HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 11 mars 2004
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)) |
M. Richard Pfohl (avocat général, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
La présidente |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Richard Pfohl |
¿ | 0920 |
Mme Christiane Gagnon |
M. Richard Pfohl |
Mme Christiane Gagnon |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
¿ | 0925 |
M. Richard Pfohl |
Mme Wendy Lill |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.) |
M. Richard Pfohl |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
M. Clifford Lincoln |
Mr. Richard Pfohl |
¿ | 0930 |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.) |
M. Richard Pfohl |
L'hon. John Harvard |
¿ | 0935 |
M. Richard Pfohl |
L'hon. John Harvard |
M. Richard Pfohl |
L'hon. John Harvard |
M. Richard Pfohl |
L'hon. John Harvard |
Mr. Richard Pfohl |
L'hon. John Harvard |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
¿ | 0940 |
La présidente |
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC) |
M. Richard Pfohl |
Mme Christiane Gagnon |
La présidente |
Mme Wendy Lill |
¿ | 0945 |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Clifford Lincoln |
¿ | 0950 |
M. Richard Pfohl |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
¿ | 0955 |
La présidente |
Mme Christiane Gagnon |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.) |
À | 1000 |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
À | 1005 |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
M. Gary Schellenberger |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.) |
À | 1010 |
M. Richard Pfohl |
L'hon. Paul Bonwick |
M. Richard Pfohl |
L'hon. Paul Bonwick |
M. Richard Pfohl |
Mme Christiane Gagnon |
M. Richard Pfohl |
À | 1015 |
La présidente |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
M. Clifford Lincoln |
M. Richard Pfohl |
L'hon. Paul Bonwick |
À | 1020 |
M. Richard Pfohl |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 mars 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour.
Nous avons droit, ce matin, à une séance d'information sur une proposition de mise en oeuvre des traités de l'OMPI.
Nous accueillons aujourd'hui M. Richard Pfohl. D'après la liste des témoins, nous devions rencontrer M. Brian Robertson, le président de l'Association, mais il n'a pas pu venir. Nous allons donc entendre M. Pfohl, qui est l'avocat général de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement.
Monsieur Pfohl, bienvenue et merci d'être venu de Toronto pour nous rencontrer.
M. Richard Pfohl (avocat général, Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement): Merci, madame la présidente.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, je m'appelle Richard Pfohl, et je suis l'avocat général de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement. C'est un plaisir pour moi de comparaître devant vous aujourd'hui, sachant que nous partageons la même passion pour la culture et le bien-être de nos artistes, producteurs et créateurs.
Je suis ravi de prendre la parole devant madame la présidente, qui est la représentante élue de ma circonscription. Il a beaucoup été question, à la réunion de mardi, de l'importance du multiculturalisme canadien. Je m'estime privilégié de vivre dans la même circonscription que la présidente, circonscription qui se veut l'incarnation par excellence du multiculturalisme canadien.
Je comparais aujourd'hui au nom de l'Association de l'industrie canadienne de l'enregistrement, ou la CRIA, comme nous l'appelons. Toutefois, ce sont les intérêts de tous les intervenants des industries créatives et culturelles du Canada que je défends aujourd'hui. La CRIA fait partie de la Coalition des créateurs et producteurs sur le droit d'auteur, association qui regroupe 34 organisations nationales dont les membres travaillent dans les industries culturelles du Canada. Vous avez reçu, je crois, copie de notre mémoire, lequel comprend une liste des membres de la Coalition. Celle-ci représente pratiquement tous ceux qui oeuvrent dans le secteur de la création au Canada.
Le mois dernier, la CRIA a fourni au comité l'ébauche d'un texte législatif, rédigé par la Coalition, qui vise à modifier la Loi sur le droit d'auteur de manière à ce que le Canada puisse ratifier les traités de l'OMPI. Cette ébauche a été déposée à la demande de l'ancien président, M. Lincoln, suite à notre comparution devant le comité, le 6 novembre.
J'aimerais aujourd'hui vous parler des traités de l'OMPI et vous démontrer l'urgence de les ratifier le plus tôt possible, étant donné que nous évoluons de plus en plus dans un environnement numérique et en ligne. J'étais présent, plus tôt cette semaine, quand la ministre du Patrimoine canadien a comparu pour la première fois devant le comité. Elle s'est engagée, à mon grand plaisir, à moderniser la Loi sur le droit d'auteur, loi qui a grandement besoin d'être actualisée. En effet, de nombreux observateurs, à l'échelle nationale et internationale, croient que la Loi sur le droit d'auteur est encore trop axée sur le monde analogique. Pour les créateurs et les titulaires de droits qui évoluent dans un environnement en ligne en constante expansion, cela équivaut à s'engager sur l'autoroute dans une voiture tirée par des chevaux.
La ministre a également fait état des traités de 1996 de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. J'attire votre attention sur cette date, car c'est en 1996 que les traités ont été conclus avec la pleine participation du gouvernement du Canada. Ces traités ont été adoptés par le Canada en 1997. Depuis, 45 pays ont ratifié le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur. Plusieurs pays d'Europe ont mis en oeuvre la législation même si elle n'a pas fait l'objet de ratification, les membres de la Communauté européenne s'attendant à la ratifier en même temps. Par ailleurs, quarante-deux pays ont ratifié le Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes. Il y a donc deux traités, celui sur le droit d'auteur, et celui sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes.
Or, huit années se sont écoulées depuis, et le Canada n'a toujours pas ratifié les traités. D'après les prévisions les plus optimistes que nous avons entendues mardi, il faudra encore attendre 12 ou 18 mois avant que le gouvernement ne ratifie les traités, si ratification il y a. Pendant que les représentants du gouvernement somnolent, les industries culturelles du Canada, surtout celle de l'enregistrement, brûlent.
L'industrie canadienne de la musique cherche à établir un cadre juridique pour le cybercommerce de détail qui n'offre qu'une faible protection, sinon aucune, aux produits en ligne. Le piratage sur internet crée des ravages depuis cinq ans dans notre industrie : les ventes au détail ont chuté de 425 millions de dollars, plus de 20 p. 100 des effectifs ont été mis à pied, les débouchés pour les artistes et musiciens canadiens ont été considérablement réduits. Nous avons besoin d'outils pour contrer ce phénomène et aider les entreprises viables à offrir des pièces musicales en ligne, selon les désirs des auditeurs de par le monde.
Rien ne souligne mieux l'urgence de ratifier les traités de l'OMPI que le communiqué émis par Industrie Canada le 17 décembre 1997, il y a plus de six ans de cela. D'après le communiqué, et je cite :
En s'engageant en faveur de ces traités, le Canada indique clairement qu'il a l'intention de poursuivre la modernisation de sa législation sur le droit d'auteur afin de mieux l'adapter à l'environnement numérique... Cela est particulièrement important dans le monde du numérique, vu la facilité et la rapidité incroyables avec lesquelles ont peut reproduire des oeuvres et les diffuser aux quatre coins du monde et vu le fait que le commerce passe de plus en plus par la voie électronique. |
¿ (0910)
Ce communiqué a été émis il y a six ans et demi de cela. Au cours de cette période, les ministères de l'Industrie et du Patrimoine canadien ont tenu des consultations exhaustives auprès d'organisations et de particuliers, consultations auxquelles nous avons pris part. Ils ont commandé de nombreuses études—et, comme nous l'avons appris mardi, demandé des avis juridiques qui ont été tenus secrets—sur les traités qu'ils ont eux-mêmes aidé à rédiger il y a huit ans.
Or, nous continuons de vivre dans le passé. Certes, nous avons trouvé encourageants les propos de la ministre, qui a insisté sur la nécessité de ratifier les traités. Toutefois, nous sommes conscients de l'importance que revêt l'engagement du comité d'obtenir des réponses et d'aller de l'avant avec ce processus.
Pour assurer, en toute légalité, la diffusion numérique en ligne de pièces musicales au Canada, des millions de dollars doivent être investis dans de nouveaux modèles de gestion qui s'appuient sur des systèmes de transmission numérique sûrs. Or, les traités de l'OMPI adoptés il y a huit ans offrent cette protection. Ils définissent la façon dont les titulaires de droit d'auteur exercent leurs droits dans un environnement numérique.
