Passer au contenu

SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 006 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 29 novembre 2007

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Nous en sommes à la 6e réunion du Comité permanent de la sécurité publique et nationale qui poursuit son examen du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (certificat et défenseur) et une autre loi en conséquence.
    Cet après-midi, nous accueillons au comité plusieurs témoins: le Barreau du Québec, l'Association du Barreau canadien; et la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada
    D'après ce qu'on m'a dit, vous vous êtes entendus entre vous pour que l'Association du Barreau canadien passe en premier, suivie de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada, et ensuite, en dernier lieu, du Barreau du Québec.
    La procédure normale du comité consiste à prévoir 10 minutes pour l'exposé liminaire de chacun d'entre vous. Ensuite, nous ouvrirons la période des questions.
    Si vous êtes prêts à commencer, veuillez vous présenter brièvement avant de passer directement à votre exposé liminaire.
    Je m'appelle Tamra Thomson, et je suis la directrice de la Législation et de la réforme du droit à l'Association du Barreau canadien. Je suis accompagnée aujourd'hui de Me Isabelle Dongier, membre de notre Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté et un membre de l'équipe d'avocats qui a rédigé le mémoire qui est soumis aujourd'hui.
    Peut-être faudrait-il commencer par vous expliquer brièvement les différences entre les divers groupes qui comparaissent devant vous aujourd'hui. La Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada est un organisme cadre représentant les différents organismes chargés de réglementer la profession d'avocats et les ordres professionnels. Le Barreau du Québec est justement un de ces organismes, ce dernier étant chargé de réglementer la profession d'avocat dans la province de Québec.
    L'Association du Barreau canadien se distingue de ses collègues, les organismes de réglementation, en ce sens que, même si nous sommes tous avocats et membres d'un barreau, nous sommes une association professionnelle qui joue le rôle de porte-parole des avocats. Nos principaux objectifs comprennent, entre autres, l'amélioration du droit et de l'administration de la justice.
    C'est dans cette optique que nous avons préparé le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui, et nous serons à votre disposition par la suite pour répondre à vos questions.
    Je suis honorée de comparaître aujourd'hui devant le comité afin de contribuer à faire avancer votre travail important sur le projet de loi C-3.
    Le droit à une audition impartiale correspond à une valeur fondamentale qui est au coeur de l'administration de la justice au Canada. L'origine de ce droit remonte à l'époque de la Grand Charte. Il nous distingue des dictatures, des autocraties et des oligarchies. Il nous définit comme une véritable démocratie qui protège les droits du citoyen individuel contre les pouvoirs de l'État. Le principe qui sous-tend ce droit est que la fin ne justifie pas les moyens.
    L'Association du Barreau canadien, comme tous les citoyens canadiens, dénonce le terrorisme, bien entendu. Le gouvernement a le devoir légitime de protéger ses citoyens, mais ce faisant, nous ne devons pas compromettre nos valeurs les plus fondamentales.
    La Cour suprême du Canada a déclaré, dans l'arrêt Charkaoui, que la protection de la sécurité nationale ne justifie pas l'absence d'une contestation indépendante des arguments du gouvernement. Selon nous, le projet de loi C-3, dans son état actuel, ne répond pas aux préoccupations constitutionnelles soulevées par la Cour suprême dans l'arrêt Charkaoui. Il ne va pas aussi loin qu'il le pourrait pour garantir la protection du droit à une audition impartiale ou pour s'assurer que l'intéressé a le droit de connaître les charges qui pèsent sur lui.
    On vous a déjà fourni certaines explications à ce sujet ce matin, mais permettez-moi de vous rappeler pourquoi il en est ainsi en vous citant un certain nombre d'exemples. Le projet de loi C-3 ne permet pas au défenseur de remettre en question ou contester la preuve de manière adéquate. De plus, il maintient la possibilité que la validité de certaines preuves secrètes ne soit pas vérifiée du fait de ne pas être communiquées au juge et au défenseur. Le projet de loi permet au gouvernement d'avoir recours à des éléments de preuve obtenus sous la torture. Il ne définit pas la relation entre le défenseur et l'intéressé, et il ne présente pas suffisamment de détails au sujet de ce en quoi consiste le rôle du défenseur. En outre, il ne garantit pas la présence d'une infrastructure suffisante pour soutenir le travail des défenseurs.
    Ces éléments et d'autres sont expliqués dans notre mémoire écrit, et nous y recommandons également un certain nombre de changements qui permettront d'assurer la conformité de cette mesure législative avec la Charte. Ce matin, vous avez entendu les propos de M. Waldman et du professeur Forcese, et vous remarquerez certainement bon nombre de similitudes entre nos positions respectives. L'ABC cautionne les changements qu'ils ont recommandés.
    À notre avis, il doit exister, pour le gouvernement, l'obligation expresse de communiquer la totalité de la preuve au juge et au défenseur, et pas uniquement les renseignements sur lesquels repose son argumentation.
    Je voudrais aussi aborder deux aspects de la relation qui peut exister entre le défenseur et l'intéressé. Premièrement, le rôle du défenseur consiste à protéger les intérêts de l'intéressé, mais pour qu'il puisse réellement contester la preuve produite par le gouvernement de manière éclairée, il doit pouvoir, de plein droit, communiquer avec l'intéressé même après la divulgation des preuves secrètes. Comme vous l'a dit M. Waldman ce matin, bien entendu, le défenseur aurait néanmoins l'obligation de ne pas divulguer les éléments de preuve secrets. Deuxièmement, même si le défenseur ne serait pas lié par le secret professionnel, en ce qui concerne sa relation avec l'intéressé, à notre avis, il ne devrait pas être tenu de révéler les renseignements qui lui auraient été communiqués par cette personne. Il faut absolument éviter que le défenseur devienne un outil de l'État pour attaquer l'intéressé.
    Nous faisons plusieurs recommandations dans notre mémoire. À notre avis, tous ces changements sont nécessaires afin de respecter les impératifs constitutionnels qui ont été définis par la Cour suprême, et nous vous demandons donc de recommander l'adoption de ces mêmes changements à la Chambre.
    Je vous remercie.
(1545)
    Puisque vous avez terminé votre exposé liminaire, nous allons maintenant passer à la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada.
    Je m'appelle Michael Milani. Je suis de Regina, en Saskatchewan, et je me présente devant vous en ma qualité de président de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada. Je suis accompagné de Mme Frederica Wilson, qui est notre directrice des Politiques et des affaires publiques.
    Comme notre nom l'indique, et comme mon amie, Mme Thomson, vous l'a déjà expliqué, la Fédération représente l'organisme cadre dont le rôle consiste à réglementer les 95 000 avocats et 3 500 notaires du Québec. Aux termes de la loi, nous sommes tenus de régir la profession d'avocat conformément à l'intérêt public. Chaque barreau a la responsabilité de régir le comportement de ses membres. Et je tiens à préciser, pour la gouverne des membres du comité, que la Fédération et les ordres professionnels qui en sont membres n'agissent pas dans l'intérêt des avocats. Ils ont pour mandat de réglementer l'activité des avocats, et ce dans l'intérêt du public.
    Ainsi la Fédération et ses membres reconnaissent qu'il est extrêmement difficile d'établir le bon équilibre entre la sécurité nationale et la protection des droits civils et humains. La nécessité de protéger le public contre la menace du terrorisme donne nécessairement lieu à certaines restrictions en ce qui concerne les droits civils et humains que peuvent exercer les citoyens, les résidents permanents et les ressortissants étrangers. Nous devons être vigilants et surveiller de près toute mesure législative qui est trop large ou qui compromet de façon déraisonnable les droits en question. Depuis l'adoption de mesures antiterroristes à la suite des événements du 11 septembre, la Fédération s'est prononcée sur cette question à plusieurs reprises, en préconisant l'adoption de mesures appropriées afin de garantir la protection des Canadiens, et ce en nuisant le moins possible aux importants principes qui sous-tendent la primauté du droit.
    Le fait qu'une personne puisse être privée de sa liberté en fonction d'éléments de preuve auxquels ni l'intéressé, ni son avocat, ne peuvent répondre constitue sans aucun doute une atteinte à ses droits et une attaque contre notre plus profonde conception de la justice. La nomination d'un défenseur représente une tentative pour répondre à de telles préoccupations, et je précise que la Fédération est favorable à la création d'un système de défenseur. Il importe de reconnaître, cependant, que la simple nomination d'un défenseur ne permettra pas d'éliminer la violation de certains droits, qu'une telle démarche n'aboutira pas nécessairement à ce que nous, comme Canadiens, considérons, de par nos traditions, comme étant un procès équitable. Pour cette raison, il est d'autant plus important que ces droits soient compromis le moins possible et que toutes les mesures nécessaires soient prises afin de s'assurer que le défenseur sera aussi efficace que possible du point de vue de la protection des intérêts de l'intéressé.
    Le comité a de grandes responsabilités et l'occasion rêvée d'aider à créer un système qui garantit que l'objectif global de la protection de la sécurité du Canada et de sa population contre le terrorisme est atteint et que, en même temps, l'on prévoie une procédure qui est plus juste à l'endroit de l'intéressé. La Fédération possède une expertise particulière relativement aux questions touchant le rôle du conseiller juridique dans le maintien de la primauté du droit et de l'administration de la justice, ainsi qu'une compréhension particulière de la nature et de l'importance de la relation entre l'avocat et les personnes qu'il représente. Pour cette raison, je vais me concentrer tout particulièrement, dans mes remarques liminaires, sur la relation spéciale entre le défenseur et l'intéressé qui fait l'objet du certificat de sécurité.
    Il va sans dire que le défenseur doit être avocat, mais nous vous faisons remarquer que le projet de loi ne le précise pas. Nous vous soumettons respectueusement qu'un tel changement est fort simple et tout à fait approprié. Nous comprenons le besoin de secret mais, selon nous, pour que cette relation soit fructueuse, le projet de loi doit expliciter la nature de la relation entre le défenseur et l'intéressé. En d'autres termes, le projet de loi indique très clairement que le secret professionnel de l'avocat ne s'applique pas, mais il ne va pas plus loin, puisqu'il ne décrit pas la nature précise de cette relation, alors qu'il faut absolument le faire pour que le régime que propose le projet de loi puisse donner satisfaction.
    Premièrement, il faut préciser que tous les renseignements fournis au défenseur par l'intéressé doivent rester strictement confidentiels. La confidentialité est l'une des caractéristiques du secret professionnel, et en supprimant cette relation, l'exigence de la confidentialité absolue disparaît, à moins d'être explicitée. Même si le fait de prévoir une obligation de stricte confidentialité ne signifie pas qu'il y aura une relation client-avocat, et même s'il est clair que la conduite des avocats est régie par des ordres professionnels même en dehors de la relation client-avocat, notre proposition assure une protection très solide sur ce plan-là. Étant donné que le projet de loi élimine les protections qui existent normalement dans le cadre d'une relation client-avocat, il faut les rétablir, et la mesure principale consisterait à exiger que tout renseignement communiqué au défenseur demeure strictement confidentiel.
(1550)
    En plus du devoir de confidentialité, nous soumettons respectueusement que le défenseur doit avoir la possibilité de s'entretenir avec l'intéressé, même après avoir examiné des éléments de preuve secrets. D'autres qui ont comparu devant le comité vous ont fait la même remarque, mais je présente la question dans l'optique de la profession d'avocat et des organismes chargés de réglementer cette dernière.
    Les défenseurs seront des avocats ayant les compétences et l'expérience voulues pour traiter des renseignements délicats et s'assurer de respecter les obligations déontologiques et légales qui touchent de tels renseignements. On a eu recours à des formules semblables dans d'autres circonstances.
    Dans notre mémoire écrit, nous faisons allusion au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Personne n'a jamais laissé entendre qu'il y avait eu des manquements à cette obligation de confidentialité au cours des 20 ans que ce système est en place. Une formule semblable a été adoptée pour la Commission d'enquête Arar et le procès qui s'est déroulé dans l'affaire Air India lorsqu'il s'agissait de preuves secrètes.
    Si l'on ne permet pas au défenseur de continuer à parler avec l'intéressé après avoir pris connaissance des preuves secrètes, le défenseur risque de ne pas être en meilleure posture que le juge de première instance dans l'affaire examinée par la Cour suprême, ce qui a conduit en partie au jugement de la Cour suprême.
    Il est évident que le projet de loi s'appuie sur le modèle législatif qu'on retrouve au Royaume-Uni. Or ce système a certains défauts. Le 31 octobre de cette année, la Chambre des lords a déclaré que le fait d'avoir un régime de défense n'était pas suffisant pour assurer l'efficacité du processus. Ce régime doit également être approprié et efficace.
    Le comité a reçu les témoignages de responsables ministériels qui ont déclaré qu'il sera possible de régler ces problèmes dans le règlement d'application. À notre humble avis, il n'est pas approprié de régler des problèmes fondamentaux dans un instrument de cette nature, à supposer que l'on puisse en arriver à une solution d'ordre réglementaire. Il est essentiel que le texte du projet de loi soit clair et complet et que ce dernier reconnaisse l'importance fondamentale du défenseur, son indépendance, son devoir de confidentialité, le droit de l'intéressé de choisir le défenseur, et la nécessité d'autoriser le défenseur à continuer à consulter l'intéressé. Tous ces éléments devraient figurer dans le texte de loi.
    Mesdames et messieurs, le Canada a été un chef de file dans l'élaboration d'une Loi antiterroriste solide et efficace, mais toujours dans un contexte d'application régulière de la loi et de procédures justes et équitables. Le Canada peut apprendre de ce que d'autres ont fait, mais doit surtout éviter de refaire les mêmes erreurs. Le monde entier sera très intéressé à connaître la ligne de conduite adoptée par le Canada dans ce domaine.
    Je vous remercie.
    Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions en temps et lieu.
    Je vous remercie.
    Et notre dernier intervenant est le représentant du Barreau du Québec.

