INST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 9 mars 2004
Á | 1130 |
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)) |
Mme Carol Hitchman (présidente, Institut de la propriété intellectuelle du Canada) |
M. Patrick Smith (président, Comité de la législation en matière de brevets, Institut de la propriété intellectuelle du Canada) |
Á | 1135 |
Le président |
M. Patrick Smith |
Á | 1140 |
Le président |
M. Patrick Smith |
Le président |
Mme Chantal Blouin (chercheure, Commerce et développement, Institut Nord-Sud) |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Chantal Blouin |
Le président |
M. Jean-Louis Roy (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique) |
Á | 1150 |
Á | 1155 |
Le président |
L'hon. Joe Fontana |
Le président |
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, PCC) |
M. Patrick Smith |
M. James Rajotte |
M. Patrick Smith |
M. James Rajotte |
M. Patrick Smith |
M. James Rajotte |
M. Patrick Smith |
M. James Rajotte |
M. Patrick Smith |
M. James Rajotte |
 | 1200 |
M. Patrick Smith |
M. James Rajotte |
M. Patrick Smith |
Le président |
L'hon. Joe Fontana |
M. Patrick Smith |
 | 1205 |
L'hon. Joe Fontana |
M. Patrick Smith |
Le président |
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ) |
M. Patrick Smith |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
 | 1210 |
M. Paul Crête |
Mme Chantal Blouin |
M. Paul Crête |
Mme Chantal Blouin |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Paul Crête |
Le président |
M. Patrick Smith |
Le président |
M. Patrick Smith |
 | 1215 |
Le président |
L'hon. Lyle Vanclief (Prince Edward—Hastings, Lib.) |
M. Patrick Smith |
L'hon. Lyle Vanclief |
Mme Chantal Blouin |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD) |
 | 1220 |
Le président |
M. Patrick Smith |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
 | 1225 |
Le président |
Mme Chantal Blouin |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
 | 1230 |
Le président |
Mme Chantal Blouin |
Le président |
M. Jean-Louis Roy |
Le président |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan (coordonnatrice de politiques, Conseil canadien pour la coopération internationale) |
 | 1245 |
Le président |
Dr Don Kilby (président, Alliance de santé communautaire Canada-Afrique) |
 | 1250 |
Le président |
 | 1255 |
M. Srinivas Murthy (coordonnateur, McGill International Health Initiative; directeur général, Students Against Global AIDS, Université McGill) |
· | 1300 |
Le président |
Le révérend Jim Sinclair (secrétaire général, Église unie du Canada) |
Le président |
M. John Dillon (coordinateur, Programme de justice globale, KAIROS, Église unie du Canada) |
Le président |
M. Anivaldo Padilha (secrétaire de planification et de coopération, Koinonia, Brésil, Église unie du Canada) |
· | 1305 |
Le président |
M. Anivaldo Padilha |
Le président |
M. James Rajotte |
M. Srinivas Murthy |
· | 1310 |
M. James Rajotte |
Mme Gauri Sreenivasan |
M. James Rajotte |
M. John Dillon |
M. James Rajotte |
M. John Dillon |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan |
· | 1315 |
Le président |
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
· | 1320 |
Le président |
M. John Dillon |
Mme Paddy Torsney |
M. John Dillon |
Mme Paddy Torsney |
Le président |
M. Anivaldo Padilha |
· | 1325 |
Le président |
M. Paul Crête |
M. Srinivas Murthy |
M. Paul Crête |
M. Srinivas Murthy |
Le président |
M. Srinivas Murthy |
Dr Don Kilby |
M. Paul Crête |
Dr Don Kilby |
M. Paul Crête |
Dr Don Kilby |
Le président |
L'hon. David Collenette (Don Valley-Est, Lib.) |
· | 1330 |
Le président |
L'hon. David Collenette |
Le président |
M. Brian Masse |
· | 1335 |
Dr Don Kilby |
Mme Gauri Sreenivasan |
· | 1340 |
Le président |
Mme Gauri Sreenivasan |
Le président |
L'hon. Joe Fontana |
Mme Paddy Torsney |
L'hon. Joe Fontana |
Le président |
M. James Rajotte |
Le président |
M. Srinivas Murthy |
Le président |
CANADA
Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 9 mars 2004
[Enregistrement électronique]
Á (1130)
[Traduction]
Le président (M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)): Bonjour à tous. Je déclare ouverte la séance du 9 mars du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie. Le comité poursuit son étude du projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi sur les brevets et la Loi sur les aliments et drogues, plus communément appelé la «Loi sur les médicaments pour l'Afrique», bien que de nombreux autres pays puissent éventuellement profiter eux aussi de cette initiative très importante de la part du Canada.
Nous accueillons au cours de la première heure l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, l'Institut Nord-Sud et, enfin, Droits et démocratie, aussi appelé Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
Bienvenue à tous nos témoins qui nous aideront ce matin dans notre réflexion sur le projet de loi C-9.
J'informe aussi les membres du comité que nous aurons une réunion entre nous à la fin de la séance de ce matin.
Nous allons donc suivre l'ordre qui figure sur la feuille de convocation et nous commençons par Carol Hitchman de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Sans plus attendre, j'accorde la parole à Mme Hitchman.
Merci.
Mme Carol Hitchman (présidente, Institut de la propriété intellectuelle du Canada): Bonjour, et merci de nous avoir permis de comparaître.
L'IPIC est une organisation regroupant des agents de brevet et des agents de marque de commerce qui pratiquent dans le domaine de la propriété intellectuelle. Nos membres travaillent tant pour l'industrie du médicament générique—c'est mon cas à moi—que pour l'industrie du médicament d'origine—comme c'est le cas pour M. Smith qui m'accompagne.
Nous reconnaissons qu'il est difficile de rédiger une mesure législative qui vise l'équilibre entre les intérêts divergents que sont ceux de l'industrie du médicament d'origine, d'une part, et ceux de l'industrie du médicament générique d'autre part. Notre mémoire se limite pour la plus grande partie aux aspects techniques du projet de loi, car nous n'avons pas fait d'analyse de la décision de l'OMC sous-tendant l'initiative gouvernementale. Nous avons essayé, dans notre mémoire, d'apporter un point de vue tout aussi équilibré que celui que nous dénotons dans le projet de loi.
Notre mémoire se penche sur plusieurs aspects, dont certains seront abordés par M. Smith qui préside notre Comité sur le droit des brevets.
Avant de céder la parole à mon collègue, sachez que, d'après notre mémoire et le contenu du texte de loi même, on s'inquiète de l'industrie du médicament générique comme de celle du médicament d'origine en se demandant si le projet de loi permettra réellement d'approvisionner les nécessiteux, étant donné la disposition existante sur le droit de premier refus et étant donné les possibilités de détourner les médicaments. Nous nous réjouissons de constater que le projet de loi prévoit un réexamen de la loi, ce qui devrait vous permettre d'apporter éventuellement des changements après un an ou deux de fonctionnement.
Monsieur Smith.
M. Patrick Smith (président, Comité de la législation en matière de brevets, Institut de la propriété intellectuelle du Canada): Merci.
Tout comme l'Institut, notre comité est composé de personnes qui représentent aussi bien l'industrie du médicament d'origine que celle du médicament générique, ainsi que de personnes représentant d'autres secteurs d'activité. Nous nous sommes efforcés d'adopter une approche équilibrée et de déterminer si le projet de loi et le système qu'il propose seront applicables dans la pratique. Nous avons également cherché à déterminer si le projet de loi permettrait d'atteindre les objectifs souhaités par le législateur.
Dans sa décision, que la présidente a évoquée, le conseil général a insisté sur l'importance de faire parvenir ces médicaments à ceux qui en ont besoin plutôt que de mettre en valeur les politiques économiques des États membres. Nous avons tenu compte de cette exigence, ainsi que de la nécessité pour tous les États membres de prendre les mesures raisonnables nécessaires pour prévenir le détournement de ces produits.
Nous nous sommes vraiment efforcés de tenir compte de ces objectifs au moment de formuler nos commentaires. C'est ce que nous avons fait dans le mémoire qui vous a été remis, dans notre rapport qui fait partie du mémoire de l'IPIC.
Permettez-moi aujourd'hui d'aborder trois questions. Premièrement, faut-il conférer des pouvoirs discrétionnaires au commissaire? Deuxièmement, le régime proposé fera-t-il baisser le prix des médicaments pour les pays les moins avancés, ce qui est l'un des objectifs mêmes de la politique, et quelles mesures peuvent être prises à cet égard? Troisièmement, qu'arrivera-t-il si une autorisation donnée ne répond pas aux objectifs de la politique?
Abordons la première de ces questions. Le commissaire devrait-il jouir de pouvoirs discrétionnaires? Il s'agit d'une décision de principe que votre comité et le Parlement devrez prendre. Le commissaire des brevets devra-t-il se contenter d'entériner les décisions prises par d'autres, en s'assurant simplement que les documents pertinents sont présentés et que l'autorisation est accordée? Ou bien, doit-il avoir un certain pouvoir discrétionnaire pour décider s'il y a lieu d'accorder une autorisation.
Prenons, par exemple, le cas d'un pays qui déclarerait avoir besoin d'une certaine quantité de médicaments, quantité qui serait suffisante pour approvisionner le monde entier. C'est bien sûr un exemple absurde, mais il illustre mon propos. Comment concilier deux objectifs qui s'opposent dans une certaine mesure : d'une part, veiller à ce que les médicaments parviennent sans délai aux personnes qui en ont besoin et, d'autre part, empêcher ces produits d'être détournés à d'autres fins.
Notre proposition décrit un processus en deux étapes. La première étape consisterait en une autorisation provisoire qui serait accordée pratiquement d'office. On s'assurerait, par exemple, que tous les documents nécessaires ont bien été présentés. C'est un peu ce qui est prévu dans le projet de loi sous sa version actuelle. Ainsi, on aurait l'assurance que les médicaments pourront être expédiés rapidement à ceux qui en ont besoin.
La deuxième étape permettrait cependant aux parties en cause, c'est-à-dire le breveté, le demandeur de l'autorisation ou d'autres intéressés, de faire valoir leur point de vue devant le commissaire des brevets, par exemple sur le bien-fondé de l'autorisation ou sur les limites dont elle devrait être assortie. Le commissaire des brevets devrait avoir le pouvoir discrétionnaire d'imposer certains contrôles à une autorisation donnée ou de refuser d'accorder une autorisation. Grâce à l'autorisation provisoire, les produits pourront être envoyés sans tarder à ceux qui en ont besoin. C'est là le but premier.
Par ailleurs, nous faisons valoir dans notre mémoire que votre comité doit éviter de faire aujourd'hui quelque chose qui devra être défait par la suite. Autrement dit, il ne doit pas adopter un projet de loi qui risque de contrevenir à l'Accord sur les ADPIC. Le pays membre ne peut se soustraire aux obligations prévues dans cet accord, sauf dans la mesure des dérogations autorisées.
Le Canada doit encore respecter les dispositions de l'article 31. Au chapitre des taux de redevance, les alinéas 31a) et 31h) de l'Accord sur les ADPIC stipulent que l'on doit évaluer le bien-fondé de chaque autorisation. L'alinéa 31h) fixe le montant du dédommagement et énonce qu'il faut examiner les circonstances dans chaque cas.
Or, le projet de loi dont vous êtes saisis fixe le taux des redevances à 2 p. 100. Il ne dit pas qu'il faudra évaluer le bien-fondé de chaque demande d'autorisation. Il ne considère pas les circonstances propres à chaque pays. Au lieu de fixer le taux des redevances, le projet de loi devrait, selon notre comité, accorder au commissaire certains pouvoirs discrétionnaires à cet égard.
Il est possible que des redevances équivalant à 2 p. 100 soient trop élevées. Il se peut que le brevet en cause n'ajoute pas beaucoup de valeur à un médicament donné. Par exemple, le brevet peut viser une préparation qui améliore le goût du produit. Si l'autorisation ne porte que sur ce brevet-là, les redevances de 2 p. 100 seraient peut-être trop élevées. Par contre, il peut s'agir d'un brevet de base qui change tout à fait l'administration du médicament ou qui représente un nouveau produit. Dans ce cas-là, 2 p. 100, c'est trop peu. Toutefois, dans chaque cas, la partie intéressée doit avoir le droit fondamental d'être entendue, comme le prévoit le droit administratif. Après avoir examiné tous les aspects du dossier, le commissaire pourra déterminer, comme il se doit, si le taux des redevances est approprié.
Á (1135)
Maintenant...
Le président: Nous voulons accorder cinq à six minutes pour chacun des trois témoins pour commencer, mais vous aurez la possibilité d'ajouter des choses pendant la période de questions.
Alors vous pouvez conclure, monsieur Smith, si vous voulez bien.
M. Patrick Smith: Très bien.
Á (1140)
Le président: Merci.
M. Patrick Smith: Les deux derniers éléments, c'était de savoir si ce système permettait de faire baisser les prix pour les pays les moins développés. Nous avons proposé une solution de rechange au droit de premier refus des brevetés que prévoit la loi actuelle. Les fabricants de médicaments d'origine devraient pouvoir offrir les mêmes prix ou des meilleurs prix que les fabricants de médicaments génériques.
Deuxièmement, pour ne pas défavoriser les sociétés de médicaments génériques qui doivent engager des dépenses pour trouver ces contrats, elles devraient être indemnisées par les brevetés, pour couvrir le coût d'obtention des contrats.
Je ne vais pas aborder le troisième élément dont j'allais vous parler, mais je vais simplement vous demander : Qu'arrive-t-il si une autorisation précise ne satisfait plus aux objectifs de la loi? Actuellement, il y a des dispositions limitées qui portent sur l'expiration des licences. Si une autorisation ne satisfaisait plus aux objectifs de la loi—c'est une situation qui a été illustrée dans notre exposé—les parties devraient avoir le droit de se faire entendre et d'intervenir au sujet de l'expiration de ces autorisations.
Merci.
Le président: Merci beaucoup. Vous aurez la possibilité de préciser certaines de vos observations plus tard.
Nous allons passer à l'Institut Nord-Sud, avec Mme Chantal Blouin.
[Français]
Mme Chantal Blouin (chercheure, Commerce et développement, Institut Nord-Sud): Bonjour. Premièrement, je voudrais remercier le comité de nous avoir invités aujourd'hui.
Situé à Ottawa, l'Institut Nord-Sud est une institution de recherche qui se concentre sur le développement international. Depuis plus de 25 ans, nous entreprenons des recherches sur les relations du Canada avec les pays en développement et sur une large gamme de questions de politique étrangère.
Mes commentaires porteront principalement aujourd'hui sur le contexte de ce projet de loi. Je voudrais que nous prenions un peu de recul afin de mieux comprendre que ce projet de loi fait partie intégrante de notre politique étrangère, plus précisément de l'engagement du Canada en matière de développement international.
En l'an 2000, le Canada, de concert avec tous les autres membres des Nations Unies, s'est engagé à réaliser les objectifs de développement de l'ONU pour le millénaire. À cette occasion, les leaders du monde entier se sont entendus sur le fait que tout doit être mis en oeuvre afin de: réduire de moitié, d'ici 2015, la proportion de la population mondiale dont le revenu est inférieur à un dollar par jour; stopper la propagation du VIH-sida et commencer à inverser la tendance actuelle; maîtriser le paludisme et d'autres grandes maladies, et commencer à inverser la tendance actuelle en ce qui a trait à ces infections.