Fait étonnant, la Loi sur le droit d'auteur n'accorde pas aux titulaires de droit d'auteur le droit exclusif de contrôler la transmission d'enregistrements sonores. La ratification des traités de l'OMPI rectifierait ce problème.
Pour vous donner quelques exemples, premièrement, les traités confirment la protection du matériel traditionnellement protégé par le droit d'auteur et des mécanismes de distribution. Deuxièmement, ils clarifient la manière dont le droit d'auteur et les droits connexes s'appliquent à l'environnement numérique. Troisièmement, ils assurent une protection contre le piratage et la neutralisation des mesures de protection techniques appliquées aux produits protégés par le droit d'auteur.
Plus important encore, les dispositions de ces traités protègent notre culture. Sans cette protection, les créateurs canadiens, de même que les entreprises canadiennes qui investissent des sommes extraordinaires, ainsi que je l'ai déjà mentionné, ne pourront, comme le reste du monde, emprunter l'autoroute numérique.
Enfin, je ne saurais trop insister sur l'importance de ratifier ces traités. Encore une fois, la ministre s'est engagée, mardi, à le faire, mais en procédant en deux temps : d'abord la mise en oeuvre, et ensuite la ratification. Or, sans ratification, les Canadiens ne pourront faire respecter leurs droits à l'échelle internationale. Qu'est-ce que cela signifie? Au lieu d'un auditoire international de plus de cinq milliards de personnes, l'industrie culturelle canadienne devra se contenter d'un auditoire national qui ne représente qu'une parcelle infime de cet échantillon.
Même si nous jugeons encourageants l'engagement pris par la ministre de mettre en oeuvre promptement les traités de l'OMPI et la déclaration selon laquelle le Canada compte toujours ratifier les traités de l'Organisation, nous trouvons inquiétant de voir que le ministère considère la mise en oeuvre et la ratification comme deux étapes distinctes, et que la ratification semble être liée aux résultats de l'étude sur le régime de copie privée. Or, si elle est effectivement liée au programme de réforme à moyen terme du droit d'auteur—énoncé à l'article 92 et qui sera institué après la mise en place des mesures à court terme—comme la réforme du régime de copie privée, la ratification risque d'être reportée de plusieurs années.
L'autoroute numérique ne se termine pas à la frontière du Canada. La signature de traités internationaux a pour objet d'assurer la mise en oeuvre de ces traités, de protéger les Canadiens à l'échelle internationale, et surtout les droits numériques, dont le rayonnement est planétaire. Le Canada, en choisissant de mettre en oeuvre, mais non pas de ratifier, les traités de l'OMPI, prive les créateurs canadiens et l'industrie de toutes les protections qu'accordent les traités de l'OMPI, là où ils en ont le plus besoin—dans l'univers numérique planétaire.
La proposition de la Coalition sur le droit d'auteur à laquelle j'ai fait allusion au début de mon allocution a été préparée à l'intention de la ministre du Patrimoine de l'époque, à sa demande, et expédiée aux ministère de l'Industrie et du Patrimoine canadien le 14 février 2002. Ce document est, de par sa nature, le fruit d'un consensus. Il ne traduit pas, de façon précise, ce que chacun des membres particuliers de la Coalition aurait souhaité y voir—encore une fois, il y a 34 membres qui représentent l'ensemble de la communauté des créateurs au Canada. Nous avons remis ce document aux ministères de l'Industrie et du Patrimoine canadien, et nous l'avons ensuite transmis au comité parce qu'il constitue, pour le gouvernement du Canada, un bon point de départ qui lui permettra d'honorer ses engagements et de mener à terme le processus de ratification des traités de l'OMPI.
¿ (0915)
La proposition de la Coalition des créateurs et des producteurs sur le droit d'auteur, que je vous ai fait parvenir, comprend cinq modifications de base à la Loi sur le droit d'auteur pour que le Canada ratifie et mette en oeuvre les deux traités de l'OMPI. Plus précisément, ces modifications portent sur la protection des oeuvres photographiques, sur les droits moraux des artistes interprètes, sur la communication au public et la mise à la disposition du public, sur les mesures de protection technologiques et sur les renseignements concernant la gestion des droits. Les trois dernières modifications—celles sur les renseignements concernant la gestion des droits, sur les mesures de protection technologiques et sur la mise à la disposition du public—sont les plus importantes pour l'AICE, mon organisme, parce qu'elles nous fourniront les outils numériques nécessaires pour faire des affaires en ligne. Nous ne demandons pas de subvention ni de financement au gouvernement, mais les outils nécessaires pour nous permettre d'établir nos entreprises dans l'ère du numérique.
Il me fera plaisir de discuter davantage des cinq volets de la proposition de la Coalition si vous le désirez.
En plus de la proposition de la Coalition des créateurs et producteurs sur le droit d'auteur, nous avons remis au comité un document d'information sur les traités de l'OMPI et la nécessité de les ratifier sans plus attendre. Je crois que vous les avez reçus. Je suis tout disposé à répondre à vos questions sur ce document et sur la nécessité de ratifier les traités de l'OMPI en général.
Je vous remercie de me recevoir ce matin. Cela vient conclure mes observations, madame la présidente.
La présidente: Je vous remercie.
Y a-t-il des questions?
Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Il y a une trentaine ou une quarantaine de pays qui ont ratifié les Traités de l'OMPI. Les États-Unis l'ont fait, mais on ne retrouve pas parmi ces pays la France ou certains autres pays d'Europe. J'aimerais savoir pourquoi ces pays n'ont pas signé ces traités. Il y a beaucoup de petits pays, qui pourraient d'ailleurs ressembler au Québec. Je voudrais savoir quel est leur intérêt. On sait que lorsque les États-Unis sont de la partie, ils ont la volonté d'envahir tous les champs culturels des autres pays.
[Traduction]
M. Richard Pfohl: Pour commencer, je dois dire qu'un certain nombre de pays européens appliquent déjà ces traités. Ils ne les ont pas encore ratifiés, parce que les pays européens voudraient les ratifier en bloc. Parmi les pays qui les appliquent déjà, il y a la France, l'Allemagne, la Grèce, le Danemark, l'Autriche, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Ils sont prêts à les ratifier, mais l'Europe souhaite le faire d'un seul coup pour l'ensemble de son territoire. On peut donc ajouter la plupart des grands États européens à la liste de ceux qui ont adopté cette réglementation jusqu'à maintenant. Dans notre hémisphère, l'Amérique du Nord, nous sommes le seul pays à ne pas les avoir ratifiés. Il y a également des puissances comme le Japon qui les ont ratifiés.
Pour ce qui est de votre deuxième observation sur les États-Unis, je crois que la raison pour laquelle beaucoup de petits pays paraissent sur cette liste, c'est que ces traités leur donnent les outils nécessaires pour suivre les grands pays et protéger les droits de leurs propres artistes interprètes et créateurs à l'ère du numérique, chez eux comme à l'étranger. Ainsi, ils sont protégés par rapport à la culture américaine, donc je crois que ces traités sont tout à l'avantage des petits pays en particulier.
¿ (0920)
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Entre le 13 et le 15 septembre, Patrimoine Canada et Industrie Canada ont fait un forum qui réunissait des spécialistes canadiens et étrangers sur le droit d'auteur, mais les ministères concernés n'ont pas communiqué aux parties intéressées les conclusions et les recommandations des experts. Cela est écrit dans le document qui nous a été transmis par le groupe CRIA. Pouvez-vous nous dire pourquoi ces recommandations n'ont pas suivi les actes du forum?
[Traduction]
M. Richard Pfohl: Je ne sais pas. Nous sommes en faveur de la divulgation intégrale de toutes les opinions sur ce sujet. Nous aimerions connaître toutes les opinions et en débattre. Voilà pourquoi nous avons été déçus d'apprendre, mardi dernier, que le ministère ne voulait pas communiquer les opinions à la base de ses décisions à cet égard. S'il ne veut pas divulguer ces opinions, nous aimerions au moins qu'il nous explique pourquoi il prend cette position.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Disons que ce dossier existe depuis 1998. Nous sommes arrivés au comité seulement en l'an 2000. C'est un nouveau dossier, et je vois qu'il faudrait que nous apportions certaines modifications à notre propre Loi sur le droit d'auteur avant de ratifier les Traités de l'OMPI. Je peux vous dire qu'en faisant le survol de toutes les recommandations qu'on nous fait, nous devons nous poser plusieurs questions.
