HUMA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 mai 2004
¿ | 0905 |
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)) |
Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
La présidente |
M. Rick Audas (professeur adjoint, Division of Community Health, Université Memorial de Terre-Neuve) |
¿ | 0925 |
La présidente |
Mme Carole Vincent (associée principale de recherche, Société de recherche sociale appliquée) |
La présidente |
Mme Carole Vincent |
¿ | 0930 |
La présidente |
Mme Alice Nakamura (professeur, Département des finances et science de la gestion, University of Alberta School of Business) |
¿ | 0935 |
M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ) |
La présidente |
Mme Alice Nakamura |
¿ | 0940 |
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD) |
La présidente |
M. Yvon Godin |
La présidente |
M. Yvon Godin |
La présidente |
Mme Alice Nakamura |
¿ | 0945 |
La présidente |
M. David Gray (professeur agrégé, Département de science économique, Université d'Ottawa) |
¿ | 0950 |
¿ | 0955 |
La présidente |
M. David Gray |
La présidente |
M. Marcel Gagnon |
À | 1000 |
M. David Gray |
À | 1005 |
La présidente |
M. David Gray |
M. Marcel Gagnon |
Mme Carole Vincent |
M. Marcel Gagnon |
Mme Carole Vincent |
M. Marcel Gagnon |
À | 1010 |
Mme Carole Vincent |
M. Marcel Gagnon |
Mme Carole Vincent |
M. Marcel Gagnon |
Mme Carole Vincent |
Mme Judith Maxwell |
M. Marcel Gagnon |
Mme Judith Maxwell |
M. Marcel Gagnon |
Mme Judith Maxwell |
La présidente |
Mme Carole Vincent |
À | 1015 |
M. Marcel Gagnon |
La présidente |
M. Rick Audas |
La présidente |
Mme Alice Nakamura |
À | 1020 |
La présidente |
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.) |
À | 1025 |
Mme Alice Nakamura |
M. Eugène Bellemare |
Mme Judith Maxwell |
À | 1030 |
La présidente |
M. David Gray |
À | 1035 |
La présidente |
M. Rick Audas |
La présidente |
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.) |
M. Marcel Gagnon |
La présidente |
Mme Yolande Thibeault |
À | 1040 |
Mme Judith Maxwell |
À | 1045 |
La présidente |
Mme Carole Vincent |
La présidente |
Mme Alice Nakamura |
À | 1050 |
La présidente |
M. Marcel Gagnon |
À | 1055 |
La présidente |
Mme Carole Vincent |
Á | 1100 |
La présidente |
Mme Judith Maxwell |
La présidente |
M. Rick Audas |
La présidente |
Mme Alice Nakamura |
La présidente |
M. David Gray |
Á | 1105 |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées |
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l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
La présidente (Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. Bienvenue à la 11e séance du Comité permanent du développement des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
Nous poursuivons ce matin notre étude du projet de loi C-2. Nous avons effectué une étude en profondeur du projet de loi C-2 après l'adoption de cette mesure, et nous envisageons d'autres propositions visant à modifier l'assurance-emploi.
Nous allons entendre plusieurs témoins aujourd'hui. Je vais d'abord céder la parole à Judith Maxwell, présidente des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques.
Bienvenue au comité. Vous avez déjà été des nôtres, vous savez donc que vous allez nous donner un bref exposé, qui sera suivi par des questions. Bonjour, madame Maxwell, et bienvenue.
Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques): Merci beaucoup, et merci pour cette aimable invitation.
[Français]
Mesdames, messieurs, je vais faire mes remarques en anglais, mais je pourrai répondre à vos questions en français.
[Traduction]
Ayant pris le comité au mot ce matin, mes propos iront au-delà de l'assurance-emploi, peut-être même au-delà du mandat de votre comité. Sachant que les élections sont proches et que vous aurez un nouveau mandat, il me semble que le moment est venu, dans le cycle politique où nous nous trouvons, d'épouser des idées nouvelles dont la portée est plus vaste.
Je ne crois pas que l'assurance-emploi soit le programme dont les Canadiens ont besoin au XXIe siècle. Je pense qu'il vise à atténuer les risques sociaux que nous avons connus après la guerre, qui étaient essentiellement le chômage cyclique et saisonnier, et qu'il n'est pas adapté aux risques sociaux avec lesquels les Canadiens sont aux prises aujourd'hui dans le quotidien. Il s'agit de nouveaux risques sociaux issus de phénomènes comme la concurrence mondiale, les pressions qui visent à réduire le coût des salaires, le passage à l'économie de service, les nouvelles technologies, les nouveaux rôles familiaux et les compressions dans les services publics.
Les conséquences de ces changements pour l'économie mondiale et notre société nous conduisent à des risques particuliers que les Canadiens n'avaient pas connus au cours des récentes années. La première, c'est la naissance d'une économie à bas salaires. On trouvera curieux qu'un pays aussi riche que le Canada puisse être considéré comme une économie à bas salaires, mais j'y reviendrai dans un instant.
Le deuxième risque social, c'est l'insécurité dans les rapports professionnels. On pense au travail à temps partiel, au travail temporaire, occasionnel, et au travail autonome. Depuis le milieu des années 70, ces phénomènes en sont venus, lentement et graduellement, à absorber une minorité très importante de nos travailleurs, qui se situe entre un tiers et 45 p. 100 de la main-d'oeuvre. L'emploi précaire est l'oeuvre des employeurs tant du secteur public que privé, c'est donc un phénomène endémique dans notre société.
Troisièmement, les bons emplois exigent de plus en plus des qualifications, donc si vous voulez bien gagner votre vie, vous êtes obligés de faire des déboursés très importants.
Enfin, le chômage est toujours présent, mais il est surtout structurel et saisonnier. Le chômage n'est presque plus cyclique, c'était là un phénomène propre à l'après-guerre.
On voit maintenant l'importance que prennent ces nouveaux risques pour une part importante de la population. Nous avons dans notre pays deux millions d'adultes qui travaillent pour moins de 10 $ l'heure. S'ils travaillent à plein temps, toute l'année, cela veut dire qu'ils travaillent pour moins de 21 000 $ par année. Un particulier peut survivre avec cela, mais s'il s'agit d'une famille de deux ou trois personnes, particulièrement une famille qui vit dans une ville où le logement coûte cher, le travailleur aura beaucoup de mal à joindre les deux bouts avec un tel salaire.
Deuxièmement, 2,4 millions de travailleurs sont maintenant des travailleurs indépendants. Dans cette catégorie, plus de 50 p. 100 sont ce qu'on appelle des travailleurs « à leur propre compte »—qui sont largement laissés à eux-mêmes. Leur revenu moyen n'était que de 16 000 $ par tête lorsque nous avons pris connaissance des dernières... les données les plus récentes que j'ai sont celles de 1997, parce qu'il faut fouiller longtemps pour en obtenir. Donc, oui, cette proportion a peut-être augmenté quelque peu depuis 1997, mais le fait est que les travailleurs à faible salaire n'exercent pas une grande influence sur le marché du travail.
Troisièmement, le salaire minimum réel baisse. Il a baissé dans une proportion se situant entre 15 et 25 p. 100 depuis 1975, selon la province où vous vivez. En conséquence, un très grand nombre de particuliers dépendent des oeuvres philanthropiques—on songe aux banques alimentaires, aux mendiants, aux sans-abri, etc.—parce que le filet de sécurité sociale du secteur public ne s'occupe pas de ces gens, et il y a une très forte demande qui n'est pas comblée pour les logements à bas prix, abordables, pour ces personnes qui travaillent et font de leur mieux pour joindre les deux bouts mais qui n'y arrivent pas à cause de la cherté des loyers dont nous sommes témoins non seulement dans nos grandes villes mais aussi dans bon nombre de nos petites localités.
¿ (0910)
Voyons l'envers des choses maintenant et portons nos regards sur les gens. Ils n'ont aucun accès à la formation s'ils ont un emploi, parce qu'ils n'ont pas droit aux prestations de la partie 2 s'ils ont un travail, et c'est faire un sacrifice énorme que de quitter son emploi pour se qualifier. De même, les prestations de la partie 2 ne s'étendent pas aux marginalisés, aux nouveaux venus dans notre pays, aux personnes handicapées et à d'autres.
Deuxièmement, étant donné que les deux parents travaillent aujourd'hui, ou alors dans le cas des familles monoparentales, que le parent seul est maintenant obligé de travailler, il n'y a personne à la maison pour s'occuper des enfants ou des adultes qui ont besoin de soins, et nos services de garde et de soins à domicile ne sont pas assez bien structurés pour prendre le relais lorsque tous ces gens doivent partir travailler.
Une proportion très élevée de ces travailleurs n'ont pas accès à des prestations complémentaires qui leur permettraient d'acheter des médicaments d'ordonnance, d'aller chez le dentiste, soit toutes ces assurances qui constituent un pilier de stabilité dans la vie de la plupart d'entre nous.
Et enfin, comme je l'ai dit plus tôt, ces personnes n'ont pas les moyens d'être bien logés.
Bref, madame la présidente, le problème, de nos jours, ce n'est plus le chômage; le problème, c'est l'emploi insuffisamment rémunéré et l'insuffisance des services communautaires et publics qui devraient soutenir les travailleurs à faible salaire.
Il y a des millions de Canadiens qui n'ont pas droit à une deuxième chance. S'il vous arrive un coup dur ou si vous commettez une erreur, comme laisser l'école ou quitter votre emploi, ou si vous n'investissez pas dans votre scolarité, vous aurez énormément de mal à intégrer le marché du travail parce que l'État ne subventionnera pas l'acquisition d'une nouvelle formation ou ne vous donnera pas une deuxième chance chez un employeur. Une seule erreur, et la partie est finie.
C'est ainsi que je décris le problème, mais je devais m'en tenir à cinq minutes. J'ai aussi des correctifs à proposer, mais si vous le voulez, je peux m'arrêter ici.
La présidente: Poursuivez.
Mme Judith Maxwell: Donc, que faire? Il est évident que nous avons encore besoin des prestations de la partie 1 pour les travailleurs temporaires et saisonniers, mais au-delà de la partie 2, il me semble que c'est une conception entièrement nouvelle de la politique sociale qu'il nous faut, fondée sur de nouveaux buts, de nouveaux principes et une réflexion nouvelle sur les besoins des Canadiens, ainsi qu'un nouvel ensemble de politiques qui dépassera largement la définition classique d'une politique propre au marché du travail.
Il se fait des tas de travaux cette année aux Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques qui nous conduiront vers des recommandations plus précises que celles que je peux vous donner ce matin, mais ce qui est sûr, c'est que les employeurs, les gouvernements et probablement les gens aussi, doivent modifier leur comportement.
Les employeurs du Canada se sont laissé enfermer dans une logique bas salaires, productivité faible. Ils ont besoin d'incitatifs pour créer de bons emplois. Et d'après ce que nous savons des études de cas où les employeurs sont obligés de verser des salaires supérieurs aux salaires de misère, si je peux dire, la productivité s'améliore et nous devons y voir à mon avis une proposition gagnante tant pour l'employeur que pour l'employé.
Deuxièmement, les gouvernements doivent rééquilibrer l'ensemble de leurs politiques. Nous avons enfin le supplément du revenu pour les familles qui ont des enfants, mais nous n'avons rien de tel pour ces autres adultes qui n'ont pas d'enfants.
Nous devons fournir davantage de services sociaux, particulièrement le logement abordable, la garde d'enfants et les soins à domicile, ou nous devons aider l'un des parents à rester à la maison.
Nous devons songer à modifier le salaire minimum, et nous devons créer un nouveau mécanisme donnant droit à des prestations supplémentaires afin que l'accès aux médicaments d'ordonnance et ce genre de choses ne soit pas lié au genre de travail que vous faites. Cela doit être lié à vos droits en tant que citoyens, cela doit être plus universel, ou il faut que les gouvernements trouvent une autre base pour offrir ces prestations.
¿ (0915)
Je crois pour ma part qu'on a tort de faire un lien entre ces programmes nouveaux et importants qu'on vient de créer, comme le congé parental et le congé pour raison familiale, et le statut professionnel parce qu'il y a trop de gens qui n'y ont pas droit.
Je crois que nous devons nous poser quelques questions essentielles. Tout d'abord, le Canada veut-il devenir un pays à forte productivité et à salaires élevés, et que doivent faire les gouvernements pour nous mettre sur cette voie nouvelle?
Nous pouvons poser des hypothèses. On peut dire que les bas salaires ne sont peut-être pas une mauvaise chose si nous arrivons sans mal à fournir des logements abordables, des services de garde et des soins à domicile, de telle sorte qu'un bas salaire suffise à avoir un niveau de vie décent.
Ce sont là deux perspectives différentes qui engagent notre avenir.
Enfin, madame la présidente, portons notre regard sur l'avenir, songeons que d'ici environ 10 ans, le vieillissement de la population, nous disent la plupart des sages, va créer des pénuries de main-d'oeuvre qualifiée encore plus prononcées que celles que nous connaissons aujourd'hui. Le passé récent nous a appris que lorsqu'on manque de travailleurs et que le chômage baisse, les employeurs commencent à se conduire différemment.
