Nous en sommes à la 6e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale qui poursuit son examen du projet de loi , Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (certificat et défenseur) et une autre loi en conséquence.
Cet après-midi, nous accueillons au comité plusieurs témoins: le Barreau du Québec, l'Association du Barreau canadien; et la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada
D'après ce qu'on m'a dit, vous vous êtes entendus entre vous pour que l'Association du Barreau canadien passe en premier, suivie de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, et ensuite, en dernier lieu, du Barreau du Québec.
La procédure normale du comité consiste à prévoir 10 minutes pour l'exposé liminaire de chacun d'entre vous. Ensuite, nous ouvrirons la période des questions.
Si vous êtes prêts à commencer, veuillez vous présenter brièvement avant de passer directement à votre exposé liminaire.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Tamra Thomson, et je suis la directrice de la Législation et de la réforme du droit à l'Association du Barreau canadien. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Isabelle Dongier, membre de notre Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté et un membre de l'équipe d'avocats qui a rédigé le mémoire qui est soumis aujourd'hui.
Peut-être faudrait-il commencer par vous expliquer brièvement les différences entre les divers groupes qui comparaissent devant vous aujourd'hui. La Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada est un organisme cadre représentant les différents organismes chargés de réglementer la profession d'avocats et les ordres professionnels. Le Barreau du Québec est justement un de ces organismes, ce dernier étant chargé de réglementer la profession d'avocat dans la province de Québec.
L'Association du Barreau canadien se distingue de ses collègues, les organismes de réglementation, en ce sens que, même si nous sommes tous avocats et membres d'un barreau, nous sommes une association professionnelle qui joue le rôle de porte-parole des avocats. Nos principaux objectifs comprennent, entre autres, l'amélioration du droit et de l'administration de la justice.
C'est dans cette optique que nous avons préparé le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui, et nous serons à votre disposition par la suite pour répondre à vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je suis honorée de comparaître aujourd'hui devant le comité afin de contribuer à faire avancer votre travail important sur le projet de loi C-3.
Le droit à une audition impartiale correspond à une valeur fondamentale qui est au coeur de l'administration de la justice au Canada. L'origine de ce droit remonte à l'époque de la Grand Charte. Il nous distingue des dictatures, des autocraties et des oligarchies. Il nous définit comme une véritable démocratie qui protège les droits du citoyen individuel contre les pouvoirs de l'État. Le principe qui sous-tend ce droit est que la fin ne justifie pas les moyens.
L'Association du Barreau canadien, comme tous les citoyens canadiens, dénonce le terrorisme, bien entendu. Le gouvernement a le devoir légitime de protéger ses citoyens, mais ce faisant, nous ne devons pas compromettre nos valeurs les plus fondamentales.
La Cour suprême du Canada a déclaré, dans l'arrêt Charkaoui, que la protection de la sécurité nationale ne justifie pas l'absence d'une contestation indépendante des arguments du gouvernement. Selon nous, le projet de loi C-3, dans son état actuel, ne répond pas aux préoccupations constitutionnelles soulevées par la Cour suprême dans l'arrêt Charkaoui. Il ne va pas aussi loin qu'il le pourrait pour garantir la protection du droit à une audition impartiale ou pour s'assurer que l'intéressé a le droit de connaître les charges qui pèsent sur lui.
On vous a déjà fourni certaines explications à ce sujet ce matin, mais permettez-moi de vous rappeler pourquoi il en est ainsi en vous citant un certain nombre d'exemples. Le projet de loi C-3 ne permet pas au défenseur de remettre en question ou contester la preuve de manière adéquate. De plus, il maintient la possibilité que la validité de certaines preuves secrètes ne soit pas vérifiée du fait de ne pas être communiquées au juge et au défenseur. Le projet de loi permet au gouvernement d'avoir recours à des éléments de preuve obtenus sous la torture. Il ne définit pas la relation entre le défenseur et l'intéressé, et il ne présente pas suffisamment de détails au sujet de ce en quoi consiste le rôle du défenseur. En outre, il ne garantit pas la présence d'une infrastructure suffisante pour soutenir le travail des défenseurs.
Ces éléments et d'autres sont expliqués dans notre mémoire écrit, et nous y recommandons également un certain nombre de changements qui permettront d'assurer la conformité de cette mesure législative avec la Charte. Ce matin, vous avez entendu les propos de M. Waldman et du professeur Forcese, et vous remarquerez certainement bon nombre de similitudes entre nos positions respectives. L'ABC cautionne les changements qu'ils ont recommandés.
À notre avis, il doit exister, pour le gouvernement, l'obligation expresse de communiquer la totalité de la preuve au juge et au défenseur, et pas uniquement les renseignements sur lesquels repose son argumentation.
Je voudrais aussi aborder deux aspects de la relation qui peut exister entre le défenseur et l'intéressé. Premièrement, le rôle du défenseur consiste à protéger les intérêts de l'intéressé, mais pour qu'il puisse réellement contester la preuve produite par le gouvernement de manière éclairée, il doit pouvoir, de plein droit, communiquer avec l'intéressé même après la divulgation des preuves secrètes. Comme vous l'a dit M. Waldman ce matin, bien entendu, le défenseur aurait néanmoins l'obligation de ne pas divulguer les éléments de preuve secrets. Deuxièmement, même si le défenseur ne serait pas lié par le secret professionnel, en ce qui concerne sa relation avec l'intéressé, à notre avis, il ne devrait pas être tenu de révéler les renseignements qui lui auraient été communiqués par cette personne. Il faut absolument éviter que le défenseur devienne un outil de l'État pour attaquer l'intéressé.