[Français]

    Bonjour, mon nom est Pierre Poupart. Je suis avocat au Barreau du Québec. Je suis accompagné de Me Langlais, avocat spécialisé en matière d'immigration, et de Me Nicole Dufour, responsable du Service de recherche et de législation au Barreau du Québec.
    Dans un premier temps, permettez-moi de souligner que le Barreau du Québec est un ordre professionnel dont la mission première est la protection du public. Il constitue une institution essentielle dans l'organisation d'une société comme la nôtre basée sur la règle de droit. À ce titre, il assure sa responsabilité sociale en défendant certaines valeurs fondamentales propres à une société libre et démocratique dont, notamment, l'égalité de tous devant la loi et le respect des droits de la personne.
    Le rapport de travail qui a été, je l'espère, fourni aux membres de ce comité est le fruit d'une longue réflexion à l'intérieur de laquelle des gens du Comité sur les droits de la personne du Barreau du Québec, du Comité consultatif en droit de l'immigration et de la citoyenneté, de même que du Comité en droit criminel ont réfléchi, je dois le dire, profondément et pendant de longs mois.
    Le 23 février 2007, la Cour suprême, dans l'affaire Charkaoui, a reconnu l'utilité des objectifs de sécurité poursuivis par la procédure de certificat de sécurité, en spécifiant toutefois que cela ne devrait pas se faire aux dépens de l'équité procédurale et des principes de justice fondamentale. Le gouvernement canadien a déposé, le 22 octobre dernier, le projet de loi C-3 qui maintient l'usage de renseignements secrets tout en proposant de mettre en place un système de défenseurs. Le Barreau du Québec s'interroge sur le bien-fondé d'une telle solution qui ne semble pas répondre aux exigences requises par les principes d'équité procédurale et de justice fondamentale.
    En ce qui a trait d'abord au maintien de l'usage de renseignements secrets, la personne visée par un certificat de sécurité se retrouve toujours privée de certains droits fondamentaux prévus notamment à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, dont une divulgation de la preuve et le droit à une audition équitable. Le législateur semble avoir opté pour la mise en place du défenseur afin de pallier le problème de justice fondamentale soulevé plus haut.
    Notre premier commentaire porte sur le fait que ce défenseur n'est pas nécessairement membre d'un ordre professionnel régissant la conduite des avocats. En ce qui a trait au rôle du défenseur, le projet de loi parle d'un rôle de défense des intérêts de l'intéressé dans certaines circonstances. Cependant, il y a lieu de s'interroger sur cette fonction principale qui relève en général d'un avocat. En effet, dans le cas particulier du défenseur, celui-ci est retenu et peut être congédié par le juge. De plus, comme nous l'avons souligné, après avoir pris connaissance des renseignements secrets, le défenseur ne peut plus, sauf autorisation du juge, communiquer avec le principal intéressé. Cette procédure mine, selon nous, l'essence même du devoir de représentation.
    Finalement, il est exprimé au paragraphe 85.1(3) que les rapports entre le défenseur et l'intéressé ne sont pas ceux qui existent entre un avocat et un client, ce qui, pour les juristes que nous sommes, ne laisse pas d'étonner. Par conséquent, le défenseur ne semble pas être soumis aux obligations déontologiques de l'avocat et il n'y aurait pas de mécanisme de contrôle des actes du défenseur par le Barreau du Québec. En tant qu'ordre professionnel dont la responsabilité première est justement la protection du public, le Barreau s'interroge sur la protection offerte à la personne visée par un certificat de sécurité sous l'égide du libellé actuel de ce projet de loi.
    La solution que nous proposons concilie les impératifs de la sécurité nationale et les droits procéduraux garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Dans ce contexte, il faut s'assurer de la qualité de la preuve requise avant de conclure à la détention indéterminée d'une personne ou à son expulsion.
    Plusieurs questionnent le régime actuel « eu égard au contenu de la preuve ». Essentiellement, il s'agit d'allégations ou de renseignements donnés par les services du renseignement de différents pays. Ces renseignements peuvent ne pas respecter les critères de fiabilité reconnus par notre système judiciaire, tant au niveau civil que criminel.
(1555)
    Dans la situation actuelle, la preuve est constituée de renseignements dont la valeur probante est jugée selon le critère « des motifs raisonnables de croire »; voir l'article 33 de la loi. Retenir en preuve des renseignements selon cette norme de preuve emporte des conséquences sérieuses si les renseignements ne sont pas vérifiables, car ceux-ci peuvent avoir été obtenus de diverses sources, dont certaines peuvent être fiables et d'autres moins, sans oublier, comme d'autres l'ont mentionné plus tôt, que certains des renseignements peuvent avoir été obtenus sous la torture ou sous d'autres formes de contrainte, moins spectaculaires mais non moins efficaces.
    Les conséquences sur les individus visés par ces preuves peuvent entraîner l'expulsion vers la torture ou, pire, leur être fatales. Il importe alors d'avoir un mécanisme fiable d'analyse des renseignements pour compenser les faiblesses du régime de preuve. Afin d'assurer le respect des normes procédurales, il est nécessaire d'atteindre un niveau de protection des droits équivalent à celui reconnu en droit criminel, donc le droit à l'avocat qui est reconnu constitutionnellement au Canada.
    Or, ce droit perd son sens si je juriste n'a pas la possibilité de représenter adéquatement son client, ce qui serait manifestement le cas si la structure actuelle était préservée. Ainsi donc, l'utilisation d'éléments secrets ou de renseignements dans la procédure relative aux certificats de sécurité est contraire aux valeurs de justice et d'équité.
    La solution retenue doit prévoir une procédure assurant le respect des droits de façon équivalente à celle prévalant en matière criminelle. De plus, le processus doit permettre au tribunal de mettre fin à la procédure lorsque, notamment, la preuve est insuffisante ou non fiable, et la continuation de cette procédure inéquitable perpétuerait le préjudice et porterait atteinte à l'intégrité du système judiciaire.
    Le tribunal doit avoir accès à l'ensemble des éléments à être utilisés et avoir le pouvoir, suite à un débat contradictoire, de décider de ceux qui seront divulgués, ainsi que de leur validité, selon les principes de preuve reconnus en droit pénal.
    Comme l'indiquait lord Hoffman :
(1600)

[Traduction]

La véritable menace qui pèse sur la vie d'une nation, dans le sens d'un peuple qui vit conformément à ses lois traditionnelles et ses valeurs politiques, n'est pas le terrorisme, mais plutôt des lois comme celles-ci.

[Français]

    Il faisait référence à une législation similaire dans un autre continent.
    Cela étant dit, voici une excellente occasion de ne pas être dominé, nous semble-t-il, par la peur qui, bien qu'étant le commencement de la sagesse, ne doit pas, dans une société libre et démocratique, être le moteur à partir duquel les lois seront rédigées. L'article 7 de la Charte, s'il veut dire quelque chose, est un article qui prévoit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité. Sauf erreur, les gens qui ne sont pas encore des citoyens canadiens sont certainement des « chacun » et, à ce titre, ont droit à des protections mutatis mutandis aussi rigoureuses que celles qui échoient aux citoyens canadiens.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Pour la gouverne de nos témoins, je précise que nous allons procéder de la manière suivante: les premiers à poser des questions seront les membres de l'opposition officielle, soit le Parti libéral, qui disposera de sept minutes pour ses observations et ses questions; ensuite, le Bloc québécois; après cela, le NPD; et enfin, les membres de la majorité, pour le premier tour de questions. Les tours de questions subséquents seront de cinq minutes seulement.
    M. Dosanjh va lancer le débat.
    Je n'ai qu'une seule question, et je me dis qu'elle est peut-être un peu injuste.
    Nous avons entendu ce matin l'exposé du professeur Forcese et de M. Waldman. Je ne sais pas si vous avez pu en prendre connaissance. Le fait est qu'il existe des similitudes importantes entre les observations des uns et des autres. Êtes-vous d'accord pour dire que si nous suivons l'ensemble de leurs recommandations, nous réussirons à régler la plupart des problèmes — pas tous les problèmes, mais la majorité?
    Je vous remercie.
    Les recommandations et les critiques touchant le projet de loi C-3 qui se trouvent dans le mémoire écrit de l'Association du Barreau canadien sont très semblables, et nos recommandations sont analogues à celles qui ont été faites par M. Waldman et M. Forcese.
    Du point de vue de la Fédération des ordres professionnels de juristes, les observations sont effectivement très semblables.