Voyez les innovations que les hôteliers américains ont dû apporter vers la fin des années 1980 lorsqu'ils avaient beaucoup de mal à trouver des travailleurs pour leurs emplois exigeant peu de qualifications. C'est un exemple de ce que les employeurs peuvent faire même dans un système où rien ne les oblige à agir.
Deuxièmement, en Alberta, dans la première partie de cette décennie-ci où l'on a manqué cruellement de travailleurs, l'industrie de la vente au détail a commencé à modifier son comportement au niveau des programmes de recrutement, de la rétention et de la valorisation professionnelle, initiatives qui ont dépassé de loin tout ce à quoi on s'attendrait normalement dans ce secteur.
En résumé, le nouveau défi qui s'impose aux gouvernants consiste à renforcer ces nouvelles pressions sur le marché, qui sont susceptibles en même temps de raréfier la main-d'oeuvre et les compétences, et à trouver le meilleur train de mesures pour le marché du travail et notre politique sociale de manière générale.
Merci, madame la présidente.
¿ (0920)
La présidente: Merci beaucoup.
Notre témoin suivant nous vient de l'Université Memorial de Terre-Neuve. Rick Audas est professeur adjoint au département de santé communautaire.
Bienvenue, Rick.
M. Rick Audas (professeur adjoint, Division of Community Health, Université Memorial de Terre-Neuve): Je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre.
L'assurance-emploi est importante pour les familles. C'est un revenu de soutien important pour les travailleurs canadiens et leur famille lorsque les temps sont vraiment durs. C'est ce qui permet aux familles de continuer une vie normale pendant des périodes qui peuvent être exceptionnellement difficiles. Mes travaux ont démontré que les jeunes dont la famille est frappée par le chômage ont tendance à faire de meilleurs choix de carrière si leurs parents sont bénéficiaires de l'assurance-emploi. D'autres auteurs ont démontré que ces familles ont tendance à être en meilleure santé et à rester unies.
L'assurance-emploi est importante pour les collectivités. Dans de nombreuses régions du pays, particulièrement dans le Canada Atlantique d'où je suis, l'assurance-emploi joue un rôle essentiel dans la viabilité des collectivités, et un grand nombre d'entre elles cesseraient d'exister sans elle.
L'assurance-emploi n'incite pas à l'adaptation au marché du travail. On a prouvé qu'un programme d'assurance-emploi généreux crée un cycle de dépendance et décourage les particuliers d'entreprendre les démarches importantes qui leur permettront de s'ajuster au marché du travail et de réaliser tout leur potentiel.
C'est le paradoxe qui attend les réformateurs de l'assurance-emploi. Celle-ci doit, d'une part, assurer un revenu de soutien nécessaire à ceux qui sont dans le besoin, et d'autre part, ne pas créer des incitatifs qui inhibent l'adaptation nécessaire au marché du travail. Sous sa forme actuelle, l'assurance-emploi ne peut pas résoudre ce paradoxe.
Les Canadiens ont besoin d'un système d'assurance-emploi comportant des volets multiples, dont l'un doit être fondé sur l'assurance et s'inspirer des bons principes de l'assurance, et cela comprend les primes personnalisées. L'assurance-emploi doit mieux tenir compte des volets multiples où elle est utilisée. Elle doit être beaucoup plus souple au niveau des exigences qui y donnent droit et de la générosité pour les prestataires, tenir compte non seulement des conditions locales du marché du travail mais aussi des circonstances familiales et professionnelles.
Une assurance-emploi idéale offrira un soutien du revenu généreux aux personnes qui en sont à une étape de leur vie où il n'est pas pratique pour eux de changer complètement de carrière, et elle doit assurer aux familles de ces travailleurs des ressources financières suffisantes pour faire les bons choix de scolarité et de carrière.
Inversement, l'assurance-emploi doit être moins généreuse et moins accessible à ceux qui sont davantage en mesure d'opérer une adaptation radicale au marché du travail, que ce soit par l'entremise de la formation ou des programmes d'emplois, par la migration ou un changement de carrière.
On peut rendre l'assurance-emploi plus généreuse envers les chômeurs en élargissant le droit au supplément familial, particulièrement pour les personnes monoparentales dont on sait qu'elles ont du mal à s'adapter au marché du travail et dont les enfants sont particulièrement vulnérables à un cycle de dépendance.
L'assurance-emploi doit être généreuse envers les travailleurs qui ont donné toute leur vie à des emplois qui sont devenus désuets et pour qui un changement de carrière n'est pas réalisable.
Les familles qui sont dans une position particulièrement vulnérable doivent être traitées avec compassion. On pourrait ainsi abaisser les exigences ouvrant droit à l'assurance-emploi, ou réduire le nombre d'heures nécessaire pour y avoir droit, ou abaisser ou supprimer les dispositions visant les nouveaux chômeurs ou les prestataires récidivistes.
L'assurance-emploi doit être plus sévère envers ceux qui peuvent s'adapter au marché du travail. Les jeunes Canadiens, et particulièrement ceux qui n'ont personne à leur charge, verraient leurs prestations liées à une participation à des activités leur offrant une meilleure carrière. Ces approches ont été mises en oeuvre dans de nombreux pays européens, et elles obligent généralement les jeunes à se doter d'un plan qui préviendra les cycles de chômage de longue durée.
Le but ultime de l'assurance-emploi consiste à assurer une aide financière à ceux qui sont dans le besoin, mais elle ne doit pas créer de désincitatifs au travail ou à la participation au marché du travail.
Les jeunes Canadiens en particulier en sont à une étape critique de leur carrière, et il faut réformer l'assurance-chômage de telle manière à supprimer les désincitatifs au travail. Ces personnes doivent être actives sur le marché du travail, soit par le travail ou l'acquisition d'une scolarité, et l'assurance-emploi ne doit pas créer d'obstacles à l'un ou à l'autre. Les années de formation dans la carrière d'une jeune personne sont trop importantes pour qu'on leur permette de toucher des prestations d'assurance-emploi pendant de longues périodes et de ne rien faire d'autre.
Une assurance-emploi qui fait du travail saisonnier une option attrayante pour les jeunes Canadiens et le marché du travail risque fort de reproduire le cycle de dépendance que nous avons vu émerger au cours des 30 dernières années. L'assurance-emploi ne doit pas créer d'incitatifs qui perpétuerait ce cycle. Ces jeunes travailleurs sont trop importants pour l'avenir de leur collectivité et du pays. L'assurance-emploi doit travailler de concert avec les autres instances gouvernementales pour renforcer les capacités, et ce, par l'adjonction de compétences et la création de débouchés dans des régions du pays qui, historiquement, en dépendaient le plus.
Ce qu'il faut, c'est une approche à volets multiples qui assure le minimum mais qui se montre plus généreuse envers ceux qui sont les plus dans le besoin et ceux qui sont les plus susceptibles d'en profiter. Nous devons offrir des cheminements alternatifs de telle sorte que les gens puissent réaliser tout leur potentiel et constituer un apport pour leur collectivité.
Merci.
¿ (0925)
La présidente: Nous allons maintenant entendre Carole Vincent, associée principale de recherche, Société de recherche social appliquée.
Merci et bienvenue.
[Français]
Mme Carole Vincent (associée principale de recherche, Société de recherche sociale appliquée): Je voudrais d'abord remercier le comité de m'avoir invitée.
La Société de recherche sociale appliquée est un organisme privé de recherche sans but lucratif et a été créée expressément pour élaborer, mettre à l'essai et évaluer des programmes sociaux. Notre mission est d'aider les décideurs en matière de politique publique à mettre en place des politiques et programmes sociaux qui puissent améliorer le bien-être des Canadiens, mais surtout le bien-être des personnes défavorisées. L'autre volet de notre mission est de hausser les critères en matière d'évaluation de ces politiques et programmes sociaux.
Depuis 10 ans, nous avons élaboré un vaste programme de recherche qui vise à mieux connaître et mieux comprendre le recours à l'assurance-emploi en analysant les liens entre le programme d'assurance-emploi, le marché du travail, le comportement des travailleurs, de leurs familles et des entreprises qui les embauchent.
De nos plus récentes recherches dans le domaine, nous pouvons tirer trois grandes conclusions.
D'abord, le régime d'assurance-emploi reflète mal les réalités du marché du travail d'aujourd'hui, marché où un nombre croissant de Canadiens et surtout de Canadiennes occupent un emploi à temps partiel ou temporaire.
Deuxièmement, alors que l'objectif du programme est de fournir un soutien temporaire aux travailleurs qui perdent leur emploi, les règles du programme reflètent souvent mal cet objectif. Les circonstances particulières vécues par les travailleurs font en sorte qu'ils ont une expérience différente du programme d'assurance-emploi. D'une part, il y a des travailleurs qui ont recours au programme d'assurance-emploi de façon récurrente, notamment parce que les règles du programme les dissuadent de chercher ou d'obtenir un emploi à l'année; ce sont surtout des travailleurs qui sont défavorisés en termes de compétences, de niveau de scolarité et d'occasions d'emploi. Par ailleurs, il y a d'autres travailleurs qui ne réussissent jamais à se qualifier pour des prestations d'assurance-emploi à cause de leurs circonstances particulières, qui font en sorte qu'ils ne réussissent pas à accumuler assez d'heures pour se qualifier aux prestations, parce qu'ils ont des responsabilités familiales ou encore un handicap qui restreint leur habileté à occuper un emploi à l'année.
La troisième conclusion est qu'on devrait s'attaquer aux difficultés de nombreux travailleurs à se trouver un emploi stable et à l'année, qu'ils soient prestataires de l'assurance-emploi ou non, plutôt que de s'inquiéter du recours fréquent à l'assurance-emploi. Nos recherches démontrent que c'est une minorité de travailleurs qui ont recours fréquemment à l'assurance-emploi pendant une période prolongée. En fait, le problème des travailleurs qui ont fréquemment recours à l'assurance-emploi en est un de compétences et de niveau de scolarité. Ces problèmes sont aussi vécus par des travailleurs qui n'ont pas recours à l'assurance-emploi.
[Traduction]
La présidente: Puis-je vous demander de ralentir pour les interprètes? Pouvez-vous ralentir un tout petit peu. Ils sont bons mais...
[Français]
Mme Carole Vincent: Oui. Ce sont donc les trois conclusions générales qu'on peut tirer de nos travaux.
Nous les avons tirées des résultats de plusieurs études qui ont examiné différents aspects du recours à l'assurance-emploi. Ces recherches nous ont permis de jeter un éclairage nouveau sur le fonctionnement de l'assurance-emploi et d'identifier les priorités en matière de politiques publiques qui puissent améliorer le régime et faire en sorte qu'il soit mieux adapté aux réalités du marché du travail. Nous pensons donc que de meilleurs résultats pourraient être obtenus sur le marché du travail en offrant aux travailleurs et aux entreprises un éventail de mesures incitatives différentes. Je vais vous donner deux exemples.
En 2001, le comité recommandait une réduction des cotisations au régime d'assurance-emploi pour les employeurs qui fournissent de la formation à leurs employés afin de les encourager à adopter certaines pratiques. Nous sommes d'avis que c'est une option qui mérite d'être explorée, puisque nos recherches ont montré que les pratiques ou caractéristiques propres à l'entreprise sont deux fois plus importantes que l'emplacement géographique de l'entreprise ou le secteur d'activité de l'entreprise pour déterminer si le montant des prestations reçues par ses employés excède le montant des cotisations versées au régime. Il serait donc important de cerner les pratiques particulières des firmes en matière de gestion des ressources humaines qui différencient les entreprises dans la mesure où elles reçoivent une subvention du régime d'assurance-emploi, et de voir si les entreprises pourraient être incitées à adopter de telles pratiques par une réduction des taux de cotisation au régime.
¿ (0930)
Le comité recommandait aussi en 2001 que les règles d'admissibilité aux prestations soient réexaminées. Nous sommes également de cet avis. Nos recherches ont montré notamment que les règles d'admissibilité aux prestations sont tellement complexes que ce sont ceux qui ont le plus souvent recours au régime qui sont le mieux en mesure de les comprendre et d'en profiter. Ce sont aussi les travailleurs qui ont plus de flexibilité dans leur horaire de travail qui sont le plus en mesure de profiter du régime. Donc, les règles actuelles ont potentiellement d'importants effets dissuasifs au travail et sont potentiellement inéquitables.
Notamment, quand on regarde la façon dont le régime fonctionne, on constate qu'un travailleur qui travaille dans une région à taux de chômage élevé reçoit un taux d'indemnisation par heure travaillée, c'est-à-dire le nombre de semaines de prestations pour chaque heure de travail, trois fois plus élevé qu'un travailleur qui travaille à temps plein et à l'année dans cette même région à taux de chômage élevé. Son taux d'indemnisation est également trois fois plus élevé que celui d'un travailleur qui travaille dans une région à faible taux de chômage et qui a aussi le minimum d'heures requis pour être admissible aux prestations.
