ce n'est pas simple. Mais je pense que l'important, c'est d'établir d'abord les négociations sur le terrain de la culture.

    Entre-temps, qu'est-ce qu'il faut faire? Entre-temps à l'OMC, il y a une mécanique en place. Il y a une structure de négociation qu'on appelle bottom up, ou liste positive, qui permet au pays de ne pas prendre d'engagement et de ne pas venir, finalement, compromettre leur possibilité d'établir des politiques.

    Nous, ce que nous disons, c'est que les pays devraient continuer. C'est ce que la plupart d'entre eux ont fait en 1994, de toute façon, à la conclusion du Cycle Uruguay. Ils devraient continuer de ne pas prendre d'engagement de libéralisation, préserver leur droit de continuer d'établir, de maintenir et de développer des politiques culturelles et, en parallèle, dans un forum approprié, établir un nouveau traité international portant sur la diversité culturelle qui établira les règles du jeu et qui viendra dire, par exemple, que les États sont libres d'établir les politiques culturelles, mais dans le respect de la liberté d'expression ou dans le respect de la propriété intellectuelle. Ce n'est pas une liberté absolue; c'est une liberté dans le respect d'un certain nombre de principes.

    Une fois ces traités établis, comme cela a été le cas dans l'environnement, il sera temps d'établir les liaisons et les hiérarchies appropriées avec les traités de commerce internationaux. C'est un peu le point de vue.

¹  +-(1555)  

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): D'accord. Merci, monsieur Paquette.

    M. Robinson.

[Français]

+-

    M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD): Merci, monsieur le président, et merci à M. Pilon de cette présentation très claire et très exhaustive.

[Traduction]

    Je n'ai qu'une seule question, qui porte sur les négociations de la ZLEA. Comme nous le savons pertinemment, la culture n'est pas totalement exclue dans le contexte de l'ALENA. On laisse entendre que d'une certaine façon, la culture n'est pas directement touchée, mais l'ALENA laisse tout de même une grande place aux possibilités de représailles. Nous savons cela et si un grand nombre d'entre nous ont lutté contre cet accord, c'est en partie parce qu'il risquait de porter atteinte à notre souveraineté culturelle. D'autres partis ont appuyé l'ALENA, ne jugeant pas cela important.

[Français]

    C'est intéressant de voir, par exemple, que M. Parizeau est peut-être en train de revoir le chapitre 11 de l'ALENA et même peut-être maintenant la question de la culture; je ne sais pas.

+-

    M. Pierre Paquette: Là-dessus, il est tout à fait d'accord avec nous.

[Traduction]

+-

    M. Svend Robinson: Oui, mais je voudrais que vous nous disiez simplement comment vous entrevoyez les négociations à ce stade-ci pour ce qui est de la culture et de la possibilité qu'elle soit complètement exclue d'un accord commercial, au lieu d'être sujette à une disposition quelconque qui, dans les faits, la laisserait la culture vulnérable aux représailles et au harcèlement. La culture n'est pas une marchandise et ne devrait pas être traitée comme telle. Elle fait partie de l'âme du pays; ce n'est pas une entreprise commerciale.

    Que se passe-t-il sur ce front?

+-

    M. Robert Pilon: Le cas de la ZLEA--encore une fois, je ne veux pas être trop technique--est quelque peu différent. En effet, sa structure de négociation n'est pas la même que celle qui s'applique aux services à l'OMC. Ce n'est pas une structure dite «bottom-up» ou liste positive, mais bien «top-down». Par conséquent, il faut obtenir une exemption plus formelle. Il ne suffit pas qu'un pays dise qu'il ne prend pas d'engagement à cet égard. C'est plus compliqué. Cela doit faire l'objet de négociations.

    Vous pouvez prendre connaissance de la position du Canada sur la culture et la ZLEA à la page 18 de notre brochure. Le Canada a posé dans ce contexte un geste intéressant. Il a déposé une proposition de texte de préambule. D'ailleurs, on m'a dit que le Canada est le seul pays qui ait déposé un texte de préambule à la table de négociation de la ZLEA. Ce texte renferme divers principes, dont le suivant:

(l)es 34 gouvernements participants à la ZLEA (sont) déterminés à (...) reconnaître que les pays doivent conserver la capacité de préserver, de développer et de mettre en oeuvre leurs politiques culturelles respectives dans le but de renforcer la diversité culturelle, étant donné le rôle essentiel que les produits et les services culturels jouent dans l'identité et la pluralité de la société ainsi que dans la vie des personnes...

    C'est intéressant. Nous verrons.

    Il y aura dans quelques semaines une date butoir importante. D'ici le 15 mai, les pays doivent s'entendre sur la procédure des négociations qui devront commencer pour la ZLEA. On m'a idt que jusqu'ici, il n'y avait pas eu de discussion sur le projet de préambule. Mais il n'en demeure pas moins que c'est un principe intéressant.

    En outre, si vous parcourez attentivement le site Web du gouvernement du Canada, vous constaterez qu'on n'a pas fait grand bruit autour de cette position. Toutefois, en juillet dernier, le gouvernement du Canada a inséré dans le site Web du ministère des Affaires étrangères une page intitulée «La culture et le commerce dans le cadre de la ZLEA--position du Canada». On peut y lire ceci: «Dans le cadre de la négociation de l'accord, nous chercherons à obtenir une exemption culturelle basée sur le modèle des accords de libre-échange existant entre le Canada et le Chili et entre le Canada et Israël.» Le Canada a proposé un libellé, ainsi qu'un préambule.

    C'est intéressant car, comme vous l'avez dit, le problème lié à l'accord de l'ALENA, c'est qu'il renfermait une exemption, ce qui est bien, mais que cette dernière était assortie d'une clause de représailles, ce qui est moins bien. Les seuls instruments renfermant une clause d'exemption culturelle véritable sont l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Chili, l'Accord de libre-échange entre le Canada et Israël et aussi, si je ne m'abuse, l'Accord de libre-échange entre le Canada et le Costa Rica. Il s'agit là d'un excellent modèle qui suscite l'intérêt d'un grand nombre de pays.

    Est-ce faisable? Nous verrons. C'est une question de volonté politique, d'alliances, etc.

    Notre position, que vous pouvez lire au haut de la page 18, est la suivante. En ce qui concerne le traitement de la culture dans la ZLEA, le meilleur modèle serait une véritable clause d'exemption culturelle, similaire à celle de l'accord commercial Canada-Chili. Parallèlement, une autre option serait de convaincre suffisamment de pays de modifier le modèle de négociation, qui serait mû par la base, permettant ainsi aux pays parties aux négociations de décliner des engagements de libéralisation comme cela s'est fait dans le cadre des négociations sur les services à l'OMC. Cela aussi pourrait être un modèle.