Les travaux de l'Institut Nord-Sud sur la santé et la politique étrangère canadienne soulignent que ces engagements sur les questions de développement international et les objectifs du millénaire se combinent à nos obligations existantes. En effet, le Canada est déjà signataire de plusieurs traités sur les droits de la personne qui reconnaissent le droit à la santé, tels que la Déclaration universelle des droits de la personne et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Il faut aussi se souvenir que l'un des trois piliers de notre politique étrangère est la promotion des droits humains. Étant donné nos engagements existants, la défense et la promotion du droit à la santé dans l'arène internationale doit guider nos actions. Donc, les composantes d'une stratégie concrète pour promouvoir le droit à la santé sont multiples, mais il est clair que l'accès aux médicaments est un élément crucial d'une telle stratégie.
Je voudrais noter qu'en 2002, le gouvernement britannique a établi une commission d'enquête sur la propriété intellectuelle, sur les brevets et le développement. Cette commission a examiné comment la protection des brevets dans les pays en développement pouvait réduire l'accès aux médicaments et, donc, remettre en cause la réalisation progressive du droit à la santé. Je cite brièvement le rapport de la commission d'enquête:
Comme les droits de propriété intellectuelle se renforcent dans le monde entier, les prix des médicaments dans les pays en développement vont sans doute augmenter, à moins que des mesures efficaces ne soient prises pour qu'ils y soient accessibles à des prix plus bas. [...] L'un des moyens permettant d'obtenir des médicaments à des prix plus bas, parmi ceux qu'examine le rapport, consiste pour les pays à utiliser un mécanisme intitulé « octroi de licences obligatoires ». |
Le projet de loi examiné aujourd'hui veille à ce que les pays qui ne peuvent pas tirer avantage de l'octroi de licences obligatoires, n'ayant pas les capacités nationales de production de médicaments, puissent améliorer leur accès aux médicaments. Il est clair, en termes de droit international, que nos obligations internationales quant à la protection des droits de propriété intellectuelle sont subordonnées au respect des droits fondamentaux tels que le droit à la santé. Nos actions doivent donc refléter ces engagements que nous avons pris depuis plusieurs années sur la scène internationale.
Ce projet de loi permet l'exportation des médicaments génériques dans les pays en développement, afin d'améliorer l'accès aux médicaments et l'état de santé des populations de ces pays. Lorsqu'on connaît l'impact de l'état de santé des populations sur le développement économique, on comprend que chaque pièce du puzzle, chaque contribution à l'amélioration de l'état de santé des populations, est cruciale pour atteindre nos objectifs de développement et les objectifs du millénaire de l'ONU.
Á (1145)
Je pourrais passer en revue plusieurs études qui confirment l'impact de l'état de santé sur le développement. Je vais en mentionner brièvement quelques-unes.
L'OMS, en 2002, a présenté les résultats d'une vaste étude sur l'impact macroéconomique de la santé qui confirment clairement que les pays qui sont aux prises avec des mauvaises conditions de santé ont beaucoup plus de difficulté à obtenir une croissance économique soutenue. Des hauts niveaux d'infection de malaria, par exemple, sont associés à une réduction de la croissance économique d'au moins 1 p. 100 par année. Il y a donc un effet cumulatif important à moyen et à long terme.
À elle seule, la pandémie du VIH-sida, comme vous le savez, a des conséquences énormes. La Banque mondiale a préparé récemment une étude sur les coûts économiques à long terme du sida.
[Traduction]
Le président: Pourriez-vous ajouter ces observations plus tard?
Merci.
[Français]
Mme Chantal Blouin: Oui.
Dans le cas de l'Afrique du Sud, on avait, là encore, un impact très sérieux sur la croissance économique si aucune mesure n'était prise à ce sujet.
Je terminerai avec les modalités du projet de loi.
Nous voulons tous nous assurer que les modalités du projet de loi sous examen facilitent au maximum l'accès aux médicaments pour les citoyens des pays en développement. Plusieurs témoins ont souligné les problèmes des clauses, en particulier le droit accordé aux brevetés de s'emparer des contrats qui sont déjà établis entre une compagnie canadienne et un pays importateur.
Ce que nous devons nous attendre à retrouver dans notre projet de loi, c'est ce qui se retrouve déjà à l'OMC dans les ADPIC, l'accord sur la propriété intellectuelle sur lequel les membres se sont entendus. Il faut donc éliminer les restrictions quant aux médicaments touchés par cette initiative, c'est-à-dire la liste qu'on retrouve dans le projet de loi, parce que cela crée de l'obstruction à ce que cette initiative contribue à une amélioration de l'accès aux médicaments dans les pays en développement.
Je conclus en disant que cette idée de restreindre l'entente à une liste de médicaments a été discutée, négociée pendant des mois et des mois par les partenaires de l'OMC, et on s'est entendus sur le fait que toute maladie et tout médicament seraient couverts. Donc, pourquoi retourner en arrière? Pourquoi recommencer les discussions sur des questions qui ont déjà été réglées à l'OMC?
Merci.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer à Jean Louis Roy, de Droits et démocratie, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
[Français]
M. Jean-Louis Roy (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique):
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de nous accueillir. C'est la première fois que nous avons l'occasion de commenter ce projet de loi, qui est d'une extrême importance. Je ne répéterai pas ce que vient de dire Mme Blouin. J'endosse néanmoins ses propos sur le demi-siècle d'engagement du Canada. Depuis la création de l'Organisation mondiale de la Santé en 1946, le Canada, à diverses étapes de l'histoire des relations internationales, a pris des engagements concernant la protection des droits sociaux et économiques.
Ainsi, il s'est engagé à l'égard de l'Organisation mondiale de la Santé, la Déclaration universelle des droits de l'homme, la Convention internationale sur les droitséconomiques, sociaux et culturels et les décisions du Conseil général de l'OMC du 30 août 2003 concernant l'accès aux produits pharmaceutiques génériques pour les pays n'ayant pas la capacité industrielle de produire ces derniers.
Monsieur le président, j'aimerais faire deux ou trois commentaires. Donnez-moi cinq minutes, et j'essaierai d'être le plus précis et le plus bref possible.
D'abord, comme on vient de le rappeler, nous parlons des droits fondamentaux. Or, je voudrais dire qu'à mon avis, il y a dans l'esprit d'un grand nombre de ceux qui défendent les droits fondamentaux une profonde évolution. Pour ce qui est de la question qui nous rassemble aujourd'hui, nous sommes très sensibles à la responsabilité des uns et des autres. Il s'agit en effet de responsabilités partagées. Nous voulons que dans ce domaine, les objectifs de l'OMC soient atteints.
En outre, nous reconnaissons, comme l'a dit M. Smith, qu'il y a de véritables problèmes et qu'il faut s'assurer de la fiabilité des systèmes de livraison des médicaments. Peut-être--et je propose cette réflexion aux membres du comité--faudrait-il assortir les politiques qui découleront de l'actuel projet de loi de projets d'appui à certains pays en développement, de manière à ce qu'ils créent des systèmes de vérification fiables pour que les médicaments, plutôt que d'être détournés, se rendent jusqu'aux personnes qui en ont vraiment besoin.
Monsieur le président, on parle ici de droits fondamentaux, de développement et de sécurité. Cette loi n'est pas pour les trois prochains mois ou les trois prochaines années. Deux milliards de personnes vont naître au cours des 15 prochaines années en Afrique, en Asie du Sud et en Amérique latine. Les besoins dont on parle vont connaître une croissance exponentielle absolument spectaculaire. Développement et sécurité, comme vient de le préciser le secrétaire général des Nations Unies, sont devenus intimement liés.
Monsieur le président, je voudrais ensuite rappeler ce que je viens de dire, à savoir que la question qui nous rassemble comporte deux éléments. Il y a les pays les moins développés,
Á (1150)
[Traduction]
les pays les moins développés. Il doit y avoir un système de contrôle et de vérification des médicaments essentiels,
[Français]
à la fois pour la mise à la disposition et aussi--je crois que c'est très important--pour la qualité. J'ai une expérience de 15 ans en Afrique et j'ai vu, dans toutes les régions de l'Afrique, des médicaments de qualité inférieure, des médicaments dont la date de péremption était depuis longtemps dépassée et qui étaient exportés depuis l'Europe sur les marchés africains.
Il y a donc une responsabilité des pays en développement, mais ce que fait l'OMC, c'est de préciser la responsabilité des pays développés qui ont les moyens industriels de faire cette recherche, de produire ces médicaments, etc. Le système qui sera retenu par le Canada, le système qui sera retenu par la loi qui découlera du projet de loi qui nous rassemble aujourd'hui, aura un effet d'influence, un effet de priorité en quelque sorte sur les législations ailleurs dans le monde. Il faut donc nous assurer que ce système remplit ces objectifs.
Le premier objectif, c'est de rendre là où on en a besoin les médicaments qui sont aujourd'hui disponibles, afin que les enfants du Burkina Faso ne meurent plus de méningite à l'âge de 12 ans, pour ne prendre que cet exemple.
Deuxièmement, je voudrais dire un mot sur la question du refus. Je crois qu'il y a moyen aujourd'hui de préciser dans la loi la forme de licence de gré à gré, y compris peut-être la modulation des redevances qui sont payées, comme M. Smith, je crois, vient de l'évoquer. On doit pouvoir définir des licences de gré à gré, et cela doit se passer de cette manière. C'est la seule manière qui soit fluide, c'est la seule manière qui, à long terme, va permettre que les médicaments soient accessibles à des prix convenables. On doit aussi, lorsque ce n'est pas possible, prévoir l'intervention, comme on vient de le mentionner, du commissaire aux brevets.
Je conclus, monsieur le président, en disant que le système retenu devra permettre d'atteindre des objectifs. Et ce sont des objectifs urgents. Je crois qu'on ne peut pas se dire qu'on va reprendre tout cela. Ce sont des objectifs urgents en termes des droits, en termes du développement, en termes de la sécurité, en termes aussi des engagements qu'on a pris au niveau de la négociation internationale commerciale. On a pris des engagements sérieux, cela a bloqué. J'étais à Cancun; cela a bloqué sur un certain nombre de choses, dont l'agriculture, mais aussi sur les questions qui nous rassemblent aujourd'hui.
Notre position est donc de nous en tenir, autant que possible, aux décisions de l'OMC qui ont été arrêtées le 30 août 2003, sans contraintes additionnelles.
Je vous remercie.
Á (1155)
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Roy. Merci à tous.
Nous allons commencer la période des questions. Monsieur Rajotte, vous avez la parole.
L'hon. Joe Fontana: Un rappel au Règlement, monsieur le président.
J'ai entendu à plusieurs reprises, dans l'interprétation, le terme OMS. Je crois qu'il s'agissait de l'OMC. Est-ce que l'on peut préciser ça, aux fins du procès-verbal?
Le président: OMC, d'accord.
Je vais accorder cinq minutes pour les questions et ainsi tout le monde pourra passer en une heure.
Monsieur Rajotte, je vous en prie.
M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci d'être venus et d'avoir comparu ce matin.
Je voulais poser des questions à Mme Hitchman et à M. Smith au sujet de leur témoignage et je souhaiterais qu'ils reviennent sur la question des redevances. Vous recommandez que l'on modifie l'article 21.08 pour permettre des taux variables et que le commissaire décide de ces taux au cas par cas.
M. Patrick Smith: En gros, c'est la situation qui existait au Canada, sous le système des licences obligatoires. Les demandes étaient présentées à la fois par le titulaire et le demandeur, et le commissaire établissait le taux de redevances approprié. Généralement, il était établi à 4 p. 100 pour les marchés intérieurs. Dans certains cas, je crois qu'il y a eu un taux de 6 p. 100 et un autre de 10, mais dans la plupart des cas, le taux était de 4 p. 100 pour les marchés intérieurs.
Il faut s'assurer de pouvoir fournir le produit et que ce processus n'est pas ralenti par des conflits sur les taux des redevances. C'est pourquoi nous avons proposé, si un taux provisoire était approprié, qu'il soit établi dans la loi, mais que le taux final soit déterminé par le commissaire.
M. James Rajotte: D'autres témoins ont recommandé un taux variable avec un maximum de 4 p. 100. Recommanderiez-vous quelque chose de ce genre ou toujours un taux provisoire de 2 p. 100, par exemple, puis un taux définitif à déterminer sans question de maximum?
M. Patrick Smith: Je ne pense pas pouvoir répondre à la question parce que si vous fixez un maximum à un taux de redevance, vous risquez d'aller à l'encontre de l'article 31 de l'accord des ADPIC. C'est probablement quelque chose qui devrait être laissé au commissaire aux brevets.
En fin de compte, si pour le marché intérieur, cela a toujours été 4 p. 100, on plafonnera probablement à ce niveau.
M. James Rajotte: Le deuxième point dont je voulais parler porte sur le droit de premier refus. Vous avez parlé, à la page 4 de votre mémoire, d'une commission d'intermédiaire. Afin que si un fabricant de produits génériques parvient à une entente avec un pays, on ne puisse permettre à un produit de marque d'aller pêcher ce contrat.
Qui déciderait du montant de cette commission d'intermédiaire? Serait-ce le commissaire?
M. Patrick Smith: Je pense que ce serait en effet le commissaire. Ce que l'on vise, c'est à ne pas punir quelqu'un qui a obtenu un contrat. On veut s'assurer que l'intéressé soit payé pour les frais qu'il a encourus pour obtenir ledit contrat.
M. James Rajotte: Et ce serait payé par le fabricant de produits d'origine au fabricant de produits génériques?
M. Patrick Smith: Oui.
M. James Rajotte: Combien cela représenterait en général... y a-t-il quelque chose qui peut nous guider?
M. Patrick Smith: C'est en fait le premier pays au monde où l'on envisage ce genre de mesure législative. On ne peut se fonder sur aucune expérience. Toutefois, pour ce qui est de dénicher un contrat, si c'est quelque chose qui se fait à partir d'un bureau d'un fabricant de produits génériques à Toronto au téléphone ou par Internet avec quelqu'un d'un autre pays, je ne peux croire que les frais seraient très importants.
Quant au droit de premier refus, on peut tout de même dire qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas tellement de fabricants de produits génériques au Canada. Si l'on n'encourage pas la concurrence sur les prix, si l'on n'abaisse pas son prix, quelqu'un qui s'intéresse à l'aspect monétaire de ces contrats ne serait pas poussé à diminuer son prix. Si j'ai une station-service et que vous êtes en face de moi, si vous baissez le prix de votre essence d'un cent, je vais en faire autant. C'est ce que l'on fait dans un oligopole—on suit, on suit le leader du marché pour ce qui est du prix.
Nous avons donc pensé que le mieux, ce serait d'inciter quelqu'un qui obtient un contrat à offrir son meilleur prix afin que quelqu'un d'autre ne puisse pas venir lui chiper ce contrat, comme vous le disiez. Ceci inciterait en fait à offrir son meilleur prix ou à risquer de perdre ce contrat lucratif.
M. James Rajotte: Le troisième point que je voulais soulever avec vous était le droit de contester l'avis d'intention déposé par un fabricant. Pourriez-vous donner un peu plus de détail au comité? Je ne comprends pas très bien.
 (1200)
M. Patrick Smith: Permettez-moi de vous donner une perspective historique sur l'ancien régime de licence obligatoire. Lorsque quelqu'un demandait une licence obligatoire en vertu de la loi canadienne précédente, certains critères devaient être observés. Il pouvait y avoir contestation quant au respect de ces critères, et les deux parties avaient l'occasion d'intervenir auprès de l'autorité décisionnaire. Celle-ci fixait les limites des droits accordés par la licence obligatoire, ou décidait si cette licence devait être octroyée.
Aujourd'hui, dans ce cas, on veut éviter de retarder la date à laquelle ces produits seront mis à la disposition de ceux qui en ont besoin. C'est là l'un des éléments que notre comité a considéré. Nous avons voulu accorder une autorisation provisoire, comme le prévoit actuellement la loi, sous réserve du respect de certains critères objectifs: a-t-on produit un document? La déclaration a-t-elle été faite? Les frais prévus ont-ils été acquittés? Si tout cela est en ordre, nous émettons l'autorisation provisoire.