Par ailleurs, des travailleurs qui occupent un emploi à temps partiel temporaire pourraient ne jamais avoir droit aux prestations s'ils perdaient leur emploi même s'ils ont un tel horaire de travail depuis des années et même s'ils ont contribué au régime, puisqu'ils ne réussissent pas à accumuler le nombre minimal d'heures requis pour se qualifier pour les prestations. Une grande proportion de ces travailleurs sont des femmes.
Il est donc important d'évaluer les impacts d'un nouveau barème d'admissibilité aux prestations qui indemniserait les travailleurs pour chaque heure travaillée, et non pas seulement pour les heures travaillées au-delà du seuil minimal.
On pourrait continuer à tenir compte des différences régionales en matière d'occasions d'emploi, mais de façon différente, et on pourrait aussi inclure d'autres facteurs qui limitent l'habileté à se trouver un emploi à temps plein ou à l'année, comme le fait d'avoir des responsabilités familiales ou un handicap qui restreint l'aptitude de la personne à travailler.
En terminant, je dirai que le système fondé sur les heures plutôt que sur les semaines a rendu le programme d'assurance-emploi plus flexible et permis une meilleure reconnaissance des différents arrangements de travail. Plus récemment, l'extension du congé parental et l'introduction du congé de compassion ont permis une meilleure reconnaissance des différents arrangements de travail et de vie familiale des travailleurs. Nous nous sommes intéressés récemment aux différents types d'interruption d'emploi qui sont indemnisés dans le cadre du programme. Nous pensons qu'il serait important de revoir maintenant les différents types d'emploi qui sont indemnisés par le programme. Notre priorité serait d'évaluer un barème d'admissibilité qui indemnise pleinement les travailleurs salariés qui contribuent au régime, cela pour chaque heure travaillée.
Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci beaucoup.
Notre témoin suivant est de l'École d'administration de l'Université de l'Alberta. Alice Nakamura est professeur au département des finances et de science de la gestion.
Bienvenue, madame Nakamura.
Mme Alice Nakamura (professeur, Département des finances et science de la gestion, University of Alberta School of Business): Merci.
Je suis très heureuse d'être des vôtres aujourd'hui. J'ai siégé au groupe de travail Axworthy sur la réforme de la sécurité sociale qui a contribué au façonnement du programme d'assurance-emploi. C'est moi qui ai proposé à ce groupe de travail, par exemple, de passer à l'unité de calcul horaire au lieu de l'unité de calcul hebdomadaire.
Je vois que vous êtes en ce moment aux prises avec des difficultés épineuses concernant l'assurance-emploi. Ce que je veux vous dire aujourd'hui, c'est qu'il faut répondre à ces besoins pressants à l'intérieur d'un ensemble de programmes nationaux de sécurité du revenu dont la vision doit être davantage axée sur le long terme, et vos initiatives doivent tenir compte des problèmes qu'ont mentionnés Judith Maxwell et Rick Audas et que d'autres ont mentionnés dans les témoignages que vous avez entendus ces derniers jours.
Ces mesures futures doivent inclure un programme d'assurance-emploi. Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent qu'on n'a plus besoin d'un programme d'assurance-emploi. Il y a une raison pour laquelle nous n'avons pas eu de récession importante et pour laquelle tous ces pays développés ont un programme quelconque d'assurance-emploi. J'en vois le besoin, mais j'aimerais qu'elle fasse partie d'un train de mesures qui comprendrait d'autres programmes qui ne sont pas basés sur une assurance quelconque.
Mon exposé porte sur quatre grands problèmes qui découlent de l'évolution du programme d'assurance-emploi, et je vous décrirai très brièvement les quelques solutions que je propose.
Les quatre problèmes clés qui me préoccupent sont, premièrement, l'utilisation répétée et intentionnelle de l'assurance-emploi, qui alourdissent la facture pour nous tous; deuxièmement, les taux de cotisation et l'excédent qui en a résulté; troisièmement, l'exclusion de certains groupes de travailleurs qui n'ont pas le droit de toucher des prestations d'assurance-emploi; et, quatrièmement, ce besoin qu'ont certains Canadiens d'un programme permanent et portable d'assurance-emploi ou d'un programme de supplément du revenu quelconque qui s'ajouterait au programme basé sur l'assurance.
Je vais prendre environ une demi-minute pour expliquer chacun de ces problèmes et mes solutions, ce qui vous donnera le temps d'y revenir si certains de ces éléments vous intéressent.
Et j'aimerais commencer par le problème de l'utilisation intentionnelle et répétée.
¿ (0935)
[Français]
M. Marcel Gagnon (Champlain, BQ): Je voudrais dire à notre invitée que j'ai de la difficulté à suivre l'interprétation à cause de la rapidité de son débit. J'aimerais qu'elle reprenne les quatre conditions qu'elle vient d'énumérer. Me comprenez-vous?
[Traduction]
La présidente: Je comprends. Je vais lui demander de parler un peu plus lentement pour que les interprètes puissent suivre. Il vous appartiendra ensuite d'expliciter vos idées lorsque nous passerons aux questions.
Mme Alice Nakamura: Des quatre problèmes clés dont j'aimerais traiter aujourd'hui, le premier est l'utilisation intentionnelle et répétée de l'assurance-emploi. Le deuxième est le barème des taux de cotisation à l'assurance-emploi et l'excédent budgétaire. Le troisième est l'exclusion de certains groupes de travailleurs qui n'ont pas le droit de toucher des prestations d'assurance-emploi. Cela comprend les travailleurs à temps partiel, les travailleurs autonomes, les travailleurs qui sont à leur propre compte et d'autres. Le quatrième est le besoin qu'ont les Canadiens d'un quelconque programme de supplément du revenu portable qui irait plus loin qu'un programme basé sur les principes de l'assurance.
Un programme fondé sur l'assurance marche bien lorsqu'il s'agit de contrer des catastrophes imprévues ou imprévisibles, qui risquent peu de se produire. L'assurance marche bien parce qu'il s'agit de choses comme les vols d'autos, les vols de biens, les accidents de la route où il y a pertes de vie ou blessures, les incendies. Une assurance-maison nous donne la tranquillité d'esprit qu'il nous faut pour rebâtir notre maison sans avoir à économiser assez d'argent pour le faire soi-même.
Le principe qui intervient ici est la mise en commun des risques. La mise en commun des risques nous permet d'avoir plus de sécurité à un coût minime. Les riches profitent autant que les moins riches de la mise en commun des risques. C'est une chose dont nous profitons tous dans certains secteurs. Les avantages de la mise en commun des risques n'apparaissent que lorsque le taux des primes reflète les risques réels.
Je crois personnellement que toute économie de marché a besoin d'un programme d'assurance-emploi; que la raison pour laquelle on peut dire que nous n'avons plus les problèmes qui nous ont menés à créer ce programme au départ a trait au succès qu'a connu ce genre de programme dans divers pays; et que notre économie mondiale dépend du maintien et de la force de ces programmes dans ces pays et que c'est cela qui nous évitera une autre grande récession. Mais cela étant dit, pour conserver le programme canadien, je crois que nous devons rétablir une forme quelconque de cotisation personnalisée comme celle qui a été supprimée avec l'adoption du projet de loi C-2.
Historiquement, avant 1971, le Canada n'autorisait pas le versement de prestations d'assurance-emploi aux travailleurs saisonniers en dehors de la saison normale de travail. On limitait ainsi certains types d'utilisation intentionnelle et répétée du programme qui avaient fait en sorte que le programme canadien avait connu une croissance à peu près semblable à celle du programme américain, où les primes personnalisées étaient en vigueur dans tous les États. Dans le cas du programme américain, ce type de primes profite à l'employeur, et seul l'employeur cotise au programme. Il est impossible d'avoir le même genre de cotisation personnalisée au Canada parce que nos employés cotisent aussi, pas seulement les employeurs.
Mais en 1996, nous avons instauré un genre de cotisation personnalisée. Le système n'était pas parfait, mais on aurait pu aisément remédier aux problèmes qui en ont découlé si on avait voulu rétablir une forme quelconque de cotisation personnalisée.
¿ (0940)
J'aimerais parler aussi des taux de cotisation à l'assurance-emploi et de l'excédent qui est apparu ces dernières années, et dire que cette situation n'a pas été maîtrisée dans le respect des principes de l'assurance équitable. Dans un programme d'assurance équitable, les primes que l'on touche doivent couvrir le versement des prestations à long terme ainsi que les coûts administratifs. Avant 1994, l'établissement du taux des cotisations au programme canadien d'assurance-emploi reposait sur les principes de l'assurance équitable.
M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Mille pardons, mais je me souviens que vous étiez ici la dernière fois que nous avons discuté du document « Au-delà du projet de loi C-2 ». Votre intervention avait été très intéressante parce que vous étiez de ceux qui aviez fait beaucoup pour modifier l'assurance-emploi.
Vous vous souviendrez peut-être d'une autre question de privilège, mais je trouve très regrettable que notre comité, alors que le ministre s'apprête à faire une déclaration au sujet de l'assurance-emploi... Personnellement, je dois quitter la salle et faire ce que j'ai à faire, et je m'en veux de le faire, c'est comme mettre la charrue devant les boeufs. Il est regrettable que nous...
La présidente: Nous avons toujours des problèmes d'horaire. Je vous comprends, et je peux comprendre que le ministre va dire des choses que certains d'entre nous aimeraient entendre. Mais nous avons aussi d'excellents témoins à entendre.
M. Yvon Godin: Non, non, je comprends. Je veux seulement que nos invités sachent que ce qui se passe est très regrettable parce que ce que vous dites est très intéressant, et c'est très important.
La présidente: Ce qui est merveilleux, c'est que nous pourrons entendre en reprise ce qu'a dit le ministre dès que nous aurons terminé ici. La télévision nous permet d'avoir une reprise instantanée.
M. Yvon Godin: Je comprends cela, mais vous n'aurez sans doute pas à faire la réplique après le ministre, ce que je devrai faire. Merci.
La présidente: Je comprends cela également. Merci.
Mme Alice Nakamura: Revenons maintenant en arrière. Dans le cas des cotisations d'assurance-emploi, du barème de taux de cotisation et de l'excédent qui s'est accumulé, avant 1994, le barème des taux de cotisation était établi de façon à tenter de garder un certain équilibre dans le fonds du programme d'emploi au cours d'un cycle économique. À partir de 1994, on a tenté d'utiliser ce programme pour générer des recettes générales.
Étant donné que le programme d'assurance-emploi a été créé pour être une assurance des gains, nous ne payons de cotisations que sur la partie de nos gains qui est assurée. Nous n'assurons pas le total des gains d'une personne qui gagne disons 200 000 $, nous n'assurons qu'une partie des gains et les cotisations ne sont calculées que sur cette portion des gains. C'est une bonne formule pour un programme d'assurance-emploi, mais c'est là un mécanisme très régressif si on l'utilise pour générer des recettes générales.
Je conviens qu'il y a des arguments en faveur de l'utilisation des charges sociales comme source de recettes générales. Personnellement, je suis contre, mais je comprends les arguments en faveur d'une telle chose. C'est une question de coûts administratifs, et ces arguments sont réels. Cependant, si on a l'intention d'utiliser les charges sociales comme source de recettes générales, je pense alors qu'il est absolument essentiel de mettre en place des charges sociales distinctes plutôt que d'intégrer cela tout simplement dans le programme d'assurance-emploi. Le programme actuel d'assurance-emploi ne se prête pas très bien à cela. Je vous exhorte à remettre en place la commission d'assurance-emploi ou un autre mécanisme qui établirait le barème des taux de cotisation conformément à des principes d'assurance équitable.
La troisième chose que je voudrais dire concerne le problème de l'exclusion de certains groupes de travailleurs qui ne peuvent recevoir des prestations d'assurance-emploi, notamment les travailleurs à temps partiel qui ne font que quelques heures de travail mais qui versent en fait des cotisations. Ce que je recommande à cet égard serait d'élargir la couverture afin d'inclure les travailleurs autonomes et ceux qui travaillent à leur propre compte et de rallonger la période que nous utilisons pour déterminer l'admissibilité de sorte que ceux qui n'accumulent que quelques heures de travail puissent en fait être admissibles à des prestations. Je pense que tous ceux qui sont au-dessus du point où leurs gains sont exclus de cette imposition devraient être admissibles à des prestations s'ils travaillent continuellement. Je pense que c'est une erreur grave que d'obliger des gens à cotiser sans jamais pouvoir recevoir des prestations; il est facile de corriger cette situation.
La quatrième et dernière question que je voudrais soulever concerne le supplément du revenu, le fait que ce n'est pas un programme d'assurance qui peut répondre à ce besoin. Si on prend un programme d'assurance qui est géré et financé par le gouvernement fédéral, auquel le gouvernement fédéral contribue, il y a plusieurs domaines où on en aurait énormément besoin. Entre autres, il y a les travailleurs dans des secteurs qui ont été décimés par le changement technologique, par les changements au niveau du commerce international ou par les désastres naturels, notamment le déclin des stocks de poissons. Cela tiendrait compte du fait que notre groupe à risque le moins coûteux est notre unité la plus importante, c'est-à-dire notre nation.
