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Je vais commencer. Nous autres avocats avons de la difficulté à respecter les limites temporelles, mais j'ai ma montre ici et je vais m'efforcer de m'en tenir à cinq minutes, et le professeur Forcese vous entretiendra lui aussi pendant cinq minutes.
Nous aimerions tout d'abord vous remercier de l'invitation. Plusieurs de mes amis m'ont demandé de me faire l'écho des préoccupations de Mme Priddy. Les gens sont nombreux à vouloir intervenir, et nous avons reçu de nombreux courriels demandant que le comité envisage de tenir davantage d'audiences car nous estimons que le projet de loi est extrêmement important et qu'il porte sur de très importants aspects de la règle du droit. Nous exprimons donc ici les opinions de nombreuses autres organisations qui ont demandé l'occasion d'intervenir.
Je pensais commencer par dire que je me suis occupé d'affaires de certificat de sécurité. J'ignore combien d'autres témoins ayant comparu devant le comité ont eu à s'occuper de telles affaires, alors je souhaitais vous raconter comment cela se passe en vous donnant un exemple. Je m'en suis servi récemment dans un autre contexte, et je pense que cela sert bien la discussion.
Imaginez que le professeur Forcese se voie accuser de meurtre et qu'il me demande de le représenter et que je lui dis: « Eh bien, nous ne savons pas qui vous avez tué, nous ne savons pas quels sont les témoins et nous ne savons pas quelles sont les preuves ». Je demande donc à Craig: « Avez-vous tué quelqu'un? Qui avez-vous tué? » Il répond: « Je n'ai tué personne ». « Eh bien, qui pensez-vous qu'ils pourraient vous accuser d'avoir tué? » Voilà ce que cela donne lorsqu'on veut défendre une personne visée par un certificat de sécurité.
Vous ne connaissez pas les preuves. Vous ne connaissez pas les témoins. Vous n'avez pas l'occasion de les interroger dans le contexte d'une audience. Tous les éléments de preuve de fond sont sous scellé et ne sont examinés que par les personnes qui ont accès aux audiences à huis clos.
C'est pourquoi nous croyons tous les deux que les certificats de sécurité sont fondamentalement injustes et que le gouvernement du Canada devrait explorer des solutions de rechange aux certificats de sécurité pour traiter de ce très difficile problème.
Cela étant dit, le professeur Forcese et moi nous sommes lancés dans une étude, car nous savions que ce projet de loi allait être déposé par suite de la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Charkaoui. Nous avons entrepris cette étude dans le but d'examiner les autres modèles qui existent et de déterminer dans quelle mesure ceux-ci régleraient nos préoccupations.
La Cour suprême du Canada a, en gros, donné pour instruction au Parlement d'essayer d'élaborer un modèle qui permette une procédure aussi équitable que possible tout en permettant que certains éléments de preuve soient entendus à huis clos. La décision de la Cour suprême envisageait plusieurs options, dont le recours à des défenseurs, et une autre possible était le CSARS.
Ce qu'il importe de comprendre est que si vous allez priver la personne accusée d'être membre d'une organisation terroriste de tout accès aux preuves utilisées contre elle, l'empêchant ainsi, et empêchant son avocat, de les contester efficacement, il vous faut vous approcher autant que cela est humainement possible d'un modèle de rechange qui respecte les critères.
Notre étude du modèle du défenseur, dont nous pensons qu'il a servi de modèle pour l'élaboration du projet de loi dont vous êtes saisi, nous a amenés à la conclusion que celui-ci est cruellement déficient. En effet, les critiques à son égard ont été si nombreux que d'importants changements ont été apportés au modèle au Royaume-Uni, et nombre de ces changements n'ont pas été intégrés au projet de loi. Il semble que l'on n'ait même pas tenu compte de certains des changements qui ont été apportés au régime britannique lors de l'élaboration du projet de loi que nous avons devant nous.
Compte tenu du défi que suppose l'élaboration d'un système qui respecte autant que cela est humainement possible les exigences voulant que la personne soit habilitée à participer pleinement au processus, la conclusion à laquelle le professeur Forcese et moi en sommes arrivés, à l'issue de notre étude dans le cadre de laquelle nous avons examiné non seulement le Canada mais également le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande — pays qui a lui aussi une forme d'intervenant spécial —, est que le modèle que nous avons déjà au Canada est la meilleure option, et je veux parler du modèle du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.
Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité s'est routinièrement occupé de dossiers d'immigration jusqu'en 2002, lorsqu'a été modifiée la Loi sur l'immigration. Il traite régulièrement de quantité de plaintes relatives à la sécurité nationale. Dans le contexte de ces auditions, il charge des avocats ayant une autorisation de sécurité de passer en revue l'intégralité du dossier appartenant au SCRS, et ils ont ainsi accès au dossier tout entier. Ils bénéficient d'une pleine divulgation de la preuve, ce qui est l'un des principaux défauts de ce régime.
Le deuxième aspect essentiel qui survient dans le contexte du processus du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité est que l'avocat, qui représente le comité, qui est un avocat indépendant et qui, je dirais, a à jouer un rôle analogue à celui revenant aux défenseurs dans le système britannique, n'est dans aucun cas de figure empêché de continuer de rencontrer la personne qui fait l'objet de l'audience une fois qu'il a pu examiner les preuves secrètes. Cela est extrêmement important pour toute procédure équitable.
Ce que nous vous soumettons donc dans notre rapport est qu'il existe un autre système. Il s'agit d'un système fait au Canada et qui fonctionne depuis plus de 20 ans, et c'est un système qui est de loin supérieur à celui énoncé dans le projet de loi.
Reconnaissant qu'il existe un projet de loi, le professeur Forcese va maintenant discuter avec vous de la façon dont ce projet de loi pourrait être modifié pour qu'il soit conforme à ce que nous considérons comme étant des exigences minimales. Si vous maintenez le projet de loi tel quel, je peux vous garantir que les avocats feront valoir que la Cour suprême du Canada a dit qu'il vous faut approcher le plus possible d'une audition équitable, et ce projet de loi est très inférieur à ce qui est prévu au niveau du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité.
Le gouvernement va donc devoir expliquer pourquoi il n'a pas mis en oeuvre ce processus, et il y aura vraisemblablement des contestations invoquant la Constitution, tandis que si vous adoptiez le processus du CSARS, je peux vous assurer qu'il serait très difficile pour des avocats comme moi de monter une contestation constitutionnelle.
Professeur Forcese.
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Merci beaucoup, Lorne, et merci au comité et au président de nous accueillir ici aujourd'hui.
Comme l'a souligné Lorne, nous proposons au projet de loi une série d'amendements relativement mineurs qui englobent ces objections clés que Lorne a soulevées. Nous avons déposé auprès de vous un document qui est en fait une version annotée du projet de loi C-3. Les amendements que nous proposons représentent peut-être 500 mots, et nous croyons qu'avec ces 500 mots le Parlement pourrait greffer au projet de loi C-3, dans son libellé actuel, quelque chose d'analogue à ce qui se passe au CSARS.
Les deux éléments clés qui sont améliorés grâce aux amendements proposés sont, premièrement, une obligation statutaire absolue pour le gouvernement de tout divulguer — tous les renseignements pertinents — et nous définissons ici dans notre texte proposé ce que nous entendons par « renseignements pertinents ». Nous imposons au gouvernement l'obligation de divulguer tous les renseignements pertinents. Nous autorisons ensuite le défenseur à contester l'ampleur de la divulgation faite par le gouvernement, puis à recourir à l'aide du CSARS, qui aurait accès à tous les renseignements du gouvernement, pour certifier qu'il y a eu pleine divulgation. C'est une façon d'intégrer le CSARS, qui a l'autorité légale de voir tous les renseignements que possède le SCRS, à l'exception des documents confidentiels du Cabinet, au processus de vérification de l'envergure de la divulgation.
Je tiens à souligner ici que nous ne proposons pas cela tout simplement parce que nous estimons que ce serait une bonne idée en principe, mais parce qu'au Royaume-Uni, les défenseurs nous ont dit qu'ils ne parviennent pas à tout voir. On estime qu'il y a une obligation pour le gouvernement de divulguer tous les renseignements, y compris les renseignements disculpatoires, mais les défenseurs au Royaume-Uni nous ont dit qu'il y a eu des cas dans lesquels ils ont découvert que des preuves disculpatoires dans l'affaire A n'avaient pas été divulguées, mais ils ne l'ont découvert que par hasard dans le cadre d'une affaire B. Nous voulons écarter cette possibilité.