[Français]

    Ce que le Barreau souhaiterait, dans un monde idéal, si tant est que le choix fait par le législateur éventuellement ne réalise pas ce souhait idéal, c'est que l'avocat — il faudrait que ce soit d'abord un avocat — soit véritablement l'avocat de la personne visée par une attestation de sécurité.
    Bien sûr, s'il arrivait qu'un autre choix soit fait, il faudrait nécessairement que la personne appelée à défendre, et non pas à représenter les intérêts de l'intéressé, puisse le faire avec mutatis mutandis, avec autant de rigueur et de commitment à l'égard des intérêts de cette personne. Est-ce que semblable bête peut être créée? Nous le souhaitons ardemment, si cela devait être le choix retenu par le législateur canadien.

[Traduction]

    Je voudrais être sûr de comprendre votre dernier point. Vous dites que, si nous avions une liste de grands juristes qui seraient nommés au conseil, et qui auraient été choisis de manière rigoureuse, avec la participation de l'Association du Barreau canadien et d'autres organismes indépendants, comme le vôtre, et le ministère de la Justice, et si l'intéressé avait le droit de choisir quelqu'un parmi eux, avec des garanties solides de confidentialité, étant donné que le secret professionnel ne s'applique pas, une telle formule se rapprocherait beaucoup de ce que vous venez de recommander.

[Français]

    Je ne sais pas si je parle au nom du Barreau du Québec en disant ce que je vais vous dire, mais il m'apparaît, personnellement, qu'il n'y a pas de catégories d'avocats ou d'avocates au Canada et que, dans la mesure où le libre choix de son défenseur ou de son représentant est une valeur profondément ancrée dans l'imaginaire collectif et dans la vie quotidienne des citoyens et des personnes se trouvant au Canada, même si elles ne sont pas des citoyennes, je suis un peu froid à l'idée que nous ayons une sorte de conseil de sages parmi lesquels une personne serait appelée à choisir.
    Encore une fois, si l'idée que chaque personne puisse être représentée par le défenseur de son choix ne devait pas être retenue, manifestement, plus la qualité des gens qui pourraient être choisis par un justiciable, quels que soient son origine et son statut au Canada, devrait être élevée, puisque les enjeux sont considérables. On parle probablement de la plus terrible marque d'infamie qu'on puisse apposer à un être humain se trouvant en sol canadien.
(1605)

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Madame Barnes, voulez-vous utiliser ce qui reste de son temps de parole?
    Combien de minutes reste-t-il?
    Environ trois.
    Oui, d'accord.
    Pour les fins du compte rendu, j'aimerais connaître votre opinion, si vous êtes disposés à nous la donner, sur la constitutionnalité de ce projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé. J'invite les représentants de chaque association à répondre, s'ils le désirent.
    Eh bien, après examen, l'ABC est d'avis que d'ores et déjà le projet de loi est inconstitutionnel. Il faut absolument le modifier, pour diverses raisons.
    Je ne prétends pas être experte constitutionnelle, mais je pense qu'il y a tout lieu de douter que ce projet de loi soit jugé constitutionnel. Il ne fournit pas les protections qui sont nécessaires, d'après la Cour suprême. Vu cette réalité, on peut supposer que sa constitutionnalité serait très difficile à établir.

[Français]

    Au Barreau du Québec, il nous semble que dans sa facture actuelle, ce projet de loi n'est pas à ce point différent de son prédécesseur qu'il pourrait éventuellement être considéré comme constitutionnellement valide.

[Traduction]

    Donc, les avis sont partagés.
    Merci beaucoup. J'ai l'impression que mon temps est écoulé.
    Il vous reste une minute et demie.
    Très bien.
    Y en a-t-il parmi vous qui voudraient parler des ressources qui vous semblent nécessaires? Il a été mentionné tout à l'heure qu'un défenseur, travaillant seul, ne pourrait pas supporter toute la charge de travail. Selon vous, quelles ressources matérielles et combien d'employés munis d'une habilitation de sécurité seraient nécessaires pour permettre au défenseur de bien s'acquitter de ses responsabilités?
    Je n'ai jamais eu à faire ce travail moi-même, mais d'autres m'ont fait savoir que ce genre de dossier suppose l'examen d'un grand volume de documents et qu'il est à peu près impossible pour une personne d'effectuer ce travail seule.
    Donc, comme l'expliquaient ce matin M. Waldman et M. Forcese, si vous êtes la seule personne autorisée à examiner la preuve, et que vous ne pouvez pas la communiquer à autrui, il vous est à peu près impossible de faire ce travail seul. Donc, d'abord, il faudrait prévoir la possibilité que deux avocats puissent être chargés d'un dossier, pour que les deux obtiennent une habilitation de sécurité et soient autorisés à examiner toute la preuve. Deuxièmement, il faut absolument prévoir un minimum de soutien administratif pour le traitement de la documentation et les formalités administratives.
    Une voix: Il faut aussi un local.
(1610)
    Oui, il faut avoir accès à un local où on peut s'asseoir, s'organiser et examiner correctement toute la documentation. Il faut aussi prévoir la possibilité de rencontrer des témoins ou des témoins potentiels.
    Nous parlons donc de différents besoins et, selon nous, on ne peut pas demander à une personne de se débrouiller seule en s'appuyant sur ses propres capacités. Donc, on parle surtout de soutien logistique et administratif et de l'appui d'un autre avocat qui peut l'aider à examiner la documentation. Il faut également faire de la recherche.
    À votre avis, faut-il prévoir le soutien de personnes, toujours munies d'une habilitation de sécurité, possédant différents types d'expertise?
    J'imagine que ce serait nécessaire la plupart du temps, mais tout dépendrait du dossier. Évidemment, si vous n'avez pas les connaissances requises ou si vous ne pouvez pas bénéficier du soutien d'autres experts, vous aurez nécessairement beaucoup de travail à faire avant de pouvoir travailler efficacement.
    Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

    Avant de commencer à interroger les témoins, monsieur le président, je voudrais mentionner que je viens du Barreau du Québec, que j'ai eu l'honneur de diriger comme bâtonnier en 1986-1987. Je peux donc vous dire que le Barreau du Québec a choisi 14 avocats parmi les plus compétents que je connaisse en cette matière pour préparer son rapport. Il a choisi l'un des meilleurs d'entre eux pour les représenter, Me Pierre Poupart. Je l'ai bien connu dans la pratique, au point où lorsque des gens viennent encore me consulter en pensant que je pourrais leur être utile, c'est à Me Poupart que je les réfère.
    D'abord, je vais poser une série de brèves questions en soulignant tout de suite que c'est peut-être notre deuxième rencontre officielle, mais que dans toutes les rencontres que nous avons eues, à peu près les mêmes défauts ont été relevés et, la plupart du temps, les mêmes solutions nous ont été proposées.
    Comme nous n'avons que six minutes, je vais poser des questions assez pointues.
    J'ai remarqué une différence entre l'Association du Barreau canadien et d'autres quant à l'absence d'obligation au secret professionnel de l'avocat spécial.
    Vous avez dit :

[Traduction]

    Il ne devrait pas être tenu de divulguer les renseignements qu'on lui communique.

[Français]

    Je pense que le secret professionnel va plus loin. Le secret professionnel veut que l'avocat ait l'obligation de ne pas divulguer.
    Êtes-vous d'accord avec les autres pour dire que cette obligation devrait exister pour l'avocat spécial?
    Tout à fait.
    Merci.
    MM. Waldman et Forcese nous ont proposé ce matin la solution suivante. Si le gouvernement trouve extrêmement important ou dangereux que par inadvertance, l'avocat spécial qui rencontrerait la personne concernée après avoir pris connaissance de la preuve secrète qui est présentée contre elle puisse donner des informations qu'il n'aurait pas le droit de donner, on lui suggère de lui adjoindre un représentant du Service canadien du renseignement de sécurité, en ajoutant cependant que lui aussi serait tenu à une forme de secret professionnel. Évidemment, ce n'est pas nécessairement un professionnel.
    Que pensez-vous de cette solution?
    Nous pensons effectivement que cette solution serait acceptable. Jusqu'à un certain point, elle pourrait assurer, s'il est besoin de le faire, que l'avocat spécial, le défenseur, ne va pas divulguer d'information qui est encore protégée.
    Cela dit, une des choses qui ont été mises en relief par plusieurs études antérieures est le fait que les avocats spéciaux n'ont jamais divulgué une preuve qu'ils n'avaient pas à divulguer. Je crois qu'il faut faire confiance à des professionnels qui ont un haut niveau de compétence et de conscience professionnelle. Je ne pense pas qu'il soit absolument indispensable qu'ils aient un chien de garde assis à côté d'eux pour faire en sorte qu'ils ne parleront pas trop.
(1615)
    [Note de la rédaction: inaudible] parler.

[Traduction]

    Si vous me permettez, la Fédération des ordres professionnels de juristes ne croit pas que cela puisse constituer une solution, et ce pour trois raisons.
    Premièrement, comme l'a dit ma collègue, si l'on choisit avec soin les avocats, on minimise le problème.
    Deuxièmement, il faut se rappeler que les modèles qui s'appliquent depuis longtemps n'ont jamais suscité de préoccupations à cet égard.
    Troisièmement — et c'est l'élément le plus important — la présence d'une autre personne empêchera la divulgation pleine et entière et la possibilité d'une discussion franche. Sauf votre respect, je précise que l'objectif est tout autre. J'estime, personnellement, et je parle pour la Fédération, que cette solution n'est pas utile.

[Français]

    Je comprends et je partage votre opinion, mais je suis heureux que vous le confirmiez devant les autres membres du comité.
    Je vais aborder une autre question rapidement. La traduction française d'« avocat spécial » est « défenseur ». La trouvez-vous appropriée?
    Le terme est absolument sans relation. Bien sûr, le terme « défenseur » implique un geste de défense. Le projet de loi parle de protection des intérêts. L'« avocat spécial » est une expression sui generis et on ne sait pas ce qu'elle veut dire tant qu'on n'a pas lu le projet de loi pour voir quels sont son rôle, son intervention et ses pouvoirs. La traduction est absolument inadéquate.
    D'ailleurs, on utilise cette expression dans d'autres lois, au sujet des enquêtes sur le SCRS. On utilise « special advocate », qui est traduit par « avocat spécial ».
    Exactement.
    Vous trouvez comme moi que ce serait induire en erreur les francophones?
    Tout à fait.
    Quoi qu'il soit, ce qui est manifeste à l'heure actuelle, maître Ménard, c'est que l'expression « défenseur », le moins que l'on puisse dire, est trompeuse dans l'état actuel de ce projet de loi, d'une part. D'autre part, la seule chose qui est spéciale au sujet de cet avocat, c'est probablement qu'il ne répond pas au rôle qu'on impute traditionnellement et culturellement à un avocat, tel qu'on le voit dans la Charte canadienne des droits et libertés quand on parle du right to retain and instruct counsel.
    On parle donc du droit de retenir les services d'un avocat et certainement pas d'un être éthéré particulier pour les fins de cette législation et qui n'a justement pas tous les attributs nécessaires pour assurer une représentation pleine et entière à une personne qu'on veut taxer d'un danger pour la sécurité nationale.
    Il y a quelque chose dont on ne parle pas.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Veuillez terminer rapidement.