Nous faisons plusieurs recommandations dans notre mémoire. À notre avis, tous ces changements sont nécessaires afin de respecter les impératifs constitutionnels qui ont été définis par la Cour suprême, et nous vous demandons donc de recommander l'adoption de ces mêmes changements à la Chambre.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Michael Milani. Je suis de Regina, en Saskatchewan, et je me présente devant vous en ma qualité de président de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada. Je suis accompagné de Mme Frederica Wilson, qui est notre directrice des Politiques et des affaires publiques.
Comme notre nom l'indique, et comme mon amie, Mme Thomson, vous l'a déjà expliqué, la Fédération représente l'organisme cadre dont le rôle consiste à réglementer les 95 000 avocats et 3 500 notaires du Québec. Aux termes de la loi, nous sommes tenus de régir la profession d'avocat conformément à l'intérêt public. Chaque barreau a la responsabilité de régir le comportement de ses membres. Et je tiens à préciser, pour la gouverne des membres du comité, que la Fédération et les ordres professionnels qui en sont membres n'agissent pas dans l'intérêt des avocats. Ils ont pour mandat de réglementer l'activité des avocats, et ce dans l'intérêt du public.
Ainsi la Fédération et ses membres reconnaissent qu'il est extrêmement difficile d'établir le bon équilibre entre la sécurité nationale et la protection des droits civils et humains. La nécessité de protéger le public contre la menace du terrorisme donne nécessairement lieu à certaines restrictions en ce qui concerne les droits civils et humains que peuvent exercer les citoyens, les résidents permanents et les ressortissants étrangers. Nous devons être vigilants et surveiller de près toute mesure législative qui est trop large ou qui compromet de façon déraisonnable les droits en question. Depuis l'adoption de mesures antiterroristes à la suite des événements du 11 septembre, la Fédération s'est prononcée sur cette question à plusieurs reprises, en préconisant l'adoption de mesures appropriées afin de garantir la protection des Canadiens, et ce en nuisant le moins possible aux importants principes qui sous-tendent la primauté du droit.
Le fait qu'une personne puisse être privée de sa liberté en fonction d'éléments de preuve auxquels ni l'intéressé, ni son avocat, ne peuvent répondre constitue sans aucun doute une atteinte à ses droits et une attaque contre notre plus profonde conception de la justice. La nomination d'un défenseur représente une tentative pour répondre à de telles préoccupations, et je précise que la Fédération est favorable à la création d'un système de défenseur. Il importe de reconnaître, cependant, que la simple nomination d'un défenseur ne permettra pas d'éliminer la violation de certains droits, qu'une telle démarche n'aboutira pas nécessairement à ce que nous, comme Canadiens, considérons, de par nos traditions, comme étant un procès équitable. Pour cette raison, il est d'autant plus important que ces droits soient compromis le moins possible et que toutes les mesures nécessaires soient prises afin de s'assurer que le défenseur sera aussi efficace que possible du point de vue de la protection des intérêts de l'intéressé.
Le comité a de grandes responsabilités et l'occasion rêvée d'aider à créer un système qui garantit que l'objectif global de la protection de la sécurité du Canada et de sa population contre le terrorisme est atteint et que, en même temps, l'on prévoie une procédure qui est plus juste à l'endroit de l'intéressé. La Fédération possède une expertise particulière relativement aux questions touchant le rôle du conseiller juridique dans le maintien de la primauté du droit et de l'administration de la justice, ainsi qu'une compréhension particulière de la nature et de l'importance de la relation entre l'avocat et les personnes qu'il représente. Pour cette raison, je vais me concentrer tout particulièrement, dans mes remarques liminaires, sur la relation spéciale entre le défenseur et l'intéressé qui fait l'objet du certificat de sécurité.
Il va sans dire que le défenseur doit être avocat, mais nous vous faisons remarquer que le projet de loi ne le précise pas. Nous vous soumettons respectueusement qu'un tel changement est fort simple et tout à fait approprié. Nous comprenons le besoin de secret mais, selon nous, pour que cette relation soit fructueuse, le projet de loi doit expliciter la nature de la relation entre le défenseur et l'intéressé. En d'autres termes, le projet de loi indique très clairement que le secret professionnel de l'avocat ne s'applique pas, mais il ne va pas plus loin, puisqu'il ne décrit pas la nature précise de cette relation, alors qu'il faut absolument le faire pour que le régime que propose le projet de loi puisse donner satisfaction.
Premièrement, il faut préciser que tous les renseignements fournis au défenseur par l'intéressé doivent rester strictement confidentiels. La confidentialité est l'une des caractéristiques du secret professionnel, et en supprimant cette relation, l'exigence de la confidentialité absolue disparaît, à moins d'être explicitée. Même si le fait de prévoir une obligation de stricte confidentialité ne signifie pas qu'il y aura une relation client-avocat, et même s'il est clair que la conduite des avocats est régie par des ordres professionnels même en dehors de la relation client-avocat, notre proposition assure une protection très solide sur ce plan-là. Étant donné que le projet de loi élimine les protections qui existent normalement dans le cadre d'une relation client-avocat, il faut les rétablir, et la mesure principale consisterait à exiger que tout renseignement communiqué au défenseur demeure strictement confidentiel.
En plus du devoir de confidentialité, nous soumettons respectueusement que le défenseur doit avoir la possibilité de s'entretenir avec l'intéressé, même après avoir examiné des éléments de preuve secrets. D'autres qui ont comparu devant le comité vous ont fait la même remarque, mais je présente la question dans l'optique de la profession d'avocat et des organismes chargés de réglementer cette dernière.
Les défenseurs seront des avocats ayant les compétences et l'expérience voulues pour traiter des renseignements délicats et s'assurer de respecter les obligations déontologiques et légales qui touchent de tels renseignements. On a eu recours à des formules semblables dans d'autres circonstances.