L'autre raison pour laquelle nous insistons sur une obligation légale de pleine divulgation est l'expérience de la Commission Arar. L'avocat pour la Commission Arar nous a dit que, s'il n'avait pas réussi à assigner des témoins pour recueillir des preuves au-delà de ce que le gouvernement avait jugé pertinent, la vérité en ce qui concerne M. Arar n'aurait jamais été mise à jour. Ce sont ces deux expériences qui sont à l'origine de notre recommandation en la matière.
Comme l'a souligné Lorne, il y a un deuxième vaste volet dont nous pensons qu'il devrait être retravaillé. Il s'agit d'appliquer un droit positif pour que le défenseur puisse continuer de communiquer avec la partie intéressée une fois qu'il a vu les renseignements confidentiels, les renseignements secrets. Il s'agit là d'une pratique qui, comme l'a indiqué Lorne, est disponible au CSARS. L'avocat indépendant du CSARS, dont nous avions espéré qu'il puisse être là aujourd'hui, mais cela ne lui a pas été possible car il est présentement au tribunal, nous a dit de façon catégorique qu'il a vu des affaires s'écrouler du fait qu'il lui avait été possible de demander des renseignements ne trahissant aucun secret qu'il pouvait détenir. Il lui avait été possible de demander à la partie intéressée des renseignements qui avaient alors fait s'effondrer la thèse mise de l'avant par le gouvernement dans une procédure du CSARS.
Cette expérience — une expérience pratique, sur le terrain — vient elle aussi confirmer qu'il est essentiel que ce défenseur puisse avoir un accès continu à la partie intéressée, sous réserve d'une obligation de ne pas divulguer un secret, ce qui fait qu'il faudrait que les questions posées soient obliques, mais même des questions obliques, nous dit-on, ont résulté en l'obtention par le défenseur de renseignements tels qu'ils ont provoqué l'écroulement de la thèse du gouvernement.
Le dernier point que j'aimerais soulever, car je sais que le temps qui nous a été alloué sera bientôt écoulé, en est un que Lorne n'a pas évoqué. Il y a ici dans le projet de loi une exigence qu'un résumé soit préparé pour la partie intéressée elle-même. Il s'agit d'un résumé préparé initialement par le gouvernement puis, en gros, endossé par le juge. Ce résumé, dans le libellé actuel, renferme des renseignements dont le juge décide qu'ils ne portent pas préjudice à la sécurité nationale.
Il s'agit là d'une norme très différente de celle qui s'applique au titre de la Loi sur la preuve au Canada. En vertu de la Loi sur la preuve au Canada, des renseignements mettant en cause la sécurité nationale peuvent être divulgués si l'intérêt du public en matière de procès équitable l'emporte. Il s'opère donc un équilibre dans le contexte de la Loi sur la preuve au Canada.
L'absence d'un équilibre dans ce projet de loi le rend, à notre sens, contraire à la récente décision, de fin octobre, de la Chambre des lords. La Chambre des lords au Royaume-Uni a en effet décidé qu'au Royaume-Uni le régime de défenseur en place là-bas, et qui ne prévoit lui non plus pas d'équilibre, était trop limitant. Il est donc probable que nous verrons d'ici quelques mois un changement dans le système britannique tel que l'arbitre dans ces procédures britanniques soupèsera l'intérêt en matière de sécurité nationale et l'intérêt en matière de procès équitable. Nous proposons des modifications qui totalisent 25 ou 30 mots et qui établiraient, dans le contexte de la LIPR, un critère d'équilibre.
Je sais que notre temps est écoulé et qu'il y aura sans doute des questions, alors je vais m'arrêter là.
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Craig complétera. Il y a un certain nombre d'éléments clés.
La première plainte des avocats spéciaux était qu'ils ne disposaient pas de suffisamment de ressources. Imaginez que vous êtes un avocat et que l'on vous remet des boîtes et des boîtes de documents. Vous ne pouvez en discuter avec personne; vous ne pouvez pas faire entrer dans la pièce votre collègue junior, car vous êtes le seul à avoir l'autorisation de sécurité. Il vous faut passer à travers toutes ces boîtes et ces boîtes de documents pour préparer votre argumentation, et vous ne bénéficiez d'aucun appui. Vous ne pouvez même pas demander à votre secrétaire d'écrire une lettre à l'avocat représentant le gouvernement pour demander de la correspondance ou autre. Il vous faut faire tout cela vous-même, et certains avocats ne sont pas très doués en matière de... Il n'y a donc aucune aide.
Ils ont créé une espèce de bureau d'appui aux avocats spéciaux, qui réunit des avocats munis d'autorisation de sécurité et dont le rôle est d'appuyer les avocats spéciaux. Voilà la première chose.
Le deuxième changement qu'ils ont apporté est qu'il y a maintenant deux avocats spéciaux pour toutes les affaires. Un avocat spécial senior et un avocat spécial junior sont désignés pour chacun des dossiers.
Ils ont également apporté des changements tels que le gouvernement est maintenant tenu d'inclure tous les éléments de preuve disculpatoires, les avocats spéciaux ayant exprimé leur mécontentement du fait que la preuve disculpatoire n'était pas incluse.
L'autre aspect — et nous verrons si Craig pense à autre chose encore — est que les règles ont été changées de façon à autoriser expressément que la personne visée par le certificat de sécurité ait le droit de choisir son avocat parmi la liste, sous réserve d'objections de la part du gouvernement.
Ai-je oublié quelque chose?
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Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Je peux comprendre, monsieur Waldman, la frustration, si vous avez travaillé sur ces dossiers, et c'est pourquoi je pense que la plupart d'entre nous convenons qu'il nous faut apporter des changements au processus.
Je dirais cependant que je pense que vous avez quelque peu dramatisé les choses, car le sous-comité de notre comité s'est fait passer en revue le dossier d'une personne détenue en vertu d'un certificat de sécurité, un prétendu assassin iranien. Le dossier était plutôt épais. Cela s'est déroulé en séance ouverte, et les seules choses qui avaient été expurgées étaient les sources des renseignements. Et je peux dire que, quelles qu'aient été les sources, elles ont plusieurs fois été corroborées. Au bout du compte, le représentant de la B.C. Civil Liberties Association a convenu qu'il ne souhaiterait pas qu'une telle personne soit son voisin.
Je comprends néanmoins ce que vous dites, soit que les renseignements ne sont pas aussi complets qu'on le souhaiterait. C'est pourquoi le gouvernement a, je pense, réagi en créant cette fonction de défenseur. Notre sous-comité, qui s'est penché là-dessus, a lui aussi plaidé en faveur d'un avocat-conseil spécial.
J'aurais juste une question au sujet du CSARS. Vous avancez ici une proposition séduisante. Je comprends qu'il y a certaines limites quant aux renseignements qui sont à la disposition des membres du CSARS. De fait, je me souviens que le CSARS nous a dit qu'il ne pouvait pas avoir accès à certains renseignements de nature opérationnelle; il s'en est même plaint.
Êtes-vous en train de dire — et la question importante est de savoir si ce serait le cas — que le CSARS aurait accès à toutes les sources d'informations sur lesquelles se seraient appuyés le SCRS, la GRC et d'autres agences pour demander un certificat de sécurité?
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La question de ce que détient le gouvernement du Canada est critique. Le CSARS a, en vertu de la loi, droit à tout sauf les documents confidentiels du Cabinet. Mais ce qu'aura en sa possession le SCRS variera. N'ayant jamais eu l'occasion de constater les choses de visu, je ne peux que vous dire que cela s'appuie sur des ouï-dire.
D'après ce que je comprends, il s'agira souvent d'un rapport d'analyste, qui vient peut-être s'ajouter à un autre rapport d'une agence alliée qui, à son tour, vient s'ajouter à toute une série d'autres rapports d'analystes, qui, eux, sont peut-être le produit de quelque interception de communication.
Ce sont des preuves par ouï-dire empilées sur des preuves par ouï-dire, empilées sur encore d'autres preuves par ouï-dire. Voilà le genre de renseignements que l'on utilise, d'après ce que l'on sait, dans ces affaires de certificat de sécurité, renseignements auxquels le CSARS aurait alors accès.
Aurait-il accès à la transcription brute fournie par et peut-être toujours détenue par un service allié, mais que possède le SCRS? Je présume que non.
L'une des préoccupations dont nous ont fait état les avocats spéciaux au Royaume-Uni est que le produit sur lequel ils se penchent a tendance à avoir été trié sur le volet — en d'autres termes, du fait qu'il ne s'agisse que d'ouï-dire, il y a quelque chose qui donne l'impression d'être disculpatoire qui a été utilisé dans un de ces rapports d'analyste, et c'est ainsi que l'on se retrouve avec des analyses subjectives empilées les unes par-dessus les autres.