    Il convient de garder à l'esprit qu'il s'agit là d'une solution provisoire en attendant d'obtenir ce nouvel accord international et d'établir, dans un deuxième temps, les liens et les rapports hiérarchiques entre ce nouvel instrument international et l'accord sur le commerce.

    Je sais que le temps m'est compté, mais je tiens à livrer un message clair. Si le Canada veut vraiment affirmer son leadership--et je pense qu'il est sérieux à cet égard, s'il veut apporter une contribution enviable à la création d'un nouvel instrument international sur la diversité culturelle... Nous savons tous qu'il faudra attendre trois, quatre ou cinq ans avant qu'un nombre suffisant de pays soient prêts et qu'il y ait une ébauche convenable. Quelques ébauches ont déjà circulé dans certains cercles. Il y en aura au moins 35 avant que ce soit la bonne.

º  +-(1600)  

    Lorsque nous serons prêts à signer ce nouvel accord, il faudra s'assurer qu'il y ait suffisamment de pays disposés à y adhérer. Si un trop grand nombre de pays sont pressés ou forcés de prendre des engagements de libéralisation dans le secteur culturel, que ce soit dans le cadre des négociations de l'OMC ou de la ZLEA, lorsque le moment viendra de signer ce nouvel accord sur la diversité culturelle, aucun pays ou un trop petit nombre de pays ne voudra le signer. Par conséquent, c'est très important.

    Deux stratégies cruciales s'imposent pour les douze prochains mois environ.

[Français]

Il faut accroître la vitesse, le travail, les énergies et les ressources financières consacrés à développer ce concept de nouvel instrument, à développer aussi la vente de ce concept à d'autres pays. Mais en même temps, le Canada doit être plus proactif pour bâtir des alliances avec les autres pays et convaincre les autres pays de ne pas signer d'engagements, de résister aux pressions américaines, qui vont être très fortes. Plus on va approcher du deadline de mars 2003, plus les pressions de nos voisins américains vont être très fortes sur bon nombre de pays pour qu'ils signent des engagements de libéralisation, et si un nombre important de pays signent des engagements de libéralisation...

    Si le Canada est logique dans sa position, et je pense qu'il peut l'être et doit l'être, il faut non seulement faire la publicité d'un nouvel instrument, mais il faut faire la publicité de notre position à l'intérieur de la ZLEA et de notre position à l'intérieur de l'OMC. Elles sont excellentes, ces positions que je viens de lire. Encore faut-il en faire la publicité et avoir d'autres pays avec nous qui le font.

    Il faut accepter cette chose-là, je pense. C'est un débat, c'est un vrai débat. Au Canada, nous n'avons pas la même conception de la culture que l'administration américaine du commerce international. That's it. C'est très compréhensible. Pour eux, c'est leur premier secteur d'exportation. C'est plus important, en termes de ressources, de revenus extérieurs, que l'aéronautique. Moi, je ne suis pas surpris qu'ils aient cette position, mais il faut le comprendre et il faut défendre notre position.

    Il faut comprendre une chose: beaucoup de pays à travers le monde partagent notre position. Le problème, c'est d'organiser ces pays-là ensemble, bâtir des alliances. Nous, nous le faisons au niveau des associations professionnelles. Je pense que Mme Copps a fait du bon travail, en coopérant souvent avec le Québec d'ailleurs, sur cette question-là afin de bâtir des alliances aussi au niveau des gouvernements. Mais maintenant, je pense qu'il faut accélérer le pace. Voilà.

º  +-(1605)  

[Traduction]

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Merci beaucoup, monsieur Pilon. Vous avez fort bien présenté vos arguments et livré votre message sans ambiguïté.

    J'espère que vous pourrez attraper votre train.

    M. Robert Pilon: Merci beaucoup, monsieur Valeri.

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Merci.

    Nous allons maintenant passer à M. Keon, s'il vous plaît.

+-

    M. Jim Keon (président, Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Merci, monsieur Valeri. Je suis heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant le comité.

    L'objet de notre mémoire aujourd'hui est l'accès aux médicaments et la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique, qui porte sur la propriété intellectuelle et, en particulier, sur les brevets dans le domaine des médicaments et de la santé publique.

    Je suis le président de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, l'ACFPP. L'Association représente les fabricants canadiens de médicaments génériques. Nous servons le système des soins de santé tant au Canada qu'à l'étranger en ce sens qu'une fois les brevets expirés, nous fabriquons des médicaments équivalents et nous les vendons à des prix concurrentiels, ce qui permet au régime de soins de santé--dans le cas du Canada--, d'épargner des milliards de dollars chaque année. On trouvera en annexe à notre mémoire une liste de tous nos membres.

    À propos de la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique, le sous-comité effectue actuellement des études sur l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Ces études sont tout à fait d'actualité parce qu'une nouvelle ronde de négociations a finalement été lancée à Doha en novembre 2001, après des années de pourparlers entre membres de l'OMC.

    Il est probable que les pays en développement n'auraient pas accepté cette nouvelle ronde de négociations si tous les membres de l'OMC ne s'étaient pas engagés, dans la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique, à trouver des solutions au problème pressant de l'accès aux médicaments dans ces pays.

    Le paragraphe 1 de la Déclaration reconnaît expressément «la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et pays les moins avancés». Bien que cette affirmation se rattache expressément aux problèmes résultant du VIH/sida, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies, elle reconnaît la gravité de tous les problèmes de santé publique; elle n'est donc pas limitée--et elle ne devrait pas l'être--,aux problèmes dont il est question expressément dans la Déclaration.

    Le paragraphe 4 de la Déclaration reconnaît en outre expressément que l'accord sur les ADPIC n'empêche pas et ne devrait pas empêcher les membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique et affirme que cet accord peut et devrait être interprété et mis en oeuvre d'une manière qui appuie le droit des membres de l'OMC de protéger la santé publique et, en particulier, de promouvoir l'accès de tous aux médicaments.

    Vous savez sans doute que depuis un an ou deux, il règne une controverse internationale très vive au sujet du rôle des brevets et de la responsabilité des sociétés détentrices de brevets qui refusent de distribuer aux pays en développement des médicaments susceptibles de sauver des vies.

    Le paragraphe 6 reconnaît que les membres de l'OMC dont les capacités de fabrication sont insuffisantes ou inexistantes dans le secteur pharmaceutique pourraient avoir des difficultés à recourir de manière efficace aux licences obligatoires dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC, et donne pour instruction au Conseil des ADPIC de trouver une solution rapide à ce problème et de faire rapport au Conseil général avant la fin de 2002.

    L'ACFPP estime que le gouvernement du Canada devrait s'attacher en priorité à assurer une mise en oeuvre aussi complète que possible de la Déclaration de Doha sur l'Accord sur les ADPIC et la santé publique.