Dans notre mémoire écrit, nous faisons allusion au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Personne n'a jamais laissé entendre qu'il y avait eu des manquements à cette obligation de confidentialité au cours des 20 ans que ce système est en place. Une formule semblable a été adoptée pour la Commission d'enquête Arar et le procès qui s'est déroulé dans l'affaire Air India lorsqu'il s'agissait de preuves secrètes.
Si l'on ne permet pas au défenseur de continuer à parler avec l'intéressé après avoir pris connaissance des preuves secrètes, le défenseur risque de ne pas être en meilleure posture que le juge de première instance dans l'affaire examinée par la Cour suprême, ce qui a conduit en partie au jugement de la Cour suprême.
Il est évident que le projet de loi s'appuie sur le modèle législatif qu'on retrouve au Royaume-Uni. Or ce système a certains défauts. Le 31 octobre de cette année, la Chambre des lords a déclaré que le fait d'avoir un régime de défense n'était pas suffisant pour assurer l'efficacité du processus. Ce régime doit également être approprié et efficace.
Le comité a reçu les témoignages de responsables ministériels qui ont déclaré qu'il sera possible de régler ces problèmes dans le règlement d'application. À notre humble avis, il n'est pas approprié de régler des problèmes fondamentaux dans un instrument de cette nature, à supposer que l'on puisse en arriver à une solution d'ordre réglementaire. Il est essentiel que le texte du projet de loi soit clair et complet et que ce dernier reconnaisse l'importance fondamentale du défenseur, son indépendance, son devoir de confidentialité, le droit de l'intéressé de choisir le défenseur, et la nécessité d'autoriser le défenseur à continuer à consulter l'intéressé. Tous ces éléments devraient figurer dans le texte de loi.
Mesdames et messieurs, le Canada a été un chef de file dans l'élaboration d'une Loi antiterroriste solide et efficace, mais toujours dans un contexte d'application régulière de la loi et de procédures justes et équitables. Le Canada peut apprendre de ce que d'autres ont fait, mais doit surtout éviter de refaire les mêmes erreurs. Le monde entier sera très intéressé à connaître la ligne de conduite adoptée par le Canada dans ce domaine.
Je vous remercie.
Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions en temps et lieu.
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Bonjour, mon nom est Pierre Poupart. Je suis avocat au Barreau du Québec. Je suis accompagné de Me Langlais, avocat spécialisé en matière d'immigration, et de Me Nicole Dufour, responsable du Service de recherche et de législation au Barreau du Québec.
Dans un premier temps, permettez-moi de souligner que le Barreau du Québec est un ordre professionnel dont la mission première est la protection du public. Il constitue une institution essentielle dans l'organisation d'une société comme la nôtre basée sur la règle de droit. À ce titre, il assure sa responsabilité sociale en défendant certaines valeurs fondamentales propres à une société libre et démocratique dont, notamment, l'égalité de tous devant la loi et le respect des droits de la personne.
Le rapport de travail qui a été, je l'espère, fourni aux membres de ce comité est le fruit d'une longue réflexion à l'intérieur de laquelle des gens du Comité sur les droits de la personne du Barreau du Québec, du Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté, de même que du Comité en droit criminel ont réfléchi, je dois le dire, profondément et pendant de longs mois.
Le 23 février 2007, la Cour suprême, dans l'affaire Charkaoui, a reconnu l'utilité des objectifs de sécurité poursuivis par la procédure de certificat de sécurité, en spécifiant toutefois que cela ne devrait pas se faire aux dépens de l'équité procédurale et des principes de justice fondamentale. Le gouvernement canadien a déposé, le 22 octobre dernier, le projet de loi qui maintient l'usage de renseignements secrets tout en proposant de mettre en place un système de défenseurs. Le Barreau du Québec s'interroge sur le bien-fondé d'une telle solution qui ne semble pas répondre aux exigences requises par les principes d'équité procédurale et de justice fondamentale.
En ce qui a trait d'abord au maintien de l'usage de renseignements secrets, la personne visée par un certificat de sécurité se retrouve toujours privée de certains droits fondamentaux prévus notamment à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, dont une divulgation de la preuve et le droit à une audition équitable. Le législateur semble avoir opté pour la mise en place du défenseur afin de pallier le problème de justice fondamentale soulevé plus haut.
Notre premier commentaire porte sur le fait que ce défenseur n'est pas nécessairement membre d'un ordre professionnel régissant la conduite des avocats. En ce qui a trait au rôle du défenseur, le projet de loi parle d'un rôle de défense des intérêts de l'intéressé dans certaines circonstances. Cependant, il y a lieu de s'interroger sur cette fonction principale qui relève en général d'un avocat. En effet, dans le cas particulier du défenseur, celui-ci est retenu et peut être congédié par le juge. De plus, comme nous l'avons souligné, après avoir pris connaissance des renseignements secrets, le défenseur ne peut plus, sauf autorisation du juge, communiquer avec le principal intéressé. Cette procédure mine, selon nous, l'essence même du devoir de représentation.
Finalement, il est exprimé au paragraphe 85.1(3) que les rapports entre le défenseur et l'intéressé ne sont pas ceux qui existent entre un avocat et un client, ce qui, pour les juristes que nous sommes, ne laisse pas d'étonner. Par conséquent, le défenseur ne semble pas être soumis aux obligations déontologiques de l'avocat et il n'y aurait pas de mécanisme de contrôle des actes du défenseur par le Barreau du Québec. En tant qu'ordre professionnel dont la responsabilité première est justement la protection du public, le Barreau s'interroge sur la protection offerte à la personne visée par un certificat de sécurité sous l'égide du libellé actuel de ce projet de loi.