La question de la qualité des preuves va donc être très chargée, que vous ayez ou non pleinement accès à ce qu'a en sa possession le SCRS.
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Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux de vous avoir entendu ici aujourd'hui, et ailleurs auparavant. J'apprécie beaucoup le travail considérable qui a été fait. Je comprends que votre objectif doit être semblable au nôtre. Je comprends que l'existence du certificat de sécurité est nécessaire. Je comprends aussi pourquoi on ne peut pas révéler l'origine de certaines informations. En effet, on pourrait alors mettre en danger les personnes qui ont infiltré des organisations au risque de leur vie. De plus, il est possible que les services de sécurité ne désirent pas et ne veulent pas qu'on connaisse leurs méthodes d'enquête.
On le voit en matière criminelle. Beaucoup d'accusés faisant partie d'organisations criminelles plaident non coupables, bien qu'ils aient l'intention d'admettre leur culpabilité, parce que cela leur permet de savoir comment la police s'y est prise pour infiltrer leur organisation. Ça peut être admissible dans le cas de la criminalité ordinaire, mais je comprends qu'on ne désire pas dévoiler les méthodes d'enquête en matière de terrorisme.
Il y a une troisième raison. Nous recevons beaucoup d'informations de divers pays. Certains ont les mêmes principes que nous, d'autres pas. Ces derniers nous transmettent souvent des informations à la condition que nous ne rendions pas celles-ci publiques.
En fait, un certificat de sécurité pourrait être, dans n'importe quel pays qui ne partage pas nos principes, un geste purement arbitraire posé par le ministre qui déclarerait que tout pays souverain a le pouvoir d'admettre sur son territoire qui il veut et d'en exclure les étrangers qui représentent un danger. Nous avons voulu que cette décision ne soit pas arbitraire et qu'elle soit soumise à un type de révision judiciaire où les preuves doivent rester secrètes. Cette révision judiciaire n'est pas un procès, mais tout comme vous, je crois que cette procédure judiciaire doit être le plus près possible d'un traitement équitable, comme lors d'un procès. J'ai l'impression que les recommandations que vous nous avez faites sont exactement de cet ordre.
Je serai un peu pointu sur une chose. Vous croyez que la décision qui est rendue concernant l'intéressé ne doit pas être basée sur des informations obtenues par la torture. On peut avoir un exemple, en droit canadien, d'informations qui ont été obtenues par les policiers d'une façon... Allons droit au but. Quand un accusé fait une déclaration, celle-ci doit avoir été faite librement et volontairement pour qu'elle soit admise en tant que preuve. Cependant, je ne crois pas que nous soyons privés de la preuve matérielle qui pourrait être trouvée par les policiers, même dans le cas d'une déclaration qui serait inadmissible en tant que preuve. Si la déclaration d'un accusé est inadmissible en tant que preuve parce qu'on lui a fait des promesses ou des menaces, mais qu'il a déclaré, par exemple, que l'arme du crime se trouvait à tel endroit, je pense que les policiers peuvent encore aller chercher l'arme du crime et la présenter comme preuve, ce qu'on appelle une « preuve matérielle ». À l'époque où je pratiquais le droit, c'était comme cela, mais parfois ça change en 15 ans.
Pour vous, cette règle sur les preuves obtenues sous la torture s'applique-t-elle autant à la preuve matérielle qu'aux affirmations que les gens qui ont été torturés ont été faites à leurs tortionnaires?
En Angleterre, la question a déjà été débattue par la Chambre des lords dans une affaire mettant en cause la Special Immigration Appeals Commission, l'équivalent britannique de notre régime de certificat de sécurité. La Chambre des lords a décidé qu'aucun renseignement obtenu au moyen de la torture ne serait admissible comme preuve dans une quelconque procédure judiciaire, un point c'est tout.
Les raisons en sont que, (a) la preuve ainsi obtenue est intrinsèquement non fiable et ne devrait de ce fait pas être utilisée, et, (b) si vous utilisez des preuves dont vous savez qu'elles ont été obtenues au moyen de la torture, alors vous devenez essentiellement complice de la torture elle-même.
La position adoptée en Angleterre cadre donc avec la position que nous avons prise dans notre exposé, soit que les preuves obtenues au moyen de la torture ne devraient en aucun cas être admissibles ni être prises en compte par le juge. De fait, au Canada, les juges de la Cour fédérale qui ont été confrontés à ce cas de figure ont déjà dans plusieurs affaires adopté une position semblable.
En d'autres termes, dans les cas où l'avocat a allégué que certaines des preuves ont peut-être été obtenues au moyen de la torture, et si le juge est satisfait qu'il y a des preuves à cet effet, on a refusé de tenir compte de telles preuves aux fins de l'établissement d'un certificat de sécurité.
Partant, ce que nous proposons cadre tout à fait avec ce qu'a dit la Chambre des lords et avec ce que font dans la pratique les juges.
Je pense que ceci revêt une importance qui va au-delà du processus, car nous pouvons déclarer devant le juge: « Vous ne pouvez pas accepter cet élément de preuve, car il a été obtenu au moyen de la torture ». Mais en déclarant publiquement dans le projet de loi que les preuves obtenues au moyen de la torture ne sont pas admissibles, nous faisons également une déclaration au sujet de l'inacceptabilité de la torture comme moyen d'interroger quiconque, où que ce soit dans le monde. Voilà encore une autre raison pour laquelle nous croyons que cela devrait être inclus.
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Merci beaucoup de poser cette question.
La première chose à souligner est que le projet de loi , dans son libellé actuel, ne ferme pas de façon affirmative la porte à un accès continu. Cela est laissé à la discrétion du juge.
Une règle semblable au Royaume-Uni a produit une quasi absence d'accès. Il n'y a aucun accès continu. Pourquoi? Parce qu'une règle semblable a été appliquée au Royaume-Uni, telle que le défenseur, s'il désire communiquer avec la personne visée après avoir vu les preuves secrètes, doit le faire par écrit, et ses questions doivent être sanctionnées par le gouvernement.
Aucun avocat digne du nom n'est prêt à poser une question à une personne dont il est censé défendre les intérêts si cette question va d'abord être contrôlée par le gouvernement, de crainte que le simple fait de poser la question puisse porter un préjudice aux intérêts du pays.
Dans la pratique, il n'y a aucun accès permanent. C'est là l'aspect le plus controversé du régime en place au Royaume-Uni.
Quant aux ramifications de l'absence d'un accès permanent, je pourrais vous raconter une histoire qui nous a été livrée par un défenseur du CSARS qui jouit d'un accès continu dans le cadre des procédures du CSARS.
S'il était ici, il vous parlerait d'une affaire en particulier dans laquelle la question en cause à la procédure du CSARS était celle de savoir si une personne s'était trouvée dans un certain pays à un moment donné. Je ne sais pas de quel pays il s'agissait. Disons que c'était l'Afghanistan, vers la fin des années 1990, et la présence d'une personne en Afghanistan vers la fin des années 1990 laisserait entendre que le comportement de la personne pourrait poser problème. Bien évidemment, l'avocat indépendant, ayant été mis au courant, ne pouvait pas s'adresser directement à l'intéressé et lui demander s'il s'était trouvé en Afghanistan en 1997, car cela aurait bien sûr trahi le fondement même de la thèse du gouvernement et aurait pu porter préjudice à la sécurité nationale. Le défenseur s'est ainsi contenté de demander le curriculum vitae de l'individu, ce que les services de sécurité n'avaient jamais pensé demander. Figurait sur le CV une entrée qui, comme allait pouvoir l'établir le défenseur de l'avocat indépendant, fournissait la preuve vérifiable que l'intéressé n'avait pas été en Afghanistan pendant la période pertinente.
Voilà un exemple d'accès continu: une question très banale dont on aurait espéré que les services de sécurité l'aurait posée au départ, une question très banale qui a fini par provoquer l'écroulement de la thèse du gouvernement. La thèse tout entière du gouvernement s'était appuyée sur cet élément et elle s'est effondrée du fait de cette question fort banale.
D'après ce que disent le CSARS et les avocats indépendants, il n'y a jamais eu d'allégation selon laquelle cet accès continu par les avocats du CSARS aux personnes visées aurait porté atteinte à la sécurité nationale ni qu'il y a eu de divulgation involontaire.
Nous convenons qu'il devrait y avoir une obligation positive pour l'avocat indépendant de ne pas divulguer de secrets. Nous pensons que tout avocat digne du nom doit être en mesure de poser une question d'une façon telle qu'il obtient des renseignements utiles mais qu'il ne trahit pas la confidentialité de renseignements intéressant la sécurité nationale.