Je pense qu'il conviendrait d'avoir ce type de supplément du revenu pour ceux qui ont une invalidité de longue durée et qui aimeraient avoir la même mobilité que ceux qui sont physiquement aptes au travail. Je pense que c'est également ce qu'il convient de faire dans le cas de ceux qui ont des responsabilités de soignants qui limitent gravement leur travail rémunéré. Après tout, si personne n'élève des enfants pour la prochaine génération, le capital humain de la nation se détériorera considérablement.
¿ (0945)
En résumé, je vous encourage vivement à remettre en place une forme de tarification personnalisée positive. Cela nous permettra alors d'inclure les travailleurs autonomes et à leur propre compte et de faire quelque chose de raisonnable pour les travailleurs qui accumulent peu d'heures. J'aimerais qu'on remette en place des principes d'assurance équitable pour l'établissement du barème des taux de cotisation d'assurance-emploi. J'aimerais que le programme soit offert aux travailleurs autonomes et à leur propre compte et qu'il soit possible pour les travailleurs qui accumulent un nombre d'heures peu élevé de recevoir des prestations. Je vous exhorte à ajouter des programmes de supplément du revenu qui compléteraient l'assurance-emploi et répondraient aux besoins spéciaux auxquels ne peut répondre un programme d'assurance.
Je vous remercie.
La présidente: Merci beaucoup.
Le dernier exposé que nous entendrons aujourd'hui sera présenté par David Gray, professeur agrégé du département des sciences économiques de l'Université d'Ottawa.
Bienvenue, monsieur Gray.
[Français]
M. David Gray (professeur agrégé, Département de science économique, Université d'Ottawa): Merci beaucoup, madame la présidente et madame la greffière.
Je suis désolé de ne pas avoir de notes écrites. Je me suis préparé, mais après réflexion, hier soir, j'ai un peu changé d'avis. C'est en partie pour cette raison que je n'ai que des notes manuscrites. Je n'ai pas eu le temps, tard hier soir, de tout dactylographier. Vous m'avez demandé de parler lentement, mais je dois vous dire que je parle toujours lentement, que ce soit en anglais ou en français. Merci beaucoup de m'avoir invité.
[Traduction]
Puisque j'ai le privilège de présenter mon exposé en dernier, je pense que je pourrai facilement respecter les cinq minutes qui me sont allouées, car je ne vais pas répéter certaines des observations qui ont été faites par la plupart de mes collègues qui sont ici aujourd'hui.
Un thème que j'aimerais souligner est le fait que notre programme d'assurance-emploi est un programme uniformisé et que je suis en faveur de la mise en place d'un régime d'assurance-emploi à volets multiples.
En effet, nous avons un régime d'assurance-emploi à deux niveaux à l'heure actuelle. Le principal élément déterminant, la ligne de démarcation pour notre régime à deux niveaux est ce qui suit : est-ce que l'on vit dans une région où le taux de chômage est au-dessus de 10 p. 100 ou dans une région où le taux de chômage est de moins de 10 p. 100?
Si j'ai bien compris les annonces qui sont faites à l'heure actuelle, au moment où nous nous parlons, encore une fois, le fait de vivre dans une région où le taux de chômage est élevé ou peu élevé sera un élément déterminant. Donc, je dirais qu'essentiellement nous avons plus ou moins déjà un régime d'assurance-chômage à deux niveaux, et j'aimerais que nous passions peut-être à un régime à éléments multiples afin de prendre en compte la diversité croissante des expériences d'emploi et de chômage que Judith Maxwell et d'autres membres de votre comité ont déjà mentionnée avant moi.
L'un des exemples que nous devrions peut-être suivre et que j'ai beaucoup étudié est celui de la France où il existe des régimes multiples. En France, il existe des problèmes de chômage qui sont parfois semblables parfois différents de ceux qui existent au Canada, mais ils ont un régime distinct pour les jeunes travailleurs qui viennent d'entrer sur le marché du travail. Là-bas, on ne permettrait jamais à un jeune de 18 ans qui entre sur le marché du travail d'avoir recours à répétition à l'assurance-emploi et d'établir un modèle de travail strictement saisonnier pour les 40 prochaines années. Ils ont par ailleurs un régime spécial pour des industries sinistrées, pour des industries qui ont subi un déclin majeur, notamment le secteur de la sidérurgie, de la construction navale, l'industrie houillère, etc. Ces régimes spéciaux prévoient des prestations de retraite anticipée pour les travailleurs âgés déplacés et des programmes assez généreux de recyclage et de maintien du revenu à long terme pour les jeunes travailleurs.
Je pense cependant que l'un des avantages de ces régimes spéciaux qui existent en Europe continentale est le fait qu'il est possible de limiter l'accès au régime, de sorte qu'ils sont très coûteux au cours des quatre ou cinq premières années pour permettre à une industrie de se rajuster—par exemple l'industrie de la pêche à la morue au Canada—mais ils sont en mesure de les éliminer ultérieurement et ces mesures ne restent pas en place pendant des décennies. Certaines de ces mesures sont en place au Canada depuis des décennies maintenant.
Donc, je suis en faveur de la mise en place de volets multiples ou de caisses de régime et de paliers différents, qui seraient plus clairement délimités que notre régime actuel à deux niveaux qui se différencient uniquement par le taux de chômage local, et c'est là, comme un autre témoin l'a dit, est un instrument assez grossier si on veut cibler quelqu'un pour une intervention quelconque au niveau du chômage.
Lorsque j'ai examiné les délibérations des séances du comité il y a trois ans, il y avait un changement proposé qui n'a pas été mis en oeuvre et que j'approuve, de sorte que je ne voulais pas seulement souligner les éléments négatifs, mais aussi les changements constructifs et positifs.
Un député a souligné qu'à l'heure actuelle nous avons une période de base qui ne remonte qu'à 26 semaines avant la demande d'assurance-emploi. Cela signifie qu'un travailleur qui a établi avec succès un modèle d'emploi saisonnier complémentaire, ayant un emploi saisonnier en été et un autre emploi saisonnier en hiver, par exemple, travaillera pendant des semaines qui ne compteront pas comme des semaines assurables pour sa prochaine demande d'assurance-emploi. Je pense que nous devons tout faire en notre possible pour mettre en place un élément d'emploi saisonnier complémentaire, peut-être avec une aide à la réinstallation pour encourager les gens à aller travailler dans différentes régions du pays et à adopter un modèle d'emploi durable. Cela se fait fréquemment aux États-Unis, mais sans l'avantage des prestations d'assurance-emploi.
¿ (0950)
La lecture de ce cas en particulier m'a beaucoup encouragé. Il semblerait que ce type d'arrangement pourrait convenir à bon nombre de travailleurs saisonniers. Je pense que la période de base devrait certainement remonter à plus de 26 semaines, de sorte qu'une semaine assurable travaillée à n'importe quel moment au cours des 52 dernières semaines environ devrait certainement être prise en compte dans le calcul d'une demande future d'assurance-chômage.
Lorsque nous aurons prolongé la période de base, nous devrons déterminer à combien s'élèvera la prestation hebdomadaire. Il faudrait que les gens puissent exclure les semaines au cours desquelles ils ne recevaient aucun revenu, aucun gain, mais on ne voudrait pas qu'un travailleur puisse choisir les quatre semaines au cours desquelles son revenu était le plus élevé au cours des 52 dernières semaines, établissant ainsi une prestation hebdomadaire qui serait calculée sur quelques semaines au cours desquelles il aurait beaucoup travaillé en temps supplémentaire. Il faudrait donc tenir compte de ces questions et obtenir une estimation raisonnable des gains normaux.
Je pense qu'il s'agit là d'un changement plutôt constructif qui pourrait être mis en oeuvre si on faisait un peu plus de recherche, mais qui ne constitue pas un changement important dans l'administration du programme.
Me reste-t-il encore du temps?
¿ (0955)
La présidente: Vous pouvez continuer.
M. David Gray: Merci beaucoup.
Les autres membres ont déjà parlé de la tarification personnalisée et je m'abstiendrai de revenir là-dessus.
J'aimerais parler un peu des problèmes du régime qui, à mon avis, n'attirent pas beaucoup d'attention à l'heure actuelle. Étant donné que nous avons un régime à deux niveaux fondé sur le taux local d'assurance-chômage, nous tentons depuis de nombreuses années de bricoler un petit peu le régime ici et là pour accepter de plus en plus de travailleurs qui ont des habitudes de travail particulières. Nous avons tenté de faciliter les choses pour le nombre croissant de travailleurs qui ont des habitudes d'emploi de plus en plus hétérogènes et qui veulent être admissibles à l'assurance-emploi.
Nous trouvons le régime trop compliqué. Chaque fois qu'on apporte une modification à une règle ou à un règlement, notamment la période de base, on se retrouve avec des conséquences imprévues ou non intentionnelles, notamment comme c'est le cas avec les petites semaines de travail. On réagit à cette conséquence imprévue du changement de la période de base en mettant en place une initiative pour les petites semaines. On met en place quelques projets pilotes, les projets pilotes s'étendent finalement à tout le Canada, et on se retrouve ensuite avec d'autres problèmes imprévus. On est toujours en train d'essayer de colmater des brèches.
Si nous avions une plus grande gamme de programmes pour répondre aux différentes situations d'emploi et de chômage, nous serions en mesure de cibler certains de ces besoins beaucoup plus directement. Cela éviterait d'imposer une certaine règle ou un certain règlement à la grande majorité de la main-d'oeuvre canadienne que nous ne tentons vraiment pas de cibler au départ.
La présidente: Puisqu'il ne reste que trois membres du comité, j'accorderai 15 minutes à chacun, si c'est ce que vous souhaitez, et nous ne ferons qu'un tour de table.
Je voudrais par ailleurs mentionner à nos témoins que puisque le ministre et un certain nombre de hauts fonctionnaires sont occupés ailleurs, je m'engage personnellement à m'assurer que la transcription du procès-verbal de cette séance sera envoyée au ministre et à ses hauts fonctionnaires dans un délai de 48 heures, de sorte qu'ils pourront être mis au courant des témoignages que vous nous avez présentés aujourd'hui.
Monsieur Gagnon.
[Français]
M. Marcel Gagnon: Merci, madame la présidente.
Je voudrais remercier nos invités de ce matin. On traite d'un problème très important et, à mon avis, il est dommage qu'on l'aborde alors qu'il n'y a que trois élus--quatre avec la présidente--autour de la table. En plus, je remplace le responsable de ce dossier. Ce dernier assiste à la conférence de presse au cours de laquelle le ministre va annoncer des modifications à l'assurance-emploi.
On vous a fait venir ici, et même si Mme la présidente dit qu'elle va remettre les manuscrits au ministre, je ne suis pas certain qu'ils vont être lus. À mon avis, c'est une perte de temps et je tiens à dire que c'est tout à fait déplorable. Je ne suis pas un spécialiste de l'assurance-emploi. J'ai écouté quatre des cinq invités. Je n'étais pas ici quand Mme Maxwell a parlé. Je suis néanmoins au courant de ce qui se passe dans mon comté et je sais que notre système d'assurance-emploi ne fonctionne absolument pas.
Je pense que c'est le dernier intervenant qui a mentionné qu'on devrait adopter et ajuster un système fondé sur les heures travaillées plutôt que sur les semaines. Selon vous, de quelle façon peut-on régler le problème d'un travailleur qui perd son emploi, par exemple en raison du conflit du bois d'oeuvre? Dans le nord de mon comté, les travailleurs n'ont absolument rien à voir avec ce conflit, qui est purement politique. Or, on leur dit qu'ils n'ont pas travaillé le nombre de semaines requis. Dans d'autres cas, pour une raison quelconque, il n'ont pas droit à l'assurance-emploi.
Ainsi, un travailleur m'a dit que l'assurance-emploi l'avait payé pour se spécialiser afin qu'il retourne travailler dans son industrie. Il a suivi une formation pendant un an, ou du moins plusieurs mois, et a acquis sa spécialisation. Or, son usine a fermé ses portes et il n'a pas pu se prévaloir de l'assurance-emploi parce qu'il avait utilisé sa période assurable pour se spécialiser. Ce genre de cas, qu'on voit souvent chez nous, n'a aucun sens.
Pour cette raison, je trouve pénible que le ministre et plusieurs députés ne soient pas ici, autour de la table, pour vous entendre, vous qui vous êtes donné la peine de présenter un mémoire réfléchi et qui avez des compétences dans ce domaine. Qu'est-ce qu'on peut répondre à ce travailleur?
Cependant, notre caisse d'assurance-emploi est extrêmement riche. On dit qu'au cours des dernières années, le gouvernement a empoché une somme se situant entre 45 et 50 milliards de dollars. Le travailleur dont je vous ai parlé m'a demandé ce qu'il pouvait faire. J'ai été forcé de lui demander ce que, pour sa part, il comptait faire, étant donné que l'argent avec lequel il aurait dû pouvoir se payer une assurance en cas de difficulté n'était plus là. En effet, avec cet argent, on paye la dette de l'État. Ce travailleur est mal pris, mais tout ce que je peux lui dire, c'est que je sympathise avec lui.