[Français]

    D'accord.
    Il y a quelque chose dont on ne parle pas du tout dans la loi actuellement, mais qui semble implicite, c'est que quelqu'un devrait pouvoir aller voir son avocat et que celui-ci puisse communiquer avec l'avocat spécial éventuellement. Cela améliorerait le système. Mais quels seraient alors les rapports de l'avocat spécial une fois qu'il aurait pris connaissance des informations secrètes, vu qu'il pourrait voir librement l'avocat de la personne intéressée?
    Vous voyez-vous dans ce rôle? Que quelqu'un vienne vous voir... Vous, par exemple, maître Poupart, vous faites de la pratique privée. Quelqu'un viendrait vous voir pour cela, vous lui expliqueriez les procédures à prendre, mais il a confiance en vous et il voudrait que vous l'accompagniez.
    Dans ce contexte, vous voyez-vous travailler avec l'avocat spécial?
    Cela ne relève pas uniquement de la réflexion de Pierre Poupart, avocat. Les membres du comité du Barreau du Québec se sont toujours profondément inquiétés du rôle de l'avocat. Je parle d'un avocat et non d'un défenseur. Il nous a semblé que ce rôle serait à ce point émasculé que ce serait à la limite n'importe quoi, sauf remplir les fonctions habituelles, comme nous sommes tenus de le faire en vertu de notre code de déontologie.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Priddy du NPD, vous avez la parole.
(1620)
    Je voudrais, tout d'abord, remercier chacune de vos associations de nous avoir envoyé des représentants pour nous faire part de vos opinions au sujet du projet de loi.
    Pour vous situer un peu — je fais cela avec chaque nouveau groupe de témoins — je précise que le NPD est sans doute le seul parti politique qui n'est pas favorable au projet de loi et qui pense qu'il faut plutôt s'appuyer sur le modèle qu'on retrouve dans le Code criminel, comme c'est le cas d'au moins un ou deux autres témoins qui ont comparu ce matin, car à notre avis, ce projet de loi porte atteinte à certaines valeurs fondamentales de notre système. Cela dit, nous allons faire l'impossible pour éviter que les mesures retenues ici ne soient pas préjudiciables.
    Il n'y a rien de pire qu'une affaire hypothétique; je comprends très bien cela. Par contre, si un citoyen canadien devait être accusé d'un complot terroriste visant à faire exploser le métro de Toronto, mettons, quelle serait la procédure à suivre, et quelle peine pourrait lui être infligée?
    N'importe qui peut répondre. L'Association du Barreau canadien…?
    Cette personne serait inculpée en vertu du Code criminel —
    De quoi?
    Il y aurait différentes accusations en vertu de diverses catégories d'infractions.
    Ensuite, si certains éléments de preuve devaient être protégés ou rester secrets, le juge aurait à examiner la preuve, à établir le juste équilibre entre la protection de ces renseignements par rapport aux inconvénients que devrait subir l'intéressé du fait de pouvoir ou non prendre connaissance de la preuve, et décider ensuite si cette preuve peut ou non être divulguée. À ce moment-là, il s'agit, évidemment, d'une procédure différente.
    Je sais que je vous pose une question difficile, puisque je ne peux pas vous fournir de détails, mais quelles peines pourraient éventuellement lui être infligées? Si nous tenons pour acquis que l'intéressé sera trouvé coupable d'avoir élaboré ce complot, d'avoir obtenu tous les matériaux nécessaires et d'avoir établi un plan qui lui permettrait de l'exécuter, quelles peines pourrait-on éventuellement lui infliger?

[Français]

    Les membres de ce comité connaissent évidemment très bien les dispositions sur le terrorisme, que vous trouverez à l'article 83.01 et suivants du Code criminel. Il est facile d'y voir que les peines encourues par ces personnes pourraient varier de 10 ans à l'emprisonnement à perpétuité. Cela se ferait à partir des critères ordinaires du droit criminel, donc à partir d'un fardeau de la preuve qui exigerait une preuve hors de tout doute raisonnable. Ce n'est manifestement pas le cas à l'heure actuelle pour les gens à qui on veut accoler l'étiquette de « danger pour la sécurité publique ».

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je crois connaître la réponse, d'après ce que vous avez tous plus ou moins dit, mais j'aimerais que ce soit officiellement consigné au compte rendu. Je demande donc à chacun d'entre vous de me répondre par un oui ou un non. Êtes-vous ou non en faveur du régime que prévoit actuellement le projet de loi C-3 pour les certificats de sécurité?
    La Fédération s'y oppose.
    L'ABC s'y oppose également et recommande qu'il fasse l'objet de changements majeurs.

[Français]

    La position du Barreau du Québec est exactement en harmonie avec celle que vous venez d'entendre. En d'autres mots, nous nous y opposons.

[Traduction]

    Oui, merci.
    Me reste-t-il du temps?
(1625)
    Il vous reste environ deux minutes.
    Quand la question a été posée tout à l'heure — et je crois qu'elle était adressée à l'ABC ou qu'un représentant de l'ABC y a répondu — au sujet des ressources additionnelles qu'il faudrait fournir à une personne acceptant de prendre en charge un tel dossier, je me demandais si d'autres avaient des observations à faire à ce sujet, ou si vous pensez que d'autres ressources pourraient également être requises. Il était question des services d'un avocat supplémentaire, de soutien administratif et de responsables de la sécurité. Je ne sais pas si on vous a posé cette question précise.
    Donc, nos témoins souhaitent-ils ajouter quelque chose à ce chapitre, puisque ce serait l'occasion de communiquer votre message au ministre, par l'entremise du comité, bien entendu?

[Français]

    Si je peux me permettre d'ajouter quelque chose, je dirais, pour avoir touché un peu à ce genre de dossiers, qu'il est inévitable qu'on se retrouve avec une masse colossale d'information à traiter. Une tête peut en prendre, mais il est préférable de partager le fardeau entre deux, trois ou quatre têtes.
    Il est aussi préférable d'avoir sous la main un certain nombre d'experts pouvant être choisis. Évidemment, cela dépend de la position que nous avons, mais compte tenu de la position du Barreau du Québec, un individu se trouverait un avocat, et c'est ce dernier qui ferait les démarches pour retenir les experts dont il a besoin, dans l'esprit de la proposition. Il appartiendrait donc à l'individu d'aller chercher ces ressources, ce qui occasionne par contre de grands frais.
    On souhaiterait pouvoir se battre à armes égales. Si on doit faire face à 100 individus de l'autre côté, il faudrait qu'il y ait quelques ressources de notre côté également.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Je pense qu'on a assez de temps pour une autre réponse. Allez-y.
    J'allais simplement ajouter que le concept que vous avez évoqué est très important. La Fédération recommande respectueusement que la notion de ressources suffisantes soit incorporée dans le projet de loi lui-même, au lieu de laisser cela pour le règlement d'application. Ce dernier peut toujours fournir les détails, mais la notion d'un régime s'appuyant sur des ressources appropriées est tellement primordiale pour l'efficacité de cette procédures que nous estimons qu'il y a lieu de l'inscrire directement dans le texte de la Loi.
    Je devrai revenir là-dessus un peu plus tard. Merci.
    La parole est maintenant à M. Mayes, du parti de la majorité.
    Merci, monsieur le président.
    En examinant le projet de loi, et notamment l'article 77 concernant la délivrance des certificats, j'ai remarqué qu'il y est question de la nécessité, pour la personne visée, d'être suffisamment informée de la thèse du ministre et du fait que ce sera au juge de décider du caractère raisonnable ou approprié du certificat. C'est bien ça? C'est ça que prévoit le projet de loi? Très bien.
    On pourrait avoir affaire à un détenu qui n'est pas nécessairement un criminel recherché par la justice, qui n'a pas nécessairement un casier judiciaire et dont on sait qu'il n'a pas commis d'actes constituant une atteinte aux droits internationaux ou aux droits de la personne, mais qui, en raison des documents le liant à d'autres personnes, pourrait être jugé une menace pour la sécurité publique. Vous êtes d'accord?
    Donc, toute cette documentation est fournie au détenu et à son défenseur, et à ce moment-là, l'intéressé pourrait décider de nouer des liens avec des groupes pratiquant le crime organisé, par exemple. Peut-être qu'on a observé que, dans son pays d'origine, bien que ses déclarations d'impôt indiquent qu'il est plombier, son mode de vie ressemble davantage à celui d'un avocat. Donc, les autorités soupçonnent que l'intéressé s'adonne à des activités criminelles de par son association avec certaines personnes dans son pays d'origine, mais il reste qu'il n'a jamais été condamné.
    Si cette personne arrive au Canada et qu'on peut mettre la main sur cette information-là, même si cette dernière n'a jamais été condamnée et qu'il n'y a pas de preuves contre elle, puisqu'il n'y en avait pas dans son pays d'origine, ce ne serait pas nécessairement une bonne idée de l'accueillir au sein de la société canadienne, parce qu'elle pourrait constituer une menace pour la sécurité du public. Que feriez-vous à ce moment-là?
(1630)
    Je vous dirais que, selon la procédure prévue, ce serait au juge qui instruit l'affaire de prendre la décision, selon ce qui lui semble approprié. Selon moi, la Fédération et les autres collègues ici présents essaient de vous faire comprendre que, pour que l'issue de l'affaire soit aussi appropriée que possible, il faut absolument prévoir certaines protections.
    Donc, pour répondre directement à votre question, ce sera au juge d'évaluer la situation et de prendre une décision. Nous vous avons dit aujourd'hui que, si certaines modifications sont apportées au projet de loi, toutes les conditions seront remplies pour permettre au juge de bien faire son travail.
    Je voudrais ajouter quelque chose…

[Français]

    Si vous me le permettez, cette disposition du paragraphe 77(2) du projet de loi se fonde sur un résumé de la preuve qui permet à la personne lésée d'être suffisamment informée de la thèse. Ici, on part du principe qu'on a un résumé de la preuve, cette preuve provenant de sources diverses, dont le Services canadien du renseignement de sécurité.
    Prenons un exemple tout à fait hypothétique, que nous n'avons jamais vu dans les médias depuis quelques années. Un individu, qu'on appellera Arar pour les fins de la discussion, aurait rendu des informations sous la torture dans un pays donné, et ces informations étaient resservies contre un autre individu sur le territoire ici, au Canada, dans le but de l'expulser. Avons-nous ici des informations, des preuves, des renseignements qui sont dignes de foi, suivant le critère qui apparaît un peu plus loin dans le projet de loi? C'est la question que vous devez vous poser fondamentalement.
    Lorsque vous avez de véritables preuves, la question ne se pose pas, car le texte du Code criminel dit « hors de tout doute raisonnable ». Lorsque vous avez des informations, des renseignements qui proviennent par association ou de différentes façons, dont la torture, pouvez-vous arriver à la conclusion que ce sont des informations véritablement dignes de foi, qui permettent d'arriver à une conclusion de la nature de celle que nous recherchons ici?
    C'est cette mise en garde que le Barreau du Québec vous fait, à savoir que l'information obtenue de cette manière n'est pas valable, suffisamment valable. Donc, cela n'est pas suffisant, de notre point de vue, pour amener des mesures de renvoi. Il faut quand même penser qu'on risque de renvoyer des gens à la torture, mais aussi à la peine de mort. En ce sens, on se doit d'être très prudents dans notre évaluation de la preuve. Même si ces gens peuvent être jugés comme indésirables, on ne doit pas avoir un fardeau de preuve qui soit moindre que ce qui est acceptable dans notre société libre et démocratique.