Cela a été le cas pour la Commission Arar, et je suis certain que Lorne pourrait décrire à quel point il n'a pu glaner que quelques bribes d'information à partir des questions que lui a posées l'avocat de la Commission Arar.
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Je peux vous dire, en ma qualité d'avocat qui pourrait très bien à l'avenir devoir s'occuper d'encore une autre affaire de certificat de sécurité, que si vous adoptez le projet de loi tel quel...
Vous voyez, ce qu'a dit la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui est que le régime en place était injuste, car il n'y avait dans la salle personne d'autre que le juge de la Cour fédérale contestant la thèse du gouvernement. La cour a donc dit qu'il y avait d'autres modèles envisageables qui permettraient une certaine contestation de manière à rendre le régime plus juste, tout en tenant compte de la nécessité de protéger la sécurité nationale.
Le gouvernement s'est fait dire qu'il lui fallait élaborer un modèle plus juste étant donné qu'il existait d'autres possibilités, et la Cour suprême les a énumérées sans préciser « Ceci est acceptable, mais ceci n'est pas acceptable ». Elle a simplement dressé la liste de plusieurs options, dont le CSARS, dont les défenseurs et dont le modèle de la Commission Arar. C'était au Parlement qu'il revenait d'apporter des amendements.
Si le Parlement adopte quelque chose du genre du modèle du CSARS, alors ma position est que ce serait à peu près ce qui vous rapprocherait le plus de ce qui est visé, et la Cour suprême dit qu'un certain décalage par rapport aux principes de procès équitable pourrait être autorisé. Si vous adoptez le système le plus juste, il n'y aurait aucune contestation constitutionnelle.
Si vous adoptez ici le régime du défenseur, je m'adresserai à la Cour suprême et dirai « Eh bien, pourquoi ont-ils choisi ceci alors qu'ils auraient pu avoir le CSARS, ils auraient pu avoir la divulgation intégrale, ils auraient pu avoir un accès continu? Cela n'est pas prévu dans le projet de loi, et celui-ci est en conséquence inconstitutionnel ».
Si vous voulez vous assurer qu'il n'y ait aucune contestation constitutionnelle, il vous faut être certain d'instaurer le système le plus équitable qui soit, sans toutefois passer à la divulgation intégrale. Nous estimons que le projet de loi n'assure pas cela, à moins que vous ne teniez compte des amendements que nous vous avons soumis.
Bien sûr, le gouvernement a peut-être obtenu de ses avocats un avis contraire.
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La décision de la Chambre des lords a été une interrogation qui, entre autres choses, s'est penchée sur le recours à des défenseurs dans les cas de ce que l'on appelle au Royaume-Uni des mesures de contrôle, qui sont essentiellement une forme d'assignation à domicile.
La Chambre des lords a, dans l'ensemble, déclaré que les défenseurs sont une solution de compromis. Il semble que les défenseurs soient, tout bien considéré, un compromis suffisant, sauf qu'il doit y avoir une expression résiduelle pour que le juge préserve l'équité inhérente du procès dans les cas où le défenseur ne le fait pas. Il doit donc y avoir un pouvoir discrétionnaire résiduel pour le juge lui permettant de soupeser l'intérêt en matière de sécurité nationale par rapport à l'intérêt en matière de procès équitable, et si c'est ce dernier qui l'emporte, il doit divulguer l'information à la partie intéressée, et si cela ne plaît pas au gouvernement, alors il lui faudra retirer ses renseignements et sa thèse pourrait en conséquence s'effondrer.
Voilà ce qu'a dit la Chambre des lords le 31 octobre, et cela va avoir une incidence sur les actes de procédure à l'intérieur du régime de défenseur au Royaume-Uni.
Ce que nous nous proposons de faire dans les amendements et sur cette question d'équilibre — dans notre mémoire, que vous avez devant vous, cela se trouve à la page 11 de la version française, et il s'agit de l'article 83 — est que l'on greffe simplement, au texte actuel portant sur les renseignements devant être livrés à la partie intéressée, ce même exercice d'équilibre. Nous avons simplement emprunté le libellé de l'actuelle Loi sur la preuve au Canada. Si donc il ne s'agissait pas d'une procédure d'immigration, s'il ne s'agissait que d'une procédure régulière devant une cour canadienne, et que le gouvernement ne voulait pas divulguer un renseignement pour des raisons de sécurité nationale, la question serait portée devant un juge de la Cour fédérale et la Cour fédérale évaluerait l'intérêt en matière de sécurité nationale par rapport à l'intérêt en matière de procès équitable.
Dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, en vertu de ce projet de loi, la Cour fédérale arrête tout simplement lorsqu'elle arrive à cette question de sécurité nationale. Elle ne fait pas de pondération, en tout cas pas en vertu du texte de la loi. Nous ne faisons donc ici qu'assurer une harmonisation avec la Loi sur la preuve au Canada et avec ce que la Chambre des lords a déclaré comme étant nécessaire au Royaume-Uni.
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Si vous permettez que j'ajoute juste un exemple récent, pour illustrer l'importance de la chose, dans l'affaire Arar elle-même, le gouvernement a refusé de divulguer 1 500 mots, et nous sommes allés en cour et avons obtenu 500 mots de plus. Les 500 mots que nous avons obtenus n'étaient pas des mots dont quiconque les a vus par la suite a estimé qu'il avait été raisonnable de les protéger pour des motifs de sécurité nationale, mais c'étaient des mots qui étaient très embarrassants pour la GRC et le gouvernement. Ils avaient omis de dire au juge de la paix qui établissait un mandat de perquisition que les renseignements sur lesquels il se fondait avaient peut-être été obtenus au moyen de la torture et ainsi de suite. Voilà pourquoi nous pensons qu'il est extrêmement important que le juge ait ce pouvoir discrétionnaire.
Vous avez demandé d'autres amendements. Nous pourrions les parcourir à la suite. Nous pensons qu'il est important que vous incluiez dans le projet de loi lui-même des critères clairs pour la sélection des défenseurs. Le régime serait beaucoup plus crédible aux yeux du public si vous explicitiez dans le projet de loi que les défenseurs doivent être des avocats. Cela ne figure même pas dans le projet de loi. Ces personnes doivent avoir 10 années d'expérience. Il leur faut avoir une expérience d'instruction.
L'autre chose qu'il faudrait prévoir dans le projet de loi est la possibilité que la personne puisse, si elle le veut, choisir son défenseur parmi une liste. Je crois que le projet de loi serait plus crédible si vous y prévoyiez qu'il faille qu'il y ait un appui suffisant à la disposition des défenseurs pour qu'ils puissent s'acquitter comme il se doit de leurs obligations. Notre crainte, si cela n'est pas inclus dans le projet de loi, est que vous nommiez des défenseurs et que ceux-ci ne soient pas en mesure de bien faire leur travail.
Nous avons évoqué la relation avec le défenseur, les preuves obtenues au moyen de la torture, et nous pensons que l'un des autres aspects essentiels qui n'a pas vraiment été déterminé est la question de l'imposition de limites pour la détention de durée indéterminée. En vertu du projet de loi, dans son libellé actuel, vous pourriez être à jamais assujetti à un certificat de sécurité. Ce qui se passe c'est que, si vous ne pouvez pas être expulsé du fait que vous seriez torturé, vous ne pouvez pas être renvoyé, mais vous pouvez continuer d'être détenu.
Nous croyons donc qu'il serait important, à partir d'un certain point, lorsqu'il a été décidé que vous ne pouvez pas être expulsé du fait que vous seriez torturé et que les tribunaux ou le gouvernement concluent que cela rend impossible votre renvoi, que le certificat prévoie votre libération, ce qui veut dire que le gouvernement aurait à choisir d'autres solutions. Vous ne pouvez pas avoir une détention illimitée en vertu d'une procédure d'immigration lorsque le renvoi n'est plus possible.
Je me nomme Maureen Basnicki. Mon mari, Ken Basnicki, un Canadien fier de l'être, a été assassiné par des terroristes d'al-Qaïda à New York le 11 septembre 2001, pendant qu'il assistait à une réunion au 106e étage de la Tour Nord du World Trade Centre. Ken a été l'un de 24 Canadiens assassinés ce jour-là.
Je suis ici à titre de fondatrice de C-CAT, la Canadian Coalition Against Terror. C-CAT est une association militante non partisane composée de victimes canadiennes du terrorisme de tous horizons et de toutes confessions, ainsi que de professionnels du contre-terrorisme, d'avocats et personnes militant pour une politique antiterroriste canadienne renforcée.
Mes propos à ce comité sur la question du terrorisme seront centrés sur les certificats de sécurité plutôt que les catégories plus larges d'inadmissibilité définies dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
Je fais valoir que le rôle le plus crucial des certificats de sécurité réside dans la lutte contre le terrorisme, et en particulier la prévention d'actes terroristes.