La solution que nous proposons concilie les impératifs de la sécurité nationale et les droits procéduraux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Dans ce contexte, il faut s'assurer de la qualité de la preuve requise avant de conclure à la détention indéterminée d'une personne ou à son expulsion.
Plusieurs questionnent le régime actuel « eu égard au contenu de la preuve ». Essentiellement, il s'agit d'allégations ou de renseignements donnés par les services du renseignement de différents pays. Ces renseignements peuvent ne pas respecter les critères de fiabilité reconnus par notre système judiciaire, tant au niveau civil que criminel.
Dans la situation actuelle, la preuve est constituée de renseignements dont la valeur probante est jugée selon le critère « des motifs raisonnables de croire »; voir l'article 33 de la loi. Retenir en preuve des renseignements selon cette norme de preuve emporte des conséquences sérieuses si les renseignements ne sont pas vérifiables, car ceux-ci peuvent avoir été obtenus de diverses sources, dont certaines peuvent être fiables et d'autres moins, sans oublier, comme d'autres l'ont mentionné plus tôt, que certains des renseignements peuvent avoir été obtenus sous la torture ou sous d'autres formes de contrainte, moins spectaculaires mais non moins efficaces.
Les conséquences sur les individus visés par ces preuves peuvent entraîner l'expulsion vers la torture ou, pire, leur être fatales. Il importe alors d'avoir un mécanisme fiable d'analyse des renseignements pour compenser les faiblesses du régime de preuve. Afin d'assurer le respect des normes procédurales, il est nécessaire d'atteindre un niveau de protection des droits équivalent à celui reconnu en droit criminel, donc le droit à l'avocat qui est reconnu constitutionnellement au Canada.
Or, ce droit perd son sens si je juriste n'a pas la possibilité de représenter adéquatement son client, ce qui serait manifestement le cas si la structure actuelle était préservée. Ainsi donc, l'utilisation d'éléments secrets ou de renseignements dans la procédure relative aux certificats de sécurité est contraire aux valeurs de justice et d'équité.
La solution retenue doit prévoir une procédure assurant le respect des droits de façon équivalente à celle prévalant en matière criminelle. De plus, le processus doit permettre au tribunal de mettre fin à la procédure lorsque, notamment, la preuve est insuffisante ou non fiable, et la continuation de cette procédure inéquitable perpétuerait le préjudice et porterait atteinte à l'intégrité du système judiciaire.
Le tribunal doit avoir accès à l'ensemble des éléments à être utilisés et avoir le pouvoir, suite à un débat contradictoire, de décider de ceux qui seront divulgués, ainsi que de leur validité, selon les principes de preuve reconnus en droit pénal.
Comme l'indiquait lord Hoffman :
[Traduction]
La véritable menace qui pèse sur la vie d'une nation, dans le sens d'un peuple qui vit conformément à ses lois traditionnelles et ses valeurs politiques, n'est pas le terrorisme, mais plutôt des lois comme celles-ci.
[Français]
Il faisait référence à une législation similaire dans un autre continent.
Cela étant dit, voici une excellente occasion de ne pas être dominé, nous semble-t-il, par la peur qui, bien qu'étant le commencement de la sagesse, ne doit pas, dans une société libre et démocratique, être le moteur à partir duquel les lois seront rédigées. L'article 7 de la Charte, s'il veut dire quelque chose, est un article qui prévoit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Sauf erreur, les gens qui ne sont pas encore des citoyens canadiens sont certainement des « chacun » et, à ce titre, ont droit à des protections mutatis mutandis aussi rigoureuses que celles qui échoient aux citoyens canadiens.
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Avant de commencer à interroger les témoins, monsieur le président, je voudrais mentionner que je viens du Barreau du Québec, que j'ai eu l'honneur de diriger comme bâtonnier en 1986-1987. Je peux donc vous dire que le Barreau du Québec a choisi 14 avocats parmi les plus compétents que je connaisse en cette matière pour préparer son rapport. Il a choisi l'un des meilleurs d'entre eux pour les représenter, Me Pierre Poupart. Je l'ai bien connu dans la pratique, au point où lorsque des gens viennent encore me consulter en pensant que je pourrais leur être utile, c'est à Me Poupart que je les réfère.
D'abord, je vais poser une série de brèves questions en soulignant tout de suite que c'est peut-être notre deuxième rencontre officielle, mais que dans toutes les rencontres que nous avons eues, à peu près les mêmes défauts ont été relevés et, la plupart du temps, les mêmes solutions nous ont été proposées.
Comme nous n'avons que six minutes, je vais poser des questions assez pointues.
J'ai remarqué une différence entre l'Association du Barreau canadien et d'autres quant à l'absence d'obligation au secret professionnel de l'avocat spécial.
Vous avez dit :
[Traduction]
Il ne devrait pas être tenu de divulguer les renseignements qu'on lui communique.
[Français]
Je pense que le secret professionnel va plus loin. Le secret professionnel veut que l'avocat ait l'obligation de ne pas divulguer.
Êtes-vous d'accord avec les autres pour dire que cette obligation devrait exister pour l'avocat spécial?
Il y a quelque chose dont on ne parle pas du tout dans la loi actuellement, mais qui semble implicite, c'est que quelqu'un devrait pouvoir aller voir son avocat et que celui-ci puisse communiquer avec l'avocat spécial éventuellement. Cela améliorerait le système. Mais quels seraient alors les rapports de l'avocat spécial une fois qu'il aurait pris connaissance des informations secrètes, vu qu'il pourrait voir librement l'avocat de la personne intéressée?