[Traduction]

    Dans ce même ordre d'idées, pensez-vous que la divulgation pleine et entière permettra nécessairement d'éviter ce résultat? Ce que je vous dis, c'est que le processus de divulgation pleine et entière pourrait ne pas mettre en lumière le fait que les éléments de preuve impliquant le détenu ont été obtenus sous la torture.

[Français]

    Monsieur le président, même une divulgation de preuve totale, même un fardeau de preuve aussi exigeant que celui de la preuve hors de tout doute raisonnable, a suscité des erreurs judiciaires, a suscité des drames humains absolument hallucinants. La moindre chose que l'on puisse exiger, me semble-t-il très respectueusement, quand on veut éventuellement prétendre que quelqu'un représente un danger pour la sécurité nationale — ce qui n'est pas une mince chose, vous n'en disconviendrez pas —, c'est que l'on puisse diminuer autant que faire se peut les risques d'accoler un semblable sceau d'infamie à un être humain, sans qu'au moins on ait pris toutes les précautions nécessaires pour que toute la lumière soit faite et que toute représentation au nom de cette personne puisse être faite. Cela me semble l'essence même d'une société qui ne joue pas à la légère avec la vie, la sécurité et la liberté des personnes.
(1635)

[Traduction]

    Merci.
    Nous ouvrons maintenant le deuxième tour de questions; monsieur Cullen, vous êtes le premier.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci à vous tous d'être présents aujourd'hui.
    Je constate que certain d'entre vous sont des avocats spécialisés en droit de l'immigration et de la citoyenneté, et mes questions vont donc porter là-dessus. En ce qui concerne l'historique du certificat de sécurité, nous savons qu'il a été créé pour la première fois en 1976 environ, et que depuis 1991, 28 certificats de sécurité on été délivrés. Sur ce nombre, 19 personnes ont été expulsées du Canada par suite de la délivrance d'un certificat de sécurité.
    Vous savez comment fonctionne le processus en ce qui concerne les certificats de sécurité. On dit qu'il s'agit d'un centre de détention à trois murs, étant donné que ces personnes peuvent quitter le Canada à n'importe quel moment.
    Avez-vous fait de la recherche afin de déterminer combien de personnes retournent dans leur pays d'origine? Il peut aussi s'agir d'un pays tiers. Savez-vous si elles s'établissent convenablement dans ces pays? Et pour celles qui ne le font pas et qui prétendent qu'elles seront torturées, emprisonnées ou exécutées si elles retournent dans leur pays d'origine, avez-vous fait des recherches afin de voir sur quoi reposent leurs arguments.
    J'en parle aujourd'hui parce que, bien entendu, ces personnes sont libres de quitter le Canada à n'importe quel moment et, dans ma circonscription électorale, j'ai un grand nombre d'électeurs qui doivent régler des questions d'immigration. Des gens viennent me voir dans mon bureau, qui ont peut-être revendiqué le statut de réfugié, se sont vu refuser la demande, en ont interjeté appel, etc. et lorsqu'ils sont sur le point d'être expulsés, ils mettent en branle ce processus d'évaluation des risques et font valoir que, s'ils retournent dans leur pays d'origine, ils seront torturés, assassinés ou autre chose. Et, pour vous dire la vérité, leurs arguments ne sont pas plausibles dans certains cas, mais ils peuvent demander à passer par ce processus-là.
    Si leur pays d'origine n'est pas prêt à les reprendre ou s'ils seraient torturés, emprisonnés ou éventuellement exécutés s'ils y retournaient, pouvez-vous me dire si vous avec essayé d'établir le profil de ce genre de personnes et si vous savez pourquoi ces pays ne voudraient pas les reprendre? Avez-vous fait des recherches là-dessus?
    Non.
    Nous ne pouvons pas vous fournir des statistiques sur le nombre de personnes, ayant été expulsées ou étant retournées chez elles, ont effectivement été détenues, torturées ou assassinées à leur retour. Je ne crois pas que quiconque ait accès à cette information ou ait même cherché à l'obtenir. Peut-être pourriez-vous poser la question à Amnistie Internationale, mais pour moi, personne autour de cette table ne possède cette information.
    S'agissant de l'examen des risques qui s'effectue avant l'expulsion, et dont vous avez parlé dans votre question, le nombre de personnes jugées être à risque après cet examen et après s'être vu refuser le statut de réfugié est très faible. Les critères qu'applique Immigration Canada pour évaluer ces dossiers sont extrêmement rigoureux, et on permet à un très faible nombre de personnes de rester au Canada à la fin de ce processus. La majorité d'entre elles sont expulsées.
    L'autre élément, c'est que les personnes qui passent normalement par ce processus arrivent au Canada, revendiquent le statut de réfugié et, dans bien des cas, ils ont de bonnes raisons de le faire, si bien que si on les renvoie, leur vie pourrait effectivement être en danger. Il pourrait s'agir d'un danger d'ordre politique ou autre. Mais un terroriste ou un prétendu terroriste qui est détenu en vertu d'un certificat de sécurité, du moins ceux qui sont actuellement détenus et qui sont encore au Canada… Disons que s'ils retournent dans leur pays, ces problèmes ne se posent plus, je suppose, et on peut espérer qu'ils vont y vivre la vie heureuse qu'ils recherchent.
    Mais, s'agissant de ceux qui sont actuellement détenus en vertu d'un certificat de sécurité, avez-vous fait des recherches sur les arguments qu'ils ont fait valoir pour éviter d'être renvoyés dans leur pays d'origine? J'imagine que ces personnes n'ont pas dû revendiquer le statut de réfugié lors de leur arrivée au Canada. Elles sont probablement venues ici… Mais je n'en suis pas sûr.
(1640)
    C'est une situation où il faut aller au cas par cas.
    Oui, mais cette façon de faire est importante, et je vais certainement me renseigner à ce chapitre avant que nous parvenions à l'étape de l'étude article par article du projet de loi.
    Puisque vous êtes des avocats spécialisés en droit de l'immigration et que vous représentez les barreaux, je me demandais si vous aviez déjà fait des recherches indépendantes sur la question.
    Non, nous n'avons pas fait ces recherches.

[Français]

    J'aimerais compléter la réponse.
    Je n'ai pas fait de recherche particulière sur ce point. Toutefois, je souligne que si le gouvernement canadien, dans sa sagesse, à la lumière des réflexions et des recherches qu'il faites, arrive à la conclusion qu'un certain nombre de pays qu'il a identifiés ont commis des crimes contre l'humanité, ont exercé la torture ou dont certains représentants ou membres de gouvernement ont participé, à un moment ou à un autre, à des crimes, à de la torture ou à différents sévices, il me semble que retourner les gens qui sont présentement au Canada vers ces pays, qui sont connus du Canada pour pratiquer la torture, répond à votre question.
    Je vais nommer deux pays où le Canada a déjà dénoncé un certain nombre de membres du gouvernement qui ont pratiqué la torture. Il s'agit de la Syrie et Haïti.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, monsieur Cullen.
    D'accord.
    Monsieur Ménard, avez-vous d'autres questions?
    Oui.
    Très bien, vous avez la parole, monsieur Ménard.

[Français]

    Vous n'avez rien dit au sujet de l'appel. Êtes-vous satisfait du droit d'appel qui est donné dans le projet de loi?
    Ce n'est pas un droit d'appel, c'est un principe de révision judiciaire. Nulle part dans la Loi sur l’immigration on a un véritable droit d'appel, sauf pour les résidents permanents. C'est une mesure de renvoi devant la Section d'appel de l'immigration. C'est le seul endroit dans la Loi sur l'immigration où il y a un véritable droit appel qui a pour effet de suspendre la mesure. Ici, nous n'avons pas un droit d'appel, nous avons une révision judiciaire.
    Comment se ferait cette révision judiciaire? Généralement, lors d'une révision judiciaire — je suis convaincu que plusieurs d'entre vous le savez —, il faut établir ce qui s'est passé devant le juge qui entend l'affaire. Il faut présenter une photo exacte de la situation, telle qu'elle a été analysée par le décideur. Est-ce que je suis capable de donner un affidavit à ce défenseur qui est nommé, afin qu'il me dise exactement ce qui s'est passé dans le cadre du processus décisionnel suivi par le juge? Poser la question, c'est y répondre. C'est absolument impossible, puisqu'on vient de créer une nouvelle instance. Il faudrait nommer un nouveau défenseur et repartir à zéro. C'est absolument impossible de monter même une procédure de révision judiciaire dans le contexte du projet de loi tel qu'il est formulé actuellement.
    Tout ce qui est dit est pris en sténographie et peut certainement faire l'objet d'un factum d'appel, comme on est habitué de le faire.
    Évidemment, quand j'ai questionné les fonctionnaires au sujet de cet appel, je leur ai demandé où ils avaient pris leur modèle. Je connais certains modèles d'appel, mais je ne connaissais pas celui-là. J'avoue que si j'étais une personne concernée, je serais très inquiet de demander à quelqu'un qui vient de me donner tort de m'expliquer pourquoi il aurait tort devant une cour d'appel. C'est ce qu'on demande ici.
    J'ai trouvé que c'était un très beau processus pour les académiciens et que cela ferait peut-être avancer le droit, mais je trouve que ce n'est pas très rassurant. On m'a répondu que ce processus d'appel est celui qui est déjà prévu dans la Loi sur l'immigration, c'est-à-dire que le décideur décide s'il y a des questions d'intérêt général et il les expose pour les soumettre à ses collègues, je crois.
(1645)
    Tout à fait. C'est la façon dont ça fonctionne, mais ce n'est pas un droit d'appel qui va opérer nécessairement sursis. Il faut bien comprendre que la mesure s'exécutera et l'affaire sera entendue en appel, mais cela n'opère pas sursis. C'est le premier élément.
    Deuxièmement, j'aimerais revenir sur ce que vous avez dit. Il n'y a pas de sténographe à la Cour fédérale, ça n'existe pas. Si on veut un sténographe, il faut l'engager et il viendra prendre des notes sténographiques. Il n'y a pas d'enregistrement mécanique à la Cour fédérale.
    Est-ce que je me trompe si je pense que si l'appel a été inscrit, c'est à la suite de la décision de la Cour suprême?
    Le juge entend l'affaire et déterminera si le certificat est suffisant ou non. D'accord? S'il dit non, il peut trouver qu'un élément en droit mérite un débat de principe. Il va alors certifier...
    Je m'excuse de vous interrompre.
    Je comprends tout cela, mais il me semble que ce processus n'existait pas dans la loi.
    Le processus de la certification d'une question existe déjà dans la loi, oui.
    Ah, bon.
    Il existe déjà, mais pas nécessairement dans le cadre du certificat de sécurité au sens où on l'entend.
    Ce que je dis, c'est que l'appel fait partie du projet de loi C-3. Ce n'était pas dans la loi que modifie le projet de loi C-3.
    C'est déjà dans la loi, monsieur Ménard.
    Pour la décision sur le certificat de sécurité?
    Non, pas sur le certificat de sécurité. On introduit ici un élément supplémentaire en ce qui concerne le certificat de sécurité, mais la mécanique d'appel existe déjà.
    Cela a été décidé pour le rendre conforme à la décision de la Cour suprême. Il y a quelques temps, j'ai lu et relu la décision de la Cour suprême, et il me semble qu'elle reprochait à la loi, dans sa version actuelle, l'absence d'une procédure d'appel.
    Je ne suis pas sûr qu'il y ait eu un reproche à cet égard, mais il est certain que cette mécanique prévue était déjà existante à l'intérieur [Note de la rédaction: difficultés techniques].

