INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 26 février 2004
¿ | 0930 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)) |
M. Jean-François Leprince (président, Aventis Pharma, Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada) |
¿ | 0935 |
M. Terry McCool (vice-président, Affaires corporatives, Eli Lilly Canada Inc, Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada) |
¿ | 0940 |
M. Jean-François Leprince |
Le président |
M. Jim Keon (président, Association canadienne du médicament générique) |
Le président |
M. Jim Keon |
¿ | 0945 |
¿ | 0950 |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe (coordinatrice (Canada) pour la campagne accès aux médicaments essentiels, Médecins sans frontières) |
Le docteur Virginia Gularte (MSF Guatemala, Médecins sans frontières) |
¿ | 0955 |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
À | 1000 |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
À | 1005 |
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PCC) |
M. Jean-François Leprince |
M. Grant McNally |
M. Jean-François Leprince |
M. Grant McNally |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
À | 1010 |
L'hon. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.) |
M. Jean-François Leprince |
L'hon. Joe Fontana |
M. Jim Keon |
À | 1015 |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
L'hon. Joe Fontana |
Le président |
M. Terry McCool |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
À | 1020 |
M. Jim Keon |
M. Paul Crête |
M. Jim Keon |
M. Paul Crête |
M. Jean-François Leprince |
À | 1025 |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
L'hon. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.) |
M. Terry McCool |
Le président |
M. Jim Keon |
À | 1030 |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
M. Terry McCool |
Le président |
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, PCC) |
Le président |
Mme Cheryl Gallant |
M. Terry McCool |
Mme Cheryl Gallant |
M. Terry McCool |
Mme Cheryl Gallant |
M. Terry McCool |
Mme Cheryl Gallant |
M. Terry McCool |
Le président |
M. Jim Keon |
Mme Cheryl Gallant |
M. Jim Keon |
Mme Cheryl Gallant |
À | 1035 |
M. Jim Keon |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
L'hon. Lyle Vanclief (Prince Edward—Hastings, Lib.) |
M. Terry McCool |
L'hon. Lyle Vanclief |
M. Terry McCool |
L'hon. Lyle Vanclief |
À | 1040 |
M. Terry McCool |
M. Jim Keon |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
L'hon. Lyle Vanclief |
Le président |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
À | 1045 |
M. Jean-François Leprince |
Dr Virginia Gularte |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
À | 1050 |
Le président |
L'hon. Joe Fontana |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
À | 1055 |
Le président |
M. Grant McNally |
M. Jean-François Leprince |
Le président |
M. Jim Keon |
M. David Windross (vice-président, Affaires gouvernementales et professionnelles, Novopharm Limitée, Association canadienne du médicament générique) |
Le président |
M. David Windross |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Jean-François Leprince |
Á | 1100 |
M. Jim Keon |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. Jim Keon |
M. Terry McCool |
Le président |
Mme Rachel Kiddell-Monroe |
Le président |
Le président |
M. Mark Fried (coordonnateur de communications et plaidoyer, Oxfam Canada) |
Á | 1115 |
Le président |
M. Richard Elliott (directeur, Politiques et recherche juridique, Réseau juridique canadien VIH/sida) |
Á | 1120 |
Le président |
M. Richard Elliott |
Á | 1125 |
Le président |
M. Michael O'Connor (directeur exécutif, Coalition interagence sida et développement) |
Á | 1130 |
Le président |
Mme Michelle Munro (conseillère-politiques et programmes, VIH/SIDA et santé, CARE Canada) |
Á | 1135 |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, PCC) |
Á | 1140 |
M. Michael O'Connor |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Richard Elliott |
M. James Rajotte |
Mme Michelle Munro |
Á | 1145 |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Richard Elliott |
Le président |
L'hon. Joe Fontana |
M. Richard Elliott |
Á | 1150 |
L'hon. Joe Fontana |
Le président |
M. Mark Fried |
Le président |
M. Richard Elliott |
Á | 1155 |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Michael O'Connor |
M. Paul Crête |
M. Michael O'Connor |
M. Paul Crête |
 | 1200 |
Le président |
M. Mark Fried |
Mme Michelle Munro |
M. Mark Fried |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
Mme Michelle Munro |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
Mme Michelle Munro |
Le président |
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
M. Richard Elliott |
Mme Paddy Torsney |
M. Richard Elliott |
 | 1205 |
Mme Paddy Torsney |
Le président |
M. Richard Elliott |
Mme Paddy Torsney |
M. Richard Elliott |
Le président |
M. Mark Fried |
Mme Paddy Torsney |
Mme Michelle Munro |
Mme Paddy Torsney |
Le président |
Mme Michelle Munro |
 | 1210 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. Richard Elliott |
 | 1215 |
Le président |
Mme Alexa McDonough |
Le président |
M. Mark Fried |
Le président |
L'hon. Gurbax Malhi |
Mme Michelle Munro |
L'hon. Gurbax Malhi |
Le président |
M. Richard Elliott |
L'hon. Gurbax Malhi |
 | 1220 |
M. Richard Elliott |
Le président |
M. Mark Fried |
Le président |
M. James Rajotte |
Mme Michelle Munro |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Richard Elliott |
M. James Rajotte |
Le président |
Mme Michelle Munro |
M. James Rajotte |
 | 1225 |
Le président |
M. Mark Fried |
Le président |
Mme Michelle Munro |
Le président |
M. Richard Elliott |
Le président |
L'hon. Lyle Vanclief |
 | 1230 |
Le président |
M. Richard Elliott |
Le président |
M. Mark Fried |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Richard Elliott |
Le président |
Mme Michelle Munro |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 26 février 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0930)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bienvenue à cette séance du 26 février du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie qui poursuit son étude du projet de loi C-9. Il s'agit d'une initiative importante visant la fourniture de médicaments à des pays dans le besoin.
Je veux d'abord m'assurer que tous les représentants de Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, de l'Association canadienne du médicament générique et de Médecins sans frontières sont assis à la table des témoins.
Merci beaucoup.
Je vais vous inviter à prendre la parole dans l'ordre où vous êtes inscrits sur la liste des témoins : d'abord l'industrie des médicaments d'origine, puis l'industrie du médicament générique et, en troisième lieu, Médecins sans frontières. Je vous demanderais de vous limiter, en gros, à une dizaine de minutes, ce qui nous donnera une demi-heure d'exposés pour les trois premiers groupes et assez de temps pour que les membres du comité puissent vous poser des questions, puisque nous avons prévu une heure et demie en votre compagnie.
Monsieur Leprince, est-ce vous qui représentez votre groupe? Vous avez la parole.
M. Jean-François Leprince (président, Aventis Pharma, Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada): Merci, monsieur le président.
Bonjour, mesdames et messieurs.
[Français]
Tout d'abord, nous tenons à souligner les efforts considérables que votre comité a déployés afin de résoudre les questions et les enjeux soulevés par ce projet de loi, et nous tenons à vous réitérer notre engagement envers l'atteinte de l'objectif fondamental qui nous réunit tous autour de cette table ce matin: la distribution efficace et à l'intérieur de délais appropriés de médicaments abordables aux pays et aux patients dans le besoin.
[Traduction]
L'industrie des médicaments d'origine est allée de l'avant pour offrir son soutien continu à ceux qui avaient pour tâches d'élaborer ce projet de loi essentiel. Nous avons donc apporté à la table non seulement notre grande expérience dans la fourniture des médicaments mais aussi notre expérience dans la prestation des soins dans le monde en développement.
Les membres de notre industrie apportent leur aide dans tous les pays d'Afrique, comme l'illustre la carte que nous avons incluse à l'annexe B de notre mémoire. J'ai été personnellement le témoin oculaire du sort qui était réservé aux malades en Afrique, puisque pendant plus de 10 ans, j'ai été chargé des programmes de travail en Afrique destinés à fournir des médicaments au continent africain.
[Français]
Je peux donc témoigner en toute connaissance de cause de la véritable souffrance que la maladie inflige à des millions d'Africains tous les jours. Le rôle que votre comité jouera au cours des prochaines semaines est vital. Vous serez appelés à définir les mécanismes par lesquels nous pourrons assurer la distribution de médicaments tout en permettant aux patients du monde entier de bénéficier de nouvelles avancées thérapeutiques.
¿ (0935)
[Traduction]
Aujourd'hui, l'industrie pharmaceutique du monde entier, c'est-à-dire les fabricants de produits génériques de même que les fabricants de médicaments d'origine ont l'occasion de laisser de côté leur rivalité traditionnelle. Nous avons donc une occasion en or à saisir, celle d'être des parties prenantes de la solution et de mettre de l'avant les besoins des patients. Nos efforts à tous doivent tendre à trouver des solutions.
On peut vous fournir maints exemples d'initiatives passées au cours desquelles se sont associés les fabricants de médicaments d'origine, les ONG telles que Médecins sans frontières et les fabricants de médicaments génériques pour fournir des médicaments au pays en développement.
[Français]
Nous connaissons les préoccupations des ONG et de l'industrie des médicaments génériques. Nous avons même rencontré Stephen Lewis, un Canadien connu, entre autres, pour son dévouement à cette cause. Nous avons écouté et aujourd'hui nous agissons. Nous sommes donc heureux de vous faire part d'une alternative qui, à notre avis, répond aux préoccupations soulevées au cours des dernières semaines en ce qui concerne le droit de premier refus. Nous vous présenterons également des recommandations qui rendront la mise en oeuvre du projet de loi encore plus efficace.
[Traduction]
Je demanderai maintenant à Terry McCool de vous présenter les amendements que nous proposons.
M. Terry McCool (vice-président, Affaires corporatives, Eli Lilly Canada Inc, Compagnies de recherche pharmaceutique du Canada): Merci, monsieur Leprince.
Bonjour à tous.
Nos modifications sont de cinq ordres. Les trois premières abordent la nécessité d'instaurer un système plus sûr et plus stable et sont plutôt d'ordre administratif; elles portent notamment sur les changements qu'il faudrait apporter pour assurer la prévisibilité du système et pour que celui-ci n'entraîne ni confusion ni retard. Rappelez-vous : nous visons une aide humanitaire et non commerciale. Nous nous attendons à ce que le système soit transparent, en ce qui concerne particulièrement l'expédition des médicaments, pour qu'il soit possible d'en faire le suivi et que l'on puisse faire en sorte que le produit est bel et bien livré, pour signaler immédiatement tout détournement de médicaments et pour lutter contre la réimportation. La licence d'exportation vise des produits ne pouvant être revendus à nouveau au Canada.
Les modifications proposées dans les deux derniers cas sont, à notre avis, de la plus haute importance. Elles portent sur des mesures de lutte contre le détournement, pour empêcher le détournement illégal des produits vers des pays autres que les pays visés et pour réduire au minimum les risques à cet égard. Elles découlent de l'importance de mettre au point un processus clair et de la nécessité pour le fabricant de produits génériques de tenter de négocier une licence volontaire auprès du breveté, avant même de demander la licence obligatoire.
Malheureusement, certains médicaments envoyés aux pays en développement sont détournés illégalement et revendus dans les pays industrialisés, et n'atteignent jamais les patients. Il faut donc instaurer un système de suivi dynamique des médicaments exportés et des mesures musclées pour lutter contre le détournement afin de limiter ce type d'activité. Nous proposons dans notre mémoire plusieurs solutions pour réduire ce risque, notamment le suivi dynamique des médicaments exportés et d'autres mesures musclées pour contrer les détournements, telles que les emballages spéciaux ou une coloration et un conditionnement spéciaux des produits, conformément à la décision de l'OMC; l'imposition de sanctions pénales à tous ceux qui détournent sciemment un médicament; et l'instauration, par voie de règlement, d'un programme d'accréditation des exportations ainsi que d'inspection avant les exportations de sorte qu'il soit possible de vérifier les cargaisons avant leur départ du Canada et d'en faire le suivi après.
Nous avons une longue expérience des pays en développement, et notre industrie veut pouvoir continuer à prendre part à des programmes qui offrent des médicaments abordables aux patients des pays en développement. Nous voulons également nous assurer que les programmes que notre industrie a déjà instaurés ne seront pas perturbés par votre projet de loi.
On a déjà beaucoup discuté du droit de préférence, ou de premier refus; mais nous n'avons pas l'intention de dissuader qui que ce soit de prendre part avec nous à cette entreprise. Le besoin d'intervenir dans ces pays est beaucoup trop grand, et par conséquent, l'industrie des produits pharmaceutiques novateurs offre une solution de rechange en vue de faire en sorte que les deux partenaires de notre industrie aient tout autant l'un que l'autre la possibilité de fournir des médicaments à ceux qui sont dans le besoin, et voilà pourquoi nous offrons une solution de rechange à ce que envisage le projet de loi.
Il est possible d'offrir à tous des chances égales d'approvisionner les pays dans le besoin, si on permet au processus de notification de se faire plus tôt en cours de route et si l'on permet que les négociations en vue d'obtenir une licence volontaire, tel que l'exigent les ADPIC, se fassent plus tôt en cours de route. Nous vous expliquons plus à fond notre proposition à la page 18 de notre mémoire.
En bref, cela permettrait de réduire au minimum les frais généraux qui découragent les fabricants de produits génériques de prendre part à la démarche. Cela permettra en outre que les négociations entre les fabricants de produits génériques et les brevetés en vue d'obtenir une licence volontaire commencent beaucoup plus tôt — de fait, avant même que les fabricants de produits génériques ne commencent à négocier avec le pays importateur.
Étant donné que l'OMC, dans sa décision, ne prévoit pas d'appels d'offres ouverts pour chaque contrat, nous croyons que l'option que nous proposons de « chances égales d'approvisionner le pays dans le besoin » constitue une solution de rechange viable au droit de préférence. Le projet de loi prévoit que les contrats peuvent être conclus directement entre un pays importateur et un fabricant de produits génériques, sans même que le breveté sache que son brevet pourrait lui être enlevé ou qu'il ait même la chance de proposer ses propres services. Par conséquent, notre proposition à nous fait en sorte que les deux parties puissent avoir des chances égales d'approvisionner les pays dans le besoin.
Étant donné que l'OMC n'a pas encore terminé ses démarches dans le cadre de cette initiative, nous demandons au comité de faire en sorte que le Canada soit non seulement le chef de file mais qu'il exige qu'il y ait un mécanisme approprié de surveillance.
Merci.
¿ (0940)
M. Jean-François Leprince: Nous continuerons, bien sûr, à soutenir les programmes d'aide internationale, mais nous croyons également que notre rôle est d'aider les pays en développement en trouvant des médicaments permettant de lutter contre les maladies terribles que sont, par exemple, le VIH/SIDA. Nous sommes très fiers de nos compagnies membres telles que GlaxoSmithKline et Merck qui ont toutes deux à l'heure actuelle mis au point des vaccins contre le VIH/SIDA qui en sont à l'étape des essais cliniques qui, nous l'espérons, seront couronnés de succès. Notre objectif, c'est de continuer à mener des recherches pour trouver la prochaine génération de médicaments qui traiteront des maladies affligeant le monde entier.
En guise de conclusion, je voudrais ajouter que de donner accès à des médicaments abordables, ce n'est qu'un des éléments de l'aide qu'il est possible d'apporter aux pays en développement. Il ne faut pas négliger par ailleurs l'accès aux médecins, les diagnostics appropriés de même que la création d'une infrastructure durable.
Merci de nous avoir donné l'occasion de nous adresser au comité, et nous répondrons avec plaisir à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Leprince. Je vous assure que tous les amendements que nous aurons reçus de tous les témoins seront examinés avec grand soin.
Passons maintenant à M. Keon qui, je crois, parlera au nom de l'Association canadienne du médicament générique.
M. Jim Keon (président, Association canadienne du médicament générique): Oui.
Le président: En effet.
M. Jim Keon: Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Jim Keon, et je suis président de l'Association canadienne du médicament générique. Je suis accompagné aujourd'hui'hui de David Windross, vice-président aux relations gouvernementales et professionnelles chez Novopharm, et de Ed Hore, notre conseiller juridique.
[Français]
Le Canada est l'un des plus importants centres de recherche, de développement et de fabrication de médicaments génériques au monde. Les fabricants canadiens de médicaments génériques exportent environ 20 p. 100 de l'ensemble de leur production vers plus de 120 pays.
Nos sociétés membres donnent chaque année l'équivalent de millions de dollars en médicaments génériques aux pays en développement. Habituellement, ces médicaments sont remis à des organismes non gouvernementaux qui acheminent les médicaments directement aux citoyens des pays en voie de développement qui en ont besoin.
Par exemple, par l'entremise de Mercy International, Apotex a fourni, en décembre 2003, des médicaments génériques d'une valeur de 733 000 $ pour l'Afghanistan ainsi que pour 340 000 $ de médicaments au Soudan, en octobre 2003. Au début du mois, Apotex a effectué un don totalisant 250 000 $ de médicaments aux victimes du tremblement de terre de Bam en Iran.
Novopharm, représentée ici par David Windross, fournit des médicaments génériques par le biais de son Programme canadien d'aide pour l'accès aux médicaments ou le CANMAP. David se fera certainement un plaisir de répondre aux questions des membres quant à ce programme.
[Traduction]
J'aimerais tout d'abord mentionner que l'industrie canadienne du médicament générique appuie l'initiative du gouvernement qui souhaite que les médicaments génériques canadiens puissent être exportés vers les pays en développement en temps de crise sur le plan de la santé. Depuis la déclaration de Doha de novembre 2001, l'ACMG et ses sociétés membres encouragent le gouvernement à prendre des mesures concrètes afin de faciliter l'accès aux médicaments à prix abordable pour les pays en développement.
Malheureusement, telle que formulée à l'heure actuelle, la loi ne sera pas efficace. Le projet de loi C-9 doit être amélioré afin de permettre aux médicaments génériques de fabrication canadienne de parvenir aux citoyens des pays en voie de développement qui en ont désespérément besoin. Pour être efficace, cette législation requiert des mesures directes de la part des fabricants de médicaments génériques.
Le projet de loi C-9 repose sur une hypothèse selon laquelle les fabricants de médicaments génériques fabriqueront des versions génériques de médicaments brevetés aux fins d'exportation vers des pays en voie d'industrialisation. Pour bien comprendre si le projet de loi sera couronné de succès ou pas, il faut savoir que la conception et la fabrication de médicaments génériques consistent en un processus qui est à la fois long et coûteux. Il faut aux fabricants de médicaments génériques des années de travail et des millions de dollars pour concevoir les processus pour synthétiser les produits chimiques, mettre au point les formulations, les méthodes d'essai et les données de stabilité afin d'assurer la qualité, puis effectuer les essais d'équivalence thérapeutique chez les volontaires et les faire homologuer par Santé Canada. Les fabricants ne pourront justifier de tels investissements sans possibilité de récupérer les sommes investies. Il s'agirait d'une mauvaise décision d'affaire.
L'industrie canadienne du médicament générique est d'avis que l'objectif consistant à fournir des médicaments génériques à prix abordable est à la fois important et réaliste. L'ACMG est ici aujourd'hui pour identifier les failles au niveau du projet de loi C-9 et pour suggérer des améliorations qui pourront être considérées par le comité afin de rendre cette loi efficace.
Pour reprendre à notre compte un commentaire qui a été fait, une des plus importantes faiblesses du projet de loi, c'est le «droit de premier refus» des fabricants de médicaments d'origine. D'après le libellé actuel, cette mesure confère aux fabricants de médicaments d'origine 30 jours pour s'approprier tout contrat déjà négocié par les fabricants de médicaments génériques.
La disposition relative au droit de premier refus dissuade les fabricants de médicaments génériques de chercher et de négocier de nouveaux contrats pour les pays en voie de développement. Un fabricant de médicaments génériques ne peut se permettre de détourner des ressources productives vers d'autres activités et d'investir temps et argent pour mettre au point des médicaments protégés par des brevets au Canada, s'il doit ensuite remettre les contrats négociés à un tiers, soit aux fabricants de médicaments d'origine.
Nous estimons que les fabricants de médicaments d'origine possèdent déjà—et continueront à l'avoir—le droit de premier refus de facto, puisqu'ils détiennent actuellement les brevets des produits qui font l'objet de cette loi. Ils peuvent donc fabriquer, vendre ou même donner les médicaments en tout temps à qui ils le désirent. Ce projet de loi ne brime en rien ce droit.
La déclaration de Doha, que ce projet de loi-ci est censé concrétiser, a pour but d'augmenter le nombre de fabricants dans le monde de médicaments qui font cruellement défaut dans bien des pays. Plus il y aura de fabricants, plus l'approvisionnement en médicaments grimpera et moins cher sera leur prix. S'il existait suffisamment de médicaments à prix réduit sur les marchés internationaux pour les pays en développement, il n'y aurait pas eu de déclaration de Doha en novembre 2001, ni de décision sur l'accès aux médicaments de l'OMC le 30 août 2003 ou même de projet de loi C-9.
Soyons clairs : cette initiative se traduira probablement par une augmentation du nombre de fabricants de ces médicaments qui font cruellement défaut et par une augmentation de leur approvisionnement, à de meilleurs prix. Voilà pourquoi nous recommandons au comité d'éliminer la disposition du droit de premier refus, qui aura un effet dissuasif.
Une autre de nos préoccupations concerne la disposition du projet de loi concernant ceux qui peuvent acheter les médicaments. Nous avons déjà dit que plusieurs de nos membres sont très actifs dans les pays en développement puisqu'ils donnent et livrent des médicaments. Or, la loi dans son libellé actuel permet uniquement à un gouvernement d'un pays en voie de développement—ou à un agent de ce gouvernement—de négocier un contrat avec un fabricant canadien de médicaments génériques. Les organismes non gouvernementaux—y compris ceux qui offrent des soins de santé sur le terrain dans les pays en développement—ne sont pas considérés comme agents d'un gouvernement et ne peuvent donc pas négocier de contrats avec des fabricants de médicaments génériques.
¿ (0945)
Rien ne justifie une telle restriction. L'ACMG demande au comité de modifier le projet de loi afin que les ONG soient en mesure d'offrir des médicaments à ceux qui en ont besoin.
Un autre problème—d'ordre plus général pour nous—c'est que la loi canadienne s'applique présentement non seulement au Canada, mais aussi aux marchés de pays en voie de développement qui n'ont pas de brevets. Les citoyens de pays sans brevets se voient donc injustement privés de l'accès aux produits canadiens, sans compter que les fabricants canadiens ne peuvent ainsi concurrencer les fabricants de pays sans brevets. L'incohérence d'une telle application extraterritoriale de la loi canadienne est soulignée de façon explicite dans le paragraphe 37(1) de la Loi sur les aliments et les drogues.