Pour ma part, j'assure ma maison au cas où je la perdrais éventuellement. Cette question me paraît très compliquée, surtout après avoir entendu chacun de vous. Je pense que vous avez tous raison, mais est-ce qu'on ne pourrait pas, en premier lieu, exiger que la caisse de l'assurance-emploi, qui appartient aux travailleurs et aux industriels, soit administrée par ces derniers, de façon à éviter ce qu'on voit présentement, en l'occurrence qu'un gouvernement fasse main basse sur cette caisse pour payer la dette de l'État?
Ensuite, je pense qu'avec ces gens et sous la direction de l'État, on pourrait créer, comme vous l'avez mentionné, un régime d'assurance-emploi qui soit plus ajusté à nos besoins. Que pensez-vous de l'idée d'une caisse indépendante?
À (1000)
M. David Gray: Je pourrais répondre à au moins une des questions soulevées par M. Gagnon. D'abord, je voudrais dire que je n'ai pas parlé en français lors de mon allocution parce que je suis un peu nerveux. Je me suis calmé depuis et je pense pouvoir parler un peu.
À propos du bois d'oeuvre, je voulais vous dire qu'il y a un mois environ, j'ai participé à un atelier-conférence spécial au sein du ministère du Développement des ressources... Quel est son nouveau nom en français?
À (1005)
[Traduction]
La présidente: Ressources humaines et Développement des compétences.
[Français]
M. David Gray: ...et du Développement des compétences pour parler d'une intervention spéciale. Nous avons discuté pendant presque toute une journée. Il devrait y avoir--je ne sais pas quand exactement--un rapport sur une intervention spéciale. Je suis tout à fait d'accord sur votre description de la situation. Donc, il n'est pas question d'un usager fréquent qui reçoit des prestations chaque année. Il s'agit de quelqu'un qui a vraiment investi dans une carrière assez stable dans une industrie qui est sinistrée, pour des raisons tout à fait imprévisibles et tout à fait au-delà du contrôle de l'entreprise ou des travailleurs. C'est exactement dans ce genre de situation que je préconise une intervention spéciale pendant deux ou trois ans peut-être, pas à très long terme, mais à moyen terme. Nous espérons tous, je pense, le règlement de ce contentieux. Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'une situation que notre programme, qui est très dispendieux, ne couvre pas. Malgré des dépenses de 12 milliards de dollars par année, il ne couvre pas une situation où le besoin est assez important, à mon avis.
Vous avez soulevé d'autres points. Peut-être que quelqu'un d'autre pourrait en parler.
M. Marcel Gagnon: Madame Vincent.
Mme Carole Vincent: Vous dites qu'il y a un grand pourcentage des travailleurs qui, lorsqu'ils perdent leur emploi, ne peuvent pas se qualifier. Le pourcentage des travailleurs qui, s'ils perdaient leur emploi, ne seraient pas admissibles aux prestations se situe autour de 12 p. 100, selon les dernières chiffres publiés par le gouvernement: 10 p. 100 chez les hommes et 15 p. 100 chez les femmes. Nous envisageons la possibilité d'un système qui indemniserait tous les travailleurs qui contribuent au régime. D'autres personnes ont aussi parlé de cela. Tous les salariés sont obligés de contribuer à un régime qui, dans certains cas, ne les indemnise pas en cas de perte d'emploi. Les contributions sont remboursées si le travailleur gagne moins de 2 000 $ par année, mais cela représente une faible proportion des travailleurs.
Par ailleurs, les récents développements du programme d'assurance-emploi, par exemple la couverture de différentes interruptions d'emploi pour des raisons de responsabilités familiales, nous amènent à nous interroger sur le type de régime dont on a besoin et sur le régime d'assurance-emploi que l'on veut. Est-ce que le régime d'assurance-emploi est le meilleur outil pour aider les travailleurs dont vous évoquez la situation? Est-ce le régime d'assurance-emploi qui doit les aider, ou s'il y a d'autres mesures qui permettraient de mieux les aider?
Il faut réexaminer cette question. Dix ans après une réforme majeure de l'assurance-emploi, nous devrions être en mesure de savoir ce que ce programme devrait faire. Je considère que si les primes sont versées au programme, les gens devraient pouvoir recevoir des indemnisations. Ceux qui contribuent au régime devraient pouvoir être indemnisés, alors que ceux qui ont des habitudes de travail qui font qu'ils ne devraient pas être indemnisés par l'assurance-emploi ne devraient pas payer de cotisations. Je pense qu'il y a de grandes questions qui se posent sur le type de régime d'assurance-emploi que l'on veut.
M. Marcel Gagnon: Je voudrais revenir sur le pourcentage que vous venez de donner. Vous dites que 15 p. 100 des femmes qui se qualifient ne peuvent pas recevoir de prestations d'assurance-emploi et que c'est aussi le cas de 12 p. 100 des hommes.
Mme Carole Vincent: En général, 12 p. 100 des travailleurs qui travaillent, s'ils perdaient leur emploi, ne se qualifieraient pas pour recevoir des prestations.
M. Marcel Gagnon: Par contre, si on considère tous les travailleurs qui cotisent à l'assurance-emploi, il n'y a que 39 p. 100 de ces gens qui peuvent en retirer, pour toutes sortes de raisons, à cause du temps, par exemple. Ce sont les chiffres qu'on a. Le pourcentage des cotisants qui sont admissibles est de 39 p. 100. De ce nombre, 88 p. 100 seraient susceptibles d'en recevoir.
À (1010)
Mme Carole Vincent: S'ils perdaient leur emploi, en effet.
M. Marcel Gagnon: Le pourcentage n'est pas de 88 p. 100, mais de 39 p. 100. Soixante et un pour cent des travailleurs qui cotisent à l'assurance-emploi ne peuvent recevoir de prestations parce qu'ils n'y sont pas admissibles. Vous vérifierez ces chiffres. Je suis peut-être dans l'erreur, mais ils sont véhiculés amplement. Ce sont les vrais chiffres: 39 p. 100.
On se sert du régime d'assurance-emploi pour des choses pour lesquelles ce régime n'est pas fait. Vous avez parlé de congés parentaux, par exemple. Il pourrait peut-être y avoir autre chose. C'est pour cela, d'ailleurs, que le Québec demandait de rapatrier le régime d'assurance-emploi. On voulait que cela soit utilisé pour un programme de création d'emploi ou une politique de création d'emploi, de façon à ce que ces régimes fonctionnent ensemble.
J'aimerais aussi vous entendre parler de l'administration de la caisse d'assurance-emploi. Est-il normal que cette caisse échappe aux travailleurs et aux industriels et que le gouvernement se l'approprie pour payer les dettes de l'État?
Mme Carole Vincent: Nous n'avons pas analysé cette question.
M. Marcel Gagnon: Vous ne l'avez pas analysée.
Mme Carole Vincent: Non, nous n'avons pas analysé la question de la gestion de la caisse.
Mme Judith Maxwell: Je ne suis pas une experte à cet égard, monsieur Gagnon, mais à mon avis, le surplus actuel pose problème, car son niveau est beaucoup plus élevé que ce que toutes les règles d'assurance prévoient, comme Mme Nakamura l'a expliqué. À mon avis, c'est à la société de décider qui, du gouvernement ou des partenaires, doit gérer le système.
M. Marcel Gagnon: C'est un choix de société.
Mme Judith Maxwell: Le problème le plus grave est celui de savoir quel est le taux de cotisation le plus approprié compte tenu de la situation actuelle de l'emploi au pays. On a émis l'idée d'une caisse séparée pour le surplus pour tous les travailleurs et travailleuses. D'autre part, on peut baisser les taux en abolissant le plafond...
M. Marcel Gagnon: ...ou en ajoutant des services.
Mme Judith Maxwell: Il s'agit en fait d'une taxe très régressive. Ce n'est pas vraiment une bonne façon de taxer les revenus des gens.
[Traduction]
La présidente: Aviez-vous quelque chose à ajouter, madame Vincent?
Mme Carole Vincent: Oui.
[Français]
Je voudrais ajouter ceci. Nous n'avons pas étudié la question de la gestion de la caisse comme telle, mais étant donné l'énorme surplus, il y aurait effectivement lieu de voir. On pourrait envisager une réduction des cotisations à l'assurance-emploi. Nous avons dit qu'il est possible d'envisager un régime où les réductions des cotisations des travailleurs à l'assurance-emploi pourraient être plus grandes afin d'encourager certains comportements chez les employeurs. Il faudrait toutefois voir d'abord quelles sont les pratiques internes de la firme qui pourraient faire en sorte que les employés dépendent moins de l'assurance-emploi. On pourrait donc éliminer ou réduire le surplus grâce à une réduction des taux de cotisation des employeurs, et donc des employés, ce qui, en même temps, pourrait avoir des impacts positifs sur l'utilisation ou le recours à l'assurance-emploi.
Mme Nakamura a dit que, puisque les cotisations sont payées par l'employeur et par l'employé au Canada, il est plus difficile de faire de la tarification personnalisée des primes des employeurs que des employés mais, en fait, cela existe déjà dans le régime actuel. Il y a des employeurs qui bénéficient d'une réduction des primes s'ils ont mis en place un programme d'assurance-invalidité. On pourrait donc s'inspirer du programme qui existe depuis 1971 et l'étendre à d'autres pratiques des employeurs qui pourraient être encouragées.
À (1015)
M. Marcel Gagnon: J'aimerais poser une autre question.
[Traduction]
La présidente: Je pense que M. Audas avait quelque chose à ajouter, puis je vous donnerai une minute, monsieur Gagnon.
M. Rick Audas: Ce qui me frappe, lorsque nous parlons de cet énorme excédent, c'est que l'excédent devrait exister pour faire face au genre de problème que le député a décrit. Essentiellement, pour le travailleur qui a fait tout ce que nous aurions pu lui demander de faire, qui est allé se perfectionner et qui tente d'apporter quelque chose à l'économie, à la collectivité, et qu'on a laissé tomber—encore une fois, sans que ce ne soit sa faute, mais en raison d'un différend international.
Il me semble que c'est là exactement la raison pour laquelle l'excédent est important et c'est pourquoi il est important d'être en mesure de remédier essentiellement à ce genre de situation. Le programme doit avoir suffisamment de souplesse pour faire face à des circonstances imprévues comme celle-ci.
La présidente: Madame Nakamura.
Mme Alice Nakamura: Oui, en ce qui a trait à l'excédent, il y a lieu d'accumuler un excédent dans un programme d'assurance-emploi. Lorsque l'économie est prospère, au cours du cycle économique, nous aimerions recevoir plus d'argent que nous n'en versons de sorte que s'il y a une récession, nous n'aurons pas à augmenter le taux d'imposition.
Je me rappelle très bien lorsque j'étais membre du groupe de travail Axworthy, nous avons eu des discussions et nous avons entendu des exposés officiels au cours desquels on nous a demandé de ne pas incorporer la réduction des taux dans la loi qui allait être rédigée, parce que nous étions en train d'apporter des changements structurels de sorte qu'on ne pouvait être certains de ce qui allait se produire, c'est-à-dire de combien les dépenses allaient être réduites. Étant donné que nous apportions des changements structurels, on nous a suggéré plutôt d'incorporer à la loi qui allait être adoptée un mécanisme d'examen. Il est clair que cela ferait en sorte que les taux seraient réduits comme il convient, même si nous n'étions pas en mesure de savoir exactement quelle serait la trajectoire appropriée.
J'ai accepté cette idée, et non seulement je l'ai acceptée, mais en fait, j'ai passé beaucoup de temps avec un certain nombre de ministres du Parlement pour l'expliquer et dire que je l'appuyais entièrement. Mais il s'agit là d'un type d'excédent différent de celui qu'on a laissé s'accumuler.
Il est important cependant de ne pas perdre de vue la raison pour laquelle on a laissé un tel excédent s'accumuler. Nous l'avons tous fait. Nous avons tous laissé cet excédent s'accumuler. Je pense que c'est parce qu'en fait, nous n'avons pas été réalistes pour ce qui est de savoir dans quelle mesure nous devons imposer notre population pour payer les choses que les gens veulent avoir. Donc en fait, alors que nous accumulions un excédent dans le fonds de l'assurance-emploi, nous avions un manque à gagner pour d'autres choses.
Nous avions un important problème de déficit lorsque le programme d'assurance-emploi a été adopté. Je pense que c'est le cas parce que, si on revient en arrière, il est vrai que nous avons eu une augmentation du taux d'imposition, mais il est vrai également que nous avions ce qu'on pourrait appeler une taxe sur les conjointes. Chaque famille donnait le temps d'une femme très éduquée pour aider à faire en sorte que dans notre société, toutes ces choses pour lesquelles nous devons maintenant payer se réalisent. Donc, dans nos hôpitaux, dans nos écoles, dans nos bibliothèques, nous n'avons plus ces femmes qui font ce que ma mère faisait, par exemple. Nous devons maintenant payer pour toutes ces choses. Puisque nous devons payer pour toutes ces choses, il nous faut être réalistes et comprendre qu'il faut percevoir des recettes.