Vous voyez-vous dans ce rôle? Que quelqu'un vienne vous voir... Vous, par exemple, maître Poupart, vous faites de la pratique privée. Quelqu'un viendrait vous voir pour cela, vous lui expliqueriez les procédures à prendre, mais il a confiance en vous et il voudrait que vous l'accompagniez.
Dans ce contexte, vous voyez-vous travailler avec l'avocat spécial?
Je voudrais, tout d'abord, remercier chacune de vos associations de nous avoir envoyé des représentants pour nous faire part de vos opinions au sujet du projet de loi.
Pour vous situer un peu — je fais cela avec chaque nouveau groupe de témoins — je précise que le NPD est sans doute le seul parti politique qui n'est pas favorable au projet de loi et qui pense qu'il faut plutôt s'appuyer sur le modèle qu'on retrouve dans le Code criminel, comme c'est le cas d'au moins un ou deux autres témoins qui ont comparu ce matin, car à notre avis, ce projet de loi porte atteinte à certaines valeurs fondamentales de notre système. Cela dit, nous allons faire l'impossible pour éviter que les mesures retenues ici ne soient pas préjudiciables.
Il n'y a rien de pire qu'une affaire hypothétique; je comprends très bien cela. Par contre, si un citoyen canadien devait être accusé d'un complot terroriste visant à faire exploser le métro de Toronto, mettons, quelle serait la procédure à suivre, et quelle peine pourrait lui être infligée?
N'importe qui peut répondre. L'Association du Barreau canadien…?
Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, je dirais, pour avoir touché un peu à ce genre de dossiers, qu'il est inévitable qu'on se retrouve avec une masse colossale d'information à traiter. Une tête peut en prendre, mais il est préférable de partager le fardeau entre deux, trois ou quatre têtes.
Il est aussi préférable d'avoir sous la main un certain nombre d'experts pouvant être choisis. Évidemment, cela dépend de la position que nous avons, mais compte tenu de la position du Barreau du Québec, un individu se trouverait un avocat, et c'est ce dernier qui ferait les démarches pour retenir les experts dont il a besoin, dans l'esprit de la proposition. Il appartiendrait donc à l'individu d'aller chercher ces ressources, ce qui occasionne par contre de grands frais.
On souhaiterait pouvoir se battre à armes égales. Si on doit faire face à 100 individus de l'autre côté, il faudrait qu'il y ait quelques ressources de notre côté également.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
En examinant le projet de loi, et notamment l'article 77 concernant la délivrance des certificats, j'ai remarqué qu'il y est question de la nécessité, pour la personne visée, d'être suffisamment informée de la thèse du ministre et du fait que ce sera au juge de décider du caractère raisonnable ou approprié du certificat. C'est bien ça? C'est ça que prévoit le projet de loi? Très bien.
On pourrait avoir affaire à un détenu qui n'est pas nécessairement un criminel recherché par la justice, qui n'a pas nécessairement un casier judiciaire et dont on sait qu'il n'a pas commis d'actes constituant une atteinte aux droits internationaux ou aux droits de la personne, mais qui, en raison des documents le liant à d'autres personnes, pourrait être jugé une menace pour la sécurité publique. Vous êtes d'accord?
Donc, toute cette documentation est fournie au détenu et à son défenseur, et à ce moment-là, l'intéressé pourrait décider de nouer des liens avec des groupes pratiquant le crime organisé, par exemple. Peut-être qu'on a observé que, dans son pays d'origine, bien que ses déclarations d'impôt indiquent qu'il est plombier, son mode de vie ressemble davantage à celui d'un avocat. Donc, les autorités soupçonnent que l'intéressé s'adonne à des activités criminelles de par son association avec certaines personnes dans son pays d'origine, mais il reste qu'il n'a jamais été condamné.
Si cette personne arrive au Canada et qu'on peut mettre la main sur cette information-là, même si cette dernière n'a jamais été condamnée et qu'il n'y a pas de preuves contre elle, puisqu'il n'y en avait pas dans son pays d'origine, ce ne serait pas nécessairement une bonne idée de l'accueillir au sein de la société canadienne, parce qu'elle pourrait constituer une menace pour la sécurité du public. Que feriez-vous à ce moment-là?
:
Je voudrais ajouter quelque chose…
[Français]
Si vous me le permettez, cette disposition du paragraphe 77(2) du projet de loi se fonde sur un résumé de la preuve qui permet à la personne lésée d'être suffisamment informée de la thèse. Ici, on part du principe qu'on a un résumé de la preuve, cette preuve provenant de sources diverses, dont le Services canadien du renseignement de sécurité.
Prenons un exemple tout à fait hypothétique, que nous n'avons jamais vu dans les médias depuis quelques années. Un individu, qu'on appellera Arar pour les fins de la discussion, aurait rendu des informations sous la torture dans un pays donné, et ces informations étaient resservies contre un autre individu sur le territoire ici, au Canada, dans le but de l'expulser. Avons-nous ici des informations, des preuves, des renseignements qui sont dignes de foi, suivant le critère qui apparaît un peu plus loin dans le projet de loi? C'est la question que vous devez vous poser fondamentalement.
Lorsque vous avez de véritables preuves, la question ne se pose pas, car le texte du Code criminel dit « hors de tout doute raisonnable ». Lorsque vous avez des informations, des renseignements qui proviennent par association ou de différentes façons, dont la torture, pouvez-vous arriver à la conclusion que ce sont des informations véritablement dignes de foi, qui permettent d'arriver à une conclusion de la nature de celle que nous recherchons ici?