    Premièrement, les problèmes de santé publique dans les pays en développement, tels que les décrit la Déclaration, sont bien réels et urgents. Bien des gens, dans ces pays, n'ont pas accès aux médicaments que les habitants des pays industrialisés tiennent pour acquis. Comme le reconnaît clairement la Déclaration, le système de commerce international devrait faciliter l'accès aux médicaments dans les pays en développement plutôt que d'y faire obstacle.

    Deuxièmement, les pays en développement n'auraient jamais consenti à la tenue d'une nouvelle ronde de négociations sans cette Déclaration. Par conséquent, l'application concrète et complète de la Déclaration est une question de bonne foi. Le principe de bonne foi, codifié dans la Convention de Vienne sur le droit des traités, s'applique non seulement à la mise en oeuvre des traités, mais également à leur négociation.

    Troisièmement, l'OMC est la cible d'attaques de plus en plus nombreuses de la part des ONG et d'autres groupes de défense de l'intérêt public, qui maintiennent que le système de commerce international n'existe que pour favoriser les visées des sociétés multinationales. Le Canada a tout intérêt à ce que ce système demeure solide et efficace, et il n'aurait rien à gagner si la crédibilité de l'OMC était minée. L'application pleine et entière de la Déclaration enverra un message clair, à savoir que le système de commerce international est au service de tous, et pas seulement des intérêts étroits des sociétés multinationales.

º  +-(1610)  

    J'aimerais évoquer ce que nous considérons être les éléments de solution essentiels au problème de l'accès aux médicaments dans le cadre de l'Accord sur les ADPIC. Un certain nombre de parties, dont l'Union européenne, ont présenté des suggestions utiles afin de résoudre le problème de l'accès aux médicaments. Le Conseil des ADPIC a amorcé son étude de cet enjeu dans la foulée de l'accord de Doha et s'est déjà réuni plusieurs fois.

    Les solutions utiles proposées reconnaissent que ce problème doit être abordé dans une optique plus générale que le cadre limité du paragraphe 6 de la Déclaration et des dispositions de l'article 31 de l'Accord sur les ADPIC concernant l'octroi de licences obligatoires.

    L'ACFPP est d'avis que, pour permettre de respecter véritablement les engagements pris dans la Déclaration au sujet de l'accès aux médicaments, l'approche retenue doit comprendre certains éléments essentiels: tout pays ayant la capacité de produire des médicaments, ce qui comprend, bien sûr, le Canada, devrait pouvoir autoriser la production de ces médicaments en vue de leur exportation, à condition que les critères suivants soient respectés.

    Premièrement, le pays importateur doit être un pays en développement où il est établi, en fonction de critères objectifs, qu'il existe un grave problème de santé publique.

    Deuxièmement, le pays importateur doit être incapable de produire les médicaments nécessaires pour s'attaquer à ce grave problème de santé. Une capacité de production partielle (par exemple, la capacité de fabriquer des comprimés à partir de matières importées) ne constitue pas une capacité de produire des médicaments.

    Troisièmement, le pays exportateur et le pays importateur doivent s'assurer qu'il existe des garanties suffisantes pour empêcher toute réexportation des médicaments importés vers le pays exportateur ou vers tout autre pays.

    Selon nous, un titulaire de droits, à l'intérieur du pays, ne devrait pouvoir empêcher cette autorisation que s'il peut démontrer que l'une ou l'autre des conditions énoncées ci-dessus ne s'applique pas ou s'il soumet un plan d'action, accepté par le pays en développement et selon lequel il s'engage à veiller à ce que ce dernier reçoive les quantités de médicaments nécessaires pour s'attaquer efficacement à son grave problème de santé publique, à un prix qu'il peut se permettre de payer.

    J'aborderai maintenant certains éléments à ne pas inclure dans la solution et ensuite, je concluerai.

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Merci, monsieur Keon. Pour ce qui est des modalités proprement dites, je pense que nous...

+-

    M. Jim Keon: J'allais sauter cela.

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Parfait.

    M. Jim Keon: Comme je le disais, il y a certains éléments qui, à notre avis, ne devraient pas faire partie de la solution retenue. La solution ne doit pas se limiter à la question évoquée au paragraphe 6 de la Déclaration, ni aux dispositions de l'Accord sur les ADPIC concernant les licences obligatoires sous leur forme actuelle.

    La solution doit être permanente, et non temporaire. Elle ne doit pas consister à suspendre temporairement certaines dispositions ou à imposer un moratoire temporaire relativement au règlement des différends, comme cela a été suggéré.

    La solution ne doit pas se limiter à certains types de graves problèmes de santé publique ou à certains médicaments. Lorsqu'il existe un grave problème de santé publique, la solution doit s'appliquer à tous les médicaments et à tous les autres dispositifs médicaux nécessaires pour le régler.

    La solution ne doit pas s'appliquer uniquement à certains pays en développement. Tous les pays doivent pouvoir s'en prévaloir s'ils sont aux prises avec un grave problème de santé publique. La solution ne doit pas être alourdie par des modalités d'application complexes. Lorsqu'il existe un grave problème de santé publique, elle doit permettre d'y remédier rapidement.

    Les producteurs de médicaments génériques, dans les pays exportateurs, ne doivent pas être limités aux sociétés sans but lucratif. Cette proposition a été lancée au cours du débat jusqu'ici. Cette exigence aurait pour effet d'éliminer les entreprises mêmes qui ont la capacité de production nécessaire pour régler efficacement le problème des pénuries de médicaments.

    Comme nous l'avons souligné au début de notre mémoire, la déclaration constitue un engagement, de la part de l'ensemble des États membres de l'OMC, à s'attaquer aux graves problèmes de santé présents dans de nombreux pays en développement. Il ne faut pas se contenter d'en reconnaître le bien-fondé ou d'en donner une interprétation juridique étroite, mais plutôt l'appliquer intégralement. C'est une question de bonne foi dans la négociation de traités et la crédibilité future de l'OMC et du système international--qui représente un enjeu extrêmement important pour le Canada--en dépend.

    Je vous remercie de votre attention. Comme je l'ai dit, notre mémoire était axé sur la Déclaration de Doha. Nous considérons qu'il s'agit là d'une question très urgente puisque ces négociations ont déjà commencé.

    En outre, nous évoquons de façon générale les avantages commerciaux de la promotion des exportations de produits génériques même sous brevet. Je n'en parlerai pas maintenant, mais je vous fournirai volontiers plus de détails au cours de la période des questions.

    Merci.

º  +-(1615)  

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Merci, M. Keon.

    Nous allons maintenant passer à la Chambre de commerce.