[Traduction]

    Monsieur Norlock, c'est à vous.
    Merci beaucoup de votre présence.
    Nous avons profité des connaissances de personnes qui ont étudié le droit toute leur vie, c'est-à-dire un corpus d'expérience de plusieurs centaines d'années et, pour nous, c'est certainement profitable.
    Si je fais cette petite entrée en matière, c'est parce que j'ai une question à vous poser qui peut vous amener à vous demander pourquoi je vous dis cela de cette façon, mais j'ai un objectif bien précis.
    L'une des raisons que nous évoquons en expliquant à nos enfants pourquoi nous protégeons les pires criminels, les pires êtres humains qui puissent exister, c'est qu'en protégeant leurs droits, nous pouvons également protéger nos droits, car il pourrait, sans que nous en soyons responsables, qu'on nous accuse injustement. Mais lorsque nous disons cela à nos enfants, c'est parce qu'ils sont membres de notre société. Autrement dit, nous leurs expliquons cela parce qu'ils sont citoyens canadiens.
    J'ai mis par écrit ma question parce que, pour moi, les États souverains ont le droit intrinsèque de décider. Évidemment, si vous êtes né dans le pays en question, vous êtes automatiquement citoyen, mais un État souverain a le droit de déterminer à qui il accorde le privilège de la citoyenneté.
    À mon avis, lorsque le Canadien moyen, qui n'a pas l'avantage d'avoir profité de longues années de jurisprudence, regarde autour de lui, considère la nécessité, pour son gouvernement, de le protéger et se rend compte qu'il est impossible d'être le gardien de tous les milliards d'êtres humains qui habitent cette terre, il ressent le besoin d'obtenir des éclaircissements et de recevoir certaines assurances. C'est là que j'interviens en tant que législateur. Je dois retourner dans ma circonscription électorale et rassurer tous ces citoyens en leur disant : « Oui, nous vous protégeons ».
    Il y a beaucoup d'individus retors dans ce monde qui ont l'impression qu'il suffit de mettre le gros orteil sur le sol canadien pour être en droit de bénéficier de tous les avantages que ce pays peut leur offrir, quel qu'en soit le coût. Comment dire à une personne qui emporte sa boîte-repas à l'usine tous les jours, qui travaille fort et qui paie ses impôts que, tout d'un coup, le gouvernement ou un agent du gouvernement qui, nous l'espérons, agit toujours dans les intérêts supérieurs des citoyens canadiens… On parle peut-être d'un individu retors qui veut devenir citoyen canadien. Leur réponse est de dire : « Fichez-le dans un avion et renvoyez-le d'où il est venu ». Il y a une bonne façon de venir dans mon pays et une mauvaise façon de venir dans mon pays.
    Afin de respecter nos obligations internationales et nos obligations en tant que citoyens du monde, nous disons que, au cas où une erreur aurait été commise et que les agents qui représentent le gouvernement se seraient mal comportés, nous allons établir un processus permettant d'examiner le droit de cet individu de rester dans notre pays plutôt que de se faire ficher dehors, car c'est ainsi que je m'exprimerais si je ne cherchais pas à être poli.
    Je vous dis cela parce que le citoyen moyen entend tous ces différents arguments compliqués, et c'est à moi de retourner voir cette personne et de la convaincre que c'est la bonne décision. Et on va justement me répliquer que c'est un moyen, pour le secteur juridique, de créer une nouvelle couche administrative avec tous ces adjoints. D'ailleurs, je suis d'avis qu'un avocat a besoin d'aide pour traiter ces dossiers, parce que nous en voyons aussi dans nos bureaux.
    J'étais à la Chambre un peu plus tôt, et nous parlions de l'économie et des mères seules. L'argent que nous consacrons à cela ne pourra pas servir à aider nos propres citoyens qui sont nés ici.
    Dites-moi si nous avons le droit, en tant qu'État souverain, de décider qui sera citoyen canadien et qui ne le sera pas. Et quand vous aurez répondu à cette question-là, pourriez-vous également me dire comment les démocraties occidentales, comme la France et l'Allemagne, traitent ce genre de situations?
(1650)
    De façon générale, je dirais que la question que vous posez est excellente, parce que vous avez raison: c'est une question que se posent de nombreuses personnes, et parfois elles en parlent ouvertement, et parfois non.
    Dans ce contexte, une méthode qui pourrait vous intéresser consisterait à rappeler aux gens ce qui est arrivé quand nos grands-parents sont venus au Canada. Pour ma part, je suis d'origine italienne. En 1905, quand mon grand-père est arrivé au Canada pour travailler sur le chemin de fer, j'imagine que certains Canadiens, étant donné leurs opinions, n'étaient pas disposés à accueillir à bras ouverts les gens qui venaient s'installer au Canada. Le gouvernement canadien de l'époque, et la population canadienne en général, voulaient agir correctement, c'est-à-dire qu'ils voulaient créer un pays respectueux où tous seraient bien accueillis dans des conditions appropriées.
    Donc, si vous électeurs vous posent de telles questions, vous pourriez peut-être leur dire de songer à leurs propres antécédents familiaux: les Ukrainiens qui sont venus s'installer en Saskatchewan, les Italiens qui se sont établis à Thunder Bay, etc. Nous avons de nombreux exemples au Canada de mesures qui allaient trop loin dans l'autre sens et qui n'ont finalement aidé personne.
    Oui, j'en suis conscient. En 1865, mes ancêtres ont quitté la région de Kashub en Pologne pour s'installer ici.
    Quoi qu'il en soit, nous ne parlons pas de l'immigrant moyen; nous parlons de quelqu'un qui, d'après l'État, n'est pas venu au Canada par la filière légale de l'immigration ou, il l'a peut-être fait mais comme il y a plusieurs centaines de milliers de personnes qui arrivent chaque année… Tout d'un coup nous découvrons quelque chose au sujet de cet individu qui suscite dans notre esprit, non pas un léger doute, mais de très graves doutes.
    Il pourrait s'agir d'une personne qui est entrée au Canada subrepticement. Et nous ne parlons pas de terroristes. Il pourrait s'agir de membres de groupes criminels organisés ou d'agents secrets qui font de l'espionnage. Ils sont venus au Canada, mais pas dans un avion, et tout d'un coup, nous découvrons qu'ils sont présents sur notre territoire. Nous les écoutons et nous leur disons: « Eh bien, vous savez… ». Il est clair qu'ils nous diront qu'ils seront torturés s'ils retournent dans leur pays, parce qu'ils ne veulent pas y retourner.
    Je ne parle pas de vos ancêtres qui sont venus s'établir au Canada. Ces derniers se sont adressés au consulat ou à l'ambassade, ils ont rempli tous les formulaires nécessaires, et ils sont venus au Canada. Ça, c'est la situation moyenne. Comme le disait M. Cullen, nous parlons d'environ 28 personnes sur une période de 30 ou 40 ans. Or nous devrons consacrer énormément de ressources afin de nous assurer que…
    Comme je l'ai déjà dit, et cela me ramène à ce que j'ai mentionné au départ, je comprends le concept, mais il n'est pas aussi facile à expliquer que vous le dites. Les membres de votre famille sont sans doute passés par la bonne filière: la filière de l'immigration. Pour moi, nous parlons ici d'autre chose.
(1655)
    Je voudrais compléter la réponse de M. Milani en vous disant que nous ne parlons pas — et je précise que je voudrais surtout traiter la question du processus, et non pas celle des ressources — de l'incapacité d'un gouvernement ou d'un État souverain de décider qui devrait être admis au pays; nous parlons de procédures qui respectent la primauté du droit, afin que ces décisions puissent être prises correctement dans des conditions difficiles.
    En fait, le Canada a le droit de prendre cette décision. Nous préconisons simplement qu'elle soit prise par suite de l'application régulière de la loi et en compromettant le moins possible les fondements essentiels de notre système judiciaire, dont nous avons de bonnes raisons d'être fiers. Si nous nous en écartons trop, notre réputation en subira les contrecoups de même que la confiance des citoyens dans notre système judiciaire, qui fait des erreurs par moment, comme l'a dit un de mes collègues du Québec, même lors de l'application régulière de la loi.
    Nous devrions nous fixer comme objectif de minimiser de telles erreurs. Ces dernières peuvent avoir des conséquences terribles, et cela peut n'arriver qu'à l'occasion, mais qui d'entre nous accepterait volontiers d'être responsable du déni du droit à l'application régulière de la loi?
    Nous avons dépassé le temps prévu, mais je vous donne la parole pour faire une brève réponse.