Ajouter une disposition semblable à la Loi sur les brevets permettrait au gouvernement du Canada d'atteindre son objectif qui consiste à offrir l'accès à des médicaments à prix abordable aux pays en développement. À notre avis, les obligations du Canada en matière de commerce international ne seraient aucunement compromises. Par conséquent, afin que les brevets canadiens ne puissent s'appliquer aux produits fabriqués en vue d'exportation, nous recommandons au comité d'ajouter une disposition d'exportation aux dispositions relatives aux brevets du projet de loi C-9 semblable à celle qui figure dans la Loi sur les aliments et drogues.
Notre industrie a d'autres suggestions à faire pour améliorer le projet de loi, que vous trouverez détaillées dans notre mémoire. J'aurais toutefois un dernier commentaire, monsieur le président.
Nous comprenons que le projet de loi C-9 a une portée internationale et qu'il doit être examiné dans ce contexte précis. Je répète que notre industrie appuie l'adoption de ce projet de loi-ci. Toutefois, puisque nous comparaissons au Comité de l'industrie, nous voudrions vous rappeler qu'il existe d'importantes questions relatives aux médicaments canadiens qui doivent être étudiées le plus rapidement possible afin d'assurer la survie à long terme des fabricants canadiens de médicaments génériques.
À titre de renseignement pour les nouveaux membres du comité, sachez que les questions relatives aux brevets pharmaceutiques ont été étudiées par le Comité de l'industrie l'an dernier. Nous exhortons le comité à poursuivre cette étude sur les brevets canadiens, y compris le règlement sur les médicaments brevetés et la pratique qui résulte en des monopoles quasi perpétuels, le plus rapidement possible.
En terminant, l'ACMG croit fermement que le Canada fait un pas dans la bonne direction en se dotant de mesures lui permettant d'offrir des médicaments génériques à moindre coût aux pays en développement. Notre association et ses membres veulent simplement s'assurer que les mesures retenues donneront des résultats concrets. En tant que membres du comité, vous avez le pouvoir de rendre ce projet de loi efficace.
Merci de nous avoir donné l'occasion de comparaître et nous répondrons avec plaisir aux questions du comité.
¿ (0950)
Le président: Merci, monsieur Keon.
Mme Rachel Kiddell-Monroe de Médecins sans frontières a maintenant la parole.
Mme Rachel Kiddell-Monroe (coordinatrice (Canada) pour la campagne accès aux médicaments essentiels, Médecins sans frontières): Merci beaucoup.
Bonjour à tous. Je suis la coordonnatrice de la campagne d'accès aux médicaments essentiels de Médecins sans frontières. J'ai dirigé moi-même au cours des 10 dernières années des missions en Afrique, en Asie et en Amérique centrale, et je suis revenue depuis peu au Canada.
Ma collègue et moi sommes venues ici pour vous faire part de ce qui nous préoccupe dans le projet de loi. Si nous avons voulu venir, c'est parce que ce projet de loi est l'occasion rêvée, à notre avis, pour fournir des médicaments qui font cruellement défaut aux habitants des pays en développement.
Commençons par tirer quelque chose au clair : MSF n'a jamais approuvé le projet de loi C-9, ni même sa version précédente, le projet de loi C-56, lors de son dépôt au Parlement en novembre de l'an dernier. Il semble qu'il y ait eu une certaine confusion à ce sujet, mais je tiens à répéter que MSF n'y a jamais souscrit d'aucune manière.
Aujourd'hui, dans le monde, une personne sur trois n'a pas accès aux médicaments essentiels. Dans certaines régions d'Afrique et d'Asie, ce chiffre grimpe à une personne sur deux. Par le truchement du projet de loi C-9, le gouvernement canadien vise à favoriser l'accès aux médicaments en permettant l'exportation de versions génériques de produits pharmaceutiques brevetés dans les pays en développement. Pour ce faire, il se fonde sur la déclaration de Doha de 2001 sur les ADPIC et sur la santé publique qui établissait ce qui suit, et je cite :
... l'accord sur les ADPIC n'empêche pas et ne devrait pas empêcher les membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique... et, en particulier, de promouvoir l'accès de tous aux médicaments. |
Toutefois, le projet de loi n'atteindra pas cet objectif dans son libellé actuel, puisqu'il comporte des vices de fond nous empêchant de répondre aux besoins de ceux pour qui le médicament est une question de vie ou de mort.
L'une de mes collègues médecin du Guatemala m'accompagne aujourd'hui pour vous illustrer le cas de certains de ses patients.
Je laisse maintenant la parole à ma collègue.
Le docteur Virginia Gularte (MSF Guatemala, Médecins sans frontières): Buenos dias
Je m'appelle Virginia Gularte, et je suis médecin. Je viens du Guatemala, un petit pays d'Amérique centrale qui a été durement touché par 36 années de guerre civile.
Je fais partie de la très faible proportion, soit 1 p. 100, de gens qui ont un diplôme universitaire. En outre, les analphabètes, qui représentent 40 p. 100 de notre population, sont surtout autochtones. Mon pays ne peut se permettre de dépenser que 38 $ par personne par année pour les soins de santé.
Je travaille à l'hôpital Roosevelt, un hôpital public national, à la clinique des maladies infectieuses—un projet de MSF—qui s'occupe des personnes vivant avec le VIH/SIDA. Chaque jour je vois des gens, mes patients, mourir car ils n'ont pas accès à des médicaments. Je veux vous parler de certains d'entre eux.
Luis, qui a été mon patient avant l'arrivée de MSF à l'hôpital, avait le SIDA. À l'époque, il n'y avait pas d'antirétroviraux disponibles pour traiter les patients atteints du VIH/SIDA dans mon pays. Il avait 25 ans, il était marié à Sandra, et ils avaient deux petites filles. Il était chauffeur de taxi.
Quand il a commencé à se sentir malade, il a consulté un médecin dans son village. Il n'y a pas eu d'amélioration de son état de santé. Lorsqu'il a fait le voyage de 300 kilomètres pour se rendre à la capitale et à l'hôpital où je travaille, il était très optimiste. Il voulait retourner dans son village, auprès de sa famille.
On diagnostiqua chez lui une histoplasmose, un champignon, et un cytomégalovirus. Il s'agit de deux infections opportunistes liées au VIH/SIDA. Nous avions des médicaments pour le champignon mais pas pour le cytomégalovirus, ni pour le VIH. Nous ne pouvions pas acheter d'antirétroviraux car ils étaient trop chers. Cela nous aurait coûté 10 000 $US pour une année de traitement.
Il n'est jamais rentré à la maison. Il est mort, car il n'a pas reçu de traitement. Le prix d'un mois de traitement équivalait pour lui à six mois de salaire.
Par ailleurs, je veux vous parler de Christina. Elle a 25 ans, elle est veuve, autochtone, mère de quatre enfants et atteinte du SIDA. Elle habitait un petit village qui a été détruit à l'époque de la guerre civile. Elle a fui dans les montagnes, puis elle s'est réfugiée au Mexique.
Elle a alors rencontré Carlos, qui est devenu son mari, et ils ont eu trois enfants. Elle était enceinte d'un quatrième enfant lorsqu'ils sont revenus au Guatemala. Carlos était très malade à l'époque, et il est mort peu après. Christina, qui avait très peur de mourir et de laisser ses enfants seuls, s'est alors rendue à la capitale et est venue à l'hôpital. Elle était gravement malade, souffrant d'une méningite, et elle était enceinte de six mois.
Elle a une connaissance très limitée de l'espagnol, mais elle est très courageuse. Grâce au traitement ARV, son état de santé s'est amélioré et elle a maintenant un fils de huit mois qui n'est pas infecté et qui se porte bien. Elle travaille aujourd'hui dans le secteur agricole et gagne 3,15 $ par jour.
Elle n'aurait jamais survécu sans traitement. Toutefois, afin de se payer un mois de traitement, il aurait fallu qu'elle épargne huit mois de salaire. Aujourd'hui, elle a regagné confiance dans l'avenir, le sien et celui de ses enfants.
Cette deuxième histoire se termine bien parce que Médecins sans frontières a importé des médicaments génériques de bonne qualité à des prix raisonnables. Grâce à ces prix, nous pouvons traiter plus de patients et sauver plus de vies.
Mesdames et messieurs du comité, je ne suis ni avocate, ni politicienne, ni économiste. Je ne suis qu'un médecin qui voit des gens très pauvres et très malades chaque jour. Sans accès aux médicaments, mes patients meurent. C'est la réalité. J'ai espoir que le projet de loi canadien, le projet de loi C-9, sera révisé afin de me permettre d'accéder aux médicaments dont j'ai besoin pour traiter mes patients.
Je vous remercie de m'avoir écoutée.
¿ (0955)
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je voudrais ajouter quelque chose à ce sujet. La Dre Gularte nous a parlé de ses patients. Elle nous a donné des exemples des obstacles réels auxquels ses patients sont confrontés lorsqu'ils veulent obtenir des médicaments salvateurs à des prix abordables.
Disons, à titre d'exemple, que le Guatemala décidait d'avoir recours au projet de loi C-9 pour obtenir des médicaments. Pourrait-il les obtenir? La réponse est non, et ce, pour trois raisons.
Premièrement, les ARV en association à dose fixe ne figurent pas à la liste des médicaments essentiels contenus dans l'annexe 1 du projet de loi. Deuxièmement, en tant qu'ONG, Médecins sans frontières ne pourraient pas acheter de médicaments en vertu de la loi car MSF n'est un gouvernement, ni un mandataire d'un gouvernement. Troisièmement, il existe un droit de refus, qui constitue selon nous une disposition fatale pour ce projet de loi. Cela signifie, comme l'a souligné l'autre représentant, que les fabricants de médicaments génériques refuseront probablement de se prévaloir de cette loi.
J'aimerais apporter des précisions sur le premier point que j'ai soulevé. MSF veut importer au Guatemala des médicaments en association à dose fixe, des ARV sous forme de trois pilules en une seule. C'est là qu'intervient la première faille du projet de loi, nous ne pouvons importer ces médicaments car ils ne figurent pas à l'annexe 1. Pourtant, les médicaments en association à dose fixe sont généralement reconnus comme étant un outil vital dans les efforts déployés pour intensifier la lutte contre le SIDA dans les pays en développement. Les lignes directrices de traitement établies par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en recommandent l'utilisation, et plusieurs versions génériques de ces médicaments ont été préapprouvées par l'OMS. Les médicaments en association à dose fixe simplifient et normalisent les traitements, augmentant ainsi le taux de réussite. Les personnes atteintes du VIH/SIDA peuvent donc accéder au traitement plus facilement et les risques de résistance sont réduits.
Par conséquent, nous recommandons que l'annexe soit tout simplement retirée. Ni les ADPIC, ni la déclaration de Doha ne prévoient de liste de médicaments, et de plus les pays en développement ont ardemment lutté contre ce genre de liste. Celle-ci a été l'objet de discussions houleuses lors de nos négociations.
Supposons, pour illustrer notre exemple, que nous puissions importer les médicaments qui figurent à la liste. Nous serions alors confrontés à la deuxième faille du projet de loi : MSF ne peut acheter les médicaments. MSF est un organisme d'aide humanitaire indépendant. Nous ne pourrions jamais être le mandataire d'un gouvernement. La nature même de notre mandat, qui est de fournir une aide humanitaire, repose sur notre capacité de fonctionner indépendamment de tout gouvernement. Ainsi nous ne pourrions être, et nous ne serons jamais un mandataire de gouvernement, car cela nous empêcherait de servir ceux qui ont des besoins sur le plan de la santé.
MSF est un important dispensateur de médicaments dans le monde entier. Nous dépensons des millions de dollars chaque année pour dispenser des médicaments dans les régions du monde qui sont le plus durement touchées par des conflits.
Le Guatemala est un pays qui pourrait importer des médicaments, à condition qu'il ait une volonté politique de s'attaquer au problème du VIH/SIDA. Cette volonté politique existe-t-elle? C'est une toute autre question. Par conséquent, nous recommandons que le projet de loi permette aux organisations non gouvernementales d'acheter des médicaments.
Pour la fin de notre étude de cas, imaginons que MSF a surmonté ces deux obstacles : il est reconnu comme acheteur et les fabricants de médicaments génériques peuvent produire des médicaments en association à dose fixe. Les fabricants de médicaments génériques entament des négociations avec MSF sur la qualité, la posologie, les essais, etc. Le titulaire du brevet ou la société d'origine ayant refusé d'octroyer une licence volontaire, une demande de licence obligatoire est présentée. Le projet de loi dresse alors un troisième obstacle écrasant qui empêche d'obtenir les médicaments. Il introduit une autre occasion qui permet au titulaire du brevet de faire mainmise sur le contrat tel que négocié par le fabricant de médicaments génériques. Nous croyons que cette clause éliminera le dernier élément incitatif d'un processus qui est déjà lourd pour les fabricants de médicaments génériques désireux de produire des médicaments à des fins d'exportation. En effet le projet de loi donne à une autre société le droit de s'approprier le contrat.
En pratique, comme cela a déjà été souligné à maintes reprises, les fabricants canadiens de médicaments génériques ne pourront pas avoir recours à cette disposition.
Le droit de premier refus n'est pas une exigence imposée par la décision du Conseil des ADPIC du 30 août, et ne figure pas à la déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique. Par conséquent nous demandons à ce que les alinéas 21.04(6)a) et (7)a) du projet de loi soient retirés.
En dernier lieu, il existe une faille qui ne s'applique pas au Guatemala. Il s'agit des restrictions relatives aux pays importateurs. Par exemple, l'Irak ne pourrait pas importer de médicaments essentiels, car ce pays ne figure pas aux annexes 3 et 4 du projet de loi parce que ce pays n'est pas considéré comme l'un des pays les moins avancés et qu'il n'est pas membre de l'OMC. Par conséquent, nous souhaitons que ces deux annexes soient retirées du projet de loi.
Je vois que les lumières clignotent. Je vais conclure.
À (1000)
Le président: Ce n'est pas pour vous.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Par pour moi? Très bien.
Il y a une dernière inquiétude que je voulais soulever devant le comité. Après le 1er janvier 2005, la source des versions génériques abordables de médicaments essentiels sera épuisée. Si nous avons actuellement accès à une trithérapie annuelle de 140 $, c'est uniquement parce que des pays comme l'Inde n'émettent pas, pour l'instant, de brevets pour les médicaments. Bientôt cela ne sera plus le cas. À moins que les pays producteurs de médicaments génériques ne fassent un usage régulier et répandu des licences obligatoires, y compris à des fins d'exportation, le prix des médicaments continuera d'augmenter.
Il s'agit d'un enjeu majeur pour MSF et nous demandons au gouvernement du Canada de discuter de ce grave problème et de soulever cette question lors de réunions à l'OMS, à l'OMC ou devant tout autre tribune appropriée.
Comme vous l'a dit ma collègue, les patients n'ont pas accès à des traitements qui pourraient leur sauver la vie, parce que beaucoup des médicaments contre les maladies qui affligent les populations des pays en développement, comme le Guatemala, sont hors de la portée des patients, et ce, principalement, à cause de leurs coûts excessivement élevés.
Ces dernières années, le prix des ARV a chuté de 10 000 $ par année, par patient, à 140 $, et ce, grâce à la concurrence dans le marché. S'il y a un monopole, les prix ne diminueront pas. Notre expérience l'a démontré.
Le Canada, désireux de corriger ce déséquilibre fatal, a voulu jouer un rôle de premier plan. Si le projet de loi C-9 est adopté avec l'une des quatre failles précédemment décrites, le Canada n'aura pas atteint son objectif. Il n'aura pas répondu aux attentes des Canadiens et des Canadiennes qui croient que les pauvres devraient pouvoir se procurer des médicaments à des prix abordables lorsqu'ils tombent malades. Il aura laissé tomber les patients de pays en développement qui espéraient au-delà de tout espoir que le Canada puisse leur offrir la possibilité de survivre, malgré tout. De plus, il aura établi un précédent désastreux pour les autres pays.
Je vous remercie de votre attention, et je suis désolée d'avoir parlé trop longtemps.
Le président: Non. Il restait quelques minutes aux autres intervenants, alors nous vous les avons données.
Merci.
Collègues, nous allons commencer par M. McNally. Je vais appliquer assez rigoureusement les limites de temps allouées aux questions afin que tout le monde ait la chance de poser une question. Peut-être même que certains auront l'occasion de poser une deuxième question.
Monsieur McNally, je vous en prie.
À (1005)
M. Grant McNally (Dewdney—Alouette, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos exposés de ce matin. Je sais que toute cette question est d'une grande importance.
J'aimerais commencer par demander à M. McCool et à M. Leprince ce que font actuellement les sociétés pharmaceutiques afin de fournir des médicaments à ceux qui en ont besoin dans les pays visés par ce projet de loi. Il existe une impression selon laquelle les sociétés pharmaceutiques déploient très peu d'efforts à cet égard. Les représentants des fabricants de médicaments génériques ont mentionné quelques éléments de réponse. Pouvez-vous nous donner des détails? Je sais que vous y avez fait brièvement allusion, mais pourriez-vous apporter des précisions à ce sujet et nous dire ce qui se fait à l'heure actuelle?
M. Jean-François Leprince: Dans le mémoire que nous avons soumis au comité, vous trouverez une carte avec différentes couleurs. Celle-ci couvre tout le continent africain. Vous constaterez d'après la légende que dans presque chaque pays d'Afrique, il y a au moins un programme mis sur pied par des sociétés pharmaceutiques.
Afin d'être plus précis, j'ai ici une série de chiffres. Je n'aime pas lancer des chiffres; c'est simplement pour illustrer ce que nous faisons.
Abbott a accordé 100 millions de dollars à des initiatives mondiales pour les soins essentiels. Aventis travaille en partenariat avec l'OMS sur la maladie du sommeil.
Fait intéressant, ce programme est administré par Médecins sans frontières. Est-ce exact?
Il s'agit d'un partenariat avec Bristol-Myers Squibb. GlaxoSmithKline a fourni 10 millions de comprimés de médicaments contre le VIH/SIDA, et a engagé 1,5 million de dollars pour lutter contre le paludisme en 2002.
Nous donnons l'impression de concentrer nos efforts sur le SIDA et sur le VIH. Je crois que c'est la bonne démarche, mais il reste un grand nombre de pandémies en Afrique auxquelles nous devrions aussi nous intéresser.
Brystol-Myers Squibb a consacré 115 millions de dollars à des projets viables en soins contre le VIH/SIDA et en santé mentale. Eli Lilly a investi 70 millions de dollars. Merck & Co. a accordé 50 millions de dollars à des projets exhaustifs contre le VIH/SIDA en Afrique. Voilà seulement une partie de cette liste.
Nous sommes sur le terrain. Nous faisons notre travail. Je voudrais que le comité sache que l'industrie pharmaceutique assume pleinement ses responsabilités à cet égard. Néanmoins, certaines conditions doivent être satisfaites, et celles-ci n'incluent pas nécessairement l'approvisionnement en médicaments. L'approvisionnement en médicaments est une condition nécessaire, mais ce n'est pas suffisant.
Il faut qu'il existe, dans le pays en question, un système de soins de santé raisonnable, qui fonctionne, afin de garantir la présence d'infrastructures, la disponibilité de médecins et de professionnels de la santé, le suivi des patients et, surtout, le respect du traitement.
M. Grant McNally: Merci.
Participez-vous également de façon directe à la mise sur pied d'infrastructures de cette nature dans certains pays?
M. Jean-François Leprince: La plupart des fonds auxquels j'ai fait allusion ont été alloués au soutien aux infrastructures, et cela ne comprend pas l'approvisionnement en médicaments. Ceux-ci sont généralement fournis gratuitement dans le cadre de ces programmes.
M. Grant McNally: Il me semble qu'il s'agit déjà d'une contribution importante.
Le président: Pourriez-vous permettre à Mme Kiddell-Monroe d'intervenir sur cette question?
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je voulais seulement aborder cette question de l'infrastructure. Je crois qu'il est tout à fait juste de dire qu'il nous faut une bonne infrastructure pour pouvoir fournir des médicaments, et cela pose un défi important. Toutefois, je crois qu'on ne devrait pas avoir à faire de choix entre une bonne infrastructure et l'accès aux médicaments essentiels. C'est ce que je voulais dire. Il faut aborder cette question aussi.
MSF est confronté à ces problèmes sur le terrain; il s'agit d'une difficulté, mais nous pouvons la surmonter. Je ne voudrais pas que cela devienne un prétexte pour affirmer que nous ne pouvons rien changer. Il s'agit ici de permettre aux populations des pays en développement d'avoir accès à des médicaments à prix abordable. L'absence d'infrastructures n'est pas une raison suffisante pour dire que nous ne devrions pas fournir de médicaments à prix abordable. Ces deux aspects ne sont pas inconciliables; il faut travailler sur les deux fronts.
Le président: Je vous remercie, Grant.
C'est au tour de M. Fontana.
À (1010)
L'hon. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à notre premier groupe de témoins.
Nous avons aujourd'hui l'occasion de laisser le nom du Canada dans l'histoire comme étant l'un des premiers pays au monde à agir dans ce domaine. D'entrée de jeu, je vous félicite tous pour le travail que vous effectuez déjà en ce sens. D'après ce que vous nous avez tous dit ce matin dans vos témoignages, il est clair que les fabricants de produits pharmaceutiques canadiens, d'origine et génériques, de même que les ONG canadiennes sont à pied d'oeuvre pour aider les diverses population du monde.
J'aurais des précisions à demander à chacun d'entre vous. J'ai été ravi de vous entendre dire que vous étiez disposés à oublier vos rivalités traditionnelles pour oeuvrer de concert afin que nous produisions un projet de loi qui donne des résultats et qui puisse servir de modèle pour le reste du monde. Je vous félicite tous de votre intention de travailler de concert les uns avec les autres pour que le projet de loi soit le meilleur qui puisse être adopté. Nous avons là un excellent point de départ.
Monsieur Leprince, vous venez de signaler à mon collègue que certains médicaments sont d'ores et déjà fournis par les sociétés pharmaceutiques au reste du monde. C'est très généreux de la part des fabricants de médicaments d'origine. Mais une fois que le projet de loi aura été adopté et que nous travaillerons tous de concert, pouvez-vous me dire si cela aura pour conséquence que les médicaments qui sont déjà distribués gratuitement aux plus nécessiteux du monde leur seront retirés à cause d'un accord commercial et d'une loi. Je ne le souhaite pas, car cela ferait échec à notre intention. Pourquoi ces gens devraient-ils payer pour des médicaments qui leur sont présentement donnés? Je voudrais savoir si les fabricants de produits d'origine maintiendront malgré tout leur engagement.