À l'heure actuelle, une fois que tout cela est fait, les parties peuvent se présenter sans délai, expliquer pourquoi l'autorisation s'impose et en quoi elle sert les objectifs de la loi; la partie qui s'y oppose peut expliquer pourquoi l'autorisation n'aurait pas dû être accordée.
M. James Rajotte: Mais aux fins de la discussion, si un fabricant de produits génériques obtient une autorisation, qu'il commence à exporter son produit et qu'il perd sa cause en dernier lieu, ne va-t-on pas manquer l'objectif qu'on s'était fixé initialement?
M. Patrick Smith: Je vous répondrais que dans un tel cas, on agit à l'encontre de l'ensemble des objectifs de la loi, mais le mal est plus limité que si l'on avait refusé de mettre sans délai des médicaments à la disposition des gens qui en ont besoin. Il faut donc peser le pour et le contre, et trouver un juste équilibre. Le comité en est bien conscient, et on est là au coeur du problème.
Le président: Merci beaucoup.
À vous, monsieur Fontana.
L'hon. Joe Fontana: Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur participation à nos travaux et de leurs mémoires, que j'ai trouvés très convaincants.
Nous venons d'entendre un discours de Kofi Annan, qui est dans le droit fil de ce projet de loi, puisque nous avons pour objectif officiel d'aider les plus nécessiteux du monde entier à obtenir des médicaments au plus juste prix.
Je suis d'accord avec ceux qui considèrent que c'est une question de politiques étrangères, d'aide au développement et de droits. Mais je ne suis pas certain que ce soit dans ce projet de loi que le Canada pourra formuler ses aspirations en matière de politiques étrangères, d'aide au développement ou même de droits. Ce n'est qu'une partie de ce à quoi le Canada s'est engagé.
J'aimerais vous poser quelques questions, Patrick. Vous dites que ce régime doit être applicable en pratique. Je pense que votre organisme se retrouve comme nous entre le marteau et l'enclume.
Je pense que vous provoquer le chaos au lieu de proposer une solution pratique lorsque vous parlez de solutions provisoires, d'ententes provisoires et de pouvoir discrétionnaire accordé au commissaire pour décider du prix des produits. Nous allons avoir un véritable problème. Si nous ne fixons pas quelques lignes directrices, je ne suis pas certain que le régime sera applicable en pratique, en fonction de votre définition.
Vous avez parlé quelque peu du cheminement que devront suivre tous les pays qui voudront entreprendre d'adopter une législation comparable à la nôtre ou qui ont besoin des médicaments que nous sommes prêts à mettre à leur disposition, soit directement, soit par l'intermédiaire des ONG. Mais ne pourrait-on pas parler d'une procédure ouverte, transparente et égalitaire qui ferait baisser le prix des médicaments?
Pourriez-vous nous parler de la procédure que tout le monde devrait suivre pour que nous ayons la législation la plus réaliste au plan pratique tout en permettant à ceux qui ont besoin des médicaments de les obtenir au prix le plus bas, sans le moindre détournement, grâce à un système ouvert et transparent résultant d'une législation modèle dont les autres pays du monde pourront s'inspirer?
J'aimerais aussi interroger les autres témoins, mais pouvez-vous déjà me répondre, Patrick?
M. Patrick Smith: J'aimerais commencer par ce que vous avez dit sur les pouvoirs discrétionnaires. Les tribunaux décisionnaires ont été constitués directement par le Parlement, qui leur a accordé des pouvoirs discrétionnaires. Il n'y a là rien de nouveau.
À mon avis, ce qu'on veut éviter—et cela me rappelle l'ancienne annonce publicitaire d'Esso où le mécanicien disait: «Vous me payez maintenant ou vous me paierez plus tard»—on veut éviter de constater plus tard, à l'occasion d'une contestation, que nous n'avons pas respecté certains aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce parce que nous n'avons pas accordé de pouvoir discrétionnaire au commissaire aux brevets ou à quelqu'un d'autre.
L'article 31 oblige à considérer, dans certaines circonstances, les demandes au cas par cas. Dans ce contexte, pourquoi ne pas accorder de pouvoir discrétionnaire au commissaire? D'autres tribunaux créés par le Parlement ont les mêmes pouvoirs discrétionnaires.
 (1205)
L'hon. Joe Fontana: Ce que dit ou ne dit pas le commissaire devra pouvoir être porté en appel.
Ce qui m'inquiète, c'est qu'en créant ces grands systèmes, on risque de retarder la fourniture des médicaments à ceux qui en ont besoin. Les décisions du commissaire vont être contestées, y compris devant les tribunaux. En définitive, je ne m'oppose pas à ce qu'un commissaire émette une licence obligatoire une fois que la licence volontaire est entrée en vigueur, ni qu'on lui donne des directives quant aux frais à imposer.
J'ai entendu les fabricants de produits d'origine et de produits génériques dire qu'ils donnent des médicaments et que cela ne leur coûte rien. Il serait ignoble d'ajouter des redevances de 1 p. 100, de 2 p. 100 ou de 4 p. 100 au détriment des pays les moins développés qui ne peuvent rien acheter. Pour ces pays, il faut un taux de 0 p. 100.
Si l'on accorde des pouvoirs discrétionnaires au commissaire, comment va-t-il pouvoir déterminer, à partir de la liste des pays en question, le prix et les redevances à fixer pour chaque médicament? Au lieu de les fixer par la voie réglementaire ou législative à l'intention de la communauté mondiale, vous vous en remettez à une personne seule.
M. Patrick Smith: Nous ne nous opposons pas à ce qu'on donne des directives aux décisionnaires.
Compte tenu des objectifs de la loi, je ne peux pas concevoir que quiconque puisse fixer un taux de redevance anormalement élevé. À mon avis, cela n'aurait aucun sens.
Sauf tout le respect qui vous est dû, c'est en 1923 qu'a été adoptée la première loi sur les licences obligatoires. Les premières dispositions n'ont jamais complètement disparues avant 1993. Nous avons eu 70 années d'expérience en matière de fixation des taux de redevances. Le commissaire a déjà fixé ce taux. Pour le marché intérieur, il était de 4 p. 100.
Quoi qu'il en soit, le taux des redevances est moins important que le montant à payer. Dans la mesure où votre comité pourra faire baisser le prix des médicaments destinés aux pays les moins développés, il fera aussi baisser les redevances, puisqu'il s'agit d'un pourcentage.
À mon avis, le fait d'accorder des pouvoirs discrétionnaires au commissaire ne devrait pas créer de problème insurmontable. Je reconnais avec vous qu'il est important de garder les critères à l'esprit.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Crête, je vous prie.
[Français]
M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président.
En étudiant ce projet de loi, on fait toujours face à la question de savoir si le projet déposé va au-delà de ce que voulait la décision internationale ou s'il ne fait que la refléter et la rendre opérationnelle au Canada. J'aimerais avoir l'opinion des participants là-dessus, peut-être en commençant par les gens de l'institut.
À votre avis, quelle est la partie de ce projet de loi qui dépasse l'objectif de l'accord international? Est-ce qu'il y a des parties du projet de loi qui vont plus loin que ce que prévoyait l'accord international, et pour quelles raisons?
[Traduction]
M. Patrick Smith: Je considère que le Canada, tel qu'il est représenté dans ce comité, a le coeur à la bonne place pour ce qui est de s'assurer que ces médicaments parviennent à ceux qui en ont besoin. Il s'agit surtout de faire des retouches pour s'assurer que ces médicaments sont acheminés rapidement, qu'ils sont aussi bon marché que possible et qu'on obtient au bout du compte un processus qui fonctionnera, et pour tâcher d'éliminer les obstacles qui existent à l'heure actuelle concernant d'autres régions où des règlements ou des tribunaux sont établis, ce qui donne lieu à des appels à n'en plus finir. Dans ce sens-là, il faudrait que le projet de loi prévoie une telle certitude.
Mais ce dont il s'agit, c'est de tâcher de fournir ces médicaments à ces régions au meilleur prix possible et de s'assurer qu'ils parviennent à ceux qui en ont besoin. Dans l'ensemble, j'estime que le comité est sur la bonne voie.
Le président: Monsieur Roy, à vous.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Monsieur Crête, je crois que tout ce qui vient ajouter du temps, et beaucoup de temps, aux mécanismes les plus simples possible... On doit trouver, dans ce cas-ci, des mécanismes très simples. La décision de l'OMC du 30 août 2003 arrête une politique qui change radicalement le système international d'accès aux médicaments. Ce n'est pas un amendement quelconque: il s'agit désormais de rendre disponibles les médicaments qui existent à des gens qui n'y ont pas accès pour des raisons de sous-développement.
Pour se rapprocher de la décision du 30 août, on doit trouver les mécanismes les plus simples pour atteindre cet objectif. On n'est pas dans un autre montage commercial, on est dans un montage humanitaire, on est dans un montage de développement, de droits humains, et j'ajouterais aussi de sécurité. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je pense que les trois concepts sont devenus indissociables aujourd'hui. Par conséquent, on est dans un tout autre paramètre.
Jusqu'à maintenant, on était dans un monde où les médicaments étaient disponibles seulement pour les gens qui avaient les moyens d'y avoir accès. On était aussi dans un monde, il faut le rappeler—le secrétaire général des Nations Unies le rappelle sans arrêt—où la recherche pharmaceutique était faite presque exclusivement par rapport au marché solvable. La décision de l'OMC est de changer les paramètres pour un temps indéfini, de rendre disponibles, à des gens qui n'y avaient pas accès, les médicaments qui sont là, de la manière la plus efficace et la plus rapide possible.
Je voudrais rappeler ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous ne sommes pas contre toute forme d'imputabilité.Cela serait absurde de notre part. Dans le système qui sera mis en place, les gens devront pouvoir poser des questions. Il ne doit pas y avoir de détournements, il ne doit pas y avoir de contrats qui soient falsifiés et il ne doit pas y avoir de médicaments de troisième ordre. On a donc besoin d'un certain nombre de vérifications. La donnée centrale est de trouver un système—et je pense que la décision de l'OMC était claire à cet égard—qui amène les pays en développement à se doter de mécanismes de vérification fiables. Peut-être qu'il faudra les aider, comme je le mentionnais tout à l'heure. Du côté des pays producteurs, cela change aussi la donne très profondément.
 (1210)
M. Paul Crête: Madame Blouin, voulez-vous faire un commentaire?
Mme Chantal Blouin: Pour répondre à votre question, oui, en effet, il y a des obstacles qui ont été ajoutés dans le projet de loi actuel et qui ne se trouvaient pas dans la décision de l'OMC du mois d'août 2003. Le droit de refus et la liste qui restreint l'entente à certains médicaments sont deux exemples de ces ajouts, de ces obstacles.
Je crois que le Parlement norvégien examine actuellement un projet de loi similaire au nôtre et qu'il s'en tient à ce qu'il y a dans la décision de l'OMC. Il n'y a donc pas de liste qui restreigne l'entente à certains médicaments ni de droit de refus.
M. Paul Crête: Auriez-vous une copie de ce projet de loi?
Mme Chantal Blouin: Je pourrais vous en faire parvenir une.
M. Paul Crête: Je l'apprécierais.
Le président: Merci, Paul.
M. Paul Crête: J'ai une autre petite question.
[Traduction]
Le président: Vous avez deux secondes.
[Français]
M. Paul Crête: Pour ce qui est des gens de l'Institut de la propriété intellectuelle, je crains fort, pour ma part, que la proposition de contester l'avis d'intention déposé par un fabricant de produits génériques nous amène, comme dans le cas du règlement de liaison, dans un marasme juridique. Cette crainte est-elle justifiée? Il semble que cette question puisse donner beaucoup de travail aux avocats sans pour autant augmenter la vitesse du système.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie, Paul.
Quelqu'un veut-il répondre?
M. Patrick Smith: C'est en fait l'une des propositions que nous avons prises en considération—l'allégement provisoire que nous avons proposé.
L'objectif principal est de tâcher de fournir un accès rapide à ces médicaments. C'est pourquoi le rôle initial du commissaire devrait consister à fournir cette autorisation provisoire afin que les médicaments puissent être disponibles rapidement, après quoi il ou elle décidera si l'autorisation doit être émise.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Le président: Très brièvement, je vous prie, Patrick.
M. Patrick Smith: Oui.
Permettez-moi de vous donner deux exemples. Disons que quelqu'un demande l'autorisation mais n'a pas la capacité de fournir ce médicament en particulier. Faudrait-il en informer le commissaire afin qu'il sache que l'on en a suffisamment pour un approvisionnement de dix jours mais que l'on n'est pas en mesure de répondre aux besoins du pays? Si le pays a besoin d'un médicament en particulier et en fait la demande, et si le fabricant modifie sa position—disons que le médicament est en route et que la partie n'est pas en mesure de le fournir—, le commissaire ne devrait-il pas déterminer s'il doit en donner ou non l'autorisation?
D'un autre côté, que se passe-t-il si un pays particulier a un site Web, mais que tous les médicaments fournis au pays par d'autres pays ou d'autres entreprises sont annoncés sur le site Web pour être vendus ailleurs et que les détournements sont inévitables? Ne faudrait-il pas que le commissaire soit mis au courant de la chose pour déterminer s'il doit octroyer la licence générale?
Je considère qu'il faudrait que le commissaire dispose au moins de certains pouvoirs discrétionnaires de manière à pouvoir décider de ces questions au départ.
 (1215)
Le président: Je vous remercie, monsieur Smith.
Monsieur Vanclief, puis monsieur Masse.
L'hon. Lyle Vanclief (Prince Edward—Hastings, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Bienvenue aux témoins.
Je vais faire mes observations et je demanderai ensuite aux témoins de me faire part de leurs réactions.
Monsieur Smith, je trouve cela intéressant et je ne dis pas que cela ne peut pas être fait. Toutefois, dans le mémoire que vous avez envoyé au comité avant de venir témoigner, vous n'avez pas traité de la discrétion du commissaire, à moins que je n'aie pas remarqué ce passage. Si cette question a été abordée dans votre mémoire, cela n'a pas été exprimé aussi clairement que vous l'avez fait aujourd'hui lors de votre exposé. S'agit-il d'une question qui s'est ajoutée après coup? Je n'aime pas utiliser ces termes car je sais que vous et votre comité y avez réfléchi bien davantage. Cette question suscite une discussion, d'après ce que nous pouvons constater ici, une discussion que, selon moi, nous devons avoir. Je vais m'en tenir à cela.
À Mrs. Blouin et Mr. Roy, vous avez été très clairs, et je crois qu'aucun d'entre nous ne s'oppose aux objectifs que nous tentons d'atteindre ici.
Dans vos dernières remarques, madame Blouin, vous y avez fait allusion. Toutefois, selon moi, il n'y a rien dans votre exposé qui indique clairement si vous croyez que le projet de loi tel que rédigé à l'heure actuelle permettra d'atteindre ces objectifs. Le projet de loi doit-il être modifié afin d'y parvenir?
C'est très bien que nous discutions du but que nous poursuivons. La question qui se pose à nous qui sommes autour de cette table c'est de déterminer collectivement comment ce but peut être atteint.
Si vous n'avez pas fait de commentaire très précis sur le projet de loi, est-ce parce que, selon vous, le texte actuel du projet de loi permettra d'obtenir les résultats escomptés?
M. Patrick Smith: Pour répondre à votre question, si vous voulez bien regarder au haut de la page 4 de la version française de notre mémoire, vous trouverez une section intitulée: «Droit de contester l'avis d'intention déposé par un fabricant de produits génériques». La solution provisoire que nous proposons est contenue dans cette section.
La question du prix et du taux fixe de 2 p. 100 est abordée à la page 5.