Lorsque le Canada expulse des non-ressortissants ayant des antécédents criminels, voire des auteurs de crimes de guerre, nous affirmons nos valeurs canadiennes et agissons pour préserver l'intégrité de notre société. Mais lorsque le Canada expulse des non-ressortissants lorsqu'il y a des motifs suffisants de croire qu'ils projettent d'assassiner des Canadiens, de paralyser nos métros, nos écoles et nos réseaux d'adduction d'eau, il ne s'agit plus seulement d'affirmer les valeurs canadiennes mais de sauver des vies.
Lors de la plupart de mes comparutions précédentes devant des comités parlementaires et devant la Commission d'enquête sur Air India, j'ai témoigné au nom des victimes que nous représentons sur des questions liées au contre-terrorisme et aux droits des victimes de la terreur. Aujourd'hui, je suis venue parler au nom des Canadiens qui ne sont pas encore victimes et de leurs droits, parler du droit fondamental de chaque Canadien et de chaque être humain, celui de ne pas être victime d'une attaque terroriste. Cela est exprimé en termes plus généraux à l'article 7 de la Charte des droits, qui garantit le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne. Il existe une obligation correspondante pour le gouvernement canadien de veiller à ce que ces droits soient protégés.
Je souscris pleinement à cette phrase du ministre britannique Ian Pearson qui a déclaré, après les attentats à la bombe de Londres en 2005, que nul droit humain n'est plus sacré que celui de vivre car sans lui tous les autres droits sont impossibles.
Ce serait donc une erreur que de percevoir le débat sur les certificats de sécurité comme uniquement un conflit entre les droits civils et les impératifs de sécurité. Ce discours occulte le fait que, en vérité, il s'agit d'un débat sur l'équilibre approprié à réaliser entre les droits de non-ressortissants du Canada sujets à un certificat de sécurité et les droits de tous les Canadiens qui sont des cibles potentielles d'un acte terroriste commis par un tel individu.
C-CAT est d'avis que le , rédigé conformément aux directives de la Cour suprême du Canada et de deux comités parlementaires, a trouvé le juste équilibre entre la protection des droits de l'individu nommé dans un certificat et la protection des droits du Canadien ordinaire de ne pas devenir victime d'horreurs du type que moi et des centaines d'autres Canadiens avons vécu.
Les certificats de sécurité confèrent aux autorités une plus grande latitude de veiller à ce que des individus qui ne sont pas des citoyens canadiens et sont soupçonnés d'avoir commis ou de préparer des délits parmi les plus graves, tels que des actes terroristes, ne puissent demeurer au Canada, disparaître dans la nature et nuire aux Canadiens.
La faculté du gouvernement de détenir et de renvoyer du Canada des étrangers dangereux, tout en protégeant les informations sensibles, répond à un objectif national vital. C'est particulièrement vrai, à mon sens, si les certificats de sécurité permettent de prévenir un acte terroriste.
Selon un rapport public du SCRS de 2003, la première priorité en matière de sécurité nationale est de nous préserver contre la possibilité d'une attaque terroriste commise au Canada ou planifiée sur son territoire. L'atout du est qu'il fournit un outil pour protéger les citoyens canadiens tout en protégeant aussi les droits d'un individu faisant l'objet d'un certificat. De fait, on pourrait arguer que lorsqu'on compare les droits de l'individu nommé dans le certificat avec les droits des victimes potentielles, advenant que cet individu commette effectivement un acte terroriste, on pourrait facilement conclure que les droits de cette personne ont pris le pas sur ceux des victimes potentielles.
Voici quelques exemples.
Premièrement, un individu détenu en vertu de la loi peut être libéré à tout moment dès lors qu'il accepte de rentrer dans son pays d'origine ou d'aller dans un pays tiers. Le choix appartient au détenu.
Par contraste, les victimes potentielles de ces individus n'ont aucun choix. Elles ne peuvent choisir de quitter le lieu d'un attentat terroriste. Mon mari et 3 000 autres ce jour-là, à New York, n'ont eu aucun choix, pas plus que les 331 personnes assassinées dans l'attentat contre Air India.
Deuxièmement, la Cour suprême du Canada a expressément déclaré que la détention au titre d'un certificat de sécurité n'est pas un châtiment cruel et inhabituel si elle s'accompagne d'un mécanisme d'examen à intervalles réguliers de la détention. Le projet de loi a établi un tel mécanisme, d'ailleurs très équitable.
Il me semble qu'une personne qui choisit de rester en détention jusqu'à l'aboutissement de la procédure, tout en bénéficiant de trois repas par jour, d'une cuisine bien pourvue, d'une salle d'exercice, d'une télévision, de visites de sa famille et de ministres du culte, ainsi que d'examens réguliers de sa détention et de la possibilité d'interjeter appel des décisions, tout cela aux frais du contribuable, ne subit pas un châtiment cruel et inhabituel.
Mais une cruauté du type le plus inusité est précisément celle qui serait infligé aux Canadiens si un terroriste parvenait à glisser entre les mailles de notre système, une cruauté du type de celle qui a contraint des couples piégés dans le World Trade Centre de se jeter dans le vide du haut du 100e étage, en se tenant par les mains; une cruauté du type de celle qui a fait périr chaque homme, femme et enfant à bord du vol 182 d'Air Canada, soit sous l'effet immédiat de l'explosion de la valise piégée placée dans la soute soit par noyade dans l'océan Atlantique après une chute de plusieurs milliers de pieds.
Je ne peux m'empêcher d'ajouter que, contrairement aux détenus qui ont accès aux services d'un psychiatre, les victimes canadiennes de la terreur et leurs familles ont dû payer de leur poche le soutien psychologique dont elles avaient tant besoin. Cette question a été soulevée par des membres des familles des victimes d'Air India qui ont témoigné lors de l'enquête sur Air India qu'elles avaient besoin de counselling après l'attaque mais n'avaient pas les moyens de payer de tels services.
Enfin, tout individu faisant l'objet d'un certificat de sécurité a droit à un défenseur, qui aura accès à tous les éléments de preuve classifiés et pourra contester la décision ministérielle de les garder secrets, ainsi que leur pertinence, leur fiabilité, leur suffisance et leur poids. Mais pour les victimes potentielles de ce même individu, notre système juridique n'accorde aucun défenseur ni aucune aide autre pour répondre aux besoins juridiques des victimes après une attaque terroriste.
Au total, étant donné les conséquences désastreuses et irréversibles qui attendent les citoyens canadiens si une erreur est commise en faveur de l'individu nommé dans un certificat et si cet individu commet ensuite un acte terroriste, le projet de loi accorde une marge de manoeuvre considérable à ces personnes.
Si, aux yeux de certains le risque d'abus potentiel des certificats de sécurité l'emporte toujours sur le souci de sauver des vies réelles face à la menace très réelle de terrorisme, ils devraient réfléchir à ceci. En aidant les autorités à prévenir une attaque terroriste majeure, ces dispositions plutôt modestes protégeront notre système légal contre l'inévitabilité, suite à une attaque, de pressions encore plus grandes visant à promulguer des mesures encore plus strictes et controversées afin de mieux protéger les Canadiens contre des attaques subséquentes. Cet éventuel contrecoup, résultant en des lois encore plus dures qui iront beaucoup plus loin que le projet de loi , constitue certainement un scénario que toutes les parties dans ce débat souhaitent éviter.
Mesdames et messieurs, étant donné les défis sécuritaires sans précédent que présente le terrorisme, ainsi que certaines limitations évidentes de notre système de justice pénale lorsqu'il s'agit de poursuivre les auteurs et commanditaires d'attaques terroristes, nous avons un grand besoin des certificats de sécurité. Nous devons admettre que le terrorisme n'est pas juste une autre forme de criminalité ordinaire. Le terrorisme est différent de par sa portée, ses objectifs, ses méthodes et conséquences. La lutte contre le terrorisme a poussé à de nouveaux extrêmes ce que la Cour suprême a qualifié de « tension résidant au coeur de la gouvernance démocratique moderne » entre « les impératifs tant de la sécurité que de la gouvernance constitutionnelle responsable ».
Nous estimons que le a trouvé un accommodement raisonnable et efficace qui tient compte de cette tension et répond aux exigences fondamentales des deux impératifs. Le terrorisme requiert l'emploi de technologies, politiques et structures légales spéciales afin de protéger les Canadiens. Le projet de loi C-3 est un pas très positif dans cette direction et, au nom de C-CAT et des victimes de la terreur que nous représentons, nous voulons exprimer notre soutien à ce projet de loi.