J'aurais ensuite d'autres questions.
M. Jean-François Leprince: Monsieur Fontana, merci de votre question.
Pour ce qui est de votre premier point, votre préoccupation est très légitime. Je puis vous assurer que tous les programmes que je décrivais sont à long terme et impliquent un engagement de notre part pendant trois à cinq ans. Ce qui nous semble méritoire du projet de loi actuel, c'est qu'il envisage la complémentarité.
Vous avez sans nul doute entendu parler de l'initiative de l'OMS qui vise à traiter trois millions de personnes souffrant du SIDA d'ici 2005, ce qui est un objectif très ambitieux et noble. Il va sans dire que le type de programmes que j'ai décrits ne suffiront pas pour permettre d'atteindre cet objectif. Il faut donc trouver les mécanismes appropriés pour distribuer les médicaments à un nombre aussi élevé de patients. Voilà, à mon avis, où le projet de loi peut jouer un rôle : il envisage en effet une complémentarité qui nous permettra de donner ce qui fait actuellement cruellement défaut à certains pays et au continent africain.
L'hon. Joe Fontana: Monsieur Keon, je sais que les fabricants de médicaments génériques sont à pied d'oeuvre partout dans le monde pour qu'il y ait accès aux médicaments dont Virginia et Rachel nous ont parlé. Il semble que le droit de préférence ou droit de premier refus préoccupe énormément les ONG de même que les fabricants de médicaments génériques. M. Leprince vient de nous proposer une solution de rechange au droit de premier refus et j'aimerais savoir ce que vous—et peut-être aussi Mme Kiddel-Monroe—pensez de ce compromis et si, à votre avis, cela pourrait être une solution. J'aimerais savoir ce que vous en pensez tous deux, après quoi j'aurais une autre question à poser.
Merci, monsieur le président.
M. Jim Keon: Je n'ai pas vraiment vu la proposition et tout ce que j'en sache, c'est ce qu'a expliqué M. Leprince.
Nous avons nous-mêmes suggéré des solutions de rechange : par exemple, les fabricants de produits génériques pourraient informer les fabricants de produits d'origine dès le début de leur intention de fabriquer un médicament, après quoi ils pourraient demander la licence. Je crois que notre proposition ressemble à ce que nous venons d'entendre, mais je répète que je ne l'ai pas vue.
Ce qui est proposé est censé être un système d'octroi de licence. Le projet de loi prévoit actuellement que les redevances à verser seront de 2 p. 100 maximum. Pour notre industrie, même si ces redevances viennent augmenter les coûts de mise au point des produits pharmaceutiques, elles servent à reconnaître que les médicaments font l'objet d'un brevet et que des redevances doivent être versées au breveté.
Tant qu'un plafond est fixé pour le versement de redevances, nous recommandons pour notre part d'entreprendre les négociations le plus rapidement possible en cours de route, de sorte que le fabricant puisse ensuite...
Ce que nous disons, c'est que nos fabricants ont besoin de certitude; ils ont besoin de savoir qu'ils peuvent mettre au point et vendre ces produits en toute légalité. Après tout, rappelez-vous que l'on parle particulièrement des médicaments antirétroviraux et que, dans la plupart des cas, les brevets s'appliquent au Canada jusqu'en 2012 ou 2016. Voilà pourquoi notre industrie réclame une certitude juridique; en effet, si l'on a vraiment à coeur une entreprise humanitaire, notre industrie veut pouvoir être en mesure de fabriquer, de vendre ou de donner son produit à l'étranger sans risquer d'avoir des difficultés par la suite.
Nous préférons la négociation précoce, mais nous croyons également important d'imposer un plafond aux redevances pour que les produits pharmaceutiques puissent être fabriqués et distribués à des prix raisonnables.
À (1015)
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je ne peux dire grand-chose sur la proposition car je ne l'ai pas encore vue mais notre position est essentiellement celle-ci : nous ne voulons pas qu'il y ait de droit de refus dans la loi parce que nous pensons que cela freinera la concurrence. Ce qu'il faut, c'est avoir accès à des médicaments bon marché et l'expérience nous a montré que c'est la concurrence qui fait baisser les prix des médicaments jusqu'à un niveau raisonnable. Nous voulons que le projet de loi fasse diminuer les prix.
Ce que donne le droit de premier refus et tous les détails, pour nous, l'important c'est l'objectif. L'objectif c'est de faire baisser le prix des médicaments. Pour ce faire, il faut compter sur le jeu de la concurrence et c'est ce que nous voulons que permette le projet de loi.
L'hon. Joe Fontana: Merci.
Le président: Monsieur McCool. C'est important. Nous allons passer à vous, puis à Paul.
M. Terry McCool: J'aimerais répondre à la question précédente et commenter certaines des réponses qui ont été données.
Pour ce qui est d'égaliser les chances, l'idée est que si un pays affiche une demande sur le site Internet prévu de l'OMC, le fabricant de médicaments d'origine et le fabricant de médicaments génériques aient la possibilité de négocier avec ce pays des conditions du contrat. Si c'est le fabricant de médicaments génériques qui l'emporte, il lui suffira d'en aviser le commissaire aux brevets, de nous en aviser et de négocier, si possible, une licence volontaire, car c'est la façon la plus rapide d'offrir les médicaments. Sinon—et, d'ailleurs cela prend 30 jours—il est libre de demander une licence obligatoire.
La seule chose que je veux dire, c'est que nous ne croyons pas, comme le conseil des ADPIC, à une redevance fixe. Nous pensons, pour les commandes, que cela devrait dépendre de la valeur des contrats dans le pays importateur. Donc, comme cela coûte très peu cher, nous supposons que dans beaucoup beaucoup de pays, en tout cas dans les pays les moins développés et certainement dans des pays d'Afrique subsahariennes, la redevance sera presque nulle. Nous pensons aussi que dans certains des pays développés, en tout cas dans les pays en développement à revenus élevés où les contrats pourraient représenter davantage, il serait préférable qu'il y ait un taux de redevance flexible. Nous sommes tout à fait disposés à ce que le taux de redevance soit extrêmement faible ou même nul dans les pays les moins développés. Je ne pense pas que cela freinerait l'accès des pays à ces médicaments.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. Merci à vous tous, particulièrement à Mme Gularte, qui est venue nous rappeler l'objectif de ce programme et nous donner, pour ce faire, des exemples concrets. Je sais que la situation présente comporte un objectif humanitaire, mais il s'agit d'une réalité très complexe à définir. Par conséquent, j'aimerais pour ma part que nous puissions, ce matin, étudier plus en profondeur la proposition des compagnies de recherche pharmaceutique concernant les chances égales d'approvisionnement.
Comme parlementaires, nous devons déterminer si la question qui vient d'être soulevée est une voie d'avenir intéressante, que ce soit pour les compagnies de médicaments génériques ou pour Médecins Sans Frontières. Je voudrais qu'on approfondisse la question. Je suis certain que M. McCool ou M. Leprince pourront expliquer à nouveau la proposition, si nécessaire.
J'aimerais connaître plus en détail la réaction de M. Keon ou de son collègue et savoir s'ils considèrent que la proposition faite par les représentants des compagnies de recherche constitue une voie d'avenir intéressante.
À (1020)
M. Jim Keon: Comme je l'ai mentionné, nous n'avons pas vu les détails de la recommandation de nos collègues, mais nous avons nous-mêmes suggéré qu'il y ait une discussion, une négociation avec la compagnie de marque au début du processus. Ce qui est important, à notre avis,
[Traduction]
c'est que le taux de redevance soit plafonné.
M. McCool a dit que dans bien des cas la redevance serait très minime. Nous aimerions que le projet de loi reste tel quel, avec un plafond de 2 p. 100, parce qu'il y a 30 jours pour négocier lorsqu'on a obtenu un contrat. Si l'on ne s'entend pas, on peut supposer que le différend sera réglé par le commissaire aux brevets.
Les parties poseront leurs arguments sur le taux et nous ne pensons pas que cela soit utile. Nous préférerions qu'il y ait des négociations et que, si possible, on émette une licence volontaire, et c'est parfait. Sinon, on devrait avoir automatiquement droit de demander cette licence au commissaire.
[Français]
M. Paul Crête: La ministre a dit qu'elle était ouverte à ce que le comité fasse des recommandations pour récrire le projet de loi, et le problème principal qui a été identifié, c'est la question de premier refus. Maintenant, on a une proposition pour venir remplacer cette chose-là.
Est-ce que vous souhaitez que cette voie soit explorée dans l'optique qui est proposée par les compagnies de recherche, ou si vous nous dites que cette voie-là n'a pas d'avenir pour vous et qu'il faudrait regarder ailleurs? C'est très différent, car si vous fermez la porte complètement, on va travailler dans un certain sens. Si vous laissez la porte entrouverte, ça peut être intéressant que vous travailliez ensemble à partir de l'hypothèse des compagnies de recherche.
M. Jim Keon: Actuellement, la porte est ouverte. En réalité, nous avons proposé un peu la même chose dans notre document, à la page 4. Nous avons suggéré que le fabricant de médicaments génériques pourrait informer le détenteur de brevet des appels qu'il va faire. Mais je pense que la différence, qui est assez importante, c'est que nous avons suggéré de continuer avec une licence équivalant à 2 p. 100, ce qui est dans la législation actuelle. C'est là la différence. Nous pensons que c'est utile d'avoir un plafond pour le montant de la licence.
M. Paul Crête: Est-ce que, monsieur McCool ou monsieur Leprince, vous avez une réaction à ce commentaire?
M. Jean-François Leprince: Je voudrais faire quelques commentaires sur les propos de M. Keon. Je pense que l'objectif n'est pas de se focaliser sur le taux de redevance. Pourquoi? Parce que le taux de redevance, comme M. McCool l'a expliqué, c'est quelque chose qui fait partie des accords ADPIC de l'Organisation mondiale du commerce, et je rappellerai aux membres du comité que la conformité du gouvernement canadien vis-à-vis des accords de l'Organisation mondiale du commerce est quelque chose qu'il faut surveiller de façon étroite et de façon encore plus étroite, dirais-je, dans un contexte où le Canada, qui est en train de créer un précédent, doit créer un exemple; ce doit être une exemplarité.
Donc, j'attirerais l'attention des membres du comité sur le fait qu'il serait infiniment regrettable que, si des dispositions étaient prises au niveau du taux de royautés, on se retrouve ensuite avec un défi d'un autre pays. C'est déjà arrivé il y a trois ans avec le «17-20». Nous étions ici pour débattre de ce sujet. Je pense que ce serait infiniment regrettable.
Je crois que l'objectif des compagnies de recherche pharmaceutique, quand nous arrivons ce matin avec ce que l'on appelle opportunity of equal supply, c'est un problème d'accès. Nous voulons réduire le temps d'attente pour les populations qui ont besoin de ces médicaments, afin qu'il soit le plus court possible. En fait, ce que nous vous proposons, c'est que le délai soit réduit à 30 jours, c'est-à-dire que quand la compagnie générique est informée et a l'intention de fournir les médicaments, il y a un délai de 30 jours pour la compagnie de recherche pharmaceutique, soit pour négocier une licence volontaire, soit pour fournir le médicament. Donc, notre effort--et c'est ce que nous avons cru comprendre comme étant les préoccupations de ce comité qui ont été exprimées avant nous--, vise à réduire les délais d'attente pour rendre ces médicaments disponibles.
À (1025)
[Traduction]
Le président: Merci.
[Français]
M. Paul Crête: Quelle est la réaction de Médecins Sans Frontières?
[Traduction]
Le président: Avez-vous un commentaire à faire à ce sujet, Rachel?
[Français]
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je vais répéter un peu ce que j'ai dit avant. Moi, je ne peux pas entrer dans les détails, parce que je ne l'ai pas encore vu et je veux réserver mon jugement là-dessus. Mais ce que nous voulons vraiment, c'est que le projet de loi puisse atteindre son objectif, qui est de donner des versions des médicaments qui sont ici au Canada à de meilleurs prix, afin que les gens dans les pays qui ont des besoins puissent y accéder. Alors, quel que soit le résultat de vos discussions, c'est cela qui est le plus important pour nous.
En ce moment, nous aimerions que la provision n'existe pas, parce que dans les ADPIC, dans la déclaration de Doha, il n'y avait vraiment pas cette provision. Nous aimerions qu'elle ne soit plus là et que la compétition soit possible pour pouvoir baisser les prix des médicaments.
[Traduction]
Le président: Merci, Paul.
Monsieur Malhi, je vous en prie.
L'hon. Gurbax Malhi (Bramalea—Gore—Malton—Springdale, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question porte sur le droit de refus. C'est une façon indirecte d'éliminer la concurrence. D'un côté, les fabricants de médicaments d'origine qui veulent démarrer doivent avoir un pays et, par ailleurs, ils ne veulent pas de concurrence. Comment peut-on justifier cela?
M. Terry McCool: Je pense qu'au tout début, on avait interprété le projet de loi comme donnant le droit de dernier refus. Mais ce n'était certainement pas ce qui avait été prévu. Nous sommes tous sensibles au fait que l'on cherchait à adopter rapidement le projet de loi et à le faire franchir rapidement toutes les étapes législatives.
Nous avons proposé une solution de rechange. Ce que nous disons, c'est que si l'on souhaite augmenter la fourniture de médicaments aux pays en développement, il faut songer à la participation des fabricants de médicaments d'origine et élargir les programmes actuels que ceux-ci ont déjà instaurés, tout en donnant aussi la possibilité aux fabricants de médicaments génériques de faire leur part. Tout ce que nous demandons, c'est de pouvoir concurrencer à armes égales. Et nous croyons évidemment que les fabricants de médicaments génériques seront bien placés pour soumissionner eux aussi si on leur offre la chance de le faire, étant donné les coûts moindre qu'ils ont parfois à assumer.
Ce qui nous préoccupe un peu dans ce qui est proposé, c'est que les pays ne sont pas tous obligés de s'afficher sur le site Web de l'OMC, étant donné que le Canada a élargi la liste pour qu'elle englobe les pays moins développés ne faisant pas partie de l'OMC et que ceux-ci pourront donc se tourner directement vers le Canada.
Ce que nous voulons, c'est que dès que les choses se mettent en marche, c'est-à-dire dès que ces contrats arrivent au Canada, nous en soyons avisés et que, dès qu'il y aura démarche pour obtenir une licence volontaire, on nous offre aussi l'occasion de soumissionner pour obtenir le contrat. Cela ne ferait qu'accroître la concurrence et la probabilité que le prix des médicaments diminue dans le monde.
Avec un plus grand nombre de fonds mondiaux consacrés aux infrastructures et en multipliant les investissements, plus de pays devraient emboîter le pas.
Le président: Monsieur Keon, allez-y.
M. Jim Keon: Je signalerais au comité qu'à la page 4 de notre mémoire, nous avons recommandé que le fabricant de médicaments génériques informe le détenteur du brevet des appels d'offres auxquels il a l'intention de participer. Nous l'envisageons donc déjà dans notre proposition. Ainsi, le fabricant de médicaments génériques devrait informer le fabricant de médicaments d'origine de la proposition en question. J'exhorte le comité à prendre notre proposition au sérieux.
Je répète que je n'ai pas vu le texte de la proposition de l'autre industrie. J'estime que notre proposition à nous satisfait à l'exigence voulant que le fabricant de médicaments d'origine soit avisé pour qu'il puisse soumissionner lui aussi.
Les fabricants de médicaments d'origine sont détenteurs du brevet et peuvent donc vendre leurs médicaments à qui ils le souhaitent et n'importe quand. Il n'est donc pas nécessaire de les inscrire dans la démarche puisqu'ils en font intrinsèquement partie. Après tout, ce sont eux qui sont les propriétaires des médicaments et qui, comme ils l'ont déjà signalé, ont déjà instauré des programmes d'aide. Dans certains cas, ils donnent les médicaments gratuitement et dans d'autres, ils les offrent à rabais, ce qui est magnifique et merveilleux comme geste de leur part. Et ils pourront continuer à le faire.
Dans l'optique de l'initiative visant à traiter trois millions de malades d'ici 2005, l'objectif du projet de loi, de même que de l'Organisation mondiale du commerce et de l'OMS, est d'augmenter le nombre de fournisseurs dans le monde, c'est-à-dire le nombre d'entreprises capables de fabriquer des produits abordables et de bonne qualité.
Nous souhaitons, pour notre part, que les fabricants de médicaments d'origine participent à la démarche. Mais comme ils y prennent part déjà, il n'est pas nécessaire d'ajouter quoi que ce soit de plus pour assurer leur participation.
À (1030)
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?
Madame Kiddell-Monroe.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: L'honorable député doit savoir qu'un autre de nos collègues des ONG parlera plus longuement du droit de premier refus. Il faut que les membres du comité comprennent que le Canada, à titre de signataire de l'accord des ADPIC, doit respecter la déclaration de Doha sur la santé publique ainsi que l'accord du 30 août dernier. Or, nulle part, dans aucun de ces trois textes, le droit de refus n'est mentionné. Le Canada doit donc respecter à la lettre les accords internationaux auxquels il a adhéré.
Il ne faudrait pas l'oublier.
Le président: Monsieur McCool.
M. Terry McCool: Nous ne demandons d'avoir le droit de premier refus. J'ai l'impression que ce que nous proposons ressemble à ce que propose Jim Keon, même si je n'en ai pas vu tous les détails. Pour notre part, nous avons travaillé fort pour en définir les détails et le document en fait état.
Il se peut que nous soyons sur la même longueur d'ondes, en tout cas plus que ce que nous pensions au départ.
Le président: Merci, monsieur Malhi.
Madame Gallant, puis monsieur Vanclief, suivi de Mme McDonough.
Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, PCC): Merci, monsieur le président.
Je comprends fort bien pourquoi le gouvernement veut accélérer l'adoption de ce projet de loi-ci. Il est intéressant de remarquer que dans l'un des bureaux du conseil général l'autre soir, on a comparé la corruption qui existait au gouvernement du Canada à celle qui existait dans les pays du tiers monde. Cela explique que le gouvernement veuille se distinguer des gouvernements du tiers monde en accélérant l'adoption du projet de loi. D'ailleurs, le gouvernement veut tellement faire vite, qu'il a envoyé deux responsables du Conseil privé pour aider les députés ministériels à faire adopter le projet de loi cette fois-ci.
Le président: Veuillez poser votre question.
Mme Cheryl Gallant: J'adresse une première question aux fabricants de médicaments d'origine. J'aimerais savoir à quel point il est important pour vous que nous définissions les amendes imposées en cas de détournement et que nous établissions les détails du système de suivi et ce avant même l'adoption du projet de loi.
M. Terry McCool: Les mesures de lutte contre le détournement sont extrêmement importantes. Si elles ne sont pas suffisantes, elles pourraient constituer l'obstacle majeur qui empêcherait l'accès à long terme aux médicaments. En effet, le détournement implique que l'on empêche les médicaments de parvenir aux patients et aux pays qui en ont besoin. Par conséquent, plus le libellé est musclé et plus il y a de garanties, plus facilement on peut faire le suivi de façon que le produit parvienne effectivement entre les bonnes mains et soit utilisé convenablement sur place. Cela nous tient beaucoup à coeur.
Nous avons réclamé des amendes, seulement pour punir les compagnies qui auraient connaissance de cas de détournement mais ne feraient rien pour les empêcher. La lutte au détournement est extrêmement importante.
Mme Cheryl Gallant: Si je vous ai bien compris, vous estimez important que nous définissions les règlements ainsi que le système de suivi avant que le projet de loi ne soit adopté?
M. Terry McCool: En effet.
Mme Cheryl Gallant: Merci.
Le projet de loi prévoit qu'il est possible de répondre à des problèmes de santé publique en ajoutant à la liste le nom de produits brevetés. J'aimerais savoir si, dans ces médicaments brevetés, vous incluez des médicaments non encore homologués par Santé Canada. Savez-vous s'il y a des produits brevetés qui ne sont pas encore distribués au Canada mais qui pourraient être inscrits à l'annexe?
M. Terry McCool: Nous n'avons pas encore vu les règlements, mais je ne crois pas que cela soit possible. En fait, cela ne devrait pas être possible. D'ailleurs, nous n'en avons pas parlé lors de nos discussions.
Mme Cheryl Gallant: Mais cela pourrait être possible, avec le libellé actuel.
M. Terry McCool: Je crois que cela dépend des règlements que proposera Santé Canada. Tant que nous n'aurons pas vu les règlements, nous ne pourrons pas nous prononcer.
Le président: Madame Gallant, je crois que M. Keon veut intervenir.
M. Jim Keon: D'après le libellé du projet de loi, si un fabricant de médicaments génériques veut obtenir une licence et exporter un médicament, celui-ci doit avoir au préalable été approuvé par Santé Canada, à défaut de quoi le fabricant ne pourra obtenir de licence obligatoire.
Mme Cheryl Gallant: Monsieur Keon, êtes-vous en train de me signaler une différence de traitement?
M. Jim Keon: Non, c'est une disposition que nous appuyons. Je ne faisais que répondre à la question que vous avez posée au sujet des médicaments non encore approuvés par Santé Canada. Le système ne permettrait certainement pas d'exporter des médicaments génériques non encore approuvés par Santé Canada.
Mme Cheryl Gallant: Donc, les fabricants de médicaments génériques ne pourraient pas exporter, parce qu'ils sont régis par certaines lois, tandis que les fabricants de médicaments d'origine le pourraient, pour leur part. Comme le disait M. McCool, il serait de la plus haute importance que les règlements soient définis avant que nous n'adoptions le projet de loi.
Monsieur Keon, dans votre mémoire, vous vous dites préoccupé par la liste restreinte de médicaments énumérés à l'annexe 1. Que vous sachiez, sont-ce des raisons médicales qui justifient que la liste soit clairement définie? Ou est-ce plutôt que l'annexe doit servir à empêcher les fabricants de produits génériques d'accélérer la fabrication d'un médicament, ce qu'ils n'auraient pas nécessairement fait autrement, ne sachant pas s'ils auront un marché pour l'écouler?
À (1035)
M. Jim Keon: Nous avons déjà signalé, je crois, que l'accord de l'OMC ne restreint aucunement la liste des médicaments. Voilà pourquoi, à notre avis, l'annexe est inutile. Sauf erreur, nos collègues de Médecins sans frontières ont signalé plus tôt que le cocktail de médicaments utilisés régulièrement aujourd'hui pour traiter le VIH/SIDA ne figurent même pas sur la liste.