+-

    M. Clifford Sosnow (représentant, Comité des affaires internationales, Chambre de commerce du Canada): Merci, monsieur le président. J'ai quelques observations, qui prendront environ cinq à sept minutes sur des aspects plus prosaïques mais néanmoins très importants pour les gens d'affaires au Canada.

    Je m'appelle Clifford Sosnow, comme c'est indiqué ici. Je suis associé au cabinet d'avocats de Lang Michener, mais je me présente devant vous à titre de représentant du comité des affaires internationales de la Chambre de commerce. Je suis certain que vous savez tous—mais je vais le dire quand même, parce qu'il vaut la peine de le répéter—que la Chambre de commerce est la plus grande association de gens d'affaires du Canada, et aussi la plus représentative. La Chambre représente plus de 170 000 entreprises de toutes les régions et de tous les secteurs industriels du Canada, ainsi que les chambres de commerce locales dans des centaines de localités d'un bout à l'autre du pays.

    La position de la Chambre de commerce est que la prospérité économique dont le Canada jouit repose sur un cadre commercial multilatéral complet qui fonctionne bien. À cet égard, de l'avis de la Chambre, les négociations de Doha et de la Zone de libre-échange des Amériques sont deux piliers importants de la politique économique internationale du Canada. La Chambre de commerce appuie fermement l'OMC, mais nous croyons quand même qu'il y a place pour des arrangements commerciaux spécifiques bilatéraux ou régionaux comme l'ALENA et la ZLEA.

    De l'avis de la Chambre de commerce, le fait que l'on se soit mis d'accord pour lancer un nouveau cycle de négociations commerciales est une bonne nouvelle pour tous les Canadiens et pour l'économie mondiale. Bien que la Déclaration de Doha renferme des énoncés plutôt vagues qui compliquent la tâche des diverses négociations à Genève, c'est néanmoins un signe positif indiquant que les pays du monde entier reconnaissent les avantages d'un système commercial international fondé sur des règles. À cet égard, la Chambre de commerce considère que le Canada a bien fait de jouer un rôle de chef de file dans ces négociations.

    Je voudrais dire un mot sur les dossiers que la Chambre juge prioritaires pour le programme de négociation du Canada. À bien des égards, ces dossiers sont très prosaïques, mais ils n'en sont pas moins importants pour les gens d'affaires du Canada. Je veux vous parler des droits de douane, de l'agriculture, des règles antidumping, des services, et ensuite de facilitation du commerce et des investissements. Je vais tenter d'être bref.

    Premièrement, la Chambre de commerce est d'avis que la réduction des droits de douane qui subsistent intéresse au premier chef les entreprises canadiennes. Les exportateurs canadiens sont encore confrontés à des droits de douane élevés dans certains secteurs et dans certains pays. Il doit y avoir des progrès mesurables vers la réduction ou l'élimination de ces tarifs. Pour vous donner une idée, le Brésil impose un droit de 34 p. 100 sur le matériel canadien de télécommunications. Les exportations canadiennes de canola se butent à des droits variant entre 23 p. 100 et 28 p. 100 au Japon. Ce sont là des secteurs où le Canada a clairement un avantage concurrentiel, et ces tarifs empêchent les compagnies et les entreprises canadiennes de tirer profit de leur secteur d'excellence.

    La Chambre considère également que l'élimination de ce que l'on appelle les «tarifs vexateurs» d'environ 1 p. 100 serait un point de départ utile comme position de négocation pour le Canada. Ces tarifs sont d'une utilité douteuse, mais ils ajoutent de façon importante aux coûts des entreprises canadiennes.

    Dans le domaine de l'agriculture, la Chambre est très heureuse que l'OMC ait accepté de s'attaquer au dossier des subventions à l'exportation de produits agricoles et agroalimentaires, subventions qui créent des distorsions dans les échanges commerciaux. La Chambre juge qu'il est très prioritaire d'obtenir la réduction sensible et l'élimination des programmes de soutien interne qui faussent les échanges, l'élimination des subventions aux exportations, et d'importantes améliorations au chapitre de l'accès aux marchés pour les produits agricoles et agroalimentaires du Canada. Les producteurs et exportateurs canadiens ont été privés depuis trop longtemps d'un traitement égal, ayant été pris dans la guerre des subventions entre les États-Unis et l'Union européenne. Nous ne pouvons pas nous le permettre.

    La Chambre croit également que c'est l'un des moyens clés de faire progresser le dossier du développement dans le cadre des négociations de Doha, parce que l'accès aux marchés pour les produits agricoles préoccupe depuis longtemps les pays en développement. Nous croyons que si l'on réussissait à abattre ces barrières prenant la forme de subventions, tout le monde serait gagnant, autant le Canada que les pays en développement.

º  +-(1620)  

    Au sujet des mesures antidumping et des règles à cet égard, la Chambre de commerce considère que c'est une bonne chose que l'on se soit entendu pour se pencher sur les recours commerciaux. Cela veut dire que les règles et les procédures comme celles avec lesquelles le secteur canadien du bois d'oeuvre est aux prises depuis quelques années seront discutées pour la première fois à une tribune internationale.

    Les entreprises canadiennes craignent que le recours aux mesures antidumping et aux droits compensateurs constitue une forme déguisée de protectionnisme. Le milieu des affaires du Canada est en faveur de règles plus rigoureuses en matière de dumping et de subventions parce que les exportations canadiennes continuent d'être durement frappées par des accusations abusives et douteuses lancées pour réclamer l'application de mesures antidumping et de droits compensateurs. Il suffit encore une fois d'examiner le dossier du bois d'oeuvre pour en avoir la preuve.

    Nous envisageons donc la mise en place d'un système de règles plus claires, plus équitables et plus efficaces.

    De plus, comme vous le savez tous, la Chine deviendra un membre très important et puissant de l'OMC. C'est le quatrième marché d'exportation du Canada et, comme je reviens tout juste de Chine où j'ai examiné la législation antidumping pour vérifier qu'elle est conforme à l'OMC, je peux vous dire que la Chine a hâte d'appliquer son nouveau régime antidumping, et que des règles de discipline dans ce domaine seront accueillies à bras ouverts, monsieur le président.

    La Chambre de commerce est convaincue que les négociations sur les services sont cruciales pour renforcer encore davantage l'économie canadienne. Ce n'est pas un secret que les Canadiens sont considréés comme des chefs de file dans l'économie des services, et la Chambre considère que l'accès fondé sur des règles ne peut qu'être bénéfique pour le secteur canadien des services. Dans cette optique, la Chambre considère que la facilité pour les gens d'affaires de se déplacer aisément de part et d'autre des frontières est particulièrement importante pour le Canada, à cause de la croissance rapide de notre secteur des services.