C'est cette mise en garde que le Barreau du Québec vous fait, à savoir que l'information obtenue de cette manière n'est pas valable, suffisamment valable. Donc, cela n'est pas suffisant, de notre point de vue, pour amener des mesures de renvoi. Il faut quand même penser qu'on risque de renvoyer des gens à la torture, mais aussi à la peine de mort. En ce sens, on se doit d'être très prudents dans notre évaluation de la preuve. Même si ces gens peuvent être jugés comme indésirables, on ne doit pas avoir un fardeau de preuve qui soit moindre que ce qui est acceptable dans notre société libre et démocratique.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Merci à vous tous d'être présents aujourd'hui.
Je constate que certain d'entre vous sont des avocats spécialisés en droit de l'immigration et de la citoyenneté, et mes questions vont donc porter là-dessus. En ce qui concerne l'historique du certificat de sécurité, nous savons qu'il a été créé pour la première fois en 1976 environ, et que depuis 1991, 28 certificats de sécurité on été délivrés. Sur ce nombre, 19 personnes ont été expulsées du Canada par suite de la délivrance d'un certificat de sécurité.
Vous savez comment fonctionne le processus en ce qui concerne les certificats de sécurité. On dit qu'il s'agit d'un centre de détention à trois murs, étant donné que ces personnes peuvent quitter le Canada à n'importe quel moment.
Avez-vous fait de la recherche afin de déterminer combien de personnes retournent dans leur pays d'origine? Il peut aussi s'agir d'un pays tiers. Savez-vous si elles s'établissent convenablement dans ces pays? Et pour celles qui ne le font pas et qui prétendent qu'elles seront torturées, emprisonnées ou exécutées si elles retournent dans leur pays d'origine, avez-vous fait des recherches afin de voir sur quoi reposent leurs arguments.
J'en parle aujourd'hui parce que, bien entendu, ces personnes sont libres de quitter le Canada à n'importe quel moment et, dans ma circonscription électorale, j'ai un grand nombre d'électeurs qui doivent régler des questions d'immigration. Des gens viennent me voir dans mon bureau, qui ont peut-être revendiqué le statut de réfugié, se sont vu refuser la demande, en ont interjeté appel, etc. et lorsqu'ils sont sur le point d'être expulsés, ils mettent en branle ce processus d'évaluation des risques et font valoir que, s'ils retournent dans leur pays d'origine, ils seront torturés, assassinés ou autre chose. Et, pour vous dire la vérité, leurs arguments ne sont pas plausibles dans certains cas, mais ils peuvent demander à passer par ce processus-là.
Si leur pays d'origine n'est pas prêt à les reprendre ou s'ils seraient torturés, emprisonnés ou éventuellement exécutés s'ils y retournaient, pouvez-vous me dire si vous avec essayé d'établir le profil de ce genre de personnes et si vous savez pourquoi ces pays ne voudraient pas les reprendre? Avez-vous fait des recherches là-dessus?
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Merci beaucoup de votre présence.
Nous avons profité des connaissances de personnes qui ont étudié le droit toute leur vie, c'est-à-dire un corpus d'expérience de plusieurs centaines d'années et, pour nous, c'est certainement profitable.
Si je fais cette petite entrée en matière, c'est parce que j'ai une question à vous poser qui peut vous amener à vous demander pourquoi je vous dis cela de cette façon, mais j'ai un objectif bien précis.
L'une des raisons que nous évoquons en expliquant à nos enfants pourquoi nous protégeons les pires criminels, les pires êtres humains qui puissent exister, c'est qu'en protégeant leurs droits, nous pouvons également protéger nos droits, car il pourrait, sans que nous en soyons responsables, qu'on nous accuse injustement. Mais lorsque nous disons cela à nos enfants, c'est parce qu'ils sont membres de notre société. Autrement dit, nous leurs expliquons cela parce qu'ils sont citoyens canadiens.
J'ai mis par écrit ma question parce que, pour moi, les États souverains ont le droit intrinsèque de décider. Évidemment, si vous êtes né dans le pays en question, vous êtes automatiquement citoyen, mais un État souverain a le droit de déterminer à qui il accorde le privilège de la citoyenneté.
À mon avis, lorsque le Canadien moyen, qui n'a pas l'avantage d'avoir profité de longues années de jurisprudence, regarde autour de lui, considère la nécessité, pour son gouvernement, de le protéger et se rend compte qu'il est impossible d'être le gardien de tous les milliards d'êtres humains qui habitent cette terre, il ressent le besoin d'obtenir des éclaircissements et de recevoir certaines assurances. C'est là que j'interviens en tant que législateur. Je dois retourner dans ma circonscription électorale et rassurer tous ces citoyens en leur disant : « Oui, nous vous protégeons ».
Il y a beaucoup d'individus retors dans ce monde qui ont l'impression qu'il suffit de mettre le gros orteil sur le sol canadien pour être en droit de bénéficier de tous les avantages que ce pays peut leur offrir, quel qu'en soit le coût. Comment dire à une personne qui emporte sa boîte-repas à l'usine tous les jours, qui travaille fort et qui paie ses impôts que, tout d'un coup, le gouvernement ou un agent du gouvernement qui, nous l'espérons, agit toujours dans les intérêts supérieurs des citoyens canadiens… On parle peut-être d'un individu retors qui veut devenir citoyen canadien. Leur réponse est de dire : « Fichez-le dans un avion et renvoyez-le d'où il est venu ». Il y a une bonne façon de venir dans mon pays et une mauvaise façon de venir dans mon pays.
Afin de respecter nos obligations internationales et nos obligations en tant que citoyens du monde, nous disons que, au cas où une erreur aurait été commise et que les agents qui représentent le gouvernement se seraient mal comportés, nous allons établir un processus permettant d'examiner le droit de cet individu de rester dans notre pays plutôt que de se faire ficher dehors, car c'est ainsi que je m'exprimerais si je ne cherchais pas à être poli.