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Nous avons rédigé un mémoire sur ce projet de loi, mais je veux simplement réitérer que maints de ces groupes m'ont appelé personnellement. Je tiens à faire savoir que beaucoup de gens dans ce pays considèrent qu'il s'agit là d'un processus hâtif, inutilement hâtif, qu'ils pourraient contribuer des points de vue utiles et que vous devriez inviter à comparaître des personnes en contact direct avec les détenus — et j'irais même jusqu'à dire les détenus eux-mêmes.
J'aimerais consacrer quelques minutes dans cette introduction à traiter de l'élément humain. J'ai rencontré certaines de ces personnes. Je suis allé à leur domicile. Je suppose que lorsqu'on n'a pas le contact humain, il est facile de transformer quelqu'un en effigie d'un danger qu'elle représenterait, mais lorsque vous voyez les effets humains, ce n'est pas aussi facile que l'on pense.
La Canadian Muslim Lawyers Association — et j'irai plus loin en affirmant que cela vaut pour la communauté musulmane de ce pays, les Musulmans Canadiens — est pleinement d'accord avec Mme Basnicki. Nous rejetons sans équivoque la violence, contre tous les civils, de la part d'acteurs étatiques et non étatiques, partout sur cette terre. Mon organisation adhère fondamentalement à la règle de droit et à la responsabilité gouvernementale. À titre d'avocat, et c'est peut-être un peu sirupeux, je continue d'épouser ces principes et je ne crois pas qu'il y ait réellement un équilibre à chercher. Je ne pense pas que nous ayons besoin d'en faire un jeu à somme zéro en disant qu'il faut compromettre nos libertés civiles ou nos valeurs fondamentales pour rendre le pays plus sûr. Vous venez d'entendre M. Forcese et M. Waldman — et je traiterai également de ces aspects — dire que, dans la pratique, lorsque nous renforçons les valeurs de ce pays, alors nous ajoutons à la sécurité des Canadiens. Lorsque nous pratiquons le secret, nous avons l'obscurité.
Je ne sais pas si ces hommes sont innocents ou non, et je peux vous dire que certains des sujets de ces certificats m'ont dit explicitement: « Lorsque vous irez parler à ces gens, ce sont des gens importants. Dites-leur que je ne demande pas à être libéré. Ce n'est pas ce que je demande. Je demande un procès équitable et, si j'ai fait quelque chose de mal, alors tant pis ».
Je peux vous dire aussi que l'un de ces hommes aime ce pays; bien qu'il y soit détenu depuis de nombreuses années et loin de sa famille, il aime ce pays et ce qu'il représente en théorie. Je voulais simplement que cela se sache.
Dans mon texte, vous remarquerez que j'introduis un peu de littérature, un peu d'éclat, en citant le fameux livre de Franz Kafka, le procès. La première phrase — je vous la lis — dit ceci: « Quelqu'un a dû raconter des mensonges au sujet de Joseph K., car sans avoir rien fait de mal, il s'est vu arrêté un beau matin ».
Je trouve cela très frappant lorsque je travaille sur le mécanisme des certificats de sécurité et que je parle à ces familles. Elles se retrouvent prises dans cette toile d'absurdité. On vous dit que vous êtes une mauvaise personne. Vous avez fait X, Y et Z, mais il n'y a aucune moyen pour vous de vous frayer un chemin hors de ce sac de papier. C'est frustrant en tant qu'être humain. C'est frustrant pour moi, en tant qu'avocat, car cela viole tous les principes de droit que l'on m'a jamais enseignés. Nous savons ce que Paul Bernardo et Karla Homolka ont fait. Nous avons vu les preuves. Ils ont eu un procès public. Karla Homolka a passé moins d'années en prison que tous ces hommes cumulativement.
Tout ce que nous demandons, c'est un procès équitable et c'est à cela que se résume notre témoignage.
Je vais passer rapidement en revue le contenu de mon mémoire, mais je vous demande de le lire si vous pouvez. Mes recommandations détaillées figurent à la page 10 du texte. J'y traite de ce que la Cour suprême a présenté, à mon sens, comme feuille de route et jalons à suivre par le Parlement pour la refonte de cette loi et je vais en dire quelques mots.
Notre position principale — et je crois que M. Allmand va s'en faire l'écho — est qu'il est fondamentalement pernicieux de traiter les citoyens et les non-citoyens de manière différente lorsqu'il est question de sécurité nationale. La question de l'immigration est maintenant devenue subsidiaire. Je sais que, pour diverses raisons, la Cour suprême a rendu ce jugement et nous sommes maintenant lancés sur cette voie; je suis prêt à formuler des recommandations mais je tiens à déclarer pour le procès-verbal que notre position principale est celle-ci: la Chambre des lords a clairement suivi la loi jusqu'à son aboutissement logique, à savoir que lorsqu'il y a une menace égale émanant d'un citoyen et d'un non-citoyen, vous ne pouvez traiter plus durement les non-citoyens, car cela met ensuite en jeu des questions d'entrave minimale similaires à celles que nous avons dans la Charte.
Le jugement Charkaoui abordait les certificats de sécurité et je crois que la juge en chef McLachlin a posé un certain nombre de jalons, dirais-je, fixant au Parlement des orientations à suivre. Je vais en évoquer quelques-unes seulement, car je dispose de peu de temps.
En gros, tout mécanisme substitué à un procès libre et ouvert doit être réel, substantiel et permettre la participation éclairée du sujet. Le juge en chef McLachlin a dit ensuite ce que nous savons tous: la justice fondamentale, à l'article 7, c'est que tout avocat connaît, car elle remonte à la common law d'il y a 400 ou 500 ans — à savoir que pour se défendre pleinement il faut connaître les preuves contre soi et avoir la possibilité de les réfuter. Ces principes ont été posés il y a déjà très longtemps en Angleterre, lorsqu'existait encore le droit des monarques.
Cela va donc plus loin que la Charte, remonte à beaucoup plus loin. Ce sont là nos jalons aux fins de la rédaction de cette loi.
Est-ce que le projet de loi les respecte? Non, je ne pense pas qu'il permette une réponse et défense complètes. Je ne pense pas qu'il remplisse la condition de la connaissance et de la réfutation, et je pourrais parler de cela plus en détail lors de la discussion.
Les recommandations que nous formulons... Je vais les passer en revue rapidement — nous pourrons entrer davantage dans les détails lors de la période des questions — vous demandent d'assurer une représentation substantielle. Les autres témoins en ont parlé. Vous ne pouvez empêcher la communication entre le défenseur et le sujet une fois qu'ils ont connaissance de la preuve.
Je pense qu'il y a des façons de contourner le problème. Le CSARS en a fait la preuve. M. Cavalluzzo l'a démontré lors de la Commission Arar. Je pense que nous l'avons vu dans le témoignage de ce matin, et je ne vais donc pas donner d'exemples de la façon dont on peut rendre ce processus robuste et organique. Tous les avocats savent cela. C'est pourquoi votre client... J'entends par-là qu'il ne s'agit pas en l'occurrence d'une relation avocat-client, mais la relation entre vous et la personne que vous représentez doit être continue et saine.
C'est la meilleure façon de chercher la vérité car, en fin de compte, je crois que nous convenons tous que la procédure contradictoire est une recherche de la vérité. Lorsque nous découvrons la vérité, si ces hommes sont coupables de quelque chose, alors oui, nous serons plus en sûreté. S'ils ne le sont pas, ne gaspillons pas nos ressources à courir après des chimères et à persécuter des familles essentiellement innocentes. Ainsi, la recherche de la vérité devrait être notre pierre angulaire.
Les ressources et l'indépendance — je crois que d'autres en ont parlé, à savoir que la liste devrait être dressée indépendamment du gouvernement, que les intéressés devraient pouvoir choisir et un certain nombre d'autre choses, que les défenseurs devraient disposer de ressources et de personnel afin de pouvoir faire un travail efficace. Je vous laisse le soin de lire cela, et nous pourrons en parler ensuite.
J'ai été heureux de lire la transcription du témoignage de M. Day dans lequel il a déclaré que nous n'approuvons pas les preuves arrachées sous la torture, ni l'emploi de la torture. C'est exactement l'engagement pris par le Canada au titre de la convention contre la torture, du droit international des réfugiés et des normes suprêmes du droit international, qui sont fondamentalement des normes morales que nul ne peut transgresser en droit international. Si nous nous accordons sur tout cela, pourquoi ne pas le mettre simplement par écrit? Je crois que cela apporterait plus de certitude et d'assurance si nous l'écrivions. M. Day a convenu que nous n'utilisons pas les preuves arrachées sous la torture, alors écrivons le noir sur blanc.