La raison pour laquelle personne ne veut augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers, c'est que lorsqu'on le fait, le gouvernement se retrouve avec une révolte des contribuables. La raison pour laquelle tout le monde voulait augmenter la taxe d'assurance-emploi—ou en permettre implicitement l'augmentation—au-delà de ce qu'elle aurait dû être augmentée, c'est que cela n'allait susciter aucune révolte. Des gens comme moi, qui ont des gains plus élevés, ne s'en ressentent pas, car nous sommes tous à la limite. Les gens qui s'en ressentent sont ceux qui ont témoigné devant votre comité précédemment, lorsque vous avez adopté le projet de loi C-2, et qui vous ont demandé de maintenir la tarification personnalisée—le syndicat des services d'alimentation. Ce sont des gens qui travaillent un grand nombre d'heures à des salaires peu élevés et qui paient cette taxe d'assurance-emploi pour chacune des heures travaillées.
Je pense par ailleurs qu'il est très naïf de croire que les employeurs ne réduiront pas l'emploi s'ils doivent payer une plus grande part d'impôt. Bien que les économistes n'ont pu le démontrer de façon empirique, je pense qu'il s'agit tout simplement d'une question de synchronisation. Si les charges sociales sont élevées, une entreprise cherchera à mettre en place des mécanismes qui permettent d'économiser de la main-d'oeuvre, comme des appareils de balayage et autres appareils semblables.
Je suis un économiste empirique, et nos outils empiriques ne nous permettent pas de détecter ce type de conséquence. Cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas. Il y a de nombreuses choses que nous n'avons pas les moyens empiriques de prouver, mais notre sens commun nous dit qu'elles existent. Nous savons qu'un détaillant qui a une petite marge de profit sera concerné par une importante taxe qui est insérée en maintenant un taux plus élevé que nécessaire pour administrer ce programme en particulier.
À (1020)
La présidente: Merci.
Je vais maintenant donner la parole à M. Bellemare.
[Français]
M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): J'ai eu de la difficulté à préparer des questions étant donné la complexité du sujet et, surtout, la multiplicité de bonnes idées qui ont été exprimées aujourd'hui. Il serait intéressant de voir si nous pourrions mettre en application toutes ces idées.
Comme on dirait en anglais,
[Traduction]
Nous avons eu aujourd'hui une longue liste de souhaits. Les questions qui me viennent à l'esprit immédiatement ont trait à la durabilité de tout cela.
Pour compliquer les choses, l'opposition parle constamment de cet excédent, et l'excédent, dans mon esprit, n'existe pas réellement, étant donné la règle du vérificateur général selon laquelle tout l'argent reçu ne devrait pas être versé dans un compte en particulier mais plutôt dans le compte général.
Par ailleurs, pour compliquer encore les choses, pourquoi est-ce que nous nous en prenons toujours à tous ces fonds supplémentaires de l'assurance-emploi? Depuis le gouvernement Mulroney, depuis 1993, le taux a diminué constamment.
Par ailleurs, sachant que si on veut avoir une police d'assurance, il faut pouvoir répondre aux demandes, aux demandes de paiement, comment peut-on concilier tout cela? C'est ce que je trouve difficile. Je vous ai tous écoutés, et chacune des idées que vous avez proposées me semblait sensée, mais je me suis ensuite demandé qui va payer pour tout cela? Naturellement, il y a une complication. Dans une province qui est très riche, et parfois on se demande si ce qu'ils disent s'applique à l'échelle nationale, et on a ensuite une autre province qui dit qu'elle veut l'argent mais elle ne veut pas que l'on touche quoi que ce soit. Je vais prendre toutes les décisions—comme la province de Québec. Ne touchez pas à ceci, ne touchez pas à cela, mais donnez-moi l'argent, donnez-moi l'argent, donnez-moi l'argent.
À l'échelle nationale, nous disons, allons-nous avoir un programme national ou allons-nous avoir 13 programmes différents, pour les dix provinces et les trois territoires? Nous devons avoir un programme si nous voulons avoir la mobilité. Les provinces ne sont pas des prisons. Il y a bien des gens qui partent du Québec pour aller en Alberta, et de l'Ontario pour aller au Nouveau-Brunswick, ou vice versa. Nous devons donc songer à la mobilité, à la durabilité.
Une chose qui a été mentionnée,
[Français]
de la part de Mme Vincent, je crois, avait trait aux programmes de formation. Je constate qu'une des causes importantes du manque d'emploi est la formation. Bien des gens n'ont pas une formation adéquate et occupent un emploi très peu payant. Par exemple, ils ont des
[Traduction]
salaires de misère comme ceux qui préparent les hamburgers dans la restauration rapide.
[Français]
Il n'y a pas d'avenir dans ces emplois. Si les gens ont des difficultés financières, familiales, de santé, etc. et qu'ils sont obligés d'arrêter de travailler, c'est la catastrophe, et c'est une situation qui peut durer pendant le reste de leur vie. Donc, il y a tous ces aspects-là. Je m'excuse de
[Traduction]
parler aussi longtemps, mais vous avez proposé tellement de bonnes idées que j'essaie de voir comment on peut concilier toutes ces idées avec la durabilité, d'une part, et comment améliorer les programmes de formation pour ceux qui travaillent à l'heure actuelle, qui ont eu une certaine part de malchance, ou qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment, dans la mauvaise province, dans la mauvaise région. Ils ne savent pas quoi faire. Ils sont mal pris, et à cause du manque de fonds, ils ne peuvent être très mobiles. S'ils sont mobiles, ils risquent de devenir des sans-abri.
Comment peut-on régler tout cela sur le plan financier? Sans pointer du doigt la caisse de dépôt—il y a beaucoup d'argent dans cette caisse, allons le chercher, il n'existe pas... On se lance dans ces débats politiques, qui ne semblent pas aider le travailleur ordinaire.
À (1025)
Comment peut-on créer la durabilité et comment imposer une taxe adéquate? Nous pourrions peut-être avoir un débat sur cette question.
Mme Alice Nakamura: Je pense que ce serait une bonne chose de revenir à la situation qui existait avant 1994, lorsqu'on a sérieusement tenté d'établir les taux de façon à ce que le programme soit équilibré sur le plan actuariel.
Pour ce qui est de savoir la raison pour laquelle l'excédent a pu s'accumuler, cela s'explique facilement du fait que nous recevons davantage d'argent que nous en versons. En 1994, nous avons reçu le mandat de tenter de trouver des moyens de faire en sorte que le programme soit moins coûteux. Les dépenses du programme avaient augmenté au cours d'une période prolongée, et le groupe de travail dont je faisais partie avait reçu le mandat de tenter de faire en sorte que le programme coûte moins cher à l'économie. Je pense que nous avons réussi à proposer des politiques qui, en fait, ont fait en sorte que cela soit possible. Cependant, les taux de cotisation n'ont pas diminué.
Enfin, en dernier lieu, je voudrais parler de la question de savoir si le fonds d'assurance-emploi est ou non un fonds distinct. À l'époque où le groupe de travail se réunissait, les directives que nous avions reçues étaient à l'effet qu'il s'agissait d'un fonds distinct.
Vous avez mentionné le vérificateur général. L'ancien vérificateur général a témoigné lorsque le projet de loi C-2 était à l'étude. J'ai assisté à tout son témoignage et je l'ai gardé par la suite. Il a témoigné avec beaucoup de passion, en demandant de protéger le caractère distinct de ce fonds. Bien qu'il soit vrai que ce fonds fait partie du revenu général en ce sens que légalement il ne s'agit pas d'un fonds distinct, la taxe d'assurance-emploi a certainement été présentée à la population comme une taxe qui devait financer le programme d'assurance-emploi. Si c'était là une taxe qui devait être versée au revenu général, alors cette taxe ne devrait pas être plafonnée. Cela est tout à fait contraire au principe de l'imposition générale qui vise à recueillir des recettes générales.
Ce n'est que dans le contexte d'une assurance-emploi pour un montant limité de nos gains qu'il est logique d'avoir ce type de taxe plafonnée.
[Français]
M. Eugène Bellemare: Merci, madame la présidente.
[Traduction]
Mme Judith Maxwell: Monsieur Bellemare, il est certain que toutes les décisions d'ordre politique doivent être limitées par la prudence financière, mais il faut aussi savoir qu'il existe un autre déficit dont personne ne parle : tous ceux à qui on refuse une deuxième chance, qui travaillent fort et qui n'ont pas assez à manger. Je ne pense pas qu'à long terme nous puissions l'accepter au plan moral ou économique. Il faut donc reconsidérer nos dépenses, envisager éventuellement d'augmenter certains impôts qui sont affectés à des objectifs que l'ensemble de notre société partage. Voilà, je crois, les questions qu'il faut poser.
Certaines des idées qui ont été formulées ici aujourd'hui, y compris par moi-même, profitent aux Canadiens de toutes les catégories économiques, et non pas uniquement à ceux qui s'en sortent le moins bien. J'ai dit également que plusieurs changements contribuent effectivement à la croissance de la productivité, ce qui permet un meilleur taux d'expansion économique et de meilleurs salaires. C'est un bilan positif, un cercle vertueux. On ne peut donc pas partir sur une proposition négative en disant que nous n'avons pas d'argent et que nous n'avons aucune idée nouvelle à proposer.
À mon avis, nous nous sommes laissés piéger pendant trop longtemps dans ce que j'appelle la pensée axée sur le déficit. Nous l'avons fait parce qu'au cours des années 80 et au début des années 90, nous avions un très grave problème financier qui a été très difficile à surmonter. Je travaille auprès des Canadiens de toutes les régions, et je sais que personne ne souhaite qu'on en revienne à une telle situation; nous avons fait le ménage dans nos finances, et nous voulons les garder en bon ordre. On ne peut pas fermer brusquement la porte en disant que tous ceux qui bénéficiaient d'une protection auparavant vont la conserver, alors que ceux qui auront besoin de protection à l'avenir devront s'en passer. On ne peut pas gérer ainsi notre société. Il faut la gérer selon le principe du partage et quand on partage, on doit constamment réévaluer ses priorités et chercher de meilleures façons d'agir.
Nous sommes aux prises avec un programme inefficace qui ne fournit pas l'assiette fiscale dont le Trésor public a besoin et nous ne profitons pas des programmes concernant le marché du travail, ou du moins, nous ne consacrons pas l'argent perçu aux fins du marché du travail à tous ces programmes qui font désespérément défaut. Comme on a laissé s'accumuler des déficits, notamment en matière de logement, de garderies et de soins à domicile, on exerce trop de pression sur le marché du travail. On s'attend à ce qu'il permette de résoudre tous les problèmes, au lieu de considérer la société comme un tout. Les Canadiens sont des travailleurs, mais ce sont aussi des parents et des contribuables; ils vivent dans leur communauté, ils ont des responsabilités vis-à-vis de leurs parents et de leurs enfants. L'employeur est insensible aux dimensions de la famille, mais la société ne peut pas y être insensible.
Il faut donc dire, je crois, que nous avons fermé la porte au mauvais moment, en faisant un grand nombre d'exclus, et qu'il est temps de remettre les choses à niveau. Je dois dire que ce qui a encore aggravé le déséquilibre, c'est qu'on accorde beaucoup plus de protection aux personnes âgées qu'aux autres générations, et que ce sont les jeunes familles, les enfants et les jeunes parents célibataires qui sont les plus désavantagés.
À (1030)
La présidente: À vous, monsieur Gray.
M. David Gray: Je me demande vraiment comment on a pu accumuler un excédent aussi important, qui atteint actuellement 44 milliards de dollars, je crois, alors qu'on a considérablement réduit la générosité du régime d'assurance-emploi. On a abaissé plusieurs fois le montant des cotisations au cours des six ou sept dernières années et même si ces réductions étaient peu importantes, leur effet cumulatif sur sept ou huit ans est tel que la plupart d'entre nous versent aujourd'hui des cotisations nettement inférieures à l'assurance-emploi. C'est une question que je m'efforce d'étudier actuellement. J'espère que d'ici un an et demi, nous nous serons rapprochés de la réponse, mais je pense qu'on est en présence d'une combinaison complexe de trois facteurs.
Le premier concerne la situation générale du marché du travail. À l'exception d'une courte période en 2002, nous avons bénéficié d'un marché du travail relativement fort et par coïncidence ou de façon providentielle, la réforme de l'assurance-emploi est intervenue dans une période où le marché du travail était vigoureux. D'après le rapport sur l'emploi de vendredi dernier, le marché du travail dans l'ensemble se comporte encore bien. Voilà pour le premier facteur. À cela s'ajoute la générosité du régime d'assurance-chômage et l'effet très complexe de l'évolution de la composition démographique du marché du travail : quelles sont les parts relatives des jeunes travailleurs, des travailleuses, des travailleurs immigrants, etc.? Tous ces éléments déterminent l'admissibilité aux prestations d'assurance-chômage en cas de licenciement.
Voilà donc les trois facteurs qui, à mon sens déterminent l'état du fonds de l'assurance-emploi et actuellement, la discipline ne réussit pas à faire la part des choses entre ces trois facteurs.