L'existence même de la liste risque d'entraîner des restrictions. Voilà pourquoi nous n'en voyons pas les avantages. Des groupes tels que Médecins sans frontières sont bien mieux placés que nous pour commenter le type de médicaments dont ils ont besoin. D'ailleurs, nous les appuyons sans réserve là-dessus.
Le président: Merci, madame Gallant.
Nous laisserons Rachel répondre, et s'il reste du temps, nous reviendrons à vous.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je voulais répondre moi aussi au sujet de la liste. La liste actuelle pose d'ores et déjà beaucoup de problèmes. En effet, certains médicaments essentiels ne sont même pas inclus. Notre mémoire cite l'exemple du Naviripine, qui est indispensable pour empêcher la transmission verticale de la mère à l'enfant. Ce médicament est breveté au Canada, mais il ne figure pas sur la liste. Or, c'est l'un des trois médicaments du traitement antirétroviral en association à doses fixes qui constitue, dans les pays en développement, notre traitement de première ligne pour les sidéens et aussi l'un de ceux qu'a recommandés l'OMS dans ses lignes directrices. Il existe aussi beaucoup de médicaments en association à doses fixes fabriqués par des compagnies de médicaments génériques qui ont déjà été acceptés par l'OMS. L'un d'entre eux est d'ailleurs produit en Inde et il fait partie de ceux qui peuvent être utilisés, mais ne paraissent pas sur la liste.
Comme l'annexe pose déjà problème en raison des médicaments inscrits sur la liste, on peut se demander si l'existence même d'une liste ne sera pas toujours problématique. Il y manquera continuellement des médicaments. Voilà le premier aspect.
L'autre aspect, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de liste, à notre avis, puisque les pays en développement à Doha, le 30 août dernier, se sont battus farouchement pour qu'il n'y ait en annexe ni liste de maladies ni liste de médicaments. Or, ce que fait le projet de loi nie complètement tout le travail qui a été effectué dans le cadre de ces négociations internationales et nie complètement toutes les discussions qui ont eu lieu au sujet des listes. Cette liste est inutile car elle empiète sur la souveraineté des pays lorsqu'elle décide pour eux quels sont leurs propres problèmes de santé publique. Dans le cas du SRAS, si les médicaments servant à traiter cette maladie n'avaient pas été inscrits sur la liste, nous n'aurions pas été en mesure de les produire; il en va de même pour la maladie du charbon. Cela me semble très important.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Vanclief.
L'hon. Lyle Vanclief (Prince Edward—Hastings, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue à nos témoins de ce matin.
Je voudrais d'abord tirer certaines choses au clair. Je crois que c'est l'opposition qui, il y a quelques mois, nous souhaitait voir adopter ce projet de loi-ci à la Chambre en une seule journée. C'est en effet le gouvernement qui avait déposé le projet de loi, mais depuis, différents groupes d'intérêts se sont exprimés et ont dit qu'il était possible d'améliorer le projet de loi; et c'est maintenant le gouvernement qui a envoyé le projet de loi en comité pour qu'il soit amélioré, comme il se doit.
Je demanderais maintenant à MM. McCool et Leprince de tirer une autre chose au clair, pour que nous soyons tous sur la même longueur d'onde. Que je sache, personne ne peut mettre un médicament en marché au Canada à moins qu'il n'ait été approuvé par Santé Canada.
M. Terry McCool: C'est exact.
L'hon. Lyle Vanclief: Mais un des membres du comité a laissé entendre il y a quelques instants que c'était possible. Est-il bien exact qu'aucun médicament ne peut être vendu par un fabricant de médicaments génériques ou par un fabricant de médicaments d'origine à moins d'avoir été au préalable approuvé par Santé Canada?
M. Terry McCool: C'est exact. Mais j'ajoute aussi que les législations sur les brevets permettent d'approuver par renvoi un produit déjà autorisé dans un autre pays; nous ne voulons pas que cela se produise à moins que le produit en question soit vraiment approuvé au Canada.
L'hon. Lyle Vanclief: C'est exact. Je vous remercie.
Je félicite les fabricants de produits d'origine, Rachel et la Dre Gularte ainsi que les fabricants de produits génériques, de l'excellent travail qu'ils effectuent tous. Il ne fait aucun doute pour moi que nous avons tous le coeur à la bonne place et que nos intentions sont les bonnes. Des millions de gens dans le monde attendent de nous que nous fassions ce que nous voulons faire, et que nous le fassions rapidement. C'est parce que cela leur servira beaucoup plus qu'à nous tous ici autour de la table. Nous avons besoin de toute l'aide possible.
Vous avez fait trois exposés offrant différentes suggestions d'amélioration. Je ne vous demande pas de vous substituer au comité. On a dit que les recommandations d'amendements provenant des fabricants de médicaments d'origine et des fabricants de médicaments génériques ne sont peut-être pas si éloignées que cela les unes des autres. La plupart d'entre nous voient vos recommandations pour la première fois aujourd'hui, et il en va de même pour la recommandation de Rachel. Je répète que je ne vous demande pas de vous substituer à nous. Toutefois, si l'on garde en tête l'objectif ultime de notre démarche, serait-il possible pour les trois groupes que vous formez de nous proposer un mélange de recommandations et de nous suggérer des solutions qui tiennent compte non seulement des préoccupations de chacun d'entre vous mais aussi de notre objectif principal, qui est de faire parvenir les médicaments à ceux qui en ont le plus besoin dans le monde? C'est que chaque groupe est venu nous faire part de ses propres intérêts, et je sais aussi que les intérêts des uns ne sont pas nécessairement meilleurs que les intérêts des autres et que la cause de l'un n'est pas nécessairement meilleure que la cause de l'autre; mais avez-vous déjà songé à des recommandations intégrées? Ou préférez-vous plutôt nous faire chacun vos recommandations et nous laisser les démêler par nous-mêmes—et je peux vous assurer que c'est ce que nous ferons?
À (1040)
M. Terry McCool: Pour notre part, nous sommes tout disposés à collaborer avec les autres qui ont comparu. Nous voulons tout faire pour que l'initiative arrive à bon port, dans la mesure où ce qui est prévu, c'est d'élargir l'accès aux médicaments et de faire parvenir les médicaments là où ils sont nécessaires. C'est la première fois que nous entendons aujourd'hui le témoignage de l'industrie du médicament générique et de Médecins sans frontières. Chacun d'entre nous a ses préoccupations, mais je crois que nous avons tous à coeur de mener à bien cette entreprise; nous sommes donc tout disposés à vous aider en ce sens.
M. Jim Keon: Du côté des médicaments génériques, nous serions ravis de travailler avec le comité pour proposer des amendements, quel que soit le système que vous proposiez. Il serait évidemment bon que le comité ait son mot à dire, puisque nous sommes tous désireux de voir le projet de loi aboutir rapidement; nous nous rendrons disponibles avec plaisir pour trouver une solution.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Pour ce qui est du point de vue des ONG, celles-ci sont regroupées en une coalition qui s'appelle le Global Treatment Action Group. Certains membres de ce groupe sont bien mieux placés que moi pour se prononcer sur cette question, et je sais qu'ils seraient très heureux d'aider le comité à décider de la meilleure façon de formuler ces choses et de lui donner des conseils.
Le président: Merci.
Ça vous va, Lyle?
L'hon. Lyle Vanclief: Oui.
Je tiens simplement à préciser en conclusion, monsieur le président, que c'est certainement là notre objectif à tous. Il est urgent d'agir; il ne servira à rien d'agir avec précipitation, mais il me semble qu'il faut tout de même faire vite. Je le répète, il y a des millions de gens qui ont besoin que le Canada saisisse l'occasion qui lui est offerte de prendre l'initiative et de rallier d'autres pays à la cause afin de faire ce qui doit être fait.
Le président: Merci, monsieur Vanclief.
À vous, madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Les Canadiens ont été ravis de voir leur gouvernement décider de passer à l'action après l'accord sur les ADPIC et l'accord de Doha et de jouer un rôle de chef de file à cet égard. Il serait vraiment regrettable que les membres du comité perdent leur temps à se quereller pour ce qui est de savoir qui fait le plus preuve de compassion.
Nous sommes là pour essayer d'apporter au projet de loi les améliorations nécessaires pour que les médicaments puissent être offerts à un prix abordable à ceux qui en ont besoin, et ce, dans les meilleurs délais. C'est pourquoi je trouve très problématique qu'on nous ait présenté un projet de loi qui comporte des lacunes aussi grandes. Chaque jour, de 5 000 à 6 000 personnes meurent du VIH/SIDA, si bien qu'au cours des 30 jours qui se sont déjà écoulés, un demi-million de personnes sont mortes. Je tiens aussi à dire comme il est regrettable que le Global Treatment Action Group et ses ONG membres de même que Médecins sans frontières aient dû déployer des efforts herculéens pour faire avancer ce dossier. Ils ont consacré énormément de temps, d'énergie et de ressources, alors même qu'ils en avaient très peu au départ, pour se battre contre ce projet de loi mal conçu ou pour le faire modifier, afin qu'ils puissent s'acquitter de leur véritable mission.
J'ai été très heureuse d'entendre le représentant des fabricants de médicaments d'origine reconnaître aussi l'urgence d'investir davantage dans l'infrastructure des soins de santé qui permettra, grâce à l'accès aux médicaments qui est censément la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, de soutenir le travail très important qui se fait actuellement sur le terrain.
Ce serait intéressant d'entendre le porte-parole de ces fabricants nous dire s'il faut en conclure que les fabricants exercent aussi des pressions sur le gouvernement pour qu'il augmente l'aide au développement international, aide qu'il a coupée de moitié au cours des 10 dernières années, et s'ils s'emploient à amener le gouvernement à tripler le montant qu'il s'est engagé à verser au fonds mondial pour que l'infrastructure des soins de santé nécessaire pour faire le travail sur le terrain soit en place.
Le plus désolant pour moi c'est de voir tous les efforts qu'on fait pour tenter de convaincre le gouvernement de ne pas adopter ce projet de loi dont nous avons besoin, sous prétexte que cela ne vaut pas la peine puisque l'infrastructure en matière de soins de santé n'existe pas de toute façon. Je voudrais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet, et j'inviterais le groupe Médecins sans frontières à y aller aussi de ses observations, car j'estime qu'il est très important de bien faire comprendre qu'il ne s'agit pas de choisir entre les deux.
À (1045)
M. Jean-François Leprince: Madame McDonough, je vais vous faire part de mon expérience personnelle.
J'étais responsable de l'Afrique entre 1981 et 1989. J'ai remarqué à l'époque, que la nature des problèmes de santé était très significative et cruciale, parce que c'était l'époque de l'apparition du SIDA. Je crois que ce qui a changé depuis que j'étais responsable de l'Afrique, c'est que grâce à un lobbying intense de l'industrie pharmaceutique et d'autres intervenants actifs, les gouvernements des pays industrialisés ont pris conscience de ces problèmes et de la disponibilité de fonds. Il y a une plus grande disponibilité de fonds.
Nous savons que ce dont nous parlons maintenant, c'est-à-dire la disponibilité de médicaments pour ces pays, c'est nécessaire, mais ça ne suffit pas. Il vous faut des systèmes de soins de santé qui soient raisonnablement efficaces. Dans ces pays, une des façons d'atteindre cet objectif, c'est de financer ce système. Je pense que la principale différence, c'est qu'aujourd'hui, il y a beaucoup plus de fonds du gouvernement et de fonds privés qui sont disponibles.
Cependant, la vraie question, c'est de savoir comment rentabiliser au maximum les ressources disponibles attribuées par ces fonds. Selon moi, c'est un défi majeur pour les gouvernements et les organisations privées, ou pour les organismes de financement privés. Prenez, par exemple, la Fondation Bill Gates, qui fait don d'énormément d'argent. C'est le défi le plus important et c'est là que les ONG ont un rôle significatif à jouer. Elles ont de l'expérience et elles peuvent garantir que les ressources seront utilisées de manière optimale.
Dr Virginia Gularte (Interprétation): D'après notre expérience au Guatemala, nous commençons notre travail avec l'infrastructure dont dispose le ministère de la Santé. Nous pouvons traiter 400 patients, et nous pouvons également nous occuper du programme de transmission verticale des différents services dont dépendent les hôpitaux régionaux. Cela prouve que nous pouvons utiliser l'infrastructure existante pour gérer et contrôler l'utilisation des ARV.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je pense que l'important, c'est qu'on ne devrait pas faire de compromis entre l'infrastructure et l'accès aux médicaments. Oui, l'infrastructure doit être gérée. Il y a eu une commission sur les droits de propriété intellectuelle, parrainée par le Royaume-Uni en septembre 2000, et ils ont parlé exactement de cet argument. Ils ont formulé des recommandations claires portant que l'on devrait appuyer ces deux éléments. L'un ne va pas sans l'autre; il faut avoir les deux.
En ce qui concerne le financement du gouvernement permettant d'améliorer l'infrastructure, c'est une question de priorité. On parle souvent des pays qui sont en faillite, des pays déchus, des pays endettés et des pays qui ont d'autres priorités que la santé.
On parle également de maladies qui ne sont pas très populaires—c'est-à-dire que les gens ne sont pas enclins, sur le plan politique, à s'en occuper. Il y a beaucoup de stigmates attachés au VIH/SIDA, ce qui a soulevé beaucoup de problèmes de discrimination. Ce n'est pas comme d'avoir la grippe. Il y a également d'autres maladies, comme la maladie de Chagas, la maladie du sommeil et la tuberculose. Il y a toute une série de maladies qui doivent être traitées, mais qui ne font pas toujours partie des priorités des pays en voie de développement, parce que ceux-ci en ont beaucoup d'autres, notamment parfois des questions politiques.
Je pense qu'il ne faut pas oublier cela. Ce sont deux questions distinctes qu'il faut résoudre.
À (1050)
Le président: Merci, Alexa.
Il ne nous reste que quelques minutes. On va essayer de permettre trois courtes interventions.
Monsieur Fontana, monsieur McNally et monsieur Crête, vous avez trois minutes chacun.
L'hon. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.
Muchas gracias, Virginia.
En fait, je voudrais poser ma question à Rachel, si possible.
Il n'y aura pas de compromis. Il est crucial de fournir les médicaments nécessaires à ces pays, et l'infrastructure, selon moi, c'est un problème, mais je crois que c'est faisable si les trois parties travaillent de concert. Vous avez soulevé des questions, et votre histoire était très touchante, Virginia, quand vous avez parlé du fait qu'il faut s'assurer de fournir les bons médicaments aux bonnes personnes.
Comme vous le savez, le projet de loi comprend des listes de certains médicaments et nous sommes en train de les changer, pour en ajouter d'autres. Il y a une liste de pays, 19 pays en plus de la liste de l'OMC, qui permettent d'inclure également les pays les moins développés. Nous avons créé le projet de loi de sorte qu'il soit souple—et je suis impatient d'entendre vos commentaires sur cette question—parce qu'il faut pouvoir ajouter des médicaments et des pays à ces listes.
Je pense que la question la plus importante que vous avez soulevée, c'est que le projet de loi est aussi structuré de façon à ce que les ONG puissent jouer le rôle d'agent pour fournir les médicaments, soit les marques de commerce, soit des génériques, et je me demandais si vous pourriez revenir sur cette question. Si chaque ONG au Guatemala, par exemple, ou dans un autre pays, commençait à fournir des médicaments séparément, qu'ils soient génériques ou brevetés, comment feriez-vous pour vous assurer que vous obtenez les meilleurs prix? Et si une agence gouvernementale travaillait avec les ONG pour fournir la totalité des médicaments nécessaires pour ce pays?
Est-ce que ce ne serait pas une meilleure approche plutôt que d'avoir des ONG qui géreraient l'infrastructure humaine et fourniraient les médicaments? Ne vaut-il pas mieux qu'il y ait une seule source, pour garantir les meilleurs prix, grâce à une stratégie d'approvisionnement, plutôt que les ONG fournissent les médicaments d'une manière séparée?
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je vais répondre à la troisième question d'abord.
Selon moi, ne serait-ce que parce que nous ne limitons pas le genre de gouvernement ou le genre d'agence gouvernementale qui peut fournir les médicaments, cet argument peut également s'appliquer aux ONG. Je pense qu'en pratique, vous n'allez pas avoir 100 ONG du Guatemala essayer tout à coup de s'approvisionner en médicaments au Canada. Je pense que les gens ou les organismes qui ont l'infrastructure nécessaire pour importer des médicaments dans un pays, ce qui n'est pas une tâche facile, ce sont les grandes agences qui fournissent de l'aide de première ligne, comme CARE Canada, Vision mondiale, etc., y compris Médecins sans frontières.
Alors je pense qu'en réalité, ce sera très différent.
Je pense que si vous empêchez un organisme tel que MSF de profiter de cette loi ou si vous exigez qu'il devienne un mandataire du gouvernement, ça va poser des problèmes d'indépendance de l'action humanitaire. Si nous devenons un mandataire du gouvernement, comment serons-nous perçus par les gouvernements des pays où nous travaillons et qui sont extrêmement sensibles. S'ils nous perçoivent comme un mandataire du gouvernement, cela nuira à notre mandat humanitaire.
Les bases de notre mandat sont notre indépendance de tout groupe religieux ou politique. Il faut que ça reste ainsi. Cela fait 30 ans que ça dure. C'est fondamental.
Au sujet de la liste des médicaments, oui, il existe une disposition qui permet à des médicaments d'être ajoutés par la suite. Nous pensons que ce n'est qu'un autre délai qui peut faire perdre du temps alors que les médicaments peuvent être demandés en urgence, dans le cas d'une crise. Nous préférerions qu'il n'y ait pas de liste, pour respecter les négociations qui ont eu lieu. Il y a en réalité 27 pays qui manquent, à cause des annexes 3 et 4, dont le Vietnam, le Timor-Oriental, l'Irak, l'Iran, l'Azerbaïdjan, etc. Pourquoi exclure ces pays? Ils connaissent des besoins criants. Nous aimerions que ces annexes soient éliminées.
Encore une fois, l'ADPIC ne comporte pas pareille liste.
À (1055)
Le président: Merci, Rachel.
Très bien.
Grant, et Paul.
M. Grant McNally: Merci, monsieur le président.
Je sais que le temps file et qu'il y a beaucoup trop de questions pour le temps qui reste. Je suppose qu'un des obstacles à la distribution de ces produits est l'infrastructure, ce que vous avez déjà mentionné. Vous pouvez avoir tous les médicaments—et on a déjà beaucoup fait à cet égard, on nous l'a dit—mais lorsque vous devez négocier avec plusieurs gouvernements, des pays du tiers monde où les structures sont différentes, le problème est souvent simplement la distribution des médicaments à ceux qui en ont vraiment besoin. Je sais que mon collègue a mentionné ce problème un peu plus tôt.
Existe-t-il certains partenariats—je suis convaincu que les autres ONG nous en parleront—afin d'assurer une plus grande coordination des efforts? Votre groupe est sur le terrain, il n'est pas le seul... Est-ce que tous vos groupes ont en fait coordonné leurs efforts?
M. Jean-François Leprince: Je crois qu'il existe d'excellents exemples de bonne collaboration entre l'industrie pharmaceutique, l'OMS et les ONG, tout particulièrement Médecins sans frontières. Je faisais allusion au traitement pour la maladie du sommeil en Afrique; en effet Bristol-Myers Squibb et Aventis donnent sans frais les médicaments nécessaires. Mais à mon avis il ne s'agit là que de la pointe visible de l'iceberg, parce que ces deux compagnies se sont engagées à donner quelque... je crois que pour ce programme il s'agit de 25 millions de dollars sur une période de cinq ans. C'est le groupe Médecins sans frontières, dans le cadre d'une entente avec l'OMS, qui se chargera de l'administration du programme.
Il s'agit là d'un exemple classique de collaboration. Je peux vous donner d'autres exemples si vous le désirez.
Le président: Merci.
Monsieur Keon.
M. Jim Keon: Je vais laisser M. Windross, le directeur du programme CanMAP, répondre à cette question.
M. David Windross (vice-président, Affaires gouvernementales et professionnelles, Novopharm Limitée, Association canadienne du médicament générique): Je me suis occupé pendant plusieurs années du programme CanMAP...
Le président: Qu'est-ce que CanMAP?
M. David Windross: Il s'agit du Programme canadien d'aide médicale, qui a été mis sur pied au milieu des années 80 par M. Dan, le fondateur de Novopharm.
Je crois qu'il importe de comprendre et peut-être d'accepter que les joueurs les plus importants sont ceux qui travaillent sur le terrain dans ces pays. Ce sont eux qui ont des liens avec la population. Ce sont eux qui sont vraiment dévoués à leur cause et je pense qu'il faut vraiment reconnaître l'importance de ces organisations et de leurs membres.
Nous donnons à divers pays du monde entier des produits qui sont disponibles au Canada, des produits qui sont mis en marché au Canada—et nous offrons des dons à nombre de pays—; nous collaborons donc avec les organisations qui nous demandent divers médicaments pour diverses raisons pour les pays où elles oeuvrent. Je crois qu'il faut donc avoir ce degré de confiance, être convaincu que les gens qui sont là comme je l'ai dit plus tôt sont dévoués à ces causes. Ce sont eux qui travaillent avec les patients, avec les médecins et les hôpitaux dans ces pays. Nous voulons que cette mesure législative couvre toutes les étapes à partir de la fabrication du produit au Canada jusqu'à sa distribution aux patients, mais je ne suis pas convaincu que cela sera vraiment possible.
C'est une question de réseau. Je suis pharmacien de profession, et les soins de santé dépendent dans une large mesure des réseaux. Les médecins, les infirmiers et les infirmières, les pharmaciens, collaborent tous pour aider le patient. Comment atteindre nos objectifs si nous assurons ces services dans un pays étranger?
Le président: Merci, monsieur Windross.
Paul, soyez bref, s'il vous plaît.
[Français]
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.
J'aimerais savoir si vous pensez que, si le projet de loi est adopté sous une forme qui vous satisfasse, avec les efforts de soutien des infrastructures actuelles, on va obtenir en fin de compte des résultats positifs, ou si vous croyez qu'il faut absolument que cela s'accompagne d'un effort additionnel important.