L'hon. Lyle Vanclief: Très bien. Vos observations ont apporté des éclaircissements sur le contenu de votre mémoire. Je l'avais lu, mais je ne l'avais pas interprété de la même façon.
Merci.
Mme Chantal Blouin: Relativement aux détails du projet de loi, il est clair que le droit de refus est un problème majeur. D'après ma lecture des transcriptions des audiences antérieures, il semble que toutes les sociétés pharmaceutiques conviennent qu'il s'agit là d'un problème, et donc que ce droit de refus devrait être retiré.
Pour faire du texte actuel un très bon projet de loi, il faudrait supprimer la liste de médicaments qui se trouve en annexe, car afin d'atteindre l'objectif, nous voulons obtenir les meilleurs résultats possibles. C'est en procédant de cette façon que nous y parviendrons.
Le président: Avez-vous quelque chose à ajouter?
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Oui. J'aimerais dire, en réponse au commentaire de M. Vanclief, que le droit de refus accordé aux détenteurs de brevets, dont on vient tout juste de parler, doit être étudié en profondeur. À cet effet, nous avons, devant le contenu du projet de loi, des objections considérables.
À la fin du document que nous avons présenté, nous proposons des éléments de réflexion concernant des alternatives à certaines dispositions du projet de loi. Ainsi, il serait inapproprié de croire, à partir de nos propos, que nous approuvons le projet de loi tel qu'il est. En fait, certaines modifications doivent y être apportées.
[Traduction]
Le président: Merci.
Merci, monsieur Vanclief.
Brian Masse.
M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.
Je crois que je vais poser toutes mes questions les unes à la suite des autres et je laisserai ensuite le soin à chaque témoin d'y répondre.
La première s'adresse à M. Smith. Le droit de premier refus qui est prévu dans le projet de loi tel que formulé viendrait s'ajouter aux deux autres possibilités qui s'offrent déjà aux fournisseurs de médicaments ou aux fabricants de produits pharmaceutiques de prendre l'initiative pour ce qui est de fournir leur produit. Ils ont le produit en tant que tel, et ils pourraient agir immédiatement pour en abaisser le prix ou l'offrir à un certain prix. Deuxièmement, ils ont aussi la possibilité de donner volontairement leur autorisation, de conclure une entente avec les fabricants de médicaments génériques s'ils le souhaitent; c'est là la deuxième possibilité qui s'offre à eux.
Ce qui m'inquiète si l'on ajoute cette troisième possibilité, ce sont les retards et les problèmes administratifs qui pourraient en découler. Cela revient finalement à l'inquiétude que m'inspire votre suggestion voulant qu'il y ait une commission d'intermédiaire. Vous pourriez peut-être nous en dire un peu plus à ce sujet. Envisagez-vous de les indemniser pour leurs dépenses? Seront-ils alors autorisés à demander un bénéfice? Deuxièmement, s'il n'y a pas de fabricant de médicaments génériques qui décide d'investir le marché, aurons-nous vraiment réussi s'il n'y a pas pour eux d'incitation à s'épanouir dans ce contexte pour que l'accès aux médicaments puisse être généralisé?
J'aurais aussi une question pour vous, monsieur Roy, relativement à cette redevance qui, d'après vous, pourrait être fixée par exemple à 2 p. 100, étant entendu que le commissaire pourrait ensuite ramener le prix à un certain niveau plus tard. Je m'inquiète de l'effet déstabilisateur que cela pourrait avoir, par exemple, pour une ONG ou pour un pays du tiers monde qui se trouverait ensuite à devoir payer 8 p. 100, mettons, ou je ne sais trop quel pourcentage de plus. Cela pourrait-il les dissuader premièrement d'acheter des médicaments en quantité suffisante et, deuxièmement, leur imposer un fardeau financier supplémentaire? Ce que nous recherchons finalement, c'est la stabilité; nous espérons non seulement améliorer la vie des personnes touchées, mais aussi stabiliser les pays visés afin qu'ils puissent se doter de bonnes politiques et que nous puissions éviter qu'une situation semblable ne se reproduise à l'avenir. Voilà ce qui m'inquiète du scénario que vous proposez.
Madame Blouin, si vous me permettez de revenir à vos propos sur le cas de la Norvège, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce qui est prévu dans la mesure norvégienne comparativement au projet de loi dont nous sommes saisis pour ce qui est des pays qui seraient exclus si nous l'adoptions tel quel? Il y a beaucoup de pays et de gens dont la situation est vraiment désespérée qui n'auront pas accès aux médicaments si nous ne corrigeons pas cette lacune du projet de loi ou si nous ne le modifions pas.
Merci, monsieur le président.
 (1220)
Le président: Voulez-vous être le premier?
M. Patrick Smith: Oui, si vous le voulez bien.
Pour commencer, il y a la déclaration du président du conseil général du 30 août accompagnant la publication des décisions de l'OMC:
Premièrement, les membres reconnaissent que le système qui sera établi par la décision devrait être utilisé de bonne foi pour la protection de la santé publique et, sans préjudice du paragraphe 6 de la décision, ne devrait pas être un instrument visant la réalisation d'objectifs de la politique industrielle ou commerciale. |
Donc, notre comité, pour préparer sa présentation, a commencé par étudier cette déclaration et a conclu que le but recherché n'était pas de faire entrer sur le marché d'un certain pays des produits d'origine, pas plus que des produits génériques. L'objectif était de trouver un mécanisme permettant l'entrée sur un marché, en cas de nécessité, de médicaments sûrs et bon marché quel que soit le fournisseur.
Or, si je ne m'abuse, les fabricants de produits d'origine—je crois d'ailleurs comprendre que certains fournissent certains pays—peuvent, de toute évidence, faire ce qu'ils veulent de leurs brevets, y compris en vendre la licence.
Si des délais doivent être respectés, il est possible que le fabricant de produits génériques ne soit pas le mieux placé pour fournir le médicament nécessaire à un pays particulier. Il lui faut toujours obtenir l'homologation de Santé Canada pour vendre son médicament, et cela prend un certain temps. Il est donc possible que le fabricant de médicaments d'origine puisse approvisionner beaucoup plus vite ce marché. Cela peut avoir une certaine importance.
Quoi qu'il en soit, toutes choses étant égales, ce que notre comité ne veut pas c'est une situation où il n'y a pas de concurrence pour les prix, c'est-à-dire quand le nombre de fournisseurs sur le marché est limité et qu'il n'y a pas de véritable concurrence au niveau des contrats et des prix. C'est la pire des choses qui puisse arriver puisqu'elle ferme la porte à la possibilité d'entrer sur ce marché de médicaments moins onéreux.
D'après moi, il faut encourager d'une manière ou d'une autre les candidats fournisseurs à proposer leur meilleur prix quand ils négocient ces contrats avec ces pays. Nous estimons que ce que nous proposons, cette alternative au droit de premier refus, facilite l'atteinte de cet objectif.
Le président: Madame Blouin ou monsieur Roy, souhaitez-vous répondre à cette question?
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Oui. D'abord, je voudrais dire à M. Masse que je suis très heureux de l'entendre évoquer ce concept du développement de politiques publiques de la santé dans les pays en développement: vous avez parfaitement raison. Il s'agit, bien évidemment, de rendre disponibles des médicaments aux hommes et aux femmes qui en ont besoin, mais au-delà de cela, dans la durée, cette nouvelle politique doit avoir, parmi ses effets, la capacité d'aider les pays en développement à développer des politiques publiques de santé. Tout ce qui s'ajoute au coût des médicaments, les commissions que M. Masse évoquait en lien avec un autre témoin, peut, de fait, rendre difficile la mise en place de ces systèmes de politiques de la santé.
Je voudrais prendre 30 secondes, en utilisant la question de M. Masse, pour dire que la question du droit humain à la santé n'est pas un concept sympathique, général auquel on se rallie par position humanitaire, etc. C'est un outil à la fois, comme M. Masse l'a laissé entendre, pour permettre à des gens de vivre et pour permettre à des pays de se doter d'un système. Voilà pourquoi--et je reviens un peu à l'interrogation de M. Vanclief tout à l'heure--nous pensons, tel que nous l'avons dit à la fin de notre mémoire que nous avons déposé ce matin, que la meilleure formule, c'est le système qui prévoit qu'il y ait entente entre une compagnie de production de médicaments génériques qui a obtenu un contrat et celle qui est détentrice de brevets. Ce qu'on cherche, c'est que cette entente se produise rapidement, c'est-à-dire qu'on rende les médicaments disponibles. S'il n'y a pas cette entente, c'est là qu'intervient le commissaire, qui peut établir les conditions raisonnables d'un contrat entre la compagnie générique et celle qui détient les brevets.
 (1225)
[Traduction]
Le président: Madame Blouin, un dernier commentaire.
Mme Chantal Blouin: Tout d'abord, je n'ai appris l'existence du projet de loi norvégien qu'hier. Tout ce que j'en sais c'est que désormais ils n'incluront plus le droit de refus dans la liste de médicaments.
Pour ce qui est des pays qui sont autorisés à le faire, je ne sais pas, mais je veillerai à ce que tous ces détails vous soient communiqués.
Enfin, dire que le droit de refus permet au breveté d'offrir ses services sur ce marché est un peu bizarre car il peut déjà le faire n'importe quand, puisque même actuellement rien n'empêche le fabricant de produits d'origine de négocier ces coûts avec le pays en voie de développement, comme par exemple l'Afrique du Sud qui a décidé d'offrir ce traitement, qui veut ces médicaments et qui doit les obtenir. Rien ne l'empêche d'offrir ces médicaments à un très bas pris et d'enlever le contrat. Le marché est ouvert.
Cette procédure permet une plus grande concurrence et c'est comme ça qu'on fait diminuer les prix.
Merci.
Le président: Merci.
Madame Jennings, à vous.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour vos présentations. J'ai essentiellement deux ou trois questions. La première concerne la Norvège. J'aimerais savoir quelle est l'importance économique de l'industrie pharmaceutique dans ce pays. Est-ce qu'il y a une industrie pharmaceutique bien développée en Norvège?
Deuxièmement, à propos du droit de refus, c'est vrai qu'il y a beaucoup de questionnement là-dessus, y compris chez les génériques et chez les pharmaceutiques qui font la recherche et le développement. Je me demande si la possibilité que... Les génériques soulève un point intéressant: si ce sont eux qui ont tout négocié, qui ont mis des ressources, etc. et qu'à la fin du processus, c'est là que les pharmaceutiques peuvent entrer, ce n'est pas tout à fait équitable. Mais je comprends également les pharmaceutiques qui détiennent la licence là-dessus. Alors, je me demande si un mécanisme de notification plus tôt dans le processus des génériques pourra combler et satisfaire. À ce moment-là, il y aurait un générique qui répondrait à une demande d'un pays et qui aurait peut-être l'intention de commencer à négocier quelque chose, mais qui devrait en informer le commissaire, par exemple. Cela permettra alors aux compagnies qui détiennent une licence de dire si cela les intéresse ou pas. Peut-être que cela va mener à des ententes ou à quelque chose comme cela.
Ma troisième question s'adresse à M. Roy. Vous avez soulevé un point que personne d'autre n'a soulevé jusqu'à maintenant lorsque que vous avez dit qu'une fois que le projet de loi sera adopté, avec ou sans amendement, si on veut vraiment aborder la question du droit aux soins de santé comme étant un droit fondamental, peut-être que le Canada devrait envisager la possibilité d'élaborer des projets pour aider à la mise en application de cette loi dans les pays en développement, les pays les moins développés. J'aimerais connaître davantage votre opinion sur cette question parce que jusqu'à maintenant, personne n'en a parlé. C'est là où j'ai l'impression que peut-être les ONG auront tout un rôle à jouer. Voilà mes trois questions.
 (1230)
[Traduction]
Le président: Merci, Marlene.
[Français]
Mme Chantal Blouin: Premièrement, je ne connais pas bien la situation de l'industrie pharmaceutique en Norvège, mais il me fera plaisir de revenir avec un peu d'information là-dessus afin de voir comment le Canada et la Norvège pourraient répondre à ce besoin ensemble.
En ce qui a trait au mécanisme de notification plus tôt, ce qui serait possible serait de voir ce qu'il y a dans l'article 31 de l'ADPIC et de l'inclure dans le projet de loi. Il y a un processus selon lequel ceux qui veulent utiliser le brevet doivent entrer en négociation commerciale avec le détenteur avant d'utiliser leur brevet. Donc, ces négociations-là peuvent mener à une licence volontaire. C'est seulement lorsque ces négociations ne fonctionnent pas qu'on pense à la licence obligatoire. Il y a un mécanisme dans l'ADPIC qu'on pourrait en effet inclure dans le projet de loi pour l'amender.
[Traduction]
Le président: Monsieur Roy, allez-y.
[Français]
M. Jean-Louis Roy: Madame Jennings, merci de votre question. Je reviens à ce que je disais plus tôt, à savoir que le changement qui est envisagé par l'OMC, et que ce projet de loi concrétisera peut-être, est d'une telle importance, d'une telle dimension... Je le disais plus tôt, j'ai eu l'expérience, pendant 15 ans, de travailler dans un grand nombre de pays, notamment en Afrique. Il est évident que si demain matin, dans un certain nombre de ces pays, des produits, des médicaments, en nombre significatif et pour un grand nombre de maladies et de problèmes de santé étaient rendus disponibles, cela poserait au moins les trois problèmes suivants.
Premièrement, il va falloir qu'un certain nombre de ces pays examine leur législation concernant la douane, concernant les capacités d'importer, etc.
Deuxièmement, il y a le contrôle des quantités, la vérification et les questions de distribution, d'équité dans la distribution, ce qui est un des grands objectifs. Il ne s'agit pas d'envoyer des médicaments à 15 p. 100 ou 20 p. 100 de la population qui en a déjà.
Comment nous assurer que ces médicaments vont se rendre là où il y a de véritables besoins qui ne sont pas comblés? Je suis convaincu qu'un certain nombre de pays auront besoin d'aide quant à la durée--sur trois ans, sur cinq ans--pour mettre en place des systèmes et pour s'assurer que ces systèmes fonctionnent. Ce serait malheureux qu'un pays comme le nôtre adopte une mesure législative qui donne suite à la décision de l'OMC et ne s'intéresse pas à la réalité de son application auprès des collectivités des pays en développement.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Roy.
Nous allons maintenant mettre un terme à cette première heure. Je remercie nos témoins et je les invite à quitter la table aussi rapidement que possible afin de laisser la place au groupe suivant.
Nous invitons maintenant pour cette deuxième heure le Conseil canadien pour la coopération internationale, l'Alliance de santé communautaire Canada–Afrique, l'Université McGill et l'Église unie du Canada.
Merci pour votre coopération. Nous allons nous interrompre pendant quelques minutes.
 (1234)
 (1240)
Le président: Reprenons donc nos travaux.
Vous nous excuserez si nous poursuivons notre déjeuner-travail pendant que nous vous écoutons. Nous vous remercions d'être venus. Nous allons poursuivre dans l'ordre qui figure sur l'avis de convocation en commençant par le Conseil canadien pour la coopération internationale.
Je vais devoir être strict en ce qui concerne les cinq minutes accordées à chaque témoin pour faire son exposé, car ainsi nous aurons suffisamment de temps pour permettre à tout le monde d'intervenir, mais vous pourrez toujours revenir sur quelque chose que vous avez omis lorsque vous répondrez aux questions.
J'invite donc Mme Gauri Sreenivasan à prendre la parole. Je vous remercie.
Mme Gauri Sreenivasan (coordonnatrice de politiques, Conseil canadien pour la coopération internationale): Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à déposer devant le comité. Je suis heureuse que vous preniez le temps de déjeuner car nous ne voudrions absolument pas que les membres du comité trouvent nos propos indigestes parce qu'ils ont l'estomac vide.