À (1035)
La présidente: Monsieur Audas.
M. Rick Audas: Vous avez soulevé la question de la durabilité, et je me suis efforcé d'y réfléchir. Il n'est pas nécessairement question de dépenser plus ou moins; il est plutôt question de rajuster l'emploi des fonds consacrés à l'assurance-emploi. Le point essentiel sur lequel j'ai mis l'accent, c'est que l'assurance-emploi devrait aider davantage certaines personnes, les plus vulnérables et celles qui se retrouvent en situation de précarité, pour lesquelles une aide financière est déterminante. Je pense particulièrement aux jeunes familles, aux familles monoparentales, à tous ceux pour qui l'assurance-emploi peut avoir un effet déterminant et infléchir la destinée des enfants en leur épargnant la spirale de la dépendance intergénérationnelle.
L'assurance-emploi devrait moins venir en aide aux autres, aux jeunes, particulièrement s'ils n'ont pas de personnes à charge et s'ils sont en mesure de s'adapter à l'évolution du marché du travail, d'acquérir de nouvelles compétences et de préserver leur mobilité professionnelle et géographique. L'assurance-emploi devrait leur fournir un niveau élémentaire d'appui, mais elle ne devrait pas les inciter à renoncer à certains rajustements essentiels, de façon qu'ils ne passent pas toute leur vie dans des emplois saisonniers très courts suivis de 35 ou 40 semaines de prestations d'assurance-emploi par an. Le système doit inciter les travailleurs à entreprendre tous les rajustements possibles.
La présidente: Merci.
Madame Thibeault.
[Français]
Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci, madame la présidente.
Mesdames, messieurs, pour commencer, j'aimerais vous parler de l'admissibilité des travailleurs aux prestations d'assurance-emploi. J'aimerais essayer de rétablir certains faits. Mon collègue du Bloc, M. Gagnon, a parlé de 39 p. 100, alors que Mme Vincent a parlé de 88 p. 100. C'est un sujet sur lequel je me suis penchée, surtout depuis la semaine dernière. En effet, on nous a remis, la semaine dernière, un rapport réalisé pour le Congrès du travail du Canada par Statistique Canada. Le ministère, de son côté, nous a dit que le chiffre de 88 p. 100 auquel il était parvenu provenait de Statistique Canada.
Que se passe-t-il? Comment peut-il y avoir un écart aussi grand? Quelque chose ne va pas, et je pense que c'est dû aux méthodes employées. Parmi ceux qui travaillent aujourd'hui au ministère, mais qui, demain matin, auraient le malheur de perdre leur emploi, 88 p. 100 sont admissibles.
Dans l'étude du Congrès du travail du Canada, on a inclus tous les gens qui ont déjà cotisé, mais qui ne cotisent pas pour le moment. Ils ont inclus, par exemple, des étudiants qui, présentement, ne peuvent pas être sur le marché du travail puisqu'ils sont aux études. Il y a en outre deux ou trois autres catégories. Pour ma part, il me semble évident qu'on a comparé des pommes et des oranges. Je trouve cela très malheureux qu'on fasse circuler de tels chiffres sans pour le moins en expliquer la provenance.
Cela étant dit...
M. Marcel Gagnon: Un rappel au Règlement, madame la présidente. Ce qu'on vient de dire là est complètement faux.
[Traduction]
La présidente: Vous avez eu l'occasion d'avancer des chiffres. Votre collègue évoque des documents qu'elle a en sa possession et les témoins vont répondre à ces questions, comme ils ont répondu aux vôtres.
Continuez.
[Français]
Mme Yolande Thibeault: Merci, madame la présidente.
Madame Maxwell, vous nous avez brossé un tableau très intéressant de ce que pourrait être notre pays dans les années à venir. Il a été question de productivité et de salaires élevés. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu comment on pourrait réussir cela.
Cependant, je voudrais d'abord aborder une question que vous avez vous-même mentionnée. Il s'agit de ceux que j'appelle les travailleurs pauvres, les gens qui travaillent une année normale et qui ont des enfants. Ma collègue et ministre du Travail, Mme Bradshaw, qui est aussi, comme vous le savez, ministre responsable des sans-abri, a fait une tournée du Canada. Elle a constaté qu'à plusieurs endroits, des familles devaient se loger dans des sous-sols d'église.
Ces gens travaillent mais ne sont pas en mesure à la fois de payer un loyer, de nourrir les enfants et de les vêtir. Or, j'ai de la difficulté à comprendre que d'autre part, des gens qui reçoivent des prestations d'aide sociale bénéficient de soins dentaires, de lunettes et d'une foule d'autres privilèges gratuits. Tant mieux pour eux. Je n'ai rien contre cela. Il est certain que si ces gens reçoivent ces prestations, c'est qu'ils sont admissibles et qu'ils ont de bonnes raisons d'en recevoir.
Pour ma part, je me demande comment on pourrait aider nos travailleurs pauvres à rester sur le marché du travail. Ils pourraient en effet être tentés de prendre une autre direction. Voilà.
À (1040)
Mme Judith Maxwell: Excusez-moi, madame, mais est-ce que je peux vous répondre en anglais?
[Traduction]
Vous avez raison de les qualifier de travailleurs pauvres. C'est bien ce qu'ils sont, même s'ils ne correspondent pas à l'image que nous nous faisons du Canada. Au Canada, on s'imagine que ceux qui travaillent et apportent leur contribution à la société devraient pouvoir bénéficier d'un niveau de vie adéquat.
Permettez-moi de répondre tout d'abord à votre question sur le lien entre les bas salaires et la faible productivité. On y a consacré quelques études aux États-Unis et je pourrais vous livrer quelques anecdotes canadiennes à ce sujet.
Aux États-Unis, la ville de Baltimore a imposé un minimum vital. La municipalité a déclaré qu'elle n'adjugerait aucun contrat de service aux employeurs locaux à moins qu'ils ne versent des salaires correspondant au minimum vital. Et pour verser un tel salaire, ils devaient augmenter leur enveloppe salariale de 33 p. 100. Il s'agissait donc d'employeurs qui rémunéraient très mal leurs travailleurs. Ils ont augmenté les salaires de 33 p. 100, et certains entrepreneurs ont renoncé à répondre aux appels d'offres, mais d'autres ont soumissionné en versant les salaires exigés. En définitive, on a constaté qu'ils pouvaient effectivement fournir les services en payant ces salaires sans subir de pertes, tout en réalisant à peu près les mêmes profits. Pourquoi en a-t-il été ainsi? Parce que les travailleurs qui reçoivent un salaire décent travaillent différemment. Ils conservent leur emploi, ce qui fait diminuer le taux de roulement. On leur donne une première formation de base, puis du perfectionnement, car ils occupent toujours le même emploi et peuvent donc travailler plus efficacement pour fournir un travail de meilleure qualité. Ils travaillent plus intensément. L'efficacité de l'entreprise augmente, le travailleur est plus à l'aise, se sent mieux dans son emploi et éprouve plus de loyauté envers son employeur. Et celui-ci réalise toujours des profits.
De telles études donnent des indications importantes, mais leur échelle est relativement modeste et je ne pense pas qu'on puisse en conclure qu'il suffit d'augmenter le salaire minimum de 33 p. 100. Je ne pense pas—et c'est aussi ce qu'a dit Mme Vincent—qu'il faille amener les employeurs à reconsidérer leur gestion des ressources humaines et la qualité du milieu de travail pour comprendre ce qui leur permettra d'obtenir un travail de meilleure qualité et des résultats plus avantageux. Il faut considérer à la fois l'employeur et l'employé. J'ai vu des phénomènes semblables au Canada dans des petites entreprises de services comme des pharmacies, des teintureries, etc., mais nous n'avons pas de grandes études à ce sujet. En fait, ce serait un sujet intéressant pour la SRSA.
À (1045)
La présidente: Madame Vincent, puis madame Nakamura.
[Français]
Mme Carole Vincent: Je tiens à dire que je partage votre intérêt pour les travailleurs à faible revenu et, de façon générale, pour les travailleurs en difficulté. Au cours des dernières années, dans le cadre de notre programme de recherche, nous nous sommes intéressés au recours à l'assurance-emploi. Nous avons cependant fini par nous rendre compte que nous serions mal avisés de ne considérer que cet élément, étant donné qu'un grand nombre de travailleurs en difficulté n'avaient même pas recours à l'assurance-emploi. Ainsi, le fait de ne pas avoir recours à l'assurance-emploi ne signifie pas nécessairement que les choses vont bien. En fait, dans bien des cas, elles vont très mal, à un point tel qu'on n'est même pas admissible aux prestations.
Notre recherche nous a amenés à conclure que le recours à l'assurance-emploi n'était pas en soi le problème fondamental, mais que c'était plutôt le manque de compétence, de scolarité adéquate ou d'occasions d'emploi. Ce sont là des difficultés auxquelles font face plusieurs travailleurs, qu'ils soient ou non prestataires de l'assurance-emploi.
On s'inquiète souvent de la possibilité que les travailleurs saisonniers soient des prestataires fréquents de l'assurance-emploi. On a étudié cette question et découvert que nombre d'entre eux ne dépendent pas de l'assurance-emploi. En termes d'emploi, leur situation est précaire, mais en cherchant uniquement à déterminer dans quelle mesure ils dépendent de l'assurance-emploi, on ne s'attaque pas à leurs difficultés. Il faut étudier les problèmes de ces travailleurs et la difficulté qu'ils ont à obtenir un emploi stable qui leur assurerait, à eux et à leurs familles, un niveau de vie adéquat.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame Nakamura, à vous.
Mme Alice Nakamura: Certaines des questions évoquées ici aujourd'hui concernent la façon de faire croître l'économie afin que chacun bénéficie d'un meilleur niveau de vie. D'autres questions concernent ce que l'on peut faire pour protéger les vulnérables et les nécessiteux. Il me semble que ces deux questions doivent être abordées séparément. Elles font appel à des mécanismes très différents.
D'un côté, si l'on regarde pourquoi certains pays connaissent une croissance économique supérieure à la nôtre, si l'on considère les États-Unis, par exemple, on voit que la proportion des diplômés universitaires y est beaucoup plus élevée. En ce qui concerne la disponibilité des données, je peux obtenir gratuitement des données pour étudier la situation des États-Unis. Je peux consulter le site Web du département américain du Travail, télécharger des données et les étudier. Le département pourra ensuite se servir de ma recherche pour favoriser la croissance économique.
Au Canada, depuis 1990, je dois payer pour obtenir des données. Nous vivons dans une économie de l'information, mais nous imposons des frais à nos propres citoyens s'ils veulent utiliser les données recueillies par Statistique Canada. On interdit au Canada ce qui est autorisé aux États-Unis. En matière d'information et de transparence, on se préoccupe beaucoup de la protection de la vie privée, mais je ne pense pas qu'on se préoccupe suffisamment du droit de savoir. Bien souvent, on aimerait disposer de données, mais les ministères fédéraux sont désormais tenus de détruire les données des années antérieures, ce qui prive les générations futures de toute possibilité de se renseigner.
Par ailleurs, il faudrait des mécanismes qui mettent les travailleurs en contact avec les employeurs. Les États-Unis font merveille dans ce domaine. Ils ont un système appelé Monster, que vous connaissez certainement, mais ils en ont également d'autres. Monster appartient à TMP Worldwide Inc. Les étudiants et les diplômés s' y inscrivent. Les données appartiennent à TMP Worldwide, dont les bureaux sont à New York. C'est une agence de recrutement de cadres, et 480 des entreprises Fortune 500 y ont recours.
Les universités ont préparé des plans et ont lancé un système appelé Campus Work Link, qui a été constitué grâce à des fonds publics. Il a été par la suite vendu à Workopolis, un partenaire de CareerBuilder, qui fait du recrutement aux États-Unis. Lorsqu'on a cédé le système à Workopolis, on a remis toute l'information à nos concurrents. Nous avions là des liens qui avaient nécessité un travail considérable dans l'ensemble du pays. Ces liens apparaissaient désormais en première page de Workopolis.
De surcroît, certains programmes canadiens ont été privés de soutien. Par exemple, des universitaires ont lancé un programme appelé ChouetteCarrière, qui vise à mettre les employeurs en contact avec les diplômés formés dans nos universités. Nos journaux n'en parlent pas. Les universitaires y ont consacré plus de 1,5 million de leurs propres dollars après impôt.
En ce qui concerne les sources extérieures de validation du volume des opérations, nous avons un système appelé Alexa, conçu par Amazon, qui mesure le volume du trafic sur n'importe quel site Web. Nous pouvons désormais prouver que le système conçu par les universitaires canadiens est plus fréquenté que le site Competences.ca, conçu par Industrie Canada, et aussi fréquenté, sinon plus, que le site Info-emploi.ca, alors que les Canadiens n'en sont pas informés.