M. Jean-François Leprince: Monsieur Crête, je vais répéter ce que j'ai dit plus tôt. Je crois que l'objectif de ce projet de loi qui, je l'espère, aura bientôt force de loi, est de pouvoir répondre aux besoins qui sont actuellement non satisfaits à cause de leur croissance. Je rappellerais l'initiative «3 millions d'ici 2005», qui prévoit traiter trois millions de patients atteints du sida en Afrique d'ici 2005. Il est clair qu'un programme aussi ambitieux que celui-là veut dire que non seulement l'industrie pharmaceutique mais également l'industrie des médicaments génériques doivent être partenaires dans cet objectif, ainsi qu'un grand nombre d'organisations non gouvernementales. En effet, cela nécessite non seulement la fourniture de médicaments, mais aussi la mise en place d'infrastructures, de ressources et de moyens extrêmement importants si on veut atteindre cet objectif.
Á (1100)
M. Jim Keon: Comme nous l'avons dit, nous pensons que c'est vraiment important que ce projet de loi soit mis en oeuvre. Nous soutenons le projet de loi et nous voulons travailler avec le comité pour y apporter quelques changements, afin que les médecins et les médicaments qu'on veut pour les pays en développement puissent être développés au Canada.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Je veux juste dire que ce projet de loi est axé sur un point très limité, soit l'accès aux médicaments. Je crois qu'on a besoin d'un investissement dans les infrastructures de la santé. J'aimerais qu'il y ait plus de fonds, plus d'outils pour ces initiatives. C'est très important que les infrastructures de la santé dans ces pays soient améliorées. Ce projet de loi est vraiment orienté vers l'accès aux médicaments, mais je crois qu'on a également besoin de plus de fonds.
[Traduction]
Le président: Merci.
Il nous reste deux minutes. Dans un esprit de coopération, je donnerai cette période à Alexa.
Mme Alexa McDonough: Merci, monsieur le président.
J'aimerais céder mes deux minutes aux représentants des trois organisations pour leur permettre de répondre à la question qui suit. Lorsque le projet de loi a été déposé à la Chambre, on a dit qu'il visait à assurer la distribution de médicaments les plus abordables possible à ceux qui en ont besoin dans les pays en voie de développement; plusieurs ont alors dit que ce projet de loi représentait plutôt la réponse du gouvernement et qu'il se pliait aux exigences des sociétés fabriquant les médicaments d'origine. Je demanderais à nos témoins ce que nous pourrions faire pour changer non simplement cette perception mais les faits.
Le président: Je demanderais à nos témoins d'être brefs.
M. Jim Keon: Nous avons indiqué dans notre mémoire, du point de vue du secteur des médicaments génériques,plusieurs modifications que nous voudrions qu'on apporte à la mesure législative. Nous avons été heureux que la ministre dise au comité qu'elle était prête à étudier des propositions de modifications de la part du comité. À notre avis, si ces modifications étaient apportées, le projet de loi faciliterait la fabrication au Canada de médicaments destinés aux marchés d'exportation.
M. Terry McCool: Nous avons proposé certains amendements. À notre avis, les propositions que nous avons formulées rendraient le projet de loi acceptable à tous les intervenants. Nous sommes disposés, dans un esprit de coopération, à collaborer avec les intéressés pour assurer l'adoption de ce projet de loi. Nous sommes convaincus que le projet de loi ne sera un succès que s'il prévoit des mesures strictes à l'égard du détournement.
Le président: Il vous reste 30 secondes, Rachel.
Mme Rachel Kiddell-Monroe: Il y a quatre lacunes dans ce projet de loi. Nous croyons qu'il faut permettre aux ONG d'acheter les médicaments, se défaire du droit de premier refus et supprimer les annexes 1, 3 et 4. Ce sont là nos recommandations. Le Canada crée un précédent. Tout le monde suit ce qui se passe ici. Nous sommes le premier pays à adopter une politique à la suite de l'entente du 30 août. C'est le moment rêvé pour le Canada de prendre les bonnes mesures.
Le président: Merci beaucoup.
Nous avons commencé cinq minutes en retard et nous terminons cinq minutes en retard.
Je tiens à remercier les députés pour leurs excellentes questions.
Je tiens à remercier nos témoins de leur participation et les invite à laisser leur place aux autres témoins.
Nous prendrons une pause de deux minutes pour permettre au nouveau groupe de témoins de s'installer. Nous accueillerons le Réseau juridique canadien VIH/sida, la Coalition interagence sida et développement, et CARE Canada.
Á (1104)
Á (1110)
Le président: J'aimerais signaler aux députés et aux témoins que nous allons reprendre nos travaux.
Nous accueillons un représentant du Réseau juridique canadien VIH/sida et aussi Mark Fried d'Oxfam Canada. Nous recevons également M. Michael O'Connor de la Coalition interagence sida et développement.
Nous allons maintenant reprendre nos travaux avec un nouveau groupe de témoins. Ces derniers interviendront dans l'ordre présenté sur l'avis de convocation.
J'invite nos témoins à prendre environ cinq minutes pour présenter leurs commentaires liminaires. Les quatre groupes de témoins disposeront tous de la même période. Si vous n'avez pas le temps de tout aborder, vous pourrez ajouter quelques commentaires lors de la période de questions.
J'invite maintenant M. Fried d'Oxfam à commencer.
M. Mark Fried (coordonnateur de communications et plaidoyer, Oxfam Canada): Je vous remercie infiniment de nous avoir invités.
Permettez-moi de commencer par vous expliquer les raisons de l'intérêt d'Oxfam pour ce projet de loi. Comme on l'a déjà dit ce matin, environ 14 millions de personnes meurent chaque année de maladies qui peuvent être traitées; dans leur grande majorité, ce sont les citoyens les plus pauvres des pays en voie de développement. Nous savons que le coût très élevé des médicaments n'est pas la seule cause de cette énorme mortalité, mais que c'est un des facteurs sur lesquels nous pouvons avoir une influence et nous espérons que votre comité fera quelque chose à ce sujet au cours des prochains jours.
Nous n'avons pas préparé de mémoire, mais je vous en ferai parvenir un au cours des prochains jours. Nous appuyons totalement le mémoire qui vous a été présenté par le Réseau juridique canadien VIH/sida—tout particulièrement la partie à la rédaction de laquelle nous avons participé. Les cinq aspects de la loi dont il y est question nous inquiètent vivement et nous encourageons votre comité à prendre en considération les modifications qui sont proposées.
Le point central pour nous est qu'il n'y aura des médicaments bon marché que s'il y a véritable concurrence sur le marché. Nous travaillons sur cette question depuis que l'Organisation mondiale du commerce a étendu globalement le champ d'application des règles de propriété intellectuelle en 1996. L'OMC s'était rendu compte que l'application des règles des ADPIC rendrait l'accès aux médicaments plus problématique dans les pays en voie de développement parce qu'elle limitait la concurrence et maintenait les prix à un taux élevé. La sauvegarde de santé publique inscrite dans l'accord sur les ADPIC aurait dû offrir la possibilité aux pays de fabriquer ou d'importer des médicaments génériques à prix raisonnable. Cependant, en raison des fortes pressions exercées par les compagnies productrices de médicaments de marque et des tactiques d'intimidation de certains grands pays, aucun pays n'a pu utiliser cette sauvegarde, et il a fallu cinq ans de campagnes et de négociations avant que la déclaration de Doha n'affirme qu'effectivement, cette sauvegarde existe et que cette souplesse d'application existe, mais il a fallu encore deux ans avant que l'accord du 30 août, que ce projet de loi est censé appliquer, ne soit adopté l'année dernière. Je ferai remarquer en passant que cet accord n'est toujours pas opérationnel. Nous espérons qu'il le sera une fois que le Canada aura adopté ce projet de loi.
Les recherches effectuées par Oxfam et par d'autres organisations non gouvernementales montrent clairement que les prix des médicaments ont chuté de manière spectaculaire lorsqu'on a autorisé la présence sur le marché des compagnies génériques. La loi canadienne d'application de l'accord du 30 août est essentielle car elle permettra le retour à la concurrence sur le marché. Dans les pays qui n'ont pas encore eu à se conformer à l'accord sur les ADPIC, la concurrence des compagnies génériques a fait progressivement baisser les prix des médicaments pour le sida, les faisant passer de 10 000 $ américains par patient et par année à moins de 300 $ par patient par année aujourd'hui. Dans les cas où l'accord sur les ADPIC a été appliqué à la lettre et où il n'y a pas de concurrence des compagnies génériques, ces médicaments demeurent inaccessibles pour la majorité.
Je rappelle que les dons généreux de médicaments qui ont été mentionnés par certains ce matin sont importants, mais qu'ils ne sont pas la solution. Les ministres de la Santé des pays pauvres doivent souvent s'aplatir devant les grosses compagnies puissantes pour mendier des dons. Ce n'est pas comme ça qu'on peut gérer un programme de santé. Ce n'est pas possible quand les pays en développement doivent dépendre de la générosité capricieuse de ces compagnies. Il leur faut avoir un accès constant à des médicaments qu'ils puissent acheter sur le marché et seule la concurrence des compagnies génériques le permet.
J'aimerais consacrer les minutes qu'il me reste aux pays qui ne sont pas jugés admissibles par ce projet de loi. Ce sont les pays qui ne sont ni membres de l'Organisation mondiale du commerce ni faisant partie du groupe des pays les moins développés. Il y a 28 pays qui ne sont pas admissibles. Ils vont de pays à revenu moyen comme l'Algérie, le Liban et la Bosnie à des pays pauvres comme le Vietnam, l'Irak et le Timor-Oriental. Ils ont tous de graves problèmes de santé publique. Devrait-on laisser les victimes du sida avec lesquelles Oxfam travaille au Vietnam ou au Timor-Oriental mourir parce que le Canada refuse de leur vendre des médicaments à un prix raisonnable? Que sommes-nous censés dire à ces victimes et à leurs familles? Que le Canada a estimé qu'ils n'étaient pas aussi importants que d'autres?
C'est l'impératif moral, mais au-delà de cet impératif il y a une autre expérience que j'aimerais vous citer, celle du Cambodge l'année dernière. Elle montre que si ces pays ne sont pas couverts aujourd'hui par cette loi, il est très vraisemblable qu'ils ne le seront jamais. Leur exclusion rend l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce un préalable à l'accès à des médicaments à prix raisonnable.
Á (1115)
Le Cambodge a adhéré à l'Organisation mondiale du commerce l'année dernière. Malgré qu'il soit un des pays les moins avancés et un des pays les plus pauvres du monde, lors des négociations, les puissants membres de l'Organisation mondiale du commerce ont exigé qu'il cesse immédiatement, comme préalable à toute entrée au sein de l'Organisation, d'utiliser des versions génériques de médicaments brevetés.
Selon les règles de l'Organisation mondiale du commerce, les pays les moins avancés ont jusqu'à 2016 pour honorer complètement l'Accord sur les ADPIC. Il n'empêche, le Cambodge s'est vu intimer l'obligation de renoncer à cette possibilité pour pouvoir entrer à l'Organisation mondiale du commerce, malgré que ce soit un des pays les plus pauvres du monde.
Le projet de loi C-9 devrait-il exclure les pays non membres de l'OMC? Il est certain que ces pays ne pourront jamais bénéficier des médicaments génériques canadiens même s'ils adhèrent à l'Organisation mondiale du commerce.
Il ne faudrait pas oublier que les problèmes de santé des autres peuvent très rapidement devenir les nôtres. Le SRAS n'était pas facilement traitable, mais notre expérience montre, comme pour le bacille pharmacorésistant de la tuberculose, que le danger devient universel quand des pays ne peuvent soigner leurs citoyens, et c'est la raison pour laquelle nous vous supplions d'inclure tous les pays, y compris ceux qui ne sont pas membres de l'OMC, dans la catégorie des importateurs potentiels de médicaments génériques. Il suffirait de modifier l'alinéa 21.03(1)c) et le paragraphe 21.04(3) proposés, conformément à la recommandation du Réseau juridique canadien VIH/sida aux pages 32 et 33 de son mémoire.
Pour conclure, nous applaudissons le désir du Canada de montrer l'exemple au monde en appliquant la décision du 30 août de l'Organisation mondiale du commerce, mais comme vous êtes politiciens, vous savez pertinemment que montrer l'exemple veut dire beaucoup plus que simplement être le premier. Nous supplions le Canada d'aller au-delà de l'application minimale de la lettre de cet accord et de faire preuve de courage en étendant les bénéfices de cette décision de l'OMC au plus grand nombre possible de personnes dans le besoin de tous ces pays. Il faut que tous les pays soient admissibles.
Le projet de loi C-9 contient de graves lacunes et nous espérons que votre comité apportera les modifications nécessaires pour que cet effort ne se solde pas par un échec. Je vous remercie de m'avoir invité et je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Fried.
Nous avons maintenant Richard Elliott pour le Réseau juridique canadien VIH/sida.
M. Richard Elliott (directeur, Politiques et recherche juridique, Réseau juridique canadien VIH/sida): Merci, monsieur le président, merci mesdames et messieurs les membres du comité de m'avoir invité aujourd'hui.
Nous faisons partie de plusieurs organisations nationales qui sont partenaires du gouvernement fédéral dans la stratégie canadienne sur le VIH/sida, et notre spécialité ce sont les questions juridiques et administratives reliées au VIH/sida. Nous avons un statut consultatif spécial comme ONG auprès du Conseil économique et social des Nations Unies, et notre expertise est reconnue sur la scène internationale tant dans le domaine de la législation internationale des droits de l'homme que de la législation sur la propriété intellectuelle de l'OMC qui concerne le projet de loi C-9.
Permettez-moi de commencer par quelques remarques sur la procédure qui nous a menés jusqu'ici aujourd'hui. Depuis plus de deux ans, le Réseau juridique VIH/sida et de nombreuses autres organisations non gouvernementales réclament au gouvernement canadien une initiative telle que le projet de loi C-9 afin de pouvoir faire jouer la flexibilité que continuent à autoriser les règles de l'OMC sur les brevets et de rendre véritablement plus accessibles aux pays en voie de développement les médicaments génériques. Nous avons eu la bonne fortune de voir se joindre à notre effort tout dernièrement, M. Stephen Lewis, l'envoyé spécial des Nations Unies sur le VIH/sida en Afrique, et nous sommes heureux de constater que notre gouvernement a finalement décidé de répondre à cet appel.
Il importe à ce moment-ci de dissiper une fausse impression qu'ont pu avoir certains membres de votre comité. Il a été suggéré lors de votre dernière réunion jeudi par des représentants du gouvernement, et il est suggéré dans une analyse article par article qui vous a été communiquée par le gouvernement, que le droit de refus contenu dans le projet de loi C-9 reflète dans une certaine mesure le compromis qui a été accepté par tous les intervenants qui ont été consultés l'année dernière—et nous étions parmi ces intervenants—et que ce n'est que récemment que certaines ONG se sont déclarées opposées à ce projet de loi. Il semblerait, d'après ce que de nombreuses sources m'ont dit, que certains autres responsables du gouvernement ont aussi fait cette suggestion.
C'est inexact et trompeur. Permettez-moi de mettre les choses au clair. Nous n'avons jamais accepté ce droit de refus que le public canadien a vu pour la première fois quand le projet de loi C-56, le précurseur du projet de loi C-9, a été déposé le 6 novembre dernier, la veille de la prorogation de la dernière session du Parlement. Suggérer que nous ayons approuvé un tel compromis est faux. D'ailleurs, le matin même où le projet de loi a été déposé, nous avons publié une déclaration énonçant clairement notre opposition au droit de refus et le dénonçant comme un défaut fatal de ce projet de loi. C'est un défaut si fondamental que, comme je l'ai dit, bien que nous ayons passé deux ans à essayer d'arriver au point où nous en sommes aujourd'hui, et nous sommes parfaitement conscients du nombre terrible de morts que chaque jour de retard provoque, nous avons été en contact avec tous les partis de la Chambre des communes ce jour-là pour leur demander de ne pas adopter ce projet de loi sous cette forme défectueuse mais plutôt de l'envoyer à votre comité pour que cette question puisse être correctement examinée.
Cela vous montre quels espoirs nous fondons sur ce projet de loi. Nous avons travaillé très fort pour en arriver là, mais c'est un problème tellement fondamental qu'il ne faut pas que ce projet de loi soit adopté avec ce défaut. Il faut corriger ce défaut. Je me permets de vous renvoyer au mémoire que nous vous avons fait parvenir car il contient des propositions très concrètes sur la manière dont cela peut être fait tout en respectant les obligations que nous dicte notre appartenance à l'OMC.
Permettez-moi de vous citer deux choses parmi ce que nous vous avons fait parvenir aujourd'hui. Premièrement, il y a la trousse que tous les membres de votre comité devraient avoir reçue et qui contient un certain nombre de documents utiles et pertinents, y compris tous les documents pertinents de l'OMC qui concernent le projet de loi C-9. Nous avons également fait parvenir cette trousse à tous vos collègues de la Chambre des communes. Deuxièmement, il y a un mémoire exhaustif du Réseau juridique canadien VIH/sida que vous avez reçu ce matin. Il contient toute une somme de détails que vous trouverez, je l'espère, utiles, pendant vos prochains jours de délibération.
Permettez-moi de vous parler brièvement de trois choses contenues dans ce mémoire puis je passerai directement aux problèmes que nous pose ce projet de loi. Pour commencer, ce mémoire vous explique les accords de l'OMC et les décisions qui sont concernées ici, et qui forment la base du projet de loi C-9. Nous indiquons que la décision de l'OMC du 30 août dernier qui a été adoptée à l'unanimité par tous les membres de l'OMC n'a été arrêtée qu'après deux ans de débat pleins de rancoeur et de division. Durant cet exercice, comme vous l'avez entendu dire, certains pays ont essayé d'affaiblir et de limiter la portée de cette décision, certains suggérant même que les pays en voie de développement n'aient accès à des médicaments génériques meilleur marché que pour des maladies bien précises—et quant à la non-inscription à la liste approuvée de votre maladie, tant pis pour vous—ou qu'ils n'aient accès à des médicaments génériques meilleur marché qu'en cas d'extrême urgence pour le pays concerné. Ces initiatives ont été purement et simplement rejetées par les groupes représentant la société civile et par les pays en voie de développement qui les ont qualifiées à la fois de stupides pour la santé publique et de moralement abjectes.
Deuxièmement, le mémoire rappelle que le Canada a des obligations internationales contraignantes en matière de droits de l'homme. Elles ne sont ni plus ni moins contraignantes juridiquement que l'accord de l'OMC. Nous attirons aussi votre attention sur les nombreuses promesses que le Canada n'a cessé de faire sur la scène internationale relativement à l'objectif du droit universel de l'humanité à la santé, y compris l'accès aux médicaments.
Le projet de loi dont vous êtes saisis est à toutes fins utiles la réalisation de ce droit de l'humanité à la santé. Il est donc crucial que vous compreniez les obligations pertinentes qu'impose au Canada le droit international.
Á (1120)
Troisièmement, nous attirons votre attention sur le propre passé récent du Canada qui recourt aux licences obligatoires pour augmenter la possibilité d'accès des Canadiens à des médicaments à prix plus raisonnables. Bien entendu, ce projet de loi ne parle de licences obligatoires que dans le contexte de l'exportation; le marché canadien n'est pas concerné. Il n'en reste pas moins que le Canada est le pays industrialisé qui a la plus longue expérience du recours aux licences obligatoires dans le secteur pharmaceutique.
Notez que notre loi fixe le taux de droits à 4 p. 100 pour les licences obligatoires des produits pharmaceutiques, et ce pour approvisionner un marché canadien relativement aisé. Il ne faudrait pas l'oublier quand nous parlons de taux de droits appropriés pour des pays plus pauvres. Notre mémoire aborde cette question dans les détails et j'y reviendrai dans un instant.
Enfin, comme je l'ai dit tout à l'heure, notre mémoire propose des modifications détaillées pour le projet de loi C-9, article par article. Vous trouverez à l'annexe 1 des propositions de texte correspondant aux dispositions qui, selon nous, devraient être supprimées ou modifiées ou à des ajouts.
Permettez-moi de passer aux problèmes que nous pose le projet de loi C-9.
Le président: Pourriez-vous rapidement résumer, monsieur Elliott?
M. Richard Elliott: Permettez-moi de vous parler plus particulièrement du droit de refus car selon moi il est important de bien le comprendre.
Il vous a été suggéré mardi que ce droit de refus tel qu'il apparaît dans le projet de loi C-9 est la conséquence de l'accord des ADPIC de l'OMC et en particulier de l'alinéa b) de la clause 31 de l'accord.
Ce n'est pas exact. Permettez-moi de vous donner les raisons pour lesquelles ce droit de s'approprier les contrats négociés par les compagnies génériques va au-delà de ce que réclame l'accord de l'OMC. On vous a dit que c'est une mauvaise disposition car elle tuera la concurrence. Permettez-moi de vous expliquer aussi la raison pour laquelle l'accord de l'OMC la rend inutile.
Il est exact que l'alinéa b) de la clause 31 des ADPIC n'est pas suspendu par la décision en date du 30 août de l'OMC. Mais cette clause dit qu'avant qu'une licence obligatoire ne puisse être émise il faut d'abord que les efforts soient faits pour obtenir une licence volontaire du titulaire du brevet sur la base de conditions commerciales raisonnables—en d'autres termes, par le paiement d'un droit raisonnable. Si ces efforts échouent « après un délai raisonnable »—encore une fois ce sont les termes de l'accord—une licence obligatoire peut être émise par l'autorité compétente.
Malgré tout, d'une manière ou d'une autre, le fabricant de produits génériques finit toujours par obtenir une licence, qu'elle lui soit donnée volontairement par le titulaire du brevet en échange d'un droit raisonnable ou qu'il s'agisse d'une licence obligatoire émise par l'autorité compétente, en l'occurrence le commissaire aux brevets. C'est ce que les ADPIC réclament du projet de loi C-9.
Or, le projet de loi C-9 accorde un droit de refus supplémentaire. Le droit de refus est déjà le droit de refuser d'émettre une licence obligatoire et de courir sa chance avec le droit que décidera d'imposer le commissaire aux brevets. Le projet de loi C-9 accorde un deuxième droit de refus, autorisant le titulaire de brevet à prendre lui-même le contrat. On vous a expliqué pourquoi cela tuera la concurrence et pourquoi cela rendra ce projet de loi impuissant.
Le projet de loi nous pose un certain nombre d'autres problèmes et je me ferai un plaisir de vous les expliquer en répondant à vos questions.
Merci.
Á (1125)
Le président: Merci, monsieur Elliott; vous en aurez d'ailleurs la chance.
Nous allons maintenant entendre M. Michael O'Connor, au nom de la Coalition interagence sida et développement.