    Il est question d'un visa OMC-AGCS, ce qui veut dire Accord général sur le commerce des services, visa qui permettrait aux professionnels de se déplacer de part et d'autre des frontières avec une plus grande facilité. Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, la Chambre de commerce considère qu'il s'agit là d'une idée qu'il vaut la peine d'examiner de plus près.

    Enfin, pour ce qui est de la facilitation du commerce et des investissements, la Chambre est déçue de constater que les dossiers des investissements et de la facilitation du commerce ont été remis à plus tard et qu'ils ne seront pas abordés avant 2003. L'investissement et la facilitation du commerce sont d'une importance particulière pour les entreprises canadiennes. L'investissement est crucial pour le Canada, à la fois parce que le Canada a perdu du terrain en termes d'investissements extérieurs directs et aussi parce que le Canada est un exportateur d'investissements à l'étranger. La Chambre est donc fortement en faveur de renforcer les mesures disciplinaires qui régissent l'investissement. Nous croyons que de telles mesures garantissent la certitude et la confiance et le traitement égal pour les sociétés canadiennes à l'étranger. Malheureusement, cette décision, à savoir s'il y aura ou non des négociations sur l'investissement, exige un consensus explicite de tous les membres, et nous encourageons le gouvernement canadien à travailler dur pour créer ce consensus.

    Quant à la facilitation du commerce, ce n'est pas un domaine très attirant, mais je vous le dis franchement, c'est très important pour la communauté des affaires du Canada. Ce qui est en cause, c'est le transport et le dédouanement des biens dans les ports. La Déclaration de Doha semble dire que ce dossier pourra faire l'objet de négociations en 2003, encore une fois à condition qu'il y ait consensus explicite. Après mûre réflexion, la Chambre est d'avis que le Canada doit travailler d'arrache-pied pour établir ce consensus afin que des négociations puissent être lancées.

    En terminant, nous exhortons le gouvernement à continuer de participer aux travaux de l'OMC dans les dossiers de l'investissement et de la facilitation du commerce, et d'insister vigoureusement pour faire intégrer ces dossiers dans le programme des négociations qui suivra la cinquième réunion ministérielle en 2003 à Mexico.

    Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

º  +-(1625)  

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): M. Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette: À la page 3 de la version française de votre document, vous dites que: «Le pays importateur doit être un pays en développement où il est établi, en fonction de critères objectifs, qu'il existe un grave problème de santé publique».

    J'avais compris qu'à Doha, on avait plutôt retenu la formule de l'auto-inscription, c'est-à-dire qu'un pays déclare qu'il considère que l'épidémie de VIH sida est maintenant un problème de santé publique et que, en conséquence, il aura recours à l'exception prévue à l'accord de l'OMC. De votre côté, vous proposez plutôt de développer un mécanisme avec des critères objectifs. J'aurais aimé que vous me parliez un peu plus de ces critères objectifs.

    J'aurais aimé aussi que vous reveniez un petit peu sur la suppression de la restriction à l'exportation dans la Loi sur les brevets. J'aurais aimé savoir quel impact cela pourrait avoir sur la recherche même. Est-ce que cela a un impact sur la recherche de produits originaux? Car c'est quand même un marché à l'extérieur où ça pourrait se perdre.

    Quant à la Chambre de commerce, je pense que l'exposé est extrêmement clair. Ce sont des objectifs connus. Notre gros problème, actuellement, c'est qu'on ne sent pas, du côté des Américains... Il y a une volonté de libéraliser tout ce qui se fait chez les autres, mais chez eux, les lois anti-dumping sont extrêmement sévères. Ils ont des mécanismes politiques qui rendent difficile le règlement de conflits commerciaux. On le voit actuellement dans le conflit du bois d'oeuvre où USTR n'a pas la même ligne que le commerce.

    Êtes-vous relativement optimiste quand même? Qu'est-ce qui sous-tendrait cet optimisme pour l'avenir des négociations? Si les Américains ne bougent pas, je ne vois pas pourquoi les autres pays bougeraient sérieusement sur, entre autres, les mesures anti-dumping et sur un certain nombre d'autres questions aussi.

    Hier, on a reçu des témoins sur l'agriculture. Il y a actuellement un projet au Sénat et au Congrès, le Farm Bill, qui prévoit des formes d'aide encore plus importantes pour les agriculteurs américains. Alors, pourquoi ouvririons-nous encore plus nos frontières si, du côté américain, qui est notre principal partenaire, on ne sent pas une volonté réelle, dans la pratique, de procéder à cette libéralisation.

[Traduction]

+-

    M. Jim Keon: Merci beaucoup.

    L'idée que des pays utiliseront un tel système continuellement et en abuseront n'est probablement pas fondée. À l'heure actuelle, la plupart des pays en développement n'ont aucune protection des brevets sur les médicaments. Ils se sont engagés à mettre en place un tel régime d'ici 2006, d'après l'entrée en vigueur des mesures transitoires prévues dans l'actuel Accord ADPIC.

    Par conséquent, la question de l'accès aux médicaments n'est pas nécessairement une question mettant en cause les brevets, de leur point de vue, parce qu'il n'y a pas de brevets dans la plupart de ces pays. Leur problème, c'est l'absence totale de capacité de fabriquer des médicaments. Dans l'accord de Doha, on reconnaît que ces pays ont besoin d'aller chercher au-delà de leurs frontières les médicaments qu'il leur faut à des prix plus compétitifs. Le critère qui serait appliqué en pareil cas est qu'il doit y avoir urgence nationale et que le pays ne doit pas avoir la capacité de fabriquer lui-même les médicaments ou autres fournitures médicales dont il a besoin. Ce n'est pas une idée tellement radicale. Par exemple, nous avons dans la législation canadienne sur les brevets des dispositions qui permettent au gouvernement de délivrer des permis et d'utiliser les brevets. Nous avons tous entendu parler de la controverse qui a éclaté avant Noël, pendant la crise de la maladie du charbon, au sujet du médicament appelé ciprofloxacine.

    Ces dispositions existent dans la législation sur les brevets dans la plupart des pays. L'accord de Doha reconnaît que la plupart des pays en développement n'ont tout simplement pas la capacité voulue pour fabriquer eux-mêmes leurs médicaments. Nous avons au Canada une industrie des génériques vers laquelle pourrait se tourner le ministre de la Santé. Dans la plupart des pays en développement, en tout cas dans les plus petits, il n'y en a pas.

    Quant au deuxième point sur l'exportation de médicaments brevetés—nous faisons une analyse de rentabilisation de la promotion des exportations vers la fin de notre mémoire—, notre position à ce sujet est que si un produit est encore protégé par un brevet au Canada mais qu'il ne l'est pas dans un autre pays, soit parce qu'il n'y a jamais eu de brevet ou que le brevet est venu à expiration, nous aimerions que la Loi canadienne sur les brevets permette à une compagnie de génériques au Canada de fabriquer le produit et de l'exporter vers les pays où le brevet n'existe pas.