Or, il pourrait permettre à tous les employeurs de réaliser des économies considérables. Un employeur qui s'adresse à Workopolis doit payer 620 $ pour afficher un emploi. Celui qui s'adresse à ChouetteCarrière ne paie que 49 $ par emploi affiché. ChouetteCarrière a effectué pendant trois ans tout le travail administratif d'information sur l'emploi dans les campus pour le ministère des Finances. Ses employés ont des cotes de sécurité élevées, et pourtant, ce service n'est pas assez connu.
Les États-Unis sont très actifs dans ce domaine. Ils ont de l'avance sur le Canada en ce qui concerne la reconnaissance du talent, les études universitaires proposées et l'aide accordée aux employeurs pour prendre efficacement contact avec les diplômés qu'ils ont contribué à former grâce à leurs impôts.
En revanche, je considère que le Canada a fait beaucoup mieux que les États-Unis dans d'autres domaines. Nous avons un système public de santé, et les travailleurs pauvres peuvent du moins obtenir des soins de santé, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Le Canada a des programmes de bien-être social ouverts aussi bien aux hommes qu'aux femmes; les hommes ont eux aussi besoin de manger. De nombreux programmes canadiens ont permis de faire baisser le taux de criminalité et nos villes sont désormais plus sûres. La situation n'est pas parfaite, mais de ce point de vue, il semble que nous ayons fait des progrès considérables et que nous soyons toujours en progrès. Les problèmes à ce niveau concernent le besoin de programmes qui ne soient pas axés sur l'assurance et qui ont les effets dont Judith Maxwell et d'autres ont parlé.
À (1050)
Nous avons besoin d'assurance-emploi pour assurer le bon fonctionnement de notre économie de base. De très nombreux Canadiens occupent des emplois pour lesquels l'assurance-emploi est indispensable, mais nous avons aussi besoin de tout ce qui nous permet de participer à une économie où les salaires sont plus élevés. On ne peut pas le faire en se contentant d'aider les plus démunis; il faut se doter des moyens d'innover et de garder nos jeunes talents au Canada, au lieu de les laisser partir aux États-Unis.
La présidente: Merci.
Monsieur Gagnon, vous aurez le mot de la fin et je vous couperai la parole au bout de 10 minutes, sans vous accorder une seconde de plus.
[Français]
M. Marcel Gagnon: Merci de votre générosité.
Je reste sur ma faim. Comme l'a dit M. Bellemare, vous nous avez donné beaucoup de bonnes idées, et il me semble qu'on aurait dû être plus nombreux autour de la table pour vous entendre et vous écouter. Si nous voulons travailler pour le bien des gens, nous devons essayer d'en tirer les meilleures conclusions possibles.
Alors que le gouvernement devrait redistribuer la richesse, j'ai l'impression qu'avec la caisse d'assurance-emploi, il s'empare de la richesse et distribue la pauvreté. Je le déplore. Lorsqu'on prend l'argent des travailleurs qui ont gagné jusqu'à 39 000 $, cela veut dire qu'il y a seulement une partie des travailleurs qui cotisent, c'est-à-dire ceux qui gagnent la première tranche de 39 000 $. Par exemple, le premier ministre, un ministre, un député ne cotisent pas à l'assurance-emploi. Il y a beaucoup de travailleurs qui ne cotisent pas à l'assurance-emploi, même pas sur la première tranche de 39 000 $. On prend cet argent pour réduire la dette, ce qui veut dire qu'on fait payer la dette de l'État par ceux qui gagnent le moins. À mon avis, c'est une injustice incroyable.
Si je gagne 39 000 $, je cotise pour 100 p. 100 de mon salaire. Si je gagne 80 000 $, je cotise pour 50 p. 100 de mon salaire. Si je gagne 200 000 $, je cotise pour à peu près 20 p. 100 de mon salaire. En plus, si je gagne un gros salaire et que je ne cotise pas à l'assurance-emploi, c'est comme si la dette de l'État ne me regardait pas. Je trouve que c'est une injustice qu'on ne devrait pas accepter.
Je ne suis pas un spécialiste de l'assurance-emploi, mais je sais fort bien qu'il y a beaucoup de programmes qui se chevauchent. On a parlé de l'aide sociale. On a parlé des travailleurs pauvres. D'ailleurs, c'est pour cela que le Québec a demandé de rapatrier l'assurance-emploi. Il voulait y intégrer d'autres responsabilités, c'est-à-dire la formation de la main-d'oeuvre, l'aide sociale, etc. pour en faire un programme plus complet.
À mon point de vue, tant que l'assurance-emploi restera telle qu'elle est, il faudra au moins faire en sorte que le travailleur... Il y a de nombreux travailleurs qui cotisent sans même avoir l'espoir de recevoir un jour des prestations d'assurance-emploi. Il y en a dans mon comté. Qu'on ne me dise pas que c'est le cas de seulement 12 p. 100 des travailleurs. Ou bien il y en a plus que cela, ou bien ils sont tous chez nous. Cela n'a pas de bon sens. Il y a quelque chose qui ne va pas dans les chiffres.
Cela me scandalise. Une vraie réforme de l'assurance-emploi s'impose, mais ce n'est pas ce qui s'annonce ce matin, à mon point de vue. Pendant que nous en discutons, le ministre annonce une réforme préélectorale. Si on veut travailler à la distribution de la richesse plutôt que d'empocher la richesse et distribuer la pauvreté, il faut élaborer un plan concret.
On entend parler des travailleurs pauvres. Tous ceux qui travaillent au salaire minimum pourraient normalement s'administrer, mais quand vous travaillez au salaire minimum trois mois par année ou que, pour une raison ou une autre, vous n'avez même pas le droit de retirer un minimum d'assurance-emploi... Dans mon comté, il y a des travailleurs qui, à cause de la crise du bois d'oeuvre, ont passé 10 ou 12 mois sans salaire, comme ceux qui n'ont pas eu la chance d'aller travailler ailleurs. Lorsque vous vivez dans le bout de La Tuque ou en Abitibi, ce n'est pas évident. Vous le savez, car vous êtes un député de ce coin, n'est-ce pas? Non, vous êtes à Ottawa. Je vous confondais avec votre collègue de l'Abitibi.
Ces gens n'ont pas accès à un travail tout de suite, dès le lendemain. Avec une caisse d'assurance-emploi aussi riche, on ne devrait pas payer la dette de l'État, mais en profiter pour diminuer les cotisations ou, de préférence, pour améliorer les services. L'assurance-emploi, comme tous les programmes destinés à aider les gens à se sortir de la pauvreté, est censée servir le travailleur et la population avant de servir le gouvernement.
À (1055)
Je suis scandalisé par le fait que cette caisse a servi les gouvernements. Cette caisse a payé ma portion de la dette de l'État, qui est de 50 milliards de dollars, mais ce n'est pas vrai que le travailleur qui gagne 39 000 $ et moins est responsable de la dette de l'État. La réforme devrait faire en sorte que cet argent payé par les travailleurs soit véritablement consacré à l'aide aux travailleurs. Si c'était le cas, on entendrait moins parler de travailleurs pauvres parce que, au moins, l'assurance leur permettrait de passer à travers les mauvais jours. C'est à peu près ce que j'ai à dire. Merci.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Si vous répondez à M. Gagnon, profitez-en pour conclure. Je vous accorde une ou deux minutes à chacun pour répondre ou pour conclure. Qui veut commencer?
Madame Vincent.
[Français]
Mme Carole Vincent: Souvent, on ne sait pas ce qu'est la solution. Parfois, on met en oeuvre des politiques qui, deux ans plus tard, sont abolies. Le programme d'assurance-emploi est un programme vaste et compliqué, et il est important de procéder à des évaluations rigoureuses des différentes options.
Prenons l'exemple du projet-pilote des petites semaines. Cela a constitué un pas dans la bonne direction. Cela a été d'abord un projet-pilote, puis il a été évalué et mis en application à l'échelle nationale. Je pense que c'est très important.
Je n'ai pas de recommandations de réforme de l'assurance-emploi à formuler. Nous avons identifié des priorités de recherche et je pense qu'il est très important d'y aller prudemment parce qu'il y a beaucoup d'éléments qu'on comprend mal. On les comprendrait mieux grâce à des recherches utilisant des méthodes rigoureuses.
Á (1100)
[Traduction]
La présidente: Merci.
À vous, madame Maxwell.
Mme Judith Maxwell: Comme nous sommes en période préélectorale, c'est le moment de regarder un peu plus loin, pour voir les grands défis que nous avons à relever. Nous tripotons l'assurance-emploi depuis des années, parfois pour le meilleur et parfois pour le pire, mais si nous mettons trop l'accent sur ce programme en y voyant le seul moyen d'action, nous allons manquer le bateau.
Il y a des problèmes à régler et vous en avez entendu parler aujourd'hui, mais je crois qu'il faut voir plus grand et réfléchir au problème des travailleurs pauvres, qui est trop important pour qu'un seul programme, si parfait soit-il, puisse en venir à bout.
La présidente: Merci.
À vous, monsieur Audas.
M. Rick Audas: Je pense que l'assurance-emploi doit faire partie d'un filet national de sécurité, et c'est le thème que nous avons développé. Il fait partie des mesures grâce auxquelles les gouvernements peuvent faciliter la vie à leurs citoyens, en particulier à ceux qui connaissent des circonstances particulièrement difficiles.
Le programme doit pouvoir s'adapter aux circonstances locales, car ce qui fonctionne bien dans une région du pays ne fonctionnera pas nécessairement bien ailleurs. Le principe d'une assurance-emploi à taille unique ne fonctionne pas au niveau national ni même, sans doute, au niveau local. Il faut donc le doter de la souplesse nécessaire pour qu'il puisse d'adapter aux réalités locales.
Enfin, il faut que le programme fasse la promotion des rajustements et de l'amélioration des compétences. Tout programme social qui a pour effet de dissuader les travailleurs de s'améliorer et d'acquérir de nouvelles compétences devra nécessairement être rectifié.
La présidente: Merci.
Madame Nakamura.
Mme Alice Nakamura: Oui. En conclusion, je vous prie instamment de ne pas ajouter à la complexité de l'assurance-emploi, mais plutôt d'y ajouter un élément conforme à ce que les autres intervenants ont également recommandé, à savoir une composante regroupant les programmes qui ne sont pas axés sur l'assurance.
Quant à l'essentiel du programme d'assurance-emploi proprement dit, je vous invite à revenir à une forme de fixation de taux particuliers. Vous avez l'occasion d'accueillir les travailleurs autonomes et les travailleurs indépendants. Je vous invite à allonger la période de qualification de façon à régler le problème de ceux qui doivent cotiser pendant de longues périodes sans pouvoir retirer de prestations. Je vous invite également à profiter du retour à la fixation de taux particuliers pour éliminer le seuil des 900 heures pour les nouveaux travailleurs et ceux qui réintègrent le marché du travail. Ce seuil est inutile quand on a d'autres façons efficaces de contrôler les recours répétés à l'assurance-emploi et je pense que c'est une façon draconienne d'interdire l'accès au programme alors qu'on veut éviter les recours répétés.
Certains travailleurs qui réintègrent le marché du travail ont cotisé pendant 20 ans avant de connaître une longue période de chômage à la suite d'un effondrement de leur secteur d'activités. Ils sont considérés comme réintégrant le marché du travail et font partie de ceux qui ne toucheront aucune prestation alors qu'ils devraient y avoir droit. Il faut donc recourir à la fixation de taux particuliers pour contrôler les recours répétés. Il y a plusieurs façons de surmonter les problèmes que vous avez constatés au moment de l'adoption du projet de loi C-2.
Enfin, je vous invite à rétablir l'intégrité du fonds en tant que fonds distinct. Le fonds ne doit pas nécessairement être distinct au plan juridique, mais il doit être affecté spécifiquement à l'assurance-emploi et non considéré comme un élément du Trésor public. L'argent doit être réservé à l'assurance-emploi. Si on veut utiliser cet argent à d'autres fins, il faut l'indiquer clairement et qualifier les cotisations de taxes. Ne parlez plus de cotisations d'assurance-emploi.
Merci.
La présidente: Merci.
À vous, monsieur Gray.
[Français]
M. David Gray: J'aimerais répondre à une question posée par M. Gagnon.
Je pense qu'il a soulevé plusieurs points très légitimes. Je n'ai pas les chiffres les plus récents concernant la province de Québec, mais il est vrai que dans le passé, le Québec recevait en prestations du régime d'assurance-chômage un montant supérieur au montant qu'il payait sous forme de cotisations. Je ne suis pas sûr du bilan actuel, mais dans le passé, le Québec a tiré un profit, à tout le moins léger, de ses cotisations à la caisse d'assurance-emploi.
Á (1105)
[Traduction]
La présidente: Merci. Je tiens à vous adresser à tous mes sincères remerciements. Vous nous avez livré une information très utile. Je le répète, je veillerai à ce que vos commentaires transcrits soient portés à l'attention du ministre, et je lui recommanderai d'en prendre soigneusement connaissance. Comme vous l'avez dit, nous sommes probablement en période préélectorale, et vous avez fait des commentaires et des remarques extrêmement utiles. Nous savons que vous avez passé une grande partie de votre vie à étudier cette importante question, et que vous allez continuer à l'étudier.
Au nom du comité, je vous remercie.
La séance est levée.