M. Michael O'Connor (directeur exécutif, Coalition interagence sida et développement): Je vous remercie monsieur le président, de l'occasion de prendre la parole devant le comité au sujet du projet de loi modifiant la Loi sur les brevets. Organisme qui se consacre au VIH/SIDA et au développement depuis 1989, la Coalition est heureuse de se joindre à ses partenaires pour évoquer certaines des réserves que nous avons à l'endroit du texte. Je ferai aussi vite que possible.
Nous pouvons à juste titre être fiers que le Canada soit le premier pays industrialisé à modifier sa législation pour tirer parti de la décision du 30 août. Même si nous sommes convaincus que la nouvelle Loi sur les brevets marque un pas important, certaines modifications s'imposent si l'on ne veut pas annuler les progrès considérables des dernières années en faveur de l'accès aux médicaments et du droit à la santé.
Comme on l'a dit, les négociations à l'OMC ont été longues et laborieuses et elles ont conduit tant à la déclaration de Doha qu'à la décision du 30 août. Chemin faisant, de nombreux combats ont été menés et de nombreuses concessions ont été faites par le Canada et les autres pays en cause. Tout au long du parcours, un des principes retenus, auquel ont fini par souscrire tous les membres, est que l'accord s'applique à tous les médicaments et non seulement aux trois maladies mortelles.
Dans le texte qui est proposé, en ajoutant une annexe de produits pharmaceutiques—peu importe comment celle-ci est confectionnée ou avec quelle facilité elle peut être modifiée—le Canada va revenir sur l'engagement qu'il a pris à l'OMC en août dernier. Rien dans la décision du 30 août n'oblige le Canada à inscrire dans sa loi une liste finie de produits. Procéder ainsi n'a d'autre effet que d'amoindrir la portée de l'initiative et de diminuer son utilité. Par principe, le Canada devrait au contraire marquer sa détermination auprès de ses partenaires du sud à l'OMC et supprimer cette annexe. Les États doivent jouir du droit souverain d'avoir accès à tous les médicaments ou matériels médicaux qu'ils jugent nécessaires à la lutte contre les problèmes de santé de leur population au lieu de se les voir imposer par une liste «Made in Canada».
Comment peut-on prédire quels moyens seront nécessaires pour combattre une épidémie imprévue quelque part dans le monde? La liste qui figure dans ce texte de loi le prouve déjà puisqu'elle renferme plusieurs médicaments importants dans le traitement du VIH/SIDA ainsi que de la tuberculose à bacilles multirésistants.
En deux mots, le monde observe le Canada et compte sur lui pour qu'il agisse honorablement et apporte des changements importants au texte pour que celui-ci soit fidèle à la décision de l'OMC et fixe haut la barre.
Avant de terminer, je voudrais saisir l'occasion pour répondre à certaines des questions posées aux séances de mardi et d'aujourd'hui. Plusieurs membres du comité se sont interrogés sur l'infrastructure et sur ce qui se fait pour s'assurer que les médicaments parviennent bien à ceux qui en ont besoin.
La Loi sur les brevets marque un pas important. Il n'est toutefois pas suffisant en soi de disposer de médicaments à bon marché si l'infrastructure sanitaire est délabrée après des décennies de programmes d'adaptation structurelle réclamés par le Fonds monétaire international. Il faudra d'autres moyens financiers pour appuyer de nouvelles initiatives audacieuses comme l'initiative trois millions d'ici 2005, qui permettrait à l'OMS de traiter 3 millions de personnes d'ici à 2005 dans les pays en voie de développement si des fonds sont mis à disposition. L'OMS assurera le soutien technique du déploiement des traitements ARV partout dans le monde, à peu près de la même façon qu'elle a lancé des campagnes en vue d'améliorer le traitement de la tuberculose et du paludisme.
Le Canada ne s'est toujours pas engagé à affecter de nouveaux moyens à cette initiative importante de l'OMS. Or, c'est lui qui a été à la tête de la création du Fonds global de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Partenariat nouveau, novateur, public-privé, ce mécanisme de financement a pour but de multiplier les moyens de lutte contre ces maladies et d'employer efficacement les ressources grâce à la coordination des campagnes nationales.
À hauteur de 25 millions de dollars US, la contribution du Canada est largement inférieure à sa part du coût mondial de lutte contre ces maladies; c'est même moins que la contribution de la Fondation Gates. La plupart des autres pays du G-8 ont déjà augmenté leur soutien; pas le Canada. L'an dernier, le Comité permanent de la Chambre des communes a recommandé que le gouvernement triple sa contribution, comme Alexa McDonough l'a rappelé. Cette recommandation n'a pas eu de suite. Le financement adéquat de ce fonds global est essentiel pour permettre à l'OMS d'atteindre son objectif de 3 millions d'ici à 2005.
Á (1130)
Comme on l'a dit, l'augmentation de 8 p. 100 par année de l'aide au développement est assurément un pas dans la bonne direction. D'ici à la fin de la décennie, toutefois, sur les six prochaines années, nous aurons contribué moins à l'aide au développement que pendant le mandat Mulroney et loin des 0,7 p. 100 que nous nous sommes fixés il y a plus de 30 ans.
Même s'il faut louer le plan du Canada de modifier sa Loi sur les brevets pour autoriser l'exportation de médicaments génériques bon marché aux pays démunis, il faut le compléter par d'autres mesures : augmenter le budget de l'ACDI et celui consacré aux autres initiatives dont j'ai parlé.
Il y a urgence sur les deux fronts et il faut agir le plus tôt possible.
Merci.
Le président: Merci, monsieur O'Connor.
Pour terminer, Mme Michelle Munro de CARE Canada.
Mme Michelle Munro (conseillère-politiques et programmes, VIH/SIDA et santé, CARE Canada): Merci.
Je remercie le président et les membres du comité de donner l'occasion à CARE Canada d'exprimer ses vues et ses inquiétudes, et celles d'autres associations comme la nôtre qui apportent de l'aide humanitaire et au développement, mais surtout de ceux avec qui nous avons eu le privilège de collaborer dans les pays en développement et que le projet de loi C-9 est censé aider.
L'esprit de la réaction rapide du Canada à la décision du 30 août 2003 du conseil général de l'OMC reflète celui de la plupart des Canadiens, à savoir que tous doivent bénéficier du droit à la santé et des progrès de la science et de la technologie. C'est l'occasion pour le Canada de donner accès aux médicaments à ceux qui habitent dans des pays démunis d'infrastructures où des maladies qui ne devraient pas causer de morts prématurées la provoquent toujours et où des médicaments susceptibles de sauver des vies ne se trouvent pas à coût raisonnable.
Toutefois, comme mes collègues l'ont dit, le texte sous sa forme actuelle n'aura pas les effets qu'il pourrait avoir. L'alinéa 20.04(2)f) stipule que le fabricant de produits génériques canadien doit transmettre au commissaire aux brevets canadien ou au mandataire du gouvernement les conditions de l'accord qu'il a conclu avec le gouvernement du pays où il espère fournir les médicaments essentiels.
Les pays dépourvus de la capacité de fabrication pharmaceutique sont ceux que ce texte est censé aider. Or, les pays où mes collègues et moi-même travaillons, où travaille MSF, ne nous facilitent pas la tâche. Dans certaines régions du pays, l'État est parfois absent. Parfois, il est incapable de prendre des mesures pour offrir des services essentiels aux plus vulnérables. Parfois aussi, les plus vulnérables sont aussi ceux qui ont le moins de droits. Notre rôle à nous est de travailler avec ces gens. C'est le cas pour les agences de l'ONU et les ONG d'aide humanitaire, qui elles aussi peuvent offrir des services essentiels et le font. Chaque fois que c'est possible, nous le faisons en collaboration avec les autorités, souvent en partenariat, en décidant que nous allons travailler dans telle partie du pays et eux dans telle autre. Parfois, c'est un peu différent. Toutefois, sous sa forme actuelle, le texte nous empêcherait de jouer ce rôle même lorsqu'une ONG a obtenu d'un tribunal ou d'une administration la licence nécessaire.
Voici de quoi cela peut avoir l'air. On n'a pas suffisamment parlé de la façon dont cela peut se présenter quand on se met à faire des projets. En 2001 en Zambie, CARE Canada a entrepris un projet anti-tuberculose dans une partie très éloignée du pays. Il s'agit de régions d'où l'État était absent et où l'infrastructure de santé était délabrée. Le chef-lieu le plus proche était à deux jours de route, le village encore plus loin et la ville où se trouvait l'hôpital de recours plus loin encore. Les routes étaient très mauvaises.
Très peu de ceux qui ont commencé le traitement anti-tuberculeux l'ont achevé. Pourquoi? Parce qu'après avoir commencé à prendre le médicament, il n'y avait pas de deuxième arrivage et ils devaient revenir deux mois plus tard pour se faire tester mais il n'y avait personne pour s'en charger. S'ils arrivaient à se faire tester, l'échantillon ne pouvait pas être envoyé au labo.
Qu'avons-nous fait? Au départ, nous avons prévu de tout fournir et je veux bien dire tout : les médicaments, la formation, le matériel de laboratoire, le transport, tutti quanti. Nous avons travaillé avec les groupes, les travailleurs sanitaires, leurs supérieurs. Dans certaines cliniques, il n'y avait pas de médicaments et certains travailleurs sanitaires n'étaient pas rémunérés; leur motivation n'était donc pas très grande.
La proportion de malades qui ont cessé de prendre leurs médicaments—on parle ici de ce dont nos collègues des compagnies pharmaceutiques parlaient tout à l'heure, la docilité—soit parce qu'ils les avaient épuisés soit parce qu'il n'y avait personne pour les aider à faire face aux effets secondaires, est passée de plus de 50 p. 100 à 1 p. 100 en deux ans. La proportion de traitements réussis est passée de 29 à 71 p. 100. De fait, je n'ai obtenu les chiffres qu'hier. Les autorités ont sauté sur ce chiffre et ont décidé de fournir les médicaments. Rien n'a plus de succès que le succès.
Si nous n'avions pas adopté la formule du A à Z, nous n'en serions peut-être pas où nous en sommes aujourd'hui. Des représentants comme nous travaillent avec les autorités chaque fois que c'est possible mais notre mandat est aussi de joindre les plus vulnérables.
Comme c'est le cas de notre action anti-tuberculeuse en Zambie, nous arrivons parfois à nous rendre dans des lieux inaccessibles pour des autorités dépassées. Ailleurs, où le favoritisme politique et l'ingérence font problème, il est encore plus essentiel pour des organisations comme la nôtre et celles de l'ONU de fournir directement des génériques canadiens.
Je sais que des réserves ont été exprimées aujourd'hui et mardi dernier au sujet de la capacité technique ou de l'infrastructure nécessaire pour contrôler et administrer des médicaments salvateurs. Ces obstacles—et c'est bien de cela qu'il s'agit—doivent être surmontés, et ils le peuvent.
Á (1135)
Revenons à notre campagne antituberculose. Qu'avons-nous fait? Nous avons innové. Pour faire parvenir un échantillon au laboratoire, au lieu de dire au malade de s'y rendre, c'est l'échantillon qui y va parce que nous avons fourni des motocyclettes. Nous avons installé des panneaux solaires.
Nous avons formé d'autres personnes en régions éloignées, des gens qui avaient déjà été formés mais qui avaient oublié ce qu'ils avaient appris. Nous avons donné des cours de recyclage, des microscopes à éclairage, des microscopes bipolaires. Ils peuvent aussi réaliser des tests à proximité, si bien que le malade peut revenir. Si le malade prend du mieux, le dosage peut être ajusté. Les travailleurs sanitaires sont formés. Parce qu'eux et leurs supérieurs le sont, leur motivation est plus grande.
La clé de ce succès a été la formule intégrale qui comprenait le médicament. Mettre à la disposition des gens des médicaments génériques abordables peut être le moyen de surmonter les obstacles.
En tant qu'OGN, présente auprès de gens qui vivent et meurent de maladies alors que nous savons comment et pouvons éviter ces morts, je prie instamment le comité de recommander que le texte final facilite davantage l'accès aux médicaments salvateurs. Une façon d'y arriver, et de remédier aux difficultés exposées par mes collègues aujourd'hui, est de modifier le projet de loi C-9 pour autoriser explicitement les organisations non-gouvernementales de secours humanitaires à passer directement un marché avec des producteurs canadiens pour obtenir des produits pharmaceutiques bon marché.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup, madame Munro.
Nous allons commencer par M. Rajotte.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venus aujourd'hui. J'ai apprécié tous vos exposés.
J'aimerais d'abord poser une courte question à M. O'Connor. J'apprécie le fait que vous ayez consulté le compte rendu des témoignages et que vous nous ayez donné une réponse. Nous avons été bien étonnés que le gouvernement n'ait pas de chiffres à nous donner sur l'ensemble du plan pour s'assurer que les médicaments parviennent bien à ceux qui en ont besoin.
J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par moyens financiers. Vous avez donné des pourcentages. En tout, quels montants le gouvernement doit-il fournir, au cours des cinq prochaines années, pour s'assurer que les médicaments iront bien à ceux qui en ont besoin?
Á (1140)
M. Michael O'Connor: Il est très difficile de vous répondre. Le ministre chargé de l'ACDI fera une déclaration cet après-midi je crois à propos de l'action de l'ACDI en matière de fourniture des médicaments. Elle est mieux à même de vous donner des précisions.
Par contre, je peux vous parler de nos principaux engagements . On a recommandé à la communauté mondiale de répartir la responsabilité de lutter contre ces maladies, en particulier le VIH, la tuberculose et la paludisme, au moyen du fonds mondial.
Ainsi, il faudrait que le Canada verse environ 2 p. 100 du coût du fonds mondial chaque année. Pour l'exercice actuel, cela reviendrait à environ 75 millions de dollars canadiens et nous versons 25 millions de dollars US. D'autres pays verseraient une somme semblable. De cette façon, le Fonds mondial pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme serait financé comme il se doit.
C'est interrelié. La campagne de traitement que met en place l'OMC nécessite bien sûr de créer une infrastructure et de dispenser la formation nécessaire pour livrer les médicaments mais les moyens nécessaires dans chaque pays doivent provenir d'institutions comme le fonds mondial.
Nous estimons qu'il est toujours nécessaire d'avoir un programme d'aide au développement qui englobe l'éducation sanitaire et tout le reste. Les objectifs de développement du millénaire prévoit quelque 10 milliards de dollars par année comme objectif d'aide au développement, surtout dans le secteur de la santé. Les objectifs de développement du millénaire exigent environ 10 milliards de dollars par an comme objectif d'aide au développement, surtout dans le secteur de la santé. À l'échelle mondiale, les contributions actuelles sont inférieures de moitié.
Je pourrais vous faire parvenir des chiffres plus précis plus tard.
M. James Rajotte: Merci.
Le président: Monsieur Elliott, vous vouliez intervenir?
M. Richard Elliott: Oui. Si vous me le permettez, j'insisterai sur quelque chose qui a été dit plus tôt aujourd'hui, à savoir que l'édification de l'infrastructure nécessaire doit être abordée en parallèle avec la question du coût des médicaments.
La plupart des Canadiens comprendront le lien entre les deux. Si nous pouvons mettre en place un système qui nous permettra d'utiliser les sommes disponibles pour acheter des médicaments génériques à bon marché, les sommes disponibles, aussi dérisoires et insuffisantes qu'elles soient, permettront d'en acquérir davantage. Vous dégagerez ainsi plus de fonds pour acheter plus de médicaments pour traiter plus de gens.
Vous dégagerez des ressources qui en fait contribueront à bâtir l'infrastructure là où elle fait défaut. Il faut comprendre que l'infrastructure n'est pas toujours absente. Il ne faut pas généraliser à outrance et dire que l'infrastructure est absente dans le monde en développement. À Johannesburg, par exemple, il y a des hôpitaux et des médecins du même calibre que ceux du Canada.
Souvent, il s'agit du prix du médicament...Vous n'avez tout simplement pas l'argent qu'il faut pour acheter les médicaments qui vous garderont en vie. Si vous l'aviez, le reste est déjà là. Ailleurs, comme ma collègue l'a dit, ce n'est peut-être pas le cas, et il y a d'autres obstacles à surmonter.
M. James Rajotte: Merci.
Deuxièmement, je voudrais parler du problème du détournement, apparenté à la nécessité de faire parvenir les médicaments à ceux qui en ont besoin. Si j'ai bien compris le projet de loi, une fois les médicaments exportés, les mécanismes sont acceptables. Écartant la question de savoir si ce sont les ONG qui devraient s'en charger, imaginons que le Botswana a un accord avec un fabricant de produits génériques ou de produits de marque pour importer des médicaments. Je ne vois pas encore vraiment quelles dispositions il faudrait pour s'assurer que, une fois que les médicaments sont rendus au Botswana, il y aurait un système de contrôle pour combattre le vol et les abus et une filière pour livrer les médicaments aux gens. Avez-vous des suggestions à nous faire? Je ne vois pas à quoi pourraient servir les lois canadiennes à ce stade.
Il y a eu un cas en Afrique de l'Ouest de vol et de recel d'une grande quantité de médicaments. C'est évidemment ce qu'on veut éviter. Comment, selon vous, peut-on suivre la situation et s'assurer que les médicaments servent à ceux qui en ont besoin?
Mme Michelle Munro: C'est une inquiétude justifiée. C'est ce qui nous fait hésiter à fournir les médicaments. Mais comme Richard l'a dit, les fournir n'est qu'un volet de la formule d'aide de la communauté mondiale. Quand nous fournissons des médicaments nous fournissons aussi de l'aide aux régimes de santé. Le Canada participe à un effort pansectoriel et à d'autres mécanismes destinés à aider les pays aux prises avec ces problèmes de logistique. Comment dénombrer les médicaments? Comment vérifier le stock? Comment instaurer un système premier entré premier sorti? Comment assurer la distribution? Comment suivre ce qui est envoyé dans chaque district et dans chaque centre sanitaire? Dans le projet auquel je travaille, c'est précisément ce que nous avons fait. On forme tout le monde en cours de route. Cela peut se faire. C'est pourquoi il faut que les deux se passent en même temps et qu'il nous faut des médicaments à prix assez bas pour pouvoir offrir l'aide technique qui permettra de former les gens en logistique, ce dont il s'agit ici.
Á (1145)
Le président: Soyez bref, James.
M. James Rajotte: Imaginez que quelqu'un vole une cargaison. Comment intente-t-on des poursuites contre ce voleur? Que fait le Canada ou la communauté internationale en pareil cas?
Le président: Monsieur Elliot.
M. Richard Elliott: Je dirais d'abord qu'il y a des situations contre lesquelles le droit canadien ne pourra rien. On ne peut donc pas s'attendre à ce que le projet de loi C-9 résolve tous ces problèmes et garantisse une filière à 100 p. 100 étanche. Le monde est ce qu'il est. Il y aura des cas de détournement et je vous assure que cela nous inquiète autant que vous.
L'objectif est évidemment d'obtenir des médicaments bon marché pour des gens qui mourront sans eux. Il y a dans le C-9 des dispositions tout à fait justifiées qui exigent que des efforts soient faits au Canada pour éviter que cela ne se produise, comme le marquage des comprimés, l'affichage des quantités exactes à exporter, le pays destinataire, etc. Il s'agit dans tous les cas de mesures raisonnables et nous n'avons rien contre le fait qu'elles figurent dans le projet de loi. À un moment donné, par contre, il faut espérer que les médicaments iront bien à des ONG et à des gouvernements réputés. On ne peut pas garantir à 100 p. 100 que ce sera le cas.
Ce qu'il nous faut, ce sont des mesures de contrôle à la frontière. Les pays sont tenus de prendre les dispositions qui s'imposent pour éviter la réexportation du produit. Les fabricants canadiens de produits génériques ont tout intérêt à faire ce qu'ils peuvent pour empêcher la réexportation parce qu'ils risquent de perdre leur licence obligatoire s'ils savent que cela se produit. Il y a donc des limites à ce que la loi peut faire pour lutter contre tous les problèmes du monde et ce n'est pas parce que nous ne pouvons pas tout régler qu'il faut s'abstenir de faire quelque chose qui profitera à des millions de gens.
Le président: Merci, monsieur Elliott.
Monsieur Fontana.
L'hon. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.
Il y a deux questions sur lesquelles je veux revenir avec M. Fried et M. Elliott. La première a trait au droit de premier refus et la deuxième concerne la liste des pays.
En ce qui concerne le droit de premier refus, je sais qu'aujourd'hui les fabricants de médicaments de marque ont proposé une autre solution. Il est certain que ce droit est source d'inquiétude. Certains membres du comité en ont déjà parlé. L'autre solution est d'avoir un système facultatif entre le fabricant de produits génériques et le détenteur du brevet pour l'obtention d'une licence facultative; en cas d'échec, une licence obligatoire serait délivrée par le commissaire aux brevets. Pensez-vous que cette suggestion ou une autre que le comité pourrait examiner, correspondrait mieux à la décision de l'OMC, telle que vous l'avez décrite, et au projet de loi? Est-ce que l'on s'abstient de tout, ou est-ce que l'on incorpore ces garanties?
Je vais vous laisser d'abord répondre à la première question, puis j'en aurai une autre au sujet de la liste des pays.
M. Richard Elliott: Je vais d'abord répondre à votre question sur le droit de premier refus.
Il est évident que je n'ai pas vu les détails de la proposition faite par l'industrie, de sorte que je ne peux pas encore me prononcer. Mais soyons clairs, nous n'avons pas d'objection à ce que les dispositions de l'entente sur les ADPIC soient mises en oeuvre comme il se doit. Nous espérons que vous tiendrez compte de toutes les propositions que vous recevez des témoins, et je suis sûr que vous le ferez. Voici en quoi consiste essentiellement notre proposition.
Le fabricant générique canadien qui a négocié un contrat avec un acheteur d'un pays en voie de développement pour lui fournir un médicament donné, informe la société qui détient le brevet ici au Canada qu'elle demande un permis pour fabriquer le médicament afin de pouvoir remplir son contrat. Ça, c'est déjà prévu dans le projet de loi, et c'est très bien.
Le détenteur du brevet aura alors 30 jours, comme le prévoit le projet de loi, pour décider s'il veut accorder une licence volontaire aux fabricants génériques contre une redevance de 2 p. 100. Il appartient alors au Canada, en tant que membre de l'OMC, de décider si cette redevance de 2 p. 100 est une modalité commerciale raisonnable dans les circonstances.