    Je peux vous donner un exemple. Il y a un médicament pour le coeur qui s'appelle enalapril. La marque de commerce est Vasotec. Il continue d'être protégé par un brevet ici au Canada, jusqu'en 2007. La protection du brevet a cessé aux États-Unis en 2001.

    Il y avait au Canada des compagnies de génériques qui possédaient la technologie et la capacité voulues pour fabriquer ce produit; elles voulaient le faire et ont présenté au commissaire des brevets une demande de permis pour le fabriquer au Canada et le vendre aux États-Unis. Ce permis leur a été refusé parce que la Loi canaidenne sur les brevets ne renferme aucune disposition là-dessus. En fin de compte, le produit a été fabriqué sous licence par des entreprises aux États-Unis et il est actuellement fabriqué et vendu aux États-Unis par des compagnies de génériques.

    Il n'y a donc eu absolument aucun impact sur le détenteur de droits au Canada, parce que le produit ne sera pas vendu ici, et ce qui s'est passé est que la compagnie canadienne de génériques s'est vue refuser la possibilité de mettre au point cette technologie, de créer des emplois et d'attirer des investissements étrangers grâce aux exportations. Nous considérons que ce dossier prouve abondamment la nécessité de rouvrir la Loi sur les brevets, en particulier au Canada, parce que si nous sommes limités à notre propre marché intérieur, ce marché est relativement restreint.

º  +-(1630)  

+-

    M. Clifford Sosnow: Merci. Je vais répondre.

    Vous m'avez demandé, monsieur Paquette, si j'étais optimiste au sujet des négociations sur les règles. Je dirai que, premièrement, il ne faut pas s'y tromper, l'addition du dossier des règles aux négociations de Doha a été une grande victoire pour ceux qui cherchent à instaurer un quelconque mécanisme d'observation permettant de scruter à la loupe les pratiques des États-Unis en matière de dumping. En fait, l'inscription de ce dossier aux négociations de l'OMC a soulevé un véritable tollé au Congrès. Cela n'a pas bien passé. L'administration a présenté l'affaire sous un jour favorable, en disant que cela permettra de scruter aussi les pratiques d'autres pays en matière de dumping. Mais en réalité, c'était une concession majeure que les États-Unis ont accordée au reste du monde et le Congrès le savait et les politiciens le savaient.

    Suis-je optimiste? Oui. Est-ce que ce sera dur et laborieux? Oui. Y aura-t-il des résultats positifs qui en résulteront? Nous espérons que ce sera le cas.

    Au sujet du Farm Bill, que je sache, il n'a pas encore été adopté; il est encore à l'étude. Je crois savoir que plusieurs congressistes craignent qu'il enfreigne les règles de l'OMC à cause du montant des subventions accordées. À ce sujet, je dirai ceci: c'est encore hypothétique, mais en supposant qu'il soit adopté, cela ne fait que renforcer le plaidoyer en faveur de règles plus rigoureuses et plus claires pour réduire les subventions, et la proposition inverse est aussi vraie.

    Soit dit en passant, il est intéressant de constater que les États-Unis étaient en faveur de règles pour la réduction des subventions; ce sont les Européens qui étaient catégoriquement contre. Je pense qu'en fin de compte, étant donné qu'au Canada et au Québec, l'agriculture et l'agroalimentaire représentent un secteur extrêmement important de nos économies, et étant donné que nous sommes continuellement pris entre deux feux dans la guerre de subventions entre les États-Unis et l'Union européenne, il est très important pour les secteurs québécois et canadien de l'agriculture et de l'agroalimentaire de s'assurer de mettre en place des disciplines rigoureuses dans ce domaine. Sera-ce facile? La réponse est non. Est-ce important? La réponse est oui.

º  +-(1635)  

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): M. Lofthouse.

+-

    M. Alexander Lofthouse (analyste de politiques, Chambre de commerce du Canada): Merci.

    Pour ceux d'entre vous qui ne me connaissent pas, je m'appelle Alexander Lofthouse. Je fais partie du personnel de la Chambre de commerce du Canada, dans le domaine de la politique internationale.

    Je veux ajouter rapidement une observation. Il importe de se rappeler deux choses au sujet de ce qu'était la dynamique avant Doha et ce qu'elle est maintenant, deux choses qui n'en font qu'une en fait. Les Américains ont dit au départ, et le Congrès était très ferme là-dessus: «Nous n'allons pas discuter de mesures antidumping. Non, pas question, jamais!» Et ils l'ont fait; ça a été mis sur la table par la suite. Les Européens ont fait exactement la même chose pour l'agriculture. Ils ont dit «Non, pas question, jamais!» Le ministre français du Commerce a déclaré à un moment donné que l'idée même d'éliminer les subventions aux exportations durant le cycle de Doha était «inacceptable pour n'importe quel Européen»--ce sont ses propres paroles--, mais ils l'ont acceptée ensuite.

    Je souscris donc à ce qu'a dit mon collègue. Sera-ce facile? Non. Mais est-il possible d'obtenir des concessions de leur part? Oui, c'est possible.

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): M. O'Brien.

+-

    M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Nous avons entendu divers intervenants au sujet de l'inclusion dans les accords commerciaux d'une déclaration sur les droits et les normes dans le domaine du travail. Certains réclamaient l'inclusion d'une telle déclaration alors que d'autres étaient d'avis contraire. Il a été intéressant de voir qui se rangeait dans tel ou tel camp, mais je voudrais savoir si la Chambre de commerce a eu l'occasion de réfléchir à cette question. Je sais que vous représentez un nombre considérable de sociétés qui représentent elles-mêmes énormément de travailleurs. Quelle est votre opinion à ce sujet?

+-

    M. Clifford Sosnow: Désolé. Je sais que mon cerveau devrait fonctionner à plein régime, mais à mesure que la journée avance, les choses se gâtent.

    Aux yeux de la Chambre de commerce, l'OMC est la première et la principale tribune internationale consacrée au commerce et, en toute franchise, elle ne peut répondre aux attentes de tous et s'occuper de tous les dossiers. Il existe des organisations internationales qui s'intéressent au domaine du travail et qui le font très bien, comme l'Organisation internationale du travail. La Chambre de commerce juge important que l'OMC établisse des liens avec l'Organisation internationale du travail au sujet de ces enjeux, mais de façon générale, elle ne préconise pas l'inclusion de normes du travail à ce stade, car l'OMC se trouverait à faire double emploi avec l'Organisation internationale du travail.

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): M. O'Brien.