Le CCCI est l'organisation nationale qui regroupe les agences canadiennes oeuvrant pour le développement. Il représente toute une palette d'organismes depuis Halifax jusqu'à Vancouver, avec l'appui de milliers de Canadiens qui travaillent à l'étranger pour éradiquer la pauvreté. Le conseil et ses membres comme l'Église unie, Médecins Sans Frontières, Oxfam et CARE ont été parmi les tout premiers à féliciter le gouvernement et le premier ministre pour cette initiative: tout d'abord parce que—et je pense que vous en avez déjà entendu parler—elle permet de répondre aux besoins urgents de millions d'êtres humains qui ont besoin de médicaments à prix abordable et cela s'inscrit donc dans le droit fil de l'engagement que nous avons pris de défendre le droit à la santé; en deuxième lieu parce que le Canada est le premier pays au monde, même si nous sommes talonnés en cela par la Norvège, à légiférer dans ce sens et parce que nous avons pris aussi rapidement l'initiative après des années d'intransigeance—on dit souvent que le temps, c'est de l'argent, mais dans ce cas-ci, le temps représente également des vies: on estime en effet que pendant la période d'indécision de près de un an qui a suivi l'échéance ratée de Doha qui appelait à cet accord, un million et demi de gens dans le monde sont morts du sida seulement; et troisièmement parce que cette initiative joint un geste concret à la promesse hardie du premier ministre d'un leadership international productif et inspiré par les valeurs.
Le fait d'être le premier et d'avoir promis un leadership productif confère au Canada une responsabilité toute particulière en cela que la loi dont il va se doter doit être bonne. C'est le Canada qui va montrer l'exemple, un exemple que les autres pays s'efforceront de copier, ou alors derrière lequel ils seront reconnaissants de pouvoir s'abriter.
[Français]
Vous savez déjà, pour l'avoir entendu dire, que le projet de loi tel que proposé comporte des problèmes majeurs. La ministre de l'Industrie a dit la semaine dernière qu'avec ce projet de loi, le Canada essayait d'atteindre un juste équilibre entre le respect des brevets et la protection des intérêts du secteur de la recherche, d'une part, et nos engagements à l'égard de la santé et de la pauvreté à travers le monde, d'autre part. Cet équilibre est très important, mais l'actuel projet de loi ne l'atteint pas encore.
[Traduction]
Comme le temps compte, je ne vous parlerai aujourd'hui que de grandes préoccupations. D'autres collègues comme ceux de Médecins Sans Frontières et du Réseau juridique canadien VIH/SIDA, ont déjà soumis des recommandations plus détaillées sur toute une série de problèmes, recommandations auxquelles nous souscrivons en tant que membre de la coalition GAMT, le Groupe pour l'accès mondial aux traitements. Une lettre à ce sujet a été envoyée à tous les députés hier.
Le premier de ces deux sujets de préoccupation est le problème que vous connaissez maintenant sous le nom de droit de refus. Le projet de loi C-9 accorde aux brevetés des droits qui ne vont pas simplement au-delà de ce qu'exige l'OMC, mais des droits qui battent en brèche l'intention première des accords multilatéraux signés par les membres de l'OMC le 30 août après de difficiles négociations.
Il importe absolument de préciser que l'objectif en matière de développement qui sous-tend tout cela—le joyau de la Couronne à l'agenda de l'OMC pour le développement—consiste à faire en sorte que les pays les plus pauvres puissent à long terme se procurer des médicaments au prix le plus bas possible. Il ne suffit pas de le leur permettre au cas par cas, au gré de la bonne volonté des compagnies pharmaceutiques, producteurs de médicaments de grandes marques ou de médicaments génériques.
Les dispositions du projet de loi qui donnent à un breveté le droit de reprendre des contrats négociés par un fabricant de produits génériques, même après qu'il ait refusé d'offrir à celui-ci une licence volontaire, ne sont pas acceptables, non pas parce que ces dispositions favorisent une compagnie plutôt qu'une autre, mais parce qu'elles assassinent tout intérêt commercial à l'endroit d'une concurrence de la part des fabricants de produits génériques. En effet seule cette concurrence offre la garantie de prix inférieurs à long terme, ce que corroborent de nombreuses données empiriques.
Les contrepropositions des compagnies pharmaceutiques canadiennes actives dans la recherche ne font rien pour résoudre le problème. Elles permettent simplement de rafler le contrat un peu plus tôt, au début de la phase d'appel d'offres, plutôt qu'après qu'un contrat a été négocié.
Le second problème dont je veux vous parler est celui-ci: le Canada ne doit pas restreindre la gamme des médicaments couverts par ce projet de loi. Le ministre de l'Industrie est venu dire devant le comité que le texte des déclarations de l'OMC était vague à ce sujet, et que le Canada devait donc juger lui-même sur pièce pour arriver à un juste milieu.
En toute déférence, le CCIC suit de près depuis plusieurs années l'évolution de la politique commerciale et les négociations à l'OMC. Tous ceux qui connaissent bien l'OMC pourraient vous dire que rien n'a été négligé, que rien n'a été omis, que rien n'est vague dans les termes utilisés pendant des négociations commerciales. Les mots veulent tout dire. Le texte de certains paragraphes de la déclaration du 30 août a fait l'objet d'une bataille d'un an, tout comme le premier paragraphe de la déclaration de Doha sur les ADPIC et la santé publique, qui sont les deux textes pertinents. Je voudrais d'ailleurs vous citer la déclaration du 30 août, pour que vous puissiez juger si effectivement ces termes sont vagues ou non: ««produit pharmaceutique » s'entend de tout produit breveté... nécessaire pour remédier aux problèmes de santé publique dont fait état le paragraphe 1 de la Déclaration.»»
Il s'agit donc de n'importe quel produit qui concerne les problèmes de santé publique énumérés dans la déclaration.
Le paragraphe 1 se lit comme suit: «Nous reconnaissons la gravité des problèmes de santé publique qui touchent de nombreux pays en développement et les pays les moins avancés, en particulier ceux qui résultent du VIH/SIDA, de la tuberculose, du paludisme et d'autres épidémies.»
Les pays en développement ont combattu bec et ongles et, au bout du compte, tout le monde a convenu que la déclaration couvrirait les problèmes de santé publique en général tout en mettant en exergue à titre d'exemple une série de maladies ne représentant toutefois pas l'ensemble du spectre.
Il n'y a ici absolument pas lieu d'hésiter sur la signification de ce qui a été adopté. Le texte est resté général. Les mots qui figurent sur cette page n'ont pas été mis là par accident, ils ont été utilisés à dessein et sont issus d'une longue lutte. Et le Canada, parmi tous les pays, sait combien il est important de défendre un consensus multilatéral lorsqu'enfin il se forme.
L'éventualité de devoir dépendre de l'humeur d'un pays puissant qui voudrait réinterpréter l'entendement des tribunaux internationaux, qu'il s'agisse du bois d'oeuvre, du saumon ou des médicaments, fait bouillir le Canada—et cela est très bien. Je pense que ce serait scandaleux de notre part d'essayer d'empêcher les pays les plus pauvres de la planète de pouvoir obtenir des médicaments dans l'ombre imaginaire d'un texte conquis de haute lutte à la table de négociation.
En résumé donc, nous exhortons le comité à radier du projet de loi C-9 tout ce qui concerne ce nouveau droit de refus—vous savez fort bien de quelles dispositions il s'agit, ce sont les alinéas 21.04(6)a) et (7)a)—et, en second lieu, nous vous exhortons à éliminer l'annexe 1 et à conserver une formulation générale, comme en est convenue l'OMC, et à utiliser les expressions «problèmes de santé publique» et «n'importe quel produit»; ainsi pourrez-vous adopter un projet de loi dont les Canadiens pourront être fiers.
 (1245)
Merci.
Le président: Merci de votre intervention.
Je cède maintenant la parole au Dr Kilby, de l'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique.
Dr Don Kilby (président, Alliance de santé communautaire Canada-Afrique): Au nom de l'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique, je remercie le comité de nous avoir invités à formuler nos commentaires sur le projet de loi C-9.
À l'origine, on s'est adressé à moi en raison de ma participation dans nos projets en Afrique et de mes vingt ans d'expérience à titre de médecin de premier recours spécialisé en VIH. À l'heure actuelle, je traite plus de 500 personnes séropositives dans le cadre de mes fonctions aux services de santé de l'Université d'Ottawa. J'ai coprésidé le Conseil fédéral du ministre sur le VIH/sida, et je suis actuellement coprésident du Comité consultatif ontarien de lutte contre le VIH et le sida. Je suis aussi membre du Conseil d'administration du Réseau ontarien de traitement du VIH, et j'ai aussi siégé au Conseil de nombreuses sociétés pharmaceutiques à titre de spécialistes de la thérapeutique du VIH.
L'Alliance de santé communautaire Canada-Afrique est une très petite organisation sans but lucratif. Elle participe à des projets de santé dans les régions rurales du Bénin et du Gabon et est récemment devenue partenaire d'un organisme de services aux sidéens dans un hôpital de district en Tanzanie.
Aujourd'hui, après 20 ans de soins et de traitement des sidéens, les taux de mortalité liés au sida ayant chuté par suite de l'accès aux antirétrovirus, les prestataires de soins aux séropositifs et sidéens du Canada comme moi cherchent des occasions de transmettre leurs connaissances d'expert à leurs collègues d'Afrique et d'ailleurs, et de contribuer à l'élaboration et à l'élargissement des programmes de prévention, de soins et de traitement en matière de VIH/sida, ainsi que de former les professionnels et les étudiants canadiens là où le besoin est le plus grand. Nous sommes très heureux de l'initiative du Canada dans ce domaine.
Le projet de loi C-9 reflète l'engagement qu'a pris le Canada, à l'issue de la session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le VIH/sida, d'harmoniser ses interventions avec celles du reste du monde dans ce dossier. Il indique aussi au reste du monde que le Canada à la volonté et la capacité de diriger les efforts nécessaires en vue de donner aux pays incapables de produire les médicaments nécessaires l'accès à des produits pharmaceutiques peu coûteux.
Toutefois, sous sa forme actuelle, le projet de loi C-9 présente des problèmes, notamment le droit de premier refus. Dans son libellé actuel, le projet de loi pourrait créer des précédents pour les pays qui, selon les mesures que nous prendrons, détermineront si nous voulons véritablement faire en sorte que les entreprises pharmaceutiques canadiennes soient désireuses mais aussi capables de soutenir la concurrence pour obtenir des contrats dans les pays en développement. Nous devons donner aux brevetés et aux fabricants de produits génériques le droit de se concurrencer sur un pied d'égalité afin d'obtenir le meilleur prix possible pour les médicaments. Le droit de premier refus entraîne des risques additionnels pour les fabricants de produits génériques et les dissuadera d'autant plus à participer.
Ce qu'on laisse entendre aux brevetés n'est pas bien mieux. On dit essentiellement que les multinationales ne seront pas tenues de participer aux efforts en vue d'assurer un approvisionnement abordable en médicaments pouvant sauver des vies et qu'elles auront le droit de miner, selon leur bon caprice, les efforts des autres en ce sens en choisissant les marchés les plus favorables après que d'autres se seront engagés à respecter une entente négociée. Je doute que nos entreprises de R & D veuillent se retrouver dans une telle situation qui les obligerait à soutenir une concurrence injuste de la part des fabricants de produits génériques et qui forcerait les pays en développement, les ONG et les organismes gouvernementaux du Canada à s'engager dans une relation qu'ils n'avaient pas nécessairement souhaitée.
Les ONG canadiennes se trouvant dans des pays aux ressources limitées qui leur ont attribué des privilèges d'importation de médicaments brevetés au Canada devraient aussi pouvoir négocier des accords avec les fabricants de produits pharmaceutiques leur permettant d'obtenir des médicaments à des prix concurrentiels aux termes du projet de loi C-9. Ainsi, des organisations telles que Médecins Sans Frontières pourraient négocier ces ententes directement pour leurs propres projets et même servir d'intermédiaire pour les petites ONG travaillant dans les pays en développement.
Les pays à ressources limitées ne constituent pas actuellement un marché pouvant contribuer au revenu nécessaire pour la R & D et les profits des actionnaires. Ils représentent toutefois de belles possibilités pour les fabricants de médicaments génériques du Canada, à condition que ceux-ci soient en mesure de fabriquer et de distribuer les médicaments à un prix moindre que les fabricants de produits génériques d'autres pays, tels que l'Inde et le Brésil, tout en faisant leurs frais et en réalisant des profits pour leurs actionnaires.
À cet égard, la principale qualité du projet de loi C-9, c'est qu'il pourra susciter l'adoption de lois semblables par d'autres pays pouvant produire des médicaments d'origine sous licence obligatoire et qu'il agrandira ainsi le marché concurrentiel nécessaire pour que baisse le coût de ces médicaments.
Dans mes premières discussions avec les représentants du ministère de la Santé, j'ai demandé si ce projet de loi permettrait à une société demandant une licence obligatoire de produire des composés à dosage fixe, ce qui permet la combinaison de plusieurs médicaments provenant de plus d'une entreprise et, du coup, réduit le fardeau associé à la prise de nombreux comprimés. Il est alors plus facile d'administrer ces médicaments au patient, lequel a de meilleures chances de respecter le traitement, ce qui réduit le risque de résistance. Il n'est toutefois pas encore clair si cela sera permis. C'est tout à fait souhaitable et si c'était permis, les pays importateurs de ces préparations combinées devraient avoir la certitude que ces composés à dose fixe ont fait l'objet d'essais de biodisponibilité et d'efficacité identiques à leurs composants et que les traitements combinés élaborés au Canada, comme les médicaments à agent unique produits au Canada, satisfont aux normes canadiennes de qualité.
Pour ma part, je préconise qu'on offre d'abord les médicaments figurant sur la liste de l'OMS pour s'assurer que les produits dont on a le plus besoin sont demandés en premier, à condition que les listes mises à jour régulièrement soient acceptées sans autres examens.
Les pays à ressources limitées ont de nombreux autres défis à relever. Il est donc raisonnable d'adopter une approche graduelle en vue de leur donner accès aux médicaments les plus nécessaires. Il serait peut-être même souhaitable de faire en sorte que ce soit les patients souffrant des maladies présentant le risque le plus grave pour la santé publique qui aient les premiers accès à nos marchés.
 (1250)
On pourrait protéger les droits souverains des États demandant accès à des médicaments ne figurant pas sur la liste de l'OMS en prévoyant dans cette loi une disposition selon laquelle ces pays peuvent obtenir ces médicaments s'ils peuvent prouver qu'ils ont déjà accès aux médicaments jugés essentiels par l'OMS.
Je suis un homme pragmatique qui estime que nous devrions laisser l'OMS nous guider et déterminer qui nous devrions aider d'abord afin de faire en sorte que nous concentrions ces efforts initiaux là où les conditions sont le pire, là où existent les pires menaces à la santé publique, là où notre attention est la plus nécessaire et, une fois cela bien en marche, recourir aux licences obligatoires au Canada pour obtenir l'accès à d'autres médicaments.
Merci.
Le président: Monsieur Murthy, représentant l'Université McGill, vous avez la parole.
 (1255)
M. Srinivas Murthy (coordonnateur, McGill International Health Initiative; directeur général, Students Against Global AIDS, Université McGill): Bonjour.
J'aimerais d'abord remercier le comité de me donner l'occasion de comparaître ici aujourd'hui. Je suis Srinivas Murthy et j'étudie en deuxième année de médecine à l'Université McGill. Je suis ici aujourd'hui à titre de coordonnateur de l'initiative McGill pour la santé internationale ainsi que comme directeur fondateur des Étudiants contre le SIDA dans le monde.