Si le fabricant du médicament d'origine, le breveté, exerce son droit de refuser une licence volontaire—c'est-à-dire le droit de refuser les exigences de l'accord sur les ADPIC, et rien d'autre—il appartient alors au commissaire des brevets de décider s'il accordera une licence obligatoire.
Afin que l'accord sur les ADPIC soit plus conforme à ce que le gouvernement propose dans le projet de loi C-9, nous suggérons que le commissaire soit autorisé à modifier le taux de la redevance et que celle-ci ne soit pas automatiquement de 2 p. 100 lorsque c'est le commissaire qui accorde la licence. Elle pourrait s'élever jusqu'à 4 p. 100, puisque c'est le taux qu'on utilisait pour le marché canadien et qu'il ne faut en aucun cas qu'il soit plus élevé pour les pays pauvres.
Nous énoncerions les critères dans le projet de loi. Nous vous avons remis une liste de critères que le commissaire aux brevets devrait appliquer lorsqu'il prend sa décision. Nous avons également fourni une disposition en vertu de laquelle le breveté pourrait demander une augmentation de la redevance.
Á (1150)
L'hon. Joe Fontana: Vous ne faites pas de lien entre la redevance et le droit de premier refus. Il faudrait peut-être lui donner un nom un peu plus positif comme «possibilité de première réponse».
Vous semblez faire un lien avec la redevance. Je suis d'accord avec ceux qui ont dit que certains pays ne devraient payer aucune redevance. Même les fabricants génériques qui aimeraient une redevance nulle et les brevetés disent la même chose.
Nous devrions peut-être envisager une redevance à taux fixe variable, établie en fonction de la capacité de payer du pays. C'est peut-être l'approche à envisager.
Nous considérerons votre proposition comme une option au droit de premier refus. Je ne pense pas que ce soit si différent de ce que les brevetés ou même les fabricants de génériques seraient prêts à accepter à la condition, bien sûr, que le système initial, soit le site Web et les exigences des membres de l'OMC, soit transparent.
Pour ce qui est de la liste des pays, comme je sais que vous et Mark en avez parlé un peu, vous savez que dans sa décision du 30 août l'OMC a établi un nombre x de pays et prévu des dispositions pour les pays les moins avancés, etc.
Si vous examinez l'approche du Canada—et là encore, nous sommes les premiers et nous apprécions vos commentaires—vous verrez que nous sommes allés au-delà de la décision du 30 août de l'OMC, en ce sens que nous avons ajouté aux listes des pays les moins avancés qui figurent dans les trois annexes, des pays comme Singapour, la Turquie, la Hongrie et d'autres. Nous avons ajouté à la liste, des pays qui ne sont pas membres de l'OMC.
Comme vous le savez, il y a des pays membres de l'OMC qui ont dit ne pas avoir l'intention d'utiliser ce système du tout. Nous essayons de nous assurer que la liste des pays ne sera pas établie en fonction de critères commerciaux, mais pour des raisons humanitaires.
Le système est souple, du moins je l'espère, puisqu'un comité spécial pourra déterminer très rapidement si un pays doit ou non être ajouté à la liste.
Le Canada est allé au-delà de ce que proposait l'OMC le 30 août en ajoutant 18 ou 19 autres pays. Je crois savoir qu'il y a des pays qui devraient probablement être sur la liste. Je me demande si vous suggérez que tous les pays du monde figurent sur la liste ou qu'il n'y ait pas de liste du tout.
Le président: Merci, Joe.
Qui veut répondre à cette question?
Très bien, monsieur Fried.
M. Mark Fried: Les pays les moins avancés figurent sur la liste. Il est vrai qu'à cet égard le Canada est allé au-delà de ce qu'exigeait la décision du 30 août. Nous en félicitons le gouvernement.
Il y a d'autres pays qui sont très pauvres sans être parmi les plus pauvres, comme le Vietnam, le Timor oriental et l'Iraq. Ce sont des pays très pauvres qui ont de sérieux besoins en matière de santé publique et qui devraient figurer sur la liste.
Il est également vrai, comme je l'ai déjà mentionné, qu'il se peut que ces pays soient obligés de renoncer au droit d'accéder aux médicaments canadiens comme condition d'adhésion à l'OMC. Si ce n'est pas prévu dans notre loi, ça n'arrivera peut-être pas plus tard s'ils adhèrent à l'OMC.
Je vous encourage à examiner cette question. Il y a des pays qui ont leur propre industrie et qui peuvent fabriquer leurs propres médicaments et qui n'ont donc pas besoin des médicaments génériques canadiens de toute manière, mais il y en a très peu sur cette liste.
Le président: Monsieur Elliott, soyez bref, s'il vous plaît.
M. Richard Elliott: On a déjà dit que des pays en voie de développement membres de l'OMC figurent sur cette liste pour la seule raison qu'il s'agit d'un accord de l'OMC. Il est vrai qu'il s'agit d'une décision prise par l'OMC le 30 août. Les pays ont décidé d'assouplir les règles sévères en matière de brevets, qui se trouvent dans le Traité de l'OMC. Qu'est-ce que cela veut dire pour le Canada? Cela veut dire qu'il est plus facile pour un pays membre de l'OMC, comme le Canada, de délivrer des licences obligatoires pour l'exportation de produits génériques. Mais le fait qu'il s'agisse d'une décision de l'OMC n'empêche pas le Canada d'exporter des médicaments génériques, fabriqués en vertu d'une licence obligatoire, à des pays qui ne sont pas membres de l'OMC. Il n'y a rien dans les textes de l'OMC qui impose une telle restriction et, en fait, on est allé plus loin pour les pays les moins avancés.
Alors pourquoi ne pas inclure d'autres pays en voie de développement qui ne sont pas parmi les plus pauvres? À l'annexe 2 de notre mémoire, nous avons énuméré ces pays et nous vous indiquons quel est leur rang en fonction de l'indice du développement humain, du PIB par habitant, du niveau de pauvreté, du niveau de certaines maladies, afin de vous montrer que, du point de vue de la santé publique, il n'y a aucune raison d'exclure certains de ces pays.
Á (1155)
Le président: Merci, monsieur Elliott.
Monsieur Crête.
[Français]
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président.
Monsieur O'Connor, vous avez insisté sur la nécessité de consacrer des fonds aux infrastructures et au soutien. Iriez-vous jusqu'à souhaiter que, parallèlement à l'adoption de cette loi, un programme, qui pourrait comporter les sommes déjà allouées par l'ACDI mais substantiellement majorées, soit mis en oeuvre? Souhaiteriez-vous que cela puisse être contenu dans un programme spécifique dont on pourrait suivre la progression au cours des prochaines années?
[Traduction]
M. Michael O'Connor: Notre organisation s'appelle la coalition interagence SIDA et développement. Nous croyons que vous vous attaquez au problème du VIH dans le contexte du développement. Votre suggestion d'un programme particulier mérite d'être examinée mais, de manière générale, nous préférons des programmes qui visent l'ensemble de la situation. Vous essayez d'encourager l'éducation sanitaire, mais ce ne sera possible que si le Canada contribue sa juste part. Il y a beaucoup de pays qui contribuent au moins 0,7 p. 100 et le Canada devrait être de ce nombre. Nous avançons, mais pas assez vite ni assez loin.
Les programmes particuliers que j'ai mentionnés en matière de sida, de tuberculose et de malaria sont des interventions d'urgence. Lorsqu'il y a eu un séisme en Iran, nous avons réagi en fournissant de l'aide d'urgence. Le fonds mondial et l'initiative «trois millions d'ici 2005» de l'OMS sont des mesures d'urgence. Il nous faut donc de nouvelles ressources, des interventions d'urgence en plus des programmes de développement de l'ACDI. Le grand nombre de décès en fait une urgence. Ces personnes méritent les interventions d'urgence dont elles ont besoin, et, comme je l'ai déjà mentionné, le comité permanent a déjà recommandé que le Canada triple sa contribution au fonds mondial.
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que de se limiter à approuver le projet de loi sans y consacrer des fonds additionnels équivaudrait à donner un coup d'épée dans l'eau?
[Traduction]
M. Michael O'Connor: Eh bien, oui. C'est une question biaisée et je pense que j'aimerais mieux que le projet de loi soit considéré comme une affaire urgente qui doit être adoptée le plus rapidement possible. Il faut également augmenter les ressources pour les mesures d'urgence et l'aide au développement. Les deux vont de pair.
[Français]
M. Paul Crête: Ma question s'adresse surtout, je crois, à Mme Munro. Il s'agit de toute la question concernant les contrats liés directement aux ONG.
De quelle façon pourrait-on s'assurer que les priorités des pays concernés sont respectées, et comment pourrait-on éviter que se développe une certaine forme de paternalisme? Au Canada, on n'aimerait pas voir arriver des gens qui, en toute bonne volonté, viendraient dépenser des fonds sans avoir consulté notre gouvernement. La même chose ne pourrait-elle pas se produire dans les pays du Sud? On ne peut pas porter à l'avance des jugements de valeur et déterminer par le fait même les pays où on peut se fier au gouvernement et ceux où on ne peut pas le faire.
Comment voyez-vous l'avenir à cet égard? Ne serait-il pas préférable de maintenir avec les pays une approche conjointe, tout en établissant des conditions qui feraient que ces derniers auraient un programme de soutien, par exemple? Il pourrait aussi s'agir d'une autre démarche qui assurerait la qualité du soutien.
 (1200)
[Traduction]
Le président: Avez-vous des commentaires à faire, madame Munro ou monsieur Fried?
M. Mark Fried: Je serais heureux de répondre. Michelle, voulez-vous commencer?
Mme Michelle Munro: Non, allez-y.
M. Mark Fried: En effet, Oxfam et tous les ONG coordonnent leurs activités avec les responsables de la santé publique dans les pays où ils travaillent, avec le gouvernement et les organismes des Nations Unies, afin de ne pas faire double emploi avec un plan national en matière de santé et afin de ne pas aller à l'encontre des objectifs d'un tel plan. Ce ne sont pas tous les pays qui ont un plan national en matière de santé ni une bonne infrastructure nationale. C'est là que les ONG ont un rôle très important à jouer.
Nous pensons qu'il est très important que le Canada travaille avec les gouvernements et les organismes non gouvernementaux et cela me ramène à la question de M. Rajotte sur la manière de s'assurer que les médicaments se rendent jusqu'à ceux qui en ont besoin. Dans son programme d'aide, le Canada s'efforce de travailler davantage avec les gouvernements qu'avec les organismes non gouvernementaux dans l'espoir d'améliorer l'infrastructure gouvernementale afin de la rendre plus responsable et de faire en sorte que le gouvernement soit capable de fournir les services à ceux qui en ont besoin.
Nous avons constaté que c'est important, mais il est également important... La seule garantie que les personnes qui en ont besoin reçoivent les médicaments ou l'éducation ou un autre service, et que la population soit organisée et qu'elle puisse surveiller son gouvernement et puisse exiger que ceux-ci leur fournissent des services. C'est là que les organismes non gouvernementaux ont un rôle à jouer.
[Français]
M. Paul Crête: J'aimerais ajouter un bref commentaire.
[Traduction]
Le président: Madame Munro, avez-vous quelque chose à ajouter?
[Français]
M. Paul Crête: D'accord.
[Traduction]
Le président: Est-ce que Mme Munro veut ajouter quelque chose?
Mme Michelle Munro: Oui.
Tout d'abord, je suis d'accord avec Mark, mais lorsque c'est possible, nous travaillons avec les gouvernements et souvent nous les complétons. Par exemple, je vous ai dit que nous travaillons à des endroits que les gouvernements ne peuvent pas rejoindre. Nous travaillons en partenariat avec les gouvernements pour décider où nous allons aller et où eux vont intervenir, et de ce qu'un autre organisme peut faire pour compléter l'effort. Parfois, les choses vont beaucoup plus vite si nous créons un projet pilote : voici comment obtenir les médicaments; voici comment régler les aspects logistiques. Ces conseils peuvent réellement renforcer un programme national.
Nous travaillons ainsi continuellement avec le gouvernement. Jamais nous n'agirions de manière à bafouer ou à contourner le gouvernement. Nous travaillons toujours très étroitement avec les gouvernements lorsque c'est possible. Je pense que c'est la règle pour tous les ONG où qu'ils travaillent.
Le président: Merci.
Soyez très bref, Paul.
[Français]
M. Paul Crête: Est-ce à dire que si, en matière de médicaments, on vous accordait le droit de transiger directement avec les pays, il serait nécessaire, lors de chaque intervention, d'obtenir la bénédiction du pays concerné, et ce--bien que vous offriez un service--, dans le but d'éviter d'intervenir dans des secteurs qui ne sont pas considérés prioritaires par ce pays?
[Traduction]
Le président: Merci, Paul.
Mme Michelle Munro: C'est toujours notre intention. C'est toujours notre premier choix. Parfois, lorsque nous essayons d'offrir de l'aide humanitaire à une population privée de ses droits, il faut trouver une autre façon d'agir. Les réfugiés sont un bon exemple de personnes privées de leurs droits. J'arrive tout juste de l'Asie du Sud-Est où il y a une population de migrants qui ne sont inscrits dans aucun pays et qui n'ont accès à aucun service. Les ONG leur fournissent donc des services. Nous sommes d'accord avec les deux pays, mais c'est une région un peu inégale. Ces personnes n'ont aucun droit et c'est là que les ONG et d'autres organismes peuvent peut-être être plus utiles.
Le président: Merci, madame Munro. C'était une bonne question.
Paddy Torsney, puis Alexa.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
J'ai écouté très attentivement vos exposés et je pense avoir besoin de quelques éclaircissements pour me convaincre que j'ai bien entendu.
Monsieur Elliott, j'ai eu l'impression, pendant votre exposé, que vous préféreriez que ce projet de loi ne soit pas adopté, s'il n'est pas modifié immédiatement comme vous le souhaiteriez ou si nous n'incluons pas tout de suite tous les pays que vous proposez. Est-ce que je me trompe?
M. Richard Elliott: Ce que j'ai dit c'est que lorsque le projet de loi a été déposé en novembre, nous avons dit...
Mme Paddy Torsney: Tenons-nous en au projet de loi tel qu'il est. Qu'est-ce que vous voulez?
M. Richard Elliott: C'est le même projet de loi qu'en novembre lorsqu'il a été déposé. Nous avons dit en novembre que ce projet de loi ne devrait pas être adopté à cause de ses lacunes, notamment en ce qui concerne le doit de refus. Votre comité devrait pouvoir entendre des propositions pour l'améliorer. Je pense que tous ceux qui ont comparu devant vous s'entendent pour dire qu'on pourrait améliorer le projet de loi, et on vous a fait des propositions notamment en ce qui concerne le droit de refus.
J'ose croire que c'est ce que le comité fera. Nous verrons au bout du compte le résultat de ce processus. Nous espérons que vous corrigerez le projet de loi.
 (1205)
Mme Paddy Torsney: Supposons que nous corrigions les dispositions relatives aux contrats, aux fournisseurs de médicaments et aux processus; vous avez aussi énuméré un certain nombre de problèmes dans la liste des médicaments. D'autres groupes ont mentionné une liste de médicaments et une liste de pays. Si ce projet de loi est adopté malgré ces défauts, ces imperfections, sera-t-il utile aux organismes qui s'intéressent à ces questions?
Mon impression, pour avoir travailler sur la scène internationale et pour avoir été sensibilisée à certaines de ces questions est qu'il s'agit d'un incroyable... Mais ce n'est peut-être qu'un premier pas, mais qui va apporter au niveau international un changement qui s'impose si nous voulons pouvoir commencer à fournir des médicaments de qualité à faible coût et de l'aide à ces personnes. Il n'y a pas que les médicaments, car il s'agit en fait des systèmes en place et de la nécessité d'avoir une certaine souplesse. Il serait dommage de renoncer à ce projet de loi sous prétexte qu'aux dires de quelqu'un,il ne faut pas l'adopter parce qu'il n'est pas assez bon.
Le président: Monsieur Elliott.
M. Richard Elliott: Puis-je répondre?
Je ne prétends pas parler au nom des autres ONG ou d'autres commentateurs, mais ce que nous avons dit, c'est que si le projet de loi est adopté avec les dispositions actuelles sur le droit de refus, il sera sans intérêt. En fait, ce sera pire. Ce sera pire car, comme vous le disiez à juste titre, le Canada est en train d'établir un précédent. Le précédent que créera le Canada, après s'être félicité sur la scène internationale de cette mesure courageuse—félicitations qu'il mérite—se transformera en objet de honte mondiale. Le Canada aura servi au monde entier un modèle de ce qu'il ne faut pas faire pour mettre en oeuvre la décision du 30 août de l'OMC, parce que ce droit de refus fait partie du projet de loi. Ce n'est pas une exigence du texte du 30 août. Ce n'est pas une exigence de l'accord initial sur les ADPIC et c'est même contraire à la déclaration de Doha.
En fait, ce serait rendre un mauvais service à la communauté mondiale que d'adopter le projet de loi avec le droit de refus dans sa version actuelle, et c'est pourquoi vous avez reçu toutes ces propositions.
Mme Paddy Torsney: Je vous interrogeais plus tôt sur la liste des pays...
M. Richard Elliott: Eh bien, vous m'avez interrogé sur les deux choses.
Le président: Paddy, est-ce que M. Fried peut intervenir?
M. Mark Fried: Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter quelque chose.
Dès qu'on a appris le dépôt de ce projet de loi l'automne dernier et que nous avons su ce qu'il contenait, vos collègues du monde entier m'ont contacté pour me demander ce que le Canada proposait au juste? Quel était ce droit de premier refus? Pourquoi y avait-il une liste de médicaments?
Ces choses ne figurent pas dans la décision de l'OMC. Partout dans le monde, on a lutté pour que la décision ne contienne pas de liste afin de ne pas éliminer de possibilités.
On m'a demandé si je pouvais faire quelque chose? Ils nous ont prié d'agir car ils croyaient que ce serait un précédent qui leur nuirait lorsqu'ils s'adresseront à leurs propres gouvernements qui s'inspireront sans doute de la loi canadienne pour rédiger leur propre texte. Il s'agit de pays qui ont des industries génériques très développées et qui souhaiteront peut-être mettre en oeuvre la décision du 30 août.
Mme Paddy Torsney: Madame Munro, dans l'exemple que vous nous avez donné, est-ce que vous fournissez des médicaments brevetés ou génériques?
Mme Michelle Munro: Tout d'abord, nous ne fournissons plus de médicaments dans le cadre du projet de lutte contre la tuberculose car ce projet a été un tel succès que le gouvernement s'est chargé de cette responsabilité. C'est donc un immense succès.
Certains des médicaments sont brevetés, d'autres ne le sont pas, mais la plupart des médicaments contre la tuberculose ne sont plus protégés par un brevet car personne ne fait plus de travaux de R et D sur la tuberculose, car ce n'est pas une maladie qui attire beaucoup d'intérêt.
Mme Paddy Torsney: Pour ce qui est de la liste des endroits où les ONG canadiennes pourraient être intéressées à travailler et les conditions qu'elles essaient d'améliorer... J'écoute toutes vos préoccupations au sujet, encore une fois, de la liste de médicaments et de la liste de pays, et je me dis, mon Dieu, est-ce que nous pouvons vraiment résoudre tous les problèmes?
Pouvons-nous vraiment répondre à l'incroyable demande avec des médicaments brevetés ou génériques canadiens? Est-ce que nous ne pouvons pas commencer à faire quelque chose pour régler quelques-uns des problèmes et fournir quelques médicaments, sachant que ce seront des médicaments de qualité et que ce sera un immense pas en avant? Ou devons-nous absolument nous occuper de tous les médicaments, de tous les pays et de tous les problèmes?
J'appuie un certain nombre d'ONG canadiennes. Je ne suis vraiment pas sûr que vous puissiez travailler partout.
Le président: Merci, Paddy. C'est bon.
Madame Munro.
Mme Michelle Munro: Tout d'abord, nous ne pouvons pas être partout, mais deuxièmement, nous devons avoir la souplesse nécessaire pour réagir là où les besoins et la vulnérabilité sont les plus grands au moment voulu. Il est très difficile d'établir une liste de pays ou une liste de médicaments qui permette de prévoir ce genre de choses, et c'est là notre plus grande préoccupation.
Les médicaments, tels qu'ils existent, comme mes collègues l'ont mentionné... L'initiative de trois millions d'ici 2005 de l'OMS a permis de réviser les médicaments dont il faut augmenter la production. Certains, les médicaments de première ligne, ceux que nous utiliserions en premier, les plus rentables qui sont les plus susceptibles de traiter la plupart des adolescents et des adultes atteints du VIH, ne figurent pas sur la liste. Ils ne figurent pas sur la liste des médicaments essentiels établie par l'OMS parce qu'elle a été établie il y a un certain temps.
Il est extrêmement difficile pour une loi quelle qu'elle soit de suivre le rythme de ces changements. Nous tâchons d'intervenir là où la vulnérabilité est la plus grande; nous avons besoin d'une marge de manoeuvre pour pouvoir agir ainsi. Donc, en n'établissant pas de liste, en nous faisant confiance—et je sais que ce n'est pas chose facile dans un tel contexte—et en travaillant en collaboration avec nous à élaborer des dispositions qui sont dans l'esprit de l'accord de Doha et dans l'esprit de l'amendement du 30 août de cet accord, je crois que nous aurons une loi beaucoup plus solide qui correspondra en fait à l'esprit de ce que le Canada a proposé de faire.
 (1210)
Le président: Je vous remercie, madame Munro; très bien.
Madame McDonough, je vous prie.
Mme Alexa McDonough: Je tiens simplement à remercier M. O'Connor, le représentant de Coalition interagence sida et développement, d'avoir mentionné que la ministre de l'ACDI qui est chargée de la coopération internationale, est en train de parler de ce texte de loi, pendant que nous sommes réunis ici.
J'ai une impression désagréable de déjà vu, parce que certains d'entre nous ont siégé dans cette salle dans le cadre d'un autre comité parlementaire le printemps dernier, où un excellent exposé—pas autant à mon avis que celui présenté ici—décrivant les raisons pour lesquelles le Canada ne doit pas participer au programme de défense nationale de défense antimissiles, était présenté aux parlementaires pendant que dans une autre salle sous le même toit, le ministre de la Défense annonçait que le Canada avait décidé de négocier sa participation.
Si je donne cet exemple c'est qu'il me semble que l'un de nos problèmes, c'est l'absence de coordination entre le volet développement international et le volet industrie à propos de l'accès aux produits pharmaceutiques, là où on en a désespérément besoin pour sauver des dizaines de millions de vies.