+-

    M. Pat O'Brien: En matière de transparence, habituellement même les divers partis d'opposition reconnaissent que le Canada tente—et je crois que c'est ainsi qu'il est perçu—, d'être le fer de lance d'un mouvement en faveur d'une clarification de certaines dispositions commerciales, notamment le chapitre 11 de l'ALENA. Il souhaite une plus grande transparence dans tout le processus, comme en fait foi le texte publié sur la ZLEA. Je précise, aux fins du compte rendu, qu'il s'agit là d'une priorité pour l'actuel ministre du Commerce. C'est une priorité pour le gouvernement actuel.

    Monsieur Keon, je ne vous ai pas encore posé de question et j'aimerais bien avoir votre avis, mais tous les autres témoins peuvent aussi répondre. Avez-vous des suggestions à faire au gouvernement pour améliorer davantage sa feuille de route à cet égard? Avez-vous des réflexions que vous voudriez partager avec nous?

º  +-(1640)  

+-

    M. Jim Keon: Je dirai deux choses. Premièrement, pour ce qui est de la Zone de libre-échange des Amériques, pour en revenir à la question des ADPIC, nous estimons, comme nous l'avons déjà énoncé, que ces enjeux ne doivent pas relever de la ZLEA. Nous avons un accord à l'OMC, et nous en sommes satisfaits.

    L'ALENA et l'OMC ont tous deux des accords de fond sur la propriété intellectuelle. Or, le Canada a été pris à parti à deux reprises à l'OMC dans le domaine des brevets. Ce qui se passe, en réalité, c'est que le pays demandeur peut choisir la tribune de son choix, et c'est ce qui est arrivé lorsque les États-Unis ont contesté la durée des brevets au Canada.

    La durée prescrite au Canada était tout à fait conforme à l'accord de l'ALENA, auquel les États-Unis avaient adhéré. Ils n'ont donc pas contesté auprès de l'ALENA, mais de l'Organisation mondiale du commerce. Nous ne souhaitons donc pas que la propriété intellectuelle soit incluse dans la ZLEA.

    Pour ce qui est de la transparence de façon générale, je pense que le gouvernement a une bien meilleure fiche qu'avant. Pour notre part, nous nous faisons un devoir de prendre connaissance des positions gouvernementales sur les enjeux qui nous touchent, de dire où nous logeons et de suivre de près les négociations.

    Nous jugeons la situation acceptable, et les fonctionnaires sont généralement faciles d'accès. Je dirais que le gouvernement fait du bon travail, notamment par le biais d'audiences comme celle-ci, pour obtenir l'opinion des divers intervenants et en tenir compte.

+-

    M. Clifford Sosnow: Merci, monsieur le président.

    Au sujet de la transparence, ce n'est un secret pour personne que la Chambre de commerce préconise en principe la plus grande ouverture possible. À mon avis, la transparence débouche sur l'ouverture, l'ouverture sur la compréhension et la compréhension sur l'acceptation. Nous saluons donc le rôle de premier plan que joue le Canada dans ce domaine pour faire en sorte que l'on se préoccupe davantage de transparence, certainement à l'OMC.

    Dans le contexte de l'ALENA et des négociations de la ZLEA, encore une fois, le principe de la transparence revêt beaucoup d'importance, mais il faut comprendre que les différends relatifs au chapitre 11 portent sur des enjeux commerciaux privés et que dans la mesure où ils sont de nature hautement délicate, il convient de respecter cela et d'accepter et de comprendre que pour des raisons de confidentialité, la transparence doit avoir ses limites.

+-

    M. Pat O'Brien: Je pense que M. Lofthouse veut répondre. Monsieur le président, j'ai une autre question à poser, avec votre permission.

+-

    Le président suppléant (M. Tony Valeri): D'accord, après M. Lofthouse.

+-

    M. Alexander Lofthouse: J'ai une très brève observation à faire. La Chambre de commerce était représentée au Forum des affaires des Amériques à Buenos Aires, juste avant la dernière réunion ministérielle de la ZLEA, qui a eu lieu là-bas il y a un an exactement. Cette assemblée de leaders du monde des affaires a exigé la publication du texte de négociation de la ZLEA. Nous adhérons donc au principe de la transparence du processus de négociation et nous l'affirmons officiellement depuis un certain temps déjà.

+-

    M. Pat O'Brien: Monsieur le président, je voudrais lancer un défi amical aux gens de la Chambre de commerce et obtenir leur réaction.

    À London, en Ontario, ma ville natale, il y a une chambre de commerce très dynamique, et je suis sûr qu'il y en a également une dans les collectivités représentées par mes collègues. J'y suis allé un certain nombre de fois en tant qu'invité, avec d'autres collègues, et j'ai prononcé une allocution précisément sur la ZLEA il y a un an environ. Bien que mon auditoire ait semblé assez bien comprendre les enjeux, dans certains cas, je me serais attendu à ce que des gens d'affaires soient davantage informés--, je comprends par ailleurs qu'ils sont très occupés à diriger leurs entreprises de façon à ce qu'elles rapportent des profits. Voilà qui m'amène à mon défi amical car évidemment, s'ils avaient la possibilité d'exporter, ils pourraient augmenter leurs profits et contribuer à la bonne santé de l'économie.

    Voilà donc le défi que je vous lance. La communauté des gens d'affaires est-elle capable d'adopter une position plus vigoureuse pour lutter contre les ennemis de la mondialisation, ces personnes qui, tout en ayant de très bonnes intentions, pour la plupart, sont incroyablement mal informées. À mon avis, ils rendent un fort mauvais service au pays en propageant dans bien des cas des absurdités--des mythes--que moi-même et d'autres députés devons détruire? Nous n'avons pas d'objection à le faire, mais nous avons besoin de votre aide. De quelle façon pourriez-vous être plus combatifs?

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    Le président suppléant (M. Tony Valeri): C'est un défi amical lancé à la Chambre de commerce.

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    M. Alexander Lofthouse: Vous avez frappé dans le mille. Si je pouvais peut-être reprendre en bonne partie ce que vous venez de dire, cela m'aiderait certainement.

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    M. Pat O'Brien: Mais vous me suivez, n'est-ce pas? C'est bien que moi-même, Pierre, Tony ou d'autres députés l'affirment, mais ce serait tout à fait différent si c'était des porte-parole des milieux d'affaires et des syndicats--à vrai dire, les dirigeants syndicaux ne sont pas toujours nos alliés et ils devraient l'être; d'ailleurs, je les mettrai au défi lorsqu'ils comparaîtront devant nous--qui contredisaient ceux qui affirment que la globalisation est une terrible monstruosité dont l'unique objectif est d'engraisser les riches multinationales.