J'ajouterais également que dans l'exception Suresh la Cour suprême a entrouvert la porte en disant que nous ne renvoyons pas les gens dans un pays où ils risquent la torture, sauf dans certaines circonstances. Cela est une violation de la convention contre la torture, de nos traités internationaux en matière de réfugiés et des normes contraignantes.
Je crois que la Cour suprême a commis là une erreur, une erreur embarrassante qu'il faut maintenant corriger. Le Parlement peut prendre l'initiative à cet égard. Je pense que vous avez dans vos mains la possibilité de légiférer pour faire disparaître cette possibilité, de réaffirmer la morale et de dire que nous ne renvoyons personne à la torture. Inscrivez cela ici et le problème sera réglé, car nous avons aujourd'hui le problème où des avocats du ministère public demandent à expulser des gens vers la torture.
Je garde les autres recommandations pour plus tard. Je terminerai simplement en disant que nous avons besoin d'une procédure équitable et efficace et que je vous invite à rendre visite personnellement à ces gens chez eux, dans leur foyer, et je peux organiser cela. Ils ne sont pas aussi effrayants qu'on veut le faire croire. En fin de compte, ce sont des êtres humains comme vous et moi.
J'ai reçu un appel la veille de mon départ pour vous rencontrer de l'un de ces messieurs. Il m'a dit « s'il vous plaît », dites-leur — leur, c'est vous — « que ce n'est pas de moi qu'il s'agit. Mes enfants sont maintenant prisonniers ». Il ne peut aller dans sa cour. Il n'a pu se rendre aux prières de l'Eid. Bien qu'il suive toute les règles, on lui refuse purement et simplement.
Donc, en fin de compte, ce qui est en jeu, ce sont les familles et la justice.
Je répondrai volontiers à vos questions.
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Merci, monsieur le président. Veuillez excuser mon retard. J'ai été coincé pendant une heure sur la 417, à l'entrée d'Ottawa, à cause d'un accident devant moi.
Je suis Warren Allmand. J'accompagne Roch Tassé, représentant l'International Civil Liberties Monitoring Group, qui est une coalition de plus de 30 ONG, syndicats, groupements religieux et autres organisations de la société civile qui se sont rassemblés après le 11 septembre 2001 pour surveiller l'effet des mesures antiterroristes sur les droits de la personne et militer contre les violations des normes nationales et internationales en matière de droits de la personne.
Comme vous le savez, le 23 février 2007, la Cour suprême a jugé à l'unanimité que les certificats de sécurité utilisés pour détenir des suspects de terrorisme sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés étaient anticonstitutionnels. Les certificats permettaient aux fonctionnaires de recourir à des audiences de tribunal secrètes, des allégations non prouvées, des peines de prison indéfinies et des expulsions sommaires à l'égard de ressortissants étrangers accusés d'avoir des liens terroristes.
La juge en chef McLachlin, s'exprimant pour l'ensemble de la Cour, a statué que les procédures d'examen du caractère raisonnable d'un certificat de sécurité contrevenaient à l'article 7 de la Charte. Elle a ajouté, au début de son jugement :
Le droit à une audition équitable comprend le droit à une audition devant un magistrat indépendant et impartial, qui rend une décision fondée sur les faits et sur le droit, le droit de chacun de connaître la preuve produite contre lui et le droit d'y répondre. Bien que les procédures établies par la LIPR tiennent compte, à bon droit, des exigences propres au contexte de la sécurité, les questions de sécurité ne peuvent servir à légitimer, à l'étape de l'analyse fondée sur l'article 7, une procédure non conforme à la justice fondamentale. En l'occurrence, le régime établit par la LIPR inclut une audition et satisfait à l'exigence de l'indépendance et de l'impartialité du juge, mais le secret requis par le régime empêche la personne désignée de savoir ce qui lui est reproché et, partant, de contester la thèse du gouvernement.
Un peu plus loin, au paragraphe 54 de ses attendus — et je pense qu'il importe de citer le passage — elle écrit :
Sous le régime du certificat établi dans la LIPR, il est possible que la personne désignée n'ait pas accès à la totalité ou à une partie des renseignements produits contre elle, ce qui l'empêche de savoir ce qu'elle doit prouver. Il se peut que, privée de cette information, elle ne soit pas en mesure de corriger les erreurs, relever les omissions, attaquer la crédibilité des informateurs ou réfuter les faussetés.
Au paragraphe 64, elle dit :
... le principe selon lequel une personne dont la liberté est en jeu doit savoir ce qu'on lui reproche. En l'espèce, ce principe n'a pas été simplement restreint, il a été vidé de sa substance.
Ce sont là ses termes: « a été vidé de sa substance ». Elle poursuit :
Comment peut-on réfuter des allégations dont on ignore tout?
Elle continue en disant que cette violation de l'article 7 et des articles 9 et 10 n'est pas légitimée par l'article 1 de la Charte. Comme vous le savez, il est possible de contrevenir à certains articles de la Charte à condition de respecter les normes de l'article 1. Elle dit que ces atteintes ne sont pas conformes à l'article 1 et sont donc invalides.
Enfin, elle statue que la déclaration est suspendue pendant un an à compter de la date du jugement, afin de donner le temps au gouvernement de mettre en place une procédure qui répond aux exigences de la Constitution.
La seule différence majeure entre le projet de loi et la loi antérieure est l'introduction du défenseur. Les dispositions qui empêchent la personne de savoir ce qu'on lui reproche restent inchangées. Par conséquent, après un examen attentif, on est forcé de conclure que cette disposition — la disposition du défenseur — ne surmonte pas les arguments de la Cour suprême et sa déclaration d'illégalité. Elle ne sauve pas ou n'assainit pas le mécanisme du certificat de sécurité. Il n'y a toujours pas de garantie de procédure et les articles 7, 9 et 10 de la Charte ne sont toujours pas respectés.
Monsieur le président, l'affirmation que la Cour suprême a recommandé cette solution, la solution du défenseur telle qu'établie dans ce projet, est fausse. La juge en chef McLachlin a fait référence à plusieurs modèles possibles — le modèle du CSARS , les articles 37 à 39 de la Loi sur la preuve au Canada, le mécanisme employé lors du procès d'Air India, celui employé lors de l'enquête Arar, et le système de l'avocat spécial du Royaume-Uni — mais elle n'a donné son approbation à aucun d'entre eux.
Au paragraphe 87 de son jugement, elle écrit :
Des mécanismes conçus au Canada et à l'étranger démontrent que le législateur peut faire mieux qu'il ne l'a fait dans la LIPR pour protéger les individus tout en préservant la confidentialité des renseignements sensibles. C'est au législateur qu'il appartient de déterminer précisément quels correctifs doivent être apportés, mais il est évident qu'il doit faire davantage pour satisfaire aux exigences d'une société libre et démocratique.
Puis, au paragraphe 61, toujours sur le même sujet, elle dit :
La non-communication dans le contexte de la sécurité nationale, dont l'étendue peut être assez vaste, ajoutée aux graves atteintes portées à la liberté d'une personne détenue, rend difficile, voire impossible, le recours à une solution de rechange qui satisfasse à l'article 7. La justice fondamentale exige que soit respecté, pour l'essentiel, le principe vénérable voulant qu'une personne dont la liberté est menacée ait la possibilité de connaître la preuve produite contre elle et d'y répondre.
Puis, à la fin de ce paragraphe, elle écrit :
Pour respecter l'article 7, il faut soit communiquer les renseignements nécessaires à la personne visée, soit trouver une autre façon de l'informer pour l'essentiel. Ni l'un ni l'autre n'a été fait en l'espèce.
Bien entendu, elle parle là de la situation qui était en place avant le pourvoi en Cour suprême.
Monsieur le président et membres du comité, sous le régime du projet de loi, un juge peut toujours autoriser un certificat de sécurité sur la base d'allégations vagues et indéfinies plutôt que d'accusations précises, sur la base de renseignements secrets et de valeurs douteuses. Et le projet de loi n'interdit pas, comme mon collègue vient de le dire, l'usage de renseignements arrachés sous la torture.
Le projet de loi constitue une dérogation sérieuse aux valeurs juridiques de ce pays car il trahit la relation avocat-client exigée par la Charte: la personne ne choisit pas le défenseur qui lui est attribué. Le projet de loi donne des pouvoirs accrus aux agents de police et de renseignement, lesquels ont commis dans le passé de graves erreurs; et il peut aboutir à une détention de durée indéterminée sur la base d'une faible norme de preuve. La norme de preuve, comme vous le savez, est le caractère raisonnable du certificat, et non une preuve irréfutable.