J'ai quelques brèves questions. Les ONG—et vous en faites partie—ont dit très clairement que le projet de loi, tel qu'il a été présenté en novembre, renfermait de sérieuses lacunes, que l'application d'une telle loi serait pire que l'inaction et établirait un très mauvais précédent pour le monde. Trois mois viennent de s'écouler, et je suis sûr que les Canadiens aimeraient savoir—j'aimerais savoir—si d'autres consultations détaillées sont en cours entre le gouvernement et les ONG pour rectifier le projet de loi, pour y proposer des amendements. Je crois que nous avons tous été extrêmement déçus de constater que ce même projet de loi a été présenté de nouveau sans changement.
Deuxièmement, je me demande s'il serait injustifié de profiter de l' analyse que vous avez rédigée, suite à la réunion d'aujourd'hui, des propositions qui viennent d'être faites par les deux représentants des grandes sociétés pharmaceutiques et de l'industrie des médicaments génériques. Dans quelle mesure croyez-vous que les changements qu'ils ont proposés permettraient de combler les lacunes du projet de loi, et quelles sont les autres mesures qui s'imposent à cet égard?
C'est une situation compliquée. De toute évidence, on ne peut raisonnablement pas s'attendre à ce que vous répondiez de façon définitive ou détaillée aux propositions qui viennent de nous être soumises au cours de la dernière heure et demie.
Le président: Monsieur Elliott.
M. Richard Elliott: Nous nous ferons bien sûr un plaisir de fournir par écrit au comité des commentaires sur les propositions émanant d'autres intervenants. C'est ce que nous comptons faire.
La situation est compliquée à un niveau, mais très simple à un autre. L'OMS, dans une déclaration qu'elle a faite aux membres de l'Organisation mondiale du commerce alors que se déroulaient ces négociations, a indiqué qu'il fallait tenir compte d'un principe fondamental. Elle a dit que les personnes qui vivent dans des pays n'ayant pas la capacité de fabriquer elles—mêmes des médicaments génériques meilleur marché devraient pouvoir en bénéficier dans la même mesure, et sans obstacles procéduraux supplémentaires, que les personnes qui vivent dans des pays ayant la capacité de fabriquer des médicaments génériques. Ils devraient pouvoir recourir à l'octroi de licences obligatoires aussi efficacement qu'un pays comme le Canada. Donc, à ce niveau, la situation est vraiment très simple. C'est dans les détails qu'elle se complique, et c'est dans les détails que surgissent les difficultés n'est-ce pas? Donc, nous nous ferons un plaisir de vous fournir des commentaires à ce sujet.
En réponse à votre première question, il y a eu une autre réunion dont je suis au courant—il y en a peut-être eu d'autres—où un certain nombre d'organisations non gouvernementales ont rencontré des représentants des divers ministères. Je crois que l'on peut dire qu'aucun progrès n'a été réalisé dans le cadre de ces discussions, pour ce qui est de combler les lacunes du projet de loi.
 (1215)
Le président: Alexa, il vous reste encore un peu de temps.
Mme Alexa McDonough: Il est peut-être impossible de fournir une explication détaillée, mais si vous avez l'intention de présenter d'autres mémoires par écrit, il serait utile de comprendre qui profite des limites imposées aux pays qui auront accès aux médicaments qui seront inclus, et qui seront reconnus comme agents d'approvisionnement pour améliorer l'accès aux médicaments.
Nous tenons à comprendre qui profitera de ces trois restrictions qui ne figuraient tout simplement pas ou n'étaient même pas envisagées dans l'accord sur les ADPIC et celui de Doha?
Le président: Je vous remercie, Alexa.
Y a-t-il des personnes qui voudraient répondre à cette question?
Monsieur Fried.
M. Mark Fried: Je ne suis pas sûr si cela répond à la question, mais il ne fait aucun doute que l'aspect qui nous préoccupe tous c'est que peu importe la loi qui sera adoptée, qu'elle permette de faire parvenir efficacement et rapidement les médicaments aux gens qui en ont besoin.
D'après ce que je crois comprendre, l'une des intentions énoncées est d'éviter les contestations judiciaires, parce qu'il est possible que des intéressés contestent devant les tribunaux la mise en oeuvre de ce projet de loi lorsque des contrats sont établis. Lorsque l'on a rédigé le projet de loi, on a tenté d'éviter de telles contestations judiciaires. Nous espérons que cela les évitera pour que les médicaments puissent parvenir aux gens qui en ont besoin aussi rapidement que possible.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Gurbax, puis James.
L'hon. Gurbax Malhi: Je vous remercie, monsieur le président.
Il arrive que les ONG n'aient pas de ressources tellement plus fiables que celles dont dispose le gouvernement. Par conséquent, croyez-vous que les ONG peuvent mieux se débrouiller sans la présence du gouvernement?
Mme Michelle Munro: C'est une très bonne question. Je vous remercie de la poser.
Tout d'abord, je crois que selon la façon dont le projet de loi a été conçu—et je considère qu'il faut en conserver l'esprit—il appartient aux gouvernements de décider de la nécessité d'invoquer l'octroi de licence obligatoire, et c'est une décision qu'ils doivent prendre. Il faut qu'ils décident quels sont les problèmes de santé que connaît leur pays, et auxquels il faut remédier. Donc nous ne nous permettrions pas d'entamer un tel travail avant que le gouvernement ait rendu une telle décision. Alors, nous travaillerions en partenariat avec le gouvernement pour nous assurer que les personnes les plus vulnérables reçoivent les médicaments.
L'hon. Gurbax Malhi: Je vous remercie.
Si l'on veut inclure les pays qui ne sont pas membres de l'OMC, comment peut-on s'assurer que leur contribution sera plus efficace et comment évitera-t-on les abus?
Le président: Monsieur Elliott.
M. Richard Elliott: Je vais tâcher d'y répondre, si vous me le permettez.
La décision rendue par l'OMC le 30 août qui sert de fondement au projet de loi C-9 exige déjà que les pays prennent des mesures pour éviter le détournement. On pourrait partir du principe selon lequel les pays qui ne font pas partie de l'OMC ont eux aussi intérêt à prendre des mesures pour éviter les détournements. Après tout, s'ils font partie de ceux qui tâchent d'obtenir des médicaments à meilleur marché pour traiter les habitants de leur pays, nous constaterons alors la plupart du temps que l'on s'efforcera d'agir de bonne foi en ce sens.
Il est aussi important de comprendre qu'il existe déjà des pays où certains médicaments génériques sont disponibles. De toute évidence, ils ne sont pas brevetés ou ils sont produits par des fabricants dans des pays qui n'ont pas encore de brevets pour fabriquer des produits pharmaceutiques. Ces médicaments sont disponibles sur les marchés mondiaux pour divers pays, souvent à meilleur marché que les médicaments de marque déposée. Il existe déjà un incitatif commercial à cet égard pour le détournement d'un endroit à un autre, pour ceux qui cherchent à revendre des médicaments pour en tirer un profit, et cela se produit parfois.
Le projet de loi ne peut pas régler ce problème, ni ne devrait tâcher de le faire. Et le fait que le projet de loi ne permette pas de régler ce problème n'est pas une raison valable pour que le Canada n'adopte pas un bon projet de loi qui permet de mettre à la disposition des gens qui en ont besoin des médicaments génériques fabriqués ici au Canada. Et le Canada a en fait la chance d'avoir une industrie de bonne réputation capable de produire ces médicaments; nous avons des ONG canadiennes ou internationales qui se distinguent depuis longtemps comme des organisations ayant une très bonne réputation et livrent des médicaments aux gens qui en ont besoin.
Même si la possibilité d'un détournement demeure une crainte, il faut prendre garde à ne pas exagérer cette crainte et à s'en servir comme prétexte pour ne pas agir.
L'hon. Gurbax Malhi: Si le droit de premier refus est toujours prévu par le projet de loi, les compagnies de médicaments génériques et les ONG sont-elles d'accord avec un tel principe?
 (1220)
M. Richard Elliott: je crois que les compagnies de médicaments génériques ont déjà refusé, mais vous devriez vérifier auprès d'elles.
En ce qui concerne les autres ONG, comme je l'ai déjà dit, je ne prétendrai pas parler en leur nom.
En ce qui concerne le Réseau juridique canadien VIH/SIDA, je le répète, nous considérons que le projet de loi ne devrait pas prévoir le droit de premier refus, tel qu'il y est présenté à l'heure actuelle; il s'agit d'une lacune fondamentale qui réduira en fait le projet de loi à un simple exercice de style, de sorte qu'il ne permettra pas d'accomplir grand-chose.
Le président: Très bien.
Je vous remercie, monsieur Malhi.
Avez-vous une observation à faire, monsieur Fried?
M. Mark Fried: J'aimerais simplement ajouter que je crois également qu'il faut trouver un moyen de traiter de la question de la liste des médicaments. Si on adopte cette liste sous sa forme actuelle, ce sera également un très mauvais précédent à l'échelle mondiale. Il est très peu probable que Oxfam appuie le projet de loi s'il est adopté tel quel.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fried.
Je crois que nous allons terminer par M. Rajotte et M. Vanclief, et une brève question de M. Crête.
M. James Rajotte: Je vous remercie, monsieur le président.
J'aimerais demander aux trois autres témoins de commenter très brièvement la recommandation particulière faite par M. Elliott quant à la façon dont il modifierait le droit de refus, c'est-à-dire essentiellement que le fabricant de médicaments de marque refuse d'accorder une licence volontaire en échange d'une redevance, et que le fabricant de médicaments génériques présente alors une demande au commissaire aux brevets et qu'il appartiendrait alors au commissaire aux brevets de rendre une décision. Cette proposition, ou une proposition semblable, est-elle acceptable à l'ensemble des témoins ici présents?
Mme Michelle Munro: Oui, cela ferait partie des mesures que nous considérons acceptables, parce que cela permettrait d'accélérer le processus. Nous ne voulons pas d'un processus long et difficile à l'issu duquel les pays dont les habitants ont le plus besoin de ces médicaments, et les ONG qui voudraient les leur fournir, et surtout les pays qui voudraient les leur fournir, n'arrivent pas à les obtenir à cause de la lenteur du processus en ce qui concerne les médicaments génériques et l'importance des investissements. Donc, ce serait acceptable.
M. James Rajotte: Ma deuxième question porte sur les ONG.
Dans votre exposé, monsieur Elliott, vous dites qu'il faut permettre aux ONG d'obtenir des médicaments génériques, puis je crois, en réponse à une question, vous avez parlé d'ONG ayant une bonne réputation.
Cette question s'adresse à tous les témoins : Est-ce que cela devrait s'appliquer à toutes les ONG?
Médecins sans frontières a une excellente réputation, mais je ne connais pas toutes les ONG qui existent. Donc est-ce que vous limiteriez cette mesure à certaines ONG qui ont une excellente réputation, ou est-ce que cela s'appliquerait à l'ensemble des ONG?
Le président: Quelqu'un veut-il répondre?
Monsieur Elliott.
M. Richard Elliott: Il me répugnerais que le comité crée une autre liste restrictive dans le cadre du projet de loi. Je crois qu'un fabricant canadien de médicaments génériques auprès duquel une ONG fait des démarches pour négocier un médicament à meilleur prix a évidemment tout intérêt à s'assurer qu'il s'agit d'une ONG de bonne réputation car sinon, cela pourrait fort bien finir par nuire aux fabricants canadiens de médicaments génériques qui pourraient se voir retirer leur licence.
Donc, je ne crois pas qu'il y ait vraiment lieu de s'inquiéter et, je le répète, si nous commençons à établir des listes, allons-nous décider que CARE, Vision mondiale, et MSF seront les ONG qui peuvent acheter des médicaments génériques du Canada, mais qu'une ONG allemande qui offre des soins médicaux au Botswana ne le pourra pas, pas plus qu'une ONG française? Je ne crois pas que ce soit une option que nous devrions envisager.
M. James Rajotte: J'ai une question supplémentaire.
Le président: Mme Munroe veut faire un commentaire.
Mme Michelle Munro: Je veux simplement dire que le processus de négociation avec les fabricants de médicaments génériques et la négociation de ces derniers avec nous en tant que ONG, est un processus long et coûteux. À mon avis, toute ONG qui a l'intention de suivre un tel processus devrait au préalable avoir une capacité et des ressources suffisantes pour le faire et, comme Richard l'a dit, c'est ce que l'on pourrait constater dans le cadre de ce processus.
M. James Rajotte: J'aimerais simplement soulever une question avec vous. Je crois que nous avons tous le même objectif.
Ma collègue du NPD en a parlé plus tôt—c'est-à-dire plus ou moins rejeter le blâme sur les fabricants de médicaments d'origine. Le fait est que si nous examinons l'annexe 1, il s'agit de fabricants de médicaments de marque qui créent des médicaments qui sauvent des vies ou la prolongent. Ce que je souhaite, et je crois que vous l'avez dit, madame Munro, c'est de faire partager les avantages des progrès scientifiques et technologiques. Mais nous tenons à nous assurer de continuer à faire des progrès scientifiques et technologiques. Si nous nous débarrassons tout simplement de toutes ces annexes et laissons le champ libre à n'importe qui, une fois que le médicament quitte les frontières du Canada, notre pays n'a pas vraiment de mécanisme en place pour surveiller la situation.
Je crois qu'il ne faut pas perdre de vue le fait que ce sont les fabricants de médicaments brevetés en premier lieu qui créent ces médicaments. Ce que je crains, et ce que je veux éviter, c'est que nous fournissions simplement des médicaments brevetés au prix coûtant à pratiquement n'importe quel pays et que les fabricants de médicaments de marque disent «Le développement de ces médicaments ne nous rapporte rien. Nous allons cesser de le faire. Nous allons simplement mettre l'accent sur d'autres médicaments qui nous permettront de gagner effectivement notre vie».
Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Je crois que nous sommes en mesure de parvenir à un consensus mais je vous mettrais simplement en garde contre l'élimination de toutes ces annexes et de toutes ces listes. Le fait est que nous pouvons ajouter des médicaments et des pays aux listes en suivant un processus relativement simple. J'aimerais donc simplement connaître votre réaction à cette question.
 (1225)
Le président: Je vous remercie, James.
Monsieur Fried, madame Munro, puis monsieur Elliot, mais je prierais d'être brefs.
M. Mark Fried: Très brièvement, il est vrai que certains fabricants ont effectivement cessé de faire de la recherche sur de nombreuses maladies qui affligent les gens pauvres, parce qu'ils n'en tirent aucun profit. Il est également vrai qu'une très faible proportion de leurs bénéfices, qui sont pratiquement dérisoires, proviennent des pays pauvres dont nous parlons; 1 p. 100 des bénéfices que réalisent les sociétés pharmaceutiques à l'échelle mondiale proviennent de l'ensemble du continent africain. Cela ne leur rapport pas d'argent et c'est donc la raison pour laquelle les médicaments ne sont pas fournis. Je crois que c'est la raison pour laquelle cette mesure est proposée.
Quant aux listes dont nous parlons, les principaux pays industrialisés d'où proviennent 90 p. 100 des bénéfices et la totalité des fonds pour la recherche, ne figurent pas sur cette liste. Il ne seront pas admissibles à l'achat de médicaments génériques canadiens. Ce sont les pays pauvres, les pays à faible revenu qui en ont désespérément besoin.
Le président: Madame Munro.
Mme Michelle Munro: Tout d'abord, comme nous l'avons dit, la R et D sont très importants. Il existe une foule d'initiatives destinées à promouvoir la R et D pour les types de maladies dont Mark parle.
J'aimerais revenir à l'amendement du 30 août et à l'objectif de l'accord de Doha. Il vise à donner suite aux urgences sanitaires. On n'invoque pas le recours à l'octroi de licence obligatoire dans le cas d'orteils endolories ou de simple pneumonie. On invoque le recours à l'octroi obligatoire de licence pour les urgences sanitaires, et c'est le contexte dans lequel cela se fait.
Nous devons prendre du recul et examiner les raisons pour lesquelles nous agissons ainsi. Voilà la situation dans laquelle cela se produirait. C'est-à-dire la situation dans laquelle un pays déciderait qu'il doit agir ainsi, et la situation dans laquelle nous ferions aussi ce genre de requête. Comme je l'ai dit, ce serait d'abord et avant tout un pays qui prendrait la décision.
Le président: Monsieur Elliott, très brièvement.
M. Richard Elliott: Si je peux vous renvoyer à la page 34 du mémoire que nous vous avons soumis, elle renferme certains détails à propos de la préoccupation exprimée concernant la R et D. Comme on l'a signalé, les pays riches du monde ont décidé officiellement de ne pas se prévaloir de la décision de l'OMC du 30 août, donc ce n'est pas un sujet de préoccupation.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Vanclief et, pour terminer, monsieur Crête—brièvement tous les deux si possible.
L'hon. Lyle Vanclief: Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à nouveau à remercier chacun d'entre vous des exposés que vous avez faits ici aujourd'hui.
Il faut situer toute cette question dans son contexte. Nous savons tous quel est l'objectif visé. Vous avez probablement entendu les commentaires que j'ai faits plus tôt à l'intention de certains témoins. Je crois que nous sommes tous sur la même longueur d'ondes à cet égard. Il ne fait aucun doute que tous les témoins ont fait clairement ressortir ce point. Le comité le reconnaît et nous reconnaîtrons la préoccupation concernant le droit de premier refus. Nous savons qu'il faudra y remédier afin de faciliter l'accès aux médicaments pour tout le monde.
En ce qui concerne les listes, le projet de loi va plus loin maintenant que ne l'avait proposé l'OMC. C'est une mesure que nous avons obtenue à force d'efforts acharnés à l'OMC. Le Canada a montré la voie et je sais que nous en sommes tous fiers, comme Canadiens. La liste des médicaments prévue est une liste qui a été proposée—ce n'est peut-être pas le terme exact—par l'Organisation mondiale de la santé. Nous sommes certainement disposés à y faire des ajouts, avec les suggestions de l'OMS.
Mon dernier argument c'est que cette mesure est le résultat d'efforts acharnés. Nous devons faire de notre mieux. Attelons-nous à la tâche. Nous serons alors en mesure de justifier des changements supplémentaires si nous jugeons qu'ils sont nécessaires, qu'il s'agisse d'ajouter d'autres pays ou d'autres médicaments à la liste, le cas échéant. Ce sera sans commune mesure avec ce que nous faisons à l'heure actuelle. Allons-y donc.
Enfin, j'aimerais vous demander d'expliquer pourquoi—et je ne suis d'ailleurs partisan ni des fabricants de médicaments génériques ni des fabricants de médicaments de marque—vous continuez de dire qu'il importe de faciliter l'accès aux médicaments génériques pour les personnes qui en ont besoin. L'objectif n'est-il pas de fournir les médicaments les moins chers, qu'il s'agisse de médicaments de marque ou de médicaments génériques? Pourquoi parlez-vous constamment des médicaments génériques?
Chacun d'entre vous a utilisé ce terme plus d'une fois dans son exposé ici aujourd'hui. Cela va à l'encontre de ce que je considérais être l'objectif visé, à savoir leur fournir des médicaments à faible coût.
 (1230)
Le président: Je vous remercie, Lyle.
Monsieur Elliott, puis monsieur Fried.
M. Richard Elliott: Vous avez tout à fait raison. L'objectif premier est de fournir aux gens des médicaments au coût le plus bas. La raison pour laquelle nous insistons là-dessus c'est qu'il s'agit de principes économiques fondamentaux. Si vous introduisez la concurrence sur le marché, les prix diminueront.
Effectivement, dans le cas des médicaments antirétrovirus, c'est uniquement lorsque certains fabricants de médicaments génériques de l'Inde ont fait des offres sur les marchés mondiaux qui correspondaient au dixième des prix des médicaments antirétrovirus de marque, que nous avons constaté une diminution importante, soutenue et durable du prix des médicaments antirétrovirus.
J'ajouterais également qu'en ce qui concerne la liste des médicaments, l'OMS n'a ni approuvé ni proposé les médicaments figurant sur cette liste. Cette liste provient d'une liste modèle de l'OMS qui a été conçue à des fins entièrement différentes. En fait, les propres déclarations de l'OMS semblent indiquer—à vrai dire, elle le dit assez ouvertement—que la décision rendue par l'OMC le 30 août englobe tous les médicaments. Elle ne dit pas qu'elle englobe uniquement les médicaments qui se trouvent sur sa liste modèle.
Le président: Je vous remercie, monsieur Elliott.
Monsieur Fried, après quoi nous passerons à Paul.
Nous écoutons vos commentaires sur cette question.
M. Mark Fried: Je n'ai rien à ajouter à ce qui vient d'être dit.
Le président: Très bien.
Très brièvement, Paul parce que nous devons céder la salle à un autre comité.
[Français]
M. Paul Crête: Monsieur Elliott, j'aimerais que vous me disiez si le fait d'ajouter des pays ou de modifier la liste de médicaments, comme vous le demandez, pourrait entrer en contradiction avec la décision du 30 août ou les règles générales de l'OMC. En allant dans ce sens, est-ce que nous sommes sûrs qu'il n'y aura pas d'impact négatif et que quelqu'un de l'OMC ne viendra pas nous dire que nous posons un geste qui est contraire aux règles de l'OMC?
[Traduction]
M. Richard Elliott: Ce que nous proposons n'est pas contraire aux règles de l'OMC. Les règles de l'OMC atténuent la restriction imposée au Canada pour ce qui est d'octroyer des licences obligatoires pour autoriser l'exportation de médicaments génériques. Les règles de l'OMC ne précisent pas que cela s'applique uniquement aux autres membres de l'OMC. En ce qui concerne la liste des médicaments, aucun des textes de l'OMC ne prévoient de listes prescrites de médicaments. Et comme je viens de le mentionner à votre collègue, l'OMS a adopté la position selon laquelle la décision de l'OMC englobe tous les médicaments. Donc je ne crois pas que l'on ait à craindre que nos propositions risquent de donner lieu à une contestation quelconque devant l'OMC.
Le président: Très bien.
Michelle, vouliez-vous intervenir?
Mme Michelle Munro: Oui. J'aimerais apporter un rectificatif. Il ne s'agit pas d'une urgence sanitaire, mais d'un problème de santé publique qu'un pays considère important.
Le président: Je tiens à remercier les témoins qui ont comparu au cours de cette séance et de la séance précédente. Nous poursuivrons nos audiences le 9 mars après la relâche d'une semaine. La réunion aura lieu à 11 h 15, et non à 11 heures en raison du discours que prononcera M. Kofi Annan de 10 heures à 11 heures.
Merci à tous et bonne journée.
La séance est levée.