L'initiative McGill pour la santé internationale est un regroupement montréalais qui se consacre à la justice mondiale en matière de santé. Pour sa part, les Étudiants contre le SIDA dans le monde est un réseau national de groupes étudiants visant à freiner la pandémie.
J'ai remis un mémoire présentant ces groupes et d'autres renseignements pertinents pour vos délibérations au sujet de la distribution de médicaments à faible coût dans les milieux démunis.
L'année dernière, notre regroupement a rédigé une lettre à l'intention du premier ministre, de tous les députés et des ministères intéressés afin de vous sensibiliser, les élus, au fait que des étudiants de tous les milieux et de toutes les disciplines demandent un changement de paradigme dans l'attitude du Canada par rapport à la pandémie de VIH/sida. Cette lettre, soutenue par des étudiants et des associations étudiantes de l'ensemble du pays, demandait que le Canada adopte une démarche multidisciplinaire visant l'accès à la santé au niveau international. C'est ce que nous avons appelé le mouvement étudiant pour un accès aux médicaments contre le VIH/sida. Il a donné lieu à de nombreuses rencontres avec des fonctionnaires et des ministères participant à la préparation du projet de loi C-56.
Si je suis venu de Montréal aujourd'hui, ce n'est pas parce que je suis un spécialiste des politiques commerciales ou du droit des brevets. C'est parce que j'ai reçu un mandat, donné par plus de 250 000 étudiants canadiens, un mandat de la Fédération canadienne des étudiants en médecine et de la Fédération des associations des étudiants en médecine du Québec, soit de la grande majorité des futurs médecins du Canada. Il s'agit donc d'un mandat de la société civile canadienne. Ce mandat est de veiller à ce que le Canada joigne le geste à la parole pour combattre le problème, le scandale qu'est le manque d'accès mondial à des médicaments d'importance vitale.
Le projet de loi C-9 a suscité énormément d'espoir dans les milieux humanitaires et chez les millions de Canadiens qui ont à coeur la santé des peuples des pays en développement. Ces espoirs ne seront toutefois pas comblés si le projet de loi n'est pas modifié. Le projet de loi a été rédigé en réaction à l'accord de l'OMC du 30 août, découlant d'un large consensus, selon lequel l'accès aux médicaments pourrait être une priorité mondiale. Les pays en développement ont maintenant le droit de limiter les brevets stricts qui entravent l'accès à ces médicaments.
En créant un précédent mondial bien inférieur à ce que supposait l'accord de l'OMC, le Canada créera en fait avec le projet de loi C-9 de nouvelles normes faibles, que pourront reprendre d'autres pays industrialisés pour affaiblir de plus en plus les principes humanitaires, dans une honteuse course au plus petit commun dénominateur. Nécessairement, les perdants seront les démunis, les malades et les pauvres du monde. Comment aurons-nous contribué à la justice mondiale en matière de santé si nous remplissons notre engagement envers l'Afrique en érodant un consensus pour lequel les pays industrialisés s'étaient battus si ardemment, si longtemps, un accord qui dit clairement que tout les pays ont le droit de recourir à l'homologation obligatoire pour obtenir des médicaments à meilleur prix?
Cette question n'intéresse pas que les étudiants, elle touche tous les Canadiens. Les citoyens du Canada croient que leur rôle, sur la scène mondiale, c'est de promouvoir les principes et idéologies et non les profits et la commercialisation aux dépens de la santé des pauvres.
La fin de semaine dernière, des centaines de citoyens, à Toronto et à Vancouver, ont exprimé la nécessité de changer les choses. D'autres feront de même à Montréal, vendredi. Des milliers d'autres Canadiens, des syndicats, de l'Association médicale du Québec, des Associations de défense des droits de la personne, de la Fédération québécoise des omnipraticiens, ont exprimé les mêmes préoccupations et ont demandé au gouvernement de modifier le projet de loi.
Nous venons d'entendre Kofi Annan parler du rôle et des responsabilités du Canada dans le monde. Voilà enfin l'occasion de nous en acquitter en modifiant le projet de loi C-9.
D'abord, il faut retirer du projet de loi toute disposition qui permet aux fabricants de médicaments d'origine de bloquer la concurrence nécessaire pour faire baisser le prix de ces médicaments.
Deuxièmement, la disposition qui exclut des pays en développement qui ne sont pas membres de l'OMC doit être aussi supprimée. Des témoins précédents vous en ont déjà parlé.
Troisièmement, le projet de loi doit permettre aux ONG qui prodiguent des soins de santé dans le monde en développement d'acheter des versions génériques de médicaments brevetés par des fabricants canadiens. Souvent, les ONG sont les seules à offrir des soins aux populations menacées par la discrimination ou la guerre.
En tant qu'étudiant en médecine et futur professionnel de la santé pour les citoyens du Canada et du monde, je sais que des médicaments à prix abordable sont impératifs, pour tous les problèmes de santé publique. En acceptant dans le projet de loi une disposition qui limite l'exportation d'une liste pré-établie de médicaments, nous créons en pratique une norme de soins à double vitesse pour le monde en développement, ce qui est inacceptable pour un professionnel de la médecine.
Les problèmes mondiaux de santé publique, y compris des crises comme la pandémie du VIH/sida, peuvent être évités, mais seulement si les pays industrialisés prennent des mesures efficaces.
J'implore les membres du comité d'apporter ces changements d'importance vitale, pour faire du Canada le pays dont nous, ses citoyens, sommes si fiers.
Merci, je répondrai volontiers à vos questions.
· (1300)
Le président: Merci, monsieur Murthy.
M. Jim Sinclair, secrétaire général de l'Église unie du Canada.
Le révérend Jim Sinclair (secrétaire général, Église unie du Canada): Monsieur le président et membres du comité, merci de me donner l'occasion d'être ici. Je suis très heureux, comme membre de la principale confession protestante du Canada, de vous dire aujourd'hui que nous nous retrouvons dans une situation où nous avons, dans les faits, perdu tout contrôle.
Nous avons la Campagne des Perles d'espérance. Nous distribuons ces petites épinglettes qui ont été fabriquées pour nous par Global Partners in Africa pour sensibiliser les gens à la question du sida, chez nous. Dans les semaines qui viennent, vous recevrez plus de 40 000 pétitions présentées à la Chambre par les membres de notre confession. En outre, quand j'ai parlé de perte de contrôle, c'est parce que nous avons déjà dépassé de 50 p. 100 l'objectif de financement que nous avions fixé pour deux ans.
Aujourd'hui, toutefois, je suis venu vous dire comment nos partenaires travaillent sur cette question avec nous. John Dillon représente KAIROS, une coalition d'églises canadiennes, qui connaît bien la question du VIH/sida, et nous avons aussi un autre partenaire du Brésil... Vous vous êtes intéressés à la Norvège, vous vous intéresserez maintenant à la façon dont on s'occupe de la question au Brésil.
Nous vous remercions pour le temps que vous nous accordez.
Le président: Monsieur Dillon, c'est à vous.
M. John Dillon (coordinateur, Programme de justice globale, KAIROS, Église unie du Canada): Merci, Jim, et merci, monsieur le président.
Le gouvernement canadien mérite des éloges pour être le premier pays industrialisé à présenter ce projet de loi; cependant, le projet de loi tel qu'il est rédigé est gravement vicié et il doit être amendé pour pouvoir profiter à des millions de gens à faible revenu qui souffrent du VIH/sida et d'autres maladies qui peuvent être traitées.
Tout d'abord, il faut supprimer la disposition sur le droit de premier refus. Une étude détaillée de l'article sur les ADPIC, soit l'article 31 de la déclaration de Doha, et la décision du 30 août 2003 du conseil général de l'OMC révèlent que rien n'exige de donner aux brevetés l'occasion de s'emparer du contrat négocié entre le fabricant de médicaments génériques et le pays importateur. L'article sur le droit de refus et la solution de rechange, telle qu'elle est proposée par les sociétés pharmaceutiques qui font de la recherche, sont deux mesures qui s'ajoutent aux ADPIC, c'est-à-dire qu'elles vont à l'encontre de l'esprit de la déclaration de Doha. En donnant aux brevetés un droit de premier refus, on annule tout incitatif pour les fabricants de produits génériques à négocier des contrats et cela créerait un précédent très négatif.
Deuxièmement, il n'est pas nécessaire d'avoir une annexe pour les médicaments. Nous pourrions peut-être réfléchir un instant. Pourquoi a-t-il fallu autant de temps entre la déclaration de Doha en novembre 2001 et la décision du conseil général en août 2003? La raison pour laquelle cela a pris tellement de temps, c'est que de nombreux pays ont tenté de faire en sorte que le processus qui devrait être simple soit compliqué. Par exemple, les États-Unis ont tenté d'introduire des mesures en vue de restreindre les maladies pouvant être traitées aux termes de cette disposition, mais les pays industrialisés ont dit: «Non, nous voulons pouvoir choisir nos propres besoins en matière de santé publique.»
L'introduction d'une annexe des médicaments admissibles constitue un obstacle semblable. Ce qui nous préoccupe surtout, c'est le fait que certains médicaments antirétroviraux à dose fixe recommandés par l'Organisation mondiale de la Santé pour le traitement du VIH/sida ne figurent pas sur la liste, et ce sont là des médicaments de rechange moins coûteux.
Troisièmement, le projet de loi devrait être amendé afin que les ONG comme Médecins sans frontières puissent fournir des médicaments, car nous ne pouvons pas compter sur tous les gouvernements et tous les pays à faible revenu pour offrir ce service.
Quatrièmement, il n'y a aucune raison pour que certains pays qui ne sont pas membres de l'Organisation mondiale de la Santé se voient refuser les avantages éventuels du projet de loi à l'étude.
En conclusion, nous exhortons les membres du comité à ne pas oublier que 14 millions de personnes meurent chaque année à la suite de maladies pour lesquelles il existe un traitement, dont 6 millions du sida, de la tuberculose et de la malaria et 8 millions d'autres maladies pour lesquelles il existe un traitement. Nous vous exhortons à amender ce projet de loi et à l'adopter afin de donner un exemple positif au reste du monde.
Le président: M. Padilha utilisera le temps qu'il vous reste.
Vous avez environ une minute et demie. Nous vous remercions d'être ici.
M. Anivaldo Padilha (secrétaire de planification et de coopération, Koinonia, Brésil, Église unie du Canada): Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée d'être ici pour prendre la parole devant le comité.
Tout ce que j'espère c'est qu'après avoir évoqué devant vous ce qui s'est fait au Brésil, vous serez enclins à apporter les changements proposés par les églises et le ONG du Canada.
Je suis venu vous parler de l'importance des médicaments génériques et de leurs rôles déterminants dans notre lutte contre le VIH/SIDA au Brésil. En 1990, nous avons lancé un programme national de lutte contre le sida. Il comportait plusieurs volets, mais je ne vais en mentionner que deux.
Outre notre travail de sensibilisation et de prévention, nous avons travaillé avec le gouvernement et le Parlement pour faire adopter une nouvelle loi qui permettrait à l'État d'offrir gratuitement et universellement un traitement et des médicaments aux personnes touchées par le VIH/SIDA. La loi a aussi permis au gouvernement brésilien de renforcer sa capacité de produire des médicaments génériques et aux génériqueurs d'être présents sur le marché.
Les chiffres montrent que la situation a beaucoup évolué depuis. Il y a 12 ou 13 ans, on prédisait qu'il y aurait au Brésil environ deux millions de personnes contaminées par le VIH/SIDA en 2002. Or, il y a en aujourd'hui 600 000.
À l'heure actuelle, 180 000 personnes reçoivent gratuitement un traitement et des médicaments fournis par l'État. Nous avons pu réduire le taux de mortalité de 50 p. 100 jusqu'en 2002, et ce chiffre continue de baisser. L'an dernier, la baisse a été de 12,5 p. 100. On parle ici de gens qui sont retournés au travail et qui mènent un vie productive.
Au début, les fabricants de médicaments craignaient de voir disparaître une grande partie de leurs bénéfices au profit des génériqueurs dirigés principalement par des sociétés d'État. C'est le contraire qui s'est produit. Ils se sont rendu compte au début qu'ils ne pouvaient vendre les médicaments qu'à quelques milliers de malades, ceux qui avaient les moyens des acheter. Or, ces médicaments sont inabordables pour la majorité des Brésiliens. C'est pourquoi l'État les achète. Celui-ci a pris des contacts avec les fabricants et il en coûte aujourd'hui à l'État brésilien 30 p. 100 du prix du marché des médicaments de marque et entre 12 et 15 p. 100 du coût des génériques.
Les grands fabricants de médicaments, les entreprises nationales, prennent aujourd'hui de l'expansion au lieu de seulement...
· (1305)
Le président: Sauf votre respect, nous allons vous donner amplement l'occasion d'intervenir plus tard. Je vous inviterais à conclure.
M. Anivaldo Padilha: Oui, j'ai presque fini. Je vais revenir à ce que je disais au début.
J'espère vous examinerez de près ce qui s'est fait au Brésil puisque l'ONU l'a choisi comme modèle de programme national de lutte contre le sida. Si vous examinez de près la situation au Brésil, vous trouverez peut-être d'autres éléments qui vous aideront à adopter ce projet de loi.
Merci beaucoup.
Le président: Merci à vous d'être venu.
Monsieur Rajotte, puis madameTorsney.
M. James Rajotte: Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.
J'aimerais parler de la liste des médicaments. Trois d'entre vous au moins, je crois, ont parlé de la question.
Monsieur Murthy, je m'adresserai d'abord à vous. Vous dites que la liste exclut beaucoup de médicaments dont les pays ont besoin pour faire face aux problèmes sanitaires.
A l'annexe 1, si j'ai bien compté, il y a 46 médicaments. Quels sont ceux d'après vous ou votre organisation qui devraient être ajoutés et quelle crise sanitaire servent-ils à combattre, qu'il s'agisse de la tuberculose, du paludisme ou du VIH/SIDA?
M. Srinivas Murthy: Pour répondre à cette question, parlons tout d'abord du médicament appelé névirapine. Je suis certain que le comité a déjà abordé cette question. La névirapine vise à prévenir la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant. C'est le médicament le plus efficace à cet effet. Il ne figure pas à l'annexe I.
Il existe de nombreux autres exemples. Aucun ne me vient à l'esprit pour l'instant.
Je crois que dans son mémoire, le Réseau juridique canadien VIH/sida a énuméré un certain nombre de médicaments qui devraient être ajoutés à l'annexe pour répondre aux problèmes de santé publique, et non pas seulement pour lutter contre le VIH/sida, mais également contre le cancer, le diabète, l'hypertension, maladies dont le monde en développement souffre également.
Nous ne voulons pas devoir nous engager de nouveau dans ce même combat dans cinq ans, lorsqu'une autre épidémie se déclenchera en Afrique du Sud. Nous ne voulons pas être aux prises avec les mêmes disputes juridiques à chaque fois. Nous ne devons pas établir de liste.
· (1310)
M. James Rajotte: D'accord.
Madame Sreenivasan, avez-vous dressé la liste des médicaments que vous aimeriez que l'on ajoute ou le nom de médicaments spécifiques qui servent à lutter contre les trois maladies citées?
Mme Gauri Sreenivasan: Pour vous répondre sans ambages non, parce que je crois pas que la liste soit une solution adéquate.
Je tiens à souligner que la liste que le Canada a dressée en nommait plusieurs, mais il est encore plus important de comprendre qu'à chaque fois que vous tentez d'établir une liste, vous commettez des omissions.
L'entente conclue à la table multilatérale précisait qu'il n'y aurait pas de liste et ils se sont battus... C'est pourquoi cela a pris autant de temps. Les gens voulaient disposer d'une liste et voulaient qu'elle soit courte. Ils ont fait beaucoup d'autres compromis et ne se sont pas entendus sur beaucoup d'autres questions à l'OMC. Mais ils se sont entendus sur le fait qu'aucun produit pharmaceutique qui traite les problèmes de santé publique, y compris ceux dont on a parlé. Sans plus de précision. Je crois donc que l'établissement d'une liste est la mauvaise méthode.