Vous disiez tout à l'heure qu'il y a avait un très large consensus au sein de l'industrie, ainsi que chez beaucoup d'observateurs et de gens qui s'intéressent au droit d'auteur. Est-ce qu'il y a consensus sur les cinq points de la réforme ou si on pourrait y aller point par point? Pour ma part, je n'en ai aucune idée. Quelle est l'ampleur de cela? Où est-ce que cela accroche pour les différents artistes ou pour ceux qui ont des droits moraux? Pouvez-vous me parler un peu des appuis? Est-ce général ou s'il faudrait voir cela par type de réforme?
[Traduction]
M. Richard Pfohl: Pour être bien clair, je dirai que la position que je défends fait consensus parmi les créateurs. Nous nous sommes dit qu'il serait plus utile que nous remettions au comité un document expliquant le consensus auquel sont arrivés les créateurs plutôt qu'un document décrivant la simple position de notre association. D'où l'importance du document que vous avez reçu, parce qu'il présente la position de la Coalition des créateurs et producteurs sur le droit d'auteur. Elle concorde avec le consensus auquel en sont arrivés les créateurs.
Bien entendu, les ministères de l'Industrie et du Patrimoine canadien entendent toutes les opinions possibles sur ce sujet depuis sept ans et ont tenu de vastes consultations. La proposition que je vous ai remise présente certaines de ces opinions en détails. Elle est une tentative de réponse aux questions qui ont été soulevées par tous les gens du milieu et propose une solution viable, qui se fonde sur l'expérience d'autres pays. Il y en a un certain nombre qui ont passé à l'acte avant nous et qui ont adopté des lois.
La présidente: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je tiens à vous remercier d'être ici aujourd'hui.
Je siège à ce comité depuis 1997, et il est incroyable de voir combien cette question traîne en longueur pendant que les créateurs canadiens en souffrent. Ce dont nous parlons aujourd'hui est une réglementation que notre pays a aidé à concevoir, mais nous ne l'avons même pas encore ratifiée. Au bout de huit ans, nous parlons de mise en oeuvre, mais la ratification pourrait devoir attendre encore beaucoup d'années, jusqu'à la deuxième phase de la réforme sur le droit d'auteur. C'est tout simplement incroyable, je n'oserais pas prétendre le contraire. Nous traversons une énorme crise dans le domaine de la protection des renseignements personnels et de la sécurité des systèmes de diffusion numérique, mais nous nous tournons simplement vers le sud. Nous nous tournons littéralement vers le sud au lieu de faire ce qu'il faut ici.
Ce n'est que mon opinion. Je suis très en faveur de la ratification de ce traité. Je pense que le comité est convaincu qu'il faut le ratifier, et il veut pousser en ce sens. Je me demande seulement ce qui nous bloque. Que pouvons-nous faire pour vous afin de faire avancer le dossier?
¿ (0925)
M. Richard Pfohl: D'abord, je profite de cette occasion pour féliciter le comité, qui a vraiment joué un rôle clé pour déclencher tout ce processus. Je pense que les propos du ministre, mardi dernier, sont attribuables en grande partie au rôle que votre comité a joué pour pousser le ministère à réagir. Nous l'apprécions beaucoup.
Nous voulons qu'il y ait un projet de loi afin de médiatiser ce problème et de le résoudre. Même s'il peut y avoir des différences de point de vue raisonnables sur certains points, le gouvernement doit déposer un projet de loi. Nous devons nous pencher sur la question et apporter les modifications nécessaires.
Nous ne savons pas contre quoi nous nous battons pour l'instant. Nous avons même attendu pendant sept ans avant de faire une proposition, ce qui nous semble tout simplement inacceptable.
Mme Wendy Lill: Vous nous dites que vous ne savez pas contre quoi vous vous battez en ce moment, mais nous avons l'impression que le ministère ne veut pas fournir les renseignements justifiant sa décision. Ces problèmes sont réels, et nous devons nous y attaquer. En tant que parlementaires, nous devons exiger un processus transparent qui nous permettra d'avancer dans nos travaux. J'insiste là-dessus. J'espère que nous pourrons arriver à des annonces vraiment claires sur nos intentions.
Je vous remercie.
M. Richard Pfohl: Merci.
La transparence est effectivement primordiale. Pour que le comité puisse intervenir efficacement, comme le gouvernement a clairement indiqué qu'il le faudrait et comme l'a dit le premier ministre qui croit que le Parlement devrait être plus proactif dès le départ, nous devons savoir sur quoi se fonde la position du gouvernement. Il prend position, mais nous n'avons aucune idée pourquoi. Tant que nous ne le saurons pas, nous ne pourrons avoir de discussion sensée.
La présidente: Merci.
Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Puis-je vérifier une chose avec vous pour être bien certain que je comprends où en est le processus de ratification? Pour l'instant, les deux traités...ce sont des traités, n'est-ce pas? Assez de pays les ont ratifiés?
M. Richard Pfohl: C'est juste.
M. Clifford Lincoln: Lorsque plus de 30 pays ratifient une entente, elle devient un traité.
M. Richard Pfohl: C'est juste.
M. Clifford Lincoln: Ce sont donc déjà des traités.
Je crois que si nous voulons protester contre le retard du Canada, le cas de l'Union européenne ne nous aide pas vraiment, parce que si je comprends bien vos documents, l'UE a décidé que ses 15 pays ratifieraient les traités au plus tard en 2002. Ils sont déjà en retard de deux ans.
Pouvez-vous me dire quels pays européens freinent le processus? Comme vous l'avez dit, beaucoup ont déjà adopté des lois. Sur les 15, lesquels retardent la ratification?
M. Richard Pfohl: Je vais commencer par une réponse générale, puis je vais entrer dans les détails. Je crois que contrairement au Canada, l'UE a une excuse, au moins. Les pays de l'UE doivent travailler ensemble. Ils sont 15, donc ils doivent d'abord établir une directive sur le droit d'auteur que tous accepteront, puis ils doivent mettre en oeuvre les lois adoptées par chacun des pays conformément à cette directive.
Pour l'instant, je peux vous dire qui a ratifié les traités. Je sais que les autres pays y travaillent. Je crois qu'il n'y en a aucun qui s'oppose activement à la ratification en ce moment. Nous savons, comme je l'ai déjà dit à votre collègue, que l'Autriche et le Danemark...
M. Clifford Lincoln: J'ai bien compris, merci.
Mr. Richard Pfohl: Certains des pays les plus puissants les appliquent déjà, mais vous avez raison de dire que d'autres non.
J'aimerais que le Canada ratifie ces traités avant l'Europe, pour que nous ne soyons pas les tout derniers à les ratifier, après l'Europe, les autres pays nord-américains et le Japon. Tous les autres grands pays du G-7 plus un l'ont ratifié. Nous ne devrions pas prendre trop de retard, parce que nous nous handicapons. Cela fait beaucoup de tort à des industries comme la nôtre.
¿ (0930)
M. Clifford Lincoln: Je l'espère moi aussi, mais on se chicane pour savoir qui les ratifiera en premier, parce que les gens d'ici qui sont contre la ratification disent que même l'Europe ne l'a pas ratifiée. Nous nous lançons la balle.
Bien honnêtement, à votre avis, est-ce un autre bataille entre les intérêts commerciaux et ceux des créateurs? Selon vous, tout cela reflète-t-il la polarisation qui freine le travail dans nos ministères? S'agit-il d'une bataille entre les créateurs et les intérêts commerciaux; entre Patrimoine et Industrie? Avons-nous encore le même problème?
M. Richard Pfohl: Ce ne devrait pas être le cas, parce que les intérêts des créateurs et les intérêts commerciaux sont pratiquement les mêmes. Si vous jetez un coup d'oeil à la proposition collective sur le droit d'auteur que je vous ai remise, la liste des membres en annexe comprend bien des créateurs différents, mais le fait est que les créateurs doivent gagner leur vie. Il y a des organismes qui protègent les droits des créateurs, qu'ils veillent à ce qu'ils gagnent leur vie et à ce qu'ils reçoivent la rémunération financière dont ils ont besoin. Je ne vois pas de conflit en ce sens.