[Français]

    Pour répondre parfaitement à la question que vous soulevez, il faudrait remonter à 1982, alors qu'on a mis en vigueur un certain document qu'on appelle la Loi constitutionnelle de 1982, qui incorporait la Charte canadienne des droits et libertés. La réponse est là: « chacun »; « everyone », en anglais. Cela s'adresse à toute personne qui est sur le territoire canadien.
    On ne peut pas avoir différents régimes juridiques pour les gens qui sont sur le territoire. Il y a un régime juridique, et si on veut exclure des gens, qu'on les exclue nommément. Qu'on dise que ces gens-là n'ont plus droit aux protections, aux garanties constitutionnelles. Qu'on dise officiellement, à la face du monde, que le Canada refusera un certain nombre de garanties à des gens. Il ne faut pas jouer à l'autruche. Ou bien ce document est bon, ou bien il ne l'est pas. Il existe depuis 1982 et je crois qu'il a une certaine force qui, malheureusement, est contraignante.

[Traduction]

    J'aimerais mentionner rapidement que vous pourriez peut-être rassurer vos électeurs en leur permettant de se rendre compte que notre Loi sur l'immigration prévoit diverses dispositions nous permettant de nous débarrasser d'individus que nous ne voulons pas garder sur notre territoire.
    Il est possible d'être déclaré inadmissible pour plusieurs motifs — des antécédents criminels mineurs, des antécédents criminels graves, des raisons médicales, ou si vous avez fourni de faux renseignements pendant les formalités qui ont précédé votre arrivée au Canada. Tous ces motifs peuvent être invoqués pour vous expulser du Canada. Donc, notre loi fournit de très bons outils à cet égard. Ne vous en faites pas: nos agents s'en servent tous les jours. Beaucoup de gens se font refuser l'admission au Canada lorsqu'ils arrivent ici de l'étranger, à la frontière ou à l'aéroport. On les renvoie chez eux parce que nous découvrons quelque chose au sujet de leur passé que nous n'aimons pas et nous préférons alors ne pas les laisser entrer au Canada.
    Il y a aussi des gens qui n'arrivent même pas à monter dans l'avion, en raison de leurs antécédents criminels. Nous protégeons le pays et nous avons recours à une vaste gamme de ressources pour le faire.
    La situation précise dont nous parlons aujourd'hui dans le contexte du projet de loi C-3 est une situation où nous ne voulons pas révéler tous les éléments de preuve que nous avons contre de tels individus parce que, pour diverses raisons, nous voulons que ces renseignements demeurent secrets. C'est là qu'il devient plus difficile de respecter les exigences de la Charte qui garantit à l'intéressé le droit à une audition impartiale, qui est l'une des valeurs fondamentales dont on parlait tout à l'heure. Nous ne sommes pas disposés à laisser tomber cette valeur. Voilà essentiellement le message de la collectivité juridique.
    Malgré le coût et malgré les efforts que cela suppose, c'est une valeur qui est chérie par les Canadiens parce que ce régime s'applique à eux, à leurs voisins, à leurs filles et à leurs fils. Nous ne sommes pas prêts à abandonner ce principe, malgré les mécanismes particuliers qu'il nous oblige à établir.
(1700)

[Français]

    Si vous me le permettez, je prendrai deux minutes.
    Ce que vous pourriez dire à vos électeurs, monsieur le député — et je ne crois pas qu'un seul être humain au Canada ne comprenne pas ce langage —, c'est ce que la Cour suprême a dit dans l'affaire Oakes qui a eu lieu peu après l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés. Vous le retrouverez d'ailleurs dans ce rapport du groupe de travail qui vous a été fourni. On y parle de la présomption d'innocence en droit criminel mais, selon moi, les mêmes réflexions s'appliquent par analogie à une situation comme celle des attestations de certificat de sécurité :
Un individu accusé d'avoir commis une infraction criminelle s'expose à de lourdes conséquences sociales et personnelles, y compris la possibilité de privation de sa liberté physique, l'opprobre et l'ostracisme de la collectivité, ainsi que d'autres préjudices [...]

[Traduction]

    Excusez-moi; veuillez ralentir.

[Français]

    Je ne voulais pas prendre trop de temps. Je vais y aller doucement.
    Je recommence très lentement parce que, effectivement, c'est magnifique. À mon humble avis, cela devrait gagner votre adhésion.
La présomption d'innocence a pour effet de sauvegarder la liberté fondamentale et la dignité humaine de toute personne que l'État accuse d'une conduite criminelle. Un individu accusé d'avoir commis une infraction criminelle s'expose à de lourdes conséquences sociales et personnelles, y compris la possibilité de privation de sa liberté physique, l'opprobre et l'ostracisme de la collectivité, ainsi que d'autres préjudices sociaux, psychologiques et économiques. Vu la gravité de ces conséquences, la présomption d'innocence revêt une importance capitale. Elle garantit qu'un accusé est innocent tant que l'État n'a pas prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Voilà qui est essentiel dans une société qui prône l'équité et la justice sociale. La présomption d'innocence confirme notre foi en l'humanité; elle est l'expression de notre croyance que, jusqu'à preuve contraire, [hors de tout doute raisonnable,] les gens sont honnêtes et respectueux des lois.
    Cela s'applique par analogie à une situation qui est certainement beaucoup plus susceptible d'entraîner des conséquences désastreuses pour une personne à qui on veut donner la réputation d'un danger pour la sécurité nationale, alors que même pour le plus vulgaire vol à l'étalage, cette présomption d'innocence, qui est l'émanation de notre concept de dignité humaine, exigerait une preuve hors de tout doute raisonnable. C'est vous dire à quel point nous sommes profondément convaincus, comme juristes, que ce gouvernement, cette assemblée législative, pourrait trouver une manière de faire que le fardeau de la preuve soit élevé au niveau de principes qui sont au moins aussi évocateurs que ceux de la preuve hors de tout doute raisonnable.

[Traduction]