Ceux qui produisent l'information à l'appui des certificats de sécurité sont les mêmes que ceux qui ont dit que Maher Arar et sa femme étaient des extrémistes islamistes liés au mouvement terroriste al-Qaïda; que M. Arar était à Washington le 11 septembre 2001, alors qu'il était à San Diego; qu'il était venu de Québec lorsqu'il a pris un café à Ottawa avec M. Almalki, alors qu'il vivait à Ottawa; qu'il avait refusé un entretien avec la police, alors qu'en fait il avait accepté l'entrevue en compagnie de son avocat; et qu'ensuite il était parti soudainement en Tunisie, après cette demande d'entretien, alors qu'en fait il n'est parti que cinq mois plus tard.
Je vous le demande, membres du comité, est-ce là le type de renseignements sur lesquels fonder une détention de longue durée? Aux termes du projet de loi , le défenseur aurait accès aux renseignements secrets mais ne pourrait en parler avec la personne concernée. Non seulement cette dernière n'aura-t-elle pas l'occasion de les réfuter ou de justifier ses actes, mais elle n'aura la possibilité de produire aucune autre preuve à l'appui de ses affirmations. Les informateurs pourraient même écarter certains renseignements positifs qui pourraient être utiles à l'intéressé, simplement pour renforcer leur argumentation contre lui.
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Canada a ratifié en 1976, stipule ce qui suit, à l'article 14, paragraphe 3(a). « Toute personne a droit... à être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu'elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle ».
Je vous demande pardon?
:
Merci, monsieur le président.
Je voudrais d'abord offrir mes sincères condoléances à Mme Basnicki pour ses souffrances.
Vous êtes très éloquente et sincère lorsque vous reconnaissez les limites de vos connaissances en droit. Pour vous consoler, je vous dirai que je pratique le droit depuis 1966, que j'ai été ministre de la Justice et que j'ai eu énormément de difficulté à comprendre ces différents projets de loi. J'ai donc dû les relire plusieurs fois pour en comprendre toutes les implications. Je crois que vous allez nous faire un petit peu confiance.
Je voudrais dire à tous les témoins qu'après avoir lu le projet de loi du gouvernement, je crois qu'il serait contesté avec succès devant la Cour suprême du Canada. Pour le moment, mon but est vraiment de chercher à l'améliorer afin qu'il passe le test de la Cour suprême, s'il y avait une consultation. La Cour suprême reconnaît qu'on a besoin d'une procédure spéciale, qu'on a besoin d'avoir recours à des moyens de preuve inhabituels, mais indique que notre processus doit se rapprocher le plus possible de celui des procès criminels.
Je vais poser des questions pointues; voici la première. Je comprends que vous êtes tous contre l'utilisation d'une preuve qui a été obtenue suite à de la torture. Je remarque cependant que les témoins qui viennent devant nous, lorsqu'ils écrivent un texte, parlent des déclarations qui ont été obtenues par la torture.
Que pensez-vous de la preuve matérielle? Je vous donne un exemple concret. Imaginons que dans un pays comme la Syrie on ait trouvé un important dirigeant d'une organisation terroriste, et qu'après l'avoir torturé, on soit allé chez lui et qu'on y ait trouvé une cachette dans laquelle il y avait des informations sur le réseau qu'il dirigeait. Dans cette cachette, on aurait trouvé les noms de code, les façons de communiquer avec les gens et de les identifier. Évidemment, la cassette ou les informations parleraient d'elles-mêmes.
Croyez-vous que dans de telles circonstances, une preuve matérielle puisse être effectivement prise en considération par le juge à qui on la soumet?
:
Je peux en dire quelques mots. Si l'on regarde les choses d'un point de vue logique et légal, à la lumière des principes, cela ne tient pas debout. Je sais que nous sommes ici sur un terrain politique et que le droit ne s'y applique pas de la même façon, et c'est pourquoi je vous soumets des recommandations.
Donc, par principe, nous préférerions que cela soit ou transféré dans la procédure pénale où il y a des protections, même pour les preuves touchant la sécurité nationale, depuis l'adoption de la Loi antiterroriste — et je laisserai mon collègue, M. Allmand, vous en dire plus à ce sujet — ou bien que l'on importe dans cette loi les normes du droit pénal.
J'aimerais apporter un petit rectificatif à ce que Mme Basnicki a dit, à savoir qu'il ne s'agit pas ici d'une détention punitive. La Cour suprême s'est prononcée là-dessus, car maints jugements de la Cour fédérale disaient non, ce n'est pas punitif, et établissaient cette distinction. Mais à la Cour suprême, madame la juge en chef McLachlin a opiné que, oui, il s'agit bien de ce que nous savons que c'est. Ça marche comme un canard, ça cancane comme un canard. C'est une détention punitive. Être détenu au secret pendant sept ans... C'est de la détention. C'est punitif. Il faut de meilleures procédures et normes.
Je dirais donc que nous utilisons ici des principes de droits administratifs, la notion de raisonnable. Ceux d'entre vous qui êtes avocats spécialisés en droit administratif savent que c'est la norme la moins rigoureuse, celle qui privilégie le plus le ministère public.
Je dirais donc que, si nous n'importons pas des criminels, idéalement, dans le monde de mes rêves, nous appliquerions intégralement la norme du doute raisonnable du droit pénal. À défaut, envisagez au moins une norme telle que le juge ne puisse pas dire: « Eh bien, la norme de caractère raisonnable dit que sur ce que le ministre a choisi, sur toute la pile d'éléments de preuve, je choisis trois choses sur la centaine d'éléments incriminants et décide que vous êtes une menace pour la sécurité, monsieur Mayes ». Est-ce raisonnable? Bien entendu, si vous vous en tenez à ce que vous l'on met sous les yeux, ce sera toujours raisonnable. Vous avez donc cette logique circulaire. Je dis qu'il faut déplacer la norme.
À l'autre bout du spectre administratif, il y a le bien-fondé. Le ministre doit veiller soigneusement à prendre la bonne décision et le juge peut poser des questions plus exploratoires tel que: vous auriez dû considérer ceci, tel élément est faible.
Je pense que cela vaudrait mieux, car c'est réellement une recherche de la vérité que nous voulons. Déplacez la norme vers le bien-fondé. Si vous voulez le bien-fondé, je vous encourage à faire cela, à placer la norme quelque part dans le milieu, oui, mais n'utilisez pas le caractère raisonnable, car c'est là essentiellement une norme de droit administratif qui régit les choses comme les chiens errants, etc. Ce n'est pas la norme que nous voulons ici, car (a), nous parlons là d'éventuelles menaces à la sécurité nationale, censément, et il ne s'agit pas de ce contenter de normes lâches et, (b), des innocents se voient persécuter pour des choses qu'ils n'ont pas commises.
Donc, pour ces deux raisons, il faut des normes plus strictes afin de découvrir la vérité.
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Monsieur MacKenzie, pour que les choses soient claires et bien comprises, les Musulmans de ce pays sont des Canadiens. Nous sommes fiers d'être Canadiens. Nous partageons nombre des valeurs de ce pays. Nos valeurs ne sont pas différentes des valeurs canadiennes.
Je tenais à ce que cela soit dit afin qu'il n'y ait aucun malentendu.
J'ai commencé ma déclaration par une condamnation sans équivoque de la violence contre tout civil, mais malheureusement al-Qaïda n'est pas le seul groupe et les groupes terroristes ne sont pas des terroristes d'État, nous le savons. Je suis né en Afrique du Sud sous un régime d'État terroriste, et il y a beaucoup d'autres exemples. Je ne vais pas les citer tous.
Nous n'allons pas changer le monde entier en adoptant cette loi et en compromettant nos valeurs fondamentales. Je ne suis pas ici comme juriste théoricien qui considère la Charte comme un document idéaliste. À l'évidence, les normes de droit pénal, la procédure contradictoire — il peut vous en parler mieux que moi car il est l'expert — ne servent pas seulement à protéger les criminels. La raison d'être fondamentale de notre système, la procédure contradictoire, consiste à trouver la vérité afin que nous soyons tous plus en sécurité.
En fin de compte, nombre de ces hommes ont dit: « Montrez les preuves. Voyons en quoi elles consistent, et si j'ai fait quelque chose de mal, alors que l'on me punisse ». C'est tout ce qu'ils demandent. En fin de compte, il ne s'agit pas seulement... Certaines de ces personnes ont fait leur vie ici, et ce n'est pas seulement une question de ne pas les renvoyer vers la torture.
Le problème des criminels qui arrivent à la frontière et se voient refoulés est sensiblement différent de celui de gens qui ont des enfants ici, qui se sont établis ici et y ont fait leur vie, et c'est là le genre de personnes que l'on veut expulser.