M. Clifford Lincoln: Pourtant, lorsque M. Bonwick a déclaré nous devrions nous décider d'ici février 2004, et vous étiez très d'accord, beaucoup de groupes sont venus protester à cor et à cri, en disant que nous voulions aller trop vite et qu'il fallait diffuser plus d'information.
De toute évidence, il n'est pas tout à fait clair que c'est dans l'intérêt de tous. Il y a beaucoup d'opposition. Je me demandais seulement qui s'y opposait vraiment et pourquoi.
M. Richard Pfohl: Tout ce que je peux vous dire, c'est que, chaque fois qu'on essaie de modifier la Loi sur le droit d'auteur, le processus est incroyablement compliqué. Les choses s'éternisent parce que tout le monde craint d'être désavantagé d'une façon ou d'une autre par quelque changement que ce soit. Les gens savent à quoi s'attendre du statu quo, mais ils ne savent pas ce que le changement et l'avenir leur réservent. Tout le monde a une peur bleue de bouger. Le moindre changement nous paralyse.
Le problème, c'est que le monde change. Nous sommes à l'ère du numérique depuis plus de 10 ans. Le Canada est un chef de file dans le domaine de la pénétration des services Internet et des systèmes de transmission à large bande et, pourtant, nos créateurs ne peuvent pas en profiter. Nous prenons du retard alors que le reste du monde évolue, ce qui est loin de rendre service au Canada.
La présidente: Merci.
Monsieur Harvard.
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Je veux faire suite à ce que Mme Lill et M. Lincoln ont dit, parce que des éléments du problème semblent nous échapper.
Monsieur Pfohl, vous connaissez la situation sans doute mieux que moi. J'aimerais vous demander si vous voulez tenter de nous expliquer ce qui se passe en coulisse et, si oui, dans quelle mesure. Pourriez-vous nous dire quelles seraient les raisons les plus valables et les moins valables qui font que nous tirons de l'arrière?
M. Richard Pfohl: Monsieur Harvard, la seule explication à laquelle je pense est celle que j'ai donnée à M. Lincoln. Je crois que c'est la peur du changement. Les gens ont peur parce qu'ils ne savent pas ce que des changements à la Loi sur le droit d'auteur, quels qu'ils soient, vont entraîner, mais je ne peux pas vous dire précisément ce qui fait traîner les choses.
L'hon. John Harvard: Les gens préfèrent s'accommoder de ce qu'ils ont? Est-ce cela?
¿ (0935)
M. Richard Pfohl: C'est une bonne façon de dire les choses, à mon avis.
L'hon. John Harvard: On ne peut pas toujours faire cela. Tôt ou tard, les gens vont devoir risquer d'aller vers l'inconnu.
M. Richard Pfohl: Oui. Comme le monde évolue, il va falloir s'adapter.
C'est essentiellement pourquoi les traités de l'OMPI ont été jugés importants quand les négociations ont commencé au début des années 90. On se rendait compte qu'on entrait dans l'ère des communications numériques. Il faut s'assurer que les droits qui existent dans le monde analogique existent aussi dans le monde numérique; autrement, on essaie d'aménager tant bien que mal les droits en vigueur, ce qui ne convient pas nécessairement.
C'était l'objectif, de nous assurer d'avoir les bons outils pour le monde du numérique. On craint, je pense, que les changements qu'on apporte pour s'adapter au numérique ne conviennent plus si le numérique change encore.
L'hon. John Harvard: J'imagine que la peur sera aussi grande dans 12 ou 18 mois, et l'inertie est donc inutile. Le gouvernement doit faire preuve de courage et agir parce qu'il n'aura pas le choix.
M. Richard Pfohl: Je suis d'accord avec vous. J'entends aussi les gens dire que nous devons attendre de voir ce qui va arriver. C'est ce que nous faisons...
L'hon. John Harvard: Depuis 10 ans.
Mr. Richard Pfohl: Oui, depuis 10 ans. On peut attendre, mais le monde va changer sans qu'on soit de la partie. C'est hélas ce que le Canada est en train de faire.
L'hon. John Harvard: Merci.
La présidente: Très rapidement, dans son exposé, la ministre—et je n'ai pas le texte devant les yeux—a semblé parler du régime de copie privée. J'ai cru comprendre qu'on avait un avis juridique là-dessus. N'est-ce pas ce qui expliquerait notre inertie?
M. Richard Pfohl: C'est une possibilité, à notre avis, mais personne ne va nous le dire. Nous croyons comprendre qu'un avis juridique a été présenté à un ou aux deux ministères. Nous croyons...et je vais être assez clair. Je m'avance peut-être, mais personne va nous le dire exactement. Nous pensons que l'avis juridique amène les ministères à croire que, pour mettre en oeuvre les traités, il faudrait changer notre régime de copie privée.
C'est ce qu'on craint depuis un certain temps. Dans le rapport sur l'article 92 qu'ils ont produit, les ministères demandent si le régime de copie pour usage privé devrait être modifié.
Pour vous donner un peu plus de détails que nécessaire probablement, on se demande si le traitement national pour ce qui est des droits des interprètes et des producteurs d'enregistrements sonores en matière de copie privée ne devrait pas être étendu. Actuellement, on perçoit une redevance qui est versée aux interprètes et aux producteurs d'enregistrements sonores canadiens. On se demande s'il faut envoyer une partie de cet argent à l'étranger si les traités de l'OMPI sont adoptés. Nous ne le croyons pas. En fait, nous faisons partie de la Société canadienne de perception de la copie privée, qui représente tous les organismes, interprètes, auteurs, compositeurs et producteurs d'enregistrements sonores qui perçoivent une partie de la redevance.
Pour répondre à la question posée par le gouvernement dans le rapport sur l'article 92, nous avons commandé une étude à l'une des spécialistes des traités de l'OMPI, la Dre Silke von Lewinski. Elle est membre de la délégation européenne des traités de l'OMPI, et c'est en fait elle qui a coécrit le document sur les traités de l'OMPI qui fait autorité. Nous lui avons demandé de nous dire si le Canada devrait, oui ou non, modifier son régime de copie privée pour ratifier les traités de l'OMPI. Elle nous a répondu catégoriquement qu'il n'avait pas à le faire.
Son point de vue a été présenté au comité. Il était annexé au mémoire de la SCPCP—la Société canadienne de perception de la copie privée—à propos du rapport sur l'article 92, en septembre 2003.
En fait, la Société canadienne a fourni deux documents rédigés par la Dre von Lewinski qui indiquent que, quelle que soit l'interprétation que l'on fait des traités de l'OMPI, le Canada n'aurait pas besoin de modifier son régime de copie privée. En réalité, aucun des pays qui a adopté les traités de l'OMPI et qui a un régime de copie privée—et ils sont assez nombreux—n'a jugé avoir besoin de modifier son régime.
Autant en théorie qu'en pratique, le Canada n'aurait rien à changer. Nous pensons que c'est clair. Il y a consensus là-dessus sur le plan international. Tous les experts internationaux s'entendent. À notre avis, l'opinion donnée aux ministères indique le contraire, à savoir que le Canada peut avoir besoin de modifier son régime de copie privée ce qui, comme vous le savez, est une question délicate. C'est ce qui peut, d'après nous, contribuer à l'inertie.
Monsieur Lincoln, cela répond peut-être plus précisément à votre question.
Je proposerais d'inviter des représentants de la Société canadienne de perception de la copie privée à venir vous expliquer pourquoi elle pense que ce n'est pas nécessaire, et vous devriez inviter de représentants du ministère à venir témoigner. S'ils ne veulent pas expliquer les opinions qu'ils ont fournies parce qu'elles seraient protégées par le secret ou pour une autre raison, ils devraient au moins nous dire ce qu'ils en pensent.