    Très bien.
    Vous avez largement dépassé votre temps. On aurait dû vous donner un tour de sept minutes.
    Madame Brown, vous avez la parole.
    Je ne voulais pas couper la parole aux témoins.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois dire que je suis d'accord avec la plupart des observations faites par nos témoins, à la fois ce matin et cet après-midi. Je suis ravie de vous accueillir au comité, parce que vous confirmez les doutes que suscite ce projet de loi du point de vue de sa constitutionnalité. Je suis d'accord avec bon nombre des explications détaillées que vous nous avez fournies.
    Par contre, je dois dire que je suis surprise de voir que l'Association du Barreau canadien parle à maintes reprises, dans son texte, de « preuve », alors que nous parlons d'une procédure administrative qui n'est pas liée au Code criminel et qui n'exige pas que les normes de preuve prévues par la Loi sur la preuve soit respectées.
    On nous a fait savoir ce matin que la prétendue preuve qui est produite correspond souvent à une série de rapports narratifs rédigés par différentes personnes dont on prépare le résumé par la suite, ou plutôt un ensemble comportant des extraits sélectionnés par le rédacteur, et dont le reste a été supprimé. C'est un peu comme si toute une série de rédacteurs avaient préparé le document. Supposons qu'un agent, à Damas, écrit quelque chose sur un individu, que ceci soit transmis à quelqu'un d'autre, et qu'ensuite, un agent à Paris écrit autre chose, et un agent en Arabie saoudite y ajoute autre chose, etc. D'après ce qu'on nous a dit, il s'agit en réalité d'une série de petits rapports.
    En conséquence, plutôt que de parler de « preuve », qui ajoute foi à tout le processus, et qui fait croire aux Canadiens qu'on parle peut-être de quelque chose de substantiel, alors que ce n'est peut-être pas le cas, il serait préférable, me semble-t-il, de parler plutôt du « narratif concernant l'intéressé » ou « les rapports au sujet de l'intéressé », ou quelque chose du genre, étant donné que le terme « preuve » a une certaine connotation au Canada.
    Êtes-vous d'accord avec moi, monsieur Dongier?
(1705)
    Quand nous parlons de « preuve » dans notre mémoire, nous ne parlons aucunement du résumé proprement dit. Nous parlons plutôt… Il peut s'agir de deux documents, de témoignages ou d'autres types d'information que le SCRS aurait pu obtenir dans le cadre de son enquête, avant de conclure que l'intéressé participe à des actes terroristes.
    D'après ce qu'on nous a dit, il s'agit moins de documents que de rapports ou de notes rédigés par des agents à l'étranger.
    Vous savez, il peut s'agir de toutes sortes de choses.
    Il peut y avoir des rapports qui ont été préparés par des agents à l'étranger qui ont mené une enquête ou ont rencontré certains témoins. Il y a une vaste gamme d'éléments de preuve différents dont il peut être question.
    Il arrive aussi qu'une source d'information très éloignée fournisse…
    Justement, et dans ce même ordre d'idées, que pensez-vous de la possibilité — et là je parle des ressources auxquelles auraient accès les défenseurs — de prévoir, pas nécessairement du personnel à plein temps, mais au moins la capacité de payer et d'obtenir ce que je qualifierais de renseignements géopolitiques sur le pays où les événements en question se sont déroulés ou dans des cas où les rapports, le narratif ou les notes ont été rédigés par un agent qui peut ne pas être un agent canadien?
    S'agissant de vos desiderata et des besoins du défenseur ou de ce groupe de défenseurs dont vous avez fait état, il me semble que le défenseur aura besoin de bien plus d'un avocat et d'une secrétaire pour l'aider à s'acquitter de ses responsabilités. Il me semble qu'il devra pouvoir faire appel à des experts dans toutes sortes de domaines différents. Il pourrait avoir besoin de consulter des experts financiers, par exemple, parce qu'il ne s'agira pas toujours de terrorisme nécessairement.
    Tout à fait.
    Il peut être question de transactions financières irrégulières, mais dans un contexte international.
    Oui, selon les faits ou la notoriété du cas particulier, dans certains cas, il va certainement falloir mener beaucoup de recherches sur diverses questions.
    Oui.
    Très bien. J'ai une autre question à vous poser concernant les détentions qui durent trop longtemps. C'est un peu grotesque, de la part du gouvernement, de déclarer qu'il va expulser quelqu'un, alors qu'il sait très bien qu'il ne va pas l'expulser parce qu'on pratique la peine de mort ou la torture dans le pays en question.
    À votre avis, pendant combien de temps le gouvernement devrait-il pouvoir jouer ce petit jeu sans déposer des accusations en vertu du Code criminel ou libérer l'intéressé? Il y a une personne qui est en détention depuis sept ans et demi. Est-ce trop long, en ce qui vous concerne? Le délai devrait-il être plus court? Devrions-nous fixer une limite de quatre ans pour ce genre de détention?
    À mon avis, il n'y a pas de chiffre magique qu'on pourrait vous proposer comme référence.
    Nous avons recommandé que, lorsqu'il a été établi qu'il est impossible d'expulser l'intéressé — ou de le renvoyer dans son pays — pour diverses raisons, il ne faut pas simplement se contenter de dire qu'on va le garder encore un an ou deux en prison ou alors ne plus le garder en prison. À ce moment-là, une fois qu'on a établi que l'intéressé ne peut pas être expulsé, il faut le traiter différemment. À ce moment-là, il faut lui appliquer le Code criminel en bonne et due forme.
(1710)
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Très bien.
    Monsieur Dosanjh, je vous permets de poser une brève question. M. Dosanjh est le dernier sur ma liste.
    Merci.
    Ce n'est pas vraiment une question — enfin, peut-être.
    J'ai été frappé par la question ou l'observation de M. Norlock, de même que par les réponses éloquentes que lui ont données Mme Wilson et d'autres.
    Le problème que présente parfois ce genre de situation est justement celui dont parlait M. Norlock, et si ce problème existe, c'est parce que certains Canadiens croient que si vous n'êtes pas citoyen, ou si vous êtes résident permanent ou ressortissant étranger, vous devriez être traité moins équitablement s'il est question de vous expulser du pays ou de vous imposer certaines restrictions. C'est un sentiment inexprimé; mais, dans ce contexte, il est présent, juste au-dessous de la surface. Il pourrait s'agir d'un membre de ma famille, ou il pourrait s'agir d'un cousin éloigné d'il y a 200 ans, monsieur Norlock; ça pourrait être n'importe qui.
    Pour moi, il s'agit de se mettre à la place de l'intéressé et de se demander ce dont on aurait voulu bénéficier comme protection si on avait été accusé injustement, car il faut toujours supposer que l'individu est innocent tant que nous n'avons pas prouvé sa culpabilité — non pas hors de tout doute raisonnable, évidemment, mais une certaine culpabilité.
    Dans ce sens-là, je voulais dire que, en tant qu'immigrant, je suis peut-être plus sensible à ces enjeux que ne le seraient mes fils, puisqu'ils sont nés et ont grandi ici.
    Je tenais donc à vous rappeler les enjeux difficiles qui sous-tendent cette question, et je tiens également à remercier tous nos témoins pour leur excellente contribution à nos travaux.
    Merci.
    Je tiens, moi aussi, à vous remercier.
    Il n'y a plus personne sur la liste d'intervenants. Avant de lever la séance, je tiens à faire remarquer aux membres du comité que nous avons convenu d'entendre nos principaux témoins cette semaine, pour que vous puissiez rédiger vos amendements. Si vous avez des amendements à proposer, veuillez les remettre le plus tôt possible au greffier, pour que nous procédions à l'étude article par article jeudi prochain.
    Madame Priddy.
    Merci, monsieur le président.
    Nous serons donc prêts à entamer l'étude article par article jeudi prochain.
    Je vois la liste que vous avez fournie à Mme Barnes avec le nom des gens qui ont demandé à témoigner et qui n'ont pas pu…
    Vous n'avez pas reçu de liste? Les copies sont là. Elles sont à votre disposition.
    J'ai emprunté celle de Mme Barnes; donc, ça va. Je l'ai déjà vue.
    Vous pouvez avoir votre propre copie.
    Je ne le savais pas.
    Je vois sur la liste le nom de gens que je ne connais pas du tout, mais il y a évidemment des noms d'organismes qui me sont connus. J'aimerais que les autres membres du comité — et j'en ai déjà discuté avec certaines personnes — me disent s'ils sont prêts à prévoir plus de temps pour entendre d'autres témoins dont le nom figure sur cette liste, puisqu'il s'agit de gens qui travaillent dans ce domaine depuis fort longtemps.
    Je suis peut-être la seule.
    Madame Priddy, je sais que vous êtes un nouveau membre du comité…
    Oui, je le sais.
    … mais beaucoup de personnes dont le nom figure sur cette liste ont déjà témoigné.
    Oui, je le sais aussi.
    Ce n'est pas la première série d'audiences, et c'est peut-être pour cette raison que d'autres membres ne souhaitent pas ajouter d'autres réunions. Je vous dis cela pour votre gouverne seulement.
    Oui, je le sais. Je sais que certaines personnes ont déjà témoigné devant le comité.
    Et vous pouvez toujours consulter le compte rendu, si vous le souhaitez.
    Non, non. J'ai déjà le compte rendu; merci beaucoup. Mais, étant donné qu'ils ont demandé à être entendus une deuxième fois sur le projet de loi C-3, parce qu'il est différent par rapport à ce qui avait été proposé… Vous savez, nous en sommes maintenant à une nouvelle d'audiences ou, si vous préférez, de réunions.
    Étant donné qu'aucun membre du Parti libéral, du Bloc québécois ou du Parti conservateur ne semble partager mon intérêt, je vais supposer que je suis la seule à vouloir le faire.
    Encore une fois, j'aimerais remercier nos témoins. Merci infiniment de votre présence. Je pense que vous avez eu toute la latitude pour expliquer vos positions, et nous vous sommes reconnaissants d'être venus témoigner.
    La séance est…
(1715)
    Je voudrais demander quelque chose à notre personnel de recherche.
    Nous avons reçu aujourd'hui cinq groupes de juristes — des groupes qui sont tout à fait au courant des détails de cette mesure — et quatre d'entre eux nous ont fait savoir qu'à leur avis, le projet de loi, tel qu'il est actuellement rédigé, risque d'être jugé inconstitutionnel. En fait, la personne la plus expérimentée à travailler dans ce domaine nous a dit qu'elle est au courant d'au moins trois groupes qui contesteront la constitutionnalité de cette mesure devant les tribunaux, et peut-être même devant la Cour suprême, si ce projet de loi est adoptée dans sa forme actuelle.
    Je suis au Parlement depuis 13 ans, mais je n'ai jamais entendu un témoin nous dire une telle chose à une réunion de comité — à savoir que le projet de loi est à ce point mauvais ou a tellement de défauts — tout n'est pas mauvais, mais il a certainement des défauts — qu'il faut le corriger pour éviter au gouvernement une contestation judiciaire liée à la Charte.
    Je voudrais donc demander à nos attachés de recherche d'essayer de savoir la dernière fois qu'un gouvernement — pas forcément celui-ci, mais n'importe quel gouvernement du Canada — a dû se défendre contre une contestation judiciaire devant les tribunaux à tous les paliers, et combien tout cela a pu coûter. Nous devrions pouvoir obtenir cette information du ministère des Finances.
    Madame Brown, sauf votre respect, c'est le genre de travail de recherche que vous devrez faire vous-même. Il n'appartient pas à nos attachés de recherche de faire cela.
    Nous sommes bien le Comité de la sécurité publique.
    Oui, et vous en êtes membre.
    Ma demande est liée à la justice et aux tribunaux. Je ne vois pas pourquoi nos attachés de recherche ne pourraient pas nous obtenir ce renseignement.
    Monsieur MacKenzie, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?
    Si ce projet de loi a été déposé, c'est justement parce que certaines personnes ont contesté la légitimité de la loi et que la Cour suprême a rendu un jugement sur la question. Si j'ai bien compris, cette loi a évolué entre 1979 et la semaine dernière.
    À mon avis, votre demande pourrait viser à peu près n'importe quelle affaire qui concernait une contestation judiciaire liée à la Charte et qui est passée devant la Cour suprême. Il me semble que la tâche serait considérable.
    Je ne veux pas des renseignements sur 25 affaires différentes; ne serait-il pas possible de savoir ce que le gouvernement a dû supporter comme dépense la dernière fois pour défendre cette loi face à une contestation judiciaire invoquant la Charte, parce que si nous examinons le projet de loi qui a été déposé, c'est parce que l'autre loi a été jugée inconstitutionnelle par la Cour suprême, n'est-ce pas?
    Et c'est pour cela que nous avons la Cour suprême.
    Je me permets d'interrompre pour indiquer que la séance a été levée, si bien que les témoins peuvent maintenant nous quitter, s'ils le désirent.
    J'avais levé la main avant…
    Madame Barnes.
    Je pense que nous avions toutes les deux levé la main.
    Je voulais dire que je suis tout à fait disposée à siéger mardi matin, comme nous l'avons fait aujourd'hui — s'il est possible de contacter un certain nombre de ces témoins — pour qu'on en entende d'autres. Si j'ai bien compris, nous n'étions pas au courant de ces autres groupes au moment d'établir notre liste des témoins.
    Eh bien, nous convoquerons une autre réunion pour discuter des travaux futurs du comité. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous n'avez rien dit quand Mme Priddy…
    Si, mais vous ne m'avez pas vue.
    Je ne vous ai certainement pas vue, pas plus que Mme Priddy — alors qu'elle cherchait le soutien des membres.
    Vous pensez que je vous mens, monsieur le président?
    Madame Brown.
    Si j'ai soulevé la question, c'est parce que nous avons la responsabilité de savoir, me semble-t-il, combien cela pourrait coûter si un de ces groupes décidait de contester la constitutionnalité de cette mesure législative. Il est probable que certains de ces groupes aient eu gain de cause la dernière fois et que c'est pour cette raison que toute la Loi a dû être révisée. Si nous sommes en mesure de prédire qu'ils vont refaire la même chose, cela influencera certainement notre étude des amendements qui pourraient être déposés, car je suis convaincue que certains amendements traduiront les propositions qui ont été faites par ces mêmes personnes.
    En tant que parti politique, vous avez votre propre personnel de recherche. Je ne pense pas qu'il soit juste de demander à nos attachés de recherche de faire ce travail, à moins que le comité ne décide de leur donner cette instruction, et pour cela, il faudrait convoquer une réunion spéciale. Je ne pense pas…
    D'accord.
    Peut-être pourrions-nous poser la question aux attachés de recherche; ce n'est peut-être pas une tâche aussi lourde que vous semblez le croire. Vous n'êtes pas attaché de recherche, et moi non plus. Essayons simplement de savoir ce qui est arrivé la dernière fois que…
    Chaque fois que nous essayons de savoir combien a coûté une action en justice, nous avons beaucoup, beaucoup de mal, parce que les coûts ne sont pas nécessairement calculés d'une manière qui nous permet de vous les fournir sous une forme simple. Rappelez-vous que nous parlons de trois affaires. Or il y a eu de nombreuses procédures devant la Cour d'appel fédérale et aussi devant la Cour suprême du Canada.
    À mon avis, il serait à peu près impossible — même si nous pouvons toujours essayer — d'obtenir une réponse à votre question avant jeudi prochain; le moyen le plus simple d'obtenir ce renseignement consisterait à inscrire une question au Feuilleton adressée au ministre de la Justice ou au ministère de la Justice, et on vous fournira la réponse dans un délai de 45 jours, si c'est bien ça le délai prévu.
    Je sais que nous avons déjà essayé par le passé de connaître le coût d'une action en justice qui intéressait le Service correctionnel, par exemple. Dans un cas, cela nous a pris six ou huit mois, et nous n'avons toujours pas obtenu une réponse complète.
(1720)
    Merci.
    C'est donc ça la réalité; je ne le savais pas.
    Ce n'est pas le véhicule approprié. J'ai tout simplement l'impression que…
    Ils n'étaient pas d'accord avec vous pour dire que ce n'était pas le véhicule approprié; ils ont simplement expliqué la réalité de la situation actuelle, à savoir qu'il est impossible d'obtenir cette information, qui est un fait intéressant en soi, monsieur le président.
    La séance est levée.