M. James Rajotte: Monsieur Dillon, aimeriez-vous que l'on ajoute des médicaments?
M. John Dillon: Je suis d'accord avec les intervenants précédents, à savoir que l'établissement d'une liste n'est pas la solution. Mais si vous souhaitez obtenir des exemples de ce qui a été omis de la liste, consultez la page 19 du mémoire du Réseau juridique canadien VIH/sida, où l'on énumère un certain nombre d'antirétroviraux, en plus de la névirapine.
À mon avis, ce qui compte, c'est d'examiner l'ensemble de la situation dans la perspective des pays en développement touchés, parce qu'ils souhaitent eux-mêmes être en mesure de répondre aux besoins en matière de santé publique. Ils ne veulent pas d'un système à deux poids, deux mesures, selon lequel un pays qui peut fabriquer des médicaments est en mesure de décider lesquels il mettra à la disposition de ses citoyens. Ils veulent aussi que les pays qui ne peuvent produire des médicaments aient également le droit de faire ces mêmes choix.
M. James Rajotte: Sans vouloir vous contredire, si je me fie à la liste des 46 médicaments et à la clause 21.03, je constate que le gouvernement a rédigé ce projet de loi de façon à ce qu'il soit possible de modifier l'annexe I « par adjonction du nom d'un produit breveté pouvant être utilisé pour remédier à des problèmes de santé publique... si le gouverneur en conseil le juge indiqué ». Peut-être que je saisis mal ce qui est écrit, mais il me semble que la démarche à suivre pour ajouter des médicaments soit fort simple.
Je veux saisir l'étendue du problème dont les gens parlent lorsqu'ils affirment que tous les médicaments n'y figurent pas alors qu'ils n'arrivent pas à préciser ce que l'on devrait ajouter.
Deuxièmement, pouvez-vous m'expliquer dans quelle mesure cette démarche est complexe? Il me semble—le comité compte des conseillers privés qui pourraient nous éclairer à ce sujet également—que le processus soit raisonnable. Pouvez-vous alors m'expliquer pourquoi est-ce que ce processus semble si compliqué au point de faire en sorte qu'on ne pourra pas ajouter de médicaments?
N'importe quel témoin peut répondre à ma question.
M. John Dillon: On imagine facilement que quelqu'un pourrait exercer de fortes pressions politiques au sujet d'un médicament en particulier. Peut-être est-ce que le détenteur du droit d'un médicament ne voudrait pas que son produit soit ajouté à la liste, ce qui pourrait grandement compliquer le processus alors qu'il devrait être rapide et efficace.
Pensez aux situations d'urgence en matière de santé publique qui se sont déclarées tellement rapidement au cours des deux dernières années—comme la crise du SRAS, le syndrome respiratoire aigüe sévère. Si l'on avait eu un médicament pour traiter le SRAS, il aurait été important de le rendre disponible immédiatement. Que serait-il arrivé si le propriétaire du brevet avait exercé des pressions intenses afin de s'assurer que son médicament ne soit pas ajouté à la liste? Des gens auraient pu mourir entre-temps.
Le président: Y a-t-il d'autres interventions?
Mme Gauri Sreenivasan: Je n'arrive pas à comprendre que quelqu'un puisse croire qu'il est plus rapide de dresser une liste de tous les médicaments, puis d'élaborer un mécanisme pour y en ajouter d'autres, que de ne pas en dresser. S'il n'existe pas de liste, vous étudiez chaque demande au cas par cas. Le Canada ne sera peut-être pas en mesure de répondre à toutes. Peut-être qu'on ne s'adresserait pas au Canada simplement parce que le pays ne dispose pas de la capacité et alors on ne doit pas y répondre. S'il n'y a pas de liste, il n'y a pas de limite qui s'y rattache.
Cela peut sembler obscur, mais la déclaration de l'OMC visait à ce que les pays les moins développés bénéficient des mêmes droits que les autres. C'est une question plutôt importante, autant en ce qui a trait à la santé qu'au système commercial, de façon à égaliser les conditions des échanges à l'intérieur du système commercial de sorte que d'autres pays puissent bénéficier de dispositions sur l'octroi de licences obligatoires et selon leurs propres motifs. Mais ils doivent le faire à l'intérieur de leurs frontières nationales. Alors elle ne fait qu'englober les pays—je crois qu'on l'a expliqué auparavant—qui ne peuvent fournir l'accès à de telles dispositions à l'intérieur de leur propre pays.
Cela signifie que nous devons tout simplement ouvrir la porte dans les autres pays pour qu'ils puissent bénéficier des mêmes dispositions sur l'octroi de licences obligatoires et qu'il n'est pas nécessaire d'ajouter, simplement pour se sous-ensemble de pays, une liste de médicaments qu'il est impossible d'obtenir d'aucun autre pays.
· (1315)
Le président: Merci.
Paddy Torsney, s'il vous plaît.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.
Il faudra peut-être en discuter plus tard, mais il me semble que ce projet de loi vise à fournir aux pays d'Afrique, en particulier, et à d'autres points chauds dans le monde, des médicaments dont ils ont grandement besoin. Il n'est pas question d'égaliser le système commercial de qui que ce soit, surtout pas des pays qui ne sont pas membres de l'OMC. Je ne sais pas si c'est quelque chose que j'ai mal entendu. Il ne s'agit pas de droits. Il s'agit de fournir des médicaments à des personnes qui en ont besoin. Nous avons maintenant un accord, qui a été négocié soigneusement à l'OMC et qui constitue pour le Canada une immense possibilité.
Certains d'entre vous ont parlé de certains médicaments utilisés pour soigner le sida. Le ministre a déjà indiqué qu'ils seraient rajoutés à la liste.
Plusieurs d'entre vous ont dit à quel point il est difficile de modifier cette liste ou qu'il ne devrait pas y avoir de liste de pays ni de maladies. Vous ne savez peut-être pas—je pense que M. Rajotte a essayé de vous l'expliquer—que le gouverneur en conseil peut faire des ajouts en quelques minutes. Il suffit de la signature de quatre ministres. C'est tout le temps qu'il faut pour ajouter un médicament ou un pays à la liste.
Oui, monsieur Dillon, en théorie, il est possible que quelqu'un parte sur une folle tangente pendant des jours et des jours alors qu'il y a une urgence sanitaire. Je pense que la menace du charbon nous a permis de constater à quelle vitesse on peut enfreindre un brevet. Je ne suis pas sûr que ce soit vraiment faisable lorsqu'il y a un besoin identifiable. Alors soyons clairs, une modification par décret ne prend que quelques minutes.
Nous avons un accord. Nous avons la possibilité d'obtenir des médicaments et de montrer que ça peut fonctionner. Ça peut fonctionner dans ces pays. Ça peut fonctionner avec ces médicaments. Nous pouvons faire quelque chose. Je dis qu'il faut y aller et accroître la concurrence.
J'ai demandé la parole parce que je voulais poser une question à Mme Blouin au sujet de son affirmation selon laquelle les brevetés ne font rien à l'heure actuelle et ne devraient pas avoir ce droit de premier refus car ils ont déjà cette possibilité. Je dis à Mme Blouin et à vous, car je pense que vous avez également soulevé certaines de ces questions, qu'il existe des médicaments contre la tuberculose et le paludisme qui ne font pas l'objet d'un brevet et que les sociétés canadiennes ne fournissent pas à l'Afrique.
Alors, de quoi s'agit-il vraiment? Je pense que vous êtes tous arrivés avec des exposés préparés. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de Mme Hitchman et de M. Smith de modifier le droit de premier refus. Je crois que vous étiez tous présents pendant leur exposé. Ils proposaient qu'on opte pour le coût le moins élevé et qu'il y ait un paiement quelconque pour le contrat négocié auparavant. Ma première impression est qu'un tel système créerait un environnement extrêmement concurrentiel. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que vous n'en avez pas parlé lors de vos exposés car vous n'y aviez pas songé avant de venir ici.
Je m'adresse maintenant à notre ami du Brésil. Vous avez parlé de la situation au Brésil et de l'infrastructure qui s'y trouve. Certaines personnes ont dit qu'il ne devrait pas être obligatoire qu'il y ait des accords avec les pays, mais seulement avec les ONG. Je ne suis pas convaincue que ce soit une bonne idée car je pense qu'il faut une certaine infrastructure pour pouvoir négocier ces accords sans quoi on risque d'avoir d'énormes problèmes de détournement et d'utilisation inappropriés, non pas par les ONG, mais par divers acteurs dans ce genre de milieu. J'aimerais que vous me disiez pourquoi vous pensez que l'infrastructure est si nécessaire et comment nous allons pouvoir fonctionner si nous apportons des modifications pour qu'il ne soit plus nécessaire de s'entendre avec les pays pour qu'ils fournissent leur appui et leur protection.
C'est tout.
· (1320)
Le président: Merci, Paddy.
Qui veut commencer? Monsieur Dillon.
M. John Dillon: Madame Torsney, après avoir écouté l'exposé de Mme Hitchman et de M. Smith, il me semble qu'ils proposent essentiellement une variante de l'option suggérée par les compagnies de recherche pharmaceutique. Ils ont ajouté l'idée que le fabricant générique soit indemnisé de ses frais. Mais ils n'ont pas remis en question le fait que le fabricant générique sera informé soit au début du processus soit pendant la période de 30 jours qu'il y a des négociations en cours, ce qui lui donne l'occasion d'accorder une licence volontaire ou alors le breveté peut négocier afin de remplir lui-même le contrat.
Lorsque le breveté sera intervenu à quelques reprises pour reprendre un contrat et fournir les médicaments—en fait, il peut même le faire au départ en offrant des modalités très intéressantes à l'acheteur—, je pense que les fabricants génériques seront trop découragés pour essayer même de négocier car ils se diront : « Tout ce que nous pouvons espérer, c'est de récupérer nos frais. » Il n'y aurait pas là la véritable concurrence qu'on espère créer.
Mme Paddy Torsney: Ils négocieraient simplement un prix inférieur. Je pense qu'il y aura une concurrence pour offrir le meilleur prix.
M. John Dillon: Ce ne sera pas le cas si les fabricants génériques renoncent. Songez aux ressources financières dont disposent les sociétés pharmaceutiques. Elles peuvent absorber des pertes, si elles le souhaitent, sur quelques contrats initiaux pour décourager les fabricants génériques.
Mme Paddy Torsney: Les fabricants génériques canadiens comptent parmi les entreprises les plus prospères. Ils se débrouillent très bien eux aussi et je ne suis pas sûre qu'ils seraient intéressés à se défendre contre des poursuites judiciaires.
Le président: Monsieur Padilha.
M. Anivaldo Padilha: Je voudrais répondre aux deux préoccupations que vous avez soulevées.
Tout d'abord, au Brésil, nous n'avons pas une liste fixe de médicaments, mais plutôt une liste ouverte. Comme le Brésil n'a pas de liste de médicaments particuliers, il peut utiliser son pouvoir d'achat pour négocier sur le marché. En établissant une liste, vous créez en fait un cartel qui empêcherait les pays, surtout les pays en voie de développement, d'utiliser leur pouvoir d'achat pour se procurer n'importe quel médicament dont ils ont besoin sur le marché.
En outre, vous imposeriez aux autres pays certains critères, et je dirais même des critères médicaux, pour traiter les maladies que nous devons soigner. C'est un point important.
En ce qui concerne l'infrastructure, je voudrais simplement mentionner que l'Organisation mondiale de la santé reconnaît parfaitement que le programme brésilien de lutte contre le sida n'aurait pas connu autant de succès sans la participation d'organismes de la société civile ou des ONG. Il est vrai qu'au Brésil nous avons une infrastructure publique qui est nécessaire pour le traitement, la distribution, etc. Je sais que dans certains pays, particulièrement en Afrique, et surtout ceux où on parle portugais, que je connais mieux puisque le Brésil leur fournit des services pour leur lutte contre le sida, où il n'y a aucun organisme public, ou très peu. L'infrastructure de l'État est très faible et se fie surtout aux organismes de la société civile, ou aux ONG.
Si vous empêchez ces ONG d'acheter des médicaments, vous empêcheriez du même coup certains de ces pays d'établir de bons programmes efficaces. Parfois, même les structures gouvernementales ne sont pas fiables pour fournir ce genre de services.
· (1325)
Le président: Merci, monsieur Padilha.
Je donne maintenant la parole à monsieur Crête, puis à M. Collenette.
[Français]
M. Paul Crête: Merci, monsieur le président. J'aimerais faire un commentaire et poser une question.
Selon moi, on aura besoin d'un avis juridique pour être en mesure de savoir si les engagements prévus dans la loi outrepassent ceux qui sont pris à l'échelle internationale. Je crois que c'est au ministère de nous fournir une évaluation sur le droit de premier refus, de même que l'annexe comportant la liste des médicaments et la limitation aux pays de l'OMC.
Je ne crois pas que les membres du comité cherchent à justifier la pertinence d'inscrire les médicaments pouvant être ajoutés à la liste. Cependant, on doit savoir s'il s'agit d'un, deux, trois, cinq ou dix médicaments qui pourraient y être ajoutés, ou encore si des médicaments qui sont en développement pourraient devenir disponibles à court terme. Il faudra que quelqu'un nous fournisse cette information, parce que le fait de ne pas la connaître diminue la qualité de l'argumentaire qui plaide en défaveur de la liste. Cela n'enlève rien au fond de la question, mais il reste qu'il y a là un besoin.
Ma question met en opposition les ONG et les pays où elles interviennent. Je l'ai posée l'autre jour, mais la réponse que j'ai obtenue ne m'a pas satisfait.
Est-ce que vous pourriez nous dire dans quelles conditions c'est l'ONG, et non le pays, qui a le droit d'acquérir et d'utiliser les médicaments? Il ne faudrait pas sombrer dans le paternalisme et faire en sorte que les ONG décident à la place de ces pays, et aux endroits où elles le veulent, ce qui est bon pour eux. Bref, comment pourrait-on s'assurer que les ONG deviennent de bons outils?
Médecins Sans Frontières est sûrement le meilleur exemple, mais d'autres peuvent s'avérer plus douteux. On pourrait en outre entrer en conflit avec certains pays. De quelle façon peut-on s'assurer de faire les choses correctement? On nous a parlé du Brésil. Il y aurait peut-être lieu de demander plus de détails à ce sujet. J'aimerais de plus qu'on me donne des exemples de pays moins organisés.
[Traduction]
M. Srinivas Murthy: Premièrement, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'avoir une liste à laquelle on ajoute cinq ou dix médicaments, car vous imaginez les problèmes que cela causerait. Vous serez constamment en train d'ajouter de nouveaux médicaments. Ce ne serait pas un problème s'il n'y avait pas de liste. C'est ce qui avait été convenu après des années et des années de débats à l'OMC.
[Français]
M. Paul Crête: Il ne s'agit pas de dire qu'il faut en ajouter cinq ou dix, mais d'avoir des exemples. En effet, si vous n'en avez aucun qui puisse nous être donné comme argument, cela veut dire qu'il n'en existe pas. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas là, je demande seulement si, pas forcément ce matin mais d'ici une semaine ou deux, des médecins ou des gens pourraient nous fournir des choses.
[Traduction]
M. Srinivas Murthy: En réponse à cette question, il y a amprénavir, abacavir, lamivudine, névirapine, ténofovir—allez-vous ajouter tous ces médicaments? Est-ce déjà fait?
Le président: Silence, s'il vous plaît.
Veuillez terminer, monsieur Murthy, puis sera le tour de M. Kilby.