Il faut exposer les problèmes et en discuter. C'est ce que la Société canadienne de perception de la copie privée a essayé de faire quand nous avons présenté l'opinion de Mme von Lewinski au comité. Cela nous a coûté cher, mais nous avons payé son voyage en avion pour qu'elle vienne rencontrer le ministère. Nous essayons de faire connaître les problèmes pour trouver une solution. Mais vous savez, pour nous, reporter la ratification des traités le temps d'en arriver à un moyen terme à propos de l'article 92 parce qu'on a des craintes sur le sujet risque d'aboutir à dix autres années d'inertie, alors que ces questions doivent être réglées sans plus attendre.
¿ (0940)
Nous recommandons, dans un contexte de démocratie participative et de transparence, d'exposer les problèmes, d'en discuter et de les régler pour faire bouger les choses.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC): Merci. Je m'excuse d'être en retard ce matin. Je suis très heureux que vous ayez pu venir nous rencontrer aujourd'hui, et je suis désolé d'avoir manqué une bonne partie de votre témoignage.
Je suis nouveau au sein du comité et j'apprends beaucoup des questions que mes savants collègues posent. J'espère pouvoir aider à accélérer la mise en oeuvre des traités de l'OMPI. Il doit bien y avoir une solution au fait que les choses s'éternisent dans le cas de ces accords. J'espère pouvoir contribuer à la trouver.
Je vais laisser mon temps de parole à d'autres collègues mieux renseignés que moi, mais je tiens à vous remercier d'être venus ce matin et de tout ce que vous avez dit jusqu'ici.
M. Richard Pfohl: Merci.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Je vais revenir plus tard. Je pensais qu'il allait parler un peu plus longtemps et que j'aurais donc le temps de préparer une autre question.
[Traduction]
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Madame Lill.
Mme Wendy Lill: Je pense que nous progressons. Vous nous avez proposé d' inviter des gens à venir exposer les problèmes et en débattre de façon éclairée, pour que nous puissions faire avancer les choses.
Nous nous retrouvons devant tout un dilemme parce que le comité a affirmé résolument, dans un rapport sur lequel nous avons travaillé pendant deux ans, que les restrictions sur la propriété étrangère devraient rester ce qu'elles sont actuellement. Nous apprenons maintenant qu'on travaille en coulisse, sans que nous le sachions, et que des décisions sont prises. C'est révoltant pour nous parce que c'est ici que la plupart des décisions sur les sujets dont nous sommes saisis doivent être prises.
Jean-Paul Sartre a dit que choisir de ne pas choisir c'est encore faire un choix. Nous allons avoir une très grande influence sur le développement technologique de notre pays si nous ne faisons pas des choix bientôt.
J'ai seulement une question à vous poser. Vous avez parlé du traitement national sur les droits concernant la copie privée. Je me demande si c'est lié à l'ALENA. Pourriez-vous nous expliquer ce que cela veut dire?
¿ (0945)
M. Richard Pfohl: Oui. Ce que je comprends—et nous ne connaissons pas les avis secrets—c'est qu'il y a deux raisons pour lesquelles on peut penser que le Canada doit élargir le traitement national. Je dois d'abord vous dire que le traitement national signifie que le Canada est obligé d'offrir à tout autre pays signataire des traités le même traitement que celui qu'il assure à ses ressortissants. Si nous accordons une partie des redevances sur la copie privée aux créateurs et aux interprètes canadiens, il faudra aussi l'offrir aux créateurs et aux interprètes étrangers. Évidemment, notre voisin du Sud récolterait une bonne partie de l'argent avec la foule de produits culturels qui proviennent de ce pays et nos créateurs et interprètes en seraient privés. C'est ce qui soulève le problème.
On soutient que des dispositions dans le traité prévoient qu'il faut étendre la protection des droits d'exclusivité et accorder le traitement national. Les droits d'exclusivité signifient que vous exercez le contrôle sur votre droit d'auteur. Puis, Il y a des droits pour ce qui est de la rémunération, ce qui vous permet d'être payé. La copie privée est un droit à la rémunération. On ne peut pas contrôler quelqu'un qui fait une copie privée, mais on peut en tirer un peu d'argent.
Je pense que cette interprétation du traité est sans fondement. C'est la raison pour laquelle on estime que le Canada, s'il ratifiait les traités, devrait modifier son régime de copie privée.
Il y a une autre raison, plus complexe, dont je ne vais pas vous parler, mais j'espère que des spécialistes viendront vous expliquer cela en détail.
La présidente: Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln: J'essayais de me rafraîchir la mémoire. Je n'avais pas mes dossiers avec moi, et toute cette question suscite tellement de divergences. J'ai consulté nos attachés de recherche, qui m'ont rappelé que les gens qui s'opposaient à la ratification des traités de l'OMPI étaient les usagers des bibliothèques et les groupes à vocation éducative. Les opposants ont fait valoir que les États-Unis remettaient en question la ratification hâtive en raison des problèmes qu'elle aurait créés.
Les groupes qui se sont présentés devant nous ont laissé entendre que nous ne pouvions ratifier les traités sans y inclure des exceptions pour protéger leurs propres droits. Parmi ces groupes, il y avait un consortium sur le droit d'auteur du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Grâce au travail de notre attaché de recherche, je me souviens maintenant que Wanda Noel faisait partie de ces groupes. Comme vous le savez, elle était l'un des consultants qui se sont penchés sur le projet de loi C-32; elle est donc bien informée sur le droit d'auteur.
Je me demandais si vous pouviez nous dire... Par exemple, les Européens ont réfléchi longuement sur cette question par l'entremise du Conseil de l'Europe, du Parlement européen et des quinze pays membres eux-mêmes. Ils doivent faire face aux mêmes problèmes que nous. Que font-ils des objections, par ailleurs légitimes, des usagers des bibliothèques et du secteur de l'éducation? Comment pouvons-nous répondre à ces objections pour en arriver à un consensus et faire avancer le dossier?
Vous avez suggéré de les inviter à un débat. C'est ce que nous avons fait. Je me souviens de la force de leurs objections et comment les opinions étaient tranchées. Les deux camps ne semblent avoir aucun point en commun. À votre avis, comment pouvons-nous leur donner des exemples qui favoriseraient un rapprochement?
¿ (0950)
M. Richard Pfohl: C'est une bonne question, monsieur Lincoln. La principale objection concerne les mesures de protection techniques. Le traité dit essentiellement que vous avez le droit de protéger votre oeuvre à l'aide de la technologie pour qu'elle ne soit pas volée. Les bibliothèques, les éducateurs et autres disent ceci : comment allons-nous pouvoir accéder à une oeuvre si elle est protégée? Cette préoccupation est légitime.
En fait, nous abordons cette question dans la proposition de la Coalition sur le droit d'auteur. Je n'entrerai pas dans les détails, mais nous permettons le type d'usage que les bibliothèques peuvent faire des oeuvres tout en permettant aux auteurs de protéger leurs oeuvres contre le vol.
Dans ce contexte, je crois qu'il est toujours utile de faire des analogies avec le monde réel. Dans le monde réel, une bibliothèque peut avoir un certain accès à un livre, par exemple, mais elle n'a pas le droit d'aller chez Chapters, chez Indigo ou dans une librairie indépendante et de s'emparer tout simplement des livres. Il faut acheter les livres d'abord. De même, les mesures de protection techniques exigent qu'on achète le produit avant de l'utiliser et empêchent les gens de s'emparer tout simplement de ce produit. Cela signifie que les bibliothèques ne pourraient pas utiliser Internet et s'emparer des oeuvres écrites ou enregistrées ou autres, ce qu'elles n'ont pas le droit de faire non plus dans le monde réel.
Vous avez raison de dire que la Communauté européenne s'est penchée sur cette question, et je crois qu'elle en est arrivée à un bon texte. Nous pouvons également prendre l'exemple américain. Je crois que ces mêmes inquiétudes ont été soulevées aux États-Unis en 1998, lorsqu'ils ont adopté la loi et je ne crois pas que les grandes préoccupations aient jamais été justifiées. Lorsque j'assiste à des conférences et que les gens parlent des mesures de protection techniques et laissent entendre que ces mesures seront problématiques, les principaux exemples que l'on donne ont trait à des ouvre-portes de garage. Quelqu'un a tenté de protéger ces dispositifs en utilisant le même libellé. Toutefois, on n'entend pas parler des universitaires.