Je vous dis cela parce que le citoyen moyen entend tous ces différents arguments compliqués, et c'est à moi de retourner voir cette personne et de la convaincre que c'est la bonne décision. Et on va justement me répliquer que c'est un moyen, pour le secteur juridique, de créer une nouvelle couche administrative avec tous ces adjoints. D'ailleurs, je suis d'avis qu'un avocat a besoin d'aide pour traiter ces dossiers, parce que nous en voyons aussi dans nos bureaux.
J'étais à la Chambre un peu plus tôt, et nous parlions de l'économie et des mères seules. L'argent que nous consacrons à cela ne pourra pas servir à aider nos propres citoyens qui sont nés ici.
Dites-moi si nous avons le droit, en tant qu'État souverain, de décider qui sera citoyen canadien et qui ne le sera pas. Et quand vous aurez répondu à cette question-là, pourriez-vous également me dire comment les démocraties occidentales, comme la France et l'Allemagne, traitent ce genre de situations?
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De façon générale, je dirais que la question que vous posez est excellente, parce que vous avez raison: c'est une question que se posent de nombreuses personnes, et parfois elles en parlent ouvertement, et parfois non.
Dans ce contexte, une méthode qui pourrait vous intéresser consisterait à rappeler aux gens ce qui est arrivé quand nos grands-parents sont venus au Canada. Pour ma part, je suis d'origine italienne. En 1905, quand mon grand-père est arrivé au Canada pour travailler sur le chemin de fer, j'imagine que certains Canadiens, étant donné leurs opinions, n'étaient pas disposés à accueillir à bras ouverts les gens qui venaient s'installer au Canada. Le gouvernement canadien de l'époque, et la population canadienne en général, voulaient agir correctement, c'est-à-dire qu'ils voulaient créer un pays respectueux où tous seraient bien accueillis dans des conditions appropriées.
Donc, si vous électeurs vous posent de telles questions, vous pourriez peut-être leur dire de songer à leurs propres antécédents familiaux: les Ukrainiens qui sont venus s'installer en Saskatchewan, les Italiens qui se sont établis à Thunder Bay, etc. Nous avons de nombreux exemples au Canada de mesures qui allaient trop loin dans l'autre sens et qui n'ont finalement aidé personne.
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Oui, j'en suis conscient. En 1865, mes ancêtres ont quitté la région de Kashub en Pologne pour s'installer ici.
Quoi qu'il en soit, nous ne parlons pas de l'immigrant moyen; nous parlons de quelqu'un qui, d'après l'État, n'est pas venu au Canada par la filière légale de l'immigration ou, il l'a peut-être fait mais comme il y a plusieurs centaines de milliers de personnes qui arrivent chaque année… Tout d'un coup nous découvrons quelque chose au sujet de cet individu qui suscite dans notre esprit, non pas un léger doute, mais de très graves doutes.
Il pourrait s'agir d'une personne qui est entrée au Canada subrepticement. Et nous ne parlons pas de terroristes. Il pourrait s'agir de membres de groupes criminels organisés ou d'agents secrets qui font de l'espionnage. Ils sont venus au Canada, mais pas dans un avion, et tout d'un coup, nous découvrons qu'ils sont présents sur notre territoire. Nous les écoutons et nous leur disons: « Eh bien, vous savez… ». Il est clair qu'ils nous diront qu'ils seront torturés s'ils retournent dans leur pays, parce qu'ils ne veulent pas y retourner.
Je ne parle pas de vos ancêtres qui sont venus s'établir au Canada. Ces derniers se sont adressés au consulat ou à l'ambassade, ils ont rempli tous les formulaires nécessaires, et ils sont venus au Canada. Ça, c'est la situation moyenne. Comme le disait M. Cullen, nous parlons d'environ 28 personnes sur une période de 30 ou 40 ans. Or nous devrons consacrer énormément de ressources afin de nous assurer que…
Comme je l'ai déjà dit, et cela me ramène à ce que j'ai mentionné au départ, je comprends le concept, mais il n'est pas aussi facile à expliquer que vous le dites. Les membres de votre famille sont sans doute passés par la bonne filière: la filière de l'immigration. Pour moi, nous parlons ici d'autre chose.
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J'aimerais mentionner rapidement que vous pourriez peut-être rassurer vos électeurs en leur permettant de se rendre compte que notre Loi sur l'immigration prévoit diverses dispositions nous permettant de nous débarrasser d'individus que nous ne voulons pas garder sur notre territoire.
Il est possible d'être déclaré inadmissible pour plusieurs motifs — des antécédents criminels mineurs, des antécédents criminels graves, des raisons médicales, ou si vous avez fourni de faux renseignements pendant les formalités qui ont précédé votre arrivée au Canada. Tous ces motifs peuvent être invoqués pour vous expulser du Canada. Donc, notre loi fournit de très bons outils à cet égard. Ne vous en faites pas: nos agents s'en servent tous les jours. Beaucoup de gens se font refuser l'admission au Canada lorsqu'ils arrivent ici de l'étranger, à la frontière ou à l'aéroport. On les renvoie chez eux parce que nous découvrons quelque chose au sujet de leur passé que nous n'aimons pas et nous préférons alors ne pas les laisser entrer au Canada.
Il y a aussi des gens qui n'arrivent même pas à monter dans l'avion, en raison de leurs antécédents criminels. Nous protégeons le pays et nous avons recours à une vaste gamme de ressources pour le faire.