M. Srinivas Murthy: Oh, pardon.
[Français]
Dr Don Kilby:
J'aimerais faire un commentaire sur la raison pour laquelle des organisations comme Médecins Sans Frontières devraient être capables d'avoir accès à des médicaments.
M. Paul Crête: Et sur la façon de le faire.
Dr Don Kilby: Et sur la façon dont ils pourraient procéder, en effet. Je pense que les pays entrent souvent en négociation directement avec des organisations comme Médecins Sans Frontières pour offrir des services à la population. Ils se servent donc de l'expertise médicale qui existe, chez Médecins Sans Frontières par exemple, pour pouvoir adopter globalement un programme quelconque.
Une organisation comme Médecins Sans Frontières doit d'abord obtenir la permission d'un pays, de toute façon. Même une petite ONG comme la nôtre qui arrive dans un pays d'Afrique avec des médicaments qui ne sont pas produits dans le pays où elle va, doit avoir la permission du pays pour y faire entrer ces médicaments. Je pense qu'une organisation comme Médecins Sans Frontières a d'abord besoin d'avoir une permission. À ce moment-là, elle pourra négocier de façon beaucoup plus efficace parce qu'elle pourra le faire pour plusieurs pays à la fois. Ensuite, elle pourra aussi devenir un genre d'entrepôt, si vous voulez, pour des contrats de médicaments qu'elle a négociés pour ces pays-là.
M. Paul Crête: Ce serait donc à la condition qu'elle ait reçu le mandat d'un pays.
Dr Don Kilby: Je crois que c'est toujours nécessaire, pour que la souveraineté et les besoins du pays soient respectés.
[Traduction]
Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Merci, Paul.
Monsieur Collenette, s'il vous plaît.
L'hon. David Collenette (Don Valley-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne la liste, je suis sûr que nos témoins savent, comme tout le monde, que le gouvernement fait face à l'heure actuelle à certaines controverses—manque de responsabilité de la part de ministres et de fonctionnaires. À mon avis, la question de la liste est essentiellement une question de responsabilité.
Pour avoir été de l'autre côté de la table, je crois que nous devons faire très, très attention à veiller à ce que le gouvernement reste responsable et que les médicaments prescrits le soient correctement, que ce soit avec l'autorisation de l'OMS ou de Santé Canada. Comme Mme Torsney le disait, on peut rapidement ajouter ces médicaments. Il m'est arrivé de participer à la prise de décrets d'urgence et toute la paperasse était faite en moins d'une heure. Alors ce n'est vraiment pas un problème dont il faut se soucier.
J'ai du mal à accepter l'idée que des ONG aient directement accès à des médicaments sans qu'ils aient nécessairement été prescrits, en l'occurence par le Canada. Les ONG n'ont pas à rendre compte de leurs actions à la population canadienne. Ils font un travail magnifique. Ce sont des organismes bénévoles. Mais le gouvernement, qui approuve les médicaments qui pourront être utilisés, doit rendre compte à la population et doit donc suivre la procédure établie.
Je rejetterais certainement l'idée que la liste soit ouverte. On peut ajouter d'autres médicaments. M. Fontana a indiqué qu'il existe en fait une procédure. Cela se fait pas seulement pour des médicaments mais pour d'autres questions réglementaires. Que ce soit dans le secteur des transports ou dans d'autres secteurs du gouvernement, il y a des procédures pour autoriser l'utilisation de certaines choses, en l'occurence des médicaments.
Monsieur le président, là où je comprends bien la position de nos invités—et je leur ai dit hier—c'est sur la question du droit de premier refus. Je ne comprends pas comment on a inclus le droit de premier refus dans le projet de loi. Notre ami du Brésil a parlé d'un cartel au sujet de la liste. Le fait est que les compagnies de recherche pharmaceutique constituent un cartel mondial. Le meilleur exemple est ce qui se passe à l'heure actuelle où des milliers d'Américains commandent leurs médicaments du Canada par Internet pour obtenir des médicaments génériques beaucoup moins chers. Les médicaments génériques, une fois qu'ils sont libérés des restrictions imposées par les brevets, sont considérablement moins chers que les médicaments de marque.
Cela ne veut pas dire que je suis contre l'idée de récompenser la recherche ou de protéger la propriété intellectuelle, mais il faut tôt ou tard qu'il y ait de la concurrence. Le fait est que les sociétés pharmaceutiques internationales n'ont pas de concurrence. Elles forment un cartel international.
Heureusement, grâce à l'introduction des permis obligatoires par M. Trudeau en 1969—malheureusement abrogés par le gouvernement conservateur de M. Mulroney dans le projet de loi C-22 en 1988 ou 1987—il s'est développé une industrie générique qui fournit aux Canadiens des médicaments à faible coût et ces médicaments peuvent être utilisés dans ce cas.
Or, cela ne veut pas dire que les sociétés qui font de la recherche ne doivent pas obtenir un bon rendement. Quel taux de rendement est raisonnable? Je conseillerais à mes collègues de vérifier le taux de rendement des sociétés de recherche pharmaceutique et ils verront que leurs affaires vont très bien. Il faut une meilleure réglementation internationale.
J'espère, monsieur le président, que le gouvernement réfléchira et modifiera cette disposition. Je pense qu'elle vient tout droit du ministère du Commerce international. J'ai participé à de nombreuses discussions sur d'autres questions où les représentants du ministère du Commerce international disaient par simple réflexe: «Écoutez, on ne pourra pas remplir les obligations de l'OMC par une mesure particulière.» Je ne crois pas que ce soit le cas en l'occurence, et j'espère que cette disposition sera modifiée.
· (1330)
Le président: Vous faites état de votre prise de position devant le comité.
L'hon. David Collenette: Non, je suis d'accord avec ce qui a été dit, dans une certaine mesure. J'ai pesé le pour et le contre.
Le président: Merci.
Nous allons passer à nos derniers intervenants, à moins qu'il n'y ait une révolte; M. Masse et M. Fontana, très brièvement.
M. Brian Masse: Merci, monsieur le président.
Pour ce qui est de la liste, j'ai également une préoccupation, qui émane d'une expérience pratique mais aussi des politiques.
Ma circonscription devait bénéficier d'un fonds de 300 millions de dollars pour les infrastructures frontalières. En deux ans, nous n'avons eu droit à aucun financement. La question touche aussi aux politiques car nous sommes obligés de faire appel aux politiciens pour qu'un médicament soit ajouté à la liste. Ce genre de décision ne devrait pas revenir aux politiciens, mais elle devrait plutôt être fondée sur les besoins en matière de santé humaine. Je voulais vous faire part de cette inquiétude.
J'aimerais poser deux questions, dont la première s'adresse à M. Kilby. D'aucuns prétendent que si des médicaments sont fournis aux pays du tiers monde, ils le seront sans égard à leur distribution. Que font les médecins et groupes pertinents pour mettre en place des mesures qui permettront aux populations de tirer parti de ces médicaments? Des exemples nous seraient fort utiles.
Deuxièmement, et c'est ironique—une ironie amère à certains égards parce que le premier ministre a reconnu l'oeuvre de M. Kofi Annan au Timor-Oriental, et nous savons tous ce qui s'est produit là-bas—en vertu de l'actuel projet de loi, à ma connaissance, le Timor-Oriental ne figure pas sur la liste, ce qui est tragique. J'aimerais en savoir plus long sur cette situation.
· (1335)
Dr Don Kilby: Pour ce qui est des besoins en matière d'infrastructure et des mesures nécessaires pour remédier au goulot d'étranglement qui existe effectivement—surtout sur le continent africain, la région que je connais le mieux—un grand nombre d'initiatives ont été lancées grâce à une organisation vouée à la lutte contre le VIH/sida qui s'appelle International Association of Physicians in AIDS Care. Cet organisme a pour mandat l'éducation complète d'infirmiers et de médecins sur tous les continents et offre un grand nombre d'ateliers et autres moyens d'apprentissage.
Il est évident que la mise en place de programmes sera un défi de taille dans tous les pays. Dans un pays comme le Botswana, un des États le mieux placé financièrement pour pouvoir fournir des médicaments antirétroviraux à la population, la mise en place d'infrastructures permettant d'acheminer des médicaments à ceux qui en ont le plus besoin est une tâche colossale, très difficile à réaliser, qui nécessitera l'aide de divers pays, dont le Canada. Des quantités importantes de médicaments ayant été rendues disponibles, comment mettre en place les infrastructures et services qui permettront de les distribuer?
Ensuite, il faut savoir que ceux qui travaillent actuellement sur le terrain, ce sont les ONG et les compagnies pharmaceutiques multinationales. On les a critiquées, mais il faudrait également les féliciter dans la mesure où ce sont elles qui, grâce à leurs capacités financières, ont pu mettre en place des programmes très efficaces, desquels nous pouvons tirer des leçons précieuses pour surmonter les problèmes auxquels nous ferons face quant les médicaments commenceront à arriver en masse.
Mme Gauri Sreenivasan: Pour répondre à certaines questions qui ont été soulevées, je dirais qu'effectivement le Timor-Oriental est un exemple frappant d'un pays dans le besoin qui ne figure pourtant pas sur la liste. Nous pensons que tous les pays en voie de développement devraient être inclus dans ce projet de loi. On irait ainsi encore plus loin que ce qui est exigé par l'OMC; le Canada se montrerait très généreux. Il ne s'agit pas du non-respect des dispositions, mais plutôt du fait que le Canada veut en faire encore plus que sa part.
Je voudrais passer en revue certains des détails de la proposition qui a été déposée il y a environ une heure. Au bout du compte, il sera important que le secteur des médicaments génériques réponde à certaines de ces propositions. Il faut aussi dire clairement que, mis à part ce que contient le projet de loi, il faut s'assurer qu'à long terme la concurrence existera toujours et que le secteur des médicaments génériques se portera bien. Nous ne sommes pas particulièrement heureux que ce soit toujours ces sociétés-là qui obtiennent les contrats. Par contre, nous pensons qu'il faut qu'il y ait une certaine concurrence, ce qui fait chuter les prix. Le secteur va donc devoir nous expliquer dans quelle mesure les propositions les incitent à être concurrentiels.
Il est vrai que l'observation de M. Dillon est pertinente. Il faut que nous nous assurions que les mesures ne permettent pas aux compagnies pharmaceutiques de mettre en place des stratégies qui leur permettraient d'obtenir les premiers contrats, ce qui pourrait, à très long terme, les faire disparaître du marché. Mme Torsney pense fermement qu'à long terme ils auront une présence. Si c'est vrai et si on pouvait le confirmer, je serais ravie de l'entendre.
Nous nous trouvons dans une position délicate. Ce qui m'intéresse, ce n'est pas ce qui serait bénéfique pour le secteur des médicaments génériques. Je veux plutôt m'assurer que du point de vue des politiques publiques, la concurrence à long terme est assurée.
Plusieurs questions ont été soulevées sur la responsabilité des ONG. Lorsque des ONG sont présentes dans des pays en difficulté, comme on l'a dit, risque-t-il d'y avoir des conflits entre ces organisations et le gouvernement local? De plus les ONG sont-elles responsables et devrait-on leur permettre de distribuer des médicaments?
D'abord, je pense que je vais demander à des membres de notre organisation qui travaillent sur le terrain de répondre à vos préoccupations par écrit. À notre connaissance, et c'est d'ailleurs notre position officielle, nos organisations membres—et je suis convaincue que vous n'essayez pas de nous pointer du doigt—ont une réputation inégalée en matière de transparence. Leur mode d'exploitation—c'est-à-dire les médicaments qui sont utilisés, leurs méthodes de distribution et leurs pays d'attache—est tout à fait transparent, transparence qui est le fondement de leurs responsabilités face aux donneurs et au public. Leurs relations avec les gouvernements, dont certains pensent qu'elles prennent le dessus, varient en fonction du contexte.
· (1340)
Le président: Je vais vous demander de terminer. Merci.
Mme Gauri Sreenivasan: D'accord.
Pour ce qui est du dernier point que vous avez soulevé, vous demandiez s'il s'agissait de droits commerciaux égaux ou de distribution de médicaments. L'objectif, c'est que les pays les plus pauvres aient accès aux médicaments pertinents aussi rapidement que possible, ce qui n'est pas le cas pour l'instant. Actuellement, les portes sont grandes ouvertes pour tous les pays, sauf les plus pauvres.
Le président: Merci beaucoup. Je voulais simplement m'assurer de finir à temps.
Monsieur Fontana et monsieur Rajotte, vous avez une minute chacun, puis la séance sera levée.
L'hon. Joe Fontana: C'est dans cet esprit de collaboration que tous ces divers intervenants sont regroupés ici; chacun d'entre eux doit pouvoir y trouver son compte. Le principe du projet de loi veut que nous acheminions les médicaments aux nécessiteux au moindre coût, que les médicaments soient génériques ou d'origine et qu'ils soient acheminés par une ONG ou par un gouvernement. Il ne s'agit pas ici de guerre de territoire. Il faut que nous nous serrions les coudes pour sauver des vies.
En ce qui concerne le déficit démocratique, je signalerais à mon collègue, qui a déjà été ministre, qu'il a tout à fait raison et que nous avons l'intention ferme de régler le problème du droit de premier refus : nous l'avons éliminé. Je remercie tous les témoins, ainsi que James et les autres de leur aide... Cette disposition était en effet problématique, et nous avons compris qu'il fallait la modifier.
Quant à la liste des médicaments, il faut que je vous en parle. Paul Crête...
Mme Paddy Torsney: J'invoque le Règlement. Ce sera au comité à choisir et non au secrétaire parlementaire.
L'hon. Joe Fontana: Cela illustre à quel point le gouvernement est très attentif à ce que dit le comité.
Le Canada ne peut renoncer qu'aux brevets qu'il détient, c'est-à-dire qu'aux brevets que détiennent les fabricants de médicaments d'origine. Dans vos cahiers, vous avez tous trouvé une liste qui comprend une cinquantaine de médicaments brevetés au Canada. Nous ne pouvons renoncer à des brevets pour des médicaments qui ne sont pas protégés par un brevet du Canada. Vous savez sans doute qu'il existe des médicaments qui sont disponibles ailleurs dans le monde mais pas au Canada, au grand dam de beaucoup de gens. Voilà pourquoi nous avons établi une liste, pour que dès que certains médicaments deviendront disponibles, nous puissions d'abord nous assurer qu'ils conviennent, puis que Santé Canada les approuvera avant de les redistribuer. Voilà pourquoi j'espère que nous maintiendrons les listes.
Le président: C'est un commentaire judicieux.
Monsieur Rajotte.
M. James Rajotte: Vous voyez se dessiner une unanimité autour de la nécessité d'amender la disposition sur le droit de premier refus.
J'ai maintenant une question au sujet de la proposition faite par le réseau juridique VIH/sida. Si le breveté consent à une licence volontaire, celle-ci pourrait être octroyée en contrepartie de quoi la redevance serait décidée par le commissaire des brevets. Mais si le breveté refuse d'accorder la licence, il reviendrait au fond au commissaire des brevets de décider s'il l'accordera ou pas. À votre avis, considérez-vous que cette façon de faire règle le problème que pose dans le projet de loi le droit de premier refus?
Le président: Monsieur Murthy, soyez bref.
M. Srinivas Murthy: Étant donné que c'est ce sur quoi l'OMC s'était entendue il y a deux ans, puis à nouveau en 2003, nous considérerions en effet cela comme une amélioration.
Le président: Merci.
Je remercie tous les témoins qui ont comparu en deuxième partie de notre séance ainsi que ceux de la première partie. Les questions et les réponses ont été très utiles.
Je vous rappelle que demain après-midi nous accueillerons d'abord Stephen Lewis, puis des ONG ainsi que d'autres organisations. Veuillez être ici à l'heure prévue.
La séance est levée.