La U.S. Library of Congress a publié des rapports sur l'effet que la DMCA—la Digital Millennium Copyright Act, qui vise la mise en oeuvre des traités de l'OMPI aux États-Unis—a eu sur les groupes à vocation éducative et autres qui ont un droit d'accès dans certaines conditions, et ces rapports sont généralement favorables.
Il y a certains problèmes techniques à régler, et nous nous y sommes attaqués lorsque nous avons formulé la proposition de la Coalition sur le droit d'auteur en 2002. À mon avis, la meilleure façon de régler ces problèmes est de mettre un avant-projet de loi sur la table. Que chacun l'examine et le critique, et on verra alors s'il résiste à l'analyse ou non, s'il comporte réellement des difficultés. L'inaction n'est plus justifiée.
M. Clifford Lincoln: J'ai une dernière question. Vous avez maintenant cet avant-projet de loi, et il semble évident que le gouvernement le retarde et tergiverse en prétextant l'opposition des deux camps. Vous avez cet avant-projet de loi. Pouvez-me dire si votre coalition, qui est très vaste, a essayé de rencontrer le camp adverse pour étudier l'avant-projet de loi et tenter des rapprochements?
Les Européens ont réussi à trouver une solution. Ne croyez-vous pas que si nous amenons les deux camps ici, leurs idées pourraient converger et la même chose pourrait se produire? C'est un cercle vicieux, et le gouvernement en profite pour ne rien faire.
Pouvez-vous trouver un moyen de vous réunir avec des gens comme Wanda Noel, des gens intelligents et réputés, pour voir comment vous pourriez en venir à vous concilier sur cet avant-projet de loi? Le gouvernement aurait alors le dos au mur et n'aurait plus d'autre choix que de le ratifier.
M. Richard Pfohl: Voilà une bonne suggestion, monsieur Lincoln. Les groupes qui ont été touchés le plus directement sont les groupes comme Access Copyright, qui protègent les auteurs d'oeuvres écrites, parce que c'est ce qui est le plus important pour les bibliothèques. Les enregistrements sonores sont certes importants aussi, mais les écrits sont leur principale raison d'être. Je crois qu'ils ont tenu des discussions avec les groupes à vocation éducative pour faire avancer les choses. Nous aimerions certainement avoir de telles discussions.
Le gouvernement tient des consultations depuis environ huit ans et je crois qu'il a entendu le point de vue de toutes les parties concernées. Notre proposition est publique et a été présentée aux deux ministères il y a deux ans. Les propositions sont donc sur la table. Nous aimerions participer à un forum avec ces groupes. Comme je l'ai déjà dit, je crois que certains membres de la Coalition sur le droit d'auteur ont déjà fait des démarches pour se rapprocher d'eux, pour que toutes les parties concernées en arrivent à un projet législatif consensuel.
¿ (0955)
La présidente: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: C'est un peu dans ce sens que je voulais intervenir. Il est possible que la session soit un peu écourtée en raison du déclenchement d'une élection. Comment les membres du comité pourront-ils arriver à discuter d'un projet législatif? Pensez-vous que c'est faisable? Il ne nous reste que quelques semaines. Ce sont des travaux importants. Pensez-vous qu'en trois ou quatre rencontres, nous pourrons décider du sort de toutes les modifications législatives qu'il faudrait faire à la Loi sur le droit d'auteur? Même si vous essayez de convaincre les partis qui ont des réticences, pensez-vous que c'est réaliste?
[Traduction]
M. Richard Pfohl: Concernant votre première question sur ce qui doit être fait à court terme, je crois que ma réponse à la présidente est probablement la première étape. Nous devons débattre de la question de la copie privée et déterminer si le gouvernement croit qu'il s'agit d'un obstacle à la ratification parce que, à mon avis, cette question retarde l'ensemble du processus. Nous ne pouvons avoir de débat si nous ne savons pas quels sont les problèmes. Commençons donc par cerner les problèmes. Nous pourrons ensuite les régler.
Mardi dernier, la ministre a mentionné qu'elle allait fournir des lignes directrices au comité dans une semaine ou 10 jours. J'attends avec impatience ces lignes directrices. J'espère qu'ensuite, le gouvernement proposera un texte législatif, ou du moins des suggestions ou des idées, que nous pourrons examiner. Nous pourrons alors commencer à préciser ces problèmes de manière à tenir un dialogue signifiant.
À l'heure actuelle, notre dialogue a lieu dans l'abstrait. Il vaut mieux avoir quelque chose de concret devant nous pour voir si les éducateurs ou les utilisateurs sont vraiment désavantagés, au lieu d'avancer des hypothèses en disant qu'un projet de loi comme celui-là pourrait, dans certains cas, nuire aux utilisateurs.
Pareilles hypothèses ne sont pas utiles à nos membres. Elles ne sont pas utiles aux créateurs, ni à aucune des parties concernées, parce qu'elles nous font perdre du temps. Il faudrait parler de problèmes concrets. Le Canada doit avancer dans l'environnement numérique.
La présidente: Monsieur Castonguay.
[Français]
M. Jeannot Castonguay (Madawaska—Restigouche, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je suis également un nouveau membre de ce comité et j'essaie de saisir beaucoup de choses à la suite des questions intelligentes posées par mes brillants collègues.
Nous avons une lettre datée le 20 février, signée par vous, à laquelle on a joint un document qui parle d'une proposition. Dans ce document, je lisais qu'au printemps 2001, Patrimoine canadien et Industrie Canada avaient publié un document de consultation. Un peu plus loin dans le texte, on dit:
Six cent vingt-sixmémoires ont été reçus et postés. Cinq cent cinquante et un provenaient de particuliers,dont bon nombre apparemment à l’instigation de l’organisme populaire américain Electronic Frontier Foundation, qui s’oppose à ce que les règles du droit d’auteur s’appliquentà Internet. |
J'aimerais que vous me parliez de l'organisme Electronic Frontier Foundation qui, d'après ce que je lis ici, est un groupe important qui s'oppose à ce qu'on bouge. Est-ce que cet organisme a une influence au niveau de ministères autres que celui du Patrimoine canadien? Vous m'éclaireriez peut-être un petit peu si vous en parliez davantage.
À (1000)
[Traduction]
M. Richard Pfohl: L'organisme Electronic Frontier Foundation est un regroupement de gens ordinaires qui représente les intérêts des utilisateurs. C'est l'un des groupes dont M. Lincoln faisait mention. Vous êtes probablement tous au courant des campagnes où vous recevez 500 ou 1 000 lettres d'électeurs qui, fort étrangement, se ressemblent toutes. Je crois que ce groupement a entrepris une campagne semblable. Les utilisateurs font partie des intervenants à la table, et c'est simplement un des intérêts qui ont été représentés. Ce groupement a choisi de faire valoir sa position en demandant à des individus d'adresser des lettres ou des courriels, plutôt que d'adopter l'approche des autres organismes, c'est-à-dire de présenter une proposition pour l'ensemble des membres.
Je ne crois pas que ces chiffres devraient vous effrayer. Il est certain toutefois que les utilisateurs forment un groupe important et qu'il faut qu'ils soient traités équitablement dans l'environnement numérique comme dans l'environnement analogique. La proposition de la Coalition sur le droit d'auteur est dirigée dans ce sens et vise à aplanir les inquiétudes qui ont été soulevées.
Cette proposition, dois-je ajouter, a été rédigée après l'examen de toutes les présentations reçues par le gouvernement. Le gouvernement s'est engagé dans un certain nombre de processus. Nous les avons tous examinés. Nous avons examiné les lois adoptées aux États-Unis, en Europe et dans d'autres pays du monde. Le Canada a l'avantage de connaître ce que les gens veulent et d'avoir pu étudier ce qui a été adopté partout dans le monde. Je crois qu'il est temps d'agir.
La présidente: Vous dites qu'il faut débattre de la question de la copie privée. Vous dites qu'on se demande s'il faudrait accorder le traitement national relatif à la copie privée. Lorsque nous utilisons des expressions comme « traitement national », il y a aussi des réserves ou des exceptions de l'autre côté. S'il n'y a pas de problème, pourquoi ne pas prévoir une réserve ou une exception?
M. Richard Pfohl: Les traités ne prévoient aucune réserve. Lorsque vous les signez, vous acceptez toutes les exigences des traités.