La situation précise dont nous parlons aujourd'hui dans le contexte du projet de loi C-3 est une situation où nous ne voulons pas révéler tous les éléments de preuve que nous avons contre de tels individus parce que, pour diverses raisons, nous voulons que ces renseignements demeurent secrets. C'est là qu'il devient plus difficile de respecter les exigences de la Charte qui garantit à l'intéressé le droit à une audition impartiale, qui est l'une des valeurs fondamentales dont on parlait tout à l'heure. Nous ne sommes pas disposés à laisser tomber cette valeur. Voilà essentiellement le message de la collectivité juridique.
Malgré le coût et malgré les efforts que cela suppose, c'est une valeur qui est chérie par les Canadiens parce que ce régime s'applique à eux, à leurs voisins, à leurs filles et à leurs fils. Nous ne sommes pas prêts à abandonner ce principe, malgré les mécanismes particuliers qu'il nous oblige à établir.
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Merci, monsieur le président.
Je dois dire que je suis d'accord avec la plupart des observations faites par nos témoins, à la fois ce matin et cet après-midi. Je suis ravie de vous accueillir au comité, parce que vous confirmez les doutes que suscite ce projet de loi du point de vue de sa constitutionnalité. Je suis d'accord avec bon nombre des explications détaillées que vous nous avez fournies.
Par contre, je dois dire que je suis surprise de voir que l'Association du Barreau canadien parle à maintes reprises, dans son texte, de « preuve », alors que nous parlons d'une procédure administrative qui n'est pas liée au Code criminel et qui n'exige pas que les normes de preuve prévues par la Loi sur la preuve soit respectées.
On nous a fait savoir ce matin que la prétendue preuve qui est produite correspond souvent à une série de rapports narratifs rédigés par différentes personnes dont on prépare le résumé par la suite, ou plutôt un ensemble comportant des extraits sélectionnés par le rédacteur, et dont le reste a été supprimé. C'est un peu comme si toute une série de rédacteurs avaient préparé le document. Supposons qu'un agent, à Damas, écrit quelque chose sur un individu, que ceci soit transmis à quelqu'un d'autre, et qu'ensuite, un agent à Paris écrit autre chose, et un agent en Arabie saoudite y ajoute autre chose, etc. D'après ce qu'on nous a dit, il s'agit en réalité d'une série de petits rapports.
En conséquence, plutôt que de parler de « preuve », qui ajoute foi à tout le processus, et qui fait croire aux Canadiens qu'on parle peut-être de quelque chose de substantiel, alors que ce n'est peut-être pas le cas, il serait préférable, me semble-t-il, de parler plutôt du « narratif concernant l'intéressé » ou « les rapports au sujet de l'intéressé », ou quelque chose du genre, étant donné que le terme « preuve » a une certaine connotation au Canada.
Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Dongier?
Ce n'est pas vraiment une question — enfin, peut-être.
J'ai été frappé par la question ou l'observation de M. Norlock, de même que par les réponses éloquentes que lui ont données Mme Wilson et d'autres.
Le problème que présente parfois ce genre de situation est justement celui dont parlait M. Norlock, et si ce problème existe, c'est parce que certains Canadiens croient que si vous n'êtes pas citoyen, ou si vous êtes résident permanent ou ressortissant étranger, vous devriez être traité moins équitablement s'il est question de vous expulser du pays ou de vous imposer certaines restrictions. C'est un sentiment inexprimé; mais, dans ce contexte, il est présent, juste au-dessous de la surface. Il pourrait s'agir d'un membre de ma famille, ou il pourrait s'agir d'un cousin éloigné d'il y a 200 ans, monsieur Norlock; ça pourrait être n'importe qui.
Pour moi, il s'agit de se mettre à la place de l'intéressé et de se demander ce dont on aurait voulu bénéficier comme protection si on avait été accusé injustement, car il faut toujours supposer que l'individu est innocent tant que nous n'avons pas prouvé sa culpabilité — non pas hors de tout doute raisonnable, évidemment, mais une certaine culpabilité.
Dans ce sens-là, je voulais dire que, en tant qu'immigrant, je suis peut-être plus sensible à ces enjeux que ne le seraient mes fils, puisqu'ils sont nés et ont grandi ici.
Je tenais donc à vous rappeler les enjeux difficiles qui sous-tendent cette question, et je tiens également à remercier tous nos témoins pour leur excellente contribution à nos travaux.
Merci.
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Je voudrais demander quelque chose à notre personnel de recherche.
Nous avons reçu aujourd'hui cinq groupes de juristes — des groupes qui sont tout à fait au courant des détails de cette mesure — et quatre d'entre eux nous ont fait savoir qu'à leur avis, le projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé, risque d'être jugé inconstitutionnel. En fait, la personne la plus expérimentée à travailler dans ce domaine nous a dit qu'elle est au courant d'au moins trois groupes qui contesteront la constitutionnalité de cette mesure devant les tribunaux, et peut-être même devant la Cour suprême, si ce projet de loi est adoptée dans sa forme actuelle.
Je suis au Parlement depuis 13 ans, mais je n'ai jamais entendu un témoin nous dire une telle chose à une réunion de comité — à savoir que le projet de loi est à ce point mauvais ou a tellement de défauts — tout n'est pas mauvais, mais il a certainement des défauts — qu'il faut le corriger pour éviter au gouvernement une contestation judiciaire liée à la Charte.
Je voudrais donc demander à nos attachés de recherche d'essayer de savoir la dernière fois qu'un gouvernement — pas forcément celui-ci, mais n'importe quel gouvernement du Canada — a dû se défendre contre une contestation judiciaire devant les tribunaux à tous les paliers, et combien tout cela a pu coûter. Nous devrions pouvoir obtenir cette information du ministère des Finances.