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    M. Alexander Lofthouse: Absolument. Cela fait partie de la mission de la Chambre de commerce, et nous nous y consacrons. C'est ce que nous faisons tous les jours. Mais lorsque vous livrez bataille en complet-cravate, lorsque vous ne manifestez pas dans les rues, il est un petit peu plus difficile d'obtenir une couverture médiatique. Ça, c'est la première chose.

    La seconde, c'est que c'est un message beaucoup plus difficile à livrer. Il est bien plus facile de propager de mauvaises nouvelles. Il est plus facile de convaincre les gens et de faire la manchette avec de mauvaises nouvelles...

    M. Pat O'Brien: Vous n'avez pas besoin de dire cela à des politiciens.

    M. Alexander Lofthouse: ...que de faire la manchette avec de bonnes nouvelles et de démystifier des mythes.

    Le problème—et je reconnais que cela fait partie du défi—, c'est que ceux d'entre nous qui pensent vraiment que la mondialisation est une bonne chose sont sur la défensive. À mon avis, le défi n'est pas tant de s'attaquer aux mythes, mais plutôt de faire en sorte de ne plus être sur la défensive. Le défi consiste à propager les nouvelles positives entourant la globalisation.

    Il y a un grand nombre d'organisations qui le font. Nous le faisons ici, mais il y a aussi des organismes comme la Chambre de commerce internationale qui font un travail impressionnant. Je pense que nous devons continuer à clamer haut et fort notre message et ce, sans relâche.

    La meilleure réponse que je peux vous donner pour l'instant, c'est qu'il s'agit là d'un défi constant pour des organisations comme la nôtre.

    Cliff, voulez-vous ajouter quelque chose?

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    M. Clifford Sosnow: Non.

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    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Il y a un domaine dont il n'a pas été beaucoup question et j'espère que vous-mêmes, la Chambre et M. Keon, pourrez peut-être aider le comité. Il s'agit de la politique sur la concurrence proprement dite.

    Une politique de la concurrence est manifestement souhaitée, et nous savons qu'une telle politique peut faire en sorte que des pratiques anti-concurrence privées ne font pas obstacle au commerce. Il semble également qu'il y ait au sein de l'OMC un soutien croissant émanant des pays en développement à l'égard d'une réglementation de la concurrence. Pouvez-vous nous préciser, essentiellement dans une perspective de commerce international, quels sont les principaux avantages découlant de l'instauration de régimes de concurrence nationaux? Pouvez-vous nous dire également quelles seraient les normes minimales, du point de vue de la Loi sur la concurrence, nécessaires pour créer un régime de concurrence efficace applicable, disons, aux pays membres de l'OMC?

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     Pouvez-vous nous donner une indication, une rétroaction? Je pense que cela serait très utile au comité.

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    M. Clifford Sosnow: Votre question est excellente, surtout parce qu'elle évoque l'un des domaines les plus complexes sur les plans politique et technique des négociations de l'OMC.

    Par conséquent, la réponse que je vais vous donner ne sera pas simple et ne vous orientera pas dans une direction claire. En réalité, cette question fait encore l'objet d'une vive discussion au sein des milieux d'affaires canadiens. Je peux vous dire que parmi mes collègues qui oeuvrent contre les monopoles, il y a une chaude discussion quant à savoir si même les normes de la législation sur la concurrence devraient être assujetties aux disciplines de l'OMC.

    Ce qui inquiète, entre autres, c'est que le droit de la concurrence est assorti de sa propre jurisprudence, une jurisprudence fort légaliste, juridictionnelle et judiciaire qui ne se prête pas facilement à la surveillance politico-diplomatique plus large de l'OMC, si vous voulez.

    Par conséquent, lorsque vous demandez, fort judicieusement, quelles seraient certaines des normes minimales, pour vous donner une idée à quel point la discussion est embryonnaire, je vous répondrai que nous sommes à des années lumière d'avoir quelques pourparlers que ce soit à ce sujet.

    Il va de soi que la question des cartels, de l'examen des monopoles revêt beaucoup d'importance, mais en réalité, il n'existe pas encore de consensus à cet égard au sein de la communauté des affaires et encore moins au sein du barreau international.

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    Le président suppléant (M. Tony Valeri): D'accord. M. Keon. Ou M. Lofthouse.

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    M. Alexander Lofthouse: J'ajouterais ceci: il importe de se rappeler que la concurrence est l'un des quatre enjeux de Singapour, tout comme l'investissement, la facilitation du commerce et... Quel était le quatrième? J'ai un blanc de mémoire. Quoi qu'il en soit, la compétition était l'un de ces enjeux...

    Le président suppléant (M. Tony Valerie): Les marchés publics.

    M. Alexander Lofthouse:Oui, les marchés publics. J'oublie toujours celui-là. C'était l'un des quatre enjeux à Singapour. La discussion a été reportée à 2003 et elle sera amorcée à ce moment-là uniquement à la suite d'un consensus explicite. Comme c'est précisément ce que l'on dit dans l'accord de Doha, je pense que cela indique à quel point il sera difficile de dégager un consensus là-dessus.

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    M. Jim Keon: Je n'ai pas grand-chose à ajouter.

    En ce qui concerne des enjeux comme la politique sur la concurrence, une association commerciale comme la nôtre s'attend à ce que des organismes ayant une large clientèle comme la Chambre de commerce donnent le ton. En principe, bien sûr, nous sommes très en faveur de lois anti-trust rigoureuses car dans notre domaine comme dans d'autres, il peut y avoir des abus liés aux brevets, etc. Quant à savoir s'il serait avantageux que cette question relève de l'OMC, je pense que cela ne se fera pas avant très longtemps et comme nous ne nous attendons pas à des solutions à court terme, ce n'est pas un enjeu qui a énormément retenu notre attention.

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    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Merci, M. Keon.

    M. Sosnow.

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    M. Clifford Sosnow: Monsieur le président, très brièvement, la politique sur la concurrence est un sujet litigieux non seulement chez nous, mais aussi aux États-Unis, en Europe, où l'on trouve les principaux opposants à toute discussion sur la concurrence. Pour cette raison, nous invitons instamment le gouvernement du Canada à s'attacher à des domaines comme les marchés publics, l'investissement et la facilitation du commerce qui, franchement, ont beaucoup plus de chances de succès, c'est-à-dire de produire des résultats substantiels et immédiats pour la communauté des affaires du Canada et l'ensemble des Canadiens.

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    Le président suppléant (M. Tony Valeri): Je constate qu'il n'y a pas d'autres questions. Cela a été fort utile. Je vous remercie beaucoup de vos observations sur la politique de la concurrence.

    Je tiens à remercier chaleureusement nos témoins de cet après-midi. Vous nous avez fourni une information fort valable. Nous vous en sommes très reconnaissants et nous espérons vous accueillir de nouveau à l'avenir.

    La séance est levée.