La question est de savoir quelles sont les exigences des traités? Comme je l'ai mentionné, tous les experts mondiaux ont dit qu'en théorie, il n'est pas nécessaire d'élargir le traitement national concernant un régime de copie privée. En pratique, tous les pays qui ont ratifié les traités ou les ont mis en oeuvre jusqu'à maintenant n'ont pas jugé nécessaire d'élargir le traitement national. Je vais utiliser un exemple, en reprenant peut-être l'approche de M. Lincoln qui consiste à s'inspirer de ce que les Européens ont fait et d'examiner comment ils ont réglé les problèmes.
Les pays suivants ont adopté et mis en oeuvre des lois. Ils ont des régimes de copie privée, qu'ils n'ont pas modifiés pour permettre un traitement national. Ce sont l'Autriche, le Danemark, la France, l'Allemagne, la Grèce, les Pays-Bas et l'Italie. Tous ces pays ont d'une façon ou une autre un régime de copie privée, et ils n'ont pas senti la nécessité de le modifier. Par conséquent, je ne crois pas qu'il y ait de problème pour le Canada, ni en théorie ni en pratique.
La présidente: Dans votre document, vous faites mention de l'article 9, sur la durée de la protection des oeuvres photographiques, qui dit ceci : « En ce qui concerne les oeuvres photographiques, les Parties contractantes n'appliquent pas les dispositions du paragraphe 7(4) de la Convention de Berne. » N'est-ce pas une exception? Je crois que c'est pour cette raison que je suis perdue.
M. Richard Pfohl: Pouvez-vous me dire où se trouve cet article, madame la présidente?
La présidente: C'est à la page 3 de la proposition de mise en oeuvre du Traité de l'OMPI.
À (1005)
M. Richard Pfohl: Le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur prévoit en fait la modification de la Convention de Berne. Ce que vous lisez est le libellé du traité lui-même, qui dit que cette disposition de la Convention de Berne ne s'appliquera plus. Il s'agit donc d'une modification faite par les traités de l'OMPI à la Convention de Berne.
La présidente: Merci.
Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln: J'aimerais en revenir à l'Internet et aux réserves qu'ont exprimées certains groupes que j'ai rencontrés, selon lesquels il est impossible de contrôler l'Internet. Les créateurs, eux, refusent de baisser les bras, affirmant qu'il faut que le droit d'auteur s'y applique. Il vaut mieux selon eux attendre que toute cette question soit réglée avant de ratifier les traités de l'OMPI.
À votre avis, le fait que le CRTC ait adopté comme position que l'Internet ne devrait pas être réglementé—je sais qu'il est en train d'en refaire l'examen—affaiblit-il la cause de ceux qui aimeraient que le droit d'auteur s'applique à l'Internet?
M. Richard Pfohl: Je ne le crois pas. Ce que disait le CRTC en fait, c'est que les droits de diffusion existants, qu'il a l'habitude de faire respecter, ne s'appliquent pas forcément à l'Internet, c'est-à-dire qu'il faut se doter de règles propres à l'Internet, comme ce fut le cas au sujet des droits de retransmission. Voilà de quoi il est question dans les traités de l'OMPI. Donc, en fait, la position du CRTC renforce la nôtre.
Je suis heureux que vous ayez soulevé la question, parce que cette notion selon laquelle l'Internet est un territoire inconnu où il n'y a pas de règle est en train de tuer notre industrie. On croit avoir le droit d'aller sur l'Internet pour voler simplement notre musique et la distribuer à des millions d'étrangers, ce qui a un effet dévastateur. Notre chiffre d'affaires a baissé de 425 millions de dollars depuis 1999, c'est-à-dire de 30 p. 100, et l'industrie culturelle canadienne en souffre vraiment. Notre industrie a dû mettre à pied 20 p. 100 environ de son personnel. Il y a donc des centaines, voire des milliers de Canadiens sans travail actuellement parce qu'on croit que la loi ne s'applique pas à l'Internet.
Ce qu'il faut, c'est faire en sorte que la loi s'applique convenablement à l'Internet. Les traités de l'OMPI ont été rédigés après des années de consultations auprès des pays du monde entier, y compris du Canada, pour faire en sorte d'atteindre un juste milieu, c'est-à-dire que les lois sur l'Internet protègent à la fois les créateurs et les utilisateurs d'oeuvres de création dans le monde du numérique.
La présidente: Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Schellenberger.
M. Gary Schellenberger: M. Lincoln a dit tout à l'heure une chose qui me semble sensée. Si deux personnes n'arrivent pas à s'entendre, ce qu'il faudrait... Voici une salle très convenable. Ce serait bien d'y réunir les représentants des deux camps et de les empêcher d'en sortir jusqu'à ce qu'ils en soient arrivés à une entente. Ce n'est pas la première fois que je vois ce genre de situation. En tant que témoin, vous dites une chose, et un autre témoin nous donne un tout autre son de cloche. Dans le monde réel d'où je viens, ce genre de chose peut se produire. C'est ce que je proposerais comme solution.
La session sera peut-être courte. Ce serait bien d'avoir les deux et, que le comité soit là ou pas... Les deux parties seraient présentes, et nous les laisserions s'affronter et vider la question, en deux ou trois séances. J'estime que nous pourrions dégager un consensus et accoucher d'un document qui pourrait être présenté. Voilà ce que j'aimerais.
Je sais que je suis nouveau, mais c'est ainsi que je m'y prendrais.
Je vous remercie.
M. Richard Pfohl: Monsieur Schellenberger, nous serions ravis de pouvoir nous asseoir et discuter de ces questions. Par contre, pour faciliter ces discussions, il serait logique d'avoir sur la table une proposition de départ. Nous en avons de toute évidence présenté une à votre comité; elle pourrait servir de point de départ ou il serait peut-être encore plus logique de commencer par... Je crois savoir que les deux ministères cherchent par tous les moyens à produire des documents. Il serait donc peut-être sensé de commencer par examiner ces documents. Nous ferions certes bon accueil à toute occasion qui nous permettrait de le faire.
La présidente: Monsieur Bonwick.
L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, madame la présidente.
Je vous prie d'excuser mon retard. Je viens tout juste de quitter la DRH où le ministre était en train de faire une présentation. Donc, si je pose des questions qui ont déjà été posées, je vous demanderais d'être indulgents.
La question soulève beaucoup de conflits. J'admire l'approche de M. Schellenberger qui préconise la coopération plutôt que de simplement réagir. Toutefois, la ratification du traité de l'OMPI provoque beaucoup de tapage à l'égard de certains points. Une des questions repérées au cours des derniers jours est de savoir si le régime de copie pour usage privé a un impact négatif sur le processus de ratification. Nous avons demandé aussi récemment que mardi dernier à la ministre du Patrimoine canadien de nous donner son avis juridique quant à la façon dont le régime s'applique au processus de ratification de l'OMPI, et je précise officiellement que nous l'avons également demandé au ministre de l'Industrie . Nous souhaitons avoir leur avis avant de nous engager dans ce débat.
Étant donné que nous avons été incapables jusqu'ici d'obtenir ces opinions du ministère de l'Industrie et de celui du Patrimoine, je vous demande, à vous, si vous avez une opinion quant à la façon dont cela s'applique?
À (1010)
M. Richard Pfohl: Oui, et j'en ai en réalité parlé tout à l'heure.
L'hon. Paul Bonwick: Mes excuses, mais pourriez-vous répéter ces propos? Il est probable que je n'aurais rien compris de toute façon la première fois. Vous pouvez peut-être faire preuve d'un peu d'indulgence à mon égard.
M. Richard Pfohl: Je vous en donne l'abc.
À notre avis, toute préoccupation selon laquelle il faudrait que le Canada modifie son régime de copie pour usage privé avant de ratifier les traités est sans fondement, et nous avons la conviction qu'il s'agit-là d'un point sur lequel s'entendent les experts du monde entier. Plusieurs raisons différentes ont été avancées pour expliquer pourquoi il faudrait que le Canada le fasse. Nous ne croyons tout simplement pas que ces raisons pourraient vraiment résister à un examen.
L'hon. Paul Bonwick: À nouveau, en ce qui concerne particulièrement ce thème, l'autre point au sujet duquel j'aimerais connaître vos observations est celui-ci. Supposons pour un instant que vous êtes dans le tort, tout comme la communauté internationale. En ce sens, si nous étions dans l'erreur et que quelqu'un souhaitait contester notre régime, sur quelle tribune le ferait-il ou à qui s'opposerait-il? Je ne crois pas qu'on puisse s'adresser à un tribunal international ni à l'OMC. Je suis donc curieux : quel tribunal mondial se prononcerait au sujet d'une pareille question si, en fait, nous décidions de ne pas appuyer nos créateurs?
M. Richard Pfohl: Vous posez-là une excellente question, car il n'existe pas de véritable tribunal mondial auquel on pourrait s'adresser. Dans les faits par conséquent, nul ne va demander des comptes au Canada ou l'obliger à changer ses lois s'il signait le traité.
Voilà qui pourrait expliquer en partie pourquoi aucun des pays qui ont des régimes de copie pour usage privé—ils sont nombreux—et qui ont ratifié le traité de l'OMPI n'ont jugé nécessaire jusqu'ici de modifier le régime existant afin d'élargir le traitement national. Bref, ce serait sans conséquence pour le Canada.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Tout à l'heure, vous avez dit que nous étions en retard par rapport à d'autres pays qui avaient ratifié les traités. Il y en a qui sont en train de réfléchir pour rassembler tout le monde. Quel retard accusons-nous par rapport aux démarches faites par d'autres pays? Pourquoi sommes-nous si en retard par rapport à l'ensemble des pays européens, qui sont en train de voir comment ils peuvent ratifier les traités par l'entremise de la Communauté européenne? Savez-vous où nous nous situons dans l'ensemble des pays qui sont interpellés? Nous sommes peut-être en retard, mais je vois que d'autres pays sont en train de réfléchir. Je crois que cela implique des modifications à notre Loi sur le droit d'auteur, mais vous dites que nous ne sommes pas obligés de faire certains changements législatifs pour les ratifier.
[Traduction]
M. Richard Pfohl: Que voilà de bonnes questions! Tel que je l'ai dit dans les échanges que j'ai eus tout à l'heure avec M. Lincoln, la véritable raison selon moi est la crainte du changement. Si vous remontez dans le temps, vous vous rendrez compte que chaque fois que nous modifions notre Loi sur le droit d'auteur, le processus est long et tortueux. Donc, quand il est question par exemple, dans le rapport produit en vertu de l'article 92, de questions à régler à court, à moyen et à long terme, nous voyons les questions à régler à court terme comme celles que nous pourrions peut-être régler au cours de la prochaine décennie, le moyen terme comme relevant peut-être, peut-être pas, du domaine des possibilités et le long terme comme n'étant pas du tout à l'horizon. C'est la façon dont cela semble fonctionner, en règle générale.
Quant à la position du Canada par rapport aux autres pays, elle est troublante puisque nous avons créé une grande partie de cette technologie et que nous l'avons adaptée plus rapidement que la plupart des autres. Nous sommes, par habitant, des leaders en terme d'utilisation de l'Internet, du degré de pénétration de l'Internet et de l'infrastructure en place. Même si notre pays est vaste et que nous disposons des outils pour utiliser l'Internet, quand vient le temps pour nos créateurs de diffuser leurs oeuvres sur l'Internet, nous ne leur offrons aucune protection. Donc, en ce qui concerne notre rang par rapport aux autres pays, il faut tenir compte de la place que devrait occuper le Canada. Il devrait s'être imposé comme leader, plutôt que d'être à la remorque des autres.
À (1015)
La présidente: C'est maintenant au tour de M. Lincoln.
M. Clifford Lincoln: Monsieur Pfohl, M. Bonwick nous avait présenté un texte de motion visant à demander au ministère de présenter une ébauche d'ici le 16 février, mais en raison de la prorogation et de tout le reste, la motion est restée lettre morte. Toutefois, le ministère, qui suit de près nos travaux, travaille probablement déjà à une ébauche de toute façon.
Nous avons ici votre ébauche. En termes pratiques, en tant qu'avocat spécialisé dans le domaine, comment concevez-vous de faire concorder une ébauche de cette nature avec celle que les ministères ont déjà rédigée et, en termes pratiques et réalistes, avec quelle rapidité croyez-vous qu'on peut s'entendre sur une ébauche, si tous s'y mettent—le comité, votre coalition et les ministères—de manière à rallier les opposants et de pouvoir en arriver à une solution? Comment l'imaginez-vous? Le processus est-il si avancé que nous puissions envisager avec réalisme de voir la lumière au bout du tunnel dans six mois ou un an? Combien de temps selon vous?
M. Richard Pfohl: Monsieur Lincoln, il faut d'abord que j'exprime certaines réserves. Si je me prétends expert, je vais probablement avoir le Barreau sur le dos. Disons simplement que je suis un avocat qui s'intéresse à la question.
M. Clifford Lincoln: Nous allons vous qualifier d'expert. Oubliez le Barreau.
M. Richard Pfohl: En ce qui concerne la rapidité avec laquelle nous pourrions avoir une loi, les ministères ont tous deux notre proposition en main depuis deux ans maintenant. Avec un peu de chance, ils ont eu le temps d'en assimiler les idées et de les intégrer à l'ébauche à laquelle ils travaillent.
Quant à essayer de prévoir quand nous pourrions avoir une ébauche de loi, c'est difficile à faire. C'est un peu comme se rapprocher de la ligne d'horizon : dès que vous en êtes près, elle semble reculer. On entend constamment parler de délais de six mois—de six mois en six mois.
J'ignore quand une loi pourrait voir le jour. J'ose espérer que l'ébauche est prête... Il se peut que les ministères la présentent et qu'ils disent : « Voici des points que nous n'avons pas encore réglés. Nous avons trois options. Les voici. Que devrions-nous faire? ». Voilà un rôle que pourrait assumer le comité, soit d'essayer, de concert avec les ministères, de régler ces questions.
Toutefois, il faut présenter les options et commencer à s'y attaquer plutôt que de se cantonner dans un monde hypothétique, comme nous le faisons depuis 1997.
L'hon. Paul Bonwick: Je crois qu'il existe un consensus au sein du comité. Il s'agit d'une des rares questions dont est saisi le Parlement sur laquelle tous les partis semblent s'entendre, au sujet de laquelle tous les membres du comité souhaitent aller de l'avant, pour laquelle nous avons publiquement identifié ce à quoi s'attend le comité, au sujet de laquelle tous les intéressés se prononcent en termes favorables ou, à tout le moins, souhaitent conserver des éléments de solution.
Le comité reconnaît que les créateurs du Canada doivent affronter des difficultés uniques que n'ont pas les créateurs d'autres régions. La taille de notre marché est certes un facteur. Nous reconnaissons que les créateurs canadiens perdent des centaines de millions de dollars chaque année et nous reconnaissons le fait que nous pouvons changer les règles et redresser la situation très rapidement.
Il vaudrait mieux que M. Lincoln adresse la question au comité, plutôt que de vous demander à quel point nous pouvons le faire rapidement. Selon moi, c'est à nous en réalité d'en décider : avec quelle rapidité allons-nous exiger que le comité traite de la question?
Le niveau de coopération—la présentation de l'olivier, pour ainsi dire—s'amenuise rapidement. Il est grand temps que le comité adopte une attitude très progressive et dure à l'égard des ministères, qu'il exige l'information dès maintenant de manière à pouvoir régler le problème une fois pour toutes.
Ce que j'ai dit est destiné à mes collègues du comité, plutôt que pour connaître votre opinion. Toutefois, si vous avez quelque chose à dire, vos propos seront les bienvenus.
À (1020)
M. Richard Pfohl: Comme vous êtes arrivé en retard, vous ne m'avez probablement pas entendu faire l'éloge du comité pour avoir vraiment poussé les ministères à bouger dans ce dossier. Je sais que vous en avez été un des premiers instigateurs. Je tiens donc à vous remercier d'avoir pris l'initiative.
La présidente: Monsieur Pfohl, je vous remercie. Je sais qu'une journée très chargée vous attend. Je vous remercie d'avoir pris la peine de venir de Toronto pour nous rencontrer, ce matin.
La séance est levée.